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mercredi 8 octobre 2025

BD - Picsou peut devenir le capitaliste le plus marrant de la planète


Depuis que les éditions Glénat ont passé un accord avec la licence Disney, les grands noms de la BD ont la possibilité de s’approprier ces personnages mythiques (Mickey, Donald, Picsou), pour les embarquer dans des aventures radicalement différentes des récits parfois un peu formatés. Une nouvelle fois, Kéramidas se frotte à cet univers graphique qu’il connaît et apprécie particulièrement. Un Mickey, un Donald et cette fois, avec Jul au scénario, il s’attaque au plus grand capitaliste de tous les temps, l’abominable Picsou. 


Le milliardaire, avare au possible, est en pleine déprime. Il n’est plus l’homme le plus riche du monde. Un inconnu, Carsten Duck, en quelques semaines, lui a chipé le trône. Une fortune colossale mais virtuelle puisqu’elle est constituée de bit-coincoins. Picsou va vouloir investir dans cette crypto-monnaie. Mais c’est plus compliqué qu’il n’y paraît et les revers de fortune sont rapides et radicaux. 

Sur une thématique moderne et actuelle, les deux auteurs signent une BD finalement très politique. Avec message caché contre un certain modernisme et les apparences trompeuses. 

Le meilleur reste cependant le déferlement de jeux de mots et caricatures des travers de notre société actuelle. Les Castors juniors deviennent de redoutables influenceurs, Picsou héros de téléréalité… Le tout dessiné par un Kéramidas parfait dans l’interprétation du trait Disney tout en y insufflant son style.  

 “Picsou et les bit-coincoins”, Glénat, 48 pages, 11,50 € (il existe une éditions collector grand format de 56 pages à 17,50 €) 


samedi 6 septembre 2025

BD - Les dangers de la délinquance, du net vers l’“IRL”


On trouve à peu près de tout sur les nouvelles plateformes de vente du net genre Shein ou Temu. Le “à peu près” n’est plus de mise sur le dark web, ce net caché, souterrain, là où la loi n’existe plus. Un sujet souvent abordé dans les polars contemporains et qui est au centre de ce gros roman graphique écrit par Mark Eacersall et Henri Scala et dessiné par Jérôme Savoyen. 

La différence avec cet ouvrage, c’est la seconde signature du scénario. Henri Scala est commissaire de police depuis 20 ans. Il a travaillé dans tous les services, de la police du quotidien aux gros dossiers criminels. Sa connaissance de la délinquance numérique est particulièrement importante dans cette histoire de jeune fille un peu trop douée avec les codes et attirée par l’interdit. Roxane est en terminale. Elle passe beaucoup de temps sur son téléphone portable. 


Mais contrairement à ses collègues de classe (pas amies, Roxane est solitaire), ce ne sont pas les dernières idioties de TikTok ou Snap qui l’accaparent. Elle est un intermédiaire entre des vendeurs du dark web et des acheteurs. Elle a un pseudo, met en contact des gens qui ne se connaissent pas. Et n’auront jamais la moindre interaction l’un avec l’autre. Un rôle pivot stratégique dans cette nouvelle économie de l’ombre. 

Tout est sous contrôle, les rentrées d’argent conséquentes jusqu’au jour où un client, pour finaliser une transaction, réclame de la rencontrer IRL, in real life, dans la vraie vie… 

Cette descente aux enfers de la jeune fille, on la suit avec angoisse directement à ses côtés mais aussi avec la policière spécialisée dans ce genre de délits et qui piste sur le réseau l’avatar virtuel de Roxane depuis quelques mois, persuadée qu’elle va forcément faire une erreur. 

Un véritable polar rondement mené, dense, avec de multiples rebondissements, vrais méchants, faux gentils et des flics trop souvent impuissants (et trop peu nombreux), face à un mouvement d’ampleur. Édifiant.   

“IRL (In Real Life)”, Glénat, 208 pages, 23 €


jeudi 28 août 2025

BD - Les souvenirs d'un grognard de Métal Hurlant


Dominique Hé a plus que l'âge requis pour prendre sa retraite. Pourtant ce dessinateur, après avoir débuté dans les années 70 à Pilote, continue de publier des albums de BD. Classiques comme son polar historique "Chiens et loups" avec Noël Simsolo au scénario. Mais avec "La porte ouverte", il se risque dans un genre très différent : les souvenirs de jeunesse. Plus de 120 pages pour raconter ses débuts dans le monde de la bande dessinée, notamment quand il intègre les pages de Métal Hurlant sous les bons auspices de Moëbius et Dionnet. 

