vendredi 30 juin 2017

DVD et blu-ray : « Fences » ou les devoirs de la famille face aux droits du père



Adapter une pièce de théâtre au cinéma n’est pas toujours aisé. Il faut savoir capter l’âme du texte pour ne pas ennuyer le spectateur. Denzel Washington en jetant son dévolu sur « Fences » d’August Wilson a pris tous les risques.


Cette histoire de famille, au cœur d’un quartier pauvre de Pittsburg, est tout sauf glamour. Reste des personnages sublimes, au parcours chaotique mais emblématique de la difficulté de s’affirmer quand on a le malheur de naître noir dans une Amérique blanche. À la fin des années 50, Troy (Denzel Washington) est employé municipal au service du ramassage des ordures.
Du lundi au vendredi, à l’arrière du camion, il vide les poubelles de tous les déchets de cette société de consommation amé- ricaine en pleine expansion. Il rêve de devenir chauffeur. Mais pas un seul Noir n’a encore eu une telle promotion. Alors il râle une fois revenu à la maison. Le vendredi soir il boit une bouteille de gin et revient sur son destin brisé de sportif de haut niveau. Un homme aigri, froid et dur, sans cesse dans l’invective envers ses deux fils. L’aîné vivote en étant musicien. Le second, pas encore majeur, espère devenir footballeur professionnel. Des sujets d’affrontements incessants dans une famille qui ne tient que par la bonté et la compréhension de la mère, Rose, interprétée par une Viola Davis couronnée de l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle.
Incompréhension, trahison, rejet : la vie de cette famille est déjà compliquée quand Troy annonce à sa femme une nouvelle qui va bouleverser le fragile équilibre. Saga humaine d’exception, « Fences » bouleverse et interpelle le spectateur, partagé entre l’admiration du jeu des acteurs et les choix de vie de ces hommes et femmes dictés par l’honneur et la religion. Dans les bonus, on en apprend notamment un peu plus sur August Wilson, dramaturge américain au parcours déroutant. 
➤ « Fences », Paramount Pictures, 19,99 €

De choses et d'autres : Contre-jour réussi

La photo officielle d’Emmanuel Macron a été dévoilée hier matin. Le nouveau président y est représenté, debout, les bras appuyés sur le devant de son bureau, la fenêtre ouverte sur le parc de l’Élysée. Il y a les deux drapeaux (France et Europe) de part et d’autre, une horloge, un livre ouvert et, plus discrets, ses deux téléphones portables sur le plan de travail. Il sourit. Deux fossettes se dessinent sur son visage.

Ses yeux bleus ressortent intensément car il fixe l’objectif. Une photo officielle qui sera affichée dans toutes les mairies et qui a été déjà beaucoup commentée sur les réseaux sociaux. Avec unanimité chez les dames : « Mon dieu qu’il est beau ! » Les hommes sont plus partagés. Certes il a une sacrée prestance, mais il y a forcément de la retouche photographique pour atteindre un tel niveau de sex-appeal. Ses lèvres, finement dessinée, sensuelles, impressionnent tout le monde. De mon côté, je me garderai bien de porter un jugement physique. J’essaie de ne pas le faire pour les femmes politiques, autant continuer dans la parité. Mon interpellation vient du côté technique. Jeune journaliste, on m’a appris de ne jamais faire de photo d’une personne devant une fenêtre. Sans flash, il est à contre-jour et le visage dans l’ombre. Avec un flash, on perd tout relief. J’imagine la tête de la photographe officielle (Soazig de La Moissonnière) quand le président lui annonce qu’il veut être photographié ici et nulle part ailleurs. Un sacré défi technique. Même si les possibilités de trucage sont devenues quasi sans limites de nos jours.
Et au final, comme pour synthétiser son programme électoral, Macron a été photographié à l’intérieur ET à l’extérieur. 
(Chronique parue le 30 juin en dernière page de l'Indépendant)

jeudi 29 juin 2017

De choses et d'autres : Il ne reste plus qu’à pleurer


Est-ce un mauvais alignement des planètes ou l’évolution normale de l’humanité mais j’ai la désagréable impression ces derniers temps que plus rien ne tourne rond. Comme si notre société était en train de virer folle en deux temps trois mouvements. Un sentiment personnel d’être largué, ne plus trop comprendre ce qui arrive. Comment, par exemple, expliquer le succès de l’émission de Cyril Hanouna ? Bête, vulgaire, humiliant : le programme est pourtant de plus en plus suivi. Qui peut trouver de l’intérêt à ces soliloques obséquieux entrelardés de blagues sexistes et autres mots d’une langue inconnue (rassrah, darka...) ? Suis-je à ce point devenu vieux, allergique aux nouveautés ?
Autre exemple, les publicités. Comment imaginer que l’on vende quoi que ce soit en diffusant des spots encore plus mauvais que les sketches tournés dans les MJC au début des années 80 lors des balbutiements de la vidéo amateur. Gifi se distingue dans le genre, si ridicule qu’on ne peut même pas en rire, il ne nous reste plus qu’à pleurer. Pour vendre un jacuzzi, la marque de magasins fait appel à deux stars françaises : Benjamin Castaldi et Loana. Un Castaldi qui surjoue ses prétentions de cinéaste et une Loana choisie uniquement pour se moquer d’elle. Castaldi, à grand renfort de gesticulations et de grimaces, prétend diriger la starlette déchue. Il lui demande de tremper un pied dans le jacuzzi. Et quand elle effleure l’eau, un trucage vidéo la transforme en pin-up jeune et longiligne. Car Loana, selon l’expression populaire, a mal vieilli et pris des rondeurs.
Jouée de manière exécrable, idiote, stigmatisant les gros, cette pub est un ultime signe dans une société en décrépitude. Je serais dépressif, je me flinguerais dans la minute. 
(Chronique parue le 26 juin 2017 en dernière page de l'Indépendant)

Cinéma : Humour glacial par « Grand froid »


Rire de la mort, fallait oser. Gérard Pautonnier pour son premier long-métrage signe une comédie noire et mortifère. Noire... comme l’humour. Mortifère... parce qu’il y a des morts. Du moins en théorie puisque les personnages principaux travaillent dans une entreprise de pompes funèbres. La maison Zweck ne va pas très bien. Le patron, Monsieur Zweck (Olivier Gourmet) se désespère du manque de travail. Comme si dans cette petite ville de province indéfinissable, les vieux s’étaient donné le mot pour ne plus mourir. Alors il tente d’occuper ses deux employés comme il peut. Eddy (Arthur Dupont), est chargé de passer le corbillard au « carwash » (expression typiquement belge, comme le film). Georges (Jean-Pierre Bacri), le plus vieux, va en repérage dans les salles d’attente du médecin pour essayer de détecter le quidam sur le point de trépasser.


