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jeudi 1 juin 2023

Roman - Mylène Desclaux analyse l'amour maternel


"Dans la famille Desclaux, je veux la fille." 
Jouer aux 7 familles a longtemps été impossible chez les Desclaux, célèbre dynastie de Collioure. Car en près d'un siècle, il n'y a eu qu'une seule et unique fille : Mylène. C'est sans doute la raison qui a conduit l'ancienne entrepreneuse reconvertie en écrivain à prendre comme sujet central de son premier roman les relations compliquées entre une mère et sa fille adolescente.

Écrit à la première personne, Gala et moi est la vision fraîche et amusante des déboires d'Andréa, une mère solo de 50 ans, dépassée par les multiples lubies et écarts de sa fille, Gala, 14 ans. Un roman en partie inspiré de la véritable vie de l'autrice, qui a longtemps été publicitaire à Paris et a élevé ses enfants seule. Souhaitons simplement que ses rejetons n'aient pas fait autant de "bêtises" que la Gala du roman.

Autopsie de l'amour maternel

Un roman qui débute en Californie. Andréa, pour se rapprocher de sa fille en pleine crise adolescente, décide de passer une semaine de vacances découverte. Mais dès le premier jour, dans la voiture de location, c'est la soupe à la grimace. Gala veut conduire. Or elle n'a pas l'âge et pas de permis. Le ton monte et la mère craque. Car Gala a une propension affirmée pour faire exploser sa mère. Après une incroyable péripétie (le roman est parfois très mouvementé et plein de suspense), les vacances redeviennent presque reposantes. Mais de retour à Paris, Andréa doit gérer les errements de sa fille au collège catholique sélect où elle poursuit laborieusement ses études. Le début d'un engrenage fatal pour les nerfs d'une maman de plus ne plus au bord de la crise. 

Ce roman, le premier de Mylène Desclaux qui avait publié en 2018, déjà chez Lattès, un essai sur Les jeunes femmes de 50 ans, propose le portrait de deux femmes modernes. La mère, sortie d'une éducation patriarcale, tient à son indépendance, sa réussite professionnelle et sa liberté d'aimer. La seconde, jeune pousse pleine de certitudes, semble une caricature de ces adolescentes trop intelligentes, un peu séductrices, beaucoup manipulatrices. Mais tout aussi attachée à son indépendance et sa liberté que maman. Comment de dépêtrer de cette liaison presque toxique ? Car "l'amour maternel est quelque chose d'indulgent, d'éternel et de complètement tordu. Il est lié à cette acceptation immanente d'endurer à nouveau sa propre enfance, en changeant de rôle."

Souvent comique (l'histoire du tatouage ou de l'usurpation d'identité d'une photographe en vogue), le texte permet aussi à Mylène Desclaux de distiller l'air de rien quelques conseils aux mères face aux jeunes filles rebelles. 

"Gala et moi" de Mylène Desclaux, J.-C. Lattès, 283 pages, 20,90 €

mardi 24 mai 2022

Roman. Olivia Ruiz raconte Carmen dans « Écoute la pluie tomber »

Escota quand plóu en occitan, Écoute la pluie tomber en français, tel est le titre du second roman d’Olivia Ruiz. L’Audoise, après le succès fulgurant de son premier livre témoignage, la commode aux tiroirs de couleur, prolonge l’histoire romancée des femmes de sa famille. On retrouve Rita, le café de Marseillette mais surtout Carmen, personnage central de cette histoire qui va de Narbonne aux environs de Madrid, parle de danse, de tauromachie, de traversée de l’Atlantique en paquebot et de mort prématurée. Carmen, une de sœurs Ruiz, est la plus libre. Elle se rend utile en nettoyant l’hôtel-restaurant de Marseillette, et profite de la vie en se donnant aux garçons de la région. Une féministe indépendante avant la lettre. Pas forcément heureuse de son sort, mais trop humaine pour rejeter cette vie familiale. 

« Ce café c’est aussi le mien. C’est là que j’ai commencé à dévorer la vie avec mon appétit d’ogresse. […] J’essaie de m’en extraire, mais il est irrésistible, ce café, avec sa galerie de gueules cassées. Ce sont des figures. Des atypiques. Des authentiques. Chargés de leur terre, d’une histoire. Et riches des enseignements qu’elles leur ont laissés. » 

Il y a donc toute une partie sur cette Aude si attachante dans le roman. Mais la vie de Carmen bascule quand un matador madrilène fait étape à l’hôtel. Elle partira avec lui, vivre quelques mois dans son hacienda où il forme des jeunes, élève des toros… et trafique avec la mafia. Elle finira en prison. Pas facile les geôles pour femmes sous Franco. C’est la partie dure du roman, même si Carmen en ressort radicalement changée : 

« J’ai beaucoup lu. Moi qui suis peu causante et qui ne m’intéressais à rien ni personne, ça m’a permis de rester en vie. De ne pas céder aux idées noires qui m’envahissaient. » 

Ensuite, à son retour à Marseillette, Carmen va retrouver le petit Escouto. Un gitan, quasiment muet qui ne sait dire que « Escota quand plóu » d’où son surnom, qui a longtemps travaillé sur un paquebot. Malgré la différence d’âge, c’est une belle histoire d’amour qui se noue avec Carmen. Une note d’espoir dans un roman plein de bruit, de fureur et de passion.

« Écoute la pluie tomber » d’Olivia Ruiz est publié chez Lattès et coûte 19,90 €

vendredi 27 mars 2020

Rain, Le Fléau et Virus avec Spirou : fictions dans l’air du temps

Une série, un livre et une BD. Trois œuvres de fiction mais qui en pleine pandémie vont vous faire frémir. Car cette histoire de virus tueur a déjà été imaginée par des auteurs cherchant à terroriser leur public.

The Rain (Netflix)


Mieux que The Walking Dead, The Rain, série danoise diffusée sur Netflix, vous donnera des frissons car il est question d’épidémie virulente. Mais un poil plus mortelle que le Covid19 qui à côté fait figure de gringalet. Le virus de la série est propagé par la pluie. Donc personne n’y échappe. L’action se déroule quelques années après l’infection. Ne reste presque plus de survivants. On suit le retour à l’air libre de jeunes frères et sœurs qui ont vécu caché dans un abri confectionné par leurs parents. L’anarchie règne, les dangers sont multiples. Finalement, c’est pas si mal le confinement…

Le Fléau (Lattès)


Considéré à juste titre comme un des chefs-d’œuvre de Stephen King, Le Fléau parle lui aussi de virus. Une manipulation de chercheurs officiant dans le plus grand secret dans l’armée américaine. Une petite fuite et, en 48 heures, c’est la moitié de la planète qui est contaminée. La Super-Grippe ne va épargner que très peu de personnes. Sans compter le second service : « Au moment où l’épidémie de super-grippe touchait à sa fin, une deuxième épidémie se déclara et dura environ quinze jours. Elle fut particulièrement virulente. […] Dans un sens strictement darwinien, ce fut le coup de grâce. » Ce sont ces très rares survivants que l’on suit dans ce livre monumental de plus de 1 000 pages, dans sa version numérique parue chez Lattès.
Avec un soupçon de fantastique, les derniers humains errant le long des routes des USA dévastés rêvant tous de Mère Abigaël : une vieille Noire de cent huit ans dont dépend leur salut commun. « Elle était vieille, elle n’avait plus beaucoup de force, mais elle avait conservé toute sa tête. Abigaël Freemantle, c’était son nom, était née en 1882. » Mère Abigaël, figure inoubliable de l’impressionnante galerie de personnages du Fléau.