Une histoire qui devrait passionner tous les passionnés qui ont vécu la découverte de cette revue du côté des lecteurs. Une mine d'informations, la possibilité de passer derrière le décor. Et les plus jeunes découvriront un monde étrange dominé par ces génies que sont Jean Giraud, Druillet, Mézières. Des auteurs confirmés qui aiment donner des conseils aux "petits jeunes" tentant de percer dans le milieu. Dominique Hé en fait partie avec Loisel, Juillard, Le Tendre et tant d'autres devenus depuis des signatures reconnues.


Avant de croiser le chemin de Gir, Hé raconte comment, persuadé d'être un grand peintre, il tente sa chance aux Beaux-Arts. Rapidement, il découvre que ce n'est pas pour lui. Mais comme il est installé à Paris, il poursuit ses études à l'université de Vincennes. Une marmite bouillonnante aux mains des anciens soixante-huitards. Nouvelle désillusion pour le jeune Hé : ce n'est pas là qu'il apprendra les ficelles du métier et à faire progresser son trait. Jusqu'à ce qu'il découvre une porte ouverte, un soir. C'est dans cette pièce que Jean Giraud, célèbre pour dessiner les aventures de Blueberry, donne un cours hebdomadaire à Vincennes. Hé va s'infiltrer, écouter, se passionner et finalement montrer des dessins au maître. Après une critique sévère, le génial créateur de John Difool lui confie des scénarios d'histoires courtes. Les premières publications de Dominique Hé dans le Pilote de Goscinny. Et puis il suivra Giraud devenu Moëbius à Métal Hurlant et, contre l'avis de Manoeuvre mais grâce à l'appui de Dionnet, lancera sa série, Marc Mathieu. 

Avec beaucoup d'humour, parfois un peu de méchanceté, Dominique Hé retrace son parcours dans un milieu fermé et souvent bourré de chausse-trapes. On apprécie l'émergence de toute une génération d'auteurs passés par le cours de Giraud, l'atelier de Moëbius ou les pages de Métal Hurlant. Une certaine idée de la BD, qui pourrait paraitre datée pour certains jeunes, mais qui osait tout en des temps où il était encore interdit d'interdire. 

"La porte ouverte", Dominique Hé, Glénat, 120 pages, 23 €

mercredi 2 juillet 2025

Dessin - Vacances poétiques bretonnes avec "Bon vent !" de François Ravard

Pour les vacances estivales, depuis quelques années, rien ne vaut le climat de la Bretagne. Là-bas, vous n'aurez pas la désagréable impression de cuire dans une friteuse par 40 ° sous une hypothétique ombre. François Ravard, le temps de ces dessins d'humour plus poétiques que foncièrement comiques, fait l'apologie de cette Bretagne parfois humide mais jamais brûlante. Des dessins pleine page, dans des tons doux et tendres grâce à une technique à l'aquarelle idéalement maîtrisée. 

Transport collectif 

On croise donc dans ce recueil des curistes en peignoirs, quelques enfants coursant des mouettes, des chiens fous dans les vagues et de nombreux amoureux, sous le charme de ces paysages. Vous aussi allez craquer pour ces criques protégées, ces embruns régénérants et ces scènes touchantes. Mais attention, si juillet et août sont "supportables" pour les sudistes, les autres mois de l'année risquent d'être un peu trop "extrêmes" pour ces mêmes adorateurs du soleil et de la sécheresse. 

"Bon vent !", François Ravard, Glénat, 96 pages, 16,50 €

mardi 17 juin 2025

BD - La mort en silence au cœur de la campagne française

Albertine Buisson. 99 ans. Doyenne du village. En pleine canicule, le maire de Courteville en Normandie transpire a grosses gouttes dans son bureau, au téléphone. Il vérifie que tous ses administrés "sensibles" sont en bonne santé et entourés. Quand il compose le numéro d'Albertine, pas de réponse. Elle habite une maison isolée, loin du bourg. Il n'a pas le temps de s'y rendre, alors il demande directement à une de ses adjointes qui est de la famille. Elle n'a pas vu la vieille dame depuis des années car elle est fâchée avec son beau-frère, c'est lui qui s'occupe d'Albertine, sa mère, depuis qu'elle ne quitte plus la maison, incapable de marcher. 

