mardi 31 mars 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le nom de l'emploi

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Mais qui sont ces aptonymes qui viennent de s'abonner à mon compte Twitter ? Explication en 140 signes : "Un aptonyme est un patronyme possédant un sens lié à la personne qui le porte, le plus souvent en relation avec son métier ou ses occupations".
Le compte propose régulièrement des exemples alliant burlesque et insolite. Le plus célèbre est certainement Joao Pippi Salle, urologue canadien. Plus près de nous, David Mélé, joueur de rugby, occupe le poste de... demi de mêlée. Édith Cresson, avant d'être la première femme Premier ministre en France a occupé le poste de l'Agriculture.
Chez le citoyen lambda, les associations sont tout aussi irrésistibles. Un certain André Perpette officie en tant qu'avocat, Rémy Brisemur maçon, le docteur Mac Donald s'est spécialisé dans la nutrition des enfants et Raymond Boudin, logiquement, a choisi la charcuterie comme épanouissement professionnel. Parfois, il faut l'ajout du prénom pour obtenir un aptonyme royal. Ce chauffagiste belge porte un nom qui sonne comme un slogan publicitaire pour ses installations : Gérard Manfroy.
Après avoir bien rigolé en parcourant ce compte Twitter, je me suis demandé pourquoi il avait décidé de me suivre. Et soudain l'illumination : je suis moi aussi un aptonyme qui s'ignore. En plus de cette chronique quotidienne, j'écris depuis une vingtaine d'années sur les nouveautés littéraires. J'aurais dû prendre un pseudonyme. J'ai bêtement gardé mon véritable nom : "Michel Litout, critique littéraire", interdit de se moquer !

BD : L'oracle de la NSA nous écoute


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Il s'appelle Appolo. Ce jeune Noir américain est autiste. Du genre Rain Man, à l'esprit surdoué qui assimile tout instantanément. Ses capacités, repérées par la NSA, le service d'écoute des services secrets américains, sont exploitées au quotidien. Plongé en catalepsie, il ingurgite des milliers d'informations et peut répondre à n'importe quelle question. Ou annoncer des événements en préparation. Voilà comment il est devenu l'Oracle et que ses « visions » revêtent une importance cruciale. Le problème avec Appolo, c'est sa dépendance complète à sa mère. Tel un enfant de 5 ans, il est incapable de faire les choses du quotidien. Et s'il n'a pas cet environnement apaisant, il est trop perturbé pour avoir la moindre vision. Quand sa mère se fait renverser par un chauffard, le programme à plusieurs millions de dollars s'arrête. Seule solution, confier Appolo à sa demi-sœur, Oz, flic tête brûlée. Personnages complexes, loin des clichés déjà-vu, intrigue à plusieurs niveaux, cette série écrite par Gloris et dessinée par Bleda passionnera les amateurs de série télé genre « 24 heures ».

« NSA » (tome 1), Casterman, 13,50 €

lundi 30 mars 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Playlist de grévistes

radio france, greve, playlist, france interDouze jours que Radio France est en grève. Une partie du personnel a cessé le travail pour protester contre les coupes budgétaires et les suppressions de postes. Douze jours cela fait long pour l'accro à France Inter que je suis.
Une journée n'a forcément pas la même saveur sans ces compagnons du quotidien. Comment être de bonne humeur sans les piques d'Alex Vizorek, Charline Vanhoenacker, Nicole Ferroni ou François Morel ? Que comprendre de la politique française sans l'éclairage de Thomas Legrand ? On se sent un peu plus bête sans les découvertes de Rebecca Manzoni.
Idem sur les autres antennes. France Culture ne fait plus entendre sa différence, France Bleue a arrêté d'être au plus près de ses auditeurs. En attendant que le président Mathieu Gallet (bien au chaud dans son bureau rénové) se décide à réellement négocier pour que tout le monde sorte de l'impasse, les auditeurs se contentent de musique. Heureusement, les programmateurs conservent tout leur savoir-faire.
En attendant un hypothétique journal, les auditeurs ont la chance de découvrir des chansons qui font du bien. Ma joie, un matin la semaine dernière, en entendant "Busy Earnin'" de Jungle ou la superbe chanson "Bruxelles" du trop rare Dick Annegarn.
Et comme le service public est réel, même quand une partie du personnel cesse le travail, cette playlist qui tourne presque en boucle depuis plus d'une semaine, est détaillée sur le site internet de la radio. Chouette, ils annoncent du Léo Ferré, Juliette et même "Tigre du Bengale" des Liminanas.
Même en grève, France Inter reste ma radio préférée.

BD : Les racines de Rahan


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Rahan, fils des âges farouches, est l'archétype du nomade qui ne s'arrête jamais de découvrir de nouvelles civilisations. Il va où le guide son coutelas d'ivoire. Au lieu de rester auprès d'une belle et aimante guérisseuse, il préfère reprendre la route. Mais cette fois son arme fétiche le conduit vers le Mont-Bleu, le volcan qui a anéanti sa famille lors d'une éruption mémorable. Un retour aux sources compliqué pour l'adulte qui n'a pas fait encore le deuil de ses proches. Mais il n'a pas trop le temps de se poser des questions. Capturé par une tribu de guerriers, il constate que toutes ses inventions, destinées à faciliter la vie des hommes (irrigation, moulin, levier...) ont été dévoyées pour favoriser l'esclavage d'une autre tribu. Cette aventure inédite, la première depuis cinq ans, est toujours dessinée par Chéret, bon pied bon œil malgré ses 80 ans. Le scénario est signé Lécureux, Jean-François, le fils de Roger, le créateur du personnage.

« Rahan et les fantômes du Mont-Bleu », Soleil, 14,95 €

dimanche 29 mars 2015

BD : Le porno vu des coulisses


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Véritable prouesse réalisée par Olivier Milhaud, le scénariste d’“Explicite” roman graphique dessiné par Clément C. Fabre. Il raconte, sans fioritures, comment il a accepté de tourner dans le film d’un de ses amis. Problème, l’ami en question est John B. Root, pape du porno français. Olivier Milhaud, plutôt spécialisé dans les BD jeunesse, angoisse sérieusement avant le tournage (une semaine dans une villa de rêve dans le département du Gard). Pourtant il n’a pas de scènes hard. John est persuadé qu’il ferait un bon acteur traditionnel dans une production plus écrite. Olivier endosse le costume de comédien et se transforme en policier. Mais comme le film est quand même composé à 30 % de scènes hot, il partage la vedette avec de véritables acteurs X. Olivier Milhaud raconte ainsi les coulisses, les engueulades, les problèmes de timing, les jalousies et même les histoires d’amour qui se nouent entre comédiens. Sans jamais montrer la moindre scène cochonne, il humanise ces hommes et femmes autant victimes que complices d’une industrie du sexe en pleine expansion. Une BD qui ne peut que décevoir les amateurs du genre, mais qui e apprend beaucoup aux autres.

Explicite, Carnet de tournage”, Delcourt, 16,95 euros

BD : Un éditeur se livre sans fard


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Dans le monde de la bande dessinée franco-belge, les principaux éditeurs sont tous originaires de ces deux pays. Pourtant la BD suisse est dynamique et riche de grandes signatures, de Zep à Derib en passant par Cosey. Manquait un éditeur pour compléter le tableau. C’est là qu’intervient Pierre Paquet. Ce jeune entrepreneur lance une société d’impression et en parallèle développe une maison d’édition. Vingt ans plus tard les éditions Paquet acquièrent une dimension supplémentaire avec quelques séries à succès. Déjà scénariste de quelques albums, Pierre paquet est titillé par l’idée de raconter cette saga. Il commence à jeter les idées sur le papier, cherche un dessinateur (Jesus Alonso) et se retrouve rapidement face à une somme incroyable d’anecdotes. Surtout, il parle plus de lui et de son chien Fiston que des aléas de l’édition de “petitmiquets”. Un roman graphique dans lequel il ne se ménage pas, pour preuve le titre très évocateur de “Paquet de merde”. Il parle ouvertement de ses débuts peu concluants, de ses procès contre des auteurs teigneux, des festivals (et leurs soirées très arrosées) et de sa quête de l’âme sœur à travers les sites de rencontre. Un portrait au vitriol d’un jeune des années 2000, entre ambition et introspection. Durant tout ce temps il a aimé ce chien, toujours présent et aimant. Et c’est ce qui reste de cette BD : une belle histoire entre un jeune homme et un vieux chien, jusqu’aux larmes finales.

