mardi 30 septembre 2014

Cinéma : « Elle l'adore » sans aucune limite

Sandrine Kiberlain, interprète d'une fan prête à tout pour son idole, rayonne dans le premier film de Jeanne Herry, vrai polar aux faux airs de comédie.


Étrange monde que celui des fans. Essentiellement des femmes déconnectées du réel, ne vivant que par et pour le chanteur ou l'acteur qu'elles idolâtrent. Jeanne Herry, la réalisatrice de « Elle l'adore », film étrange et fascinant, en a certainement croisé dans sa jeunesse. Car sous ce nom se cache la fille de Julien Clerc et Miou Miou. Un chanteur et une comédienne qui ont du recevoir quantité de lettres d'admirateurs quand ils étaient au faîte de leur célébrité. Est-ce dans cette matière première que Jeanne Herry a trouvé l'idée de son premier long-métrage ? A moins que le véritable moteur du film soit le chanteur Vincent Lacroix (Laurent Lafitte) ressemblant tant au père de la réalisatrice...

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Muriel Bayen (Sandrine Kiberlain), la quarantaine fatiguée, esthéticienne, vit seule à Paris. Divorcée, elle n'a la garde de ses enfants (deux ados) que quelques week-ends. Muriel, depuis son enfance, est fan de Vincent Lacroix. Dans sa chambre d'enfant que l'on entrevoit à un moment, ses murs sont couverts de posters. Souvent, ces toquades sont passagères. La vie fait que les vrais gens supplantent toujours nos idoles car ils sont plus présents. Sauf pour Muriel qui consacre tous ses loisirs à Vincent. Elle collectionne les disques, les places de concerts et autres passes VIP qu'elle parvient à extirper à la sécurité à force de persévérance.
Depuis le temps, Vincent la connait. C'est sa fan numéro 1, la plus fidèle, mais pas envahissante. Le chanteur de charme, en pleine préparation de son prochain Olympia (presque une routine pour lui), se détend en jouant au poker chez lui avec des amis. Sa petite amie du moment n'apprécie guère. Grosse scène de jalousie devant les convives. Insultes, bris de glace. Une fois seuls, rebelote. Mais cette fois c'est plus violent. Et l'accident bête. Un lourd trophée fracasse la tête de l'amour du moment.

Convoyeuse
Vincent, paniqué, ne sait que faire. Toutes les apparences sont contre lui, sa carrière ne survivra pas à un tel scandale. Il va avoir l'idée tordue de demander de l'aide à Muriel, une personne en qui il a totalement confiance. Ou du moins qui le vénère tellement qu'elle devrait accepter de l'aider sans poser de questions. Il ne la met pas exactement dans la confidence. Il lui demande simplement de transporter un « colis » en Suisse où la sœur de Vincent a une petite entreprise de crémation d'animaux morts... La scène clé du film se déroule en pleine nuit. Vincent sonne chez Muriel. La fan n'en croit pas ses yeux. Son idole, chez elle. En observant sa réaction, on comprend que le personnage de Muriel, magistralement interprété par Sandrine Kiberlain, est beaucoup plus complexe qu'imaginé au début. Fan vient de fanatisme, un dérangement mental de plus en plus évident. Le film, engagé comme une simple comédie sociale, va s'orienter vers le polar pur et dur, avec enquête policière, garde à vue, interrogatoires, tension et coups de théâtre. Une scénario très alambiqué, à la hauteur de la mythomanie de Muriel, experte en histoires improbables.
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Sandrine Kiberlain au service de ses rôles

kiberlain, lafitte, elle l'adore, herryLongtemps, Sandrine Kiberlain est restée dans l'ombre. Une bonne actrice pour les seconds rôles, mais pas assez identifiable pour être vedette. La rousse filiforme, aux innombrables taches rousseurs prête plus à rire qu'à rêver. Elle accepte de jouer les fofolles avec un plaisir souvent non dissimulé. Cela donne des compositions brillantes dans « Tip Top » (une policière voyeuse et un peu naïve), « Pauline détective » (une journaliste spécialisée dans les faits-divers, tendance enquêtes à la Scoubidou) et surtout « 9 mois ferme » d'Albert Dupontel. Elle y incarne une juge d'instruction mise enceinte par un abominable délinquant. Sandrine Kiberlain explose dans un personnage en permanence au bord de la crise de nerfs. Une des rares actrices qui parvient à supporter la comparaison avec Dupontel, habitué lui aux excès en tous genres.
Dans « Elle l'adore », elle garde cet aspect un peu lunaire, mais parvient en quelques silences et regards troubles à faire deviner les profondes fractures de cette fan d'un chanteur de charme. Elle joue la folie, sans jamais se départir de son apparence de femme normale et consciente de ses faits et gestes. Une nouvelle palette à accrocher au vaste répertoire d'une comédienne pas toujours utilisée au maximum de ses possibilités qui sont immenses à en croire sa prestation dans le premier film de Jeanne Herry.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Défilé de tatouages

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Grosse animation hier dans mon village. Le vide-greniers annuel a transformé l'artère principale en vaste zone commerciale piétonne. Comme chaque année, j'en profite pour louer l'emplacement devant chez moi, installer quatre tréteaux et vendre livres et autres babioles. Passé l'enthousiasme des premières heures (90 % des ventes en début de matinée), il faut reconnaître qu'un vide-greniers c'est long. Très long…
Alors, bloqués derrière notre stand, mon épouse et moi scrutons les badauds. Démarche, tenue vestimentaire, âge, coiffure sont détaillés et commentés… Parmi ce petit échantillon de la vaste Humanité, les tatoués sont de plus en plus nombreux.
Hier matin, nous avons eu droit à un diablotin coloré beaucoup plus souriant que son propriétaire. Une dame laisse deviner sur un bras les ailes d'une chauve-souris. Un vieux socialiste arbore une rose sur son biceps fripé. Sans doute le souvenir d'une époque plus florissante pour la gauche. Celui-ci est couvert de la tête aux pieds. Impossible d'établir l'inventaire complet : un Indien sur son cheval saute aux yeux, puis une rose des vents sur l'avant-bras et une grosse araignée velue sur la main.
Côté bestiaire, les femmes sont plutôt dauphins, les hommes aigles. Lui porte un tigre sur le bras. Ou un chien ? Pas vraiment évident. Le tatouage est surchargé, comme si on avait redessiné sur un premier motif pour le faire disparaître.
Enfin, dans l'idéogramme chinois qu'exhibe ce cinquantenaire, je vois du mystère et du romantisme. Mais si ça se trouve, le tatoueur a seulement traduit en mandarin "Arlette pour la vie"…

lundi 29 septembre 2014

BD : Ténébreuses années 40 avec "l'Insurrection" et "La chute d'un ange"

La Pologne comme la France ont mis du temps à se relever du traumatisme de la seconde guerre mondiale. Deux albums parus cette semaine reviennent sur l'ambiance particulière des ces années 40, entre guerre, libération et épuration.
insurrection, chute ange, sowa, gawron, Mako, Daeninckx, dupuis, casterman« L'insurrection » a pour cadre la ville de Varsovie. En ce printemps 1944, les Allemands sont encore les maîtres du pays. La Résistance multiplie les actions d'éclat. Les rumeurs de débarquement la pousse à vouloir accélérer les événements. L'insurrection contre l'occupant se prépare. Pour mieux comprendre le contexte politique et historique, Sowa, la scénariste, s'attache à la vie d'une famille. Alicja a repris le flambeau de son frère Jan, tué dans un accrochage avec les nazis. Son fiancé, Edward, n'ose pas s'engager. Il préfèrerait, naïvement, que la guerre n'interfère pas dans son quotidien. Mais comment ne pas réagir quand l'oppresseur a tous les droits ? Mis en images par Gawron, cette prise de conscience suivie d'une prise de risque rend hommage à ces Polonais, oubliés de l'Histoire.
insurrection, chute ange, sowa, gawron, Mako, Daeninckx, dupuis, casterman« La chute d'un ange », album écrit par Daeninckx et dessiné par Mako a également pour cadre les années 40. En France cette fois alors que le pays redécouvre la liberté. Une double enquête policière (la mort d'un orphelin et l'assassinat d'un patron de presse) est menée par le commissaire principal Pasquet. Entre fantômes de l'occupation, scandales d'état et magouilles au plus haut niveau, la France décrite par les auteurs est peu reluisante. Pourtant ce sont ces hommes et ces femmes qui ont repris le pays à la Libération et qui l'ont façonné. Un regard critique et sans concession tout à fait dans la lignée des précédentes productions d'un duo devenu incontournable dans la BD noire française.
« L'insurrection » (tome 1), Dupuis, 15,50 euros

« La chute d'un ange », Casterman, 15 euros

dimanche 28 septembre 2014

BD : plongée dans le passé de l'Égypte ancienne

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Imaginez, vous allez en cours, bercé par les cahots du métro. Vous vous endormez d'un œil. Et quand vous vous réveillez, vous êtes à bord d'un bateau grec qui fait route vers l'Égypte. Pas un paquebot de croisière. Une vieille barcasse qui avance à la rame. C'est l'incroyable aventure qui arrive à Oscar Rimbaud, étudiant en médecine. Quand il reprend ses esprits, tout le monde à bord l'appelle Odyxes et il est... capitaine. Arleston, après avoir beaucoup exploré l'heroic fantasy (Lanfeust, Trolls...) se tourne vers un fantastique historique plus classique, teinté de voyage temporel. Une fois le choc passé, Oscar-Odyxes accepte sa nouvelle réalité et avant de chercher un moyen pour réintégrer son époque va se démener pour survivre. Heureusement ses connaissances médicales et scientifiques sont un atout non négligeable dans cette Égypte ancienne. Au dessin, Stephen Lejeune est aussi à l'aise sur les quelques planches se déroulant durant notre époque que sur celles, plus nombreuses, se déroulant dans le passé.