Le début du film, tiré d’un roman de Joël Egloff paru aux éditions Buchet-Chastel, sert de mise en bouche. Il plante le décor du quotidien de cette équipe de bras cassés composée du patron, incroyablement radin, du jeunot, rêveur et un peu abruti et de l’ancien, râleur blasé obnubilé par sa propre mort. Une succession de gags et de situations ubuesques donne le ton : la comédie sera grinçante et sans tabou.
■ Enfin un « client »
Quand un couple de bourgeois pousse la porte de la boutique, les affaires repartent. Une veuve, accompagnée de son frère, veut enterrer son défunt mari. Problème le cimetière est loin. Très loin. De tout. La cérémonie religieuse expédiée, croque-morts, cercueil, famille, curé et garçons de cœur partent dans deux voitures sur des routes désertes et enneigées. Le reste du film se passe essentiellement dans les deux habitacles. La relation des deux employés de la maison Zweck, avec un Jean-Pierre Bacri toujours aussi brillant dans ces rôles de bougons où personne ne lui arrive à la cheville et la révélation Arthur Dupont au potentiel comique énorme. De l’autre côté, rien ne va plus pour la veuve et le curé (Sam Karmann, trop rare au cinéma ces dernières années), bloqués sur un lac gelé...
Tourné en Belgique pour la partie « bar et magasin » puis en Pologne avec ses extérieurs sales et enneigés, ce premier film souffre de quelques maladresses, mais dans l’ensemble il parvient à son but premier : faire rire. A gorge déployée. Et aussi à nous faire réfléchir sur notre mort. Et vous, connaissez-vous déjà l’épitaphe que vous mettrez sur votre pierre tombale ? 

mercredi 28 juin 2017

Cinéma : Deux belles âmes prennent la route

VISAGES VILLAGES. Agnès Varda et JR à la rencontre de la France rurale.




Totalement improbable. Et pourtant merveilleux. Comment Agnès Varda, princesse de la Nouvelle Vague, cinéaste du réel et monstre sacré du cinéma d’art et essai, a-t-elle trouvé la ressource et la force pour se lancer dans la réalisation de ce film avec JR, photographe à la démarche originale, transcendant l’anonymat et le grand format dans les rues ? « Je suis allé la voir chez elle, se souvient JR. Le lendemain elle est venue dans mon atelier. Le surlendemain on partait en tournage, à l’aventure. »


Une sacrée aventure, qui va durer deux années, à raison de quelques jours de tournage par mois, Agnès Varda, bientôt 90 ans, ayant besoin de repos pour récupérer de ces escapades fatigantes. Son idée à elle : aller à la rencontre des gens vivant dans les villages. Son but : photographier ces inconnus dans son « camion magique » et afficher leurs visages sur les murs disponibles près de chez eux. Ou carrément sur leur habitation comme c’est le cas dans la première séquence, dans le Nord, sur la maison de corons de Jeannine, promise à la démolition (lire ci-contre).
On va donc aller à la rencontre de Français et Françaises, du Sud, du Nord, de l’intérieur ou du bord de mer. Des actifs, des retraités, loin de la civilisation ou au cœur de leur lieu de travail. Un instantané d’une certaine France, diverse et fascinante. Une France que l’on connaît sans toujours y accorder plus d’attention. C’est aussi la grande qualité de ce film, entre fiction et documentaire, entre intime et universel.
■ Montage aux petits oignons
Le montage, supervisé par Agnès Varda qui avoue que c’est son activité préférée dans la fabrication du cinéma, permet de lier ces sé- quences a priori disparates. Le génie c’est de mêler les relations et sentiments des deux artistes, parfois émerveillés en même temps, mais aussi pas toujours d’accord. JR parvient à transformer Agnès en modèle, ses rides et adorables petits pieds s’affichant sur des wagons de marchandises pour traverser la France. Agnès bougonnant contre le culte du secret de JR, refusant de parler de sa vie privée et encore plus de retirer son chapeau et ses lunettes noires.
Un fil rouge qui pourrait être agaçant mais qui au final se transforme en grand moment de cinéma, de ces scènes qui, n’en doutons pas, deviendront mythiques dans quelques générations. Exercice appliqué de narration cinématographique qui devrait être enseigné à tous les apprentis réalisateurs et scénaristes.
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Un film "avec les gens"



« Résister à la paresse et à l’imbécillité », tel est le credo d’Agnès Varda. Son moteur aussi pour continuer à tourner, photographier, exposer. A 89 ans elle ne voulait plus se lancer dans de grands projets, mais le travail de JR, sa démarche, sa sympathie aussi, l’ont convaincue. Leur première rencontre semble de l’ordre du coup de foudre. D’un petit jeune qui a toujours eu de la tendresse pour les vieilles personnes. D’une mamie pour qui le partage est essentiel. Alors elle a conduit JR dans le Nord, à la rencontre des descendants des derniers mineurs de fond. JR a reproduit des photos d’époque en grand format et les a collées sur ces maisons de briques. Ils ont sonné aux portes, pour avoir des témoignages et sont tombés sur Jeanine. Une résistante, dernière à habiter dans cette rue. Une première séquence prometteuse. Avec une histoire et de l’émotion.
Décision est prise de multiplier les déplacements, d’en faire un film. JR pensait que le seul nom d’Agnès Varda lui ouvrirait toutes les portes du financement. Que nenni. « Je suis une célébrité à la marge » note malicieusement la cinéaste qui n’a pourtant plus rien à prouver. Ils se sont battus, sont passés par le crowfunding et ont mené à bien leur projet. Le triomphe à Cannes (Œil d’or du meilleur documentaire) a donné raison à JR qui refuse d’être un « bagnard publicitaire » et qui de ce fait réalise un film « sans les marques, avec les gens ».

De choses et d'autres : Adjoints fifti-fictifs

Après les emplois fictifs, les secrétaires d’état fictifs ? La question se pose légitimement si l’on détaille les attributions des membres du nouveau gouvernement Philippe. Car dans le genre « chamboule tout », le président Macron en a sorti encore une bonne de sa manche. Certains ministres bénéficient d’adjoints, avec un statut de secrétaire d’état. Ils sont six à suppléer, aider, remplacer (cocher le verbe en fonction des situations) des ministres à plein-temps. Comme si ces derniers, contrairement aux précédents, ne pouvaient pas assumer leurs tâches 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. Dans les entreprises, quand on nomme un binôme à la tête d’un service, c’est clairement pour permettre au « chef » de se reposer le moment venu (vacances ou maladies) sur son « adjoint ». Le second partage tout (ou presque) pour être opérationnel au moindre besoin. Et quand la charge de travail s’alourdit, deux chefs aux manettes ne sont parfois pas du luxe. Du fifti-fifti en somme.
Mais en politique, le concept est nouveau. La confiance n’est pas une pratique très développée dans le milieu. D’autant que souvent les « adjoints », recomposition politique oblige, n’appartiennent pas au même « ancien » bord que les chefs. Comment Jean-Yves Le Drian, ministre des affaires étrangères, ex-socialiste, peut-il être d’accord avec « son » secrétaire d’état, Jean-Baptiste Lemoyne, proche de la Manif pour tous ? Dans ce cas précis, Le Drian ne se posant pas en champion de la délégation, il y a fort à parier que Lemoyne se retrouve au placard. Comme s’il ne pouvait s’occuper que de l’Andorre, de la Mongolie et du Vanuatu. Alors, pour le boulot, c’est fifti-fifti ou fifti-fictif ?