Ce roman graphique débute comme un reportage de la PQR (presse quotidienne régionale) sur le rôle des élus en situation d'urgence. Un dévouement chronophage mais essentiel pour le bien de la communauté. Le maire va de nouveau tenter de contacter Albertine. En vain. Alors malgré la chaleur accablante, il se rend sur place. Découvre une maison fermée, comme abandonnée. Il se doute qu'Albertine va mal. Voire plus. Il met la pression sur son adjointe. Le beau-frère. Et finit par prévenir la gendarmerie. 

Écrite par François Vignolle et Vincent Guerrier, tous les deux journalistes dans la région, cette BD romance une histoire réelle. Car des Albertine, il y en a eu des dizaines ces dernières années. La solitude, l'abandon et finalement la disparition dans l'indifférence. Un fait divers horrible, qui nous questionne sur nos rapports avec les personnes âgées proches, mis en images par Vincenzo Bizzarri, auteur italien qui refuse toute représentation sordide. La mort dans la campagne française ne s’accommode pas de sensationnalisme

"Albertine a disparu", Glénat, 144 pages, 23 €

jeudi 1 mai 2025

BD - Cap vers Uranus, la grosse gazeuse gelée

Suite de l'exploration du système solaire avec le quatrième tome consacré à Uranus. Cette série concept, écrite par Bruno Lecigne allie fiction et pédagogie. Dans le premier tome, un vaisseau extraterrestre est découvert. Une délégation de scientifiques de plusieurs nationalités, monte à bord et grâce à l'aide du pilote extraterrestre, va pouvoir visiter toutes les planètes de notre système solaire sans les délais de voyage. 

Uranus étant assez peu accueillante (pas de surface, c'est une planète gazeuse, avec sous l'atmosphère un océan infini et en son centre un noyau solide), l'album dessiné par Alberto Foche se consacre surtout sur les relations, de plus en p)lus tendues, entres les Terriens et les aliens. Il sera beaucoup question d'émotions, de mort et de sacrifice. En gros, tout ce qui définit la vie chez nous. Pas chez eux...  L'intrigue avance assez vite avec cet album charnière. 

Système Solaire - Tome 04 - Uranus

Et si c'est essentiellement le côté scientifique qui vous intéresse, vous trouverez votre bonheur avec le cahier pédagogique en fin d'ouvrage, rédigé par les chercheurs de l'Observatoire de Paris PSL. Ainsi la formation d'Uranus n'aura plus de secret pour vous et vous pourrez égrener les noms des nombreux satellites de la planète découverte en 1781 par William Herschel.

"Uranus", Glénat, 64 pages, 15,50 €

jeudi 10 avril 2025

BD - Quand les femmes d'aujourd'hui se transforment en fauves

A quoi ressemblent les jeunes femmes d'aujourd'hui ? Si votre milieu, votre âge ou votre isolement vous empêchent d'avoir des réponses en direct, plongez dans cet album d'Aurelle Gaillard (scénario) et Francesca Marinelli (dessin). Dans "Les Fauves", elles racontent le quotidien de trois copines, des colocataires, surfant sur l'époque, les galères et l'amitié. Aïdée, Pénélope et Zora partagent cet appartement en ville. La première est encore étudiante, aux Beaux-Arts. La seconde est serveuse dans un bar. La troisième occupe toutes ses journées à militer contre le capitalisme et l'exploitation des plus faibles. Des tempéraments différents mais qui s'accordent facilement, avec des horaires décalés, des envies communes et surtout une grande bienveillance. 

Quand Aïdée revient de cours énervée après avoir subi les remarques phallocrates d'un prof, une idée germe dans son esprit d'artiste provocatrice. Pourquoi ne pas lui montrer la force de la vulve ? Et les trois filles entrent par effraction chez les vieux grincheux et dessinent une superbe vulve de toutes les couleurs sur le mur du salon. Voilà comment un petit dessin prend de l'importance et devient un symbole de la résistance des femmes face à l'oppression de la société patriarcale. 

Dans ce long roman graphique au dessin simple et coloré, expressif sans être trop caricatural, on suit aussi les aventures amoureuses des trois copines. Amoureuses très libres, dans l'air du temps, avec la greffe au trio d'un quatrième membre, Andy, garçon androgyne qui n'est attiré ni par les filles ni les garçons. Le récit prend un tour plus dramatique quand elles décident de s'attaquer à des petits nazillons. La violence débarque dans leur quotidien. 

Un livre témoignage sur la jeunesse d'aujourd'hui. Elle est dynamique, pleine d'espoir et d'ambition. Rafraîchissant.   

