lundi 30 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : L'étoile noire de nos nuits blanches


Comment sortir de la spirale infernale des mauvaises nouvelles ? Comment se "laver" l'esprit de ces images de mort et de tristesse ? Vendredi, dans le flot d'informations, une nouvelle sort du lot : le dernier titre de David Bowie mérite le détour. Je ne suis pas spécialement fan du chanteur androgyne. Je lance néanmoins le clip, un peu de musique ne peut pas faire de mal vu le contexte général. Le choc. Dix minutes de rythmes lancinants au cours desquelles le chanteur ne cesse de répéter "I'm a black star". Peut-être est-ce mon état d'esprit actuel (sombre, très sombre), mais il me semble que ce titre, pourtant composé et enregistré bien avant le vendredi 13, illustre parfaitement l'époque. Cette étoile noire, qui irradie toutes les scènes d'une lumière crépusculaire, brille encore au fond de mes yeux. Des yeux qui ne veulent plus voir ces horreurs. Bowie, dans toute la première partie, semble aveugle également, une large bande de tissu blanc nouée sur le haut du visage. Derrière lui, des hommes et des femmes, en transe tels des danseurs vaudous, semblent tout aussi absents, ailleurs, possédés. Dix minutes hors du temps, de la réalité. A la fin, difficile de quitter ce monde fantasmagorique. Le lendemain, dès le réveil, après une nuit de cauchemars (je ne dois pas être le seul en ce moment), la Black Star de Bowie m'obsède, me revient sans cesse à l'esprit. L'évidence s'impose : dans ma mémoire, cette chanson bizarre et dérangeante personnifiera pour toujours cette période, ce malaise général installé depuis les premières explosions au Stade de France.

dimanche 29 novembre 2015

Livre : Politique fiction à droite toute !

Pour beaucoup d'observateurs, l'élection de 2017 sera une revanche de 2012 entre Hollande et Sarkozy. Geoffroy Lejeune imagine la victoire d'un outsider : Éric Zemmour.

Faut-il aimer se faire peur ? Imaginer le pire pour se contenter du raisonnable ? On se pose forcément la question en refermant ce livre de politique fiction signé par un rédacteur de « Valeurs actuelles », hebdo ouvertement à droite pour ne pas dire à l'extrême droite. Geoffroy Lejeune se met dans la peau d'un journaliste chargé de couvrir la campagne présidentielle de 2017. Affecté au staff de Marine Le Pen, il se réjouit d'être enfin dans le camp qui a toutes les chances de l'emporter. Mais avant cela il raconte comment, en coulisses, tout se met en place. Par exemple il détaille la façon dont Sarkozy l'emporte aux primaires des Républicains et fait le ménage autour de lui. Il découvre également comment le Front National se retrouve profondément divisé depuis que sa présidente décide de la dédiabolisation et surtout de l'inflexion de la ligne vers un nationalisme protecteur qui doit beaucoup aux idées de Chevènement. Conséquence, les plus à droite du FN se rebellent. Le père, mais surtout la nièce, Marion, obligée de quitter le parti pour désaccord et tentée de se retirer de la vie politique.
Mais un phénomène va la faire changer d'avis. Quelques conseillers occultes, dont le sulfureux Patrick Buisson, sont persuadés que les Français ne veulent pas d'un remake de 2012. Ils font tout pour qu'un outsider émerge. L'énorme succès de librairie du « Suicide français » d'Éric Zemmour les persuadent qu'il peut être l'homme de la situation. Clairement à droite, mais pas trop sectaire, apprécié par une large frange de la population pour sa façon d'exprimer avec des mots simples ce que certains pensent sans oser le dire. De plus, considéré par les autres candidats comme un saltimbanque, il cache bien son jeu.

Zemmour, du saltimbanque au président
Buisson se lance dans la bataille quand il est persuadé que Sarkozy n'a plus aucune chance de l'emporter, tant devant Hollande que Le Pen, mal conseillé par une Carla beaucoup trop à gauche selon certains. Le conseiller qui a enregistré secrètement ses conversations avec l'ancien président se réjouit de lui annoncer sa décision : « Nous ne travaillerons plus ensemble, Nicolas, c'est fini. Tu ne peux plus gagner et je ne te fais plus confiance. Tu as trahi, tu trahiras. » Sarkozy se montre menaçant mais Buisson a cette réplique qui éclaire peut-être l'ancien président sous un jour nouveau : « Je te connais par cœur, Nicolas. Tu as beaucoup de défauts, mais le pire d'entre eux, c'est que tu ne sais pas tuer. C'est ta plus grande faille. » Trop gentil Sarkozy ? Étonnant, mais c'est bien sous cet aspect qu'il est décrit.
Par contre Hollande est machiavélique. Il devine l'impact Zemmour. Une division supplémentaire de la droite qui ne peut que lui être bénéfique. Sauf si il parvient à coiffer sur le poteau les autres candidats. Il va alors ratisser très large, de NKM à Marion Maréchal-Le Pen, en passant par quelques apparatchiks de gauche. Ce texte se lit comme un thriller, avec trahison et coups de théâtre. Il y a même quelques morts célèbres. Comme un antidote à ceux qui croient trop vite que tout est déjà joué.
Michel Litout
« Une élection ordinaire », Geoffroy Lejeune, Ring, 18 euros



samedi 28 novembre 2015

Cinéma : Rêverie audoise des frères Larrieu

Tourné dans la Montagne noire, "21 nuits avec Pattie" des frères Larrieu est un film fantasmagorique sur la force sensuelle et érotique de la nature en été.


Pattie existe. Le personnage principal du nouveau film d'Arnaud et Jean-Marie Larrieu n'a rien d'imaginaire. Les cinéastes français au parcours si singulier ont écrit ce scénario original (ils ont jusqu'à présent surtout adapté des œuvres littéraires comme "L'amour est un crime parfait" de Djian ou "Les derniers jours du monde" de Dominique Noguez) l'été dans la maison familiale de Castans dans la Montagne noire audoise. Cette amie racontait sans cesse ses conquêtes sexuelles, ses exploits avec les gars du pays, son goût pour le sexe, la chair, le plaisir. Un univers qui parle à ces créateurs filmant à la perfection la beauté féminine et les mystères de la passion. Pattie au centre de l'intrigue, il suffisait ensuite de dérouler une histoire qui s'adapte aux décors d'origine.

Le sexe parlé


Après les Pyrénées et les Alpes, les frères Larrieu ont décidé de filmer cette Montagne Noire qu'ils connaissent si bien pour y avoir passé tous les étés de leur enfance. A Castans, dans ce petit village aux pentes raides, entouré de forêts profondes et de légendes ancestrales, la mort et la vie font bon ménage. Et parfois, la barrière entre les deux états s'estompe au profit d'une situation plus complexe, où la raison est mise sous l'éteignoir des croyances. La mort, Caroline (Isabelle Carré) ne l'a jamais côtoyée. En vacances en Espagne en compagnie de son mari (Sergi Lopez) et ses deux filles, elle doit rentrer d'urgence pour s'occuper des obsèques de sa mère, Isabelle (Mathilde Monnier), morte d'une crise cardiaque. Entre la fille et la mère, cela n'a jamais été l'osmose ni le grand amour. Caroline va s'occuper des tracas administratifs (avis de décès, obsèques, mise en vente de la maison) et retourner bien vite au soleil de la Catalogne. C'est sans compter avec les facéties d'une morte qui aime s'évaporer… Le cadavre disparaît, la gendarmerie enquête, Caroline doit rester à Castans, qui justement est en pleine fête votive estivale.



