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jeudi 8 mai 2025

Roman fantastique - « La Dissonance », invisible, passionnante

Il y a du Stephen King de la grande époque dans ce roman de Shaun Hamill. La destinée magique et fantastique de quatre adolescents délaissés.

Véritable tour de force que ce roman de Shaun Hamill. Seulement son second et déjà un texte qui devrait compter dans les décennies à venir. En imaginant et en édictant les règles de la Dissonance, l'auteur texan a tout simplement créé une nouvelle forme de magie, de fantastique urbain.

Avant de plonger dans ces mondes alternatifs où rares sont ceux qui voient et ont des pouvoirs, le lecteur fait connaissance des quatre amis, héros involontaires, voués à sauver le monde. Les mondes exactement.

Encore ados en cette année 1996. Hal est le prototype du « petit branleur », jamais sérieux, toujours trop arrogant. Pas de père, une mère volage et absente, il s'en tire toujours par une pirouette. Quitte à y laisser quelques plumes (ou des dents dans les bagarres). Erin, blonde, belle, rêve d'une vie normale. Mais ses parents vivent dans un mobil-home et sont sur le point de divorcer. Athena, jeune Noire très intelligente, sait que si elle veut réussir, elle devra batailler dix fois plus que les autres. Enfin Peter, orphelin, introverti, est élevé par son grand-père Elijah Mash, un professeur d'université toujours plongé dans ses vieux livres.

Quatre rejetés par les autres jeunes, qui se sont trouvés et vont passer leur première soirée pyjama. C'est là qu'un petit livre apparaît dans le couloir de la vieille demeure du professeur Marsh. Il est écrit en « dissonnant », langage magique qu'Athena maîtrise immédiatement comme Erin et Peter. Pour Hal c'est du chinois. Mais après avoir prononcé une formule, Athena envoie le quatuor dans les bois environnants. Il se retrouve aux prises avec des araignées géantes, cauchemardesques, agressives. C'est Hal, armé d'une épée magique, qui les sauvera.

Le début de la saga est précédé du quotidien des trois survivants, de nos jours. Malgré leurs pouvoirs, ils semblent faire toujours partie des ratés, des laissés pour compte. C'est dans ce contexte morose que l'auteur développe les psychologies compliquées, voire toxiques, de ces héros dont on rêve pourtant à s'identifier.

Un pavé qui se dévore, sans le moindre temps mort, avec rebondissements, trahisons, morts violentes, exploration de mondes inconnus et final à grand spectacle. Une fois ce roman refermé, La Dissonance fera partie de votre existence et ne la quittera plus jamais. Ici et maintenant. Demain et ailleurs.

« La dissonance » de Shaun Hamill, Albin Michel Imaginaire, 640 pages, 24,90 €

mercredi 16 avril 2025

Littérature fantastique - Les Cartographes chassent les erreurs

Experts en cartes anciennes, les Cartographes découvrent un secret caché derrière une banale erreur : certains villages imaginaires peuvent parfois devenir réels.


Qui n'a pas rêvé en parcourant une simple carte routière ? Imaginer des vies en découvrant des noms de village dont on ne connaissait pas l'existence ? Une carte, c'est le début du voyage, vers de nouveaux paysages, l'inconnu, des aventures, des rencontres. Tout un monde contenu dans une feuille de papier plié et parfois oubliée depuis des années au fond de la boîte à gants d'une voiture.

Peng Shepherd, jeune romancière américaine, a passé de longues heures à sillonner des contrées inconnues à l'aide de cartes. Des pays réels, d'autres imaginaires. Et son roman Les Cartographes débute exactement à l'intersection des deux, quand un village fictif, ajouté dans une véritable carte de l'Etat de New York en 1930, devient réel pour les détenteurs de la carte erronée. Un postulat particulièrement troublant pour les professionnels. Car une carte doit reproduire, à la perfection, le monde mesuré, étalonné et répertorié par ces fameux cartographes.

Pour rajouter un peu de fantastique dans ce monde cartésien, l'autrice raconte la vie passionnée de la famille Young. D'abord Tamara et Daniel, deux étudiants, amoureux, mariés et parents de Nell. Le roman débute le jour où Nell, la trentaine, apprend la mort de son père. Retrouvé sans vie dans son bureau de la New York Public Library, immense bibliothèque, au milieu de son bureau sans dessus dessous. Nell était brouillée avec son père. Depuis plusieurs années. Elle raconte comment la découverte dans les dons à classer d'une simple carte de l'état de New York imprimée en 1930 a provoqué l'ire du paternel. Une carte qu'elle retrouve dans le tiroir secret du bureau de Daniel Young. Cachette qu'elle seule connait.

Avec son ancien petit ami, Felix, et quelques amis du père, Nell va étudier la carte et découvrir sa particularité : un village fictif, Agloe, a été ajouté. Et si Agloe, village chimère destiné à tromper les copieurs, existait réellement dans une autre dimension ? Le roman, de saga policière et familiale, devient variation fantastique permettant à tout le monde de rêver encore dix fois plus en parcourant une carte. A la recherche de son propre village d'Agloe.

« Les Cartographes », Peng Shepherd, Le Livre de Poche, 640 pages, 10,90 €

lundi 17 mars 2025

BD - Les horribles découvertes de Randolph Carter

Randolph Carter, intrépide héros américain engagé dans la Légion étrangère française, imaginé par H. P. Lovecraft, bénéficie d'une adaptation de ses péripéties en bande dessinée. Au scénario, Simon Treins, pseudonyme d'un auteur qui a déjà quelques centaines d'albums à son actif. Les dessins ont été confiés à Jovan Ukropina, auteur Serbe au trait enlevé et dynamique, parfait dans la retranscription des horribles cauchemars sortis des pires situations imaginées par Lovecraft. 

La seconde partie est orientale. Carter, après les tranchées françaises de la première guerre mondiale, rejoint Beyrouth. Il est recruté par un militaire français qui veut espionner les forces turques. La situation politique et militaire dans ce Moyen Orient déjà très agité est très incertaine. Les clans locaux doivent faire avec les vues impérialistes des Français et des Anglais. 