mardi 27 juin 2017

BD : Le zombie de la toute première heure


Selon les codes du genre, on devient zombie après une morsure. Excepté Tizombi, nouveau héros de cette série de gags, écrits par Cazenove et dessinés par William. Il est né zombie. Son père, le premier a été mordu et a viré au mortvivant. Il a ensuite embrassé sa femme (et plus si affinité) qui, étant enceinte, a donné naissance à ce Tizombi qui n’aura jamais connu la vie humaine. Il ne s’en plaint pas et a immédiatement abandonné le lait maternel pour la bonne chair fraîche humaine. En bon bébé en pleine croissance, il est « Toujours affamé », titre de ce premier recueil. Tizombi mange et Margotik, jeune fille très dark, écrit des vers. Lassée des disputes de ses parents, elle a trouvé refuge une nuit dans ce cimetière, lieu de chasse de Tizombi et de ses trois meilleurs compères, Fatal, gros morfale qui n’a pas inventé l’eau chaude (source inépuisable de gags), Tékaté, l’élément féminin de la bande (elle adore les ossements humains, si jolis une fois transformés en bijoux fantaisie) et Tribiade, le sage de la bande, du moins quand il n’a pas perdu son cerveau, un peu baladeur du fait des béances de sa boîte crânienne. Les auteurs des Sisters s’offrent une récréation dans l’air du temps, pour rire du pire et de l’horrible.
➤ « Tizombi », Bamboo, 10,60 €

De choses et d'autres : Souscription pour un pénis en pierre


Mais qui en veut au Trollpikken, soit le « Pénis du troll » en norvégien ? Un pénis monumental, qui se dressait droit et fier dans le sud-ouest du pays. Une attraction touristique qui connaît depuis quelques jours un sérieux coup de mou. Car ce pénis a la particularité d’être en érection (photo ci-contre). Sauf que depuis quelques jours il a perdu de sa superbe. Des vandales ont foré à la base de la masse rocheuse et provoqué la chute du symbole phallique ancestral. Terminée la triomphale verdeur du Troll, la pesanteur l’a transformé en simple chose allongée au sol. Mais il n’est pas dit que les Norvégiens ne deviennent impuissants avec autant de facilité. Un entrepreneur local a lancé une collecte sur un site de financement participatif. Près d’un millier de généreux donateurs avaient ré- pondu hier à l’appel « Le pénis du troll doit être redressé », permettant de rassembler plus de 180 000 couronnes (environ 19 000 €). L’objectif est de recoller les morceaux, de réparer cette « mutilation génitale » comme l’a nommée l’instigateur du projet.
L’objectif est de récolter 200 000 couronnes et de lancer rapidement les travaux de ravalement. Par contre, pas la peine d’envoyer des boîtes de viagra : la pierre est infaillible dans le genre. 

lundi 26 juin 2017

Poches : faites votre choix dans ces thrillers



La petite ville de River Falls est le lieu idéal pour les amoureux de la nature. Mais quand des randonneurs découvrent le corps d’une jeune fille, la peur s’empare des habitants. Tout juste réélu au poste de shérif, Mike Logan veut éviter un nouveau meurtre. Avec sa compagne la profileuse Jessica Hurley, il s’intéresse à la troupe du Big Circus. Grand retour du héros d’Alexis Aubenque dans une enquête inédite.
➤ « Retour à River Falls », Milady, 7,90 €


Alors que le compte à rebours de l’extinction de l’Église catholique aurait commencé, à Paris, Antoine Marcas, le commissaire franc-maçon, assiste à la mise aux enchères d’un sarcophage du Moyen Âge. Un sarcophage unique au monde, car il contient selon le commissaire-priseur, les restes d’un… vampire. Giacometti et Ravenne viennent également de signer chez Lattès « Conspiration », nouvelle aventure de Marcas.
➤ « L’empire du Graal », Pocket, 8,50 €


Claude Izner revient avec le premier opus d’une nouvelle série de romans à suspens dans le Paris des années folles et des boî- tes de jazz. Jeremy Nelson, jeune pianiste américain passionné de jazz, vient tirer le diable par la queue dans la capitale, à la recherche de ses origines. « La femme au serpent », suite de cette première aventure de Jeremy Nelson vient de paraître, en grand format, toujours chez 10/18.
➤ « Le pas du renard », 10/18, 7,80 €

De choses et d'autres : En marche pour les fiertés


Samedi à Paris, une foule bigarrée a marché. Pas pour saluer l’élection du nouveau président, ni sa majorité absolue au Parlement encore moins le gouvernement Philippe II. Juste la traditionnelle « Marche des fiertés », manifestation hautement symbolique pour réclamer le droit pour tous de s’aimer et se marier, quelle que soit son orientation sexuelle.
Donc des cohortes de militants LGBT (pour lesbiennes, gays, bi et trans) ont arpenté le pavé, dans ce rassemblement politique et festif. Les déguisements sont de rigueur et le maquillage parfois outrancier. Chaleur aidant, il s’est dilué dans la sueur transformant certaines « grandes folles » en peintures « molles » à la Dali. Mais là n’est pas le problème. Le hic vient une nouvelle fois de cette politique macronienne un peu attrape-tout. Emmanuel Macron, sur son compte Twitter, en même temps qu’il boxait en costard cravate pour promouvoir la candidature de Paris aux JO de 2024, a tweeté un message de soutien à cette fameuse marche : « La France est arc-en-ciel. Nous sommes riches de nos diversités, soyons en fiers ! #MarcheDesFiertés #LoveisLove », texte ponctué d’un cœur aux couleurs de l’arc-en-ciel. 

Ce président est définitivement dans le vent, il avance dans le sens de l’Histoire. Mais rapidement quelques militants de la cause LGBT ont ressorti de leurs dossiers des tweets malheureux de 2013 : « La question sur le retrait du mariage homo c’est pour quand ? » « #mariage homosexuel et #adoption par les homosexuels, faut-il tout accepter sous prétexte que « la société évolue » ? » Qui a commis ces tweets ? Réponse : Jean-Baptiste Lemoyne et Gérald Darmanin, ministres du gouvernement Philippe II. 
N’y aurait-il pas comme une erreur de casting ?
(Chronique parue en dernière page de l'Indépendant le 26 juin 2017)

dimanche 25 juin 2017

BD : Quand Leslie Plée chante, gare aux zygomatiques



La mode est aux comédies musicales, aux opéras rock. Il ne se passe pas une semaine sans que n’émerge un projet depuis le succès de « Notre Dame ». Tous les thèmes sont revisités et cela a donné l’idée à Leslie Plée d’imaginer ce qui pourrait se faire de pire dans le genre. Pas dans la catégorie grosse production avec stars et effets spéciaux mais dans la niche « spectacle de banlieue fauché, bourré de clichés et d’idées tordues ». Une vingtaine d’histoires courtes composent ce recueil, avec en vedette les trois membres fondateurs des « Nouveaux Sergio Lama ». Ils revisitent la vie de Delon, celle de Brel, imaginent le quotidien de Buckingham ou de façon encore plus improbable la vie extraterrestre façon XFiles... Complètement délirant et absolument hilarant.
➤ « Mon opéra rock », Delcourt, 16,95 € 

samedi 24 juin 2017

BD : Lilas, la fièvre d’un été torride



Inoubliable Lilas. Quand il signe en 1980 son roman « L’été en pente douce », Pierre Pelot ne se doute certainement pas de la puissance de cette héroïne d’un huis clos provincial dramatique. Personnifiée par Pauline Lafont dans le film de Gérard Krawczyk sorti il y a trente ans, elle est de retour sous le pinceau de Jean-Christophe Chauzy. Et la magie opère encore, son corps lascif, exposé au soleil, déclenche toujours autant de sensations fortes. Auprès de Fane, son homme, mais aussi de Mo, le frère handicapé mental ou Dédée, la voisine qui cherche à mettre la main sur la maison de Fane et au passage sa belle compagne. Elle, gentille, sensible, libérée, n’a pas conscience des ravages que sa beauté et son effronterie vont provoquer dans la région. Une histoire en passe de devenir un classique dans son universalité.
➤ « L’été en pente douce », Fluide Glacial, 18,90 €