Virus (Dupuis)

Dernier classique utilisant le thème du virus incontrôlable, la 33e aventure de Spirou et Fantasio parue en 1984. Fantasio, journaliste qui a du flair pour les scoops, est sur la piste d’un accident dans une base secrète en plein antarctique. Un des travailleurs, infecté par un virus très dangereux, a pris la fuite. Il va falloir pour nos deux héros trouver un antidote avec l’aide du génial comte de Champignac. « Virus » était la première histoire longue de Tome et Janry. Les deux jeunes auteurs venaient d’être désignés comme repreneurs officiels du héros vedette des éditions Dupuis. Un héritage difficile à porter après le génial Franquin.
Mais dès cette première aventure, mouvementée et contemporaine, sans oublier de l’humour à foison avec Fantasio en gaffeur et Spip en lanceur de bons mots. Étrange comme cette histoire est restée d’actualité. Même si dans la BD, ce sont des industriels qui fabriquent de super-virus pour augmenter leurs dividendes. On peut relire cet album, comme un ultime hommage au scénariste Tome, mort il y a quelques mois. Il n’aura pas connu l’épidémie de Covid19. Il en aurait sans doute tiré quantité de bons gags pour le Petit Spirou.

dimanche 30 juillet 2017

Thriller : Une mère « Épiée » par un mauvais ange


Elle est seule mais avec le sentiment inquiétant d’être épiée en permanence. Marnie, le personnage principal de ce thriller de Michael Robotham, n’a pas la vie facile. Mère d’une adolescente un peu rebelle, Zoe, et d’un petit garçon de quatre ans, Elijah, passant beaucoup de temps dans un placard à discuter avec Malcolm, son « ami imaginaire », elle est au bout du rouleau. Il y a un an, Daniel, son mari, journaliste, a disparu du jour au lendemain.
L’administration ne peut pas le considérer comme mort puisqu’aucun corps n’a été retrouvé. Par contre ses créanciers eux n’ont aucun doute et se retournent vers Marnie pour se faire rembourser. Des créanciers pas du tout accommodants car flirtant avec la pègre : Daniel, joueur compulsif, a cumulé une dette de 30 000 livres.
Pour tenter de reprendre pied, Marnie suit une thérapie avec Jo O’Loughlin, le psychologue héros récurrent des romans de Michael Robotham. Acculée, elle accepte finalement de rembourser « en nature » les prêteurs. Pour la quatrième fois, au début du roman, elle va officier comme « escorte » dans un hôtel de la capitale britannique. Un crève-cœur pour cette jolie jeune femme mais la pression est trop forte et l’homme de main, Quinn, particulièrement violent. Le roman prend un tour différent quand le fameux Quinn est découvert assassiné dans la Tamise, la gorge tranchée par un couteau. De cuisine selon les experts. Marnie est interrogée par la police. Mais aussi par les truands persuadés qu’elle cherche à se rebeller.

■ Jo le sauveur
Perdue, elle décide de se confier à Jo qui, touché par ses accents de vérité, met son copain Ruiz, ancien flic, sur le coup. Mais après Quinn, c’est le concierge de l’immeuble de Marnie qui est retrouvé mort. Lui aussi s’en était pris peu auparavant à la locataire. Tout le début du roman se compose comme une interrogation lancinante : Marnie est-elle capable d’avoir une double personnalité ? Est-elle victime ou coupable ? A moins qu’elle ne soit protégée par un ange gardien impitoyable.
Le roman se lit d’une traite, égrenant ses révélations au compte-gouttes, revenant sur le passé de Marnie, les précédents drames jusqu’à la révélation finale qui laissera pantois même les plus imaginatifs des amateurs de polars.  
➤ « Épiée » de Michael Robotham, Lattès, 22 €

vendredi 12 mai 2017

De choses et d'autres : Un animal bizarre



Charles Foster est un drôle d’animal. Plus exactement Charles Foster se glisse dans la peau des animaux. Il a passé quelques jours sur une prairie pour connaître le quotidien d’un mouton et a depuis multiplié les expériences. Par exemple il a décidé de vivre comme un blaireau. Il s’est creusé un terrier dans une forêt du Pays de Galles, y a dormi la journée pour n’en sortir que la nuit afin de chasser les petites proies nécessaires à son alimentation. Il raconte cette aventure dans son livre de témoignages « Dans la peau d’une bête » dont la version française vient de sortir aux éditions JeanClaude Lattès.
Un blaireau, au grand désespoir de Charles Foster, se nourrit à 85 % de vers de terre. Alors il en a mangé. Beaucoup. Selon lui, ils ont « un goût de terre et de bave ». Et mystérieusement cette saveur est variable. Sans aller jusqu’à tester, je pense que l’appréciation va de « Berk ! » à « Berk ! Berk ! »
Ce test de vie animale est à comparer à la performance artistique d’Abraham Poincheval. Il a commencé par s’enfermer plusieurs jours à l’intérieur d’un rocher ; ensuite tel une poule, il a couvé dix œufs durant trois semaines, jusqu’à éclosion.
Je lui propose pour sa prochaine œuvre extrême de combiner les deux. Il se fait claquemurer dans une coquille d’œuf géante, baignant dans un liquide amniotique. Et au bout de trois semaines (ou neuf mois, ça nous fera des vacances), il en sort, soit en cassant la coquille (version oiseau), soit en empruntant un faux sexe féminin. Sa « renaissance » se transformera assurément en buzz mondial. 

mardi 13 décembre 2016

Thriller : Belladone, alias "La Chimiste", en cavale

Après le fabuleux succès de Twilight, Stephenie Meyer se lance dans le thriller avec sa « Chimiste »
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Dans son service, elle est surnommée « la Chimiste », ailleurs elle est affublée du nom de Belladone. Alex, anciennement Dr Juliana Fortis, est en cavale depuis quelques années. Cette jeune femme, très douée dans sa matière, a été recrutée par un service officieux de la CIA. Son rôle, trouver les meilleures drogues pour faire parler des suspects récalcitrants. Dans son labo elle a fait des recherches et pu les tester sur des « méchants ». Forcément, elle était là quand ils lâchaient prise et racontaient tout. Alex, en connaissant nombre de secrets d’état, devenait elle aussi encombrante. Un jour, avec son mentor, elle bascule du mauvais côté. Et devient une cible à éliminer. Par chance elle évite l’assassinat programmé et prend la fuite. Une cavale qu’elle a préparée de longue date.
Toute la première partie du roman de Stephenie Meyer raconte cette survie au jour le jour. Forcément, quand on échappe plusieurs tentatives d’attentat, on devient de plus en plus paranoïaque. Ce qui explique les nombreux pièges qu’Alex porte sur elle. En plus de bagues avec pointe imprégnée de poison, elle a des boucles d’oreilles charmantes, mais dangereuses. « à manipuler avec précaution ». « Une fois les boucles accrochées à ses oreilles, elle devait faire attention à ses mouvements de tête. C’étaient de petits globes de verre, mais le verre était si fin qu’une note aiguë les briserait, d’autant plus facilement que la substance à l’intérieur était sous pression ». Gaz mortel pour l’assaillant. Alex, pour survivre, devait retenir sa respiration durant une bonne minute…
Quand le responsable de son ancien service, celui-là même qui a lancé ses tueurs à ses trousses, la recontacte pour lui demander de l’aide, elle est sceptique. Craint le piège. Pourtant les preuves sont là. Daniel, un simple prof d’université est sur le point de répandre un virus mortel dans plusieurs villes des USA. Il faut le faire parler, lui extorquer la cachette de l’arme biologique. Alex le kidnappe et entame son interrogatoire.
■ Deuxième cible
Rien ne se passe comme prévu. Dans cette ferme isolée, Daniel semble sincère quand il explique être étranger à cette machination. Alex doute. Serait-elle en train de torturer un innocent ? L’intervention d’un mercenaire, lui aussi en cavale va lui permettre de comprendre. Kevin, frère de Daniel, est la véritable cible du service. Lui aussi est en cavale. Il intervient pour secourir son frère, mais d’autres l’attendent. Roman passionnant, bourré d’informations sur les mauvaises pratiques de certains organismes américains, « La Chimiste » se lit d’une traite. On tombe rapidement sous le charme de ce petit bout de femme terrorisée mais déterminée. Un rôle en or pour toute actrice qui rêve d’un oscar si une adaptation au cinéma est lancée.
➤ « La chimiste » de Stephenie Meyer, éditions Lattès, 22 €