PDM, Paquet de Merde”, éditions Paquet, 19 euros.

samedi 28 mars 2015

Livre : My name is Moore, Roger Moore


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Roger Moore troque le pistolet de l’agent 007 pour un stylo moins agressif. Dans cette biographie, concoctée sous forme de souvenirs précis, l’acteur britannique qui a conquis Hollywood, revient sur plus de 50 ans de carrière. Des théâtres londoniens aux plateaux américains en passant par la télévision, Roger Moore a surtout interprété le personnage de James Bond. Sa distinction et son flegme ont donné une autre dimension au héros de Flemming. Mais il a su exister avant et après. Dans ces mémoires très directes et vivantes, il retrace aussi ses débuts à Londres, sa conquête du monde avec la série « Amicalement votre » en compagnie de l’impayable Tony Curtis et la suite de sa carrière, une fois auréolé du titre de James Bond officiel. Un livre événement qui fait une part belle aux illustrations. En plus d’un cahier de photos en couleurs, le livre bénéficie de très nombreux clichés en noir et blanc issus de la collection personnelle de l’acteur. Un témoignage émouvant sur une immense carrière.


« Roger Moore, mémoires », First Editions, 19,95 euros

vendredi 27 mars 2015

Cinéma : Un sandwich aux sentiments

Partagée entre deux amours, Mélodie ne sait plus où donner de la tête. “A trois on y va”, film pétillant de fraîcheur, montre les nouvelles amours de la jeunesse.
Le sujet est un peu scabreux et carrément casse-gueule en ces temps de politiquement correct. Charlotte (Sophie Verbeeck) file le parfait amour avec Micha (Félix Moati). Ils viennent d’acheter une maison à Lille et font des projets. Pourtant, depuis quelques mois, Charlotte trompe Micha avec Mélodie (Anaïs Demoustier). Mélodie qui tout en étant officiellement la meilleure amie de Charlotte et secrètement sa maîtresse, tombe dans les bras... de Micha.
Une maîtresse, deux cocus dont un au féminin : « A trois on y va » de Jérôme Bonell renouvelle un peu le genre éculé du vaudeville. Car le film débute comme une pièce de boulevard. Un repas improvisé, Micha s’absente, Mélodie et Charlotte en profitent pour s’embrasser fougueusement entre deux assiettes sales. L’homme revient, elles font comme si de rien n’était. Le spectateur sourit face à des situations un tantinet éculées mais transfigurées car tout est chamboulé. La maîtresse n’a d’yeux que pour l’épouse. Une passion dévorante qui met Mélodie dans tous ses états.

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Triangle parfait
Rapidement, le ton badin du film dévie vers un message plus grave. Dans le trio, Mélodie joue le rôle de la dynamiteuse. Charlotte, l’introvertie, est celle qui se cherche le plus. Elle aime Micha. Mais ne peut pas résister à son attirance pour Mélodie. Un dilemme qui lui pourrit la vie. Devenue maussade, taciturne, Micha s’interroge. Pour tenter de trouver des réponses, il se tourne vers la meilleure amie, Mélodie. Et un soir, il fait le premier pas, embrasse Mélodie. Il culpabilise, mais pas autant que cette dernière...
En ces temps où le cinéma français ne brille pas par son optimisme et ses sujets légers, « A trois on y va » est une véritable bouffée d’air frais. Les acteurs, naturels et totalement crédibles, donnent corps à cet amour impossible en forme de triangle parfait. Pas de discours pédant sur l’homosexualité, juste la constatation que l’amour frappe toujours au hasard, sans discernement de sexe ou de condition.
Très pudique dans les scènes intimes, la réalisation rend beau ce qui au final a des airs de tragédie. Une belle réussite qui doit beaucoup aux dialogues enlevés et l’interprétation, très charnelle et fusionnelle de trois jeunes comédiens bourrés de talent.
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Une frimousse craquante

a trois on y va, demoustier, moati, verbeeck, bonellLe visage constellé de tâches de rousseur, Anaïs Demoustier est de ces actrices qui accrochent le regard. On ne se lasse pas d’admirer sa frimousse toujours souriante. Celle qui a toutes les chances de devenir l’incarnation d’un nouveau style de femme, tourne de plus en plus. Dans le film de Jérôme Bonell, elle interprète une jeune avocate, débordée par son travail et son trop-plein de sentiments pour un couple parfait. Elle a déjà joué dans un film sur l’équivoque. Pour « Une nouvelle amie », elle interprétait Claire, la jeune femme qui découvrait le secret de Romain Duris, jeune père se déguisant en femme pour élever son bébé.
Le mois prochain elle sera également à l’affiche de « Caprice », la nouvelle comédie d’Emmanuel Mouret (présentée en avant-première demain au Castillet de Perpignan). Elle va là aussi faire exploser un couple en séduisant un professeur épris d’une actrice célèbre (Virginie Efira). Anaïs Demoustier sera également à l’affiche du prochain film de Christophe Honoré : l’adaptation des célèbres “Malheurs de Sophie” de la comtesse de Ségur.


jeudi 26 mars 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Ferrari land

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Les amateurs de sensations fortes se frottent les mains : d'ici deux ans, Ferrari ouvrira un immense parc d'attractions à proximité de Port Aventura au sud de Barcelone. Plutôt réservé aux enfants, ces parcs à thème remportent de plus en plus de succès. Le projet du Ferrari Land catalan, sur une surface de 75 000 m2 pour un investissement de 100 millions d'euros, est typique de la diversification du secteur. Les célèbres voitures rouges, inaccessibles au commun des mortels, représentent de formidables usines à rêves. Durant votre séjour vous pourrez accélérer en Ferrari, manger en Ferrari et même dormir en compagnie du cheval cabré. Vous n'irez pas jusqu'à conduire une véritable Formule 1, mais il y a fort à parier que les attractions vedettes du premier parc construit à Abou Dhabi seront reproduites. Vous pourrez ainsi faire l'expérience de l'accélération maximale soit atteindre la vitesse de 240 km/h en cinq secondes sur les montagnes russes les plus rapides du monde. Les moins téméraires (ceux qui tiennent à garder le contenu de leur repas) se contenteront des simulateurs de conduite et les plus jeunes des mini bolides. Pour manger, ce sera au choix pâtes... ou pizza, ambiance italienne oblige. Et même les hôtels arboreront les couleurs de l'écurie si souvent championne du monde. Espérons simplement que les lits soient plus confortables qu'un baquet de F1. Ce parc futuriste deviendra terriblement rétro dans 50 ans : à l'heure de la voiture électrique hégémonique, il sera le seul endroit où l'on pourra encore entendre le bruit caractéristique d'un moteur à essence.

mercredi 25 mars 2015

DVD : Cornes malfaisantes

Adaptation réussie de “Horns”, roman de Joe Hill avec Daniel Radcliffe en démon.

Horns, aja, radcliffe, joe hill, metropolitanIgnatius, jeune Américain passionné de musique (il travaille dans une radio) et un peu trop porté sur la boisson, se réveille un matin avec une terrible gueule de bois. Lentement, il se souvient. On le suspecte d’avoir assassiné sa fiancée, l’amour de sa vie. Harcelé par les reporters des télévisions locales, il n’a plus aucun souvenir de cette soirée fatale. Ce n’est que 24 heures après ces événements qu’il constate une modification physique. Deux petites cornes lui poussent sur le front. Des cornes de démon. Tentant de cacher ces appendices, il va rencontrer quelques connaissances et constater que ses nouveaux attributs ne gênent personne. Au contraire, les gens, à son contact, ne peuvent s’empêcher de dire la vérité, de dévoiler les secrets les plus enfouis au fond d’eux. Du dentiste érotomane à la mère ayant envie d’abandonner son enfant, il va découvrir son nouveau pouvoir.
La première partie du film d’Alexandre Aja, avec Daniel Radcliffe en démon de la désinhibition, est d’une drôlerie assumée. Mais rapidement le drame va s’imposer. Ignatius est inconsolable et il va utiliser son nouveau pouvoir pour tenter de démasquer le véritable assassin
Tout le film est porté par l’interprétation de Daniel Radcliffe qui n’hésite pas à sortir des sentiers battus. Son personnage est à des lieues de Harry Potter. Il est cependant crédible de bout en bout.
« Cornes » de Joe Hill est un roman extrême, qui dévoile les pires travers de cette Amérique trop puritaine pour être équilibrée. Dans sa transposition à l’écran, il a bien évidemment fallu couper certaines scènes, beaucoup trop explicites ou provocatrices. Cela reste cependant très enlevé et loin du politiquement correct. Diable oblige !