De choses et d'autres : la chantilly tue


La bonne idée que voilà pour les scénaristes ou romanciers spécialisés dans le genre policier. Une des difficultés consiste à trouver une arme du crime la plus originale possible. On croit que tout a été imaginé et pourtant l’actualité vient de faire mieux que les plus tordus des créateurs. Certes, il n’est pas question de meurtre, mais on pourrait tout à fait imaginer dans une œuvre de fiction le petit geste qui transforme cet ustensile de cuisine en arme fatale. L’histoire est aussi peu banale car elle touche une personnalité. 
La semaine dernière, la youtubeuse fitness Rebecca Burger a été retrouvée grièvement blessée à la poitrine. La police a rapidement résolu l’énigme. Pas d’intervention extérieure, un simple accident domestique. La jeune femme de 33 ans, qui comptait des milliers d’abonnés à ses démonstrations de fitness en vidéo semblait avoir un péché mignon, malgré ses formes sculpturales : la crème chantilly. Ce samedi elle semble avoir décidé de se faire un petit plaisir, comme toutes les gourmandes, en mettant un peu de chantilly sur un dessert. Elle utilise pour cela un siphon.C’est en l’actionnant que le drame est intervenu :  la forte pression a fait exploser la tête en plastique transformée en balle tueuse. Touchée au cœur, la jeune femme est morte peu après. 
Le scénariste en mal d’idée pourra la recycler, il suffit que le meurtrier sabote légèrement la machine déjà très dangereuse au naturel. Et au producteur qui trouve cela trop gros, il lui suffit de sortir les articles de presse. Mais qu’il se dépêche car tous les appareils de ce type vont être retirés du marché et les possesseurs d’un modèle ancien sont même tenus d’arrêter de les utiliser au risque de mourir de leur passion culinaire pour la chantilly. 
(Chronique parue en dernière page de l'Indépendant le 24 juin dernier)

vendredi 23 juin 2017

BD : Jack Wolfgang, un loup dans l’Humanité



L’immense succès de « Blacksad » semble avoir donné des idées à certains auteurs ou éditeurs. Le chat détective dans un monde où les animaux se comportent comme des humains a sa déclinaison en loup. Jack Wolfgang est un agent de la CIA dans ce monde imaginé par Desberg. Mais contrairement à l’univers de la BD de Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido, dans le futur de Jack Wolfgang, hommes et bêtes évoluées cohabitent. Longtemps ils ont été à couteau tirés, car les carnivores continuaient à manger de la viande, transformant toute la chaîne alimentaire en vaste cauchemar cannibale. L’invention d’un exhausteur de goût du tofu a permis de retrouver la paix. Et à certains à édifier de colossales fortunes. Le premier tome lance Jack, aidé par Antoinette Lavaux, superbe panthère de la brigade française des stupéfiants, sur les traces d’un trafic d’une étrange poudre venue du fin fond de l’Inde. Quelle est sa composition ? Pourquoi est-elle si chère ? Des interrogations résolues dans cet album de 64 pages dessiné par Henri Reculé, délaissant son style réaliste parfait pour un anthropomorphisme d’une étonnante beauté.
➤ « Jack Wolfgang », Le Lombard, 13,99 €


De choses et d'autres : Paris à l'espagnole


Je viens de passer trois jours à Paris. Bien choisi ma période moi... Trois jours totalement caniculaires, étouffants, avec alerte pollution à la clé. A la descente du TGV, mardi, j’ai eu des relents d’arrivées sous les tropiques, quand on ouvrait la porte de l’appareil et qu’une bouffée de chaleur enveloppait les pauvres touristes occidentaux peu habitués à de telles différences de températures. Un Paris presque équatorial. Et pas un brin de vent, ni tramontane, ni marinade qui rafraîchissent un peu en cas de fortes chaleurs. En surface le goudron fond. Mais le pire est au sous-sol, dans le métro qui prend des airs d’enfer. Dans les couloirs, ça va à peu près, mais dans les rames, notamment les plus anciennes totalement dépourvues de climatisation, c’est intenable. Et l’accessoire à la mode est l’éventail. La ligne 6 a des airs andalous. D’autant qu’un des buts de ma visite est de voir en avant-première « Que dios nos perdone », film de Rodrigo Sorogoyen (sortie en France le 9 août). Un thriller implacable sur le Madrid de 2011, entre viol de femmes âgées, visite du pape pour les JMJ et début de l’insurrection des Indignés. « Petit problème technique, prévient l’organisateur, il n’y a pas de climatisation dans la salle...» Normal, ce vieux cinéma de quartier, spacieux et au cachet certain, n’a pas anticipé le réchauffement climatique. Cela tombe bien finalement car le film se déroule l’été, en pleine canicule. On est plongé dans l’ambiance quand un des héros constate que « les gens sentent plus » (je confirme dans le métro). Et comme de nombreuses Espagnoles sont dans la salle, les éventails sont authentiques et maniés avec une grâce indéniable.
(Chronique parue le 23 juin 2017 en dernière page de l'Indépendant)

jeudi 22 juin 2017

DVD et blu-ray : Chasser ses cauchemars au plus profond de la forêt



Drame psychologique, film d’horreur, déambulation forestière ? Impossible de cataloguer «Dans la forêt», film de Gilles Marchand où on retrouve un peu de l’esprit de Dominik Moll, coscénariste. Tourné dans la forêt suédoise, cette histoire vire rapidement à l’épreuve initiatique pour les deux enfants de la distribution.
Tom (Timothé Vom Dorp) et Ben (Théo Van de Voorde) vont rejoindre pour un mois de vacances leur père (Jérémie Elkaïm) en Suède où il vit et travaille depuis sa séparation avec la mère des enfants. Perdus dans ce pays qu’ils ne connaissent pas où l’on parle une langue incompréhensible, ils sont totalement dé- pendant de leur père. Un homme mystérieux, qui semble préférer le plus jeune, Tom, lui racontant des histoires à faire peur et tentant de le persuader qu’il est différent, qu’il a un don. Première frayeur pour le spectateur. Ce n’est qu’un début. Tom a des visions, il
est hanté par un homme défiguré, le «Diable» comme il explique à son frère, ado et moqueur. Mais quand ils partent à trois passer quelques jours dans une cabane au cœur des bois, le diable devient omniprésent et l’angoisse, renforcée par le jeu pour une fois impeccables des enfants, transforme le film en boule d’angoisse oppressante. Que va-t-il se passer dans ces forêts isolées, le père est-il fou, le salut viendra-t-il de ces trois campeurs croisés par hasard ?
Coproduit par Jérémie Elkaïm, le film laisse un peu sur sa faim sur les explications de ces étranges phénomènes, reste une ambiance, des décors et quelques images fortes, que tout être normal risque de retrouver un jour ou l’autre dans ses pires cauchemars.
Dans les bonus, le réalisateur revient longent sur la genèse du projet, le choix des acteurs et la difficulté du tournage effectué à la dure en conditions réelles.
➤ «Dans la forêt», Pyramide Vidéo, 19,99 €

mercredi 21 juin 2017

Cinéma : Une vie parallèle kafkaïenne qui vous met "K. O."