dimanche 20 octobre 2013

Romans - Écrits familiaux


Même après le célèbre « Famille, je vous hais » de Gide, les témoignages font recette. Exemple avec Géraldine Danon, Arthur Loustalot et Nicolas Clément.

La famille, entière et exclusive, est au centre de ces trois livres pourtant très différents. Si Géraldine Danon raconte son périple dans les glaces de l'Antarctique, Nicolas Clément emmène le lecteur au bord de la folie meurtrière avec une fille décidée à venger sa mère de la violence du père alors qu'Arthur Loustalot, dans un style étonnamment imagé, enferme ses personnages dans un appartement exclusivement féminin mais hanté par la présence masculine. La cellule familiale, heureuse, aliénante ou détruite permet à ces trois auteurs de raconter ce qui fera toujours avancer le monde : la filiation et l'héritage.


Actrice dans sa jeunesse, Géraldine Danon a vécu superficiellement. Du moins c'est l'impression générale laissée après la lecture de son périple, en famille et en voilier, dans les glaces de l'Antarctique. La jolie blonde aux rôles parfois déshabillés a laissé la place à une maman de rêve. Sa vie a basculé après sa rencontre avec Philippe Poupon, le navigateur. Deux enfants (en plus de Loup d'un précédent mariage) et l'envie de partager la découverte de notre planète avec eux. Dans « Le continent inconnu », elle raconte comment la Fleur Australe, leur maison voilier, part à la conquête du pôle Sud. Un périple dans des endroits déserts, préservés mais très inhospitalier et dangereux. Est-ce un lieu pour des enfants ? Oui s'ils sont sous la responsabilité d'un père navigateur hors pair et d'une mère attentive. Le livre, agrémenté de deux cahiers photos, raconte la région mais aussi, et surtout, les réactions des enfants et les doutes des parents. Dépaysant et instructif, un voyage immobile pour le lecteur alors que la tribu Danon-Poupon est déjà repartie pour un nouveau périple.

Papa violent

Nicolas Clément dont c'est le premier roman place lui aussi la famille au centre de « Sauf les fleurs ». Marthe, la narratrice, est une adolescente presque heureuse dans une ferme d'une région montagneuse. Elle passe ses journées entre école, animaux et câlins complices avec son petit frère. Le problème de Marthe c'est le père. Il est violent. Notamment avec la mère, victime amoureuse. Et un jour le pire arrive. La mère meurt sous les coups du père... Famille éclatée. Le cadet est placé dans une famille d'accueil, Marthe avec son premier amour part aux USA. Mais un jour elle reviendra. Elle retrouvera son père... Style acéré, phrases chocs, tension perpétuelle, ce court texte ne laisse pas indifférent. Marthe c'est un peu la figure générique de toutes les victimes lassées de subir.

Maman folle

Une mère amoureuse d'un mari absent est au menu de « La ruche » d'Arthur Loustalot. Femme à la dérive, elle a heureusement ses trois filles pour placer des garde-fous à sa démence destructrice. Car si l'amant est parti, depuis elles restent toutes les quatre dans ce petit appartement décrit minutieusement par l'auteur. Il raconte par le menu les tâches ménagères des unes et des autres. Une plongée dans la trivialité du quotidien, comme pour mieux exorciser cette descente dans les bas-fonds de l'aliénation. Un roman dur, âpre, où la jeunesse et l'insouciance sont mises à mal par cette désespérance maternelle. Trois livres différents, opposés tout en étant complémentaires. Car s'il y a des familles heureuses, d'autres sont déchirées et certaines sont condamnées.

« Le continent inconnu », Géraldine Danon, Arthaud, 19,90 €
« Sauf les fleurs », Nicolas Clément, Buchet Chastel, 9 €
« La ruche », Arthur Loustalot, Lattès, 16 €



dimanche 28 avril 2013

Roman - Arnaque au monstre par Josh Bazell

Ancien tueur à gages devenu médecin, Peter Brown, le héros imaginé par Josh Bazell, se lance sur les traces d'un monstre marin terrorisant une région du Minnesota.

Comment concilier la profession de médecin avec celle de tueur à gages pour la mafia ? Normalement, des incompatibilités empêchent de faire les deux en même temps. Pas pour Peter Brown. Il a son diplôme et pour payer ses études, il a « pigé » pour la pègre américaine. La personnalité complexe du héros donne tout son sel à ce roman de Josh Bazell. C'est la seconde apparition de Peter. Dans un premier volume « Docteur à tuer » (Lattès, 2010), on découvrait pourquoi il s'est retrouvé dans cette position schizophrénique au possible. Pourquoi aussi il était devenu un ennemi absolu de la Camorra et que de chasseur il s'était transformé en gibier. Obligé de se cacher, avec l'aide du service de la protection des témoins, Peter a changé d'identité. Au début de « Monstre à tuer », il est Lionel Azimuth, médecin à bord d'un paquebot de croisière. Pour quelqu'un qui a une phobie complète de l'eau et des requins, il y a mieux.
Heureusement il reçoit une nouvelle proposition d'emploi. Un riche millionnaire a besoin de ses talents particuliers pour protéger une amie. Lionel, pas spécialement emballé, accepte cependant car il ne supporte plus l'ambiance de croisière perpétuelle. Le voilà en route vers Ford, ville paumée du nord du Minnesota. A ses côtés Violet Hurst, paléontologue. Ils sont au service d'un riche excentrique, millionnaire reclus, qui en échange d'un gros paquet de dollars accepte de participer (par procuration) à une chasse au monstre. Un serpent géant, déjà mentionné dans les légendes indiennes. Il y a un an, deux jeunes amoureux, se bécotant au bord du lac White, se sont faits boulottés par le monstre. Bien sûr rien n'est prouvé. L'autopsie officielle affirme qu'ils ont été déchiquetés par l'hélice d'un bateau à moteur. Mais pour Reggie, l'organisateur du safari, pas de doute, c'est « William », le « Nessie » américain qui a fait le coup...

