dimanche 28 janvier 2024

BD – Dinosaures, animaux et douleur : vous avez dit pédagogie ?

 Longtemps honnie par le corps enseignant, la BD permet désormais d’apprendre facilement. Une pédagogie par l’image parfois très sérieuse, d’autres beaucoup moins…  


Fascinants dinosaures

Rares sont les dessinateurs de BD qui osent s’aventurer en dehors du cocon douillet de leur studio de création. Sédentaires, ils aiment s’évader par la pensée. Aussi quand un artiste décide de s’enfoncer dans la jungle hostile du Laos à la chasse aux restes de dinosaures, on se doute que l’aventure sera belle et palpitante. Ce parcours, c’est Mazan qui l’offre à ses lecteurs dans cette BD entre récit de voyage, séquence pédagogique et reportage dessiné.

Passionné par les dinosaures dès son plus jeune âge, Mazan, installé près d’Angoulême, a longtemps dessiné des récits historiques avec sa compagne Isabelle Dethan. La passion des dinos est revenue quand il découvre un chantier de fouilles près de chez lui. Il copine avec les paléontologues, devient bénévole, dessine leurs fouilles et finalement s’intègre à l’équipe de Ronan Allain qui s’envole pour le Laos en 2012.

Durant un mois et demi, Mazan va participer à l’expédition, manier la pioche et le pinceau. De toute beauté, ce roman graphique retrace la démarche du dessinateur, des chercheurs, raconte dans le détail le voyage en Asie, les déceptions et découvertes enthousiastes.

On apprend beaucoup sur les dinosaures (attention, c’est la partie la plus pédagogique mais aussi la plus complexe), mais surtout on rêve dans les pas de ces aventuriers du XXIe siècle et face à ces aquarelles parfois réalisées dans le feu de l’action, entre boue, attaques de moustiques et crainte de croiser un scorpion.

Kipling insolite

Grand écrivain britannique, Rudyard Kipling prix Nobel de littérature en 1907, a régulièrement séjourné à Vernet-les-Bains dans les Pyrénées-Orientales. C’est peut-être là, au calme d’un hôtel et d’une station thermale, qu’il a imaginé ces petits contes animaliers adaptés par le dessinateur espagnol vivant à Barcelone, Pedro Rodriguez.

Kipling, avec une malice redoutable, explique comment la peau du rhinocéros est devenue épaisse et fripée, pourquoi le léopard a un pelage tacheté, d’où vient la trompe de l’éléphant ou la bosse du chameau. On pourrait penser à première vue que c’est un album on ne peut plus sérieux traitant de l’évolution des espèces. C’est mal connaître ce conteur savant mais surtout très imaginatif.

Dans le premier conte, le rhinocéros, qui au début avait une peau douce et lisse, doit sa transformation à son comportement social « rustre et égoïste », à son amour des gâteaux et à la vengeance d’un Parsi, habitant de cette petite île de la Mer Rouge. On rit beaucoup de ces aventures loufoques, qui s’achèvent à chaque fois par un poème de Kipling.

Le dessin de Rodriguez, simple et expressif, renforce le côté ludique et comique de l’ensemble, très éloigné d’une simple BD pédagogique, mais le lecteur ne s’en plaindra pas.

Santé et douleur par l’humour

Quand un médecin rhumatologue, spécialiste de la douleur, s’associe à un dessinateur humoristique, cela donne cet album simplement intitulé « Aïe ! ». Patrick Sichère a écrit les scénarios de ces huit histoires complètes et les a confiés à Achdé, dessinateur repreneur de Lucky Luke.

Prépubliés dans Fluide Glacial, ces récits abordent entrer autres les problématiques des dents, du dos ou des pieds. L’occasion de revenir sur les débuts de la médecine, quand souffrir était un gage important pour se persuader qu’on était bien soigné. Et parfois cela marchait. L’arracheur de dent, ancêtre du dentiste, avait un truc infaillible pour faire oublier la douleur lancinante de l’abcès mal placé.