K.O. Fabrice Gobert, créateur des Revenants, continue dans la veine du fantastique réel


Vous est-il parfois arrivé de vous réveiller avec la désagréable sensation de ne plus savoir qui vous êtes ? Comme une rupture dans univers cohérent pour basculer dans un monde parallèle, souvent kafkaïen. Cette perception de glissement de la réalité, Antoine Leconte (Laurent Lafitte) va la vivre intensément. Mais ne peut pas s’y habituer. Logique, ce qu’il dé- couvre est une inversion de son existence, un univers où il se retrouve à la place des hommes et femmes qu’il humilie au quotidien. Le second film de Fabrice Gobert, créateur de la série les Revenants pour Canal +, est assimilable à une longue errance dans un labyrinthe pour le personnage principal. Pour comprendre le cauchemar, il faut connaître vraie vie de cet homme brillant mais exécrable. Antoine est le directeur d’une chaîne de télévision. Il a réussi et méprise ceux qui n’ont pas su, comme lui, s’imposer dans ce monde de requins. Il a une horde de collaborateurs toujours prêts à accomplir ses moindres envies. Répondre illico à ses ordres implacables « Une cigarette ! », « trouve mon avocat ! ». Ses sentences expéditives « Vire-le ! ». Un roi à qui personne ne résiste. Le prototype du salaud incapable de la moindre empathie. Les 20 premières minutes permettent au spectateur de le cerner, de le détester. Mais il y a heureusement ceux qui lui résistent : un syndicaliste, sa femme ou un présentateur laissé en bord de route. Ce dernier craque. Il coince Antoine dans un ascenseur et lui tire dessus. Ecran noir pour le producteur télé...
■ A la météo
Quand il reprend ses esprits à l’hôpital, il quitte immédiatement cette chambre sinistre et rentre chez lui. Mais le code de la grille de son hôtel particulier ne fonctionne plus. Il crie, réclame qu’on lui ouvre. La police intervient, l’embarque. Antoine ne comprend pas. D’ordinaire tout le monde le reconnaît. A petit matin, il repart à la télévision. Les gens le reconnaissent mais ne semblent plus le redouter. Il prend alors conscience que tout à changé. Il est le présentateur météo. La direction de la chaîne est occupée par sa secrétaire, sa maîtresse est femme du patron, sa femme présentatrice vedette vivant avec l’animateur qui lui a tiré dessus. Après un moment d’abattement, il va tenter de reconquérir son empire. Mais ses envies de promotion sont balayées : présentateur météo tu es, présentateur météo tu resteras... On participe intensément à ce cauchemar éveillé, projeté dans ce personnage, obligé d’ouvrir les yeux sur sa vie d’avant, plus minable que brillante finalement. Un fantastique parfaitement maîtrisé, une narration linéaire mais aux multiples rebondissements, des acteurs au summum de leur art : « K. O. » redonne confiance dans l’avenir du cinéma fran- çais capable d’inventer, de surprendre et de proposer des idées nouvelles.
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Réminiscence des « Revenants »


Le créateur et réalisateur (13 des 16 épisodes) de la série « Les Revenants » Fabrice Gobert aime la veine fantastique. « Le fantastique me permet de traiter les choses de manière pas trop frontale, il permet ce petit pas de coté qui ouvre vers le spectaculaire, le ludique, le surprenant », explique Fabrice Gobert à l’AFP. « Le but, c’était de laisser au spectateur la possibilité de s’interroger sur l’histoire : Antoine Leconte se demande qui il est, il erre entre ses cauchemars, ses fantasmes, ses rêves, ses ambitions, ses peurs », dit le réalisateur. En plus de l’ambiance fantastique, « K. O. » permet au réalisateur de retrouver des comédiens qu’il a déjà dirigés dans la série composée de deux saisons et qui vient d’être adaptée aux USA. Clotilde Hesme joue une assistante de Leconte, toujours disponible. Pour tout. Car elle est aussi sa maîtresse. Mais en toute discrétion car le patron ne doit pas afficher ses préférences. Dans l’autre réalité, elle est à la tête de la chaîne, mariée et enceinte jusqu’aux yeux (comme dans la série...). L’occasion pour la comédienne de jouer deux personnages totalement différents, de la soumission à l’autoritarisme bon enfant. Autre acteur remarqué dans les Revenants et de retour dans K. O. : Jean-François Sivadier. Son air mystérieux fait merveille dans la seconde partie, quand il fait découvrir à Leconte le monde du combat clandestin à main nue. Juste pour de l’argent et avoir la possibilité de se défouler après une journée d’humiliations au travail. Violent mais si vrai...

mardi 20 juin 2017

Livre : l’érotisme selon nos ancêtres catalans



Le plaisir sexuel, contrairement à une idée trop souvent répandue, n’est pas une découverte récente. Depuis très longtemps, l’homme et la femme ont compris qu’en plus d’assurer la descendance, faire l’amour est une source in- épuisable de plaisir.
Et pour ceux qui en doutent, plongez dans la réédition dans une nouvelle traduction du « Miroir du foutre » connu également sous le nom de « Kamasutra catalan ». Ce manuscrit anonyme du XIVe siècle est conservé à la bibliothèque nationale de Madrid. Une première version parue avant les années 2000 avait déjà mis en relief ce petit traité expliquant en plusieurs chapitres que faire l’amour est bénéfique à se maintenir en santé. Surtout, il expliquait des remèdes pour être performant, décrivait des positions et s’intéressait même au plaisir féminin, décrivant le « godemiché en forme de pénis, rembourré de coton et recouvert de cuir doux, qu’elles s’introduisent dans le sexe jusqu’à ce qu’elles soient satisfaites. »
Car dans ce texte, s’il est beaucoup question des solutions pour avoir un « membre fort et vigoureux », il n’est pas occulté le rôle de la femme notant qu’il est « frustrant que les deux plaisirs n’arrivent pas ensemble. Lorsque l’homme jouit avant la femme, celle-ci est lésée. » Comme quoi, rien n’a changé réellement dans la tête des « mâles ». 
➤ « Miroir du foutre », Mare Nostrum, 12 €

De choses et d'autres : Cachez ce pied


Si vous avez la chance (le malheur pour certains) d’habiter près d’un lycée, vous les avez remarqués depuis quelques semaines. Pas les handspinners, mais le combo improbable des claquettes portées avec des chaussettes. Pas la tong accrochée entre le gros orteil et le reste des doigts de pied mais la claquette simple, souvent utilisée dans les vestiaires de sportifs ou à la piscine. Une claquette toute simple, qui dé- voile 80 % du pied. Si on a la bonne idée de ne pas mettre des chaussettes. Or la mode, lancée notamment depuis le titre «Claquettes-chaussettes» du rappeur Alrima. Une chanson que les Inconnus, à l’époque n’aurait pas reniée. 
Pour le Huffington Post, l’artiste se souvient du déclic qui l’a poussé à écrire et enregistrer ce chef-d’œuvre de l’esthétique, version Cité : «On a pris ça comme un défi. C’était quitte ou double: soit la chanson fonctionne, soit on passe pour des guignols.» Si pour les gens ayant un minimum de sens artistique, l’association est rédhibitoire, pour les autres, les jeunes notamment, c’est génial. 
Constat d’Alrima : « Au final, personne ne regrette». On ne le remerciera jamais assez de rendre possible ce que plus personne n’osait faire par crainte de ridicule (ou pire, d’être pris pour un touriste hollandais ou allemand) : porter des chaussettes avec des sandales ouvertes, en pantacourt. Ce qui était encore le comble de la ringardise l’été dernier, devient à la mode par la magie de YouTube (3 millions de vues en deux mois). 
Et à l’occasion cela permet de cacher les ongles incarnés ou mangés par d’horribles champignons comme il n’en existe que dans les pubs pour médicaments anti mycoses. 
En bonus, la vidéo...