Trop belle Violet
Scientifique et donc sceptique par nature, Lionel a bien des difficultés pour se concentrer sur sa mission. Il ne doit pas véritablement démontrer la supercherie, il est essentiellement chargé de protéger Violet. La belle paléontologue, supposée petite amie du millionnaire, est exactement le type de femme de Lionel. Il ne peut s'empêcher de la dévorer des yeux. Et comme elle a du répondant, c'est sportif. « Elle se fige brusquement. Les femmes ont un sixième sens pour savoir quand on regarde leurs seins. Le jour où on aura trouvé le moyen de tromper leur radar, ce sera le bonheur. » Avec Violet, Peter va longtemps hésiter. Son patron millionnaire lui a demandé de la protéger, pas de la séduire. Le problème c'est que l'expédition dans les forêts et les lacs perdus vire au camping sauvage, avec une seule tente, petite de surcroit, pour les deux. Comment garder la tête froide quand on est allongé si près d'un corps parfait... et nu.
Par chance Peter devra retrouver ses réflexes de tueur quand l'aventure va se compliquer. Gang de dealers locaux, personnalité politique de premier plan, star du cinéma, médecin véreux et mère éplorée (ivre de vengeance) vont entrer en scène, transformant le périple dans la nature sauvage en épopée « ramboesque ». Sans oublier la réapparition de la mafia, toujours à la recherche de Griffe d'Ours, ancien nom de Peter, avant qu'il ne passe à l'ennemi.
Ce polar de Josh Bazell, parfaitement documenté (on en apprend beaucoup sur le réchauffement climatique, les légendes indiennes, la théorie de l'évolution et les effets du LSD), ne se prend jamais au sérieux. Même si parfois la situation est dramatique, voire désespérée, Lionel ne panique quasiment pas. Sauf quand Violet est en danger. Là, mieux vaut ne pas trop le chercher...
Michel LITOUT
« Monstre à tuer », Josh Bazell, Lattès, 20,50 €

jeudi 30 août 2012

Roman - Appétissante "Brioche" confectionnée par Caroline Vié pour Lattès

Caroline Vié, critique de cinéma, signe un premier roman plein de malice sur un milieu qu'elle connaît parfaitement


Mais qui est cette Brioche, personnage principal du roman ? Le lecteur, au fil des pages, tentera de mettre un nom sur cette star américaine, objet de tous les fantasmes de la narratrice. Tout le roman est bâti comme une longue lettre s'adressant directement à l'être adulé, jamais nommé, dont le nom est remplacé par trois points de suspension. Un jeu souvent amusant, parfois énervant tant il se complique et devient dramatique sur la fin.
La narratrice de « Brioche » est journaliste critique de cinéma. Un milieu que connaît très bien Caroline Vié, l'auteur, pour s'y être fait une signature depuis quelques années. On sent qu'une bonne partie du roman est directement inspiré de souvenirs réels. Interviews à la chaîne sous le dictat d'attachés de presse hystériques, invitation à des premières en province ou des festivals moins bling bling que Cannes : ces passages réjouiront les cinéphiles curieux des coulisses. C'est croqué avec humour et malice. Mais ce n'est que l'enrobage de l'histoire.

Coup de foudre
En fait, cette pigiste, toujours prête à dire oui à son rédacteur en chef, a un peu décroché de la réalité. Tout commence lors d'une séance de promotion d'un film où ce mystérieux acteur a le premier rôle. Il renverse son coca light sur le cachemire de la journaliste. S'excuse platement sans se rendre compte qu'il vient de déclencher une machine infernale nommée coup de foudre. En cours d'entretien, elle constate, mais sans oser lui dire de vive voix, « Ta beauté m'est apparue comme une évidence. J'ai compris ce que signifiait le mot perfection. Tu en étais le synonyme, mieux l'incarnation. Je ne voyais plus que la forme de tes lèvres charnues comme la guimauve des petits nounours en bombec. Je t'ai contemplé. Tu ressembles à une brioche. »

Cinéma et folie
Parmi les indices, la star a dix kilos de trop. Des rondeurs qui vont faire dérailler la critique. Elle ne vivra plus que dans l'attente d'une nouvelle rencontre. Passent quelques mois. Enfin le retour. Nouvelle rencontre. Joie, il la reconnaît. Mais cela ne va pas plus loin.
La journaliste, qui habituellement évite ces voyages organisés, accepte une invitation dans un festival exotique. Ce n'est pas la qualité de la sélection qui l'a décidée, simplement le fait que sa brioche préférée serait présente.
Après, sans trop en dévoiler, leurs relations se compliquent. Elle a enfin sa star pour elle toute seule. Mais pas sans quelques larmes. De lui : « Que tu as de la chance, mon amour, tu fais partie de cette rare catégorie que les larmes embellissent. Elles ne te défigurent pas. Elles coulent le long de tes cils recourbés laissant de longues traces salées sur tes joues. »
Ce premier roman de Caroline Vié parle de cinéma et de folie, deux sujets très semblables finalement.

« Brioche » de Caroline Vié, Lattès, 17 €

lundi 9 juillet 2012

Roman - Derniers excès de Sade

La Sibylle, la voyante de la Révolution imaginée par Nicolas Bouchard rencontre le marquis de Sade, vieux et malade mais toujours très imaginatif...


Marie-Adélaïde Lenormand, la voyante de la Révolution française, surnommée communément la Sibylle, est impliquée malgré elle à la préparation du coup d'État du 18 fructidor an V mené par Barras. Le président du Directoire écarte les derniers royalistes. Sans verser le sang selon l'Histoire officielle. Il en va de toute autre manière dans ce roman de Nicolas Bouchard. Mêlant personnages de fiction et véritables célébrités de l'époque, le romancier français utilise son intrigue pour décrire avec minutie les mœurs de l'époque. Corruption, violence et libertinage forment la sainte trinité de ces temps heurtés.

Le marquis de Sade, après des années d'exil et d'emprisonnement, a retrouvé la liberté. Il a sauvé sa tête, mais le libertin sait que les hommes dirigeant le Directoire ne l'apprécient guère. Quasiment ruiné, il rentre à Paris en compagnie de sa maîtresse du moment, Constance, une ancienne actrice. Il a tenté, vainement, de vendre ses dernières propriétés en Provence pour payer ses dettes. C'est donc un homme fatigué, ayant énormément grossi et vivant au jour le jour qui retrouve sa maison de Saint-Ouen.

A peine arrivé, il est sollicité par trois mystérieuses et riches bourgeoises. Membres d'une société de gens de lettres, Les Bellas Almas, elles expliquent à Sade admirer ses écrits, « surtout lorsque ceux-ci s'éloignent des sentiers battus. Vous ne manquez pas d'originalité dans vos idées ni de vigueur dans votre style. » Et elles lui commandent une pièce de théâtre avec comme simple directive : « N'hésitez pas à donner libre cours aux dérèglements de votre imagination. Que la débauche et le stupre s'exposent sur la scène dans toute leur abomination ! » Sade, méfiant, craint un piège. Mais la confortable avance finit par le convaincre. Le marquis se met au travail, trouve un théâtre et un compositeur, les acteurs et actrices étant choisis par les Bellas Almas.

Meurtres déjà écrits

Alors que les préparatifs vont bon train, la Sibylle est assaillie de visions dans son cabinet de voyance. Visions cauchemardesques de meurtres. Et systématiquement, elle constate la présence d'un homme gros et menaçant. Marie-Adélaïde sait que son don est infaillible. Les rêves deviennent réalité. La police découvre des femmes horriblement mutilées après avoir subies les derniers outrages. Seules, mais aussi parfois en compagnie de leur amant. Des mises en scène rappelant étrangement certains passages d'un livre attribué à Sade et encore inédit : « Les 120 journées de Sodome ».