En pénétrant dans le désert, la petite troupe tombe sur des créatures, des goules, assoiffées de sang. Et en se réfugiant dans des cavernes, Carter et ses amis découvre des monstres gagnant en méchanceté et en grandeur. Bref, ce voyage "Par-delà les portes d'ivoire et de corne" (titre du second volume de la série), restera longtemps dans la mémoire des rares survivants. L'histoire est assez obscure et compliquée, mais on ne peut qu'admirer les dessins d'Ukropina.

"Randolph Carter" (tome 2), Soleil, 56 pages, 15,95 € 

vendredi 21 février 2025

BD - Dans les affres du "Magma" de Nicolas Bastide

Entré dans la BD en tant que coloriste, Nicolas Bastide, fort d'une belle expérience dans un collectif d'Angoulême, signe son premier album. Une histoire fantastique inquiétante, terrifiante, inspirante. Une centaine de pages parfaitement composées où les personnages principaux vont faire une expérience unique de découverte d'un monde parallèle. 

Sur une petite île volcanique, sans doute à la fin du XIXe siècle au large de l'Angleterre (rien n'est véritablement expliqué), une fillette joue dans la nature alors que ses parents se prélassent dans l'herbe. Elle disparait brièvement et est retrouvée inconsciente. Elle aurait chuté. Mais son explication est différente. 

Entre les rochers, elle a découvert une ouverture vers le magma des entrailles de l'île. Elle s'est dirigée vers ces paysages rougeoyants puis a fait demi tour. Depuis, elle a des visions qui terrorisent les habitants de l'île. Envoyée en pension dans une institution religieuse, elle va y mourir assez jeune, laissant à ses parents un cahier secret où elle raconte ses péripéties dans le magma. 

Trente années plus tard, une autre femme est découverte évanouie au même endroit. Son mari, un antiquaire, va utiliser le cahier de la première victime pour tenter de réveiller son épouse. Cette quête dans le fantastique permet à l'auteur, Nicolas Bastide, de montrer tout son talent lors de scènes oniriques puissantes. Un album original et personnel, loin de tout cliché ou mode du moment, aux dessins expressifs au service d'une histoire entre cauchemar et découverte de soi.

"Magma" de Nicolas Bastide, Glénat,  104 pages, 22,50 €

vendredi 14 février 2025

BD - "Les navigateurs" raconte l'histoire de Paris, cité lacustre et fantastique

Voir Paris différemment. Loin des clichés touristiques, d'une cité figée dans un passé récent. Le roman graphique "Les navigateurs" de Serge Lehman et Stéphane de Caneva est digne d'une expérience psychédélique. Vous allez pénétrer dans un monde que vous ne soupçonnez pas, une monde fantastique rempli de monstres sévissant dans les profondeurs de la capitale depuis des siècles et des siècles. Du noir et blanc, entre enquête contemporaine, plongée dans le surréalisme et visions cauchemardesques. 

Max
Pour prendre le chemin de la "vieille mer" et croiser le chemin de "l'aragne" ou des "mangles", le lecteur doit d'abord apprendre à connaitre les trois membres de la bande du Panorama. Trois ados de la banlieue (Clamart), qui 20 années plus tard, sont toujours en relation. Max, écrivain brimé, journaliste frustré mais vivant quand même de sa plume, Sébastien, héritier de la maison d'édition de son père et Arthur, l'aventurier, celui qui voulait découvrir le monde mais qui vit toujours à Clamart, une jambe en moins, handicapé ne survivant qu'avec sa pension et l'argent sale de petits trafics. 

Les trois copains ont intégré dans la bande, durant moins d'un an, une fille. Neige. Quand elle revient, ils décident de l'inviter dans une soirée de retrouvailles. Mais c'est dans sa maison que le groupe se reconstitue, découvre une fresque cachée sous une tapisserie moisie. 

Neige, Max et la fresque.

Le soir même, Neige disparait alors que Max est persuadé qu'elle est victime d'une araignée géante. Neige qui est dessinée, nue, sur la fresque.  

Le début, entre considérations d'adultes torturés par les contraintes d'aujourd'hui et irruption du fantastique dans leur quotidien est intrigant. Ils mènent l'enquête, découvrent un monde caché dans les quartiers populaires parisiens et finissent par enfin trouver une entrée vers le monde de la "vieille mer". 

Une histoire passionnante, qui pourrait se décliner en série télé (à condition d'y mettre le budget en décors et effets spéciaux). Les dessins de Stéphane de Caneva, en noir et blanc, avec quelques hommages à des graveurs du début du XXe siècle comme Odilon Redon, sont parfois à la limite de l'hypnose. Attention, à trop les regarder, vous pourriez vous aussi rencontrer l'aragne ou un mangle à l'odeur de boue et de déchets organiques en putréfaction. 

"Les navigateurs", Delcourt, 208 pages, 26,50 € 


mercredi 8 janvier 2025

Cinéma - Avec sa version de “Nosferatu”, Robert Eggers sort les griffes

Gothique et effrayante, Robert Eggers signe une version modernisée mais fidèle du Nosferatu de Murnau.


Le 25 décembre 2024, ce n’est pas le Père Noël qui arrive sur les écrans des cinémas mais la pire créature, la plus effrayante, imaginée par le 7e art. Nosferatu le vampire, un peu plus d’un siècle après le film de Murnau, revient hanter les nuits des spectateurs.

Un remake signé de Robert Eggers, prodige américain au style affirmé. Révélé par The Witch, il a depuis étonné et déçu. Ce retour aux sources du cinéma a de quoi réjouir les esthètes. D’entrée, la première séquence place la barre très haut.

Un cauchemar de la jeune héroïne (Lily-Rose Deep), tourmentée par une créature monstrueuse. Scène choc, alliant horreur, gothisme et dramaturgie. Le tout grâce à des images construites comme des tableaux. Le comte Orlok, Nosferatu (Bill Skarsgård) sous son aspect le plus horrible, n’apparaît que très fugitivement. Suffisamment cependant pour que l’on redoute son retour.

