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jeudi 17 avril 2025

Biographie – Olympe de Gouges, visionnaire


Longtemps oubliée par les historiens, Olympe de Gouges est revenue sur le devant de la Révolution française ces dernières années quand un certain féminisme a de plus en plus eu l'occasion de se faire entendre. Cette année, la révolutionnaire, première à revendiquer l'égalité entre hommes et femmes, était doublement dans l'actualité. D'abord grâce au film de Julie Gayet, tourné en Occitanie et diffusé sur France Télévisions. 

Ensuite par cette biographie signée Florence Lotterie et Elise Pavy-Guilbert, deux historiennes qui ont tenté de raconter le combat et la vie (brève) de cette Montalbanaise devenue célèbre à Paris. On apprend notamment qu'Olympe ne se battait pas que pour les femmes. Elle était aussi du côté de tous les exclus, en raison de leur précarité ou de leur couleur. Elle tenait salon et placardait des journaux dans les rues de la capitale. 

Rapidement elle s'est retrouvée enfermée, victime des purges. Une fin de vie entre quatre murs, malade mais digne. Jusqu'à ce 3 novembre 1793 où elle est exécutée en place publique. 

Moins romantique que le film ou les célébrations féministes, la vie de cette lanceuse d'alerte avant l'heure prouve que les convictions payent. Même s'il faut attendre quelques siècles.

« Olympe de Gouges, une femme dans la Révolution », Flammarion, 176 pages, 22 €

mardi 8 avril 2025

Romans français - A chacun ses problèmes familiaux

Si Laurent Bazin règle ses comptes avec son père au moment de ses obsèques, Antoine Laurain est plus indulgent pour sa famille face à l'épreuve de la... dictée de Mérimée.

Deux romans français sur la famille en général, deux ambiances totalement différentes. Antoine Laurain propose un texte léger sur les affrontements entre générations autour de l'amour de la langue française alors que Laurent Bazin, célèbre journaliste télé installé dans l'Aude, transforme l'annonce de la mort de son père en psychanalyse qui vire au règlement de comptes sans concession. Si vous avez l'humeur joyeuse et riante, profitez du premier texte. Si la tristesse ou la rancoeur minent votre quotidien, découvrez qu'il y a pire ailleurs concernant la mésentente dans une famille. 

Nous avons tous un souvenir de dictée qui ne s'est pas bien passée. Benjamin, écolier, ramène une très mauvaise note. Ses parents, un peu catastrophés, décident de lui prouver qu'ils étaient bien meilleur que lui à son âge. Et se trompent un peu. Un mini psychodrame qui va déboucher sur l'organisation d'une dictée en plein air, sous la supervision d'un membre de l'Académie française. Et pas n'importe quelle dictée puisqu'il faudra éviter les pièges de Prosper Mérimée. Outre quelques mots incongrus, c'est le fond de ce petit texte qui va devenir célèbre. Dans cette dictée, « les notables y étaient ridiculisés, les bourgeois passaient pour des crétins, les militaires pour des ivrognes, la religion tournait à la farce. Un bijou d'insolence. Un chef-d'oeuvre de provocation. » Rien que pour l'exhumation de ce texte, le roman mérite le détour.

Moins d'humour dans le récit de Laurent Bazin. C'est le parfait exemple que l'on peut réussir sans népotisme. Car très vite son père s'est désintéressé de sa carrière de journaliste. Ce médecin, volage, criblé de dettes, a vécu ses dernières années dans une grande solitude. Laurent Bazin, en une semaine, va devoir faire un gros travail sur lui pour accepter d'organiser les obsèques, le dernier adieu. Avec l'impossibilité de se réconcilier. Juste une sorte de piqûre de rappel sur son rôle de père qu'il veut, au contraire du mort, exemplaire, attentif et aimant. L'étrange confession sèche et parfois caustique d'un homme public à l'image chaleureuse et bienveillante.  

« La dictée », Antoine Laurain, Flammarion, 160 pages, 20 €

« L'homme qui ne voulait pas être mon père », Laurent Bazin, Robert Laffont, 320 pages, 21,50 €

vendredi 11 octobre 2024

Un essai : Ils sont elles


Si certains veulent s’affranchir du genre, il faut parfois en changer pour réussir. Catherine Sauvat dans cet essai littéraire revient sur toutes ces romancières qui ont utilisé des noms d’hommes pour réussir à être éditées. Il y a bien évidemment George Sand, Aurore Dupin de son vrai nom, mais aussi Vernon Lee, René Vivien ou Claude Cahun, Violet Paget, Pauline Mary Tarn et Lucy Schwob pour l’état-civil.

Et même récemment la masculinisation de son nom de plume était en vigueur comme ce génial créateur de romans de SF, James Tiptree Jr, qui était en réalité une vieille dame de plus de 50 ans. Alice Bradley Sheldon, qui une fois découverte, a perdu l’inspiration….

«Ils sont elles », Flammarion, 320 pages, 21 €

dimanche 25 août 2024

Rentrée littéraire – Le chantage ultime selon Philippe Vasset


Une confession. Un mode d’emploi. Un roman. Ce texte, signé Philippe Vasset, joue sur plusieurs tableaux. Dont celui de la vérité cachée, car l’auteur, en plus d’être écrivain, est aussi journaliste. Tout n’est donc pas inventé dans ce monologue.