« Odyxes » (tome 1), Soleil, 13,95 €

samedi 27 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Koh-Lanta à nu

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Particulièrement culottés les dirigeants de TF1. Après la mort d'un candidat de Koh-Lanta en 2012, j'étais persuadé que jamais ils n'oseraient remettre des aventuriers sur une île déserte. D'autant que le médecin de l'émission s'était suicidé dans la foulée. Enfin un peu d'éthique pour la chaîne du "mieux-disant culturel".
Elle n'a pas duré longtemps. Moins de deux ans plus tard Denis Brogniart est de retour à l'antenne et chaque vendredi, des millions de Français en mal d'exotisme se délectent des épreuves de confort et autres jeux où tactique, force et intelligence comptent pour du beurre à côté des sentences des conseils, le lieu de tous les défouloirs et de toutes les traîtrises. Éthique ? Et toc !
Je ne regarde plus Koh-Lanta. J'avoue avoir été assez fan de l'émission à ses débuts. Mon regard a changé quand j'ai compris que tout était scénarisé à l'avance. Et puis j'ai définitivement craqué lorsqu'un candidat, en Nouvelle-Calédonie, a failli égorger une chèvre qu'il avait capturée.
Par contre je me laisserai peut-être tenter par le nouveau concept acheté par Canal + pour D17, une de ses chaînes en clair. Comme pour Koh-Lanta, tout se passe sur une île déserte avec des candidats laissés seuls pour survivre. Avec un détail qui fait toute la différence : ils sont nus comme des vers. En réalité, "Adam looking for Eve" (Adam cherche son Ève) s'apparente plus à un "Tournez manège" naturiste qu'à un jeu de survie. Au moins, pas de mauvaise surprise pour les candidates : d'entrée elles peuvent juger… sur pièce.
En bonus, un extrait de l'émission néerlandaise :

vendredi 26 septembre 2014

Cinéma : « Leviathan » ou la Russie crépusculaire


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Si la Russie a gagné quelques libertés individuelles en rejetant le communisme, les féodalismes locaux ont la vie dure.


En compétition au dernier Festival de Cannes, « Léviathan » d'Andreï Zviaguintsev a remporté la palme du scénario. L'histoire, simple et noire à souhait, permet de décrire la situation réelle de ce pays, débarrassé de la dictature communiste mais pas des petites féodalités. Le personnage principal, Kolia (Alexeï Serebriakov), ancien parachutiste, s'est retiré dans une petite ville du grand nord, au bord de la mer de Barents, pour y exploiter un garage accolé à la maison familiale depuis quatre générations. Il y vit en compagnie de son fils Roma, adolescent en pleine période de rébellion, et Livia (Elena Liadova), sa jeune et nouvelle épouse. Il aurait tout pour être heureux si le maire (Roman Madianov) n'avait pas décidé de construire à l'emplacement de sa maison un centre de télécommunications.
Après avoir tenté de trouver un arrangement avec Kolia, il passe à la manière forte. Expropriation et indemnités ridicules. Acculé, Kolia se souvient d'un collègue d'armée devenu depuis avocat à Moscou. Dmitri vient passer quelques jours chez son ami avec de nouveaux atouts dans sa manche. La police et la justice locales étant totalement inféodées au maire - caricature d'un Eltsine (pour son alcoolisme et ses rondeurs) mâtiné de la morgue d'un Poutine et de la violence d'un Staline - Dmitri va devoir aller chercher des appuis très haut pour tenter de faire plier l'élu.

Le faible et le fort
Le film, lent et parfois contemplatif, se découpe en plusieurs longues séquences. Elles peuvent présenter la nature sauvage et déserte de cette partie de la Russie, ou les rapports compliqués entre les habitants du cru, tous très portés sur la vodka, alcool qui coule à flot et en permanence. Kolia boit beaucoup. Et devient rapidement violent. Le maire, toujours accompagné de plusieurs nervis, n'est pas en reste. Cela donne cette scène surréaliste où il vient, en pleine nuit, menacer Kolia devant femme et enfant. Toute la noirceur de ce pays, offert aux affairistes et aux mafias locales est résumée dans cet affrontement du faible contre le fort.
Pourtant on y croit à un moment. Dmitri, en plus du soutien d'un homme qui fait trembler rien qu'à l'évocation de son nom, a un dossier circonstancié sur les horreurs commises par le maire.
Un chantage à la vérité qui tourne court. La Russie décrite par Andreï Zviaguintsev a tout de la république bananière ou du comté moyenâgeux. Il n'y fait pas bon vivre avec l'espoir d'une once de liberté. Par contre, on y meurt facilement. Une œuvre forte, à la narration maîtrisée et aux images soignées. Les acteurs sont tous excellents avec cependant une mention spéciale à Elena Liadova, faible et fragile dans cet univers d'hommes rudes et Roman Madianov, archétype de l'homme corrompu par le pouvoir, aussi infime soit-il.

DE CHOSES ET D'AUTRES : "Mon P'tit Quinquin" de Dumont du Nord

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"P'tit Quinquin" c'est mon rayon de soleil de la rentrée. La série en quatre épisodes de Bruno Dumont diffusée sur Arte depuis la semaine dernière, est un régal. Présenté en mai dernier au festival de Cannes, ce feuilleton policier avait fait l'unanimité : original, drôle, intelligent et hors normes. Du Dumont pur jus. Mais en plus simple et surtout moins sombre. Le réalisateur de "L'Humanité", film primé en 1999, a planté ses caméras dans ce Nord typique qu'il connaît si bien.

Une ville côtière où les autorités découvrent plusieurs cadavres de vaches. Et en procédant à l'autopsie des bêtes, le vétérinaire tombe sur d'autres cadavres, humains cette fois et en petits morceaux. L'enquête est confiée au commandant Van der Weyden et son adjoint le lieutenant Carpentier. Voilà sans doute les plus improbables gendarmes campés à la télévision. De ceux capables de rater l'arrivée de trois jihadistes de retour de vacances en Turquie...
Le premier, sourcils broussailleux et gâchette facile, a plus de tics faciaux que Nicolas Sarkozy et Vincent Lindon réunis... Sans oublier une façon bien à lui de dramatiser à outrance : "Carpentier, on est au cœur du mal !". Le lieutenant, lui, se contente de conduire la voiture. Vite et mal. Dans leur quête du meurtrier des "bêtes humaines", ils croisent la route de P'tit Quinquin. Ce gamin du coin, nez cassé et oreilles décollées, a pour petite amie Eve, sa voisine aussi sage qu'il est dissipé.
Ne manquez pas  la suite de leurs aventures sur Arte, ils n'affrontent pas moins que "L'diable en perchonne".

jeudi 25 septembre 2014

DVD : De l'utilité des prisonniers dans "On the job"

Thriller philippin, « On the job » fait découvrir au spectateur les bas-fonds de Manille.
Le cinéma asiatique est trop souvent méconnu en Europe. Saluons donc la sortie en DVD chez Wild Side Vidéo de ce film philippin nerveux et violent. Réalisé par Erik Matti, « On the job » est tiré d'une histoire vraie. Dans ce pays où politique et corruption ont toujours fait bon ménage, un scandale a ébranlé la police quand la presse a révélé que des prisonniers étaient utilisés comme tueurs à gages. Tatang et Daniel (Joel Torre et Gerald Anderson) sont détenus depuis de longues années. Le premier est en train de former le second à ce métier non officiel. Régulièrement, ils sont exfiltrés du pénitencier et ont pour mission d'abattre un « ennemi ». La scène d'ouverture, en plein carnaval, est impressionnante. Tatang, sous la protection de Daniel, s'approche de la cible et l'abat de deux balles. Une dans la poitrine pour le faire tomber, une seconde dans la tête pour terminer le travail. Une fois le travail accompli, ils rentrent dans le rang, avec un beau pécule en poche.