Troisième volet des aventures de la Sibylle, ce roman est parfois aussi sulfureux que l'œuvre de Sade. Nicolas Bouchard pour les besoins de l'intrigue a du décrire certaines scènes quasi insoutenables. Sade, assagi depuis ses années de prison, n'est pas le monstre que l'on croit. Il s'alliera temporairement à la Sibylle pour tenter de sauver sa tête. Et par certains aspects, il est diablement sympathique. Il est vrai que sa philosophie de vie, le plaisir avant tout, dénotait en ces temps où complots et manigances laissaient peu de temps à l'amusement.

« La Sibylle et le marquis », Nicolas Bouchard, Belfond, 19,50 €  (également disponible au format poche chez 10/18)

mercredi 20 juin 2012

Thriller - L'Afrique, terrain de chasse des nouveaux prédateurs

Le célèbre Alex Cross se met en travers du chemin du Tigre, un tueur à gages de la pire espèce. Un thriller haletant de James Patterson.

Franchement, Alex Cross est du bois dont on fait les héros indestructibles. Il paraît même parfois un peu trop invincible et cela donne comme une impression de fausse note dans une symphonie bien goupillée. Mais heureusement le chef d'orchestre de « La piste du Tigre », James Patterson, est un virtuose dans l'art de replonger son héros dans l'action, quelles que soient les embûches qui lui tombent sur le ciboulot. Et le lecteur, tenu perpétuellement en haleine, replonge tête baissée dans ce thriller haletant et sans temps mort.

Le Tigre est un tueur. Ce Nigérian imposant, « près de deux mètres à la toise pour cent treize kilos » intervient dès la première scène de ce thriller de James Patterson. En compagnie de sa petite troupe, des enfants bourrés de cocaïne, il a pour mission de tuer toute une famille. Mais pour une fois il n'opère pas sur ses terres, entre Lagos, Abuja et Port Harcourt. Il est à Washington et sa mission est de « terroriser ces Américains qui se mêlaient de tout, qui avaient si peur qu'on les attaque chez eux et qu'on s'en prenne à leurs précieuses petites familles. » Une mission menée à bien par le Tigre.

Alex Cross, le flic et psychologue, en découvrant le lendemain le carnage, est tout retourné. Il a souvent croisé des tueurs sadiques, mais cette fois il semble avoir véritablement atteint ses limites dans l'abjection. Et Cross découvre qu'il a connu dans sa jeunesse la mère de famille. Une ancienne petite amie du temps de l'université. Est-il plus impliqué qu'il ne le croit dans cette affaire ?

Safari mouvementé

Son équipe est sur les dents. D'autant qu'un second massacre vient de défrayer la chronique. Cette fois c'est la famille de l'ambassadeur du Nigeria qui est décimée. Lancé sur la piste du Tigre, Alex Cross croit être sur le point de le capturer. Mais c'est un piège. Le géant africain s'enfuit, la police américaine ne sort pas indemne de la confrontation. Après avoir sondé quelques connaissances à la CIA, Alex Cross est persuadé que le Tigre, retourné entre-temps au Nigeria, agit pour des commanditaires aux visées obscures.

Sur un coup de tête, Cross prend quelques jours de congés et décide de le pourchasser sur son territoire. Le roman de James Patterson bascule alors dans une autre dimension. Le flic américain, juste, intègre et efficace se retrouve pris dans une nasse inextricable. Policiers corrompus, milices privées, gangs... il va découvrir la réalité de l'Afrique, ce vaste continent en pleine perdition.

Après quelques séjours arbitraires en prison, il est tabassé, laissé pour mort, menacé... Mais Cross est un dur à cuire qui n'abandonne jamais. Cette partie est la moins vraisemblable. Les ennemis de Cross auraient eu 50 fois l'occasion de se débarrasser définitivement de lui car pour eux, la vie d'un homme n'a pas plus d'importance qu'une simple cigarette. Même si c'est un flic américain suspecté de travailler pour la CIA. Et pourtant ils l'épargnent systématiquement. Cela permet à l'action de rebondir régulièrement mais manque sérieusement de crédibilité au final.

Cependant on se laisse prendre au jeu. James Patterson, dans un style direct, concis et précis, détaille la progression de l'enquête de Cross, de ses découvertes, visibles ou secrètes. Un thriller délassant, dépaysant et plein d'enseignements pour cet été enfin au rendez-vous.

« La piste du Tigre », James Patterson, Lattès, 20 €

vendredi 20 avril 2012

Thriller - "Saigne pour moi" : manipulateurs et tueurs

Certains meurtriers, avant de passer à l'acte, ont besoin de dominer leur victime. Des manipulateurs décrits dans ce thriller de Michael Robotham.


Période critique s'il en est, l'adolescence est également le moment de tous les dangers. Esprit rebelle mais aussi malléable. Certains l'ont parfaitement compris. Des prédateurs, manipulateurs, parfois violeurs et tueurs. Ils sont d'autant plus dangereux qu'ils cachent parfaitement leur jeu. Dans ce cas, seul un fin psychologue saura déceler leur véritable personnalité. Un expert comme Joe O'Loughlin, le héros de « Saigne pour moi », un thriller signé Michael Robotham.

Joe, en instance de divorce, conserve de très bonnes relations avec sa femme et ses deux filles. Emma, la petite dernière et Charlie, une adolescente de plus en plus secrète. Elle se confie beaucoup plus à sa meilleure amie, Sienna, qu'à ses parents. Sienna passe souvent la nuit chez Charlie. C'est donc naturellement là qu'elle vient se réfugier quand elle découvre son père mort, égorgé, dans sa chambre. Sienna devient la première suspecte quand la police apprend que son père abusait d'elle.

Personnages complexes

Certes elle le détestait, mais elle crie son innocence. Elle a vu quelqu'un s'échapper de la chambre. Et paniquée a pris elle aussi la fuite. Joe est bien le seul à la croire. Mais il connait bien cette jeune fille. Le soir même, en compagnie de Charlie, c'est lui qui l'a raccompagnée à la sortie de l'école. Sienna et Charlie, inséparables, participent toutes les deux à la comédie musicale de fin d'année. Elles sont presque en compétition pour le premier rôle. Ce sera le professeur d'art dramatique, Gordon Ellis qui aura le dernier mot. Tout est remis en cause avec le drame touchant Sienna. Cette dernière craque et tente de se suicider. Pour la police, cela a presque valeur d'aveu...

Toute la force de ce thriller est dans la minutie prise par Michael Robotham à dresser les portraits des différents protagonistes. Chaque personnage est criant de vérité. Multiple aussi. Chez cet auteur américain, résidant en Australie et dont les romans se passent en Angleterre, le manichéisme est une pure invention de l'esprit. L'humain est complexe. Très complexe.

Joe par exemple, malgré sa formation de psychologue, est au bord du gouffre. Il souffre de la maladie de Parkinson, parvient de moins en moins à contrôler son corps. Résultat il a les nerfs à vifs. Quand quelqu'un prétend être l'amant de sa fille, il réagit avec brutalité.

La commissaire qui mène l'enquête est elle aussi peu banale. Grosse, négligée et ouvertement homosexuelle, elle est pourtant une parfaite meneuse d'hommes. On rencontre également au fil de l'intrigue un militant d'extrême-droite suspecté d'avoir mis le feu à un bâtiment abritant des immigrés, une conseillère d'orientation sexy et provocante, un ancien flic porté sur la bouteille mais toujours prêt à rendre service et le mystérieux « pleureur », un homme taciturne avec des larmes tatouées sous les yeux.