Un ancien photographe de presse, la cinquantaine, après avoir vivoté en vendant ses clichés aux magazines à scandale, il a préféré monnayer ses négatifs directement auprès du sujet. Une star, un politique ou un capitaine d’industrie, souvent surpris en galante compagnie. Voilà comment on passe de la rubrique people à celle de maître-chanteur. C’est risqué, mais le jeu en vaut la chandelle. Le roman raconte tous les trucs et ficelles de cet expert. Comment il recrute ses rares complices.

Généralement d’anciennes victimes, dont il sait qu’elles ne le trahiront jamais au risque de voir ressortir des dossiers noirs. Son petit business bascule quand il croise la route d’une bande de jeunes femmes aussi effrontées qu’ambitieuses. Malgré des réticences, il va s’associer aux « filles » et monter en grade. Dans les rançons mais aussi les « cibles ». Toute la difficulté dans ce genre d’exercice littéraire est de proposer une fin crédible et pas trop décevante.

Avouons que Philippe Vasset, en retournant complètement le sens de la confession, a une idée géniale. Qui donne l’envie de reprendre tout le livre et y découvrir une autre vérité.
« Journal intime d’un maître-chanteur », Philippe Vasset, Flammarion, 224 pages, 20 €

jeudi 15 août 2024

Littérature française - La vie en nouvelles


Le regard acéré et amusé de Véronique Ovaldé s’est arrêté sur huit vies imparfaites, huit existences racontées en partie dans autant de nouvelles. Un genre à part, qui est plus risqué que le roman car l’auteur doit aller à l’essentiel, oublier le superflu, ne conserver que le meilleur.

Pour que le lecteur s’y retrouve, Véronique Ovaldé a imaginé que ces différents paumés se connaissent. Collègues ou parents, tous se croisent à un moment de leur vie. Cela commence en fanfare avec Auguste, renommé par ses amis Baraka tant la vie ne lui fait pas de cadeau. D’ailleurs, quand il croit avoir fait une bonne affaire immobilière, une simple grève va ruiner ses illusions dès le lendemain. Mais il aura au moins fait la connaissance d’Eva, trop bonne, trop C…

Elle aussi saura séduire le lecteur avec ses histoires de survie en milieu hostile (un boulot de commerciale et une adolescente à la maison).

Véronique Ovaldé, en racontant les imperfections de ces huit personnages, agit comme la coiffeuse à la fin de la séance en nous montrant l’arrière de notre tête. On constate alors qu’on ne se connaît pas sous cet angle. Ce n’est pas brillant, mais cela reste une facette de notre personnalité.

« À nos vies imparfaites », Véronique Ovaldé, Flammarion, 160 pages, 19 €

dimanche 12 mai 2024

Romans historiques - Camille Flammarion et l’aliéniste

 Ces deux polars historiques de Roland Portiche et Jean-Luc Bizien se déroulent à la fin du XIXe siècle. D’un côté l’astronome Camille Flammarion, de l‘autre l’aliéniste Simon Bloomberg. Et quelques spirites ! 

Le roman écrit par Roland Portiche avec Camille Flammarion, l’astronome, pour héros se déroule en 1895. Celui signé Jean-Luc Bizien relate des faits de l’année 1888. Moins de dix ans d’écart entre deux polars historiques qui laissent une jolie place au fantastique et notamment à cette pratique très en vogue à la fin du XIXe siècle, le spiritisme.

Dans L’astronome et les spectres, première enquête extraordinaire de Camille Flammarion, ce scientifique qui a véritablement existé et remporté un succès immense en publiant des ouvrages de vulgarisation, va partir à l’aventure, en compagnie de Jules Verne, en Guyane française, pas loin du bagne où vient d’être enfermé le capitaine Dreyfus. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, affrontant des esprits qui prennent la forme de spectres, le romancier raconte le quotidien du héros. Marié à Sylvie depuis des décennies, il vit essentiellement dans sa maison de campagne, là où il a fait installer une immense lunette pour admirer les astres. Il vient de recruter la jeune et téméraire Gabrielle comme secrétaire. Et en fait également sa nouvelle maîtresse malgré les 35 ans d’écart.

C’est dans son antre à Juvisy dans la banlieue parisienne qu’il organise des séances de spiritisme. Il y a déjà parlé avec Galilée ou Victor Hugo décédé quelques années auparavant. C’est au cours d’une de ces séances que l’esprit de Gabrielle est enlevé par les mystérieux spectres. C’est pour la libérer que Camille Flammarion va monter cette expédition vers la Guyane française. Le roman, de parisien et très ancré dans la réalité historique, prend un tour plus aventureux et fantasque.

Dans la forêt impénétrable, Camille et ses amis vont croiser le chemin des « démons », créatures de plus de trois mètres : « Une silhouette apparut dans l’oculaire. Sa forme était humaine, mais son visage évoquait une bête sauvage. » L’archéologue de l’expédition devine le portrait craché « d’un ancien dieu assyrien, Pazuzu. Il était redouté de tous à cause de son pouvoir malfaisant et destructeur. » Une partie fantastique brillante et digne des grands feuilletons de l’époque.