« Horns », Metropolitan, 17,99 euros

mardi 24 mars 2015

DVD : Comment choisir sa vie ?

Incapable de vivre sa vie, un homme vole celle des autres dans « Un illustre inconnu », porté par Mathieu Kassovitz.
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Transparent, solitaire, timide et taiseux : Sébastien Nicolas est l'archétype de l'homme effacé que personne ne remarque. Derrière ses grandes lunettes de vue, il observe le monde, son agitation, ses plaisirs. Lui est incapable de vivre normalement, comme paralysé par son apparence. Alors cet agent immobilier terne et docile, a trouvé un dérivatif à sa non-vie : il s'approprie celle des autres.
Interprété par Mathieu Kassovitz, le personnage principal du film de Matthieu Delaporte, a aménagé sa cave en laboratoire de transformation.
ilustre inconnu, pathé, kassovitz, delaporteIl observe, écoute sa future proie puis se glisse dans ses habits. Postiche et prothèses en latex lui permettent de ressembler comme deux gouttes d'eau à ces hommes dont il envie la vie. Il se transforme en fleuriste, marié, un enfant, fan de Gad Elmaleh et alcoolique repenti.
Le jeu est excitant, mais dangereux. Sébastien tente de tout arrêter mais replonge quand il croise la route d'un célèbre violoniste à la retraite. Voilà l'existence dont il aurait rêvé. La tentation est trop forte.

La magie du maquillage
Interprétant les deux rôles principaux, Mathieu Kassovitz réalise une performance digne des grands acteurs américains. Il change de personnalité au gré de ses déguisements, modifie sa voix, sa démarche. Mais au fond de lui il reste le même être torturé, incapable de trouver sa place.
Et quand tout se met à déraper, il se sent acculé, perdu. A moins que cela soit là la véritable chance de sa vie. D'une autre vie exactement, celle dont il pourrait enfin orienter les choix.


Présenté comme un thriller « machiavélique », « Un illustre inconnu » est surtout une fable sur le destin. Peut-on l'infléchir ? Le modifier ? Transformer sa vie en œuvre de bonté alors qu'on est plongé dans un abîme de noirceur ? Sébastien Nicolas a-t-il droit à une seconde chance ?
Le DVD s'agrémente d'un making of assez complet avec interview du réalisateur et de l'acteur principal ainsi que quelques scènes coupées précédées dles explications de Matthieu Delaporte et du scénariste-producteur Alexandre de la Patelière. Mais le plus intéressant reste le reportage sur les effets spéciaux. On découvre comment on transforme Sébastien Nicolas en violoniste plus vieux de 20 ans. Un bel hommage à ces artistes de l'ombre que sont les maquilleurs.
Michel Litout

« Un illustre inconnu », Pathé Vidéo, 14,99 euros. 

lundi 23 mars 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le prix de l'art

enchères, christies, hergé, originauxLa beauté est subjective. Son prix aussi. Comment décider de la réelle valeur d'une œuvre d'art ? Cette question restera toujours sans réponse et taraude les esprits depuis des siècles. Il n'empêche, tout sens de la mesure semble désormais perdu.
Régulièrement, on apprend qu'un artiste a pulvérisé son précédent record. Des millions, puis des dizaines de millions. Bientôt des centaines pour une simple toile et certains experts envisagent sérieusement la possibilité de passer dans la catégorie milliards...
Le marché de l'art est devenu le nouveau terrain de jeu des plus grands prédateurs jamais répertoriés sur notre planète : les spéculateurs. Ils s'attaquent depuis quelques années à celui de la bande dessinée. Des planches originales viennent récemment d'affoler les ventes aux enchères parisiennes. Si Hergé a un peu "déçu", d'autres dessinateurs ont vu leurs œuvres très disputées. Simple effet de mode ou profond phénomène de société ? Telle la valeur de l'art, la discussion demeure ouverte.
Pour relativiser tout cela, il suffit de regarder une imposture filmée par une télévision néerlandaise. Un poster (10 euros chez Ikea) est présenté dans un musée comme la dernière œuvre d'un jeune artiste. Les visiteurs sont interrogés sur sa beauté, sa signification et sa valeur. Non seulement ils découvrent dans le dessin quantité d'explications tirées par les cheveux, mais les fourchettes de prix données sont très larges. De quelques centaines d'euros (une plus-value déjà correcte), à 2,5 millions.
Ne jamais oublier qu'une bonne escroquerie ne fonctionne que si l'on trouve de bons pigeons.

dimanche 22 mars 2015

BD : L'odyssée aux Amériques


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Illustrant le proverbe qui prétend que ce sont dans les vieux pots que l'on fait les meilleures soupes, Xavier Dorison s'est ouvertement inspiré de l'Odyssée pour écrire le scénario de sa nouvelle série. Il a transposé les 12 travaux d'Ulysse dans l'Amérique de la fin du 18e siècle, quand l'Angleterre voyait cette riche colonie se révolter et acquérir son indépendance. Ulysse McHendricks, originaire d'Écosse, a fait fortune en distillant du whisky au bord d'une rivière du nouveau monde. Mais la guerre d'indépendance l'a contraint à prendre les armes. Cela fait des années qu'il combat les tuniques rouges anglaises. Il vit l'aventure aux commandes d'un navire qui a la particularité d'être monté sur roues et d'être tracté par 12 pur-sangs. Dans cette première aventure dessinée par Éric Hérenguel, il doit rejoindre son domaine pour tenter de sauver sa famille. Il prend un raccourci et se retrouve prisonnier d'une vallée hantée par un manitou, un esprit indien sans pitié. Une des plus belles réussites de ce début d'année.

« Ulysse 1781 » (tome 1), Delcourt, 14,95 €

samedi 21 mars 2015

BD : Amours et fusées

JEU DE DAMES 1.jpg
La conquête spatiale doit beaucoup aux nazis. Cette vérité, longtemps enfouie dans les méandres de l'histoire officielle, est devenue une source inépuisable de scénarios de films ou de bande dessinée. « Jeu de Dames » de Toldac et Philan en est le dernier exemple en date. Hugo, un jeune ingénieur allemand, ami de Von Braun, fait partie des rares à rejeter l'idéologie raciste d'Hitler. Il passe dans la résistance et quitte l'équipe de l'ingénieur inventeur des V1. A la libération, il est récupéré par les Américains pour travailler sur un projet de fusée à plusieurs étages. Objectif : l'espace. Hugo, génie des mathématiques, est un grand sentimental. Marié brièvement à une résistante, Eve, il lui a juré fidélité peu de temps avant qu'elle ne meure sous un déluge de bombes. Quand il rencontre Lola, jeune Américaine sosie d'Eve, ses souvenirs reviennent en masse. Mais qui est-elle exactement ? La guerre froide est propice aux tentatives d'espionnage et de manipulation. Une première partie dense qui pose parfaitement les jalons de l'intrigue, servie par un trait classique et efficace, faisant la part belle aux courbes des fusées... et des femmes.

