mardi 25 février 2020

Cinéma - Les souvenirs canétois du réalisateur de « Lucky »


Au grand regret d’Olivier Van Hoofstadt, le film ne s’est jamais fait. « J’ai travaillé trois ans sur le scénario, ici, dans les Pyrénées-Orientales, mais il y a eu des complications avec les producteurs et le film ne s’est pas fait », se souvient le réalisateur belge avant l’avant-première de son troisième film, « Lucky », la semaine dernière au Méga Castillet de Perpignan. 
Le titre du film abandonné ? « Canet-Plage ». « Je voulais filmer ces grands bâtiments en bord de mer, notamment en octobre ou novembre quand la lumière est superbe ». Trois années et des regrets. Mais il a conservé le scénario et espère encore pouvoir relancer le projet si un autre producteur rachète les droits initiaux. Il pourra compter sur le soutien de Jacques Font, le M. Cinéma du département. « Pour Lucky je n’ai quasiment pas fait d’avant-première hormis à Bruxelles et Paris. Mais je voulais le montrer à Perpignan. Alors j’ai appelé Jacques et il a organisé l’avant-première. » Jacques Font qu’il a rencontré lors de son séjour catalan.  Entre ces deux figures atypiques, l’amitié a été immédiate. 
Du département, Olivier Van Hoofstadt se souvient de la gentillesse des habitants.  Et de la beauté des lieux. « On dirait la Californie. Je me croyais à Hollywood. » Il a écrit son film sur place et fait de nombreux repérages pour les décors. « On comptait filmer dans une maison à Torreilles, en bord de mer. On avait aussi repéré des paillotes. »
Une grosse désillusion mais il a su rebondir. En continuant à tourner des publicités (très rémunérateur) et en se lançant sur un autre projet, cette comédie tournée en avril de l’an dernier dans la région de Rungis et qui sort ce mercredi 26 février partout en France.


On retrouve dans cette comédie deux acteurs qui devaient faire partie de la distribution de Canet-Plage. François Berléand devait en être de même que Corinne Masiero, la célèbre Capitaine Marleau. Dans Lucky, le réalisateur du culte Dikkenek l’utilise en total contre-emploi. Terminé l’accent chti et l’aspect populaire, elle devient une grande bourgeoise blasée et surtout totalement nymphomane. Non seulement elle collectionne les gigolos, mais elle se permet de draguer Florence Foresti et même d’envisager quelques galipettes avec un ado cambrioleur. Dans « Canet-Plage », elle devait interpréter une femme totalement immorale. Elle avait dit oui immédiatement…
Alors souhaitons un beau succès à Lucky. Ainsi
Olivier Van Hoofstadt aura encore plus d’arguments pour relancer le projet « Canet-Plage ».

(Article paru dans l'Indépendant le 25 février 2020)

mercredi 19 février 2020

La mise en garde du film espagnol "Lettre à Franco"


"Aujourd’hui, on assiste à une résurgence des mouvements fascistes, notamment en Europe. Dans ce sens, le film parle autant du présent que passé. » Le film d’Alejandro Amenábar Lettre à Franco est donc à voir à deux niveaux. Un plan historique donc, précis et détaillé sur la prise du pouvoir par Franco et l’aveuglement de certains intellectuels, mais aussi un éclairage sur ce qui se passe dans trop de pays européens depuis l’émergence des mouvements populistes.
Comme s’il fallait ce rappel historique pour comprendre le risque de laisser accéder au pouvoir ces hommes ou femmes qui cachent trop bien leur jeu.



En ce sens, Lettre à Franco devient un film d’utilité publique, notamment dans les villes où les candidats du Rassemblement national, sous couvert de dédiabolisation ou de liste sans étiquette, sont parvenus à convaincre des personnalités, des intellectuels parfois, à les rejoindre. 

L'Histoire se répète...

Ces “prises” se retrouvent de fait dans la situation de Miguel de Unamuno au début du film. Nous sommes en 1936.
Une junte de généraux a décidé de reprendre le pouvoir en Espagne. Unamuno, recteur d’université de Salamanque, voit d’un bon œil cette volonté de promouvoir une grande Espagne. Ayant longtemps lutté contre la royauté, il est persuadé qu’il faut conserver Pays basque et Catalogne. En face, les Républicains sont caricaturés comme des supplétifs des Soviétiques, allant jusqu’à brûler des églises. Pourtant l’écrivain a parmi ses amis des hommes de gauche. Ils tentent de lui ouvrir les yeux sur les méthodes fascistes. Les épurations et exécutions sommaires.
Dans cette bataille très binaire, il va longtemps rester dans le même camp. Jusqu’à la disparition, l’emprisonnement puis les exécutions de deux de ses meilleurs amis. Un pasteur, juste coupable d’être protestant et franc-maçon, un de ses anciens élèves, professeur à l’université, aux convictions gauchistes trop voyantes.
Le film décrit cette ambiance de suspicion montant dans Salamanque. En parallèle, on voit comment Franco, petit général venu d’Afrique, manœuvre habilement pour devenir le caudillo qui restera au pouvoir jusqu’à sa mort.
Quant à l’intellectuel, de plus en plus terrorisé, surtout pour sa famille, il fait le dos rond. Mais lors de la fête de la race espagnole en 1936, il décide de prendre la parole devant des centaines de militaires fascistes. Dans un discours devenu célèbre, il défend les Catalans et les Basques et attaque l’évêque, caution religieuse des nationalistes. Une sortie flamboyante, mais trop tardive.

Le message du film est là : dénoncer, certes, mais suffisamment tôt. Après, il est trop tard.


Film espagnol d’Alejandro Amenábar avec Karra Elejalde, Eduard Fernández, Santi Prego