Elle va donc cohabiter avec Pattie (Karin Viard), la meilleure amie, confidente et femme de ménage de sa défunte mère. Pattie qui ne s'embarrasse pas de fioritures pour entretenir la conversation. Elle parle de ce qu'elle connaît le mieux : le sexe. Et de comparer les techniques, mensurations et habitudes des divers hommes du village qu'elle croise et qu'elle semble avoir tous testés. Pour Caroline, introvertie et à la libido totalement morte, c'est un choc qui n'est pas sans effet. Quelques jours dans la nature exubérante de cette forêt audoise, entre arbres moussus et torrents rafraîchissants, vont changer la personnalité de la blonde Parisienne, sous le regard bienveillant de sa mère, fantôme agissant. Si les dialogues, notamment dans la jolie et élégante bouche de Karin Viard, sont d'une verdeur extrême (à ne pas mettre dans toutes les oreilles), les images restent sages. Belles comme un baiser chaste, préambule à'un déferlement de passion physique, que l'on imagine mais qui n'est pas montré.

vendredi 27 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : La parole aux gens


La presse papier aurait sans doute un bel avenir devant elle si elle comprenait qu'il faut cesser de donner toujours la parole aux experts et autres "qualifiés".
L'expérience vient d'être tentée par le quotidien gratuit "20 minutes" dans son édition de mardi. Deux journalistes de la rédaction ont écumé les stations de métro, arrêts de bus et terrasses pour rencontrer ces anonymes dont on parle trop rarement. Une initiative lancée bien avant les attentats et qui résonne étonnamment dans cette France toujours en état de choc. Une première partie sérieuse, avec les avis simples et tranchés de ceux que 20 minutes appelle la "génération 404" (comme l'erreur informatique), quelques portraits et un volet plus satirique et carrément punk.
Le traditionnel horoscope est remplacé par un "Hackoscope" à vous donner la chair de poule. Du signe de la Balance, on me prévient : "Tu avais déjà un cul gros comme le Mont-Blanc et un bide à faire pâlir d'envie Carlos (pas le terroriste, l'autre)... Désormais, c'est ta tête (de con ?) qui ne passe plus les portes." Me voilà habillé pour l'hiver (hélas, ils tapent dans le mille à 80 %). Pas mieux pour les Cancer : "Tu passes une bonne journée ? Profites-en bien, parce que tu vas prendre très cher d'ici à ce soir."
En détournant l'horoscope de sa fonction première (affirmer qu'aujourd'hui est mieux qu'hier et moins bien que demain), les sales gamins nous donnent une formidable leçon de vie. On pourrait même élever ce "hackoscope" au niveau d'une doctrine philosophique digne des meilleurs nihilistes.

jeudi 26 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Fausse info, vrais rires


 Sur la base d'une citation déformée de Valérie Pécresse, le réseau Twitter a rebondi et transformé cette supposée bourde en une chaîne hilarante. En meeting, la tête de liste de la droite aux régionales en Ile de France fait le rapprochement entre fraude au métro et terrorisme et prend pour exemple la vidéo-surveillance d'Abaaoud franchissant un portique. Résultat, Valérie Pécresse semble dire qu'en "oubliant" son ticket on devient terroriste, "ça commence par là... » En réalité son discours n'établit pas de lien direct, elle remarque juste que les terroristes vivent dans un tel sentiment d'impunité qu'ils osent au vu et au su de tous de se comporter comme des délinquants. 
Des propos sortis de leur contexte, repris sur Twitter et rapidement moqués avec le mot-dièse #commentjesuisdevenuterroriste. Un jeu très naïf où chacun prend plaisir à confesser ses premières "bêtises", lesquelles heureusement n'ont jamais provoqué le moindre bain de sang. Florilège. 
La plus gentille : "Une fois j'ai mangé un grain de raisin dans le rayon fruits et légumes de chez Lidl, je ne l'ai pas signalé". 
La plus rebelle : "Une fois, j'ai mis mon disque du stationnement sur 17 h 00, alors qu'il était 16h45". 
La plus geek : "J'ai accepté les conditions d'utilisation d'un logiciel en attestant que je les avais lues, et en fait, non". 
La plus chipie "Le jour où j'ai volé la carte Club Dorothée de Vanessa en primaire". 
Enfin la plus bizarre (parce que tout le monde l'a fait sans penser mal) : "Petite, je remontais le toboggan à l'envers". Rires authentiques pour fausse info.

DVD : Papy Terminator revient

Schwarzy bouge encore : vieux mais pas encore obsolète dans le rôle du Terminator.



Difficile de résister à une nouvelle version du film culte "Terminator", toujours avec Arnold Schwarzenegger, dans le rôle-titre, mais avec plus de 30 ans dans les dents (les rouages plus exactement). Curiosité malsaine ? Sentiment peu glorieux rapidement balayé par un film d'action qui s'appuie aussi sur une jeune génération d'acteurs en devenir. Sarah Connor, la femme de John, le sauveur de l'humanité, est interprété par Emilia Clarke, jeune actrice anglaise qui a explosé dans son rôle de dresseuse de dragons dans Game of Thrones. Plus habillée que dans la série HBO, elle apporte une touche de rébellion dans une suite maligne. Le début de "Terminator Genesys" est comparable à l'original de James Cameron. Dans un futur dévasté, les machines sont sur le point de perdre leur guerre contre les hommes. Dernière solution, envoyer dans le passé un robot pour abattre la mère du leader de la révolte.
Un fidèle soldat, Kyle Reese (Jai Courtney) le suit à la trace pour protéger la belle. Mais Sarah se défend très bien seule, aidée par un vieux modèle, version cheveux blanc du méchant du film d'origine. Son "Papy Terminator", protecteur, qu'elle tente d'humaniser. Et comme le propre de l'homme est de rire, Schwarzy endosse son vieux costume de comique quand il grimace un sourire particulièrement flippant. Ces quelques moments de détente permettent de faire passer un déluge d'effets spéciaux et de combats destructeurs. Le tout vaut largement les films d'action contemporains, le scénario s'étale sur trois périodes (1984, 2017 et le futur) et autant de réalités parallèles. Quant au méchant, mieux vaut ne pas en dévoiler l'identité…
Si la version DVD est pauvre en bonus (15 minutes de making of), le blu-ray est riche de près de deux heures de productions originales qui satisferont notamment les amateurs d'effets spéciaux.