« Jeu de dames » (tome 1), Bamboo, 13,90 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Souvenirs d'éclipse

Plutôt que de ressortir Papy Trenet pour introduire l'événement (Le Soleil a rendez-vous avec la Lune... ), je vais empiéter sur les plates-bandes de mon collègue du dimanche et vous raconter comment une éclipse du soleil est en partie à l'origine d'une des plus grandes passions de ma vie.
tintin, temple du soleil, castermanAu début des années 70, alors que j'étais encore en culottes courtes, ma grande sœur a une idée merveilleuse pour mon cadeau de Noël. Pas très riche, elle m'offre un album de BD. En ce 25 décembre, je me plonge dans Le temple du Soleil, une des aventures de Tintin et Milou. Le choc.
Pour la première fois, j'ai l'impression d'être complètement immergé dans une histoire. Que ce soit sur le bateau pour rejoindre l'Amérique du Sud, face à un lama susceptible ou encore au cœur de la jungle amazonienne, accroché aux pattes d'un condor, dans les cavernes ou le fameux temple rempli d'or, tout me semble incroyablement réel. Et puis arrive l'épisode de l'éclipse. Tintin se fait passer pour le maître du soleil auprès des indigènes. Le nez dans la BD, cette disparition puis réapparition du soleil, je les vis à fond.
En août 1999, comme des millions de Français, j'ai observé l'éclipse totale à l'aide de lunettes spéciales. Étrangement, elle n'a pas eu la saveur de celle du Temple du Soleil. Excepté le froid saisissant, le ressenti était bien moindre que sous le trait de Hergé. Alors ce matin, je ne sortirai pas la tête en l'air et me contenterai de relire, pour la centième fois au moins, cet album défraîchi qui m'a tant fait aimer la BD.

vendredi 20 mars 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Colorado cool

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La France ne risque pas de connaître cette situation avant un bon paquet d'années. Depuis début 2014, l'État du Colorado (capitale : Denver, comme le dinosaure, spécialité : ski dans les Rocheuses), observe un regain d'activité économique et se retrouve face à un dilemme qui évoque un peu la fameuse « cagnotte » dont le gouvernement Jospin ne savait que faire.
Une loi plafonne les ressources issues des taxes et impôts perçus chaque année. En 2014, le dépassement atteint 30 millions de dollars. Selon les textes, le gouvernement doit reverser ce surplus à chaque habitant. Soit une prime de quelque 7 dollars. Mais réticent, il envisage d'organiser un référendum pour demander une dérogation.
La raison en est simple : cet argent ne sent pas bon. Au 1er janvier 2014, le Colorado a légalisé la marijuana, tout en la taxant à 30 % (en France, les cigarettes le sont à plus de 80 %). Les prix élevés n'ont pas empêché les locaux et les milliers de touristes d'acheter en masse de quoi passer une bonne soirée entre amis. Des tours opérateurs vendent même des séjours avec visite des fermes où pousse le meilleur cannabis de la région. Un succès phénoménal à l'origine de ces rentrées d'argent très au-dessus des prévisions. Cerise sur le gâteau (un spacecake en l'occurrence), la délinquance est en chute libre.
Colorado rime à présent avec Eldorado. Des touristes, un boum dans le commerce et l'agriculture, quasiment plus de chômage, de l'argent et la tranquillité : what else ?

jeudi 19 mars 2015

Cinéma : mensonges et création dans "Big Eyes", le nouveau film de Tim Burton


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Être ou se rêver artiste : ce dilemme est au centre du nouveau film de Tim Burton retraçant l'incroyable imposture artistique des époux Keane.

Le biopic est devenu un genre à part entière du cinéma contemporain. Il se concentre dans deux directions bien définies : la vie d’une célébrité connue de tous (Yves Saint-Laurent, Truman Capote, Steve Jobs) ou d’un inconnu qui mérite d’être remis en lumière. Walter et Margaret Keane, les personnages principaux de « Big Eyes » de Tim Burton sont passés par tous les statuts d’un bon biopic. Inconnus à leurs débuts, ils sont devenus de véritables stars dans leur domaine, puis sont redescendus de leur piédestal rattrapés par leur escroquerie. Cette histoire de mensonges et de création ne pouvait qu’inspirer Tim Burton, lui qui s’est déjà illustré en revisitant l’œuvre et la carrière d’Ed Wood, le « plus mauvais cinéaste de tous les temps ».

Du scandale Keane, le réalisateur en a surtout conservé la problématique du mythomane pervers narcissique, capable de placer la femme qu’il aime sous sa coupe au point de transformer toute son existence en un mensonge sans fin.
A la fin des années 50, divorcer, même aux États-Unis, n’est pas chose aisée. Surtout si c’est l’épouse qui décide d’abandonner le foyer. Margaret (Amy Adams) quitte son mari et père de sa fille Jane. Elle rejoint une amie à San Francisco et décroche un petit job dans une fabrique de meubles. Mais son ambition, c’est de vivre de sa peinture. Dotée d’un bon coup de crayon, elle passe ses dimanches dans un parc à monnayer ses portraits exécutés au fusain en quelques minutes. Des sommes dérisoires, mais qui permettent à cette femme seule de maintenir la tête hors de l’eau. Elle tente aussi de vendre ses tableaux, des portraits d’enfants, de face, tristes et aux grands yeux sans lesquels on a l’impression de se noyer. C’est dans ce parc qu’elle rencontre Walter Keane (Christoph Waltz), grand baratineur devant l’Éternel, barbouilleur de scènes typiques des rues de Paris.

Vente directe
Agent immobilier dans le civil, il séduit sans peine Margaret, l’épouse alors qu’il tente en vain de percer sur le marché de l’art. Meilleur publiciste que peintre, il a l’idée de s’affranchir des galeries en exposant ses croûtes dans un club de jazz. Paris ne rencontre pas beaucoup de succès, mais les enfants aux « Big Eyes » de Margaret interpellent, elle qui a décidé de signer ses toiles de son nom de femme mariée : Keane. Une erreur fatale.
Walter, constatant le succès de ces compositions étranges et fascinantes, prétend en être l’auteur. Margaret, comme tétanisée, accepte de lui laisser endosser les honneurs, elle, dans le grenier, à l’abri des regards, se contentera de peindre des centaines de portraits rapportant des milliers de dollars.
Le film est fascinant dans la description méthodique de l’enfermement de Margaret dans le mensonge. Elle voudrait dire la vérité, mais redoute que sans le bagou de Walter, ses œuvres ne se vendent plus. Or, ce qui lui importe le plus, c’est d’offrir une certaine sérénité matérielle à sa fille. Dans le rôle de Walter, Christoph Waltz fait une composition très convaincante. Ivre de célébrité, il quitte la réalité, s’enfermant lui aussi dans un déni complet. Une œuvre, deux auteurs, un scandale : Tim Burton transforme le tout en un film touchant et attachant.
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L'art au féminin

big eyes, tim burton, amy adams, keane, peintre, weltzEn filigrane du film « Big Eyes », Tim Burton a également abordé le problème de la création artistique au féminin. Parmi les arguments de Walter pour convaincre sa femme de continuer de signer ses toiles de son seul nom, sans son prénom, la difficulté pour une femme d'être reconnue par la critique. Dans les années 60, le milieu de l'art est dominé par les hommes. C'est toujours vrai, mais moins flagrant. Pourtant les peintures des « Big Eyes » sont d'une facture complètement à l'opposé du monde de Walter Keane. Il a beau dire qu'il ne fait que reproduire les visages des enfants victimes de la guerre (un bobard parmi tant d'autres), ce n'est pas du tout crédible.
Margaret Keane, après avoir divorcé, s'est lancée dans un long et difficile procès pour récupérer son honneur. Certes elle a menti durant des années, cautionnant l'histoire mise au point par son mari pour gagner le maximum avec les toiles et les reproductions, mais elle a finalement gagné. Une évidence pourtant compliquée à démontrer.
Aujourd'hui elle est toujours en vie. Une vieille dame qui continue à peindre ses chers enfants et qui fait une petite apparition dans le film de Tim Burton.

mercredi 18 mars 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : On a dit pas le physique !

roufla.jpgDans une semaine tout le monde commentera le résultat des élections départementales. Les différents sondages annoncent une progression du Front National. Normal, jamais le parti d'extrême-droite n'a présenté autant de candidats. Mais quand on veut jouer dans la cour des grands, il ne faut pas s'étonner des dérapages à mettre au crédit des zélateurs de la vague bleu Marine.
Pas des racistes dont les commentaires et statuts sur les réseaux sociaux ont fait tomber le masque. Non, plutôt de ces binômes aléatoires qui font furieusement penser à des erreurs de castings, voire à des phénomènes de foire façon Groland.
Un blog, radicalement opposé au FN, a renié sa promesse de ne pas se moquer du physique des candidats. Résultat un long diaporama où l'on passe de l'effroi à la crise de rire. Certains font véritablement peur.
Un candidat en Charente a le même regard que Poutine, une autre dans les Deux-Sèvres ressemble à la méchante et acariâtre Carmen Cru de la BD de Lelong dans Fluide Glacial.
Dans le Pas-de-Calais, une candidate du FN ne rigole pas. Elle arbore même un horrible rictus sur l'affiche officielle. Pourtant, elle travaille dans l'hôtellerie où le sourire est recommandé.
Un autre porte de longues rouflaquettes qui lui donnent un petit air de hobbit. Toutes les affiches sont sur le même modèle. Le slogan « Face aux trahisons de l'UMPS, l'espérance Bleu Marine » précède les deux noms. Dénoncer des trahisons, étonnant quand on s'appelle Judas comme ce candidat dans les Vosges. Pour rattraper le coup, le FN a demandé à un certain Jésu, Xavier de son prénom, de se présenter dans la Somme...