Avec presque un gag par dessin, cet album a le double avantage de faire sourire et de nous faire oublier que l’on est malade. Par contre, c’est une lecture à déconseiller aux hypocondriaques car ils pourraient découvrir de nouvelles maladies encore non envisagées.

« Les dinosaures du Paradis », Futuropolis, 224 pages, 26 €

« Les observations animalières de Rudyard Kipling », Aventuriers d’Ailleurs, 146 pages, 18,90 €

« Aïe ! La douleur se traite aussi avec humour », Fluide Glacial, 58 pages, 13,90 €

samedi 27 janvier 2024

Une BD hommage : Thorgal Saga, 2e tome

Ils ont sauté sur la proposition. Corentin Rouge et Fred Duval ne se sont pas fait prier quand les éditions du Lombard leur ont proposé de signer un album hommage à Thorgal. Wendigo se déroule après le cycle du Pays Qâ. Le héros et sa famille échouent en Amérique.

Aaricia, blessée, ne pourra être soignée que si Thorgal tue avec une flèche magique le Wendigo qui terrorise la tribu d’Indiens qui l’accueille. Nouvelles légendes, nouveaux ennemis pour ce gros album qui explore la forêt sauvage de l’Amérique du Nord, ses peuplades et ses mythes. Une réussite qui plaira aux anciens comme aux nouveaux lecteurs de Thorgal.

« Thorgal Saga, Wendigo », Le Lombard, 128 pages, 24,50 €

vendredi 26 janvier 2024

Un album jeunesse : La coccinelle sans ses points

Catastrophe. La petite coccinelle Vibidia vient de perdre deux points sur son permis de voler. Des points, elle n’en a que 12. Pourtant, le petit insecte, tout occupé à aller manger sa gourmandise préférée, de « l’oïdium, une moisissure blanche » qui colonise les feuilles des arbres, ne marque pas un stop et vole à contresens.

Résultat, les 12 points blancs qui ornent ses petites ailes rouges sont effacés par la « Coccinelledarmerie nationale ». Mais comment se nourrir quand on ne peut plus voler ? Ce petit conte écrit par Pascal Parisot est illustré par Marc Boutavant, plus connu pour avoir imaginé le célèbre Chien Pourri.

« Vibidia, la coccinelle super inquiète », L’École des Loisirs, 64 pages, 7,50 €

jeudi 25 janvier 2024

Cinéma - Portraits de femmes “Captives” et humiliées

À la fin du XIXe siècle, la Salpêtrière servait de prison pour de présumées « folles ». Le film d’Arnaud des Pallières raconte le douloureux séjour de Fanni, interprétée par Mélanie Thierry.


La superbe distribution que voilà ! Mélanie Thierry, Marina Foïs, Josiane Balasko, Carole Bouquet et Yolande Moreau. Ne cherchez pas une vedette mâle dans Captives, film d’Arnaud des Pallières. Il en a fait le tour avec son premier gros succès, Michael Kohlhaas, tourné dans les Cévennes. Après Orpheline qui mettait une nouvelle génération de comédiennes en valeur (Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot), il offre des rôles en or à des légendes du cinéma français dans Captives.

À la fin du XIXe siècle, Fanni (Mélanie Thierry) est internée à la Salpêtrière, hôpital psychiatrique de sinistre renommée. À sa demande. Femme mariée, elle se fait passer pour femme de ménage célibataire. Fanni cherche en réalité à retrouver sa mère, internée il y a près de 30 ans. Une démarche à la limite du suicidaire car rapidement Fanni découvre l’enfer sur terre. Même dans un service où les femmes internées ne sont pas délirantes, la discipline ressemble à une suite d’humiliations quotidiennes. Pour faire régner l’ordre : La Douane (Marina Foïs), garde-chiourme sans cœur, limite sadique. Elle agit sous la responsabilité de Bobotte (Josiane Balasko), vieille surveillante qui se veut humaine mais ne fait que reproduire le schéma de domination masculine qui a conduit nombre de ces femmes dans une prison qui ne dit pas son nom.