"Terminator Genesys", Paramount, 17,99 euros le DVD, 22,99 euros le blu-ray.

mardi 24 novembre 2015

BD : Marcel Pagnol en images



Monument de la littérature française, « La gloire de mon père », souvent adaptée au cinéma, n'avait jamais intéressé le milieu de la bande dessinée. Une erreur de réparée grâce à l'initiative des éditions Bamboo qui inaugurent avec ce premier titre une collection « Marcel Pagnol ». Le récit de l'enfance de l'écrivain et cinéaste provençal a été adapté par Serge Scotto et Éric Stoffel, dessiné par Morgann Tanco, sous la supervision de Nicolas Pagnol, petit-fils de l'auteur et gardien du temple. Un gros album de plus de 80 pages, avec un cahier historique pour clôturer la première partie des souvenirs de Pagnol. On retrouve avec délice l'émerveillement du petit Marcel dans cette garrigue provençale, chaude et vivante, monde imaginaire qui a fait rêver tous les enfants de France et de Navarre depuis des décennies. Fidèle à l'œuvre, la partie « chasse » n'est pas l'essentiel de l'album, on découvre aussi la jeunesse des parents de Marcel, leur vie simple dans une époque en pleine mutation. Un programme éditorial riche, Bamboo prévoyant de sortir deux à trois adaptations par an. En 2016 sont déjà annoncés « Le château de ma mère » et la première partie de Topaze avec Hübsch au dessin.

« La gloire de mon père », Bamboo Grand Angle, 18,90 €

lundi 23 novembre 2015

BD : Burma par Barral


Après Tardi, Après Moynot, Nicolas Barral est le nouveau titulaire de la collection Nestor Burma. Toujours fidèle aux romans policier de Léo Malet parus au Fleuve Noir dans les années 50, le dessinateur a conservé le style imposé par Tardi pour son second album dans la collection, le 9e titre de la série, “Micmac moche au boul’ Mich”. En plein hiver, la belle Hélène, grippée, est malheureusement peu présente danqs cette enquête. Burma est embauché par une jeune étudiante (striptisease la nuit dans un cabaret) désespérée après le suicide de son fiancé. Sceptique, le détective à la pipe va malgré tout enquêter et découvrir que ce suicide cache bien des mystères. Drogue, racisme, avortements clandestins : les thèmes sont multiples, pas forcément modernes mais totalement intégrés dans l’univers du maitre du polar français. Nicolas Barral, au dessin, agrandit les cases, accélère le rythme mais reste fidèle aux décors parisiens immortels.

Nestor Burma” (tome 9), Casterman, 16 euros

dimanche 22 novembre 2015

BD : Jeremiah découvre l'autre jungle



Toujours sur les routes, Jeremiah et Kurdy semblent de plus en plus résignés. Le monde post-apocalyptique dans lequel les a plongés Hermann voici une trentaine d'année va de mal en pis. Pas le moindre soupçon d'espoir ou d'optimisme dans ce pays livré aux bandes et mafieux tout puissants. Dans le 34e tome, ils cherchent un endroit ou dormir. Un hôtel un peu trop regardant sur le look refuse de leur louer une chambre. Jeremiah, de plus en plus énervé, laisse en pourboires quelques horions. Ils se rabattent sur un établissement moins classe, situé dans un quartier surnommé « Jungle City ». Ils vont s'y retrouver coincés après le vol de leurs motos. Toujours à cran, Jeremiah cherche la bagarre et envoie tous ses adversaires au tapis. Cela donne envie au caïd du coin de se mesurer à lui. Une bonne occasion pour les habitants de la Jungle de retrouver un peu de sérénité. Si Jeremiah l'emporte. Encore faut-il qu'il accepte de combattre. Regrettons que le dessin de Hermann ne soit plus le même. Les couleurs restent lumineuses, mais les compositions anatomiques parfois de plus en plus aléatoires...

« Jeremiah » (tome 34), Dupuis, 12 €

samedi 21 novembre 2015

BD : De Happy à Felicity dans le nouveau XIII Mystery



Pas de nouveauté de la série XIII cette année. Mais les fans de l'amnésique le plus célèbre de la BD pourront toujours se consoler avec le 9e tome de « XIII Mystery », série parallèle indépendante qui brosse les portraits de quelques seconds rôles. Chaque album, indépendant des autres, est réalisé par un scénariste et un dessinateur différent. Cette fois c'est Matz (scénariste du Tueur) et Rossi (dessinateur de WEST) qui osent affronter le monde de XIII. Osent car les duos sont souvent attendus au tournant par les milliers de fans. Ces derniers scrutent le dessin (plus ou moins fidèle à Vance) et le scénario. En choisissant Felicity Brown, les auteurs n'ont pas choisi la facilité. Elle fait partie des « méchantes », souvent en travers de la route du héros. Le récit s'intercale entre les tomes 5 et 9 de la saga originale. La belle vient de faire emprisonner XIII. Elle pense s'être tiré d'affaire en héritant de son riche mari. Mais le FBI la soupçonne d'avoir « anticipé » l'échéance. Il s'ensuit une course poursuite à travers les USA pour aboutir au Costa Verde, au service du colonel Peralta. Une histoire dense, où l'ancienne callgirl Happy se révèle plus humaine qu'il n'y paraît. Rossi, au dessin, s'est approprié la belle, mais est très fidèle aux personnages originaux comme de Préseau.

« XIII Mystery » (tome 9), Dargaud, 11,99 €

vendredi 20 novembre 2015

BD : Bob est de retour


Grosse vague de résurrection chez les héros de légende de la bande dessinée franco-belge. Après Ric Hochet, place à Bob Morane. L'aventurier, chanté par Indochine, inventé par Henri Vernes, dessiné par Vance et Coria, renait de ses cendres pour une nouvelle carrière. Mais attention, les puristes risquent de ne pas y trouver leur compte. Brunschwig et Ducoudray, les scénaristes, ont dynamité le personnage. Morane, toujours aussi beau, fort et loyal, est militaire dans l'armée française. Engagé dans les forces des nations unies postées au Nigeria pour empêcher les massacres religieux, il vit mal l'obligation de ne pas intervenir directement. Il désobéit aux ordres pour sauver le Premier ministre en train de se faire découper à la machette. Conséquence : cour martiale et éviction. Son ami de toujours, Bill Ballantine, soldat britannique, est lui aussi condamné. Mais là où Bob évite la prison pour être recruté par le nouveau président du Nigeria, Bill passe plusieurs années entre quatre murs. La suite, de nos jours, mélange nouvelles technologies, guérilla et pression des multinationales sur les gouvernements des pays émergents. Plus de la politique que de l'action, dessinée par Dimitri Armand, irréprochable.

« Bob Morane Renaissance » (tome 1), Le Lombard, 13,99 €

jeudi 19 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Il fait chaud


Moi je vous le dit : le monde est complètement détraqué. Hier à 13 heures, le thermomètre de ma voiture affiche 25°. Le 18 novembre, 25° ! Aussi chaud qu'un mois de juin. Ou la température moyenne d'un mois de juillet dans le nord de la France. 
En temps normal, ce réchauffement climatique (l'été indien pour les climato-sceptiques) représentait la discussion de prédilection du Français ordinaire. La météo, thème de conversation préféré des Français croit-on. Trop chaud, trop froid, trop venté, un élément dérange toujours. En réalité le temps qu'il fait ne nous passionne pas, il a simplement l'avantage de constituer un motif de conversation consensuel. La chaleur excessive de ce mois de novembre pas comme les autres ne discrimine pas. Tout le monde la subit de la même façon, quels que soient son âge, son sexe ou sa religion. Ennemie universelle ou alliée de poids pour les habitants du Sud qui se félicitent de ne pas frissonner en hiver. Le sujet par excellence pour lancer une conversation. 
Mais depuis vendredi dernier, malgré la COP21 qui se profile dans à peine un mois, chacun paraît moins sensible aux variations du thermomètre. Même si certaines des victimes sont tombées sous les balles car elles profitaient de cette douceur pour prendre un verre en terrasse. Des records de chaleur ont peut-être été battus. Mais tout le monde s'en moque. Sans doute le signe que ce qui arrive au pays est grave, très grave.