(Chronique parue le 20 juin en dernière page de l'Indépendant)

lundi 19 juin 2017

Livre : Fées et autres mitounes de France



Remarquable travail de recherche de Marie-Charlotte Delmas pour ce copieux « Dictionnaire de la France merveilleuse ». Spécialiste des croyances populaires, elle a déjà signé trois volumes du « Grand légendaire de France ». Dans ce dictionnaire portant sur le surnaturel, les êtres fantastiques, les apparitions et les lieux enchantés elle détaille en quelques pages nombre de légendes. Notre région est riche en histoires de ce genre, comme la création du pic de Bugarach, issu de l’action de deux lutins, Buch et Arach, réquisitionnés pour protéger les habitants du cers. De longs chapitres sont consacrées aux enchantées ou aux mitounes. Ce sont des fées. Les premières, lavandières, avaient la réputation de porter chance. Quant aux secondes, elles sont clairement malfaisantes et ont longtemps terrorisé les Audois.
➤ Omnibus, 30 €

De choses et d'autres : les premiers de la vague


Les vagues, ils connaissent parfaitement en Polynésie française. Ce territoire du Pacifique sud composé de petites îles tropicales réparties sur une superficie maritime aussi étendue que l’Europe est réputé pour son lagon et quelques spots vénérés par les surfeurs du monde entier. Des vagues, il y en a de très belles du côté de Teahupoo (le plus connu et redoutable) ou Taapuna, mais samedi c’est un rouleau très différent qui a déferlé sur l’archipel. Décalage horaire oblige, c’est là que les premiers résultats des législatives ont été connus. Et avant même que les rares électeurs de métropole encore assez motivés ne se persuadent qu’il faut aller voter, même si c’est la quatrième fois en deux mois, qu’il fait très beau et que le dimanche c’est fait pour se reposer, les trois députés de Polynésie française fêtaient leur victoire. Et sur les trois, deux étaient étiquetés majorité présidentielle. 
En gros comme en métropole : une majorité historique des deux tiers. Comme un tsunami, la vague En marche ! s’est propagée à la surface du globe et avant d’arriver sur nos rives et pénétrer tous les départements, elle a touché les côtes de la Martinique (1 élu), de la Guadeloupe (3 élus), de la Guyane (1 élu, certainement l’un des plus jeunes de l’Assemblée à 25 ans), et Saint-Pierre et Miquelon (1 élue, ministre des Outremers gagnante de peu).
Le problème des vagues c’est que certains peuvent y surfer, mais d’autres y boire la tasse. D’autant qu’objectivement, vu la participation catastrophique, c’est plutôt une vaguelette qui a tout emporté sur son passage. 
(Chronique parue le 19 juin en dernière page de l'Indépendant)

dimanche 18 juin 2017

Roman : le Capcir façonne « La maison Bataille » d'Olivier Szulzynger


Roman rural et familial, « La maison Bataille » d’Olivier Szulzynger, connu pour avoir longtemps coordonné les scénarios de « Plus belle la vie », est un regard assez cru sur la désertification de la montagne catalane. A cause de la crise agricole mais aussi et surtout de la mésentente dans certaines familles obligées de fuir la misère et incapables de trouver un terrain d’entente pour assurer une transmission d’héritage sereine.

« La maison est ramassée sur elle-même. La façade est en pierre sèche. Il n’y a pas d’ouverture au rez-de-chaussée, et seulement une rangée de quatre fenêtres au premier et au deuxième étage. Les fenêtres, étroites comme des meurtrières, sont fermées par des volets verts en bois. La peinture s’écaille. Le noir rouille des ardoises contraste avec le gris jaunâtre du mur. Pierres contres pierres. Minéral. » Telle est la maison Bataille plantée sur les hauts de Camporeils dans ce Capcir si redoutable en hiver.
Frédéric, compositeur atteint d’une tumeur au cerveau, compte se retirer dans cette demeure familiale qu’il n’a fréquentée que de rares étés. C’est là qu’a débuté la saga des Bataille. Maniant à la perfection la narration avec une quantité importante de personnages, l’auteur, dont c’est le premier roman, fait le pari de délaisser la chronologie pour multiplier les allers-retours aux différentes époques.

■ Regard lucide
Il y a André, le patriarche, celui qui a imposé les Bataille comme les maîtres du Capcir dans l’entre-deux-guerres. Puis ses enfants, Jeanne, Marie, Pierre et Louis. Enfin les petits enfants dont André, Sylvie et Frédéric. C’est ce dernier qui sert de pivot au roman. Son retour à Camporeils et ses souvenirs de son père et de ses tantes.


L’essor des Bataille débute par une déception. André, en 1920, veut quitter ces montagnes pour l’Argentine et ses immenses plaines propices à l’élevage de masse. Son père refuse. Il reste donc sur l’exploitation et transforme sa frustration en ambition politique. Elu maire, il rayonne sur la région, envisage d’avoir des responsabilités nationales. La seconde guerre le fauche en pleine gloire.
Sa fille, Jeanne reprend le flambeau. Mariée à un employé de banque, elle va œuvrer en coulisses pour sa promotion, devenant une cadre du Crédit Agricole, de ces responsables qui ont œuvré pour la modernisation de l’agriculture française. A l’opposé, Marie vivote à Narbonne, ne revenant à la maison familiale qu’en été, pour les vacances d’été. Une écriture concise, précise, donne toute sa force à cette saga qui pourrait s’étaler sur des heures à la télévision. Mais Olivier Szulzynger sait faire court et direct. Exemple avec le sentiment de Frédéric, partagé entre sa réussite artistique et ses attaches paysannes : « En sautant d’un monde à l’autre, on court le risque de trébucher et de tomber dans le vide. »
Histoire d’une maison, d’une famille, d’une région, ce roman est un regard lucide sur l’évolution des mentalités d’une génération à l’autre.
➤ « La maison Bataille », Olivier Szulzynger, Editions de l’Aube, 22 € 

samedi 17 juin 2017

BD : Moth, enfant et esclave



Très compliquée la vie dans le Haut Palais quand on est un enfant esclave de dix ans. Destiné à devenir couvreur sous la responsabilité de la jeune et autoritaire Fless, il a été repéré par Cael Extat, l’intendant du clan des Aldercrest. Un homme tout puissant maniant la magie. Moth, vendu par sa mère pour permettre de subvenir aux besoins des autres enfants, a le cœur lourd. La nuit, dans le dortoir commun des esclaves, il pleure et cauchemarde. Surtout quand Obsidian, une mystérieuse entité prisonnière des lieux le contacte. Moth, de simple esclave va-t-il devenir un élu ? Une histoire fantastique écrite par l’Anglais Mike Carey et dessinée, dans un style très franco-belge, par l’Américain Peter Gross.
➤ « Le Haut Palais » (tome 1), Glénat, 14,95 € 