Richesse des personnages, richesse des rebondissements : le lecteur en a pour son argent. Et surtout il est happé par cette enquête, de plus en plus inquiet, aux côtés de Joe, pour ces adolescentes, proies si faciles pour ce prédateur et manipulateur qui n'en est pas à son coup d'essai.

« Saigne pour moi », Michael Robotham, Lattès, 22,50 € 

jeudi 16 février 2012

Roman - Grégoire Delacourt raconte les envies de son héroïne

Une vie tranquille, de l'ambition, un foyer, un mari aimant, de l'argent... Quels sont les ingrédients du bonheur ? Tentative de réponse dans ce roman de Grégoire Delacourt.



Jocelyne Guerbette est mercière à Arras. Un drôle de CV pour être héroïne de roman. Mais Jocelyne, sous la plume de son créateur, Grégoire Delacourt, va vite devenir un de ces personnages de roman qui vont longtemps vous revenir en mémoire. Ces êtres de papier qui pourtant vous semblent plus réels que la voisine ou le collègue avec qui vous parlez tous les jours de choses et d'autres.

Jocelyne est mariée à Jo. C'est le diminutif de Jocelyn. Jocelyn et Jocelyne. Une histoire d'amour simple. La jeune femme, encore apprentie dans la mercerie de son ancien patron, a vite été séduite par ce Nordiste pure souche qui travaille à l'usine Häagen-Dazs. Ils ont eu deux enfants, Romain et Nadine. Et un petit ange, Nadège, morte à la naissance. Depuis cette date Jo a changé. Jocelyne se contente alors du souvenir de cet homme aimant et attentionné.



Porsche Cayenne contre économe

Vingt ans plus tard, Jo va mieux. Il a même des envies. Un écran plat, une Porsche Cayenne, la collection complète des James Bond en DVD. Jocelyne de son côté vivote avec sa mercerie. Pour s'occuper, elle ouvre un blog pour y raconter les trucs de couture d'antan. Elle va réveiller les souvenirs de nombreuses femmes et rapidement, son entreprise virtuelle va permettre de relancer son commerce. Jocelyne, qui est la narratrice du roman, nous raconte aussi comment elle a perdu sa mère, la maladie d'Alzheimer de son père, ses repas avec Danièle et Françoise, les jumelles qui tiennent le salon Coiff'Esthétique, leurs rêves de richesse et de princes charmants. Alors c'est aussi le tour de Jocelyne de faire la liste de ses envies. Et les circonstances vont lui permettre de placer la barre beaucoup plus haut que son mari. Elle sera modeste dans un premier temps, « Un nouveau micro-ondes, un économe, un couteau pour le pain, des boule Quiès (à cause du ronfleur !) » Et puis petit à petit elle changera de braquet, s'intéressera à des objets ou choses dont elle n'a connaissance qu'à travers ses discussions avec les jumelles ou dans les magazines féminins : « Plein de trucs chez Chanel, des sous de côté pour Romain (il finira mal) » Dans sa dernière liste, elle écrira « Acheter une maison avec un grand jardin et une terrasse d'où l'on voit la mer, le Cap Ferrat, où papa sera bien, surtout ne pas demander le prix, juste faire le chèque avec désinvolture. »

Avec « La liste de mes envies », Grégoire Delacourt transforme l'essai de son premier roman, « L'écrivain de la famille ». Il a remporté une multitude de prix en plus d'un beau succès public. Jocelyne, la mercière d'Arras, devrait elle aussi plaire à un important lectorat.

« La liste de mes envies », Grégoire Delacourt, Lattès, 16 €


jeudi 20 octobre 2011

Thriller - La vérité du diable dans "Cornes" de Joe Hill chez Lattès

Après une soirée arrosée, Ig se réveille avec deux cornes sur le front. Un roman diabolique de Joe Hill sur les démons de l'Amérique profonde.


Il n'est jamais bon de boire trop. Ig Perrish, le héros narrateur de ce roman de Joe Hill ne peut qu'approuver. Après une beuverie sans fin, il se réveille au petit matin avec un mal de crâne carabiné. Un passage par la salle de bain lui confirme ce qu'il pensait : il a une mauvaise tête. Et deux cornes dur le front ! « En elles-même, elles n'avaient rien d'imposant, ces cornes : longues comme le doigt, épaisses à la base, elles s'affinaient en se recourbant vers le haut. Elles étaient recouvertes d'une peau blafarde, sa peau, sauf tout au bout, où les pointes étaient d'un vilain rouge enflammé, comme si elles s'apprétaient à transpercer la chair. » Non, Ig ne rêve pas, en une nuit, il semble être devenu un démon.

Sous des airs innocents...

Paniqué, il sort de chez lui et va errer dans cette petite ville de l'Amérique profonde où se déroule l'action. Il connaît à peu près tout le monde. Et lui aussi est bien connu. Surtout depuis l'an dernier, quand sa petite amie, Merrin, a été retrouvée violée et assassinée près d'une ancienne fonderie. Tout accusait Ig. Mais il a réussit à prouver son innocence. Sauf que pour la majorité de la population locale, il reste cet « enfoiré de violeur ».

Tentant de cacher ses cornes, il va rencontrer quelques connaissances et constater que ses nouveaux attributs ne gênent personne. Au contraire, les gens, à son contact, ne peuvent s'empêcher de dire la vérité, de dévoiler les secrets les plus enfouis au fond d'eux. Du curé érotomane à la mère ayant envie d'abandonner son enfant, il va découvrir son nouveau pouvoir. Cette partie pourrait être très amusante si ce n'étaient les torrents de boue qui sortent des bouches de ces hommes et femmes semblant si normaux. Ainsi ce réceptionniste à la permanence du député républicain, « un gros type aux cheveux en brosse », il explique à Ig qu'une « fois par mois, je m'accorde une journée de décompression et je reste chez moi. C'est bon pour ma santé mentale. Je mets les dessous de ma mère et je me fais une bonne branlette. Pour une vieille sur le retour elle a des trucs vraiment coquins. » « Cornes » de Joe Hill est un roman extrême, qui dévoile les pires travers de cette Amérique trop puritaine pour être équilibrée.

Dieu ? Un scribouillard !

Mais ce récit, loin de n'être qu'une série d'horreurs, est un texte beaucoup plus sensible et intelligent. La première partie ressemble à du Stephen King, les suivantes s'approchent de l'univers de John Irving. Pour tenter de comprendre ce qui lui arrive, Ig va se remémorer son histoire d'amour avec Merrin jusqu'au gouffre que constitue son assassinat. Une histoire d'amour entre gamins, belle et lumineuse. On en apprend plus sur les amis de cette époque bénie, Lee, le timide, toujours là pour réconforter son pote, Terry, le frère attentif et protecteur.

Alors pourquoi tout a basculé cet été-là ? Ig va entrevoir la vérité grâce à son nouveau don, certains racontant ce qu'ils avaient juré ne jamais dire. Ig endosse alors son costume de diable avec un plaisir réel. Cela donne un final violent et sans pitié, atténué par une fin sans espoir mais apaisée. Et alors que sa vengeance se met en place, Ig se permet quelques réflexions bien senties sur la religion en général comme cette comparaison prenant une double signification sous la plume de Joe Hill, fils d'écrivain célèbre : « Dieu n'est plus pour moi qu'un écrivain de gare, qui construit ses histoires sur des intrigues nulles et sadiques. » « Quant au diable, il est en premier lieu un critique littéraire qui fustige publiquement et à bon droit ce scribouillard sans talent. » Pour la petite histoire, Joe Hill est le fils de... Stephen King.