mardi 17 mars 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Rendormez-vous !

sieste, sommeil, fatigue
Ce dimanche, j'ai fait une longue sieste. La faute à la Formule 1. Le premier grand prix de la saison se déroulant en Australie, le départ en a été donné dès potron-minet. Résultat, sur les coups de 14 h 30, je me suis écroulé dans le canapé et j'ai rattrapé ces deux heures de sommeil perdues inutilement (la F1 a depuis longtemps perdu tout intérêt sportif). La sieste m'a toujours été suspecte. Dormir en pleine journée, seuls les fainéants peuvent apprécier. Ça, c'était vrai quand j'étais jeune. Aujourd'hui, le poids des ans me fait réviser ce jugement un peu trop abrupt. Deux heures, certes c'est trop, mais 20 minutes de pause, l'esprit totalement déconnecté, il n'y a rien de mieux pour se requinquer. Les entreprises japonaises l'ont bien compris, qui permettent à leurs employés ce repos salvateur. Pourtant, cette pratique est régulièrement attaquée. Récemment des chercheurs ont démontré que la sieste chez les enfants de 2 à 5 ans n'est pas toujours bénéfique car elle nuit à l'endormissement du soir. Sûr que les petits ouvriers du Bangladesh, après une journée de travail de 12 heures, ont moins envie de jouer à la play le soir avant de se coucher que les petits Occidentaux. Une sieste, même de dix minutes, ils se contentent d'en rêver. La nuit, l'expression « ils tombent de sommeil » est à prendre au pied de la lettre. Alors prions pour que la pause méridienne ne soit pas remise en cause en maternelle. De plus, ils sont tellement mignons quand ils dorment. « Et pendant ce temps, ils ne nous cassent pas les oreilles », renchérit une employée qui aimerait bien pouvoir en faire une de sieste.  

lundi 16 mars 2015

Cinéma : Comment reconstruire sa famille


dernier coup de marteau,musique,delaporte,romain paul,gadebois,hesme,pyramide
Le jeune héros du « Dernier coup de marteau », film d’Alix Delaporte tourné près de Montpellier, tente de sauver sa mère et de retrouver son père.

Romain Paul. Retenez son nom, ce jeune acteur a une belle carrière devant lui. Découvert par Alix Delaporte, cet adolescent a une incroyable intensité dans le regard. C'est la principale raison qui a poussé la réalisatrice du film « Le dernier coup de marteau » de le retenir pour le rôle titre de son second long-métrage.
Victor, 13 ans, vit seul avec sa mère Nadia dans une caravane plantée à l'année en bord de Méditerranée. En stop, il se rend à Montpellier pour assister aux répétitions d'un concert de musique classique.

Père absent
Le chef, Samuel Rovinski (Grégory Gadebois) est le père de Victor. Une histoire d'amour très lointaine avec Nadia (Clotilde Hesme). Le père et le fils ne se sont jamais rencontré. Le premier face-à-face entre eux est très tendu. A ses proches professionnels, Samuel nie être le père de cet adolescent. Point. Reprise des répétitions.
Ce film sensible et d'une beauté lumineuse (les couleurs de la Méditerranée sont parfaitement mise en images) repose à 90 % sur les frêles épaules de Romain Paul. Présent dans quasiment tous les plans, c'est lui qui sert de relais entre ce couple séparé qui refuse de se retrouver. Victor tente de savoir si le retour de son père dans la région est lié à la maladie de sa mère. Atteinte d'un cancer, elle dépérit à vue d'oeil, refusant de prolonger un traitement trop lourd. Mais Samuel n'est au courant de rien. Son concert à Montpelier n'est qu'une date de plus dans son planning très chargé de chef d'orchestre réputé.
Partagé entre l'envie de sauver sa mère et de retrouver son père, Victor, en pleine adolescence, découvre en plus les premiers émois amoureux avec sa jeune voisine, Luna (Mireia Vilapuig), une Espagnole survivant sur la plage au sein de sa famille nombreuse. Trois pistes pour une avenir non tracé.
Loin d'être moralisateur ou chargé de pathos, ce film est d'une extrême réalité. Alix Delaporte a volontairement laissé toutes les fins ouvertes. Victor, quel que soit son destin, ses choix, sa vie, restera un gamin lumineux qui rayonnera longtemps dans la mémoire des spectateurs chanceux de ce film tout en nuances.

dimanche 15 mars 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Nom de nom

ump, républicains, sarkozy
Pour changer, le plus simple reste à ne modifier que la façade. Les apparences, réputées trompeuses, le sont encore plus dès lors qu'il s'agit de politique. Depuis son élection à la tête de l'UMP après le psycho-drame entre Fillon et Copé puis le scandale Bygmalion, l'urgence pour Nicolas Sarkozy consiste à repeindre de blanc immaculé une structure quelque peu souillée. Tout en menant une réforme en profondeur, il lance le chantier du nouveau nom. Exit l'UMP, place aux « Républicains ». Le Journal du Dimanche révèle le processus du brainstorming pour en arriver à ce résultat. Premier étonnement, l'agence de publicité qui a travaillé sur les recherches l'a fait à titre gratuit. Voilà qui change des pratiques de Bygmalion. Avec eux, tout était toujours très cher, même quand les études, séminaires ou rencontres s'avéraient totalement virtuelles. Deuxième surprise, enfin un parti ose s'affranchir de l'acronyme. PS, PC, UDI, Modem ou FN : tous sont restés fidèles aux sigles comme au bon vieux temps de la SFIO ou du RPF. Les Républicains ne se cachent pas derrière une lettre, même si les premiers logos en circulation font flamber le R dans des tons tricolores. Tout serait parfait sans les éternels chicaneurs. Ceux qui regrettent que le terme républicain soit surtout associé à la droite américaine en opposition aux démocrates. Et puis moi, en tant que journaliste amené à imaginer un titre court et percutant, une fois placé « Républicains » il me reste moins de place qu'avec le bref UMP. Et gare à la solution de l'abréviation, un simple accent différencie les « Répus » et des « repus »...

DE CHOSES ET D'AUTRES : Tsunami de célébrations

journeee.png
Le 20 mars ne sera pas une journée comme les autres. En plus de l'éclipse partielle du soleil, vous aurez la possibilité de célébrer neuf journées internationales. Sous forme de devinette, retrouverez-vous les thèmes de ces jours particuliers ?
Alors que le café passe, je n'oublie pas de me brosser les dents frénétiquement (1). Je délaisse exceptionnellement les tartines beurrées pour tremper un petit gâteau coloré, granuleux et moelleux à la forme arrondie (2). Mon plaisir est intense, idéal pour débuter cette journée (3). Direction une jardinerie pour y acheter quelques plants d'aster. Ces jolies fleurs, judicieusement placées près du potager, remplissent parfaitement leur rôle, comme le souligne l'action célébrée traditionnellement la veille du printemps (4). Au retour, je fais une halte dans un square et abandonne sur un banc un exemplaire de "La guerre des Boutons", un de mes romans préférés. Il sera certainement adopté par un lecteur occasionnel (5) et finira peut-être de l'autre côté de l'Atlantique, au Québec (6). A midi, salade et radis au menu. Il est temps de tester le régime vegan (7).
Revenu à la maison, avant de sortir à une soirée costumée, je raconte une histoire à mon petit-fils avant qu'il ne s'endorme (8). Pour une fois je délaisse mon déguisement de Dark Vador pour me mettre au goût du jour et enfile les ailes de ce mignon passereau, le plus commun en France (9). Oui... mais si on danse ?
Solutions : Le 20 mars est journée internationale du 1 : hygiène dentaire, 2 : macarons, 3 : bonheur, 4 : alternative aux pesticides, 5 : livre voyageur, 6 : francophonie, 7 : alimentation sans viande, 8 : conte, 9 : moineau.

samedi 14 mars 2015

Cinéma : Entendez-vous ces « Voices » ?


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Jerry vit seul avec son chien et son chat. Et il leur parle...