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Ces règlements de compte, de plus en plus fréquents, poussent la police locale à mobiliser ses meilleurs éléments. L'enquête est confiée au sergent Acosta, un pur, incorruptible et tenace. Dès qu'il a une piste, l'affaire lui est retirée et confiée au FBI local, plus spécialement à Francis Coronel Junior. Jeune, beau, ambitieux, il est le gendre d'un homme politique influent. Entre les détenus tueurs et le duo de flics, une palpitante chasse à l'homme va s'engager, des ruelles sombres et étroites des bas-fonds de Manille aux couloirs d'un hôpital en passant par les beaux quartiers où la classe politique, alliée à l'armée et la mafia, manipule et corrompt au quotidien. Le film n'est pas uniquement d'action. Il dénonce aussi vivement la corruption qui gangrène le pays. De manière un peu naïve, mais finalement assez salutaire.

« On the job », Wild Side Vidéo, 14,99 euros.

mercredi 24 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : associations hétéroclites

alcool, livre, politique, film, cinéma
Au gré de mes pérégrinations sur le net, je tombe sur ce blog assez génial associant livres et alcools. Un lecteur averti publie une photo pour chaque livre lu. Par exemple, le remarquable roman "Ecrits fantômes" de David Mitchell (chez Points) est à savourer avec le goût d'une Torra, bière corse parfumée à l'arbouse. Certains livres vous percutent à tel point qu'ils ne nécessitent pas d'alcool. "La conjuration des imbéciles", chef d'œuvre de John Kennedy Toole, ne supporte que du jus de clémentine.
Ces idées d'associations sont déclinables à l'infini. Il suffit de choisir deux catégories suffisamment riches pour s'ouvrir de nouveaux horizons. Par exemple, cinéma et politique, un film et un politicien. Les choix pour François Hollande : "Les parapluies de Cherbourg" ou le guilleret "Chantons sous la pluie". Les racines ibériques de Manuel Valls le destinent naturellement à "Matador" de Pedro Aldomovar.
Dans l'opposition, vu la conjoncture, Nicolas Sarkozy me fait immédiatement penser, retour oblige, à ce film français des années 80 avec Jerry Lewis en vedette : "Par où t'es rentré, on t'a pas vu sortir ?". Alain Juppé s'accommoderait bien d'un film avec Schwarzenegger. Pas pour leurs musculatures, assez peu comparables, mais pour le côté "Je suis une star, terminés les seconds rôles".
Cécile Duflot, tant par son apparence que son caractère, ferait une remarquable "Hulk" française. Mais le mieux loti reste DSK. Il a droit à son propre film inspiré de ses démêlés judiciaires
En bonus, le bêtisier du film de Philippe Clair :

BD : Japon féodal


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Le Japon regorge de vieilles légendes fantastiques. Une source inépuisable pour des scénaristes européens un peu curieux. Morvan le premier a ouvert le chemin, Sylvain Runberg semble lui aussi tombé sous le charme du pays du soleil levant. Des Shinobis exactement. Ce sont des mercenaires, mi-hommes, mi-démons. Hideyoshi est l'un d'eux. Exactement ce sont ses trois enfants qui sillonnent la campagne, incognito, pour se vendre aux plus offrants. Dans ce premier tome dessiné par Xu Zhifeng, le trio joue un double jeu. Si l'un des démons passe au service du shogun Ashigaka, c'est pour mieux le trahir au profit de l'impératrice. Histoire complexe mais prenante, dessin lumineux d'un virtuose venu de Chine, cette nouvelle série marche sur les traces d'Okko chez Delcourt. Avec cependant la touche Runberg (Orbital) qui se caractérise par des personnages aux psychologies très détaillées et riches en contradictions.
« L'ombre des Shinobis » (tome 1), Glénat, 13,90 €


mardi 23 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Chers toutous

animaux, compagnie, chiens, chats, assurance
A force de parler de mes chiens dans ces chroniques, cela me pendait au bout du nez : des sociétés m'ont repéré et me démarchent pour le bien-être de mes toutous. En France il y a toujours un commercial saugrenu pour avoir l'idée d'un service aussi cher qu'inutile. Exemple avec cette réclame pour un comparateur d'assurance pour animaux reçue dans ma « boitamel ».
En préambule, on m'explique que « Visite, vaccination, petits bobos ou même hospitalisation… les frais vétérinaires peuvent être onéreux. La solution : souscrire une Assurance santé Chiens-Chats pour protéger sa santé et votre budget. » Et de proposer une fiche de renseignements à remplir pour obtenir un devis. Première difficulté, il faut préciser l'âge et la race de l'animal. Il y a bien une centaine de propositions de « azawakh » à « xoloitzcuintle » (un lévrier sahélien et un chien nu du Mexique), mais pas trace de terrier croisé caniche ni d'épagneul mélangé à du beauceron ou, plus simplement, de bâtard, ce que sont indéniablement mes chiens...
Au niveau de l'âge, je ne peux pas être très précis. Adoptés tous les deux à la SPA, ils ont été recueillis adultes (entre un et deux ans) errant dans la rue. Seule certitude, ils ont plus de dix ans. Cela résout le problème. Non assurables ! Une fois le devis rempli, on me répond sèchement, « Nous ne pouvons pas prendre en compte les animaux de plus de 6 ans ».
Alors j'ai triché (ils ont rajeuni d'un coup d'un seul...) et une assurance santé pour mes chiens me coûterait entre 24,05 euros et 72,15 euros par mois ! Chers toutous !
Chronique "De choses et d'autres" parue mercredi 23 septembre en dernière page de l'Indépendant. 

lundi 22 septembre 2014

BD : l'Afrique romaine dans "L'expédition" de Marazano et Frusin


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L'exploration de l'Afrique est relativement récente. Pourtant le continent a très vite fasciné les conquérants. Mais certaines barrières naturelles ont protégé les peuplades locales. Dans « L'expédition », série écrite par Richard Marazano et dessinée par Marcelo Frusin, ce sont des soldats romains qui tentent d'étendre l'empire en direction du Sud. Ils partent d'Égypte et s'enfoncent dans cette nature hostile peuplée de tribus primitives et d'animaux dangereux. Des mois et des mois de progression lente et difficile pour se trouver aux portes du Niangara, un royaume en pleine guerre civile. Marcus, le commandant, et ses cinq mercenaires vont rapidement être faits prisonniers et transformés en esclave dans des mines. Mais il en faut plus à ces guerriers pour abandonner leur liberté et leur rêves de richesse. Frusin, grand professionnel argentin qui a beaucoup dessiné de comics aux USA, a le trait idéal pour retranscrire la noirceur de cette saga prévue en quatre tomes.

« L'expédition » (tome 2), Dargaud, 13,99 €

dimanche 21 septembre 2014

Livre : Blanès et ses fantômes

Un dimanche passé à Blanès, ville balnéaire près de Barcelone, change radicalement la vie d'Éva Elle va y retourner et s'y installer pour tenter de comprendre.

blanes, gallimard, jeanmart, barcelone, BolanoLes premiers romans sont souvent (toujours ?) autobiographiques. Hedwige Jeanmart est Belge. Installée depuis quelques années à Barcelone, elle s'est certainement inspirée de sa propre vie pour écrire ce roman. Est-elle Éva, le personnage principal et narratrice ? A moins qu'elle ne ressemble plus à Yvonne, une autre jeune fille vivant dans un camping à Blanès ? En lisant ces lignes, on se pose forcément la question. Du moins au début. Car rapidement l'atmosphère énigmatique, presque fantastique, du roman nous happe. On se retrouve alors avec Éva, dans les ruelles de la cité catalane à la recherche d'une mystérieuse maison et à guetter l'apparition de fantômes.
Tout commence un week-end. Éva demande à son compagnon Samuel s'il est d'accord pour passer la journée à Blanès. Un dimanche hors saison, à déambuler le long de la mer et manger dans un petit restaurant. Puis retour à Barcelone. Sauf que ce soir-là, Samuel est mort. Disparu, volatilisé, envolé... Éva tombe dans un état de prostration. Dans sa jolie maison de Barcelone, elle se coupe du monde. Ne sort plus, ne répond pas au téléphone. Surtout elle s'interroge, tente de trouver des explications à cette mort soudaine. A force de questionnement intérieur, elle parvient à la déduction que c'est la journée à Blanès qui est la cause de tout. Sur un coup de tête elle retourne dans la petite ville, s'installe dans une pension et se remémore sa dernière journée avec Samuel pour tenter de découvrir l'élément déclencheur.