« Cornes » de Joe Hill, Lattès, 22 € 

mardi 30 août 2011

Roman - Lisbonne la magnifique dans "Eléctrico W" de Hervé Le Tellier chez Lattès

Roman d'amour et du souvenir, « Eléctrico W » de Hervé Le Tellier se déroule entièrement à Lisbonne. Une ville omniprésente dans un texte où la mémoire joue un grand rôle. Vincent, le narrateur, est journaliste pour un grand hebdomadaire français. Il est en poste depuis peu à Lisbonne. Essentiellement pour pour oublier son histoire d'amour parisienne avec Irène qui vient de s'achever. 

Durant une semaine, il est rejoint par un photographe, Antonio, originaire de Lisbonne. Les deux hommes vont se livrer au jeu des confidences. Antonio va donc raconter comment il a du abandonner son premier amour, une jeune fille surnommée Canard. Vincent, comme pour conjurer son propre désespoir sentimental, va tout faire pour retrouver Canard, reformer ce couple heureux s'étant rencontré sur la ligne du tramway Eléctrico W. Cela se complique quand l'amie actuelle d'Antonio vient le rejoindre à Lisbonne. Une fiancée qui n'est autre qu'Irène...

Hervé Le Tellier, membre de l'Oulipo, fervent admirateur de Pérec, a débuté ce roman il y a 20 ans. Il l'a longuement laissé mûrir, donnant aux années l'occasion de polir ces souvenirs. Les rencontres sont merveilleuses, la ville rayonnante et les situations cocasses. Le tout est bien plus qu'un guide amoureux de la capitale portugaise.

« Eléctrico W » de Hervé Le Tellier, Lattès, 18 € 

mardi 28 juin 2011

SF - Voyageurs et Arlequins : aventure finale

Le mystérieux John Twelve Hawks met enfin un point final à sa trilogie racontant les arcanes des Mondes parallèles.


La littérature fantastique et de science-fiction, tout en étant d'excellents moyen d'évasion et de distraction, permettent également aux auteurs de poser des problématiques très actuelles. Au centre de la trilogie des « Mondes parallèles » de John Twelve Hawks se trouve de fait la dénonciation de notre société du tout numérique synonyme du « tous surveillés ». Caméras de surveillance, GPS, téléphones portables, ordinateurs : il existe quantité de solutions pour ceux qui le veulent pour vous espionner. Vous et votre voisin. Tout le monde en fait. Il suffit d'avoir un ordinateur assez puissant, un ordinateur quantique que les Frères de la Tabula, l'organisme secret et imaginaire, les « méchants » du roman, sont en train de mettre au point.

Le Bien contre le Mal, la liberté contre la prison : ce combat éternel atteint son apogée dans la dernière partie de cette trilogie. Notre monde n'est pas unique. D'autres existent, en parallèle. Seuls les Voyageurs peuvent passer de l'un à l'autre. Il n'en restent que deux, Michael et Gabriel Corrigan. Le premier a choisi le camp de la Tabula, le second celui de la Résistance. Les Voyageurs sont protégés par les Arlequins, des guerriers prêts à tout pour les défendre. Maya, la jeune femme devenue Arlequin dans le volume précédent, est restée coincée dans le premier monde. La violence y règne en maître. Gabriel, amoureux de Maya, va tout tenter pour la retrouver et la ramener. Cela donne l'occasion à John Twelve Hawks de décrire cet enfer où « des torchères vomissaient flammes et fumées aux endroits où les canalisations étaient rompues. » Seule, elle va devoir se battre contre des « Loups » affamés, tout en perdant ses forces et ses derniers espoirs.

L'insécurité, arme des Puissants

De son côté, Michaël met tout en œuvre pour prendre le pouvoir à la tête de la Tabula. Pour cela il doit donner des gages aux frères. Il entreprend un voyage dans un nouveau monde, celui dominé par les demi-dieux. Là aussi la violence règne en maître. Mais elle est presque souhaitée par les habitants, travailleurs dociles, aimant se distraire en regardant de spectaculaires exécutions capitales. Michaël se trouvera renforcé dans cette vision du pouvoir et mettra en place un complot mondial pour faire grimper l'insécurité : « Les demi-dieux lui avaient appris que la peur était beaucoup plus facile à vendre que la tolérance et le respect de la liberté. La plupart des gens n'éprouvent du courage qu'en voyant d'autres prendre position. D'autre part, cette politique de la peur réunissait les suffrages d'un solide corps électoral, où se rassemblaient tous les dirigeants qui avaient compris que les changements en cours renforceraient leur propre pouvoir. » Une politique de l'exploitation massive et sans nuances des faits divers qui a déjà fait ses preuves en d'autres circonstances...

Livre prémonitoire par certains aspects, « La cité d'or » est également un récit d'amour et d'espoir. Maya, l'Arlequin, est enceinte de Gabriel, le Voyageur. Un enfant qui pourrait changer la face du monde. Et donner l'occasion au mystérieux John Twelve Hawks (pseudonyme d'un homme ou d'une femme vivant caché loin de toute technologie) de proposer dans quelques années un second cycle de ces « Mondes parallèles » décidément passionnants et immensément riches de possibilités narratives.

« La Cité d'or », John Twelves Hawks, Lattès, 20 €

lundi 13 décembre 2010

Roman illustré - Alger en 4L


Youcef, réalisateur à la télévision nationale algérienne, vit toujours chez ses parents à bientôt 38 ans. Il ne travaille pas beaucoup. Son indépendance et son imagination l'ont propulsé directement dans un placard généreusement trouvé par la bureaucratie d'Etat. 

Finalement, il en profite : « au moins je suis peinard. J'ai la liberté et le fric. » Son salaire il en garde un tiers pour lui, un autre tiers est versé à ses parents, le dernier sert à entretenir Zoubida. Ce n'est pas sa maîtresse, mais sa 4L chérie. Cette vieille voiture est le personnage pivot de ce roman de Fellag richement illustré par Jacques Ferrandez. 

Une histoire entre insouciance, drague et réalité de l'Algérie des années 80, celle qui n'était pas encore déchirée par une guerre religieuse larvée. Les superbes dessins, aux couleurs pastel, chaudes comme le soleil du Maghreb, donnent encore plus de force à ce récit mélangeant amour des belles mécaniques et désir des belles du mécano.

« Le mécano du vendredi ». Lattès. 24 euros

lundi 12 juillet 2010

Roman - Flavia de Luce, drôle de détective

Flavia de Luce, intrépide fillette anglaise, joue aux détectives amateurs dans ce roman policier signé Alan Bradley.


Fillette âgée de 11 ans, Flavia de Luce a un caractère bien trempé. Un peu à l'image d'une Fifi Brindacier que rien n'impressionne, elle n'a pas sa langue dans sa poche et sa formidable intelligence lui permet de se sortir de bien des situations délicates. Pourtant, ce que Flavia va vivre en ce début d'été 1950 est beaucoup plus traumatisant que ses bêtises habituelles. En pleine nuit, elle surprend son père, le très sérieux colonel de Luce, en train de se disputer dans son bureau avec un inconnu, un géant roux. 