Disciple de Freud

À l’opposé, Simon Bloomberg est un pragmatique. Aliéniste à Paris en 1888, il veut soigner les déments en les comprenant. Il expérimente les premières intuitions d’un jeune étudiant autrichien qui deviendra célèbre : Freud. Un roman déjà publié en 2009 (directement en poche chez 10/18) mais qui ressort car deux autres titres sont annoncés. Le personnage principal est beaucoup plus torturé que Camille Flammarion. L’épouse de Bloomberg a disparu. C’est elle qui s’adonnait au spiritisme. Au point de perdre la raison.

Pour le volet purement policier du roman, l’auteur utilise un duo de flics très réussi : Desnoyers, vieux de la vieille un peu fatigué et son adjoint, Mesnard, adepte de la recherche d’indices et des déductions tirées de l’examen des scènes de crime.

En rajoutant une touche de romantisme (une jeune et jolie Anglaise embauchée par Bloomberg pour devenir la gouvernante de sa demeure extraordinaire), on obtient un roman qui aurait lui aussi passionné les foules s’il avait été publié sous forme de feuilleton dans les journaux de l’époque.

« L’astronome et les spectres » de Roland Portiche, Flammarion, 384 pages, 21 €

« La chambre mortuaire » de Jean-Luc Bizien, L’Archipel, 304 pages, 21 €

jeudi 14 mars 2024

Un beau livre : Les plus beaux villages de France


Collioure sera peut-être le village préféré des Français en 2024 (réponse fin juin...), mais ne fait pas partie des plus beaux villages de France. Le guide officiel de cet organisme vient de sortir.

On retrouve 176 destinations de rêve, authentiques et originales. Ils ne sont pas si nombreux que cela dans la région : il y a Lagrasse dans l’Aude et Castelnou, Eus, Evol, Prats-de-Mollo-la-Preste et Villefranche-de-Conflent dans les Pyrénées-Orientales. Un atlas du patrimoine tricolore qui ne peut que vous donner des idées pour les prochaines vacances.

« Les plus beaux villages de France », Flammarion, 200 pages, 18,90 €

mercredi 18 octobre 2023

Une étude - La BD autopsiée par Damien MacDonald


Sous une superbe couverture de Charles Burns, Damien MacDonald propose une vaste étude sur l’art de la bande dessinée. Il se penche sur son anatomie en disséquant une centaine d’originaux célèbres de la BD occidentale du XXe siècle. On trouve presque autant d’exemples issus des comics américains que des BD européennes.

De Bernie Wrightson à Moebius, de Charles Schulz à Uderzo, vous pourrez redécouvrir des planches exceptionnelles, avec des commentaires savants et circonstanciés sur leur beauté mais aussi leur signification dans notre monde contemporain. Avec quelques titres de chapitre assez énigmatiques comme « La troisième oreille » ou « Le squelette symbolique ».

« Bande dessinée, anatomie d’un art », Damien MacDonald, Flammarion, 256 pages, 29 €

mercredi 4 octobre 2023

Rentrée littéraire - « Le grand secours », journée ordinaire dans un lycée de banlieue

Bondy. Banlieue parisienne. Thomas B. Reverdy raconte une journée dans un lycée. Plongée dans le quotidien des élèvres, des profs et de Paul, romancier découvrant ce monde particulier en pleine ébullition.


Comment va l’éducation en France en 2023 ? Une partie de la réponse se trouve dans ce roman très documenté de Thomas B. Reverdy au titre mystérieux : Le grand secours. L’action se déroule à Bondy sur une journée. Autour et dans le lycée dont on ne saura jamais le nom.

Le romancier, avec un sens de la mise en scène affirmé, plante le décor, présente les personnages. Chez les jeunes, Mo, le lycéen timide, amoureux du rap, des mots et de Sara, élève de sa classe. Chez les « vieux » Candice, sa prof de français, toujours enthousiaste, pleine de projets malgré les difficultés matérielles, l’abandon de la hiérarchie et l’inertie de la majorité des élèves. Elle a organisé la venue dans l’établissement de Paul, un romancier parisien en galère financière.

Cette bourse attribuée pour l’animation d’ateliers dans ce lycée du 93 devrait lui permettre de survivre quelques mois. Il se prépare à rejoindre le lycée après un long périple en métro et tram. Comme un voyage en pays exotique. Mais ce n’est pas une ambiance palmiers et douceur de vivre qui l’attend. Plutôt pays au bord de la guerre civile, avec violence à tous les carrefours.

Des coups dès l’arrêt de bus sur le chemin de l’école. Pour une simple cigarette refusée à un SDF, un adulte baraqué, sans doute flic en civil, roue de coups Mahdi, lycéen comme Mo, qui a osé lui faire une réflexion.

L’émeute aux grilles du lycée 

 Cette baston va mettre le feu à la cité. Il est vrai qu’il couvait, que les humiliations quotidiennes subies par les jeunes de la part des policiers de la Bac compliquent le travail des modérateurs et éducateurs du lycée. Alors que la colère monte, Paul découvre le quotidien de Candice. Il est vite sous le charme de cette jeune femme qui vient au travail sur un vélo de course, qui sait avoir de la poigne avec certains de ses élèves, de l’empathie avec ld’autres. Pourtant elle n’a jamais voulu être prof. Encore moins en banlieue.