Au bord de la folie
La jeune femme décrite dans le roman d'Hedwige Jeanmart a tout de la folle. Ou du moins de l'esprit obsédé par un événement irrationnel. Lors du dernier repas avec Samuel, ce dernier lui a lu un extrait d'un texte de Bolaño. Cet écrivain d'origine chilienne est la célébrité locale. Il semble exercer une fascination très forte sur toute une faune qui s'est installée à Blanès, sur ses traces. Éva va en croiser plusieurs, devenir leurs amis et sans tomber dans leur dévotion, découvrir les charmes vénéneux de Blanès. Son séjour, qu'elle pensait court, se prolonge, s'éternise presque. Elle est comme prisonnière : « Cette appropriation des lieux à ce point désincarnés, où je n'éprouvais absolument rien sinon une solitude et une désespérance sans fond, me dérangea : et si la question n'était plus tant de comprendre ce qui s'était passé mais ce qui était en train de se passer ? Je m'installais à Blanès où tout m'était désagréable et je m'y complaisais. C'était comme si j'acceptais de souffrir d'une maladie et que cette maladie devenait tout pour moi, que je ne pouvais plus m'en passer. » Éva cherche notamment une maison décrite dans un livre de Bolaño.
En sillonnant les petites rues, elle découvre qu'elle n'est pas seule dans ce cas. Il y a par exemple Yvonne, une jeune Belge vivant à l'année sous une tente dans un des campings de Blanès. Un serveur de restaurant aussi, d'origine népalaise. Et d'autres quasi fantômes à la recherche du spectre de Bolaño.
Voyage initiatique, au bord de la folie, ce premier roman est souvent déconcertant. L'auteur semble parfois dépassée par son sujet. Mais cela ne dure pas. Elle reprend les commandes de son héroïne. Même si on a presque l'impression que cette dernière, comme dotée d'une propre vie, tente de nouveau de s'échapper par des chemins de traverse. Reste au final beaucoup d'interrogations et l'envie urgente d'aller visiter Blanès et rencontrer son étrange population. Avec cependant la crainte de se retrouver envoûté par le fantôme de Bolaño.
Michel LITOUT

« Blanès », Hedwige Jeanmart, Gallimard, 18,50 €

samedi 20 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le bonheur obligatoire

bonheur, joie, fioretto, pocket, plon Pascal Fioretto est génial. Cet auteur, habitué des pages de Fluide Glacial (le numéro d'octobre, un spécial loosers, avec poster central de François Hollande nu), publie régulièrement pamphlets décapants et autres pastiches savoureux aux éditions Chifflet & Cie. Sorti en 2008, « La joie du bonheur d'être heureux » est enfin disponible chez Pocket pour la modique somme de 6,50 euros. L'auteur suit la longue introspection de son héroïne, passe ainsi au karcher les techniques - elles visent toutes à atteindre les tréfonds de son moi - jusqu'à atteindre le nirvana intellectuel. Car notre société ne plaisante pas avec le bonheur. Il convient d'afficher sa joie, d'être heureux à tout prix. Une clique de charlatans en profite, tel le joueur de flûte de Hamelin, qui prennent le contrôle d'esprits faibles, dirigés vers une pensée unique positive. La charge de Pascal Fioretto est puissante. Mais surtout hilarante. En résumé, on pourrait citer l'homme politique le plus décrié de France en ce moment : « Pas facile d'être heureux ! ».
Pascal Fioretto vient également de publier chez Plon un roman au titre toujours aussi alléchant : « Un condamné à rire s'est échappé ».
(Chronique "De choses et d'autres" parue samedi 20 septembre en dernière page de l'Indépendant.)

DVD : Le droit au bonheur

Une famille idéale américaine fait trop rêver des laissés pour compte dans “Replicas”.
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Vous ne savez pas ce que c’est que d’élever votre enfant dans une voiture. » Bobby (James d’Arcy) n’a pas l’air très conciliant en disant cela à Mark (Joshua Close).

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Les deux hommes ont eu une soirée pour se jauger, se détester. L’affrontement entre ces deux pères de famille que tout oppose est au centre de ce thriller canadien qui sort directement en DVD. Mark, avocat, va passer quelques jours dans sa maison de campagne perdue dans la montagne. Il est accompagné de sa femme Mary (Selma Blair) et de son gamin de 8 ans. Leur humeur est morose. Ils viennent de perdre leur petite fille dans un accident. Dans cette maison isolée, le silence règne en maître. Jusqu’à l’arrivée des voisins, Bobby, sa femme et son enfant. Un trio un peu gauche et envahissant. Ils s’incrustent, s’invitent à dîner et s’extasient devant le luxe de la maison. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? L’ambiance, de pesante, va devenir angoissante avant de basculer dans l’horreur.


Imaginé par Joshua Cole, le scénario de ce film est mis en images par Jeremy Power Regimbal. Ces deux amis ont beaucoup investi dans cette production qui ne révolutionne pas le genre mais est d’une redoutable efficacité. Il fait saluer les performances des acteurs, notamment James d’Arcy, totalement fêlé et Selma Blair, parfaite en mère au cœur brisé mais qui s’accroche à ce qui lui reste de famille.
Tourné en 16 jours dans une grande maison aussi belle que terrifiante, ce film dérangeant, sans être à proprement parlé une œuvre d’auteur, s’aventure sur le terrain politique en soulignant l’énorme écart de revenus entre un couple bourgeois et une famille de laissés pour compte. Et en bonne production américaine, la morale l’emporte un peu trop facilement...


Replicas”, Wild Side Video, 14,99 euros.

Cinéma : “Pride” ou l’union des opprimés

Quand une association de gays et lesbiennes se mobilise pour des mineurs en grève, le résultat est émouvant.

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L’Angleterre durant les années 80 a vécu bien des drames avec l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher. La fameuse dame de fer, en plus de laisser mourir les grévistes de la faim de l’IRA, a mené une véritable guerre contre les syndicats ouvriers. Exemple avec la grève des mineurs qui a duré plus d’une année. La solidarité a joué à fond, mais rapidement les familles, sans revenus, sont acculées. Les policiers de leur côté multiplient les arrestations et provocations. Dans ce contexte, quelques militants londoniens de la cause homosexuelle décident de collecter des fonds pour aider les mineurs.

Gallois compréhensifs
Problème : quand ils contactent les syndicats, ces derniers ne veulent pas de cet argent. Les clichés ont la vie dure dans les milieux populaires. En désespoir de cause, le groupe d’ami propose les fonds à un petit village gallois. Sur un malentendu, le comité de soutien aux mineurs accepte. Une grande aventure débute, avec beaucoup d’obstacles et une grande fierté à l’arrivée.



Réalisé par Matthew Warchus, ce film est un petit bijou de comédie sociale anglaise. Il prend le temps de planter le décor. D’abord dans la communauté gay en donnant du corps aux militants, de Jonathan (Dominic West) à Mark (Ben Schnetzer) excellent en idéaliste de la lutte des opprimés en passant par Joe (George Mackay), jeune gay qui vit dans le secret, famille intolérante oblige. Et puis il passe aux mineurs, du leader syndical (Paddy Considine) à Sian (Jessica Gunning), la femme de l’ombre.
Entre les bars gays du Londres à la pointe de la libération sexuelle et la salle des fêtes du petit village gallois, le gouffre est immense. Pourtant, à force d’ouverture d’esprit, de discussion et d’épreuves, les deux communautés vont se comprendre, s’apprécier. Ce ne sera pas sans heurts ni crise, mais même si au final les mines au Pays de Galles ne sont plus qu’un lointain souvenir, il restera dans les mémoires cette union des opprimés qui a beaucoup fait pour l’avancée des droits civiques au Royaume-Uni. Un choc des cultures sur une terre bouillonnante toujours prête à s’enflammer. Une incontestable réussite qui va bien au-delà des simples problèmes de lutte syndicale ou de tolérance.

vendredi 19 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Incivilités officielles

Nous vivons dans un pays soi-disant civilisé. Or nous sommes envahis d'incivilités. . Rien de plus énervant que de subir ces petites choses qui ne fonctionnent pas. Heureux propriétaire de deux chiens, je les sors tous les jours, les poches remplies de sacs plastiques. Depuis six mois, un distributeur de sacs à crottes est installé dans la rue principale de mon village. Belle initiative. Six mois qu'il est en fonction. Six mois que je passe presque quotidiennement devant et constate, effaré, son vide sidéral et systématique. Matin, midi et soir... Quelle utilité d'installer un distributeur s'il n'est jamais approvisionné ? L'intention est bonne, le suivi calamiteux. Dans cette même rue principale, plusieurs jardinières donnent des couleurs au centre ville. Un système d'arrosage automatique est implanté dans les pots. Le réglage en reste visiblement à revoir. Le pot se remplit, déborde, l'eau se répand sur le trottoir et finit aux égouts. Non seulement les fleurs meurent par noyade, mais en plus les trois-quart de l'eau utilisée ne sert strictement à rien si ce n'est à produire à quelques endroits des algues du plus bel effet. Un gaspillage qui horripile mon épouse, elle qui récupère l'eau de la vaisselle pour nettoyer la terrasse.

