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mercredi 4 octobre 2023

Rentrée littéraire - « Le grand secours », journée ordinaire dans un lycée de banlieue

Bondy. Banlieue parisienne. Thomas B. Reverdy raconte une journée dans un lycée. Plongée dans le quotidien des élèvres, des profs et de Paul, romancier découvrant ce monde particulier en pleine ébullition.


Comment va l’éducation en France en 2023 ? Une partie de la réponse se trouve dans ce roman très documenté de Thomas B. Reverdy au titre mystérieux : Le grand secours. L’action se déroule à Bondy sur une journée. Autour et dans le lycée dont on ne saura jamais le nom.

Le romancier, avec un sens de la mise en scène affirmé, plante le décor, présente les personnages. Chez les jeunes, Mo, le lycéen timide, amoureux du rap, des mots et de Sara, élève de sa classe. Chez les « vieux » Candice, sa prof de français, toujours enthousiaste, pleine de projets malgré les difficultés matérielles, l’abandon de la hiérarchie et l’inertie de la majorité des élèves. Elle a organisé la venue dans l’établissement de Paul, un romancier parisien en galère financière.

Cette bourse attribuée pour l’animation d’ateliers dans ce lycée du 93 devrait lui permettre de survivre quelques mois. Il se prépare à rejoindre le lycée après un long périple en métro et tram. Comme un voyage en pays exotique. Mais ce n’est pas une ambiance palmiers et douceur de vivre qui l’attend. Plutôt pays au bord de la guerre civile, avec violence à tous les carrefours.

Des coups dès l’arrêt de bus sur le chemin de l’école. Pour une simple cigarette refusée à un SDF, un adulte baraqué, sans doute flic en civil, roue de coups Mahdi, lycéen comme Mo, qui a osé lui faire une réflexion.

L’émeute aux grilles du lycée 

 Cette baston va mettre le feu à la cité. Il est vrai qu’il couvait, que les humiliations quotidiennes subies par les jeunes de la part des policiers de la Bac compliquent le travail des modérateurs et éducateurs du lycée. Alors que la colère monte, Paul découvre le quotidien de Candice. Il est vite sous le charme de cette jeune femme qui vient au travail sur un vélo de course, qui sait avoir de la poigne avec certains de ses élèves, de l’empathie avec ld’autres. Pourtant elle n’a jamais voulu être prof. Encore moins en banlieue.

Mais la vie prend parfois des chemins tortueux et aujourd’hui elle sait que sa place est là, pour aider, guider, montrer l’exemple à ces jeunes filles trop silencieuses. « Elles écoutent la prof, elles regardent bouger ses lèvres rouges, ses yeux qui les percent, elles regardent ses jambes longues, ses cuisses qui tendent la toile de son jean quand elle bouge. Elles regardent la prof et ses mots rouges s’impriment en elles. Elles pensent : c’est donc possible. C’est pour celles-là bien souvent que Candice fait cours. » Le roman rend un bel hommage au personnel éducatif, enseignants comme surveillants. Beaucoup n’ont pas abdiqué. Loin de là. Et quand tout craque, que l’émeute franchit les grilles du lycée, ce sont eux qui les premiers tentent d’éteindre l’incendie, de protéger ces jeunes abandonnés depuis trop longtemps.

Un roman comme une tragédie, mais qui se termine tel un roman à l’eau de rose, main dans la main devant un coucher de soleil. Grand écart pour ce Grand secours, l’élément essentiel de la scène finale d’une journée particulière mais finalement presque ordinaire dans un lycée de banlieue.

« Le grand secours » de Thomas B. Reverdy, Flammarion, 320 pages, 21,50 € 

mardi 18 septembre 2018

Rentrée littéraire - Thomas B. Reverdy raconte l'Angleterre de Thatcher avec du rock et du Shakespeare

Les nostalgiques des années Thatcher en Angleterre ne doivent pas lire ce roman de Thomas B. Reverdy. Il raconte comment la dame de fer est arrivée au pouvoir, transformant un pays exsangue en laboratoire du libéralisme le plus débridé. Tout a commencé au cours de « L’hiver du mécontentement » qui a donné son titre au livre.



Entre fin 78 et début 79, la Grande-Bretagne est en pleine crise sociale. Grèves, manifestations, inflation… L’auteur aurait pu se contenter d’un pré- cis historique. Il préfère se coltiner avec le quotidien de deux personnages emblématiques de l’époque. Jones, employé de bureau viré comme un malpropre, par ailleurs musicien vivotant en donnant des concerts dans des pubs londoniens. Candice, apprentie comédienne et coursière à vélo, pour remplir le frigo et payer le loyer.

Candice est une battante. Elle veut son indépendance et pré- server sa solitude. Deux fois par semaines, au théâtre Warehouse, elle répète la pièce Richard III de Shakespeare. Dans sa troupe, que des femmes. Elle a écopé du rôle-titre. Celui qui manigance, tue, empoisonne pour accéder au pouvoir. Le bossu, boiteux qui termine son règne par cette célèbre réplique « Mon royaume pour un cheval ».


Candice et Jones vont se rencontrer. S’apprécier. S’aimer. Presque. Les conditions de vie sont difficiles au cours de cet hiver. Le pays se recroqueville, « La peur. Voilà bien une preuve de la faiblesse de l’Angleterre. (...) L’Angleterre est une petite vieille qui n’a plus la force de rien. L’Angleterre est sur le déclin. » Au cours de cet hiver, les Travaillistes au pouvoir vont multiplier les erreurs. Jusqu’à l’arrivée de Thatcher. Comme Trump il y a peu, elle a fait campagne sur ce slogan basique : « I want Britain to be great again ».

