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mercredi 28 février 2024

Cinéma - “Black tea”, histoires de mélanges et de saveurs

Dans un quartier de Canton, Chinois et Africains cohabitent tout en découvrant les traditions des deux communautés. 


Aussi subtil qu’un thé chinois savamment infusé, Black Tea d’Abderrahmane Sissako est le film dépaysant par excellence. On y découvre les vies et traditions de deux communautés très éloignées de nos habitudes occidentales. D’un côté la vie des Chinois à Canton, de l’autre des immigrés africains dans cet environnement asiatique où le racisme est parfois omniprésent. 

Un film puzzle, où les pièces, souvent très dissemblables, s’emboîtent malgré tout dans un grand ensemble qui forme l’Humanité. Il y est question d’amour, de famille, de tolérance et aussi de condition féminine. Le film commence d’ailleurs par un coup d’éclat. En Côte d’Ivoire, Aya (Nina Melo) est prête pour le grand jour. Revêtue d’une superbe robe blanche, elle va se marier avec Toussaint. Sauf qu’au dernier moment elle quitte la cérémonie, fuit. On la retrouve à Canton. Célibataire, parlant le chinois, employée dans un petit magasin de thé dans le quartier dit de Chocolate City, mélange gai et vibrionnant de Chinois et d’Africains. 

Le thé, trésor culturel

Son patron, Cai (Han Chang), lui enseigne toutes les finesses de la dégustation du thé. Un véritable art, avec rituel et tradition à respecter. Aya est sous le charme. Mais on ne sait pas si c’est des richesses de ces feuilles séchées aux goûts si nuancés en fonction des saisons ou des conditionnements ou de Cai, pédagogue idéal. 

Les amateurs de thé découvriront quelques pratiques qui leur donneront envie d’aller encore plus loin dans leurs dégustations. Les autres se laisseront tenter par des goûts et des techniques plus authentiques que le sachet à infuser. Le thé et ses multiples variations, comme une métaphore sur les vies des habitants du quartier. Chacun à un parcours singulier. Cai a longtemps travaillé au Cap Vert. Il y a laissé des traces qu’il va tenter de retrouver. Aya, épouse récalcitrante, a découvert sa véritable voie en Chine. 

Mais cette chronique, douce et tolérante, n’est pas hors sol. Quand arrivent dans l’équation les ex-beaux-parents de Cai, on prend conscience qu’en Chine, le racisme envers les Africains est encore plus odieux qu’en France. Black Tea est dans ce sens un témoignage précieux, réalisé par un Mauritanien qui ne se contente plus de dénoncer le colonialisme ou l’islamisme. Un film très humain aux saveurs douces-amères, comme ces thés chinois.

Film de Abderrahmane Sissako avec Nina Melo, Han Chang, Wu Ke-Xi

lundi 9 octobre 2023

BD - L'Afrique progressiste (presque) exemplaire de Thomas Sankara


Si l’extrême gauche est encore loin du pouvoir en France, cela n’a pas été le cas en Haute Volta quand le jeune capitaine Thomas Sankara a pris le pouvoir en 1983. Un militaire radicalement différent comparé aux dizaines de putschistes qui régulièrement se bombardent président dans les anciennes colonies françaises ou britanniques.

Le parcours de cet homme, un « rebelle visionnaire » toujours vénéré par une partie de l’Afrique et de nombreux partis progressistes ailleurs dans le monde, est raconté par Pierre Lepidi, journaliste au Monde et Françoise-Marie Santucci, elle aussi journaliste passée par Elle et Libération.

Pour illustrer ce roman graphique, ils ont fait appel à Pat Masioni, dessinateur congolais, seul illustrateur africain qui a signé des comics américains. Thomas Sankara, il en reste une trace immense à Ivry, en région parisienne, une fresque géante qui popularise le visage éternellement juvénile de cet homme humble, mort tragiquement après la trahison de son meilleur ami, Blaise Compaoré.

Le lecteur découvre le parcours de Sankara avec les yeux de Léa, écolière métisse et contemporaine d’une Française et d’un Burkinabé. En préparant un exposé sur la politique très en avance mise en place par Sankara une fois au pouvoir, elle apprend que le capitaine était féministe avant la vague #MeToo, écologiste avant les Verts (il a lancé un vaste plan de reforestation du pays) et militait pour l’annulation de la dette, boulet accroché aux jeunes démocraties africaines par les anciens colons.