Entre les flaques et les crottes, mieux vaut ouvrir l'œil quand on marche sur les trottoires de mon village. Heureusement il est toujours très bien éclairé. La nuit. Le jour aussi. Parfois, les lampadaires restent allumés malgré un beau soleil. Encore un mystère de l'automatisation à outrance de certaines tâches, pourtant si simples à gérer au quotidien...
Chronique "De choses et d'autres" parue vendredi 19 septembre en dernière page de l'Indépendant

jeudi 18 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Voyage, voyage

« La France est malade » selon Emmanuel Macron, jeune ministre de l'Économie. Malade de ses privilèges surtout. En pleine grève Air France, souvenons-nous de la bombe lâchée il y a un an par les syndicats de la compagnie aérienne : Carla Bruni voyage à l'oeil. Un trajet aller-retour Parisn - New York, certainement pas en classe touriste puisque le billet atteint la somme astronomique de 8295 euros. Rien d'anormal, le service communication d'Air France explique : « il est de tradition que les anciens présidents de la République et leur famille puissent bénéficier des facilités de transport dans la classe de réservation la plus élevée ». Le fait que Carla Bruni soit riche à millions ne semble pas jouer... Nicolas Sarkozy a lui aussi le droit de voyager sur Air France sans bourse délier. Un privilège dont il n'abuse pas. Point par modestie ou volonté d' épargner à l'État de casquer pour son billet. Non, quand il participe à une conférence richement payée programmée à l'autre bout du monde, il préfère utiliser des jets privés. Les juges l'ont récemment découvert alors qu'ils enquêtaient sur une société de Stéphane Courbit. Cet ami de longue date (présent le soir du Fouquet's) se charge des déplacements de l'ancien président. Entre copains, cela se fait. Un peu comme du co-voiturage pour nantis, à 100 000 euros la virée... Oui la France est malade. Malade de ces hommes et femmes qui vivent en dehors des contingences matérielles. Ils n'ont plus aucun contact avec la réalité, incapables de vivre normalement, portés par une unique obsession, le pouvoir et l'entourage du pouvoir. 
Chronique "De choses et d'autres" parue jeudi 18 septembre en dernière page de l'Indépendant. 

DE CHOSES ET D'AUTRES : La bombe Netflix

netfilx, canalplay, vod, séries, dexter
Annoncé à grand renfort de superlatifs, Netflix débarque en France. Ce service internet ambitionne le titre de "bible des amateurs de séries".
Pour moins de 10 euros par mois, vous avez accès à des milliers d'heures de fiction. "Même principe que CanalPlay qui existe depuis des années !", me souffle un petit lutin malicieux. Soit, mais CanalPlay est Français. Netflix, Américain. La différence, la voilà. Auréolé de son clinquant et de son odeur de neuf, Netflix donne l'impression de se connecter en direct sur les télévisions américaines. Le petit lutin revient : "Mais tu sais, sur OCS (le bouquet de chaînes d'Orange), la plupart des séries de HBO sont diffusées en France un jour seulement après les States." Tu n'es qu'un rabat-joie. Netflix est le nec plus ultra de la télé du futur.
D'ailleurs, je vais de ce pas y souscrire. En plus le premier mois est gratuit ! "Si c'est gratuit, pourquoi tu dois donner tes coordonnées bancaires ?", me titille encore le petit lutin. Là je l'empoigne, l'enroule de cellophane, le scotche à la table de dissection et tel Dexter (toutes les saisons sont disponibles sur Netflix), le découpe en morceaux.
En réalité, la seule et bonne raison de s'abonner à Netflix réside dans son moteur de suggestion intelligent. En fonction de vos choix, Netflix affine vos goûts et vous propose des programmes similaires. "Alors ils connaissent tout de nos préférences et veulent contrôler notre culture. C'est pire que Big Brother ce machin !", hurle le lutin. En morceaux mais bien vivant, transformé par magie en ver de terre. Commence à m'énerver celui-là...
En bonus, le générique de Dexter ! 

BD : Triste Afrique sous le pinceau de Ptiluc

ptiluc, humanitaire, afrique, guerre, paquet
L'Afrique a longtemps fait rêver les aventuriers. Terre vierge, ils y ont trouvé un terrain de jeu idéal. Aujourd'hui, le continent tente toujours de se relever de cette maltraitance chronique. Ptiluc, quand il ne dessine pas des histoires de rats, voyage au guidon de sa moto. Il a donc lui aussi sillonné les pistes africaines des années durant. Mais en observateur attentif qui n'entend pas imposer des changements. Dans cet album composé d'une dizaine d'histoires courtes, il raconte le périple imaginaire d'un trio de volontaires humanitaires. Il transportent dans leur 4X4 des caisses de vaccins. Il n'est pas question de malaria ou d'Ebola. Simplement de la grippe, les restes des pays occidentaux. Ça ne sert à rien si ce n'est à se donner bonne conscience. Sur place, ils profitent honteusement du système mais tombent aussi sur des malandrins pas si bêtes : ils ont dix ans, une kalachnikov entre les mains, un tube de colle à rustine dans les narines et une conception de la mort assez simpliste. Il faut tout le talent de Ptiluc pour faire rire le lecteur de ces injustices. Du mercenaire serbe au religieux libidineux en passant par la star américaine en mal de publicité, ce sont tous les fossoyeurs de l'Afrique qui en prennent pour leur grade.

« Jeux sans frontières », Paquet, 10,50 €

mercredi 17 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Interdit de se bécoter dans les rues en Califormie...

baniele watts, noire, actrice, prostituée, police, racisme
« Les amoureux qui s'bécotent sur les bancs publics, en s'foutant pas mal du r'gard oblique des passants honnêtes ». Une actrice américaine noire, Daniele Watts, vient de faire bien involontairement un remake de la chanson de Brassens.
Exactement, elle a « montré de l'affection » à son petit ami. Un Blanc, tatoué. Non pas sur un banc (public), mais dans sa voiture (privée). Le baiser n'est donc pas du goût d'un « passant honnête », lequel s'empresse de téléphoner à la police pour dénoncer ce qu'il croit être du racolage sur la voie publique. Illico presto, la police de ce quartier chic intervient. Deux flics intraitables. Daniele Watts, récemment vue dans « Django Unchained » de Quentin Tarantino, se retrouve menottée et conduite au poste. Il n'a fallu aux policiers que quelques minutes pour vérifier l'innocence des tourtereaux, mais le mal était fait. Tout un symbole.
Donc, en 2014, aux USA, pays démocratique dont le président élu est Noir, lorsqu'une jeune Noire embrasse un Blanc dans la rue, il se trouve de « bons citoyens » pour prévenir les policiers. Et ces derniers n'imaginent pas un instant qu'il puisse s'agir là d'un simple moment tendre entre amoureux.
Daniele Watts a vivement dénoncé cette arrestation arbitraire sur les réseaux sociaux. La photo et courte vidéo (prises par son ami) où on la voit menottée et en larmes a fait le tour du web. Les States cultivent les paradoxes : une Noire embrasse un Blanc dans la rue, suspect ! Des Noires en bikini se trémoussent sur des clips de rappeurs, rien de plus normal...

BD : Mars en chambre

fabcaro, erre, mars, fluide glacial
La France, 5e puissance économique mondiale comme l'a récemment rappelé le président de la République, veut frapper un grand coup dans le concert des nations. Pour relever le pays (et les courbes des sondages), l'état se lance dans l'exploration spatiale. Attention Mars, nous voilà ! Sous formes de strips, Fabcaro et Fabrice Erre racontent cette épopée vertigineuse. Mais quand on rogne sur tous les budgets, il ne faut pas s'étonner après que cela ne marche pas comme désiré. D'abord l'équipe d'astronautes. André, José et Jean-Michel sont loin du trio glamour qui pourrait faire rêver les foules. Complètement ignares, ils savent à peine répondre au téléphone et basculer un interrupteur de On à Off leur demande dix minutes de réflexion. De toute manière, la fusée ne décolle pas... Mais face à l'attente du public, le président décide de lancer la plus grande escroquerie scientifique de l'histoire de l'humanité. Les Américains ont fait pareil pour leur voyage sur la Lune. Et en plus Armstrong était dopé, dixit un général français bien informé. Irrévérencieux et hilarant, cette conquête spatiale en chambre est le grand éclat de rire BD de la rentrée.

« Mars », Fluide Glacial, 15 €

mardi 16 septembre 2014

BD : Pucelle visionnaire


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Symbole d'un certain nationalisme français et de l'abnégation rekigieuse, Jeanne d'Arc n'est connue sous ce nom que depuis peu de temps. Du temps de ses exploits dans la guerre de 100 ans, elle était simplement « Jeanne la Pucelle ». Dans ce Moyen Age où famine et pillage frappaient le peuple, l'émergence de cette petite gardienne de cochons a frappé les esprits. La véritable histoire de Jeanne est racontée par Fabrice Hadjadj, philosophe et spécialiste des religions. Après sa révélation, elle se lance dans les batailles après avoir persuadé Charles le gentil dauphin. Cheveux courts, armure rutilante, elle sait galvaniser ses troupes, leur donner une foi qui en plus déroute les adversaires. Elle vole de succès en succès jusqu'au couronnement de Charles. C'est à ce moment que tout change. Devenu roi, il abandonne le mystique pour la politique. Jeanne est trahie, capturée, emprisonnée. La fin sera contée dans le troisième tome d'une série dessinée par Jean-François Cellier. Il alterne planche aux minuscules cases truffées de dialogues aux dessins pleine page. Une façon originale et efficace pour mettre en opposition les bassesses de la noblesse et la bravoure de cette incroyable pucelle.