"Les fauves", Glénat, 136 pages, 20,50 €

samedi 5 avril 2025

BD - Franck Pé partage sa passion pour le dessin


Dessinateur à la production rare, Frank Pé fait partie des meilleurs de sa génération. Dans cet essai, richement illustré de dessins de ses collègues et amis, il explique pourquoi c'est en dessinant que "tu connaîtras l'univers et les dieux." Des textes écrits avec les tripes. Car il se dévoile en grande partie dans ces chapitres consacrés au plaisir de dessiner, aux trucs acquis au fil des années, à la recherche perpétuelle de l'image juste, le bon trait qui vibre, exprime beauté, sensualité et message. 

Le créateur de Broussaille ose mettre en avant ses "trucs de magicien". Même si au final, il s'agit avant tout d'être doué, d'avoir l'oeil et ne pas hésiter à recommencer sans cesse un dessin qui ne vous convient pas à 100 %. 

On a droit aussi à une galerie de ses idoles. Des signatures très connues comme Giraud, Hermann ou Franquin, d'autres moins célèbres mais qui ont compté dans la carrière de Frank, de Claire Wendling (les animaux) à R. M. Guéra (pour sa gestion des noirs). Un essai à conseiller pour tous les passionnés, notamment ceux qui gribouillent dans leur coin.

"Dessine !" de Frank Pé, Glénat, 200 pages, 25 €

mardi 1 avril 2025

BD - La dérive mortelle de l'extrême-gauche japonaise

"Banzai !" Le cri des samourais a été récupéré, dans les années 70, par les révolutionnaires japonais. Preuve qu'entre les idéologies extrémistes, il y a toujours moyen de trouver des points communs. Assez peu connue en Europe, l'épopée tragique de l'ARU, l'Armée rouge unifiée, est détaillée dans cette BD écrite par Frédéric Maffre et dessinée par François Ruiz. Le scénariste, passionné de cinéma nippon, a découvert l'existence de ce groupuscule violent d'extrême-gauche en visionnant certains films de l'époque qui y faisaient référence. Le second, dessinateur, avoue découvrir le sujet avec le scénario et s'être enthousiasmé pour les destins de ces jeunes hommes et femmes, aveuglés par leur idéal, au point de faire pire que la société qu'ils rejetaient. 

La scène d'ouverture est symbolique. En 1976, un jeune extrémiste, comédien raté de films érotiques dans la vie civile, décide de faire s'écraser son avion de tourisme sur la maison d'un homme d'affaires corrompu. Il rate son coup (mais pas son suicide) à quelques mètres près. Comme une répétition pour d'autres terroristes qui feront trembler le monde libre un jour de septembre 2001. 

Pour raconter cette révolution manquée, débutée en 1968, c'est un rescapé qui se confie à des journalistes. Il se souvent comment les militants politiques ont intensifié leurs actions, basculant de plus en plus vers la violence, comme la police et le gouvernement qui n'ont jamais cherché l'apaisement. Et comme en Occident, ce sont les rivalités intérieures qui seront les plus dommageables à la "révolution". Les quelques centaines de militants se divisent en petits groupuscules isolés. On suit notamment celui mené par Nagata et Mori. Une intellectuelle et un homme violent. Retirés dans un chalet dans la montagne avec une vingtaine de fidèles, ils vont mettre tous les militants à l'épreuve. La moitié d'entre eux vont mourir dans d'atroces souffrances. 

Le second passage emblématique est l'arrivée de Kozo Okamoto dans un camp palestinien au Liban. C'est de là que de nombreux terroristes vont partir pour tenter de faire fléchir l'Occident et l'ennemi absolu : Israël. Kozo deviendra un "héros" pour la mouvance quand il parviendra à tuer une dizaine d'innocents à l'aéroport de Tel Aviv. Des méthodes imaginées par des "gauchistes révolutionnaires", reprises de nos jours par des "intégristes religieux". C'est sans doute le côté les plus intéressant de la BD, ce parallèle entre les luttes sociales des années 70 et cette politique de la terreur absolue, chère au Hamas et autre Etat islamique, et son jusqu'au-boutisme. 

"Terorisuto", Glénat, 136 pages, 22,50 €

vendredi 21 mars 2025

BD - "La veuve" cherche la rédemption

Elle court, seule, dans la forêt. Epuisée, apeurée, sans autre but que de survivre. Elle a trop vu de morts ces derniers temps. Derrière elle pas très loin, deux hommes armés et un chien. Les chasseurs. Elle est la proie. Début de récit tout en tension, dans une nature sauvage et inhospitalière. 