Les griffes du vampire

Ce sera dans son château des Carpates, quand il accueille le mari (Nicholas Hoult) de la femme qu’il convoite. Il vient lui faire signer les papiers d’une soi-disant acquisition immobilière. La séquence dans les montagnes enneigées et les ruines du manoir, sont terrifiantes. Ce n’est pourtant que le début de la tragédie.

De retour en Allemagne, le jeune homme va tenter de sauver son épouse. Mais cela paraît bien trop tard. Sous emprise de Nosferatu, elle semble possédée. Cela donne des passages nocturnes où l’on retrouve la terreur provoquée par la simple ombre planante d’une main prolongée par des ongles pointus, tels des griffes aiguisées comme des rasoirs, sur une Lily-Rose Deep en chemise de nuit blanche. Contraste plus efficace que tous les effets spéciaux numériques. Même s’ils ne sont absents de ce film, notamment dans la transformation du Comte en Nosferatu.

Plus qu’un hommage à l’œuvre originale de Murnau, le Nosferatu de Robert Eggers est un film personnel très abouti. Les décors sont minutieusement reconstitués, l’éclairage (naturel) provoque un effet angoissant supplémentaire, certains plans séquences apportent un plus au suspense et l’effroi surprend, même si on s’y attend. En plus de remplir son contrat de nous faire peur, Nosferatu est un exemple pour tous les réalisateurs qui oublient que le cinéma est un art et qu’ils peuvent, juste avec un peu de talent, transfigurer tout scénario, même le plus connu.

Film de Robert Eggers avec Lily-Rose Depp, Bill Skarsgård, Willem Dafoe, Nicholas Hoult

samedi 29 avril 2023

Fantastique - Stephen King réenchante à sa façon le « Conte de fées »

Retrouvez un Stephen King en très grande forme dans un roman foisonnant d’inventions narratives. Prêts pour la descente au pays des contes de fées ?


Il n’a rien perdu de son génie de la narration. Stephen King est toujours passionnant quand il se lance dans de grands projets permettant de donner libre cours à son imagination débordante. Conte de fées, ce pavé de plus de 700 pages est un excellent cru dans la longue bibliographie de celui qui a popularisé le thriller fantastique à travers le monde. L’histoire suit les péripéties sur terre et dans l’Autre Monde du personnage principal, Charlie, 17 ans, qui semble le reflet de l’auteur quand il était jeune et surtout une simple chienne nommée Radar, vieille, malade, mais très attachante.

Le début du roman, raconté à la première personne par Charlie, est très réaliste. Du style Chronique sociale qui dépeint cette Amérique qui ne fait pas vraiment rêver. Charlie vit simplement dans une petite ville de province entre sa mère et son père.

Le trou vers l’Autre Monde 

Mais un soir, en allant acheter à manger, la maman est tuée par un chauffard. Le père tombe dans une longue période d’alcoolisme. Durant près de 10 ans, Charlie devra se débrouiller presque seul à la maison. C’est donc un garçon déjà dur au mal qui découvre un matin son inquiétant voisin M. Bowditch, blessé dans son jardin. C’est sa chienne, Radar, un berger allemand au pelage élimé, qui a donné l’alerte en hurlant à la mort. Charlie va aider ce vieillard taciturne, devenir son aide familiale, son ami. En échange, le vieil homme lui livre ses secrets : il a plus de 100 ans, a ramené de l’Autre Monde, un pays merveilleux mais très dangereux, des pépites d’or qui lui permettent de vivre simplement sans avoir à travailler. Dernière révélation : la porte de l’Autre Monde est un puits caché dans le cabanon de jardin.

Les 200 premières pages du roman, très humaines, racontent avec gravité et beaucoup d’humanisme cette amitié naissante. La suite est beaucoup plus agitée. Charlie descend le long escalier en colimaçon qui le mène vers l’Autre Monde. Il part avec sa chienne, car un cadran solaire aurait le pouvoir de la faire rajeunir. Dès lors le lecteur, happé par cet univers extraordinaire, va palpiter dans le sillage d’un Charlie bravant tous les dangers pour sauver Radar. Il découvre un peuple malade, qui perd ses traits, devient gris. Notamment une jeune princesse, Leah, charmante mais dont la bouche s’est refermée comme une vilaine cicatrice : « Voilà bien la veine de Charlie Reade, tomber raide amoureux d’une fille que je ne pourrai jamais embrasser sur la bouche. » Dans ce monde crépusculaire, peuplé de loups la nuit, de gros cafards rouges et d’hommes et de femmes mourants, il va trouver des réponses auprès d’un aveugle. Notamment sur la maladie grise : « Respirer devient de plus en plus difficile. La chair inutile avale le visage. Le corps se referme sur lui-même ».

Charlie devra donc affronter de nombreux cauchemars bien réels (Stephen King en a toujours un plein sac en réserve) avant sauver son animal adoré et retrouver sa jolie (mais défigurée) princesse. Car c’est dans un véritable monde de conte de fées, où le Mal tente de l’emporter sur le Bien, que le jeune Américain tombe en descendant l’escalier. Un monde à préserver qu’on quitte à regret à la fin du roman.

« Conte de fées » de Stephen King, Albin Michel, 24,90 €

lundi 21 novembre 2022

Fantastique - "Les habitants du mirage" chez Callidor


Il y a 90 ans, Abraham Merritt publiait ce roman, considéré comme le premier du genre de l’heroic fantasy. Une édition collector, avec les superbes et très modernes illustrations d’époque de Virgil Finlay permet à tous les fans du genre de redécouvrir ce texte à l’imagination féconde. Leif, au cœur des neiges éternelles de l’Alaska, rencontre la belle Evalie ainsi qu’une sorcière qui voit en lui la réincarnation du roi du temps jadis, Dwayanu. Un important cahier en fin d’ouvrage recontextualise ce roman dans son époque. 