mercredi 18 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : En guise de conclusion

Dans cette chronique, depuis quatre ans, je tente au quotidien de parler de choses et d'autres. En clair, un espace, en fin de journal, pour sourire ou se moquer, parfois réfléchir ou s'indigner. Un petit moment en décalage avec ce que vous avez pu lire de très sérieux dans les précédentes pages.
Depuis vendredi soir, difficile de penser à autre chose que ce carnage dans Paris. Pourtant la vie continue. Laissons aux politiques les grandes tirades sur la "guerre", la "riposte", aux policiers la "traque". Pour notre part, simples Français lambdas, une fois le temps du recueillement et du deuil passé, contentons-nous ce que nous savons faire de mieux : vivre. Alors allons travailler, amusons-nous, partageons avec nos amis. En tentant d'imposer leur terreur dans notre société, les assassins essaient aussi, et surtout, de détruire une conception du vivre ensemble.
La meilleure façon de leur prouver qu'ils ont échoué, et qu'ils n'y arriveront jamais, reste de les ignorer. Non, vous ne parviendrez pas à nous empêcher de prendre un verre ni de fumer une cigarette en terrasse d'un café, à Paris où ailleurs. Non, vous ne ferez pas taire les milliers de groupes de rock qui n'ont rien de satanique.
Et naturellement, l'immense majorité de la jeunesse se laissera entraîner par ces rythmes qui lui permettent de se sentir exister. Musique qui accompagne si bien la joie et le bonheur. Deux concepts que les djihadistes semblent détester au plus haut niveau. Désolé, votre monde de haine, de sang et de fanatisme on n'en veut pas.
La vie est trop courte pour ne pas en profiter pleinement.

(Chronique parue ce mardi 17 novembre en dernière page de l'Indépendant du Midi.)

mardi 17 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Du meilleur au pire sur le net après les attentats

Les réseaux sociaux ont montré depuis vendredi soir toute leur utilité. Avec le meilleur. Le pire aussi. Vendredi soir, alors que les forces de l'ordre prenaient le Bataclan d'assaut après avoir bouclé le quartier, le mot-dièse #PortesOuvertes s'est répandu comme une trainée de poudre. Des Parisiens signalaient qu'ils acceptaient d'héberger des "naufragés", bloqués dans la capitale. La solidarité, l'entraide immédiate : la meilleure réponse à la terreur.
Facebook a pris le relais. Une page permettait de dire que l'on est en sécurité, chez soi, des voisins ou des connaissances. Des milliers de notes succinctes pour rassurer encore plus d'amis, virtuels ou réels.
Samedi, d'autres messages ont commencé à émerger, largement repris par la communauté. Des avis de recherche. Notamment des jeunes qui étaient au Bataclan. Parfois la réponse arrivait rapidement. Sain et sauf, parfois blessés, mais en vie.
Le pire a commencé en milieu d'après-midi. 129 morts cela signifie 129 personnes, souvent jeunes, aimant la vie au point de prendre un verre en terrasse ou de dépenser quelques dizaines d'euros pour écouter et danser sur des rythmes rock. Et Twitter s'est transformé en immense page d'avis de décès, avec photo des morts, souvent prise sur leurs statuts des réseaux sociaux, souriants, heureux, du temps où ils croyaient au bonheur, à l'avenir...
Ces visages, d'anonymes, ce sont autant d'histoires brisées net par le fanatisme de ces assassins, abominables monstres osant se féliciter d'avoir tué des "idolâtres". Ces visages, ces sourires, ne les oublions jamais.

lundi 16 novembre 2015

BD : Aux amis morts



Si Jim est longtemps passé pour un dessinateur humoristique, spécialiste de la rigolade avec des titres comme la série « 500 idées... », il s'est finalement fait connaître comme un scénariste sensible et attentif à la grande désespérance des hommes modernes. Les éditions Bamboo lui ont fait confiance et il multiplie les récits réalistes touchants et émouvants. Après « Une nuit à Rome » en solo, il a écrit les scénarios d'« Héléna » pour Chabane et « Où sont passés les grands jours ? » pour Alex Tefenkgi. Cette série voit sa conclusion dans un second tome beaucoup plus optimiste que le premier. C'est le récit d'une amitié terminée. Quatre copains, depuis des années, sont bouleversés par la mort d'un des leurs. Il a préféré se tirer une balle dans la tête après une rupture douloureuse. Ils restent donc trois, perdus, à se poser des questions sur leur vie. Ils se comportent comme des enfants mais sont pourtant adultes depuis longtemps. Personnages à la psychologie complexe, bourrés de doutes et d'interrogations, ils agissent comme des miroirs pour le lecteur qui se reconnaît forcément un peu dans ces existences.
« Où sont passés les grands jours ? » (tome 2), Bamboo Grand Angle, 16,90 €



dimanche 15 novembre 2015

BD : Requin pirate



Matthias Schulteiss est le dessinateur allemand le plus connu en dehors de ses frontières. Depuis le début des années 80 son univers violent est régulièrement traduit en France. Il a pourtant cessé de publier durant de longues années pour se consacrer à l'écriture de séries télé. On ne peut donc que se réjouir de son retour devant sa planche à dessin avec un second cycle de sa série emblématique, « Le rêve du requin ». Lambert, rescapé d'un long voyage en enfer, est « secouru » par une mystérieuse organisation mafieuse. Rien de philanthropique : il doit simplement prendre le commandement d'un bateau pirate pour écumer la mer de Chine. Ce second volume se consacre essentiellement à la formation de son équipage. Lambert, hanté par des démons qui lui demandent sans cesse plus de sang et de morts, fait régner la terreur pour s'imposer à l'équipage asiatique. Lors de leur première sortie, en plus de tester vitesse et résistance du bateau, il décide de passer à l'action et capture un riche héritier du Golfe voguant sur son yacht de luxe. Mauvaise pioche : c'est un des clients de l'organisation.? Lambert n'a plus qu'une solution : reprendre sa liberté.
« Le rêve du requin » (tome 2), Glénat, 13,90 €



samedi 14 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Votez pour eux

Le 6 décembre, vous aurez le choix entre 11 listes dans notre nouvelle grande région. Ailleurs aussi les candidats se bousculent au portillon. Et parfois l'intitulé des listes laisse songeur. Comme s'il fallait se cacher, ou au contraire tout miser sur un parti ou une tête de liste un peu célèbre. Ainsi difficile de compartimenter entre la gauche ou la droite à propos des listes « Ça va changer », « La Guyane en prospective », « Faisons ensemble » ou « Nous, c'est la région ! ». 
Plus problématique, celle de l'UPR d'un certain François Asselineau. Son slogan use de pirouette : « Le parti qui monte malgré le silence des médias ».
 Quant au Front national, il joue à fond la carte Marine Le Pen. La présidente apparaît dans l'intitulé de toutes les listes, excepté celle qu'elle mène dans le Nord nommée « Une région fière et enracinée ». Serait-elle sa meilleure ennemie ? Il reste heureusement quelques listes atypiques comme ces « Citoyens tirés au sort ».  
A la Réunion, les candidats ont simplement utilisé un système de loterie pour nommer leur liste. 19 chanceux ont accepté, des volontaires ont complété les 47 noms nécessaires. Question renouvellement des politiciens, difficile de trouver mieux.  
La palme enfin à la liste F.L.U.O. (Fédération Libertaire Unitaire Ouverte) en Ile de France : elle se présente comme celles « des drogués, des putes et des exclus ». On retrouve dans ses rangs des membres du Parti Pirate, de Cannabis sans frontières, d'Act-Up et des organisateurs de raves. La liste a failli s'appeler « Bougeons-nous le cul ! ». Élégant.