De choses et d'autres : visites et clics


J’ai un problème. Si cette chronique suscite quelques commentaires positifs (négatifs aussi...) de certains lecteurs, sa version sur internet passe presque totalement inaperçue. Pourtant tous les matins elle paraît en ligne, gratuitement, souvent agrémentée d’une illustration, sur lindependant.fr. Je la reprends aussi en décalé sur un blog. Mais je dois me rendre à l’évidence, je suis loin, très loin des records de clics obtenus par un fait divers sordide, un orage de grêlons ou le dernier dérapage de Hanouna. Logique. Mais que le compte-rendu d’un match de tennis de table dans un village isolé de l’Aude ou la fête de l’école communale d’un hameau de la montagne catalane me passe devant, c’est forcément un peu vexant. Pas que je me considère supérieur, mais en théorie, mes chroniques s’adressent à un plus large lectorat que ces niches ultralocales. 
Alors que faire ? La raison devrait me pousser à me résigner. Le public du net n’a rien à voir avec les acheteurs ou abonnés d’un quotidien papier. Mais j’ai ma fierté. 
Comme certains je pourrais «acheter» une réputation numérique. Facile et pas si cher. Pour quelques poignées de dollars vous pouvez acquérir des milliers de clics à des usines installées en Thaïlande. 
L’une d’entre elles vient d’être démantelée. L’activité est tout ce qu’il y a de plus légale,mais c’était des Chinois sans contrat de travail qui œuvraient derrière les écrans. Trois employés qui depuis leur ordinateur commandaient à 500 smartphones et 400 000 cartes SIM. Imaginez, un seul ordre sur un de mes articles et je multiplie par 100 000 mon audience. Malhonnête, mais une récente étude démontre que 50 % des clics sont générés par des robots. Tout bien considéré, mon taux de visibilité n’est peut-être pas si mauvais que cela.

vendredi 16 juin 2017

BD : Entre deux Spirou, Yoann dessine les Captainz



Commencée il y a près de dix ans, la première aventures des superhéros « Les Captainz » vient juste d’être achevé par Yoann. Entre-temps le dessinateur a délaissé le scénario de Texier pour se lancer dans la reprise de Spirou. Une trentaine de planches attendaient donc une conclusion récemment réalisées. Place donc aux Captain Mystérieux, Wawa, Déprime et Bisou. Sans oublier Mégahertz, capable de se déplacer à travers les ondes. Avouons avoir un petit faible pour Déprime dont le seul pouvoir est pousser les gens au suicide. Wawa est un petit chine, supérieurement intelligent, vivant dans un exosquelette de robot invincible. Bisou tient son sobriquet du fait qu’il se transforme en monstre destructeur dès qu’une femme l’embrasse. Reste Mystérieux, ado attardé complètement ignare. Le plus marrant de cette équipe d’étonnants bras cassés.
➤ « Les Captainz », Le Lombard, 12 €

De choses et d'autres : Un minimum de courtoisie


Depuis quelques semaines une campagne fait rage sur les réseaux sociaux. Des femmes ont décidé de fustiger, photos à l’appui, les hommes qui dans le métro ont les jambes largement ouvertes, ne laissant qu’une place minime aux femmes obligées de se serrer dans le peu de place qui reste. L’opération a pris pour nom «manspreading» et a particulièrement pris de l’importance dans le métro de Madrid. Au point que la société en charge des rames a décidé d’accoler des logos dans les wagons pour interdite aux hommes d’écarter les jambes. En France, une première alerte avait été lancée en 2014 par «Osez le féminisme». Mais à l’époque le logo a été refusé par la RATP. Un pictogramme accompagné de quelques lignes particulièrement ironiques : «L’ouverture des cuisses n’est pas utile. La fermeture des cuisses est préférable car les testicules ne sont pas en cristal, elles ne risquent pas d’exploser». Et de poursuivre, sur le même ton, «Vous pourrez ainsi laisser plus de place à vos voisines et vous ne polluerez plus leur champ visuel.» 
Bon, on l’admet volontiers, nous les hommes, on a souvent tendance à prendre nos aises. L’écartement des cuisses est presque inconscient, un geste naturel. A l’opposé, les femmes ont tendance à croiser les jambes. Mais ce problème est plus général. Il montre surtout que la courtoisie, cette vertu si importante dans la vie en société, a du plomb dans l’aile. Car certains, non seulement écartent les jambes,mais en plus ne cèdent jamais leur place à une personne prioritaire. Goujats jusqu’au bout ! 
(Chronique parue le 16 juin en dernière page de l'Indépendant)

jeudi 15 juin 2017

BD : "Les beaux étés" pour parfaitement se préparer aux vacances


Même les voitures ont droit à des petits noms. Par exemple, la Renault 4L de la famille des « Beaux étés » a été affublée, dès le premier grand voyage vers le sud, du sobriquet de « Mam’zelle Estérel ». Comment et dans quelles circonstances ? On l’apprend dans le troisième titre de la série écrite par Zidrou et dessinée par le Catalan surdoué Jordi Lafebre. La famille belge des Faldérault, en 1962, prend enfin deux semaines de vacances. Pierre, le père, rêve de Méditerranée. Mais comme il doit emmener avec lui les parents de sa femme, ce sera Saint-Etienne, ses églises et ses musées. Sans compter son hôtel, tenu par des Belges... Bonjour le dépaysement. On retrouve avec un plaisir évident le dessinateur doué mais manquant de reconnaissance et surtout d’un succès en librairie pour voir sa carrière décoller. Sa femme rêve d’émancipation, mais avec maman dans les jupes, ce n’est pas facile. Des deux enfants du couple, elles sont surtout passionnées par la bonhomie du papy, si gros, si doux. Un instantané bourré de nostalgie dans lequel on retrouve forcément un peu de notre vie.
➤ « Les beaux étés » (tome 3), Dargaud, 13,99 €

De choses et d'autres : Animal, on est mal



Personne ne les a vus venir. Ils ont fait patte de velours et à l’arrivée ce sont eux les grands gagnants de ces législatives. Pas les Marcheurs de Macron chaussés des bottes de sept lieux pour écraser la concurrence. Je parle des animaux, ou plus exactement des candidats du parti animaliste. Une formation toute jeune (2014) qui pour la première fois se lançait dans le bain du suffrage universel. Quelques centaines de candidats (dont trois dans les circonscriptions de l’Aude et des Pyrénées-Orientales) et à l’arrivée suffisamment de voix pour toucher la fameuse subvention d’aide aux partis politiques représentatifs. Il faut pour en bénéficier, avoir au moins 50 représentants dépassant les 1 %. Emmanuel Cousty dans la 1re desPO (373 voix et 1,14%) et Patricia Dandeu dans la 1re de l’Aude (573 voix et 1,17 %) ont apporté leur pierre à l’édifice. Moins concluant pour Pierre Martinez dans le 2e de l’Aude (311 voix et seulement 0,52 %). 
Mais au final cela suffit pour empocher plus de 90 000 euros de financement public par an. Un sacré pactole qui confirme la domination des chatons sur le monde. Car le parti animaliste n’avait qu’une seule et unique affiche pour faire campagne : celle d’un petit chat tout mignon qui regarde l’électeur droit dans les yeux. Ils sont 63 637 Français et Françaises à avoir craqué dimanche dernier. 
(Chronique parue le 15 juin en dernière page de l'Indépendant)

mercredi 14 juin 2017

DVD et blu-ray : Mariage, tromperies et mensonges



Le genre de la comédie française a encore de beaux jours devant lui. La preuve avec « Faut pas lui dire », film de Solange Cicurel avec une pléiade de bonnes actrices, de Jenifer Bartoli (la chanteuse, excellente) à Camille Chamoux en passant par Stéphanie Crayencour et Tania Garbarski. Quatre cousines préparent le mariage de la plus jeune. Mais l’une des demoiselles d’honneur découvre que le futur marié la trompe. Que faire ? « Faut pas lui dire ! » décident-elles à l’unisson, provoquant une cascade de quiproquos et de situations ambiguës. Une vision très joyeuse et ouverte de notre société amoureuse.
➤ « Faut pas lui dire », Orange Vidéo, 14,99 €