« Les habitants du mirage », Callidor, 25 €


lundi 7 février 2022

Série télé - « Feria », dans les profondeurs de l’horreur


Production espagnole proposée sur Netflix, Feria : l’éclat des ténèbres (Feria : la luz más oscura en version originale) est une série fantastique qui dénote un peu sur la plateforme mondiale. Très inspirée par l’affaire du Temple solaire, la série débute par un suicide collectif dans une mine abandonnée. Mais ce n’est pas un simple polar car les créateurs, Carlos Montero et Agustín Martínez ont rajouté une bonne grosse dose de fantastique gothique
L’action se déroule en deux temps.  En 1975, au moment où l’Espagne redécouvre la démocratie après le long tunnel dictatorial de Franco et en 1995, 20 années plus tard. Le suicide a lieu en 1995 et semble orchestré par un couple local qui disparaît immédiatement après. On suit le parcours de leurs deux filles, Sofia (Carla Campra) et Eva (Ana Tomeno) qui n’étaient au courant de rien. Mais la première aurait des dons pour aller dans l’autre monde, celui des ténèbres. Parfois un peu long, notamment dans les incantations, les épisodes sont très inégaux. 

On apprécie la reconstitution de l’Espagne du siècle passé, dans une région sinistrée économiquement. A noter de très nombreuses scènes de nudité durant les messes noires, et une utilisation assez efficace de décors naturels d’exception, des ruelles de Feria, bourgade d’Andalousie aux sinistres galeries de la mine abandonnée où les créatures monstrueuses règnent en maître. Une bonne distraction mais qui est loin de l’originalité de Dark.

samedi 30 mai 2020

Série télé - Les Belges n’aiment pas le soleil


Première série belge produite par Netflix, Into the night joue d’emblée dans la cour des grands malgré des moyens bien moindres face aux grosses productions anglaises ou américaines. Cette série d’anticipation, tendance fin du monde, débute à 100 à l’heure. Un militaire italien de l’Otan détourne un vol en partance pour Moscou. Il ordonne d’aller vers l’ouest. Une fuite éperdue car une modification dans la polarité du soleil le transforme en tueur implacable. 

Si vous êtes effleuré par un de ses rayons, vous mourrez sur-le-champ, comme grillé de l’intérieur par un micro-ondes. Un avion volant vers l’ouest parvient à échapper au jour. Une fois l’évidence admise, l’équipage et les passagers, pour survivre, doivent rester dans la nuit, à l’opposé du soleil. 

Le huis clos dans l’appareil est effrayant, les escales mouvementées et les acteurs, européens, prennent petit à petit la mesure de leurs personnages. Certains se bonifient, d’autres virent super méchants. Dans la distribution, saluons Pauline Etienne, elle interprète une pilote d’hélicoptère de l’armée suicidaire après la mort de son grand amour. Une dépressive suicidaire qui finalement va tout faire pour sauver sa peau et ses compagnons de galère. 

Notons aussi l’excellente partition de Jan Bijvoet qui prête ses traits à Rik, petit homme lâche et insignifiant qui voit dans cette presque fin du monde l’occasion de briller. Jan Bijvoet vu il y a quelques années dans le rôle d’un des musiciens d’Alabama Monroe, le film de Felix Van Groeningen permettant aux distributeurs catalans Jacques Font et Jean-Philippe Julia de remporter un césar. 

dimanche 5 avril 2020

Série Télé. Presque morte mais pas tout à fait à l’hôtel « Beau Séjour »



Dans le genre morbide, les créateurs de la série belge Beau Séjour ont placé la barre assez haut. Dès les premières images on voit l’héroïne, Kato (Lynn Van Royen) se réveiller couverte de sang, blessée à la tête. Elle découvre la chambre d’hôtel où elle se trouve, sans en avoir le moindre souvenir, et voit un cadavre dans la baignoire. Stupéfaction, ce corps, c’est le sien. 
Donc Nathalie Basteyns, Kaat Beels et Sanne Nuyens, les créateurs de « Beau Séjour », série en dix épisodes diffusée sur Netflix ont tué le personnage principal dès les premières minutes. Qu’on se rassure, c’est son fantôme qui va enquêter et tenter de comprendre ce qu’il s’est passé dans cette chambre 108 de l’hôtel Beau Séjour. 
En bon ectoplasme, elle est invisible. Cela lui permet de découvrir que son fiancé sort avec une de ses amies avant même les obsèques, que les policiers locaux chargés de l’enquête multiplient les manœuvres pour ralentir le travail des inspectrices fédérales et que sa mère semble inconsolable. Pour son père, c’est différent. Il la voit toujours. 
Car Kato est invisible pour tout le monde sauf quelques personnes qui semblent directement liées à son assassinat. Cela donne cette scène croquignolesque. Alors que le prêtre s’apprête à prononcer son éloge funèbre, Kato, au fond de l’église, se fait ouvertement draguer par un jeune qui ne la connaissait pas. Un des rares qui peuvent la voir. Elle lui répond que cela ne se fait pas de faire des avances à quelqu’un dans une église. Et lui de répondre : « Ça va, ce n’est pas toi qu’on enterre ! » Et Kato, narquoise, de lui montrer son immense portrait près de l’autel. Un sourire appréciable dans cette histoire assez plombée par l’ambiance et la météo. La Belgique en hiver, ce n’est pas une destination touristique riante. Surtout quand une telle noirceur des âmes s’invite à chaque plan.

dimanche 23 septembre 2018

Thriller - Fantastiques meurtres chinois dans "La rivière de l'oubli" de Cai Jun


Enquête policière, photographie de la Chine contemporaine mais aussi et surtout histoire fantastique à la Stephen King, « La rivière de l’oubli » de Cai Jun a tout pour passionner les lecteurs du monde entier. Une fois passée la barrière des noms chinois, le lecteur plonge dans cette histoire de réincarnation et de vengeance.

En 1995, une étudiante est dé- couverte morte sur le toit d’une école. Son professeur, Shen Ming, avec qui la rumeur lui prête une amourette, est le principal suspect. Shen Ming, placé en garde à vue, est finalement relâché. A sa sortie, il découvre qu’il est l’objet d’un complot et décide d’en tuer l’instigateur. Un premier meurtre suivi d’un autre. Celui de Shen Ming. Mais par qui ? Mystère.