Mais la vie prend parfois des chemins tortueux et aujourd’hui elle sait que sa place est là, pour aider, guider, montrer l’exemple à ces jeunes filles trop silencieuses. « Elles écoutent la prof, elles regardent bouger ses lèvres rouges, ses yeux qui les percent, elles regardent ses jambes longues, ses cuisses qui tendent la toile de son jean quand elle bouge. Elles regardent la prof et ses mots rouges s’impriment en elles. Elles pensent : c’est donc possible. C’est pour celles-là bien souvent que Candice fait cours. » Le roman rend un bel hommage au personnel éducatif, enseignants comme surveillants. Beaucoup n’ont pas abdiqué. Loin de là. Et quand tout craque, que l’émeute franchit les grilles du lycée, ce sont eux qui les premiers tentent d’éteindre l’incendie, de protéger ces jeunes abandonnés depuis trop longtemps.

Un roman comme une tragédie, mais qui se termine tel un roman à l’eau de rose, main dans la main devant un coucher de soleil. Grand écart pour ce Grand secours, l’élément essentiel de la scène finale d’une journée particulière mais finalement presque ordinaire dans un lycée de banlieue.

« Le grand secours » de Thomas B. Reverdy, Flammarion, 320 pages, 21,50 € 

lundi 4 septembre 2023

Littérature - Sexe au menu de « Dès que sa bouche fut pleine »


Ce n’est peut-être pas le plus réussi des premiers romans de la rentrée littéraire, mais c’est sans conteste le plus original, voire tordu. Juliette Oury emmène ses lecteurs dans un monde en tous points identique au nôtre avec cependant deux grosses différences : le sexe a pris la place de la nourriture. Et vice versa. 

Dans Dès que sa bouche fut pleine, Laetitia, la narratrice, explique comment elle a cédé à la tentation très jeune en mangeant des mûres au fond du jardin d’une amie. Aujourd’hui mariée, elle retrouve cette sensation quand un de ses collègues, après une partie de baise dans la salle commune de son entreprise, lui détaille le plaisir de déguster un plat longuement mijoté. Car dans ce monde assez dérangeant, on ne règle pas les problèmes professionnels au cours de repas de travail mais d’orgies (au sens premier) de travail. 

Coucher avec tout le monde est permis (et même fortement conseiller), par contre saliver sur un hamburger est considéré comme la pire des dépravations. 

En inversant sexe et nourriture dans son monde, Juliette Oury met aussi en opposition deux actions aussi banales que bouffer et baiser. Un vrai cauchemar.  

« Dès que sa bouche fut pleine » de Juliette Oury, Flammarion, 272 pages, 19 €

mercredi 31 mai 2023

Roman français - Que veut cette patiente « Dangereusement douce » ?

Un psychanalyste, une patiente, un immeuble et des habitants : inventif et surprenant, « Dangereusement douce », roman d’Antoine Laurain flirte avec le thriller.


Alors que le festival de Cannes vient de s’achever, il y a fort à parier que ce roman signé Antoine Laurain finit adapté sur grand écran. Le duel entre le Dr Faber et sa mystérieuse patiente Nathalia devrait permettre à deux grands comédiens français de rendre une composition riche en subtilités. En attendant, profitons de ce roman qui parfois s’apparente à une accumulation de petites nouvelles. Mais loin d’être du recyclage, tout se tient et les deux derniers chapitres permettent au lecteur de se retrouver épaté par la finesse du récit, son enchaînement, sa fin surprenante tout en étant ouverte.

Bienvenue dans le cabinet du docteur Faber. Ce psychanalyste, narrateur de l’essentiel du récit, mène une vie très réglée. Il a des patients qu’il suit régulièrement et parfois une nouvelle tête s’allonge sur son divan. C’est le cas avec Nathalia, photographe. Elle entre en analyse pour une bonne raison : « Je suis une photographe qui ne photographie plus rien. J’ai perdu mon talent ». La raison en est sa dernière photo réalisée il y a quelques mois : celle d’un meurtre. Pour le Dr Faber, ce cas particulier est particulièrement intéressant : « La plupart de mes clients viennent épancher ici des névroses somme toute banales : problèmes de travail, divorce compliqué, complexe d’infériorité. Ils sont déboussolés face au monde moderne. […] C’est difficile, c’est épuisant même parfois, et c’est rare qu’une jolie jeune femme s’assoie sur le divan juste pour me parler de blocage artistique. Meurtre. Pas blocage artistique, meurtre. »

Les habitants de l’immeuble d’en face 

Ce début de roman, énigmatique, très psychologique (on suit les réflexions du narrateur qui tente de cerner la personnalité de Nathalia), ressemble à un petit apéro. Quand il faut passer à table, le docteur demande à Nathalia de mettre par écrit la vie des habitants de l’immeuble d’en face. On va donc découvrir le destin d’une influenceuse, d’un parolier expert en tubes et passionné par les chats, d’un dessinateur de presse obèse qui tente de reconquérir son amour de jeunesse ou d’un hypnotiseur capable de vous faire renoncer au tabac en quelques minutes.