Comédie trash, romance improbable ou simple réflexion sur la folie ? Impossible de cataloguer « The Voices », film de Marjane Satrapi avec Ryan Reynolds en vedette. La créatrice de Persépolis a définitivement abandonné la bande dessinée, métier trop solitaire, pour se consacrer au cinéma. Elle signe un premier film américain apportant son regard très graphique à un univers déjanté.


Jerry, gentil garçon employé au service de conditionnement et d’expédition de la fabrique de baignoire de Milton, petite ville type américaine, est apprécié de ses collègues. Il est souriant, enjoué et sociable. Quand on lui propose d’aider au barbecue annuel de l’entreprise, il accepte avec enthousiasme car il y aura la belle Fiona de la comptabilité.
Les premières images du film montre une société heureuse rieuse, fraternelle. Un peu trop... Le soir, Jerry rentre chez lui, un appartement au-dessus d’un bowling désaffecté. Il s’installe dans son canapé et engage la conversation avec deux voix off que le spectateur ne voit pas immédiatement. L’une le félicite de ses efforts d’intégration, l’autre, plus triviale, s’inquiète de savoir s’il a l’intention de «baiser cette salope d’anglaise de la compta...» Le premier conseil vient de Bosco, un gros toutou placide, le second de M. Moustache, le chat pervers.

Bons et mauvais conseils
Jerry, une fois chez lui, parle à ses animaux. Exactement, il entend des voix et est persuadé que ce sont celles de Bosco et M. Moustache. Jerry a de graves problèmes. Il voit régulièrement une psychologue qui lui recommande sans cesse de bien prendre ses cachets. Ce que M. Moustache lui déconseille. Jerry redevient alors le drôle de petit garçon qui a tué sa maman suicidaire. Juste pour lui rendre service. Avec Fiona (Gemma Arterton) tout se passe bien lors du barbecue. Mais ensuite elle le rejette. Alors Jerry fait ce qu’il aime tant faire : tuer. Il ne ramène que la tête de la belle Anglaise, la met au frigo et le soir la pose sur la table du salon pour lui faire la causette. Jerry entend de plus en plus de voix...
Ryan Reynolds est brillant dans ce rôle complexe aux multiples facettes. Entre candeur et folie meurtrière, il joue toutes les palettes, doublant également les voix de Bosco et M. Moustache. La vision de l’Amérique par Marjane Satrapi oscille entre « Twin Peaks » David Lynch et « Hairspray » de John Waters. Entre rose vif et gris sombre.


vendredi 13 mars 2015

DVD : Le monde un peu trop lisse du « Giver »

Dans un futur proche, toute émotion est bannie. Un jeune homme va se souvenir...

giver, bridges, streep, studiocanalLe projet de faire un film avec « The Giver », célèbre roman d'anticipation américain est très ancien. Jeff Bridges a acheté les droits il y a plus de 20 ans. Il désirait confier le rôle du Giver, le passeur de mémoire, à son père, Lloyd. Finalement, il aura fallu attendre 2014 pour que le projet voit le jour. Et c'est le fils qui récupèrera le rôle principal. Dans un futur proche, il ne reste de l'Humanité qu'une petite communauté vivant en autarcie dans un monde aseptisé. Pour éradiquer guerre, violence et famine, un conseil des sages a décidé de gommer toute émotion et souvenirs. Chaque membre de la communauté prend une injection au réveil qui le maintient dans un état de béatitude obéissante. La population est stable. Les anciens acceptent de se faire « élargir vers l'ailleurs » le moment venu pour laisser place aux plus beaux bébés. Les « ratés » sont eux aussi « élargis vers l'ailleurs ». Plus d'émotion, plus de souvenirs : personne ne sait ce que mourir veut dire. Aimer non plus. Mais pour que l'équilibre soit possible, il faut un gardien de la mémoire, le passeur.



Ce rôle va bientôt être dévolu à Jonas (Brenton Thwaites), jeune et impétueux, qui apprend à distinguer les couleurs, apprécier la musique et même aimer. Problème, ce qu'il découvre semble tellement merveilleux qu'il veut en faire profiter toute la communauté. Cela ne plait pas à la grande sage (Meryl Streep).
De la SF philosophique tendance « l'amour est plus fort que tout », honnête mais sans grande nouveauté.


« The Giver », Studiocanal, 15,99 euros le DVD et 19,99 euros le blu-ray.

DE CHOSES ET D'AUTRES : La nov-langue

 Pauvres collégiens. Pour rien au monde je ne voudrais retourner à leur place. Une nouvelle réforme se profile à l'horizon. Le ministère de l'Éducation veut qu'ils maîtrisent deux langues vivantes en entrant au lycée.
Conséquence les élèves de 5e, dès la rentrée de 2016, se farciront une matière supplémentaire. Après l'anglais ou l'espagnol au primaire, ils se lanceront dans la découverte de l'allemand, du russe, du chinois et autre langue affreusement compliquée. Déjà que la 5e est réservée à la découverte du latin (pour les rares volontaires), l'emploi du temps s'annonce surchargé. Et n'oublions pas la programmation informatique, sésame obligé pour un emploi dans ce futur de plus en plus numérique.
A l'arrivée, il faut craindre que le perdant soit encore le français. Notre bonne vieille langue, si compliquée avec ses conjugaisons multiples et variées, ses accords vicieux, ses verbes intransitifs et le fameux participe passé qui s'accorde avec le complément d'objet direct s'il est placé devant l'auxiliaire. Encore faut-il déterminer où est ce satané COD... Il suffit de parcourir les profils Facebook des adolescents pour se convaincre que leur orthographe reste très approximative.
En réalité, ce qu'ils manient le mieux, c'est cette nov-langue issue du pianotage intensif des smartphones. Abréviations, raccourcis, écriture phonétique et intuitive : ils se sont approprié un véritable moyen de communication totalement abscons pour tous les "vieux" de plus de 35 ans. Et dans 30 ans, quand les gamins d'aujourd'hui tiendront les rênes du pays, cette nov-langue sera certainement une LV1 officielle et quasi obligatoire.

jeudi 12 mars 2015

BD : Trafic d'armes à Marseille avec Léo Loden


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Si cet album n'était pas paru le 21 janvier, on aurait pu soupçonner les auteurs d'avoir tenté de surfer sur l'actualité toute chaude du début de semaine. Manuel Valls est annoncé à Marseille. Lundi matin, quelques heures avant son arrivée, des tirs de kalachnikov retentissent dans une cité. La 23e aventure de Léo Loden, le privé marseillais, débute presque de la même manière. Un marchand d'armes est abattu sur le parking d'une cité. Sur le port, un container bourré d'armes de guerre suscite bien des convoitises. Simple coïncidence pour les scénaristes, Arleston et Nicoloff. Les faits divers à base de kalachnikov sont monnaie courante depuis quelques années. Sur cette base, les auteurs ont rajouté une gentille caricature des milieux syndicaux portuaires et tenté de mettre en lumière la difficile coexistence dans les cités entre forces de l'ordre autoritaires et responsables religieux modérés. Le tout dessiné par Serge Carrère qui se bonifie avec l'âge. Il dessine les « tronches » à la perfection avec un petit côté Conrad indéniable.

« Léo Loden » (tome 23), Soleil, 10,95 €

mercredi 11 mars 2015

BD : 40 ans de franche rigolade dans les pages de Fluide Glacial

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En matière d'humour il y a Fluide Glacial et tout le reste qui n'arrive pas à la cheville du magazine créé par Gotlib en 1975. 40 ans que le meilleur de la gaudriole tricolore est chaque mois au rendez-vous de nos zygomatiques en manque d'exercice. Ce gros livre (200 pages) revient sur ces quatre décennies d'Umour et bandessinées. Chaque auteur a droit à une présentation détaillée (dans l'esprit Fluide, bien évidemment) et parfois à une histoire courte d'époque. Cela va des pionniers, Gotlib, Solé, Frémion, Alexis, aux jeunes au pouvoir aujourd'hui comme Lindingre, Terreur graphique ou Fabcaro, cette encyclopédie présente ce qui se fait de mieux en matière de transgression à but ouvertement comique. Alors on rigole pas mal en parcourant ces pages, et puis on a parfois la larme à l'oeil car certains, dont faire rire étaient leur unique raison d'être, ont gravement dérogé à ce principe en mourant un peu trop tôt. Il y a Franquin, bien sûr, mais aussi Alexis, le plus doué, Moerell, le plus déglingo, et Lelong aussi. Ce dernier, créateur de Carmen Cru, la vieille la plus abominable de la BD, malgré les milliers d'éclats de rire provoqués par ses histoires sombres, a joué un sale tour à ses admirateurs en se suicidant. Mais c'est ça aussi l'esprit Fluide Glacial, avoir la capacité à rire de tout et surtout de faire fi des épreuves. Même si parfois, « Rire tue »...