vendredi 13 novembre 2015

BD : Clarke, version noire et pessimiste


Quatre cases carrées par planches, quatre planches en noir et blanc cauchemardesque par histoire : Clarke pour son nouvel album ne choisit pas la facilité des récits humoristiques qui l'ont fait connaître à un large public (Mélusine, Cosa Nostra). Au contraire, il ne cherche pas à faire sourire mais à nous filer les chocottes dans ces histoires courtes sans espoir. Les psychanalystes en herbe adoreront ces 150 pages toutes plus pessimistes les unes que les autres. Il y est souvent question de double, comme un reflet dans un miroir mais animé d'une propre existence. Et généralement, il ne veut pas du bien à l'original. Des histoires de subconscient, de dédoublement de la personnalité, voire de folie pure et simple. On se demande où l'auteur va chercher toutes ces idées macabres et terrifiantes. Mais plus on se plonge dans la lecture de ce bel objet carré, on se reconnaît dans ces cauchemars. Ils ne sont que la retranscription de nos nuits agitées. Trop souvent, au réveil, ils disparaissent et se perdent dans les méandres de nos esprits. Clarke a de la mémoire et semble particulièrement sensible à ces rêveries obliques.

« Réalités obliques », Le Lombard, 16,45 €


Cinéma : L’amour n’a pas droit de cité chez “Les anarchistes”

Le policier infiltré tombe amoureux d’une belle révolutionnaire.



À la fin du XIXe siècle en France, le pouvoir bourgeois se retrouve face à une menace incontrôlable : le mouvement anarchiste. Très actifs dans le milieu ouvrier, ces idéalistes, férocement individualistes, sont parfois de doux rêveurs. D’autres envisagent de passer à l’action armée. Une période historique passionnante reconstituée fidèlement par Elie Wajeman, le réalisateur de ce film qui mélange allègrement les genres. Entre policier, romance et histoire, “Les anarchistes” est avant tout le portrait croisé d’une bande d’amis, une communauté du genre post-mai 68 avant l’heure.

Voler pour vivre
Dans un grand appartement bourgeois, ils vivent tous les uns avec les autres, partageant repas, discussions, sorties et amour. Des hommes et des femmes libres, qui ont fait le choix de voler. Travailler ils ne veulent plus, pas question de cautionner l’emprise des patrons. Mendier n’est pas dans leur mentalité. Ils cambriolent les bourgeois ou volent dans les banques. Prendre l’argent là où il se trouve... La police, pour démanteler ces groupes, a l’idée de les infiltrer. Jean (Tahar Rahim), jeune agent de police sans famille ni attache, est sélectionné par sa hiérarchie pour infiltrer le groupe d’Elisée Mayer (Swann Arlaud). Ouvrier dans une clouterie, il se lie d’amitié avec Biscuit, un des membres de la troupe. Il sauve Elisée d’une rafle et peut ainsi découvrir leur cache puis s’installer avec eux. Jean va rapidement être écartelé entre travail et amour naissant pour la fougueuse Judith (Adèle Exarchopoulos). “Les anarchistes” pèche un peu par son manque de moyens. Reconstituer le Paris d’il y a un siècle n’est pas toujours aisé.
Mais l’ensemble est rattrapé par les excellentes performances d’acteurs. Tahar Rahim est très convaincant dans son rôle de traître. Motivé par l’envie de progresser socialement, il se découvre une famille, des amis et une femme qui l’aime. Adèle Exarchopoulos, après «La vie d’Adèle », cherche des rôles dans la lignée de son personnage de révoltée. Judith, froide et déterminée, s’abandonne dans les bras de Jean autant par dépit que par amour.
Les autres anarchistes sont tout aussi convaincants, avec une mention spéciale pour Guillaume Gouix, déjà vu dans la série « Les revenants ».

DE CHOSES ET D'AUTRES : Identité régionale


Dans moins d'un mois toute la France votera pour désigner les conseillers régionaux. Les listes sont connues, mais dans six des nouvelles régions, le nom définitif du territoire n'est toujours pas arrêté.
Un beau débat en perspective. Chaque terroir veut éviter d'être fondu dans une appellation générique trop large. Si Occitanie semble en bonne voie chez nous et Aquitaine chez les voisins basques, béarnais, limousins et charentais, cela n'empêche pas certains plaisantins (auxquels j'avoue appartenir) d'imaginer des solutions plus biscornues. En choisissant la piste de l'acronyme comme PACA, certaines trouvailles se révèlent carrément hilarantes. Ainsi Aquitaine - POitou - Limousin donne la région APOIL.
Dans le même ordre d'idée Roussillon n Occitanie n Midi se transforme en région ROM ce qui, si elle était dirigée par l'extrême-droite, ne manquerait pas de faire jaser. Plus littéraire, Pyrénées - Occitanie - Languedoc - Aveyron - Roussillon nous conduit direct au pays du POLAR. En voulant faire plaisir à trop de monde on pourrait même devenir Pyrénées - Occitanie - Roussillon - Catalan soit un assez peu engageant PORC. Se méfier également des acronymes qui une fois prononcés deviennent moins aguicheurs comme Causses - Languedoc - Occitanie - Aveyron - Catalan, soit CLOAC...
A choisir, la région qui procurerait du rêve à l'envi reste Pyrénées - Ariège - Roussillon - Aveyron (DIte) Septimanie. Mais soyons lucides, ce n'est pas demain la veille que je me retrouverai au PARADIS.

jeudi 12 novembre 2015

Cinéma : Arménie, du génocide à la folie


Robert Guédiguian boucle sa trilogie sur le génocide arménien avec « Une histoire de fou ». Récit de la dérive violente d'une génération enragée.



Robert Guédiguian personnifie Marseille. La diaspora arménienne aussi. Le cinéaste engagé à gauche, a plus de mal avec cette notion de racines, de terre natale. Il a pourtant consacré plusieurs films à cette tragédie que constitue le génocide du peuple arménien par la Turquie en 1915. Dans "Une histoire de fou", il semble vouloir refermer la plaie avec ce film débutant en Allemagne en 1921 et se terminant deux générations plus tard, dans le jardin d'une église en ruines dans cette Arménie encore soviétique mais plus pour longtemps. Le film est né d'un constat. Pour les fils de ces réfugiés, ayant échappé par miracle au massacre, la notion d'Arménie "n'existe que grâce au génocide. Nous sommes nés sur une montagne de cadavres." Ce paradoxe, Robert Guédiguian en a fait le cœur du film, avec notamment l'explication de la lutte armée de toute une génération d'exilés.