Pourtant ce n'est que le début de la longue fuite en avant de l'héroïne de ce roman graphique de Glen Chapron tiré du roman "La veuve" de Gil Adamson. Le Canada du début du XXe siècle. Terre en devenir, encore inexplorée, de plus en plus exploitée. 

La veuve que l'on suit est une jeune femme de 19 ans. Elle a perdu son bébé. Et dans la foulée a tué son mari. Un ivrogne, violent, arrogant. Il avant l'habitude, en rentrant de la chasse, de lui confier son fusil pour qu'elle le nettoie. Ce soir-là, elle s'est contenté de le recharger et de lui tirer dessus. Les deux hommes qui la poursuivent, ce sont ses beaux-frères. Ils veulent se venger. Les jours passent, elle survit dans la forêt, rencontre un trappeur qui va l'aider. L'aimer aussi un peu. Mais la veuve ne veut plus s'attacher. 

Elle continue son chemin, débarque dans une ville de mineurs, devient l'aide d'un pasteur. Ce roman, d'une puissance rare, tant par le récit que les dessins en noir et blanc d'une densité et d'une brutalité extrêmes, se dévore. Du grand art par un artiste majuscule.

"La veuve" de Glen Chapron (adapté du roman de Gil Andamson), Glénat, 176 pages, 25 €

jeudi 27 février 2025

BD – Un petit tour autour de Saturne

Suite de l'exploration du système solaire avec le troisième tome de cette série imaginée par Bruno Lecigne et dessinée par Federico Dallocchio pour ce voyage à destination de Saturne. Si l'album se veut didactique et pédagogique, avec la supervision rigoureuse de scientifiques de l'Observatoire de paris, c'est aussi et avant tout une série divertissante de science-fiction. Car pour se rendre à proximité des différentes planètes de notre si petit système solaire, il faut un vaisseau beaucoup plus avancé que les poussifs Starships encore en phase de test.

La découverte d'un astronef alien accidenté, encore habité par une étrange créature, surnommée Clarke, aux buts encore mystérieux, donne l'opportunité à une équipe internationale de chercheurs de mieux connaître les astres gravitant autour du Soleil. Après Mars et Jupiter, ils se retrouvent à proximité de Saturne, ses anneaux et ses nombreux satellites, parfois aussi grands que certaines planètes. Clarke a perdu la confiance des Humains. Au début de ce 3e tome, ils sont prisonniers et il envisage sérieusement de les sacrifier. A force de diplomatie, certains membres de l'expédition parviennent à sauver la situation. Ils se révèlent aussi utiles pour aider Clarke dans sa véritable quête : retrouver des survivants après le crash d'un autre vaisseau quelque part sur un des satellites de Saturne.

Les 64 pages, parfaitement réparties entre explications savantes et intrigue palpitante, permettent au lecteur d'en apprendre un peu plus sur Titan, Japet, Mimas ou Engelade, quelques uns des morceaux de roche ou de glace gravitant autour de Saturne. Quant au devenir de la mission d'exploration du système solaire, elle va vivre une véritable révolution dans les dernières pages, rendant la saga encore plus addictive avant de s'élancer vers Uranus, album annoncé pour la fin du mois d'avril 2025.

« Saturne, le gardien des anneaux », Glénat, 64 pages, 15,50 €

vendredi 21 février 2025

BD - Dans les affres du "Magma" de Nicolas Bastide

Entré dans la BD en tant que coloriste, Nicolas Bastide, fort d'une belle expérience dans un collectif d'Angoulême, signe son premier album. Une histoire fantastique inquiétante, terrifiante, inspirante. Une centaine de pages parfaitement composées où les personnages principaux vont faire une expérience unique de découverte d'un monde parallèle. 

Sur une petite île volcanique, sans doute à la fin du XIXe siècle au large de l'Angleterre (rien n'est véritablement expliqué), une fillette joue dans la nature alors que ses parents se prélassent dans l'herbe. Elle disparait brièvement et est retrouvée inconsciente. Elle aurait chuté. Mais son explication est différente. 

Entre les rochers, elle a découvert une ouverture vers le magma des entrailles de l'île. Elle s'est dirigée vers ces paysages rougeoyants puis a fait demi tour. Depuis, elle a des visions qui terrorisent les habitants de l'île. Envoyée en pension dans une institution religieuse, elle va y mourir assez jeune, laissant à ses parents un cahier secret où elle raconte ses péripéties dans le magma. 