Car si quelques pensionnaires sont effectivement asociales, d’autres ne sont derrière ces barreaux que par la volonté de leur mari ou père. C’est le cas d’Hersilie (Carole Bouquet). Grande bourgeoise, écartée par sa famille, elle tente de conserver une vie digne. Et essaie d’alerter les autorités sur son cas particulier, et plus généralement les brimades des « folles ». Hersilie qui est la cheville ouvrière du Bal des folles, soirée fastueuse où l’élite parisienne vient reluquer ces « anormales » déguisées en grandes dames. Un bal qui pourrait permettre à Fanni, qui a retrouvé sa maman, de s’enfuir.

Le plus étonnant dans ce film à l’atmosphère étouffante, oppressante, reste l’absence presque totale d’hommes dans un film très féminin. Loin d’être dérangeante, cette entorse à la parité permet à ces comédiennes de prouver qu’une œuvre n’a pas nécessairement besoin d’une star homme pour être remarquable. Et de toute manière, star est féminin.

Film d’Arnaud des Pallières avec Mélanie Thierry, Josiane Balasko, Marina Foïs, Carole Bouquet, Yolande Moreau...

 

mercredi 24 janvier 2024

Un livre de Bob Garcia pour comprendre le génie de Franquin

Bob Garcia a beaucoup écrit sur Hergé. Mais en cette année 2024 qui marque son centième anniversaire, c’est sur André Franquin que cet exégète de la bande dessinée s’est penché. Un essai très documenté sur « Les secrets d’œuvre ».

Après une rapide biographie, il décortique tous les albums et série du génial créateur de Gaston, du Marsupilami et animateur hors pair des aventures de Spirou et Fantasio. Un livre référence, agrémenté de dessin des Sternic, pour comprendre d’où vient le sous-marin du Repaire de la murène, ou l’origine du prénom Gaston, inspiré d’un véritable gaffeur qu’a bien connu Yvan Delporte, le rédacteur en chef du journal Spirou.

Un essai à déguster en relisant les œuvres de Franquin.

« Franquin, les secrets d’une œuvre », Éditions du Rocher, 348 pages, 19,90 €

Un roman jeunesse : Black Cloud 2

Suite de l’excellente série de Vincent Villeminot, Black Cloud. Des romans pour adolescents dans un univers de fin du monde. Un nuage noir apparu on ne sait d’où cache le soleil. La terre plonge dans l’obscurité et lentement vers la mort. Dans une ferme isolée, une famille survit.

On retrouve au début de Créatures, les deux garçons et une fillette, arrivée en cours de route. Ils sont seuls pour faire face aux dangers. Après des chiens méchants, ce sont des insectes géants qui attaquent. Palpitant, dramatique, teinté d’un fantastique mâtiné de survivalisme, cette histoire passionnera les enfants imaginatifs.

« Black Cloud » (tome 2), PKJ, 320 pages, 12,90 €

Un album jeunesse : Variations sur le temps

On a parfois l’impression que la vie en famille est une perpétuelle course contre la montre. On est toujours en retard. Comment faire comprendre aux jeunes enfants que parfois il faut se presser ? Ce petit album, aux illustrations touchantes et très ancrées dans le réel, permet de donner quelques réponses.

Ou du moins de faire comprendre aux plus petits que l’école débute toujours à la même heure, qu’il ne faut pas rater le début. Et que par ailleurs, le soir, le temps n’est toujours pas extensible et que les histoires avant de dormir doivent être… courtes.

Un album complété par un texte très instructif de Déborah d’Hostingue, psychologue et thérapeute.

« Allez, on y va », Amélie Graux, Les Arènes Jeunesse, 44 pages, 13,90 €