Un idéaliste qui se déplaçait à bicyclette, fier d’être moins payé en tant que président que sa femme, simple fonctionnaire. Une rigidité fatale : la classe moyenne n’a pas supporté de perdre ses petits privilèges.

Une biographie exemplaire car elle n’occulte pas le côté pervers de la révolution burkinabé, ce manque de nuance dans les réformes qui a provoqué la perte de ce visionnaire dont la pensée mériterait d’être plus étudiée, en Afrique comme dans les pays colonisateurs.

 « Thomas Sankara, rebelle visionnaire », Marabulles, 140 pages, 23,95 €

mardi 18 juillet 2017

Livres de poche : laissez-vous tenter par un tour en Afrique


Dans une contrée africaine sans nom, la guerre civile fait rage. Agu essaie de fuir son village mais la violence le rattrape. Il est enrolé comme enfant-soldat. Le commandant ordonne. Agu exécute. Il frappe, tue pille. Pour ne pas mourir, le jeune garçon devient bête féroce. Premier roman du Nigérian Uzidinma Iweala, « Bêtes sans patrie » bénéficie d’une traduction d’Alain Mabanckou.
➤ « Bêtes sans patrie », Points, 6,50 €

Ikenna, Boja, Obembe et Benjamin ont désobéi aux ordres paternels. Les quatre frères sont allés pêcher dans les eaux du fleuve interdit, l’Omi-Ala. Ils savourent cette pêche clandestine, jusqu’au jour où le fou Abulu les maudit : Ikenna, l’aîné, mourra de la main d’un de ses frères. Peu à peu, le poison de la terrible prophétie infiltre les esprits… Né en 1986 au Nigeria, Chigozie Obioma enseigne la littérature aux États-Unis. Son premier roman, Les Pêcheurs a connu un immense succès public et critique.
➤ « Les pêcheurs », Points, 7,60 €

Née en Ecosse, la mère d’Alexandra Fuller, mieux connue sous le nom de « Nicola Fuller d’Afrique centrale », a grandi au Kenya dans les années 50 avant d’épouser un Anglais fringant. Ils s’installent dans leur propre ferme, d’abord au Kenya puis en Rhodésie où l’auteur, Bobo, et sa sœur ont grandi, avant d’atterrir en Zambie. Le parcours de la famille Fuller, déterminée à rester en Afrique malgré la guerre civile, est fait de survie, de folie, de loyauté et de pardon.
➤ « L’arbre de l’oubli », Le Livre de Poche, 7,30 €

jeudi 1 septembre 2016

Rentrée littéraire : Petits désagréments et gros poissons chez le "Capitaine Frites"

L'Afrique est parfois folklorique. Celle du « Capitaine frites » d'Arnaud Le Guilcher est au-delà des clichés.

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Quand une femme vous pourrit la vie, divorcer n'est pas toujours la meilleure solution. Arthur Chevillard plaque tout pour fuir sa Morgane et quand on lui propose un boulot dans un pays africain, il signe. Arthur débarque à Yabaranga, capitale du Konghia, pays pauvre placé sous la coupe d'un président, élu à vie. Le job d'Arthur a tout du gag. Ce spécialiste en poissons (c'est comme ça qu'il a rencontré Morgane) doit étudier la possibilité d'implanter une variété de poisson amazonienne dans les rivières locales.
Après plusieurs mois à vivre aux frais de l'Etat, le feu vert est donné et un Indien d'Amazonie débarque avec deux spécimens de pirarucus. Les ennuis débutent pour Arthur, obligé de travailler. Heureusement, il y a Fée-Morgane, une beauté locale « Fée-Morgane et moi on a joué au docteur pendant deux jours et deux nuits. J'avais l'impression de bâfrer dix-neuf parts de gâteaux après une interminable grève de la faim. » Langage imagé pour cet auteur qui a certainement beaucoup lu San-Antonio.
On retrouve « l'esprit Dard » dans les titres de chapitres (« Guère épais », « Président ciel » ou le très local « A boubou de nerfs »). L'humour est omniprésent. Même si parfois on devine un peu de désespoir dans la vie décousue d'Arthur. Et ce n'est qu'un début. Quand sa femme débarque à Yarabanga, c'est immédiatement la guerre totale. Une Morgane très remontée et suffisamment persuasive pour lui chiper sa Fée-Morgane. Le voilà en pleine guérilla féminine et obligé de faire ceinture. L'occasion pour l'auteur de faire cette comparaison culte : « A ce tarif, je ne me laisse plus que quelques semaines avant de me frotter aux arbres... Si je veux pas être papa de petits arbustes, j'espère que les platanes du coin portent des stérilets. » Arnaud Le Guilcher a l'imagination débridée et excessive. Reste à savoir si les poissons amazoniens vont supporter le marigot africain, eux qui ont la réputation de ne pas avoir peur des piranhas.
« Capitaine frites » d'Arnaud Le Guilcher, Robert Laffont, 18€ (le précédent roman d'Arnaud Le Guilcher, « Ric-Rac », sort en poche chez Pocket le 1er septembre)