« Il était une fois Fluide Glacial », 25 euros

mardi 10 mars 2015

BD : Koh Lanta vu du canapé

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Commenter une émission de télévision sur Twitter est devenu une mode et une façon commune de « consommer » ce genre de spectacle. Benoît Feroumont, dessinateur de la série « Le Royaume » chez Dupuis, va plus loin dans cette pratique en réalisant des compte-rendus de Koh-Lanta. Des croquis faits au fond de son canapé et mis en ligne le lendemain sur son blog. Ces quelques dizaines de notes sont reprises dans cet album de BD enrichi de dessins inédits et de planches en couleurs. D'abord il y a la genèse. Un vendredi soir, les enfants de Benoît demandent l'autorisation de regarder Koh-Lanta à la télévision. Le père de famille, tout à fait dans son rôle de roc garant d'une éducation sans faille, émet des réserves : « Une téléréalité qui érige la compétition, le coup bas, la stratégie bas de gamme comme manière de vivre. Je ne suis pas sûr que cela soit bon pour des gens de votre qualité. » Mais finalement, il accepte « Ce sera un programme que nous regarderons tous ensemble. Si ça m'ennuie je dessinerai. » La bonne idée que voilà ! Feroumont, qui se dessine en Grizzli, n'a pas son pareil pour donner de la vie à des dessins faits dans l'urgence. Du noir et blanc, sans le cadre contraignant de la mise en page de la planche classique, où décors et personnages se complètent en un minimum de détails. Son trait fait penser à du Jijé, celui qui prétendait qu'il faut savoir dessiner les yeux fermés. L'auteur s'enthousiasme pour certains candidats (Gwenaelle avec qui il devient ami, ou un certain Steve, Belge machiavélique...) et parfois se lasse des ressort toujours identiques de l'histoire qu'il dénonce sans vergogne. Il regarde en pointillé plusieurs saisons, ne conservant que les grandes lignes. Un recul salvateur rendant « merveilleux » ce spectacle totalement « affligeant » au premier degré.

« Le merveilleux spectacle de la téléréalité », Dupuis, 18 euros

lundi 9 mars 2015

Livre : Ado turbulente à la Manoeuvre

Manon Manoeuvre, fille de Philippe Manoeuvre, raconte dans ce témoignage cru et poignant comment elle a été enfermée, par sa propre mère, dans une véritable école-prison pour adolescents rebelles.

manoeuvre, manon, californie, petite agitée, flammarionPauvre petite fille riche et privilégiée... Manon Manœuvre, fille de Philippe Manœuvre, journaliste rock et animateur télé, est née du coup de foudre trop court de l'agité du PAF (Les enfants du Rock...) et d'une actrice anglaise, Carey More, incroyablement belle. Très vite le couple se sépare et la mère s'installe en Californie avec la fillette. Manon passe quelques vacances en France, entre Corse, Paris et le centre du pays. Les liens se distendent avec son père, pas assez présent, trop occupé par ses multiples activités. Rien de bien exceptionnel, une vie classique de fille de divorcés, avec l'argent en plus. La jeune fille, aujourd'hui âgée de plus de 20 ans, revient sur son adolescence marquée par les excès et un passage dans une école-prison traumatisante. Un témoignage cru et détaillé, qui n'épargne personne, de la mère au père en passant par le milieu trop gâté des riches Californiens.
Ecrit dans une simplicité parfois déroutante (on entend presque la gamine parler et s'offusquer), le récit de cette enfance fait la part belle à la Californie. Ce pays si beau, ensoleillé, ouvert et où tout est possible pour ceux et celles qui ont de l'argent et savent mentir sur leur âge. Manon Manœuvre dans le genre est imbattable. A peine âgée de 13 ans, elle se fait passer pour une femme de 18 ans. A 14 ans, elle traîne avec des adultes de 25 ans, partage leurs jeux sexuels, expérimente toute sorte de drogues et fugue régulièrement. Un père absent, une mère dépassée : elle est sur la mauvaise pente, en a parfaitement conscience mais pour rien au monde ne veut amender son comportement.
Mauvais résultats scolaires, exclusion de lycées privés pourtant peu regardant sur le comportement de leurs élèves tant que les parents payent les études : la mère de Manon décide de prendre le taureau par les cornes. Elle la fait admettre dans une école mormone en plein désert de l'Utah. Et là, la vie de Manon bascule.

Rigueur et humiliation
Dans cette « prison » elle perd son nom et devient le matricule 368. « Ces mormons, forçant les gens à être clean en leur filant des pilules, n'allaient pas nous foutre la paix, tant que nous ne nous soyons pas repenties de nos péchés et devenues les zombies de la nation. » Tout dans le fonctionnement de l'école n'est que rigueur et humiliation. Un monde abominable pour Manon qui aime s'habiller léger, écouter du rock très fort, boire de l'alcool et s'amuser avec ses copains. Terminée la débauche... Un cauchemar qui va durer de longs mois. Dans ce récit, elle raconte aussi et surtout comment son père est parvenu à la sortir des griffes de la « Provo Canyon School ». Il devra utiliser les services d'un excellent avocat pour récupérer sa fille. Dans la voiture qui les conduit à l’aéroport pour rejoindre New York puis Paris, Philipe Manœuvre offre à sa fille une cigarette, « Je l'ai allumée et j'en ai tiré une bouffée, ça avait le goût de la liberté ». La suite, une enfance normale, à Paris, avec un père aimant et tolérant. Et aujourd'hui ce témoignage sur les graves dérives du système éducatif privé américain.
« Petite agitée », Manon Manoeuvre, Flammarion, 19 euros



dimanche 8 mars 2015

Livre : L'agonie de Nauru

Une île perdue dans le Pacifique. Sa richesse : le phosphate. Sa malédiction : le gisement n'est pas éternel. Aymeric Patricot raconte la vertigineuse chute d'un empire de papier.

Nauru, patricot, phosphates, anne carrièreUne petite île, perdue dans l'immensité du Pacifique. Nauru est loin de tout. Elle ressemble à l'île de Robinson Crusoé. Mais elle n'est pas déserte. Quelques milliers d'autochtones y vivent depuis des siècles. Pêche, élevage, farniente au bord des plages protégées par la barrière de corail ont longtemps suffi aux Nauruans. Et puis les colonisateurs sont arrivés. Les Allemands, puis les Australiens avec une brève occupation japonaise durant la seconde guerre mondiale. Au début du 20e siècle, les Australiens découvrent dans son sol une richesse inestimable : du phosphate. L'extraction de la matière, concentrée sur le plateau central, débute intensivement. Une mine d'or pour la compagnie minière, la NPC comme Nauru Phosphate Corporation.
Aymeric Patricot raconte dans ce roman comment cette manne du ciel se transforme en malédiction. Une descente aux enfers que l'on suit par l'entreprise de Willie, le narrateur et héros du livre. Ce jeune Philippin est arrivé à l'âge de huit ans sur l'île, peu de temps après la mort de son père. Il est adopté, devient bon élève et naturellement est embauché par la NPC comme les 2/3 des habitants de Nauru. Il gravit lentement les échelons, se marie, a des enfants. La parfaite intégration, une réussite qui lui ouvre les yeux, aiguise son ambition. Il apprend beaucoup au côté d'Erland, un Scandinave à la tête des services financiers de la compagnie. « Erland semblait avoir de l'affection pour moi. Il y avait certes de la condescendance dans son attitude – il m'appelait son petit indigène – mais c'était sur le même ton de sarcasme qu'il parlait de toute chose ». Willie, sorte de Vendredi de ce blond Robinson, s'émancipe et s'impose en haut de la hiérarchie. Du moins, dans le petit cadre des places réservées aux autochtones.