Trente années plus tard, une autre femme est découverte évanouie au même endroit. Son mari, un antiquaire, va utiliser le cahier de la première victime pour tenter de réveiller son épouse. Cette quête dans le fantastique permet à l'auteur, Nicolas Bastide, de montrer tout son talent lors de scènes oniriques puissantes. Un album original et personnel, loin de tout cliché ou mode du moment, aux dessins expressifs au service d'une histoire entre cauchemar et découverte de soi.

"Magma" de Nicolas Bastide, Glénat,  104 pages, 22,50 €

jeudi 20 février 2025

BD – Thellus, une planète et deux destins

Simona Mogavino au scénario, Laura Zuccheri et Carlos Gomez au dessin : la découverte du monde de Thellus se poursuit dans les deuxièmes tomes de la vie de Kad Moon et Eva Samas. Vaste projet passionnant,cette série de pure science-fiction permet au lecteur de se téléporter sur la planète de Thellus.

Dans un futur très éloigné, humains et autres entités plus ou moins intelligents cohabitent sur cette boule regorgeant de vie. Pour comprendre ce qui attend la majorité des habitants, on suit le parcours de deux « héros ». Kad Moon et Eva Samas font partie de ces courageux qui tentent de faire bouger les choses et vont façonner l'avenir de la planète. Mais le final, ce sera le cinquième et dernier tome de la saga, quand ils seront réunis.

Pour l'instant, ils œuvrent chacun de leur côté, deux histoires parallèles dessinées par deux auteurs différents. Kad Moon, fils d'un guerrier redouté, est capturé par des rebelles. Il va tenter de sauver des « bicéphales », créatures frustres aux griffes redoutables. Eva Samas, elle, découvre ses origines (métisse d'un conquérant humain et d'une créature mi-humaine mi-serpent). Cela renforce son envie de vengeance.

Les deux histoires sont particulièrement violentes. Que cela soit dans des ruines ou une forêt impénétrable, la mort est toujours en embuscade.

Des récits qui permettent essentiellement de mieux comprendre l'histoire de la conquête de Thellus. Et de prendre conscience aussi de l'incroyable richesse de sa faune. 


C'est sans doute le côté le plus intéressant de la BD : de créatures éthérées dotées d'ailes fines aux gigantesques crocodiles en passant par des sortes de phasmes géants télépathe, la scénariste a lâché la bride de son imagination.

Une belle réussite, avec beaucoup de suspense au final. La conclusion est très attendue.

« Thellus - Le cycle de Kad Moon » (tome 2), Glénat, 56 pages, 14,95 €

« Thellus – Le cycle d'Eva Samas » (tome 2), Glénat, 56 pages, 14,95 €

La chronique des tomes 1  

samedi 8 février 2025

BD - Partage du pouvoir au sommet de l'Etat


En France, depuis la Ve République imaginée par les Gaullistes pour leur chef, l’essentiel des pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un seul homme, élu au suffrage universel. Ce président est le symbole du pouvoir. Un homme (pas de femme encore élue), qui comme aux USA, doit composer avec son épouse, la Première dame.

Tronchet, observateur sarcastique de la vie politique française, a imaginé une bascule du pouvoir vers dette épouse, souvent dans l’ombre, mais toujours omniprésente dans le quotidien du président. Un gros album de plus de 250 pages dessinées par Peyraud dans un style caricatural, mais pas trop.


Car si rien n’est vrai dans cette histoire, on devine cependant que quelques bribes de réalité ont été recyclées pour faire comprendre au lecteur que finalement, ce scénario assez abracadabrantesque pourrait tout à fait arriver. Ou aurait pu. Le président actuel, considéré par les progressistes comme un « vieux con de droite », se voit plutôt en « jeune con du centre ».

Ancien rugbyman, originaire du Sud-Ouest, il a profité d’un concours de circonstance (et de sa belle gueule) pour prendre l’Élysée. Mais à un an de l’élection présidentielle, ses conseillers sont inquiets. La réélection s’annonce mal, son ministre de l’Intérieur semble de plus en plus lorgner sur le poste. De plus, son ex-femme va sortir un livre sanglant sur leurs relations. Il faut tourner la page. Un communiquant imagine alors de lui trouver une nouvelle épouse, belle et célèbre. Un mannequin.

L’idylle est programmée pour débuter dans une soirée ou le président est apostrophé par une jeune actrice, militante de gauche pour les droits de l’Homme. Coup de foudre mutuel. Ce changement de première dame va bousculer la République. Une belle utopie, avec rendez-vous nocturnes secrets en scooter, faux scoops de la presse people et magouilles des adversaires.