mardi 27 octobre 2015

Livre : L'Afrique relevée de « Petit Piment »


Abandonné par ses parents dix jours après sa naissance, Petit Piment grandit dans un orphelinat du Congo. De quoi gâcher une vie racontée dans sa verve habituelle par Alain Mabanckou.

Bébé abandonné à l'entrée d'un orphelinat, Moïse est baptisé par Papa Moupelo, le prêtre qui vient chaque semaine faire chanter les gamins de l'institution. Moïse n'est qu'une petite partie de son nom, long comme un jour sans pain. Mais c'est sous le sobriquet de Petit Piment que cet enfant va faire parler de lui.
Le roman d'Alain Mabanckou, à la première personne, est construit à l'inverse d'une vie. Au début, on galère, puis arrive le temps de l'épanouissement. Avec Petit Piment, c'est l'inverse. Tant que Papa Moupelo venait chaque semaine, la vie valait le coup. Mais du jour au lendemain il disparaît. Encore gamin, notre héros ne comprend pas que le religieux vient d'être victime de la révolution socialiste imposée par le pouvoir. Terminés les chants liturgiques, place aux odes au président. Sous la houlette du directeur, un certain Dieudonné Ngoulmoumako, la vie change. Brimades, punitions, corrections : c'est l'enfer. Les gardiens sont intransigeants, les autres pensionnaire pires. Notamment des jumeaux qui font régner la terreur dans les dortoirs. Quand ils s'en prennent à Bonaventure, le meilleur ami de Moïse, ce dernier décide de le venger. Subrepticement, il introduit une forte dose de piment dans la nourriture des tyrans. Ils passent une nuit terrible. Les trois jours suivants sont abominables. Voilà comment le gamin de Pointe-Noire devient Petit Piment. Les deux caïds, flairant le gars dégourdi et peu impressionnable, lui pardonnent et le nomment second de leur bande.
La première partie du roman, entièrement située dans l'orphelinat, est la plus émouvante. Encore enfant, Petit Piment a un fond d'humanité, de gentillesse et d'empathie. Malgré les coups durs, les injustices et un horizon bouché, il croit encore en l'Homme, comme si l'enseignement de Papa Moupelo persistait tel un phosphène au fond de la rétine. Le drame de Petit Piment, c'est sa gentillesse. Et sa peur de décevoir. Quand les jumeaux décident de s'évader, il n'ose pas refuser de participer au plan. Et le voilà devenu petit voyou dans le grand marché de Pointe-Noire.

Ami des prostituées
Heureusement il croisera une nouvelle fois une bonne âme qui tentera de le sauver. Maman Fiat 500 est une mère maquerelle. Elle se prend d'amitié pour ce gentil garçon, serviable et si prévenant pour ses dix filles. Surtout il ne juge pas sa profession quand elle lui explique. « A-t-on jamais cherché à savoir ce qu'il y a derrière chaque femme qui marchande ses attributs ? On ne naît pas pute, on le devient. (…) Et puis on franchit le pas, on propose à un passant son corps avec un sourire de circonstance, parce qu'il faut aguicher comme dans tout commerce. On se dit que ce corps, même si on le déprécie un soir, on le lavera le lendemain afin de lui rendre sa pureté. Et on le lave une fois à l'eau de javel, on le lave deux fois avec de l'alcool, puis on ne le lave plus du tout, on assume désormais ses actes parce que les eaux de la terre ne pourront jamais procurer de la pureté à qui que ce soit. » Dans le giron de Maman Fiat 500, quelques douces années s'écoulent.
Mais la malédiction frappe de nouveau. Et cette fois ce ne sont pas quelques pincées de poudre de piment qui le sortiront d'affaire. Aussi tragique que l'histoire de ce continent, le roman d'Alain Mabanckou raconte surtout l'énorme gâchis de talent et d'intelligence causé par la misère d'une majorité et l'ambition d'une minorité.
Michel Litout