DVD et blu-ray : L’Amérique du porte à porte



Comme dans tout film américain indépendant qui se respecte ces trois dernières années, il y a une référence à Donald Trump dans « American Honey », plongée grâce à la caméra mobile et virevoltante d'Andrea Arnold dans une jeunesse qui tente de survivre avec de petits boulots. Présenté à Cannes l’an dernier, il sort en vidéo alors que le milliardaire est entre temps arrivé au pouvoir.
Star (Sasha Lane) croise Jake (Shia LaBeouf) sur le parking d’un supermarché et trouve que ses habits ressemblent à ceux de maître du monde aux cheveux peroxydés. Par contre, le reste est très éloigné : longue tresse, percings aux sourcils,tatouages apparents.Pourtant Jake n’a qu’un but dans la vie, comme Trump, « faire de l’argent ». Il est vendeur de magazines, fait du porte à porte avec sa bande de démarcheurs tous plus barjots les uns que les autres, coachés par Crystal (Riley Keough), la patronne qui empoche 80% des ventes en échange du gîte, du couvert et du transport.



Ce road trip à travers les USA, des quartiers les plus huppés aux zones infâmes,repaires de fumeurs de crack, ne fait pas dans l’esthétique. Par contre, si vous êtes en manque d’une bouffée de réalisme social sans compromis, vous apprécierez ce long film (2 h 30) mais sans la moindre longueur tant on est immergé dans le quotidien de cette troupe hétéroclite. On apprécie l’attirance de Star pour Jake, les fractures de certaines vendeuses comme Pagan (Arielle Holmes) obsédée par Dark Vador ou QT, ancienne d’un gang du Panama.
Et puis il y a les rencontres. Émouvante avec un camionneur rêvant de bateau, décalée avec les trois cowboys qui ne savent plus quoi faire de leur fric ou si triste avec ces trois enfants laissés à l’abandon par une mère défoncée à la meth. Une Amérique sans masque ni maquillage,personnifiée par une majorité d’acteurs amateurs qui ont certainement connu les mêmes galères avant de se retrouver devant la caméra d’Andrea Arnold.
➤ « Américan Honey », Diaphana, 19,99 €

mardi 13 juin 2017

Cinéma : Une famille unie autour du vin





Une année. Il faut une année complète pour « fabriquer » un vin. Mais il en faut beaucoup plus dans cette Bourgogne pour que le breuvage gagne ses lettres de noblesse. Il existe des crus où le vin doit être vite bu, d’autres où il ne gagne ses galons de grand cru qu’à l’issue de longues années de maturation, en fûts puis en bouteilles. Dans l’exploitation familiale au cœur d’une région devenue riche à force de faire des breuvages d’exception, le temps de la relève est venu. Le patriarche, malade, est hospitalisé depuis des années. Juliette (Ana Girardot) a pris la relève, un peu contrainte et forcée. Son jeune frère, Jérémie (François Civil), l’aide un peu, mais il est fort occupé par la naissance de son fils et le travail sur l’exploitation de son épouse.



Tout change quand Jean (Pio Marmai) est de retour. Jean, l’aîné, le grand frère protecteur ayant préféré faire le tour du monde que de rester les pieds collés à cette terre collante quand il pleut trop. Cela fait plus de quatre ans qu’il n’a pas donné signe de vie. Installé en Australie à la tête d’un immense vignoble, il revient du jour au lendemain, à quelques jours du début des vendanges. Du décès du père aussi. Mais la vigne, elle, se moque de la mort. Le raisin est arrivé à maturité. Il faut lancer la récolte. Un beau symbole de la suprématie totale et absolue, quoi qu’il arrive, de la vie sur la mort, de la continuité face à l’abandon.
Ce film « agricole » du réalisateur du « Péril Jeune» ou de « L’auberge espagnole » s’intéresse avant tout aux trois enfants, perdus face à l’enchaînement des difficultés. Car en plus des vendanges, il faut gérer l’héritage. Et les lois françaises font que pour conserver le domaine en l’état, il faut payer 500 000€ de droits de succession. Or les frères et la sœur, s’ils ont des problèmes de riches, n’en ont pas les moyens.
■ Réconciliations
De plus, Jean est partagé entre ces racines et sa nouvelle vie. Car s’il est revenu tenter de se réconcilier avec son père mourant, il a laissé en Australie une compagne et un petit garçon de 4 ans. Pour lui, il est évident qu’il faut vendre. Mais Juliette, pourtant toujours en admiration devant ce grand frère qui l’a aidé, éduqué et protéger, ne veut pas qu’il décide pour elle. Jérémie, hésitant, va tenter d’oublier les rancœurs contre son frère qui n’est même pas venu aux obsèques de leur mère.
Le film montre aussi, sur une année complète au fil des travaux de la vigne (de la taille aux vendanges) comment ces trois, éloignés par la force des choses, vont se retrouver et gagner en complicité. C’est au final le véritable intérêt de plus de « Ce qui nous lie », qui bascule de film ancré dans la réalité viticole pré- sente vers une histoire universelle sur la famille, ses joies, séparations et retrouvailles. Notamment quand, dans l’adversité, les trois, comme dans leur enfance heureuse, s’unissent et font face à toutes les difficultés.
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De la vigne au vin


Tout en consacrant l’essentiel de l’intrigue aux personnages, le film de Cédric Klapisch prend parfois des allures de documentaires quand il est question de la vigne et du vin. Les premières images montrent ces vignobles aux couleurs changeantes au fil des saisons. De l’austère dépouillement de l’hiver à vert tendre du bel été en passant par l’or de l’automne. La vigne, filmée sous toutes ses coutures, est presque un personnage à part entière, aux humeurs changeantes mais toujours au rendez-vous des saisons. Que cela soit la taille ou les vendanges, les propriétaires l’arpentent inlassablement, surveillant chaque cep et guettant le moindre signe de maladie jusqu’au jour du début des vendanges. En quelques scènes joyeuses, le réalisateur capte la dureté de cette période mais aussi sa joie liée au travail de groupe.
Ensuite vient le travail dans le chai. Le pressage, l’assemblage et le vieillissement. C’est aussi là, dans cette fraîcheur ancestrale que le vin est élaboré par petites touches personnelles, habitudes et goût des vignerons.
Sans verser dans la démonstration un peu trop pédagogique, on sort de ce film avec un savoir supplémentaire. Surtout on apprend que certains goûteurs-testeurs, dont ceux de la famille de Jean, Juliette et Jérémie, ne crachent pas. Au contraire, ils dégustent jusqu’au bout et profitent de cette ivresse divine provoquée par l’alcool. La fonction première du vin que des aristocrates de la dégustation ont trop souvent tendance à occulter.