Des tranches de vies racontées dans le détail par Nathalia, comme si elle faisait partie de leurs existences. Pour le psychanalyste, c’est clairement des affabulations. Des vies imaginaires, comme autant de pistes qu’elle lui donne pour creuser au plus profond de la personnalité de la photographe. Pourtant, après chaque texte, le toubib cherche à vérifier. Et il tombe des nues en découvrant que rien n’est inventé.

Mais alors, pourquoi se confier à lui, que cherche-t-elle exactement ? Peut-il la guérir, lui redonner le goût de refaire des photos ? Le lecteur se pose les mêmes questions que le Dr Faber. Jusqu’aux deux derniers chapitres, superbe pirouette longuement préparée par un écrivain qui a plus d’un tour dans son sac.

« Dangereusement douce » d’Antoine Laurain, Flammarion, 20 €

lundi 8 mai 2023

Une biographie - Le cinéma de Tarantino


Immense cinéaste américain, Quentin Tarantino se livre avec beaucoup de franchise dans cette très grosse biographie intitulée Cinéma Spéculation. Il ne raconte pas sa vie, mais explique comment il est devenu passionné de 7e art et pourquoi il a décidé de révolutionner le genre. Il parle indirectement de son œuvre en commentant ses propres chocs comme Taxi Driver, La taverne de l’enfer ou Délivrance. 

Mais il se met à nu aussi quand il affirme à propos des décideurs dans l’industrie cinématographique : « Je n’ai jamais laissé ces gens m’empêcher de faire quoi que ce soit. Les spectateurs peuvent accepter mon travail ou le rejeter. Mais j’ai toujours approché mon cinéma avec intrépidité, sans me soucier de l’accueil qui lui serait réservé. »

« Cinéma spéculations » de Quentin Tarantino, Flammarion, 25 €

dimanche 1 janvier 2023

Littérature : Sororité destructrice dans "Fille en colère sur un banc de pierre" de Véronique Ovaldé

Sur une île volcanique de Méditerranée au large de la Sicile, la famille Salvatore ne passe pas inaperçue. Le père, un taiseux taciturne, passionné d’opéra, s’est marié à une fille du cru, Sylvia, et lui a fait quatre filles. C’est le destin de ces quatre sœurs qui sert de trame au roman de Véronique Ovaldé. La Fille en colère sur un banc de pierre qui donne son titre au livre c’est Aïda. Aïda la pestiférée, celle qui a quitté l’île pour vivre à Palerme. Cela fait 15 ans qu’elle n’a plus de nouvelles de la famille.

Quand elle reçoit un appel de sa sœur Violetta, elle se doute que c’est pour une mauvaise nouvelle. Le père, le Vieux, sa seigneurie comme elles ont l’habitude de le surnommer, vient de mourir. Aïda décide d’aller aux obsèques malgré le lourd passif entre elle et ses sœurs.

Ce roman puissant de Véronique Ovaldé, donne l’occasion au lecteur de plonger au cœur d’une famille compliquée. Voire totalement éclatée. Pourtant à la base il y a tout pour être heureux. La romancière le reconnaît quand elle écrit : « Je pourrais écrire quelque chose comme : elles étaient quatre sœurs inséparables promises à la plus belle des vies. Il y avait Violetta la reine, Gilda la pragmatique, Aïda la préférée et Mimi le colibri. » Elles ont deux ans d’écart et tout s’écroule un soir de carnaval. Malgré l’interdiction du père, en pleine nuit, Aïda, 8 ans, va participer aux festivités. Mimi, qui dort dans la même chambre, va avec elle. Dans la foule, elles découvrent un monde joyeux, débridé. Se perdent de vue. Aïda rentrera à la maison. Pas Mimi.

Que s’est-il passé le soir fatidique ?

La disparition de la petite dernière, celle qui avait tant de fois bravé la mort (chute du premier étage, début de noyade, guêpe dans la gorge…) brise le père. Il estime Aïda responsable. Ne lui adresse plus la parole. Les deux grandes sœurs aussi changent d’attitude et deviennent méchantes avec elle. Ce qui explique sa fuite vers Palerme. L’amour déserte la famille Salvatore. Les filles ont peur : « Leurs parents étaient piégés dans la géométrie invariable des couples - elle craignait que son mari ne finisse violent, il craignait que son épouse ne finisse par devenir folle. » En revenant sur l’île, Aïda se demande si elle va comprendre ce qui s’est passé ce soir fatidique. Qu’est-il arrivé à Mimi ? Est-elle encore en vie comme le croit, l’espère, la mère ?

Le roman, en plus de raconter l’évolution des trois sœurs restantes, leurs parcours de vie si différents, a parfois des airs d’enquête policière. Et aussi de comédie romantique. Avec en toile de fond cette sororité destructrice. Car l’absence de la petite sœur plane telle un vautour sur les trois sœurs restées en vie.

« Fille en colère sur un banc de pierre » de Véronique Ovaldé, Flammarion, 21 €

jeudi 10 novembre 2022

De choses et d’autres - Vite, un Goncourt !