« Jeanne la pucelle » (tome 2), Soleil, 13,95 €

Pucelle visionnaire

DE CHOSES ET D'AUTRES : Ondes agressives entre Bourdin et Canteloup

canteloup, bourdin, europe 1, rmc, radio, polémique, fnCanteloup un peu relou, Bourdin lâche les chiens. L'humoriste d'Europe 1 a pris l'habitude d'envoyer des piques au présentateur de la matinale de RMC. L'imitateur assimile celui-ci à un soutien déguisé du Front national et l'accuse de ne donner la parole qu'à des caricatures de Français mécontents. Rien de bien méchant, mais Jean-Jacques Bourdin vient du Sud, du Gard exactement.
canteloup, bourdin, europe 1, rmc, radio, polémique, fnMercredi en direct à l'antenne, il a un peu craqué. Et de menacer Canteloup : "J'irai l'attraper au collet et lui dire ce que je pense. Car je ne pense pas que ça soit un homme... » Une centaine d'années plus tôt, ces menaces physiques se seraient réglées en duel. Sur le pré, point de quartier. En l'occurrence Canteloup ne peut tirer qu'une seule arme de sa manche : son humour.
Alors le lendemain il en remet une couche et consacre près de la moitié de sa "Revue de presque" à l'événement. Il a beau jeu car la veille, pour couronner le tout, RMC était victime d'une panne générale d'électricité. En plein milieu de la matinale, coupant la chique à un Bourdin qui d'ordinaire ne s'en laisse pas conter, notamment par les politiques à la langue de bois. Canteloup lui fait donc dire : "Déjà qu'on n'est pas des lumières à RMC, si en plus on nous coupe le courant... »
Telle est la situation ce week-end. La suite (car Canteloup et ses auteurs lâchent rarement leurs têtes de Turc) nous l'entendrons ce matin à 8 h 45 sur Europe 1.
À moins que, comme le rappeur Rohff après son différend avec Booba, Bourdin ne fasse une descente dans la station concurrente avec ses hommes de main (Moscato et Brunet) et ne tabasse le stagiaire de l'accueil.

lundi 15 septembre 2014

BD : Magique Islande à travers la "Saga Valta"


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Le second album de la série « Saga Valta » de Dufaux et Aouamri s'ouvre sur une préface du scénariste. Jean Dufaux s'excuse auprès des lecteurs. Prévue en deux tomes, cette histoire de guerrier islandais en comptera finalement un peu plus... « Je crois dominer mon récit et c'est le récit qui s'ouvre, s'amplifie sans me demander mon avis. » Franchement, que Jean Dufaux se rassure : on ne lui en tient pas compte. Bien au contraire. Cette saga est de la veine des best-sellers et le lecteur ne sera jamais rassasié. D'autant que le dessin de Mohamed Aouamri est de plus en plus flamboyant et abouti. Valgar de Valta est donc vivant et son épopée pourrait se prolonger à l'image de son illustre ancêtre, Thorgal. Le second tome permet au lecteur de découvrir la sœur de Hildegirdd, la maîtresse de Valgar. Sosjia au noir manteau est une redoutable sorcière. Elle vit recluse dans un château au delà des terres mortes en compagnie de sa horde de chiens et de son fils, l'impétueux Hanserr. De son côté, Valgar poursuit toujours son but : récupérer la femme qu'il aime, la belle et jeune Astridr. Il va demander de l'aide à Njall-le-Brûlé, un valeureux chef. Valgar lui sauvera deux fois la vie, même si dans l'aventure il perd sa lance magique...

« La saga Valta » (tome 2), Le Lombard, 14,45 €

dimanche 14 septembre 2014

BD : Si le Titanic...


titanic, jour j, pécau, duval, Damien, Delcourt
En 1912, le Titanic s'élance pour son voyage inaugural. Le seul et unique de notre histoire contemporaine. Jean-Pierre Pécau et Fred Duval, dans leur série « Jour J », imaginent que le paquebot ne coule pas en cette terrible nuit polaire. Le jeune Waterson est sur le pont. Il observe les étoiles avec sa lunette et parvient à repérer l'immense bloc de glace. La collision est évitée, place à une autre Histoire dessinée par Damien. Le père de Waterson fait fortune aux USA. Son fils, lui, est passionné de journalisme. Il prend la tête d'un journal à New York et se construit un empire médiatique. Seul. L'album, qui couvre toute la vie de Waterson jusqu'au jour de sa mort, montre une planète totalement différente. Hitler n'a pas eu le temps de lancer son attaque car il disparaît avec le naufrage du... Titanic. Comme il y a également à bord Einstein, le nucléaire reste au niveau de la théorie. Waterson se transforme en mécène absolu, suppléant les états déficients. Il apporte l'eau partout dans le monde et nombre d'innovation. Mais son action caritative n'est pas au goût de tout le monde. Sous des aspects de saga humanitaire et industrielle, cet album s'interroge sur cette question essentielle : Peut-on imposer le bonheur sans passer par une dictature ?

« Jour J » (tome 16), Delcourt, 14,50 €

samedi 13 septembre 2014

Cinéma et BD : "Gemma Bovery", un roman graphique à redécouvrir

gemma bovery, anne fontaine, posy simmonds, Denoel, lichiniAvant le film, après le roman de Flaubert, il y a le roman graphique. « Gemma Bovery » est paru en 2000 en France chez Denoël Graphic. L'œuvre de Posy Simmonds est hybride. Plus qu'une longue bande dessinée, c'est une véritable recherche sur un nouveau rythme de narration. Si certaines planches sont entièrement dessinées, ce n'est qu'une infime minorité. La dessinatrice anglaise a également un joli style littéraire et amplifie l'action par des petits textes. Une mise en page soignée permet au lecteur de se retrouver dans ce récit à plusieurs niveaux, forcément déroutant au premier abord. Cette complémentarité entre textes et images a donné envie à Anne Fontaine de l'adapter au cinéma. Une écriture très comparable. Alors avant d'aller vous régaler des mimiques de Gemma Arterton et des saillies de Fabrice Luchini, lisez la version originale de Gemma Bovery. Une nouvelle édition vient de sortir en librairie, augmentée d'un sketchbook de Posy Simmonds (en couleurs alors que la BD originale est en noir et blanc), recrutée par Anne Fontaine pour superviser l'adaptation.

« Gemma Bovery », Denoël Graphic, 20,50 euros

graphique à redécouvrir

DE CHOSES ET D'AUTRES : Pas de pot, plus de pot

formule 1, formule E, chine, électrique
Ce matin, à 10 heures, débute ce qui adviendra très certainement du sport automobile. Dans les rues de Pékin, 20 voitures de course vont s'élancer pour une heure de grand Prix. Leur particularité ? Elles sont électriques. La Formule 1 pétaradante et polluante n'a plus qu'à numéroter ses abattis, la Formule E débarque. Bien sûr, au début, les amateurs de vitesse devront consentir un gros effort. Cette saison ils se plaignent du faible bruit émis par les Formule 1. La Formule E, au maximum de sa vitesse (230 km/h quand même), ne produit que 80 petits décibels. Plus besoin de bouchons d'oreille pour apprécier les bolides. D'ailleurs, ne cherchez pas les pots d'échappements et l'odeur d'essence, il n'y en a plus. Les voitures passeront quand même par les stands durant l'épreuve d'une heure. Pas pour changer de pneus. Ecologie oblige, Michelin, fournisseur exclusif, a mis au point des gommes qui résistent toute une course et adhèrent sur terrain sur tantôt sec tantôt mouillé. L'arrêt au stand servira à changer de véhicule. Il a bien été envisagé de recharger les batteries, mais comme faire le « plein » se révèle plus long que la course elle-même, la solution a été rapidement écartée par les télévisions (Sport + en France). Une autre Formule E, chargée à bloc, permettra de boucler la seconde demi-heure. Les arrêts sont programmés à l'avance : l'autonomie des batteries ne dépasse pas les 30 minutes... Reconnaissons-le, la Formule E en l'état manque d'attrait. Mais son heure viendra forcément quand l'essence coûtera plus cher que la voiture. A moins que la vapeur...

vendredi 12 septembre 2014

Cinéma : La vie doit être enivrante pour Michel Houellebecq dans "Near death experience"

Michel Houellebecq interprète un employé en plein burn-out, crapahutant dans la montagne à la recherche d'un bon endroit pour en finir.
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Benoît Delépine et Gustave Kervern, deux des piliers de Groland (tous les samedis soir en clair sur Canal+), n'ont pas peur de la difficulté. Joyeux drilles parfois, ils savent également décrire toute la noirceur de notre société de consommation. « Near death experience » (expérience de mort imminente) en est l'exemple parfait. Paul (Michel Houellebecq), employé sur une plateforme téléphonique, n'en peut plus. Métier idiot, famille insignifiante, alcoolique et en mauvaise santé il prend conscience de toute l'inanité de son existence un vendredi 13. Sa femme rentre des courses avec leurs deux enfants, des ados qui se disputent. Il enfile sa tenue de coureur cycliste et explique qu'il va sortir une petite demi-heure. Sa décision est prise. Basta !