Thelirian, l'exemple
Le film débute comme un documentaire. En 1921, Soghomon Thelirian, un jeune idéaliste arménien, abat froidement dans la rue Talaat Pacha, principal responsable du génocide. Le procès permet de mettre en lumière ce crime contre l'humanité perpétré en toute impunité en 1915 en pleine guerre mondiale. A la surprise générale, Thelirian est acquitté. La suite se déroule à Marseille durant les années 70. Aram (Syrus Shahidi), étudiant, se revendique de Thelirian. Il accuse ses parents Hovannes et Anouch (Simon Abkarian et Ariane Ascaride) d'avoir abandonné le combat. Avec d'autres jeunes il rejoint l'armée de libération de l'Arménie. Il participe à un attentant en plein Paris. Une bombe tue l'ambassadeur de Turquie. Elle blesse aussi grièvement un cycliste qui passait par hasard. Pendant qu'Aram prend la fuite pour intégrer un camp au Liban, sa mère va tenter de présenter ses excuses au blessé, Gilles Tessier (Grégoire Leprince-Ringuet). Le film raconte la dérive d'Aram et la rage de Gilles. Jusqu'à leur rencontre dans une petite cour d'un hôtel à Beyrouth. "J'essaie d'être tous les personnages à la fois", confie Robert Guédiguian qui endosse à tour de rôle le point de vue des deux protagonistes de l'histoire. Avec pour lien le rôle de la mère, tenu par une émouvante Ariane Ascaride. Sans porter le moindre jugement sur l'action violente des années 70, avec pose de bombes tuant des innocents, Robert Guédiguian reconnaît simplement que c'est depuis cette période que le génocide arménien a commencé à occuper les premières pages des journaux. Si aujourd'hui de nombreux pays ont condamné la Turquie, cette dernière campe sur sa position. "Cette histoire c'est la folie de l'Humanité", considère Robert Guédiguian. D'où le nom de ce film qui replace la tragédie arménienne dans une globalité mondiale.

mercredi 11 novembre 2015

Cinéma : James Bond, 007 à jamais



L'espion le plus célèbre de la planète est de retour dans "Spectre", superproduction avec Sam Mendès derrière la caméra, Léa Seydoux et Monica Bellucci dans les rôles des femmes fatales et Daniel Craig, pour la quatrième fois dans le costume de James Bond. Retour sur un phénomène.


De Londres à Tanger en passant par Mexico, le nouveau James Bond permet au héros interprété par Daniel Craig de beaucoup voyager. Il y affronte le chef de "Spectre", une organisation mondiale, le mal incarné par un homme froid et calculateur qui a les traits de Christoph Waltz. Pour adoucir ce face-à-face mouvementé, rythmé par des explosions, des combats et des courses-poursuites (dans les rues de Rome cette fois), deux femmes sont en vedette. Une veuve, rapidement consolée par le bel anglais, Monica Bellucci, et une orpheline, tout aussi rapidement réconfortée par Bond qui n'a pas l'empathie sélective, Léa Seydoux. Le film de plus de 2 h 20, le 24e de la série, ne souffre pas du moindre temps mort. Passée la scène d'ouverture (plan séquence virtuose dans des rues de Mexico noires de monde), on retrouve tout l'univers créé par Ian Fleming dans les années 50 et perpétué depuis sur grand écran.

Modernes contre anciens
Le nouveau M (Judy Dench n'est plus de la partie depuis la fin dramatique de Skyfall) pique une grosse colère. Les écarts de Bond nuisent au service. D'autant qu'un certain C, politicien ambitieux, veut le moderniser, voire le démanteler. Heureusement il reste toujours l'adorable Moneypenny (Naomie Harris) et l'ingénieux Q (Ben Whishaw) pour prêter main-forte à l'espion de plus en plus isolé. Sam Mendès, après le formidable succès de Skyfall, a longtemps hésité avant de signer pour un nouvel opus. Daniel Craig semble avoir mis tout son poids dans la balance pour convaincre le réalisateur qu'il pouvait encore apporter quelque chose à la franchise. Le résultat est époustouflant, du début à la fin. Tout en conservant cette dimension humaine insufflée au personnage depuis "Casino Royale". "Spectre" s'annonce comme un des plus gros succès de cette année 2015, "Daniel Craig paraît à son apogée. Il maîtrise le rôle à la perfection. Pour bon nombre d'amateurs, il est désormais le chaînon manquant entre Sean Connery et Timothy Dalton. À la fois, violent et tourmenté, cynique et vulnérable", souligne Guillaume Evin, spécialiste du personnage de Bond. Le film met une nouvelle fois une actrice française en vedette, Léa Seydoux, interprète de Madeleine Swann (clin d'œil des scénaristes à la littérature française, preuve qu'il n'y a pas que des incultes à Hollywood). Si dans un premier temps, elle rejette violemment l'espion anglais responsable de la mort de son père, elle va vite découvrir un homme déterminé à la protéger quoi qu'il arrive. Menacée par les sbires de Spectre, elle échappe à une tentative d'enlèvement en pleine montagne et montre des talents étonnants à la bagarre dans un train marocain. Elle finira dans les bras de James après cette jolie réplique : "Et maintenant, qu'est ce qu'on fait ?" Comme si ce n'était pas évident. Enfin, saluons le petit rôle, mais très lumineux, de Monica Bellucci. Celle qui a été auditionnée mais non retenue pour "Demain ne meurt jamais", est totalement irrésistible en veuve de 50 ans. Car Bond séduit toutes les générations.

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"Spectre", paroles des comédiens

Lors d'une conférence de presse récemment à Paris, les principaux acteurs de ce 24e James Bond se sont confiés.

Daniel Craig : "Je suis prêt à tourner de nouveau avec Sam Mendès"
"Quand j'ai accepté d'interpréter James Bond, je savais que c'était un rôle difficile à jouer. J'ai demandé aux producteurs si je pouvais participer au processus, à donner mon avis et à être vraiment présent. Ils ont accepté et très généreusement ils m'ont également crédité du titre de coproducteur de ce dernier Bond. Tourner un James Bond est un immense défi, c'est quand même huit mois de tournage. Mais je suis entouré de gens extrêmement talentueux et je ne suis qu'une toute petite partie de cette équipe. Je suis un grand fan de Léa Seydoux et dès que je l'ai vue, j'ai voulu jouer avec elle. Nous avons eu beaucoup de chance car quand on prépare un James Bond, on fait des listes d'acteurs et ils ont tous accepté. Je suis évidemment prêt à retourner avec Sam Mendès. Mais actuellement, ce n'est pas d'actualité. En ce moment, tous, nous n'avons qu'une envie : ne plus penser à James Bond".

Léa Seydoux : "Loin du cliché de la femme objet"
"Lorsqu'on a un appel pour passer un casting pour James Bond, on n'y croit pas, on se dit que ça ne marchera jamais, c'est comme le loto, on joue mais on sait qu'on ne gagnera jamais. D'ailleurs, j'ai totalement raté mon premier essai. Mais ensuite, mon agent m'a dit que Sam Mendès m'avait beaucoup appréciée et au rendez-vous suivant, il m'a accueillie les bras ouverts en me disant 'bienvenue dans la famille'. En lisant le scénario j'ai constaté que c'était une James Bond's girl plus moderne, qu'ils voulaient s'éloigner du cliché de la femme objet. Madeleine est un vrai personnage, qui a un trajet émotionnel et qui va devoir affronter son passé. Et finalement, elle a beaucoup de points communs avec le James Bond actuel". La suite ? Je n'ai pas de projet en ce moment, mais j'adorerais interpréter une super-héroïne !".