Donc, au cas où vous avez loupé l’information qui a tourné en boucle jeudi sur toutes les radios et hier dans presque tous les journaux de France et de Navarre, une femme a remporté le prix Goncourt. Brigitte Giraud décroche le prix littéraire français le plus prestigieux pour son roman d’autofiction Vivre vite, paru aux éditions Flammarion.

Une récompense plus que méritée pour ce texte dont l’Indépendant avait fait la critique dimanche dernier dans sa page « Livres ». Le titre du roman est extrait de cette expression prêtée à Lou Reed, « Vivre vite, mourir jeune ». Une phrase présente dans le livre que le mari de Brigitte Giraud lisait la veille de sa mort.


En 1999, il s’est tué au guidon d’une moto japonaise, une Honda 900 CBR Fireblade, un engin surnommé par les motards européens « la moto de la mort ». Ce Goncourt est très rock. Comme la passion du mari de Brigitte Giraud, critique musical au Monde.

La romancière, dans un exercice de style brillant, tente de comprendre l’inexplicable : la fabrication d’un fait divers. Exactement l’enchaînement des circonstances qui font qu’en ce mois de juin 1999, dans une rue de Lyon, un homme meurt sur le bitume. Comprendre, 20 ans après les faits, pour enfin tourner la page. Elle se trouve nombre de raisons pour estimer que c’est sa faute, sa très grande faute, si son mari n’a jamais vécu dans la maison qu’ils venaient d’acheter trois jours auparavant. Mais estime aussi que si ce n’était pas à cause d’elle, d’autres événements extérieurs auraient conduit à la même fin inéluctable.

Un grand livre, sur la mort et surtout les mille raisons, bonnes ou mauvaises, futiles ou essentielles, que l’on se découvre pour continuer à vivre vite après un deuil.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 5 novembre 2022

lundi 7 novembre 2022

Littérature - « Vivre vite », le roman des ‘si’ de Brigitte Giraud remporte le prix Goncourt

Le prix Goncourt 2022 a été attribué à Brigitte Giraud pour son roman "Vivre vite" (Flammarion), dans lequel elle revient sur la mort de son mari dans un accident de moto en 1999.

Comment évacuer la culpabilité ? Comment se persuader que non, si mon mari, Claude, est mort dans un accident de moto, ce n’est pas de ma faute ! Vivre vite, roman et récit signé de Brigitte Giraud explore ce thème douloureux. A la base, la romancière est persuadée que « par ma volonté, j’avais préparé, sans le savoir, les conditions de l’accident. » Le roman, lauréat du Goncourt 2022, revient 20 ans après les faits sur l’enchaînement fatal. Et l’autrice de se demander comment elle aurait pu éviter ce cauchemar.

Elle va donc chercher à comprendre, en listant tout ce qui a conduit au drame, savoir s’il était évitable. « Si je n’avais pas voulu vendre l’appartement. Si mon frère n’avait pas garé sa moto pendant sa semaine de vacances. S’il avait plu. » Au total une quinzaine d’interrogations et autant de chapitres pour au final se demander « si les journées qui ont précédé l’accident ne s’étaient pas emballées dans une suite d’événements tous plus inattendus les uns que les autres, tous plus inexplicables. » Ce cheminement Brigitte Giraud le partage avec le lecteur, lui permettant de se glisser dans son esprit bourré de culpabilité « qui m’a obsédée pendant toutes ces années. Et qui a fait de mon existence une réalité au conditionnel passé. » Construction d’un récit inhabituelle, brillante et angoissante à la fois. On sait comment cela se termine, on ose espérer que oui c’était évitable. Et pourtant.

Infimes modifications

Ce texte, roman autobiographique d’une étonnante sincérité, raconte aussi les moments de bonheur. Car Brigitte et Claude, jeune couple qui vit à Lyon, ont tout pour s’épanouir. Il vit de sa passion, la musique. Elle commence une carrière de romancière prometteuse. Ils ont un petit garçon et viennent d’acheter une maison avec jardin dans le quartier où ils vivent depuis quelques années.

Cette maison qui semble être le déclencheur du malheur. Elle est omniprésente au début du récit, 20 ans aprèsle drame. Brigitte va la vendre, tirer un trait sur ce rêve immobilier, bâti à deux, mais qu’elle a longtemps traîné comme un boulet. La maison qui a un garage. Où le frère de la romancière gare une moto exceptionnelle. Moto surpuissante que le mari emprunte pour aller au travail. Et le soir, au retour, il en perd le contrôle et se tue. Sans maison, pas de garage, pas de moto, pas d’accident. Mais d’autres infimes modifications du déroulé de la journée auraient pu aussi éviter le pire. Écouter une dernière chanson plus courte. Ne pas retirer de l’argent à un distributeur. Donner une information cruciale à son mari à propos de son fils. Avoir un téléphone portable… Si…

Mais avec des si, ce texte n’aurait pas vu le jour et le lecteur serait privé de cette matière incandescente pour s’interroger, à son tour, sur le chemin de sa vie et les différentes bifurcations prises ou évitées en fonction de ce « conditionnel passé », véritable maître de notre existence.