Quelques heures plus tard, au petit matin, alors qu'elle se rend au jardin cueillir des herbes pour ses potions, Flavia tombe sur l'inconnu agonisant, visiblement empoisonné. Dans un premier temps, Flavia prend cela comme une aubaine, une expérience grandeur nature totalement inespérée. L'héroïne imaginée par Alan Bradley, un auteur canadien, est très éloignée de la petite fille modèle. En fait, la chimie la passionne. 

Elle l'explique, dans le premières pages du roman, au lecteur incrédule : « Mon travail se fit de plus en plus élaboré à mesure que les mystères de la chimie organique m'étaient révélés, et je me réjouissais de mon nouveau savoir sur ces substances que l'on pouvait si facilement extraire de la nature. Le poison, telle était ma passion absolue. » L'homme vient de mourir sous ses yeux, cela captive Flavia : « J'observai la scène avec fascination, savourant chaque détail : la dernière palpitation des doigts, le changement de couleur presque imperceptible de la peau qui prit une teinte métallique, comme si la mort le recouvrait de son voile... Et, enfin, l'immobilité absolue. »

Timbres rares

Forcément, la découverte de ce cadavre dans le jardin provoque une belle animation dans le village. La police interroge les habitants et rapidement soupçonne le père de Flavia. Le mort serait une de ses anciennes connaissances. C'est quand il est arrêté et conduit en prison que Flavia décide d'intervenir et de démêler cet écheveau compliqué où des timbres rares, la mort d'un professeur des décennies auparavant et la compétition entre jeunes prestidigitateurs jouent des rôles importants. 

On suit les pérégrinations de Flavia, intrépide et imprudente, souvent inconsciente des risques qu'elle prend. Mais il est vrai qu'on se méfie moins d'une fillette en bicyclette que d'un policier en uniforme. Flavia, adorable enfant discrète, devient une peste aux humeurs massacrantes quand elle n'obtient pas ce qu'elle désire. Si Daffy, une de ses sœurs, refuse de lui répondre, son sang ne fait qu'un tour : « Je fulminai : au fond de moi, une marmite bouillonnante remplie d'une potion occulte pouvait rapidement déborder et transformer Flavia-L'Invisible en Flavia-La Terreur. »

Cette première aventure-enquête de Flavia, déjà traduite dans une trentaine de pays, est publiée par deux éditeurs en même temps : chez Lattès pour les adultes ou parents, chez « Msk », la collection jeunesse des Editions du Masque, pour les adolescents.

« Les étranges talents de Flavia de Luce », Alan Bradley, Lattès, 17 € 

mercredi 17 décembre 2008

Roman historique - Les foulards rouges sous la plume de Fajardie


Frédéric H. Fajardie est décédé en mai dernier. Le prolifique romancier a remporté un formidable succès populaire avec ses récits historiques. Ce pavé de plus de 1200 pages reprend les aventures des flamboyants comtes de Nissac, plongés dans le tourbillon de l'histoire de la France du XVIIe siècle. 

Fajardie qui avait débuté dans un tout autre genre. 

Son premier roman, « noir » selon le terme utilisé pour décrire les œuvres de Léo Malet, « Tueurs de flics » avait fait grand bruit lors de sa parution en 1975. « La nuit des chats bottés » est devenu le roman symbole de toute une génération rejetant un certain ordre établi. On retrouve un peu de cette violence et insurrection dans ces récits de cape et d'épée. En brillant feuilletoniste, Fajardie vous entraînera sur des chemins palpitants et plein de rebondissements.

« Les foulards rouges » suivi de « Le voleur de feu », Frédéric H. Fajardie, Lattès, 23 € 

mardi 4 novembre 2008

Roman - Amant encombrant

Matthew, marié avec Sophie, est l'amant d'Helen. Cette dernière voudrait ne l'avoir que pour elle. Quand cela arrive, elle déchante...


Enlevé, tonique, rocambolesque et jouissif, ce premier roman de Jane Fallon se dévore tant ses trois principaux personnages semblent réels et leurs aventures sentimentales plausibles. Cela commence par la crise de la quarantaine pour Helen. Cette Anglaise, piquante et espiègle, âgée de 39 ans, est persuadée de vivre le grand amour avec Matthew, de 15 ans son aîné. Depuis quatre années, ils s'aiment trois fois par semaine. En cachette. Matthew est marié à Sophie. Ils ont deux adorables petites filles. Helen ne cesse de demander à son amant de quitter sa femme pour refaire sa vie avec elle. Mais sans succès.

L'autre visage de Matthew

De plus Matthew est le patron d'Helen. Son assistante, en langage politiquement correct. Sa simple secrétaire dans les faits. Cela aussi pèse sur le moral d'Helen. Sa carrière professionnelle stagne alors qu'il y a peu elle était ambitieuse. C'était avant de tomber dans les bras de Matthew. Travaillant dans une agence de relations publiques, son job consiste à imaginer une fausse actualité à des pseudo stars qui sont obligées chaque semaine de faire la « une » des tabloïds anglais. 

Cette partie du roman de Jane Fallon est particulièrement hilarante, notamment quand une starlette sur le déclin, tente d'améliorer son image en posant pour le magazine Vogue. Problème, le lendemain, elle se saoule à l'inauguration d'un restaurant et montre à tous les paparazzis présents que même en mini jupe, la culotte est facultative...

Helen approche donc de la quarantaine et met encore plus la pression sur Matthew. Au cours des fêtes de fin d'année, ce dernier, fatigué d'une vie de famille lassante, décide, sur un coup de tête, de tout avouer à sa femme, prend deux valises et se rend dans le petit appartement d'Helen. Cette dernière, dans un premier temps est surprise et joyeuse. Mais rapidement elle va constater que le Matthew 24 heures sur 24 est assez différent de l'amant pressé qui ne restait jamais longtemps.

Et Helen, qui semblait vivre son célibat avec difficulté, s'aperçoit assez rapidement que finalement, la solitude ça a souvent du bon. Elle pouvait traîner au lit, passer ses journées de repos à regarder la télé en grignotant des pizzas sur le canapé ou papoter des heures au téléphone avec sa meilleure amie, Rachel. En réalité, Matthew est très casanier, voire pantouflard. Vieux, pour résumer.

La jeunesse régénératrice

Au bout de quelques jours, Helen analyse la décision de son amant : « Face à la perspective de vieillir avec sa femme pendant les quarante années à venir, il avait paniqué. En regardant celle avec qui il était marié depuis vingt-quatre ans, il avait vu une femme ridée aux cheveux gris dont le corps s'était métamorphosé. L'image de sa propre vieillesse. Il est plus agréable de se réveiller face à un visage jeune plutôt que devant quelqu'un qui vous rappelle chaque jour votre statut de mortel. » Résultat, Helen va prendre la décision de larguer Matthew. Et comme elle culpabilise auprès de Sophie, elle va tenter de les rabibocher. Sous une fausse identité, elle deviendra la meilleure amie de la femme de son amant.

On se doute que Jane Fallon a profité de cette embrouille à trois pour multiplier les scènes explosives et les quiproquos. Un roman écrit par une Anglaise, ce qui explique peut-être le tableau peu flatteur de la gent masculine. Les femmes vont adorer !

« Comment larguer Matthew », Jane Fallon (traduction d'Emilie Passerieux), Lattès, 20 €