Le début de l’histoire, qui se lit presque comme une grosse nouvelle, n’est que la partie immergée de l’iceberg, le roman faisant près de 500 pages. La suite se déroule 10 ans plus tard. L’ancienne fiancée de Shen Ming, devenues une riche entrepreneuse croise le chemin de Si Wang, un gamin surdoué. Elle entreprend de l’adopter sans savoir qu’il a des pouvoirs surnaturels. Et s’il était la réincarnation de Shen Ming revenu d’entre les morts pour se venger ?

L’intrigue imaginée par Cai Jun, alterne considérations bassement matérielles et réflexions métaphysiques. La culture chinoise n’a pas les mêmes frontières entre la vie et la mort. Cela donne une étonnante gravité à ce qui reste un thriller magistral.

➤ « La rivière de l’oubli », Cai Jun, XO Éditions, 21,90 €

dimanche 9 juillet 2017

BD : H. G. Wells et les monstres de Moreau



Dernier album de la série lancée autour des adaptations des romans fantastiques de H. G. Wells, « L’île du docteur Moreau » est la plus horrible, la plus pessimiste sur l’espèce humaine. Un naufragé se retrouve sur une île peuplée des créatures mi-bêtes, mi-hommes du docteur Moreau. La révolte gronde dans la meute. Le règne de Moreau va prendre fin. Mais le seul survivant, le naufragé, va choisir de poursuivre l’œuvre de domination humaine. En vain. Dobbs adapte le texte et permet à Fiorentino de signer de superbes planches entre jungle et monstres.
➤ « L’île du docteur Moreau », Glénat, 14,50 € 

vendredi 28 février 2014

Thriller - La vie, la mort... un jeu !

Enfin ! Bretin et Bonzon achèvent enfin leur saga fantastico-policière du Complex. Un tome 3 encore plus étonnant que les précédents.


Après « Eden » et « Sentinelle », la trilogie du Complex est enfin bouclée avec « Génération ». A la manœuvre, Denis Bretin et Laurent Bonzon, qui, quand ils écrivent en duo, abandonnent leurs prénoms pour le plus claquant Bretin & Bonzon. Le seul reproche que l'on peut leur faire, c'est la lenteur. Pas dans l'action du roman. Non, dans la parution de cet épilogue tant attendu de tous les lecteurs des deux premières parties de cette vaste saga fantastico-policière. Cinq ans c'est long. On retrouve donc les flics Renzo Sensini et Roman. Le bel Italien impassible au passé mystérieux et l'informaticien, un peu mou, trop gras et timide, mais à l'intelligence acérée et compétences techniques sans limite. Le duo travaille à Interpol. Du moins Roman car Renzo vient de démissionner.

L'Aubrac en décor
Les premières pages de ce troisième tome reviennent succinctement sur les événements précédents. La découverte du vaste complot par Sensini, la rédaction d'un rapport circonstancié et sa mise au placard immédiate. Visiblement il s'attaque à beaucoup plus fort que lui. D'autant que son amie, Iva, est éliminée. Un meurtre comme une simple mise en garde très explicite destinée à Sensini. Inquiet, ce dernier va immédiatement se rendre chez Léo, son ami prêtre retiré dans une maison isolée sur l'Aubrac. Une bonne partie du roman se déroule dans cette belle mais rude région de l'Aveyron. Dans la maison de Léo, déserte et transformée en camp de base par Sensini, dans une autre maison à proximité, la cave exactement où est détenu Léo, torturé par un homme se faisant appeler le Loup. Lentement mais sûrement, on devine la confrontation à venir entre ce dernier et Sensini. Une vieille dette à solder.

L'île du jeu
Une intrigue en plus dans la trame du roman déjà très riche. L'action se déplace parfois aux USA. En Virginie, là ou vit une certaine Tracy. Cette « gameuse » qui a pour pseudonyme RosaLux (pour Rosa Luxembourg) tente avec d'autres passionnés de jeux vidéo, d'atteindre le niveau 9 de l'île. Ce jeu, apparu récemment sur la toile, est unique. Il est réservé aux meilleurs. Si réel qu'on peut y laisser sa peau, au figuré.
La partie fantastique du roman est parfois un peu compliquée. Il faut s'accrocher et faire une sacrée gymnastique pour passer de la réalité à la réalité virtuelle puis à cette île, lieu imaginaire peuplé par des « partners » qui ont tout l'air d'être les maîtres du monde. Tels les Dieux sur l'Olympe, ils regardent les Humains courir en tous sens comme des cohortes de fourmis dérangées dans leur labeur programmé. Ils aiment bien jouer avec les mortels. Mais n'apprécient pas du tout quand on s'approche de leur repaire, le fameux niveau 10 de l'île. Pour se protéger ils ont une arme redoutable : Chitchine, tueur russe implacable.
L'attrait de ce roman fleuve de 400 pages consiste aussi dans la multiplicité des personnages. Les chapitres courts, très rythmés, empêchent le lecteur de s'ennuyer. Il est happé par le mouvement et l'inéluctable. Et en toile de fond on trouve une réflexion sur la manipulation des masses. Complex est un roman policier tirant sur le fantastique mais avec une bonne dose de politique pour ne pas mourir idiot.
Michel LITOUT

« Génération » (Complex, tome 3) de Bretin et Bonzon, éditions du Masque, 20 €

vendredi 7 juin 2013

Polar - Anges déchus à la manœuvre avec John Connolly aux Presses de la Cité

Charlie Parker, le détective créé par John Connolly, trouve de nouveau des anges déchus sur son chemin. Du fantastique effrayant.


Le Maine, charmant état du nord est des USA, est célèbre pour ses forêts. De belles étendues, encore sauvages, regorgeant de gibier. Ces bois deviennent le lieu de toutes les peurs quand ils tombent entre les mains d'écrivains talentueux. C'est dans le Maine que Stephen King situe ses romans les plus horribles. C'est aussi dans le Maine que s'est retiré Charlie Parker, le détective privé imaginé par John Connolly. L'ancien flic, traumatisé par l'assassinat de sa femme et sa fille, vivote dans la ville de Portland. Il va rarement dans les bois. Pourtant dans ce thriller plus fantastique que policier, il va devoir affronter les créatures réfugiées dans ces lieux isolés.