« Vivre vite » de Brigitte Giraud, Flammarion, 20 €

jeudi 22 septembre 2022

Roman - Les « Commencements » de Catherine Millet


Comme elle le fait remarquer dans ce nouveau « roman », Catherine Millet n’a qu’un seul thème inspirant : elle-même. Ces Commencements racontent ses débuts dans la vie, quand encore à peine adolescente elle a découvert la puissance de l’amour, est entrée dans le milieu journalistique et de l’art contemporain, a quitté ses parents pour vivre en autonomie.

Un texte parfois un peu décousu, avec une multitude d’hommes, d’amis, d’amants, qui lui permettent de pleinement découvrir la vie libre, libertine. Il y a cependant moins de détails explicites que dans ses précédentes autobiographies.

On découvre dans ces pages l’intellectuelle, celle qui se rêvait poète et qui redoutait aussi de devenir adulte. « L’adolescence, c’est la période où l’on hésite à sortir de l’enfance, je n’avais pas envie de perdre le privilège d’être celle qui se contente de regarder et qu’on tient à l’écart sous prétexte qu’elle ne peut pas comprendre. » La petite Catherine va donc grandir et on va découvrir dans son sillage l’effervescence de ce Paris des années 60 et 70.

« Commencements » de Catherine Millet, Flammarion, 20 €

lundi 5 septembre 2022

Littérature - La famille déconstruite par Olivier Adam dans son roman "Dessous les roses"


Comment va la famille en 2022 ? Olivier Adam, sans en donner une vision absolue, donne cependant beaucoup d’indices dans la déconstruction de cette cellule qui a longtemps été le socle de toute civilisation. Fans Dessous les roses, il donne à tour de rôle le point de vue de deux frères et d’une sœur. Ils sont réunis autour de l mère pour les obsèques du père. Antoine, le plus jeune, est sur le point de devenir papa.

Claire, sa sœur, infirmière à l’hôpital, veut divorcer, abandonner mari et enfants pour rejoindre un chirurgien anesthésiste, enfin Paul, fâché avec le père depuis des années, est un célèbre réalisateur de film, aimé par la gauche bobo, homosexuel, cynique et s’inspirant sournoisement de sa famille pour critiquer la société contemporaine.

Un drôle de trio qui va se retrouver, tenter la complicité d’antan, se dévoiler, sembler plus fragile malgré les apparences. Une brillante comédie douce-amère, qui ne peut que remuer des souvenirs dans l’esprit du lecteur.

Car qui que l’on soit et de n’importe quel milieu, on va forcément se reconnaître un peu dans les doutes et errances de cette famille déconstruite et en pleine explosion.

« Dessous les roses » d’Olivier Adam, Flammarion, 21 €

jeudi 6 janvier 2022

Roman. Houellebecq écrit, gare à l’anéantissement



Que serait la littérature sans les quelques auteurs qui en plus d’un indéniable talent de plume savent bousculer les idées reçues tout en critiquant la société contemporaine ? Un nouveau roman de Michel Houellebecq c’est la certitude qu’on va mieux comprendre le monde dans lequel on vit, que certains romans auront désormais un goût particulièrement fade et que certaines scènes vont longtemps rester présentes à notre esprit, tel un phosphène dans la rétine de l’idiot qui a osé regarder le soleil. Anéantir, paru cette semaine, caracole en tête des ventes. 

Copieux, sous une couverture rigide, le roman suit la trajectoire de Paul, un énarque qui fait carrière dans l’ombre de Bruno Juge, ministre de l’Économie. Située dans un futur proche, l’intrigue semble montrer la fin du second mandat d’un Macron facilement réélu. Il doit passer la main. Bruno fait figure de favori. La France, grâce à son action efficace, a retrouvé de sa splendeur industrielle. Mais il n’est pas aimé de tout le monde. Pour preuve cette vidéo qui tourne sur internet qui montre un montage au cours duquel il est guillotiné. 

A cette intrigue politique (on assiste à la campagne, avec son lot de surprises tout à fait transférables en ce début 2022), s’ajoutent les doutes de Paul, cinquantenaire sans enfant, qui voit son couple se déliter. Un homme qui doute, surtout de lui : « C’était probablement mauvais signe d’avoir envie de se replonger dans ses années de jeunesse, c’est probablement ce qui arrive à ceux qui commencent à comprendre qu’ils ont raté leur vie. » Paul a une sœur, très croyante et un frère, très artiste. Son père, ancien haut responsable de l’espionnage français, est à la retraite. Il s’est remarié avec une femme beaucoup plus jeune que lui. Il vient d’avoir un AVC, elle s’occupe de lui avec dévouement : « La fin de vie pouvait peut-être dans certains cas ne pas être tout à fait malheureuse, se dit-il ; c’était surprenant. » Pas très gai, avouons-le, Anéantir est du pur Houellebecq, presque comme un testament littéraire agrégeant l’esprit de ses précédents ouvrage. Mais reste bien dans l’air du temps car Houellebeck reste avant tout un romancier du présent.