Tourné dans la région de Marseille, la route monte rapidement. Paul se met en danseuse pour atteindre le sommet, une inaccessible étoile comme le dit le grand Jacques. Il abandonne le vélo dans un fossé et continue à pied, dans les sentiers pour atteindre un point de vue. Idéal pour prendre son envol. Le dernier. Mais comme souvent, il y a le petit grain de sable qui empêche le passage à l'acte.

Au son de Black Sabbath
Dérangé, Paul cherche un autre endroit et va errer dans cette garrigue sauvage sous un soleil de plomb qui va rapidement lui taper sur le ciboulot, au point de se retrouver dans cet état de « mort imminente » en pleine conscience. Il va parler aux insectes, à des pierres, à un vagabond aussi givré que lui. Dans cette nature sauvage Michel Houellebecq va se révéler un grand acteur, aux saillies définitives et mémorables. Dans une sorte de confession de psychanalyse de bazar, il va expliquer à sa femme pourquoi il vaut mieux qu'il disparaisse. Et de constater stoïque, « Quel intérêt à retarder un destin qui n'a aucun intérêt. » A ses enfants, après s'être décrit comme un infect déchet, il conclue « Un père mort, cela vaut bien mieux qu'un père sans vie. ». Il parle. De plus en plus. Mais n'agit toujours pas. Et là aussi il retourne la situation par cette phrase qui symbolise parfaitement ce film : « Paul, décidément, tu parles trop et tu ne te suicide pas assez... »
Dans le titre de ce film il y a « expérience ». Pour pleinement profiter de ces 90 minutes hors du temps et de la vie, il faut effectivement se mettre en condition de vivre une expérience unique. Au premier degré, le film est ce que j'ai vu de plus déprimant depuis le visionnage par inadvertance d'un JT complet de Jean-Pierre Pernaut. Mais l'œuvre est aussi là pour nous secouer. Des Paul, il y en a des milliers autour de nous. Si on y regarde bien, on lui ressemble même. Alors on se dit que finalement dans toutes les sentences déprimantes de Paul il n'y en a qu'une à prendre au pied de la lettre : « La vie doit être enivrante ! ». Et comme lui, on va se mettre un morceau de Black Sabbath et pogoter frénétiquement avant de consulter son horoscope.


jeudi 11 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : À chacun ses phobies

thévenoud, phobie administrative, loyer, explusion, impots
"Phobie administrative". Ce Thomas Thévenoud est une mine. On regretterait presque son passage éclair au gouvernement, il aurait animé la chronique durant des semaines avec ses dérives maladives.
Le Canard Enchaîné révèle qu'en plus de ne pas remplir ses déclarations de revenus (cause de son éviction au bout de 9 jours !), le député socialiste a également omis de payer son loyer durant plusieurs années... Et pour se justifier, il explique, sérieux comme un pape, souffrir d'une "phobie administrative". Franchement, jamais un homme politique ne s'est moqué à ce point ouvertement des Français.
Sur le fond, je le comprends. Moi non plus je n'aime pas la paperasse. Lundi j'ai reçu mon avis d'imposition. J'ai hésité trois secondes avant de l'ouvrir. La curiosité l'a emporté. Allez savoir, j'allais peut-être avoir une bonne surprise, un trop perçu... Hélas, comme à chaque fois que je joue au loto, caramba, encore raté. Pour pallier cette fameuse "phobie", les différentes administrations ont inventé des outils pratiques comme les mensualisations (pour mes impôts) et les prélèvements automatiques (pour mon loyer).
Je l'avoue, dans le passé, j'ai parfois zappé un loyer par négligence (notamment quand j'étais célibataire). Un mois. Mais pas deux. Mes propriétaires savaient me relancer sans délai. Thomas Thévenoud, lui, est parvenu à rester plusieurs années sans payer. Ni risquer l'expulsion.
Une seule explication plausible : son propriétaire est atteint lui aussi de "phobie administrative" pour ne pas réclamer, lettres recommandées avec accusé de réception à l'appui, les sommes en souffrance.
Chronique "De choses et d'autres" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant. 

DVD : Joe, redresseur de torts

Dans un Sud sans pitié, Nicolas Cage tente de prendre la défense des faibles.
Joe Ransom n'aime pas l'autorité. Ce Texan a une aversion réelle pour les uniformes. La faute à des policiers qui l'ont menacé. Il s'est rebellé et a passé quelques années en prison. Depuis, il tente de se faire oublier. Interprété par Nicolas Cage (qui pour une fois n'en fait pas trop, excepté sur la dernière scène du pont), Joe est le pivot central de ce film de David Gordon Green adapté d'un roman de Larry Brown. Au volant de son pick-up rouillé, Joe part travailler chaque matin. Il récupère une dizaine de Noirs et s'enfonce dans la forêt. Sa mission : tuer les arbres. Il a mis au point une hache qui tout en entamant l'écorce, diffuse un puissant poison. Drôle de métier dans un Sud en proie à la crise et où la spéculation immobilière semble avoir tous les droits. Le soir, Joe va au bordel et se saoule. Une vie rangée, sans but mais sans heurts.
joe, nocolas cage, texas, wildside videoTout change dans il croise le chemin de Gary (Tye Sheridan), un adolescent prêt à tout pour trouver du boulot. Le jeune blanc va s'intégrer dans l'équipe de Noirs et gagner ses premiers dollars malgré la rudesse de la tâche. Gary a une revanche à prendre sur son père, ivrogne violent incapable de s'occuper de sa famille. Sans être véritablement un thriller, le film progresse avec lenteur dans le drame. Gary, heureux de travailler et de servir enfin à quelques chose, est un rayon de soleil dans la vie de Joe. Mais le père du gamin (Gary Poulter) ne l'entend pas de cette oreille. Il vole l'argent et bat son fils. Malgré le risque de retourner en prison s'il se fait trop remarquer, Joe va sortir de sa réserve et tout faire pour que Gary puisse mener sa vie à sa guise.
Le film, malgré la star Nicolas Cage, a tout du film indépendant. Le réalisateur a volontairement engagé des acteurs non professionnels pour certaines scènes. Gary Poulter, interprète du père de Gary, a été « casté » dans la rue. Véritable SDF au talent fou, cet homme ravagé par une vie d'errance, apporte un ton juste et sans concession à une œuvre âpre. La scène d'ouverture plante le décor, quand il massacre un pauvre bougre pour une bouteille de rosé, il complète ce tableau de la misère ordinaire US. Gary Poulter que l'on découvre enjoué et gai dans le making of en bonus sur le DVD. Ce film aurait dû lui changer l'existence. Il est mort tragiquement quelques semaines après la fin du tournage. Quand la réalité rejoint la fiction...

« Joe » de David Gordon Green avec Nicolas Cage et Tye Sheridan, Wild Side Vidéo, 19,99 euros (24,99 euros le blu-ray). 

DE CHOSES ET D'AUTRES : Listes atypiques

La plateforme internet « Sens Critique » est basée sur le partage des passions culturelles des internautes. Au début ce n'est qu'une compilation de critiques des films récents aux livres essentiels en passant par les BD dans le vent. Puis les concepteurs du site ont l'idée de concocter des listes. Très classiques au début comme « les 100 meilleurs livres du XXe siècle » ou les « 100 films avec les meilleurs méchants ». Et puis quelques farfelus ont eu l'idée de pousser l'idée un peu plus loin, sur des sentiers plus éloignés du politiquement correct. Comme cette liste des « meilleurs morceaux à écouter dans un état second ». Logiquement on trouve en tête nombre de compositions des Doors et de Pink Floyd. Premier et seul artiste français, Saez et son « J'veux qu'on baise sur ma tombe », également dans le top des « morceaux qu'on aimerait à son enterrement... ». Marre des happy ends larmoyantes ? Préférez les fins radicales de ces films sans concession. De « Doom Generation » à « Tueurs nés » personne n'en réchappe... Les listes ce sont souvent beaucoup de chiffres. Dans « Regarder cette série vous prendra... » le grand gagnant est le soap opera américain « As the World Turns » qui vous bouffera la bagatelle de 67 semaines, 6 jours et 20 heures. En comparaison, « Plus belle la vie » qui fête cette semaine ses dix ans d'antenne ne vous mobilisera que durant six petites semaines et 20 heures. Enfin pour rire un bon coup et se dire qu'il y a toujours pire que la daube diffusée hier soir sur une chaîne de la TNT, savourez les « 50 pires films français », classement dominé, à juste titre, par « Le Baltringue » de Lagaf. 