Monica Bellucci : "Une femme mûre et féminine"
"J'ai été très surprise de l'appel de Sam Mendès car je me suis dit : 'Qu'est ce que je fais à 50 ans dans un James Bond ?'. Mais lui cherchait une femme mûre à mettre à côté de James Bond. Lucia, la veuve, n'a plus la jeunesse mais elle a une féminité encore vivante qui lui sauve la vie. Que l'on fasse les méchantes ou les gentilles, il y a toujours quelque chose de magique à interpréter une James Bond's girl. Ce sont des rôles objet, mais peu importe... Je ne suis restée qu'un mois sur le plateau de "Spectre", ce qui est peu quand on pense que je tourne depuis trois ans dans le prochain Kusturica".

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Encyclopédie et roman

 Présenté comme le spécialiste français de James Bond, Guillaume Evin a de nouveau mis tout son savoir à la disposition de ceux qui auraient quelques lacunes. "James Bond, l'encyclopédie 007", soit 224 pages richement illustrées avec une multitude d'anecdotes et la présentation chronologique des 24 films composant la saga. Ce beau livre qui sera du plus bel effet sous les sapins de Noël, est une mine d'informations. En plus de longs articles sur la production des films, le choix des acteurs pour le rôle-titre et celui des James Bond's Girls, indispensables au succès des films, des éclairages plus anecdotiques vous permettront de tout savoir sur les différentes voitures conduites (et parfois massacrées) par l'espion ou des armes qu'il a utilisées pour faire un sort aux méchants. On apprécie particulièrement les nombreuses photos des tournages, pour mieux comprendre l'ambiance qui régnait sur les plateaux. Tel Sean Connery, endormi sur relax, quelques bouteilles de bière vides abandonnées par terre ou Roger Moore au volant du bolide le plus étonnant de la saga : une 2CV jaune, criblée de balles. Au rayon des méchants, à côté des grandes légendes que représentent Donald Pleasance, Christopher Lee ou Christopher Walken, les Français ne sont pas en reste avec Michaël Lonsdale, Louis Jourdan et plus récemment Mathieu Amalric.
"James Bond, l'encyclopédie 007", Hugo Image, 24,95 €.
En roman aussi....
Avant de s'animer sur grand écran, James Bond est un héros de romans. Ian Fleming a signé une quinzaine de titres avant de mourir en plein succès au milieu des années 60. Depuis, l'espion a déserté les librairies. Mais fort du succès des derniers films, notamment depuis que Daniel Craig a repris le rôle, l'idée de nouveaux romans a titillé les héritiers. Une nouvelle fois, Anthony Horowitz s'est mis derrière la machine à écrire. Après avoir ressuscité Sherlock Holmes, l'écrivain anglais a plongé dans l'univers de Ian Fleming. Pour être le plus fidèle possible, il s'est appuyé sur des notes originales censées être le support d'un épisode des aventures de 007 dans le milieu de la course automobile. Un roman qui file à toute vitesse, avec cette pointe de nostalgie si agréable.
"Déclic Mortel", Anthony Horowitz, Calmann-Lévy, 18 €.


Cinéma : singes charmeurs


Documentaire réalisé par Mark Linfield et Alastair Fothergill (USA, 1 h 21), narratrice : Claire Keim. 

Pour son sixième long-métrage, la société de production Disneynature emmène petits et grands 'Au royaume des singes'. Durant 1 000 jours, les équipes de Mark Linfield ont suivi une tribu de macaques à toque dans la forêt du Sri Lanka. Un documentaire animalier scénarisé, avec de véritables 'acteurs' tant ces singes ont des bouilles et des personnalités facilement reconnaissables. L'héroïne, Maya, une femelle de 8 ans, a un enfant, Kip, qu'elle doit défendre face aux velléités du mâle dominant. Chercher de la nourriture, défendre son territoire, fuir face aux attaques de prédateurs : le quotidien de la petite troupe n'est pas de tout repos. 
Parmi les seconds rôles, le chef d'une tribu ennemie a une gueule impossible à oublier : balafré de partout, il respire la méchanceté. Le moment de l'éclosion des termites ailés est également à mettre dans l'anthologie des scènes cultes du cinéma animalier. 
Au final, le spectacle proposé est éblouissant. Précision des cadrages, beauté des décors, péripéties entre rire et larmes, l'histoire de Maya est contée avec beaucoup de sensibilité par Claire Keim, très impliquée dans la protection de la nature.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Slipman attaque à la pelle


Envie de devenir célèbre ? Facile : armez-vous d'une pelle et molestez des écologistes (accompagnés d'un journaliste de l'AFP). Sans oublier le détail décisif : passez à l'attaque pieds nus et en slip. 
Une incroyable photo a fait le tour du net hier après-midi en moins de temps qu'il n'en faut pour enfiler un pantalon. La scène, totalement surréaliste, se déroule dans les Landes. Un petit groupe de militants de la LPO (Ligue de protection des oiseaux) s'engage dans un champ de maïs pour détruire des pièges à pinsons, oiseaux protégés mais toujours chassés dans cette région par quelques irréductibles. Action largement médiatisée en présence d'Allain Bougrain-Dubourg. Alors que les écolos détruisent les pièges, un riverain surgit de chez lui. Furieux, pieds nus, armé d'une pelle et en slip. Il assène quelques revers bien sentis aux écolos et remarque un photographe de l'AFP en plein boulot. Le journaliste a le temps de prendre un cliché, juste avant de recevoir un coup de pelle. 
Cette photo incroyable a déchaîné internet hier. L'indigène, qui ensuite a porté plainte pour violation de propriété privée, est devenu une sorte d'icône moderne. A cause de la pelle peut-être, à moins que la raison en soit son regard mauvais et haineux. Sans compter aussi et surtout ce slip, tenue incongrue qui lui a permis de récolter le surnom de « Slipman, le super héros à la pelle ». 
Il ne devait pas se douter qu'en sortant de chez lui précipitamment il allait décrocher une telle célébrité. Morale de l'histoire : magie mais aussi futilité des moyens modernes de communication.

mardi 10 novembre 2015

Livre : Philosophie pratique façon Botul

Frédéric Pagès a retrouvé Jean-Baptiste Botul, le faux philosophe cité par BHL : il était au bordel !