Une montagne d'argent
Au début des années 60, Nauru est toujours une simple dépendance de l'Australie. Les immenses richesses de son sous-sol ne lui reviennent pas directement. La décolonisation parvient quand même sur les plages de sable blanc et en 1968, l'île devient officiellement la plus petite république de la planète. Une des plus riches aussi. Willie devient directeur de la NPC puis président. Il sera un des premiers à s'inquiéter de l'épuisement des richesses. L'argent est pour beaucoup reversé aux habitants, mais des millions sont toujours disponibles. Il va lancer, sur les conseils d'Erland, un vaste plan de diversification des investissements. Immobilier, exploitations agricoles, placements financiers : il a entre ses mains l'avenir de tout son peuple. Le petit indigène s'est sans doute cru trop intelligent, le monde de la finance est impitoyable et quand les mines ne produisent plus, les placements extérieurs ne parviennent pas à maintenir le niveau de vie du pays qui fait inexorablement faillite. A cela s'ajoute la catastrophe écologique : « Il me fallait aussi écouter les récriminations des agriculteurs protestant contre la destruction des sols. Ces derniers ne donnaient plus rien. Quant aux territoires centraux, qu'on avait envisagé de récupérer, ils s'étaient révélés appauvris par des décennies d'extraction du phosphate. » Voilà pourquoi le personnage principal constate, amer, qu'il a entraîné son peuple dans cette aventure.
Un roman sur la faiblesse humaine, les illusions de la richesse et du pouvoir. L'auteur prévient cependant que ce récit « n'a pas de prétention documentaire. Le destin de cette île concentre celui de dizaines d'autres dans le Pacifique. » Et l'on ne peut que faire le rapprochement avec un autre caillou du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie, premier producteur de nickel au monde. Mais jusqu'à quand ?
« J'ai entraîné mon peuple dans cette aventure », Aymeric Patricot, Anne Carrière, 18 €


BD : Nazis spatiaux

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Richard D. Nolane s'est spécialisé dans la BD historique uchronique. Sa période de prédilection : la seconde guerre mondiale. Dans ses différentes séries (Wunderwaffen, notamment), l'Allemagne l'emporte. La France devient une alliée de Hitler, l'Angleterre et la Russie tombent aussi dans le nazisme. Les SS règnent de l'Irlande à Vladivostok. Seule l'Amérique, tout en restant neutre, tente de s'opposer à première puissance mondiale. Hitler a la technologie avec lui. Un certain von Braun a mis au point des fusées capables de traverser l'Atlantique et de semer la mort sur la cote Est des USA. Ce n'est qu'une menace, mais elle est prise au sérieux par Lindberg, le nouveau président US. Il faut répliquer et pour cela construire des fusées aussi efficaces. Cette guerre de l'espace inédite est donc au centre de la nouvelle série dessinée par Nikolic. On y retrouve De Gaulle, réfugié en Martinique, très affaibli mais soutenu par les Américains. Le savant Verdier va être « prêté » aux Américains pour progresser dans la conception de fusées. Toujours aussi étonnants, ces récits décalés séduisent par leur inventivité et cette façon inégalable de réécrire l'Histoire de l'Europe.

« Space Reich » (tome 1), Soleil, 14,50 €

samedi 7 mars 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Se chauffer à la bougie

chauffage, économie, bougie
Au XXIe siècle, peut-on encore se chauffer à la bougie ? Vous avez bien lu, pas s'éclairer mais se chauffer. Un journaliste anglais a diffusé sa trouvaille sur internet. Il prétend pouvoir élever la température d'une pièce simplement à l'aide d'une bougie chauffe-plats... et de deux pots de fleurs. Mettez la bougie sur une soucoupe. Allumez-la. Recouvrez le tout d'un premier pot de fleur retourné (en terre cuite uniquement, le plastique est formellement déconseillé par l'amicale des pompiers), puis d'un second, un peu plus large. Voilà normalement le radiateur le moins cher du monde : 10 centimes. Démonstration époustouflante ? Trop beau pour être vrai. Certes la chaleur rayonne autour de l'installation, mais pas suffisamment pour faire grimper le thermomètre de plus de 2 ou 3 degrés. En fait, la base de tout chauffage efficace réside dans une bonne isolation. Et notre bricoleur écologiste a la chance de posséder une maison très performante. Pour preuve, il avoue dans une interview que le simple fonctionnement de ses deux ordinateurs suffit à rendre vivable la fameuse pièce. Il n'empêche que son petit film a été partagé des millions de fois, comme si le quidam ne demandait qu'à croire qu'il est possible d'éviter les factures de chauffage calamiteuses. Et allez savoir, la combine a peut-être attiré l'attention de quelques escrocs. Un bonimenteur professionnel parviendrait sûrement à vendre le procédé plusieurs millions d'euros, à un grand groupe industriel. Impensable ? Souvenez-vous des avions renifleurs de pétrole...

vendredi 6 mars 2015

Cinéma : Les petits fiancés du Japon


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Une Belge de 20 ans rêve de devenir écrivain… et Japonaise. "Tokyo fiancée", film de Stefan Liberski, est adapté du roman « Ni d’Eve ni d’Adam » de sa compatriote Amélie Nothomb.


Une Belge amoureuse du Japon. Un Japonais amoureux de la France. Dans Tokyo, ville gigantesque, ils vont pourtant se trouver, se comprendre, s’aimer. Cette histoire d’amour peu banale est la trame du film Tokyo fiancée réalisé par Stefan Liberski. Ce cinéaste belge, également écrivain, scénariste de BD et trublion à la radio et télévision belge, abandonne pour une fois sa folie douce pour une adaptation fidèle du roman de sa compatriote Amélie Nothomb. La Jeune Belge, c’est elle. Née au Japon, elle retourne dans l’archipel quand elle a 20 ans. Elle a deux ambitions dans la vie : être écrivain et devenir Japonaise. Exactement, elle espère devenir comme ces vieux écrivains japonais, « J’ai toujours eu le lyrisme mégalomane », confie-t-elle en voix off.

Amoureuse... du Mont Fuji
La pétillante Pauline Etienne (vue récemment dans Eden) se glisse dans le personnage d’Amélie. Elle vit dans un minuscule appartement, prend des cours de japonais et pour subvenir à ses besoins, dépose des annonces pour donner des cours particuliers de français.
Son premier élève, Rinri (Taichi Inoue), sera le seul. Ce grand adolescent, fils d’un riche joaillier, va rapidement fasciner la jeune Occidentale. Timide, gentil, respectueux, il ne fait pas le premier pas. C’est Amélie qui ose enfin un premier baiser.
Toute en retenue, cette première partie du film est une longue balade poétique dans les rues et parcs de Tokyo avec des intermèdes dans des soirées entre copains, tous passionnés par le français.
Par la suite, c’est plus compliqué. Rinri la présente à ses parents qui n’espèrent qu’une chose : faire un beau mariage. Mais Amélie ne se sent pas encore prête. Alors elle a l’idée géniale de lui proposer de passer par l’étape fiançailles. Des fiançailles éternelles...



Le film de Stefan Liberski est aussi frais et délicieux qu’un roman d’Amélie Nothomb. L’interprétation de Pauline Etienne, entre tracas intérieur et joie exubérante, crédibilise le personnage complexe de la petite Belge amoureuse du Japon, du mont Fuji et du gentil Rinri. Ils sont si mignons ces petits fiancés nippons...
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Un roman japonais d’Amélie Nothomb


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Le film de Stefan Liberski est adapté du roman Ni d’Eve ni d’Adam paru en 2007 chez Albin Michel et lauréat du Prix de Flore.
La romancière belge, née au Japon car son père, diplomate, se trouvait en poste à Tokyo, n’a jamais caché sa fascination pour ce pays complexe et fantasque. Régulièrement, elle s’inspire de sa jeunesse pour distiller des scènes clairement autobiographiques dans ses romans. Si Stupeur et tremblements (adapté au cinéma par Alain Corneau avec Sylvie Testud dans le rôle d’Amélie) portait essentiellement sur le monde du travail, avec Ni d’Eve ni d’Adam, c’est le pan amoureux de la vie de la jeune Amélie que Nothomb raconte. Elle décrypte sa romance avec son élève japonais et son rapport si particulier avec le Mont Fuji.
Amélie Nothomb retournera au Japon bien des années plus tard pour le tournage d’un documentaire. Une nouvelle fois elle nourrira sa plume de cette expérience pour en faire un compte rendu entre réalité et fantasme. La nostalgie heureuse semblait être la fin de la belle histoire d’amour entre la jeune Belge et le pays du Soleil Levant.