mercredi 10 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Pétillante Pétronille

pétronille, amélie nothomb, albin michel, champagneChère Amélie Nothomb, je me permets de vous écrire comme le font régulièrement des centaines de vos lecteurs. Vous puisez, dites-vous, des idées dans cette correspondance. Votre dernier roman, « Pétronille » chez Albin Michel, emprunte une nouvelle fois ce chemin. Vous repérez Pétronille, le personnage principal, un soir dans une librairie, à la fin d'une séance de dédicaces. Elle pourrait endosser le rôle de bonne compagne, ou plus exactement « convigne », de beuverie, songez-vous. Garçon manqué issue du peuple, la pétillante Pétronille entre dans la danse avec plaisir. Vous la traînez dans les bars et soirées où le champagne coule à flot. Autofiction oblige, je me demande cependant si votre penchant pour cette boisson est véritable ou fantasmé. Les quantités ingurgitées semblent astronomiques. Pour tout vous dire, j'avais parfois l'impression en lisant ce roman, très plaisant au demeurant, de parcourir une plaquette publicitaire pour Veuve Clicquot, Dom, Krug et autres Taittinger. Vous êtes la championne du placement produit. Si chaque marque citée vous envoie une caisse en dédommagement, vous aurez de quoi faire la fête pour les six prochains mois. Alors, chère Amélie Nothomb, si Pétronille vous pose un lapin, c'est avec joie que je la remplacerai au pied levé. Du moins si vous acceptez de vous mettre au muscat.

Michel Litout 

mardi 9 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le barbier polonais

jack l'eventreur, londres, pologne, adnLe Royaume Uni a un problème avec l'Europe. Cela ne date pas de son intégration à la communauté européenne. Pour preuve la sortie aujourd'hui à Londres d'un livre révélation sur l'identité de Jack l'éventreur. Loin d'appartenir à la famille royale comme envisagé par quelques auteurs bourrés d'imagination, il ne serait autre qu'un... barbier polonais. En France, on redoute le fameux plombier polonais qui vient prendre le travail des artisans tricolores. Au Royaume Uni, ils vont plus loin. Le barbier polonais a émigré à Londres pour massacrer les prostituées locales. L'identité de Jack l'éventreur serait prouvée par l'analyse ADN du châle qu'une des victimes portait au moment du meurtre, en 1888. La démonstration se veut scientifique, mais parvenir à identifier un ADN plus de 125 ans après les faits relève de l'exploit. Le fameux barbier avait bien été suspecté à l'époque. Un coupable idéal pour les policiers : barbier, il maniait à la perfection rasoirs et autres objets tranchants ; Polonais, la réputation britannique était sauve.

Aujourd'hui, les Anglais se retrouvent face à une nouvelle menace étrangère, sur leur propre sol. L'Écosse pourrait devenir indépendante la semaine prochaine. Pour la première fois un sondage donne la majorité au « oui ». Longtemps caricaturée pour ses pratiques vestimentaires, la radinerie de ses habitants et ses monstres de légende, l'Écosse est très loin de ces clichés. Vous en doutez ? Visionnez « Trainspotting », le film de Danny Boyle. Vos à-priori voleront en éclats et l'indépendance de l'Écosse deviendra une évidence.


BD : Les cancres aussi prennent des vacances


ducobu, boulard, pica, erroc, mauricet, godi, zidrou, lombard, bamboo
Dans ce duel de cancres de la bande dessinée, l’élève Ducobu l’emporte sur Boulard par son ancienneté. Côté résultats aussi il est le plus performant. Il est définitivement abonné au zéro alors que Boulard parvient à sauver les meubles en obtenant, au mieux, un 2 sur 20. Mais l’un comme l’autre sont parfaits pour nous faire rire de leur ignorance crasse. Boulard est un des personnages des Profs, série imaginée par Erroc et Pica. Pour ce “spin-off” de la série vedette des éditions Bamboo, c’est Mauricet qui officie seul au dessin. Boulard éternellement en retard, amoureux transi de la belle et inaccessible Chloé et champion de l’excuse moisie pour justifier, dans le désordre, un devoir non fait, une absence inexplicable ou l’oubli de ses affaires de classes. Moderne, il ne craint véritablement qu’une chose : la coupure de la liaison internet.
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Moins actuel et branché, l’élève Ducobu de Godi et Zidrou, fait plus dans la poésie et le comique de répétition. Ducobu, gros cancre au tricot de forçat et qui semble redoubler éternellement, a deux ennemis : l’instituteur Latouche et cette peste de Noémie. Le premier veut encore et toujours le piéger avec une dictée pleine de mots improbables, la seconde passe son temps à l’empêcher de copier. Pourtant, cela ne lui coûterait pas grand-chose d’aider le dernier, elle qui est toujours première. Ce 20e recueil de gags et d’histoires complètes s’ouvre par une jolie histoire animalière. Pendant que les enfants apprennent (Ducobu dort lui...), les petits animaux prennent possession de la cour de récréation. C’est un peu une mise en bouche pour la sortie, en septembre, du nouvel album de Chrorophylle, le loriot imaginé par Macherot et repris par Godi et Zidrou. Vous pourrez même lire les cinq premières pages en bonus de cet album de Ducobu.
« Boulard » (tome 2), Bamboo, 10,60 €

« L’élève Ducobu » (tome 20), Le Lombard, 10,60 €

lundi 8 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : La meute sonne l'hallali

hollande, thevenoud, scandale, trierweiler
Quand tout est bu, ne reste que le dépôt du fond. Une lie douteuse et infecte, qui vous ferait presque oublier le goût excellent du vin dégusté quelques instants avant. En France, depuis la rentrée, j'ai l'impression qu'on ne nous sert plus que des fonds de bouteilles. Au goût âcre et amer.
Tout a commencé avec la « cuvée du redressement » de Montebourg.Viré l'impertinent ! Un nouveau gouvernement plus tard, et le voilà plombé en moins d'une semaine par l'affaire Thévenoud. Ce député ambitieux, grand pourfendeur des exilés fiscaux, obtient un maroquin de secrétaire d'État. Problème : il oublie de déclarer ses revenus depuis trois ans. Juste avant, Valérie Trierweiler règle ses comptes. Un livre à charge pour un président au plus bas dans les sondages.
Phénomène de meute, une sorte d'hallali virtuel est lancé partout sur les réseaux sociaux. Petit exemple : les chefs d'État de l'OTAN assistent à une parade aérienne. La tête en l'air, ils regardent tous dans la même direction, vers la gauche. Tous sauf François Hollande qui fixe on ne sait quoi à droite. La photo, prise par un amateur, provoque des commentaires désobligeants. Forcément...
hollande, thevenoud, scandale, trierweiler
Et voilà qu'apparaissent dans les rues des voitures floquées du slogan « Hollande démission ! ». Qui donc osera circuler avec un tel véhicule ?
Et si, malgré sa solide carapace d'homme politique habitué aux coups, Hollande craquait ? Alors, après l'hallali, place à la curée. Mais qui dans la meute hurlante aura les dents suffisamment longues pour s'imposer ? Malheur au vaincu, gare au vainqueur.

dimanche 7 septembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Johnny au vitriol

johnny hallyday, dinosaure, vieux, exil fiscal
Le vendredi, je vous l'ai dit, ma méchanceté n'a d'égale que mon humeur. Pourtant je devrais me réjouir de la diminution du nombre de touristes au kilomètre carré et du retour des enfants dans les salles de classes. Un tableau idyllique gâché par le matraquage sur les ondes, télévisions et journaux compris, du nouveau single de Johnny Hallyday. Contrairement aux dinosaures, dodos et autres tigres de Tasmanie, le Johnny H. est issu d'une espèce très résistante. Le plus célèbre exilé fiscal français vieillissant - 71 ans, un set de six ans d'avance sur Gégé Depardieu - jouit de quelques économies. Cependant, insatiable, il enregistre une nouvelle chanson, et quelques plateformes de téléchargement tard (lui qui doit tout au vinyle) répond aux interviews. L'idole des jeunes reste le rocker de 20 ans (dans sa tête). Résultat il devient l'idole des vieux. En fait Johnny Hallyday incarne le Tino Rossi du IIIe millénaire : une anomalie temporelle inexplicable. Dans les années 70-80, sentant sa célébrité décliner, il tente de survivre aux modes. Du disco aux films de série B, il s'en est fallu de peu qu'il ne tombe dans l'oubli. Et puis un publicitaire pervers a l'idée de l'élever au rang de patrimoine national (alors qu'un Michel Sardou aurait mieux collé au rôle). Ce buzz quand il a failli mourir aux USA ! Des milliers de pages dans les journaux et sites français, pas même une brève en Californie. Alors quand il chante « Regarde-nous » (Johnny parle de lui à la troisième personne...), je détourne ostensiblement la tête et les oreilles !