« Petit Piment », Alain Mabanckou, Seuil, 18,50 €

lundi 22 septembre 2014

BD : l'Afrique romaine dans "L'expédition" de Marazano et Frusin


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L'exploration de l'Afrique est relativement récente. Pourtant le continent a très vite fasciné les conquérants. Mais certaines barrières naturelles ont protégé les peuplades locales. Dans « L'expédition », série écrite par Richard Marazano et dessinée par Marcelo Frusin, ce sont des soldats romains qui tentent d'étendre l'empire en direction du Sud. Ils partent d'Égypte et s'enfoncent dans cette nature hostile peuplée de tribus primitives et d'animaux dangereux. Des mois et des mois de progression lente et difficile pour se trouver aux portes du Niangara, un royaume en pleine guerre civile. Marcus, le commandant, et ses cinq mercenaires vont rapidement être faits prisonniers et transformés en esclave dans des mines. Mais il en faut plus à ces guerriers pour abandonner leur liberté et leur rêves de richesse. Frusin, grand professionnel argentin qui a beaucoup dessiné de comics aux USA, a le trait idéal pour retranscrire la noirceur de cette saga prévue en quatre tomes.

« L'expédition » (tome 2), Dargaud, 13,99 €

jeudi 18 septembre 2014

BD : Triste Afrique sous le pinceau de Ptiluc

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L'Afrique a longtemps fait rêver les aventuriers. Terre vierge, ils y ont trouvé un terrain de jeu idéal. Aujourd'hui, le continent tente toujours de se relever de cette maltraitance chronique. Ptiluc, quand il ne dessine pas des histoires de rats, voyage au guidon de sa moto. Il a donc lui aussi sillonné les pistes africaines des années durant. Mais en observateur attentif qui n'entend pas imposer des changements. Dans cet album composé d'une dizaine d'histoires courtes, il raconte le périple imaginaire d'un trio de volontaires humanitaires. Il transportent dans leur 4X4 des caisses de vaccins. Il n'est pas question de malaria ou d'Ebola. Simplement de la grippe, les restes des pays occidentaux. Ça ne sert à rien si ce n'est à se donner bonne conscience. Sur place, ils profitent honteusement du système mais tombent aussi sur des malandrins pas si bêtes : ils ont dix ans, une kalachnikov entre les mains, un tube de colle à rustine dans les narines et une conception de la mort assez simpliste. Il faut tout le talent de Ptiluc pour faire rire le lecteur de ces injustices. Du mercenaire serbe au religieux libidineux en passant par la star américaine en mal de publicité, ce sont tous les fossoyeurs de l'Afrique qui en prennent pour leur grade.

« Jeux sans frontières », Paquet, 10,50 €

dimanche 15 décembre 2013

BD - Le retour du requin par Schultheiss


Plus de 20 ans après, Matthias Schultheiss reprend sa série phare en France : « Le rêve du requin ». Ce thriller hyper violent se déroulant en Afrique était emblématique de la BD adulte de la fin des années 80. Exit les bons sentiments, place à l'action. Même si au final le héros parvenait à s'en tirer en compagnie de sa belle. On les retrouve sur un bateau voguant sur l'océan Indien vers un avenir meilleur. Lambert et Sarah ne sont pourtant qu'au début de leurs nouvelles péripéties. Tragiques. Un cyclone se place en travers de leur chemin. La belle histoire d'amour est engloutie par une vague géante... 
Résultat Lambert se retrouve de nouveau seul sur une épave, redevenu bête pour survivre. Là, Schultheiss se déchaîne de nouveau dans des planches, désormais en couleurs directes mais tout aussi extrêmes. Notamment quand le héros se bat au corps à corps avec un requin, un grand bleu qui ne voit dans l'humain qu'un peu de chair fraîche alors que c'est la mort qu'il croise. Lambert, increvable et fou, mord à pleines dents ses proies comme le poisson dont il a volé la force. Un album à ne pas mettre entre toutes les mains, violence oblige.