Clash et Buzzcocks   
On suit les difficultés au quotidien de nos deux tourtereaux en même temps que la prise de pouvoir par « Maggie ». Cette dernière croisera même le chemin de Candice. Un matin la répétition est annulée, le théâtre a été loué par les Conservateurs pour donner des cours de diction à leur chef.

Un roman aussi désenchanté que les musiques de l’époque. Car si les artistes punk hurlent leur refus de toute autorité, au final toutes ces chansons n’auront pas servi à grand-chose. Les titres des chapitres forment une play list parfaite de la période. Trente morceaux rock, des Clash à Pink Floyd en passant par les Sex Pistols ou les Buzzcocks. Le son d’un hiver de sinistre mémoire pour le petit peuple anglais.

➤ « L’hiver du mécontentement » de Thomas B. Reverdy, Flammarion, 18 €

mercredi 28 août 2013

Littérature - Japons made in France par Amélie Nothomb et Thomas B. Reverdy

Si Amélie Nothomb nous emmène dans le Japon de son enfance, Thomas B. Reverdy explore un pays marqué par la catastrophe de Fukushima.

Le Japon fascine toujours autant les écrivains français. Deux exemples en cette rentrée littéraire avec le nouveau roman d'Amélie Nothomb et celui de Thomas B. Reverdy. Si le premier est très subjectif, emmenant le lecteur dans les pas d'une star de la littérature revenant sur les lieux de son enfance, le second, implacable de réalité, montre un pays écartelé entre traditions et malédiction scientifique.

« La nostalgie heureuse », titre du roman d'Amélie Nothomb, est la traduction d'une notion typique au japonais. L'écrivain a passé son enfance au Japon. Fille de diplomate, elle maitrise la langue et les mœurs de ce pays si étonnant pour l'esprit cartésien d'un Occidental de base. Elle a puisé dans ses souvenirs pour signer quelques uns de ces romans emblématiques, « Stupeurs et tremblement » ou « Ni d'Eve ni d'Adam ». A l'occasion du tournage d'un documentaire sur cette célèbre plume francophone, la télévision française veut la mettre en scène sur les lieux de son enfance. C'est ce tournage qui est raconté, sans détours, dans un récit méritant de moins en moins le titre de roman. Amélie Nothomb raconte comment elle vit réellement ce retour au Pays du Soleil levant, à mettre en parallèle avec les images qu'elle offre à la caméra. Elle joue un rôle. Son rôle d'écrivain fantasque et hyper sensible. En réalité elle est souvent indifférente à ces décors et surtout perdue. Pour avoir des séquences encore plus fortes, la réalisatrice filme ses retrouvailles avec sa nounou. Une vieille dame un peu gâteuse. Elle ne sait même pas que son pays a été frappé par une catastrophe nucléaire sans précédent. Et l'auteur de la laisser dans l'ignorance. « Si son cerveau n'a pas enregistré le drame, c'est que sa capacité de souffrance était saturée. A quoi bon infliger Fukushima à cette femme qui a vécu les bombardements de la Seconde Guerre mondiale ? » La ville martyre est incontournable. Il faut y filmer l'écrivain. Mais c'est au-dessus des forces d'Amélie Nothomb, malade physiquement face à « des moignons de maisons qui se dressent dans le néant. »
Le Japon de 2012 (année du voyage) n'a plus rien à voir avec le pays de l'enfance, réinventé dans les souvenirs d'une romancière beaucoup plus sensible que l'image propagée auprès du public. Finalement, tout à l'air factice, même cette « nostalgie heureuse »...

Le pays interdit

Le Japon de Thomas B. Reverdy est lui beaucoup plus réel. Mais tout aussi dramatique. Fukushima a causé des mutations profondes dans ce pays. « Les évaporés », titre du roman, ce sont ces hommes et femmes qui disparaissent du jour au lendemain. Dettes, chômage... les raisons sont souvent économiques. Ils préfèrent changer de vie et d'identité plutôt que d'infliger l'infamie à leur famille. Kaze, employé dans une société de courtage financier, quitte son foyer en pleine nuit. Il n'emporte qu'une valise. Il rejoint les parias dans une banlieue sordide. Sa fuite st causée par les menaces de la mafia. Il a été un peu trop curieux sur certains transferts de fonds. Dans sa nouvelle vie, il devient ferrailleur, il vide les caves de maisons inhabitées. Mais les Yakusas retrouvent sa trace.
Il part donc au nord, dans cette zone interdite où nul ne le retrouvera. Il deviendra un de ces ouvriers chargé de « nettoyer » la zone ravagée par le tsunami et contaminée par la fuite. « Ils allaient faire ce qu'ils faisaient déjà à Tokyo, ils seraient même mieux payés pour le faire : débarrasser les choses que personne ne voulait toucher. » L'histoire de Kaze est vécue à travers la recherche de Yukiko, sa fille, revenue des USA avec Richard, un détective privé chargé de retrouver le père « évaporé ». La richesse du roman est dans cette triple évocation. La vision japonaise est donnée par Kaze, l'occidentale par Richard alors que Yukiko, immigrée de retour au pays, nuance l'impression d'ensemble. Un roman remarquable de finesse dans l'analyse des sentiments des uns et des autres.
Michel LITOUT
« La nostalgie heureuse », Amélie Nothomb, Albin Michel, 16,50 € (disponible au format poche au Livre de Poche)

« Les évaporés », Thomas B. Reverdy, Flammarion, 19 € (disponible au format poche chez J'ai Lu)