De Hollande à Sarkozy en passant par l’actuel locataire de l’Élysée, tous peuvent se reconnaître dans cette synthèse des conséquences de l’amour sur le pouvoir. Et sur la force des femmes qui, si elles ne sont pas encore ouvertement au pouvoir, trouvent d’autres moyens beaucoup plus intelligents et efficaces pour le partager avec les hommes.
« Première dame », Glénat, 272 pages, 25 €

samedi 1 février 2025

BD - L'acné spectrale de "L'enfantôme" de Jim Bishop

Pourquoi raconter des histoires simples quand votre imaginaire vous pousse à inventer des situations totalement anormales et exceptionnelles ? Jim Bishop, auteur complet de BD, ne se pose pas longtemps la question. Il propose avec L’enfantôme, le troisième volet du cycle qu’il nomme « La trilogie de l’enfant ». Après Lettres perdues et Mon ami Pierrot, il propose un véritable cauchemar visuel où le pire des années collège du début des années 2000 est passé à la moulinette.

Le personnage principal est surnommé le Boutonneux. Normal, son visage est couvert de pustules. Compliqué de s’intégrer dans ces conditions. Il partage ce privilège avec La Bizarre, une fille gothique. Si le Boutonneux semble assez idiot (ou du moins peu conscient des réalités de ce monde sans pitié de l’adolescence), la Bizarre au contraire est intelligente et éveillée. Ils seront tous les deux menacés par le conseiller d’orientation, un énorme bonhomme libidineux : leurs parents devront les assassiner s’ils ratent leur année. Un vrai cauchemar on vous dit.

Sur cette simple idée, Jim Bishop propose une plongée dans l’inconscient de l’adolescence. Rêves, espoirs, tristesse, dépression… Pas très gai et même mortel, au point que les héros se retrouvent transformés en fantômes, errants à la recherche de leur corps.

Un roman graphique étonnant, effrayant et paradoxalement plein de poésie.
« L’enfantôme », Glénat, 224 pages, 22,50 €

samedi 18 janvier 2025

BD - La Marne en 1918, première véritable bataille de chars

Nouvel opus de la collection lancée par Glénat retraçant « Les grandes batailles de chars ». C’est à l’origine de ce type de combat que Brugeas et Bianchini (scénario et dessin) convient le lecteur amateur de faits militaires et de mécanique. Alors que les poilus meurent par milliers dans les tranchées, les gradés tentent de trouver des solutions pour enfoncer les lignes ennemies.

Les blindés (avec l’aviation), font leur première apparition. Lourds, fragiles, peu maniables, ils ne pèsent pas sur les combats. Jusqu’à l’apparition, début 1918, du char Renault FT. Un conducteur, un mitrailleur, une tourelle qui pivote à 360 degrés, des chenilles capables de franchir des tranchées : ces engins vont peser sur les ultimes attaques allemandes.

Les chars vont participer à la défense des positions des alliés, puis servir de pointe acérée pour lancer des contre-attaques payantes. Pour raconter le parcours de cette machine révolutionnaire, qui a inspiré tous les autres blindés, les auteurs se penchent sur le parcours d’un officier français, mécanicien, concepteur dans les usines Renault du FT et ensuite courageux combattant de la bataille de la Marne.

C’est très patriotique, un peu fleur bleue mais cela illustre parfaitement le fonctionnement de ces équipages, véritables cobayes et indirectement inventeurs de la guerre moderne.
« Les grandes batailles de char : la Marne », Glénat, 64 pages, 15,50 €

jeudi 2 janvier 2025

BD - Lou de A à Z


20 ans. Lou, la jolie héroïne imaginée par Julien Neel a 20 ans. Un anniversaire dignement célébré avec la parution de ce beau livre regorgeant de dessins inédits et de trois récits courts inédits. Le plus intéressant restant la longue interview de l’auteur par Carole, sa propre femme, coloriste de la série.

Il revient en détail sur chaque album, racontant comment il a imaginé ce monde et l’évolution de la fillette qui vit seule avec sa maman. Il se livre aussi, expliquant douter de la pertinence de son art : A la sortie de son premier album, « je ne me sentais absolument pas légitime par rapport à la qualité du dessin et du travail de mes collègues. J’avais l’impression d’être un escroc total. »


Pourtant il va vendre des millions de BD, entraînant dans le sillage de Lou toute une génération d’adolescents qui se sont reconnus dans ce monde, poétique mais aussi très compliqué et exigeant. Quant à la qualité de ses dessins, il suffit de lire ce livre pour être persuadé qu’il est plus que doué. Il teste sans cesse de nouveaux styles et techniques dans des carnets.