L'avion et la fillette
Tout débute par la découverte d'un avion. L'épave d'un avion exactement. Un petit bimoteur en train d'être mangé par la végétation et absorbé par les marécages de la forêt impénétrable de Falls End, petite ville au bout de l'état du Maine, à quelques encablures du Canada. Deux chasseurs, Harlan et Paul, poursuivant un cerf blessé, s'égarent et tombent sur cet appareil dont la disparition n'a jamais été signalée. A l'intérieur, ils trouvent une grosse quantité d'argent et une liste énigmatique, Mais pas de cadavres. Ils constatent également que le siège passager était occupé par quelqu'un d'entravé. Les menottes ont cédé au moment du crash. L'homme, ou la femme, semble avoir pu s'enfuir. Surpris par la nuit, les deux chasseurs décident de passer la nuit à l'intérieur de la carlingue. Une nuit inoubliable pour les deux hommes. Ils sentent une présence et finissent par entrevoir une fillette. A moins que cela ne soit dans un rêve. « Une petite fille dont il ne voyait pas clairement le visage dansait dans les bois. Elle s'approchait du feu, plongeait le regard dans la fumée et les flammes, examinait les deux hommes, s'enhardissait et venait plus près, jusqu'à ce qu'elle tende la main et touche le visage de Harlan. Il émanait d'elle une odeur de pourriture. » Prenant leurs jambes à leur cou, ils rejoignent la civilisation et utilisent l'argent discrètement pour améliorer leur quotidien.

Méchant Collectionneur
Des années plus tard, sur son lit de mort, Harlan raconte cette histoire à ses enfants devenus adultes. Il leur demande de contacter le détective Charlie Parker pour enquêter sur l'avion. Reste à savoir pourquoi. L'auteur ne dévoile pas immédiatement le lien entre l'avion et le héros. Ce sera le fruit d'un enquête parsemée de cadavres.
La liste, des noms connus et moins célèbres, semble être au centre de toutes les convoitises. Charlie Parker retrouve de vieilles connaissances, les anges déchus. Ces créatures maléfiques œuvrent dans la coulisse pour faire triompher le Mal. Mais elles doivent se méfier du camp du Bien. Parker sera un allié précieux, cependant plus timoré que le bras armé des bons : un tueur en série d'un rare sadisme, le Collectionneur fumeur invétéré répandant sans son sillage une forte odeur de nicotine.
Logiquement, l'explication finale se déroule dans les bois, près de l'avion et de la fillette. Un roman fantastique transpirant la peur à chaque page. Pas sûr qu'il favorise le tourisme dans l'Etat du Maine...
Michel LITOUT

« La colère des anges », John Connolly, Presses de la Cité, 22 €

jeudi 20 octobre 2011

Thriller - La vérité du diable dans "Cornes" de Joe Hill chez Lattès

Après une soirée arrosée, Ig se réveille avec deux cornes sur le front. Un roman diabolique de Joe Hill sur les démons de l'Amérique profonde.


Il n'est jamais bon de boire trop. Ig Perrish, le héros narrateur de ce roman de Joe Hill ne peut qu'approuver. Après une beuverie sans fin, il se réveille au petit matin avec un mal de crâne carabiné. Un passage par la salle de bain lui confirme ce qu'il pensait : il a une mauvaise tête. Et deux cornes dur le front ! « En elles-même, elles n'avaient rien d'imposant, ces cornes : longues comme le doigt, épaisses à la base, elles s'affinaient en se recourbant vers le haut. Elles étaient recouvertes d'une peau blafarde, sa peau, sauf tout au bout, où les pointes étaient d'un vilain rouge enflammé, comme si elles s'apprétaient à transpercer la chair. » Non, Ig ne rêve pas, en une nuit, il semble être devenu un démon.

Sous des airs innocents...

Paniqué, il sort de chez lui et va errer dans cette petite ville de l'Amérique profonde où se déroule l'action. Il connaît à peu près tout le monde. Et lui aussi est bien connu. Surtout depuis l'an dernier, quand sa petite amie, Merrin, a été retrouvée violée et assassinée près d'une ancienne fonderie. Tout accusait Ig. Mais il a réussit à prouver son innocence. Sauf que pour la majorité de la population locale, il reste cet « enfoiré de violeur ».

Tentant de cacher ses cornes, il va rencontrer quelques connaissances et constater que ses nouveaux attributs ne gênent personne. Au contraire, les gens, à son contact, ne peuvent s'empêcher de dire la vérité, de dévoiler les secrets les plus enfouis au fond d'eux. Du curé érotomane à la mère ayant envie d'abandonner son enfant, il va découvrir son nouveau pouvoir. Cette partie pourrait être très amusante si ce n'étaient les torrents de boue qui sortent des bouches de ces hommes et femmes semblant si normaux. Ainsi ce réceptionniste à la permanence du député républicain, « un gros type aux cheveux en brosse », il explique à Ig qu'une « fois par mois, je m'accorde une journée de décompression et je reste chez moi. C'est bon pour ma santé mentale. Je mets les dessous de ma mère et je me fais une bonne branlette. Pour une vieille sur le retour elle a des trucs vraiment coquins. » « Cornes » de Joe Hill est un roman extrême, qui dévoile les pires travers de cette Amérique trop puritaine pour être équilibrée.

Dieu ? Un scribouillard !

Mais ce récit, loin de n'être qu'une série d'horreurs, est un texte beaucoup plus sensible et intelligent. La première partie ressemble à du Stephen King, les suivantes s'approchent de l'univers de John Irving. Pour tenter de comprendre ce qui lui arrive, Ig va se remémorer son histoire d'amour avec Merrin jusqu'au gouffre que constitue son assassinat. Une histoire d'amour entre gamins, belle et lumineuse. On en apprend plus sur les amis de cette époque bénie, Lee, le timide, toujours là pour réconforter son pote, Terry, le frère attentif et protecteur.