 « Anéantir » de Michel Houellebecq, Flammarion, 26 €

samedi 21 mars 2020

Littérature - Des romans à la pelle


Il circule depuis quelques jours sur les réseaux sociaux des posts annonçant le futur calvaire des personnes chargées de lire les manuscrits dans les grandes maisons d’édition. En effet, quand le virus ne sera plus qu’un souvenir et que l’on pourra de nouveau gambader en liberté au plein air, les services des manuscrits des éditions Gallimard, Grasset ou Seuil vont recevoir des milliers de d’autofiction qui ne raconteront en large et en travers, à la première personne, que le « Journal de mon confinement ». Comme si le secteur de l’édition avait besoin de cette nouvelle catastrophe après des ventes tombées quasiment à zéro depuis quelques jours et certainement pour encore de longues semaines. 
De manuscrits envoyés par la poste il en est question dans ce roman d’Antoine Laurain. Son personnage principal, Violaine Lepage, 44 ans, est responsable du « Service des manuscrits », par ailleurs titre du bouquin. Elle adore son métier. Pour diverses raisons. D’abord la chance de lire avant tout le monde et de découvrir les talents littéraires de demain. Mais là il ne faut pas trop être exigeante. Son service ne sort du lot que 2 à 3 manuscrits par an. Et par chance pour son service, tous les Français qui ont de velléités d’écriture (plus de deux millions selon des études sérieuses), ne passent pas tous à l’acte. Ces romans ne restent qu’à l’état d’embryon et « tous ces livres fantômes forment une sorte de matière gazeuse qui entoure la littérature comme la couche d’ozone la Terre. » Violaine aime aussi découvrir les lettres de présentations, notamment les prétentieuses accompagnant un texte généralement nul et affligeant. 
Alexandre Laurain prend beaucoup de plaisir à décrire ce milieu mais n’en oublie pas l’intrigue. Un manuscrit de qualité arrive enfin dans le service. « Les fleurs de sucre » est même sélectionné pour le Goncourt. Mais son auteur est introuvable. Et les meurtres décrits avec minutie dans le roman deviennent réalité. Un livre parfois truculent, souvent intelligent, mais qui finira certainement par vous émouvoir. Manuscrit qui n’est pas arrivé par la poste puisque c’est déjà le 8e roman de cet auteur, le 5e chez Flammarion.

 « Le service des manuscrits » d’Antoine Laurain, 18 €, disponible en version numérique, 12,99 €

mardi 18 septembre 2018

Rentrée littéraire - Thomas B. Reverdy raconte l'Angleterre de Thatcher avec du rock et du Shakespeare

Les nostalgiques des années Thatcher en Angleterre ne doivent pas lire ce roman de Thomas B. Reverdy. Il raconte comment la dame de fer est arrivée au pouvoir, transformant un pays exsangue en laboratoire du libéralisme le plus débridé. Tout a commencé au cours de « L’hiver du mécontentement » qui a donné son titre au livre.



Entre fin 78 et début 79, la Grande-Bretagne est en pleine crise sociale. Grèves, manifestations, inflation… L’auteur aurait pu se contenter d’un pré- cis historique. Il préfère se coltiner avec le quotidien de deux personnages emblématiques de l’époque. Jones, employé de bureau viré comme un malpropre, par ailleurs musicien vivotant en donnant des concerts dans des pubs londoniens. Candice, apprentie comédienne et coursière à vélo, pour remplir le frigo et payer le loyer.

Candice est une battante. Elle veut son indépendance et pré- server sa solitude. Deux fois par semaines, au théâtre Warehouse, elle répète la pièce Richard III de Shakespeare. Dans sa troupe, que des femmes. Elle a écopé du rôle-titre. Celui qui manigance, tue, empoisonne pour accéder au pouvoir. Le bossu, boiteux qui termine son règne par cette célèbre réplique « Mon royaume pour un cheval ».


Candice et Jones vont se rencontrer. S’apprécier. S’aimer. Presque. Les conditions de vie sont difficiles au cours de cet hiver. Le pays se recroqueville, « La peur. Voilà bien une preuve de la faiblesse de l’Angleterre. (...) L’Angleterre est une petite vieille qui n’a plus la force de rien. L’Angleterre est sur le déclin. » Au cours de cet hiver, les Travaillistes au pouvoir vont multiplier les erreurs. Jusqu’à l’arrivée de Thatcher. Comme Trump il y a peu, elle a fait campagne sur ce slogan basique : « I want Britain to be great again ».

Clash et Buzzcocks   
On suit les difficultés au quotidien de nos deux tourtereaux en même temps que la prise de pouvoir par « Maggie ». Cette dernière croisera même le chemin de Candice. Un matin la répétition est annulée, le théâtre a été loué par les Conservateurs pour donner des cours de diction à leur chef.

Un roman aussi désenchanté que les musiques de l’époque. Car si les artistes punk hurlent leur refus de toute autorité, au final toutes ces chansons n’auront pas servi à grand-chose. Les titres des chapitres forment une play list parfaite de la période. Trente morceaux rock, des Clash à Pink Floyd en passant par les Sex Pistols ou les Buzzcocks. Le son d’un hiver de sinistre mémoire pour le petit peuple anglais.

➤ « L’hiver du mécontentement » de Thomas B. Reverdy, Flammarion, 18 €