Philosophe originaire de l’Aude, Jean-Baptiste Botul, est devenu mondialement célèbre depuis que Bernard-Henri Lévy l’a cité dans un de ses livres. Or, Botul n’existe pas, simple délire collectif de quelques farfelus qui conjuguent philosophie et humour. BHL, berné et mortifié, a immédiatement cessé toute intervention médiatique. Durant une petite demi-journée, faut pas exagérer non plus...
Et Botul dans cette affaire, que devient-il ? Il est toujours étudié par quelques Botuliens dont Frédéric Pagès, auteur de ce roman-récit sur le bref passage du grand homme dans l’Éducation nationale. Botul, embauché comme professeur de philosophie dans un lycée de la préfecture audoise en 1928, a décidé de conduire sa classe de terminale au “Mon Caprice” situé 1, rue de la Digue. Une maison à terrasses abritant un bordel tenu par Madame Berthe.
Comme un puzzle en forme d’enquête policière, Frédéric Pagès retrace ce fameux “Banquet” au cours d'une conférence savante. Botul organise cette sortie pédagogique peu banale dans une maison de tolérance. Il estime  que « si l'école ne va pas au bordel, ce sera le bordel à l'école ». Les élèves vont discourir, alanguis, en buvant et admirant des femmes dénudées. Un programme théorique bousculé en pratique car les « professionnelles », pour une fois, ne vendront pas leur corps mais diront leur façon de penser.

Reine de Saba et canal du Midi
La faute à l'une des pensionnaires, Divine la Sublime, tombée un peu amoureuse de Botul, bourreau des cœurs qui a épinglé à son tableau de chasse Marthe Richard, la princesse Marie Bonaparte et même Simone de Beauvoir. Divine, « Quelle allure ! La finesse de sa taille, l'arrondi prestigieux de ses seins ne devaient pas troubler que les hommes. Cette peau d'ébène, ces grands anneaux argentés aux oreilles, ces  bracelets d'or aux chevilles... Elle vient de la lointaine Afrique, c'est sûr. C'est la reine de Saba descendue du Nil vers le canal du Midi. » Divine meneuse d'hommes et de femmes, profitera du banquet pour sonner l'insurrection au sein de son régiment de filles faciles. Un sacré scandale qui coûtera sa place à Botul. Mais l'homme a de la ressource.
Toute la force de l’auteur est de rendre cette histoire crédible, en convoquant pour la défense de Botul quelques grands noms, de Simone Weil à Mgr Danielou en passant par un joueur de rugby narbonnais. Et finalement on se dit que l'idée iconoclaste du faux philosophe n'est pas si farfelue que cela.

« Botul au bordel », Frédéric Pagès, Buchet-Chastel, 10 €



BD : Sœurs de sang



Etrange mélange des genres dans « Monika », série complète en deux tomes. Monika, jeune artiste à la plastique parfaite, vit avec un lourd secret. Enfant, sa mère et son compagnon sont morts dans l'incendie de la maison familiale. Sa sœur, Erika, parvient in extremis à la sauver des flammes. Monika est-elle responsable de l'incendie ? Elle se pose la question sans cesse et vit avec cette interrogation qui la taraude. Devenues adultes, les deux jeunes femmes restent très proches. Monika mène sa carrière d'artiste, inspirée par Erika. Mais cette dernière disparaît du jour au lendemain. Une nouvelle énigme pour l'héroïne. En parallèle à ce récit familial compliqué, Monika tombe amoureuse d'un homme politique brillant. De plus elle cache un ami chercheur, inventeur d'une intelligence artificielle. Ces deux albums surfent entre manigance politique, terrorisme, science-fiction et polar. Le scénario de Thilde Barboni, par ailleurs romancière, est très dense. Le tout est dessiné par Guillem March au trait fin et précis, rehaussé de couleurs directes pastels du plus bel effet. Surtout les scènes où Monika s'effeuille avec sensualité...

« Monika » (tome 2), Dupuis, 64 pages, 14,50 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : En avoir dans la culotte


L'expression "en avoir dans la culotte" (ou dans le slip) est spécifiquement masculine. Pourtant, les femmes pourraient en dire autant qui chaque mois subissent une semaine "d'indisposition" peu agréable. Incontournable surtout. Une réalité assez abstraite chez les hommes. Po
ur preuve, le récent débat à l'assemblée nationale sur une histoire de TVA. Tampons et serviettes hygiéniques sont taxés à 20 %.
Une députée a déposé un amendement pour ramener ce taux à 5,5 %, celui des produits de première nécessité. Réponse du gouvernement, pas question, ils sont classés dans la catégorie luxe. D'ailleurs, argumente Christian Eckert, ministre du Budget, les mousses à raser pour les hommes sont aussi taxées à 20 %. Certaines ont failli s'étouffer en entendant cette comparaison peu judicieuse. Malgré une forte mobilisation sur le net, les 15 millions de femmes qui chaque mois sont obligées de se protéger continueront à payer le prix fort.
Le même débat a eu lieu en Angleterre. Mais pour ramener la taxe à 0 %. La bataille sémantique fut épique, les hommes s'obstinant à utiliser le mot "produits" en lieu et place de tampons et serviettes.
Le rejet de l'amendement par une assemblée française très largement masculine peut sembler logique. Mais il aurait été autre "si les hommes avaient des règles…" comme Twitter s'en est amusé. Alors, "les tampons seraient distribués gratuitement", "un congé maladie spécifique serait créé" et, le meilleur et aussi le plus juste "tous les mois, il faudrait les emmener aux urgences car ils seraient en train de mourir".

lundi 9 novembre 2015

BD : La bible ou l'épée, choix crucial pour "Le maître d'armes"


Toutes les guerres ont pour origine la religion. Une évidence qu'il ne faut cesser de rabâcher aux générations futures. En vain malheureusement, les conflits se multipliant un peu partout dans le monde. Actuellement les chiites et les sunnites se mènent un combat à mort au Moyen Orient. Comme pour faire oublier le conflit entre Juifs et Palestiniens à quelques centaines de kilomètres de là. En Europe, nous sommes souvent enclins à donner des leçons mais notre histoire prouve que ces querelles de paroisse ont également provoqué des milliers de morts au fil des siècles. Prenez la fin du Moyen Age. Le clergé catholique règne en maître absolu. Mais quelques croyants ne se reconnaissent plus dans cette religion qui donne tout à une petite minorité. Ce sera la Réforme, début du protestantisme. Dans « Le Maître d'armes », écrit par Xavier Dorison et dessiné par Joël Parnotte, ont découvre les prémices de cette sanglante répression. A la base, des érudits veulent que la parole de Dieu soit directement accessible par tous. Enlever l'intermédiaire des religieux. Pour cela il suffit de traduire la Bible en « vulgaire », nom donné au français compris par la majorité. Rien de bien méchant à priori. Mais cette volonté d'éclairer le peuple ne passe pas auprès de ceux qui ont le pouvoir. Le véritable personnage principal de cette longue BD est la traduction de la bible. Gauvin de Brême, médecin érudit, réformiste, vient de finir son manuscrit. Il doit maintenant le faire parvenir en Suisse où il sera imprimé et largement diffusé. Mais les sbires du clergé le pourchassent. Dans les montagnes du Jura, il va demander l'aide de Hans Stalhoffer, ancien maître d'armes du roi François 1er. Une course poursuite en plein hiver, dans la nature implacable. Si le récit fait la part belle à la prise de conscience de certains hommes et femmes, il montre aussi dans toute son horreur (les dessins de Parnotte sont parfois d'une extraordinaire violence) les exactions d'autres soldats, toujours plus cruels et intransigeants, au nom d'un Dieu qui n'est plus du tout miséricordieux. Une histoire qui se répète, sous d'autres latitudes et pour d'autres raisons, mais à la base le problème est le même : la volonté d'un petit nombre de contraindre la majorité à ne pas penser par elle-même

« Le maître d'armes », Dargaud, 98 pages, 16,45 euros