Alors pourquoi tout a basculé cet été-là ? Ig va entrevoir la vérité grâce à son nouveau don, certains racontant ce qu'ils avaient juré ne jamais dire. Ig endosse alors son costume de diable avec un plaisir réel. Cela donne un final violent et sans pitié, atténué par une fin sans espoir mais apaisée. Et alors que sa vengeance se met en place, Ig se permet quelques réflexions bien senties sur la religion en général comme cette comparaison prenant une double signification sous la plume de Joe Hill, fils d'écrivain célèbre : « Dieu n'est plus pour moi qu'un écrivain de gare, qui construit ses histoires sur des intrigues nulles et sadiques. » « Quant au diable, il est en premier lieu un critique littéraire qui fustige publiquement et à bon droit ce scribouillard sans talent. » Pour la petite histoire, Joe Hill est le fils de... Stephen King.

« Cornes » de Joe Hill, Lattès, 22 € 

samedi 17 octobre 2009

BD - Bienvenue à Sable Noir, deux fois...


"Vampyres Sable Noir" est un vaste projet autour de l'univers des vampires à travers trois modes d'expression : la littérature, le cinéma et la bande dessinée. A la base, six écrivains ont fourni des nouvelles à partir du pitch suivant : « Dans le village de Sable Noir, la malédiction s'abat le 3 novembre... » Ensuite, des cinéastes s'emparent de ces écrits pour les adapter à l'écran pour la chaîne Ciné Cinéma Frisson. Tr

oisième étage de la fusée, cette année, des duos scénaristes-dessinateurs proposent leur propre vision. Cela donne deux gros albums contenant chacun trois récits de 25 pages. Et pas mal de surprises car les talents sont au rendez-vous : des textes originaux de Thierry Jonquet, Ann Scott, Brigitte Aubert ou Pierre Pelot, des adaptations d'Alcante, Krassinsky, Filippi ou Ricard sans oublier les dessinateurs (par ordre d'entrée en scène), Laumond, Redolfi, Lieber, Matteo, March et Durand.

Du contemporain à l'ancien, du romantique au gothique, vous aurez du vampire à toutes les sauces. Avec cependant une constante : la couleur rouge du principal ingrédient.

« Vampyres » (tomes 1 & 2), Dupuis, 16 € 

samedi 26 septembre 2009

Fantastique - Les vampires high-tech de Guillermo del Toro et Chuck Hogan

New York aux mains des vampires. C'est ce qui risque d'arriver dans le premier tome de cette trilogie signée Guillermo del Toro et Chuck Hogan.


Dans la littérature de genre, le roman de vampire a toujours obéi à des codes bien précis. « La lignée » n'échappe pas à la règle tout en réactualisant le thème. Le premier tome de cette trilogie est signée de deux grands noms de l'imaginaire : Guillermo del Toro, cinéaste surdoué à qui l'on doit, entre autres « Hellboy » et « Le labyrinthe de Pan » s'est associé au romancier Chuck Hogan, maître du thriller.

L'arrivée de la menace ne se fait pas en bateau mais en avion. Dracula avait débarqué à Londres dans un voilier, cette fois le vampire, le Maître rebelle, rejoint New York à bord d'un Boeing 777, le dernier fleuron de la flotte du constructeur américain. Débarquement manquant de discrétion. Après avoir traversé l'Atlantique sans encombre et s'être posé sur le tarmac de l'aéroport international JFK, le gros porteur s'immobilise en bout de piste, tous feux éteints. Les premiers techniciens et pompiers se rendant sur place découvrent un avion hermétiquement clos et sans signe de vie à l'intérieur. Craignant un attentat au gaz, c'est le chef du CDC (Center for Disease Control), Eph Goodweather qui est sollicité. Son unité surnommée Projet Canari, est une « brigade d'intervention rapide composée d'épidémiologistes de terrain et organisée de manière à détecter et identifier les risques biologiques potentiels. Son domaine de compétence comprenait aussi bien les risques naturels tels que les infections virales que les contaminations délibérées. Mais bien sûr, son financement était principalement justifié par la lutte contre le bioterrorisme. » Eph doit donc abandonner son fils, Zack, dont il n'a la garde que les week-ends pour se rendre à JFK. Ce qu'il découvre à l'intérieur de l'avion est saisissant. Tous les passagers et membres d'équipage sont morts, comme foudroyés en un instant. Il n'y a que quatre survivants : le troisième pilote, une juriste, un informaticien et une star du rock. Ils sont mis en quarantaine dans un hôpital alors que les cadavres, plus de 200, sont placés dans un hangar de l'aéroport.

Disparition de cadavres

Commence une enquête médicale complexe qui va interpeller les médecins et l'équipe du CDC. Première bizarrerie, les cadavres ne semblent pas se décomposer. Et les autopsies révèlent qu'ils ont été vidé de leur sang par des entailles, quasi chirurgicales, au cou. Les survivants ne se souviennent de rien mais n'ont qu'une envie : retourner chez eux. La juriste, spécialisée dans les actions contre les administrations, parvient rapidement à trouver une faille et fait rompre la quarantaine. Tout se complique pour Eph quand trois des survivants se retrouvent dans la nature et que les cadavres disparaissent du hangar. C'est la première nuit, le début de l'éveil, de l'invasion.

Ce roman de près de 500 pages est passionnant par sa démarche scientifique tout en faisant monter l'angoisse puisée dans les peurs ancestrales des civilisations. On apprécie le foisonnement de personnages, de la rock star gothique imbue de sa personne au petit truand new-yorkais dépassé en passant par le rescapé de la Shoah ayant déjà combattu les strigoï. Tous ont leur utilité dans la dramaturgie des événements. Sans oublier le Maître vampire. Les auteurs ne le font intervenir directement qu'à mi roman, mais son image et sa stature devraient longtemps rester dans vos mémoires, voire vos cauchemars...

« La lignée », Guillermo del Toro & Chuck Hogan, Presses de la Cité, 21,50 € 

samedi 15 août 2009

SF - L’Antéchrist de Moorcock, quand le quotidien devient un enfer…


L’avantage avec les nouvelles c’est que le lecteur, dans un même volume, peut trouver plusieurs ambiances et atmosphères. Exemple avec ce recueil de Michael Moorcock qui passe d’un monde lumineux et bienveillant personnifié par Edwin Begg, l’Antéchrist de Clapham, à l’univers sinistre et paranoïaque du “Général Opium”.