L’éditeur a puisé dans 120 de ces trésors graphiques pour montrer monstres, études anatomiques, délires de science-fiction ou êtres fantasmagoriques. Un régal pour les esthètes complété par une histoire de Sidéra, son héroïne glamour du futur, un récit qui fait le lien entre les albums 7 et 6 et enfin le prologue du tome 3 de la suite des aventures de Lou, Sonata 3.
« Génération Lou ! », Glénat, 304 pages, 25 €

dimanche 22 décembre 2024

BD - Sommeil assuré avec ce Pillow Man


Vous avez le sommeil compliqué ? Pourquoi ne pas faire appel aux services de cette jeune start-up qui propose un pillow man pour une nuit reposante ? Littéralement des hommes oreillers sur lesquels on peut dormir sereinement.

Jean, ancien chauffeur routier, la quarantaine bedonnant, est au chômage depuis trois ans. Il a découvert une petite annonce étonnante. Postule et après un test dans un canapé, est embauché. Mais comment dire à sa chérie, Marianne, qu’on va dormir, tous les soirs, chez de riches clientes ? En tout bien tout honneur, mais dans leur lit, leur intimité. Il invente alors un poste de veilleur de nuit.


Imaginée par Stéphane Grodet et dessinée par Théo Calmejane, cette histoire assez déconcertante semble pourtant tout à fait réaliste. La solitude tue. Ou plus sûrement empêche de dormir. Un peu de chaleur sous les draps suffisent à rendre les nuits calmes et reposantes. Jean, assez timide, a des difficultés au début.

Mais son « confort » est tel qu’il est très demandé. bonhomie et gentillesse lui permettent de gagner beaucoup d’argent. De quoi payer la maison de ses rêves à Marianne. Mais comment va-t-elle réagir quand elle découvrira la vérité ?
« Pillow Man », Glénat, 224 pages, 26 €

vendredi 20 décembre 2024

BD - Petit homme, mais remarquable


Fétichiste des souliers et des jolis pieds, Stanislas a trouvé le métier de rêve : vendeur dans un magasin de chaussures pour femmes. Mais sa timidité maladive l’empêche de supporter la clientèle. La patronne relègue le petit homme (1 m 57 seulement) au sous-sol à ranger les stocks.

Le nouveau roman graphique de Zanzim (révélé avec Peau d’Homme) est délicieusement osé. Car Stanislas assume son voyeurisme. Sa vie n’est pas tout rose, mais il est quand même heureux dans sa chambre de bonne en compagnie de son chat et de ses rêves.

Tout change quand il fait un vœu en caressant ses bottines préférées. Fabriquées en peau de vache indienne sacrée, elles exaucent son rêve… à l’envers. Il devient vraiment petit, à peine quelques centimètres. Il va dès lors lutter pour survivre mais découvrir aussi qu’être presque invisible est l’idéal pour voir sans être vu. Démasqué par une des vendeuses, il va être transformé en doudou sexuel avant de tomber amoureux d’une fleuriste. Et finalement réussir à devenir un grand homme.

Une jolie fable très réussie et convaincante, sur le vivre ensemble, les différences et le sacrifice.
« Grand petit homme », Glénat, 144 pages, 25 €

lundi 16 décembre 2024

BD - Séjour en enfer pour les naufragés du Jakarta

En 1629, des navires de la VOC (Compagnie hollandaise des Indes orientales) quittent l’Europe. Dans la flotte, le Jakarta, avec 300 personnes à bord et une énorme quantité d’or, change de cap. Jéronimus Cornélius, le second, mène une rébellion. Le Jakarta fait naufrage, une partie de l’équipage et des passagers trouve refuge sur des îlots rocheux. Le capitaine tente de rejoindre Java pour y trouver de l’aide.

Cette histoire vraie, racontée par Xavier Dorison, est illustrée par Thimothée Montaigne. Le second et dernier tome, de plus de 140 pages, raconte la survie sur ces îles démunies de toute ressource. Cornélius, avec sa bande, va rapidement éliminer toute opposition et imposer sa loi. Seule Lucrétia Hans, une jeune femme téméraire, ose lui tenir tête.

Dans ce décor minéral entouré d’eau, le dessinateur parvient à varier sans cesse les angles et points de vue. La tension, la peur puis l’horreur sont retranscrites avec brio dans des planches fourmillant de détails.

Un long cauchemar qui reste comme un des pires naufrages de l’histoire de la marine à voile.
« 1629 ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta » (tome 2), Glénat, 144 pages, 35 €