Tout débute par une rencontre avec l’Amiral hiver. Une vieille femme, retirée dans une maison de campagne, loin de la civilisation, découvre un jour un papillon dans son garde-manger. En quelques pages, Moorcock parvient à planter une ambiance qui frappe le lecteur. Un simple papillon parvient à émouvoir cette femme en bout de course.

Emouvant aussi cette fuite dans la campagne anglaise d’un ancien roadie au volant d’un campingcar. Mo n’est pas seul dans l’habitacle de sa maison ambulante. Il partage sa vie avec sa paranoïa… et le fantôme de Jimmy Hendrix. Exactement,Mo est persuadé que le plus grand guitariste de tous les temps n’est pas mort. Qu’il s’est simplement mis au vert en sa compagnie, attendant le bon moment pour faire son retour.

De la paranoïa il en est également beaucoup question dans “Le général Opium”, récit de la lâcheté d’une femme vivant avec un dealer aux neurones complètement grillés par toutes les saletés qu’il a fumées ou s’est injecté dans les veines. Elle n’ose pas fuir devant la folie de celui qu’elle aimait.

Mais les textes de Moorcock sont aussi empreints d’un optimisme dévastant tout sur leur passage. Dans un Londres que l’auteur décrit gangrené par les investisseurs immobiliers, un journaliste retrouve la trace d’Edwin Begg, homme d’église scandaleux, surnommé l’Antéchrist de Clapham dans les années 30. Ce simple pasteur a dérangé sa hiérarchie quand il s’est mis à prononcer des sermons trop révolutionnaires. Il a été défroqué mais a continué à porter la bonne parole dans les foires et marchés. D’où vient sa clairvoyance ? Il répond simplement que c’est en rencontrant une déesse, vivant dans un arbre, qu’il a tout compris. Il a aimé cette apparition, et a même eu un enfant avec elle…

"La bourse du Caire” est la nouvelle la plus marquée science-fiction. Une archéologue américaine prétend avoir été enlevée par des extraterrestres à Assouan en Egypte. Délire d’une femme surmenée selon son frère venu la rapatrier en Europe. Et pourtant ; elle affirme avoir été fécondée par un de ces explorateurs de l’espace. Quand elle a accouché, « c’était comme donner le jour au Messie ». Le bébé est mort au bout de huit jours. Elle attend toujours des nouvelles du père.

Plongez dans ces textes magiques, laissez-vous entraîner dans ces territoires imaginaires : la magie Moorcock vous ouvrira des horizons insoupçonnés.

« Déjeuners d’affaires avec l’Antéchrist » de Michael Moorcock, éditions Denoël, 19 € 

vendredi 26 décembre 2008

Roman - Christopher Priest explore un amour invisible

Le corps meurtri après un attentat, un journaliste tente de se remémorer son dernier amour. Pas évident de se souvenir d'une femme invisible.


Christopher Priest fait partie de ces écrivains de science-fiction qui n'ont pas besoin d'engins spatiaux pour vous faire voyager dans des mondes inconnus. Dans « Le glamour », il développe son intrigue autour de l'invisibilité et de l'oubli. Richard Grey est un journaliste anglais. Cameraman réputé, il a filmé des guerres sans jamais être blessé. La mort, il l'a frôlée dans une rue de Londres. Une voiture piégée. Un simple attentat. Il était au mauvais endroit au mauvais moment. « Quelque chose m'a frappé aux reins, me projetant en avant. Il n'y a eu aucun bruit, mais j'ai violemment heurté l'encadrement en briques d'une vitrine ; le verre épais s'est brisé, les éclats m'ont arrosé. »

Le début du roman se déroule dans une maison de repos. Grey, grièvement blessé, se remet lentement. Bassin fracturé, brûlures, coupures : son corps est meurtri. Son esprit encore plus. Il a totalement oublié ce qu'il a fait les derniers mois. Une amnésie partielle très perturbante.

Vacances enchantées

Quand il reçoit la visite d'une certaine Sue Kewley, il est incrédule. Cette belle jeune femme, graphiste, affirme qu'elle était sa petite amie. Grey a beau se torturer les méninges, il ne se souvient de rien. Sue va alors lui raconter leur rencontre et les quelques semaines vécues ensemble. C'est la troisième partie de ce livre qui parfois prend des airs de romance de vacances.

Sue et Grey se rencontrent dans un train, en France. Il part en vacances, elle rejoint son petit ami, Niall, sur la côte d'Azur. Coup de foudre mutuel, ils font de multiples escales (Nancy, Dijon), s'aimant dans des hôtels impersonnels, profitant de cet anonymat. Mais plus ils se rapprochent de la Méditerranée, plus Sue est anxieuse. Elle ne veut pas que Grey rencontre Niall. Elle veut rompre seule. Grey accepte tout en se demandant à quoi peut ressembler cet homme présenté comme un écrivain fantasque et possessif.

Invisible et libre

Une belle histoire d'amour qui tourne au cauchemar quand Grey pense que Sue est folle. Elle parle seule dans la rue. Elle explique alors au cameraman incrédule que Niall est un « glam ». Le glamour qui permet à un être de se rendre invisible du commun des mortels, les « viandeux ». Elle même a été invisible dans sa jeunesse. Niall l'a séduite, notamment par sa philosophie de la vie : « Il considérait l'invisibilité comme la liberté, un avantage sur les normaux, un moyen de les espionner, de les spolier, de les dominer. » Sue va donc plonger dans le glamour avec lui, « le glamour était devenu un sanctuaire qui me protégeait du monde dur et où je me suis réfugiée. »

Sa rencontre avec Grey va tout changer. Mais elle devra faire deux fois le chemin, le persuader et se persuader qu'une vie normale est possible.

Roman fantastique allant crescendo, « Le glamour » tout en nous faisant rêver, nous ouvre des horizons nouveaux. Il est si tentant d'y croire pour expliquer ces mille petites incohérences de la vie. Trouvez les « glams » et vous expliquerez l'inexpliquable...

« Le glamour », Christopher Priest, Denoël, 21 €