« Le rêve du requin » (cycle 2, tome 1), Glénat, 13,90 €


mercredi 20 juin 2012

Thriller - L'Afrique, terrain de chasse des nouveaux prédateurs

Le célèbre Alex Cross se met en travers du chemin du Tigre, un tueur à gages de la pire espèce. Un thriller haletant de James Patterson.

Franchement, Alex Cross est du bois dont on fait les héros indestructibles. Il paraît même parfois un peu trop invincible et cela donne comme une impression de fausse note dans une symphonie bien goupillée. Mais heureusement le chef d'orchestre de « La piste du Tigre », James Patterson, est un virtuose dans l'art de replonger son héros dans l'action, quelles que soient les embûches qui lui tombent sur le ciboulot. Et le lecteur, tenu perpétuellement en haleine, replonge tête baissée dans ce thriller haletant et sans temps mort.

Le Tigre est un tueur. Ce Nigérian imposant, « près de deux mètres à la toise pour cent treize kilos » intervient dès la première scène de ce thriller de James Patterson. En compagnie de sa petite troupe, des enfants bourrés de cocaïne, il a pour mission de tuer toute une famille. Mais pour une fois il n'opère pas sur ses terres, entre Lagos, Abuja et Port Harcourt. Il est à Washington et sa mission est de « terroriser ces Américains qui se mêlaient de tout, qui avaient si peur qu'on les attaque chez eux et qu'on s'en prenne à leurs précieuses petites familles. » Une mission menée à bien par le Tigre.

Alex Cross, le flic et psychologue, en découvrant le lendemain le carnage, est tout retourné. Il a souvent croisé des tueurs sadiques, mais cette fois il semble avoir véritablement atteint ses limites dans l'abjection. Et Cross découvre qu'il a connu dans sa jeunesse la mère de famille. Une ancienne petite amie du temps de l'université. Est-il plus impliqué qu'il ne le croit dans cette affaire ?

Safari mouvementé

Son équipe est sur les dents. D'autant qu'un second massacre vient de défrayer la chronique. Cette fois c'est la famille de l'ambassadeur du Nigeria qui est décimée. Lancé sur la piste du Tigre, Alex Cross croit être sur le point de le capturer. Mais c'est un piège. Le géant africain s'enfuit, la police américaine ne sort pas indemne de la confrontation. Après avoir sondé quelques connaissances à la CIA, Alex Cross est persuadé que le Tigre, retourné entre-temps au Nigeria, agit pour des commanditaires aux visées obscures.

Sur un coup de tête, Cross prend quelques jours de congés et décide de le pourchasser sur son territoire. Le roman de James Patterson bascule alors dans une autre dimension. Le flic américain, juste, intègre et efficace se retrouve pris dans une nasse inextricable. Policiers corrompus, milices privées, gangs... il va découvrir la réalité de l'Afrique, ce vaste continent en pleine perdition.

Après quelques séjours arbitraires en prison, il est tabassé, laissé pour mort, menacé... Mais Cross est un dur à cuire qui n'abandonne jamais. Cette partie est la moins vraisemblable. Les ennemis de Cross auraient eu 50 fois l'occasion de se débarrasser définitivement de lui car pour eux, la vie d'un homme n'a pas plus d'importance qu'une simple cigarette. Même si c'est un flic américain suspecté de travailler pour la CIA. Et pourtant ils l'épargnent systématiquement. Cela permet à l'action de rebondir régulièrement mais manque sérieusement de crédibilité au final.

Cependant on se laisse prendre au jeu. James Patterson, dans un style direct, concis et précis, détaille la progression de l'enquête de Cross, de ses découvertes, visibles ou secrètes. Un thriller délassant, dépaysant et plein d'enseignements pour cet été enfin au rendez-vous.

« La piste du Tigre », James Patterson, Lattès, 20 €

vendredi 23 mars 2012

BD - Tout l'or de l'Afrique convoité dans "L'expédition" de Marazano et Frusin



L'Afrique, avant d'être ce continent affamé et spolié de toute part, a été une terre mystérieuse, théâtre des plus grandes aventures humaines. « L'expédition » écrite par Richard Marazano et dessinée par Marcelo Frusin se déroule en 719. A Thèbes, l'empire romain est malmené de toute part. Il lui faut encore et toujours chercher de nouveaux territoires à conquérir, de nouvelles richesses pour maintenir sa puissance. L'arrivée en barque d'un Nubien, mort, le corps chargé de bijoux en or, donne des idées à Caïus Bracca, un centurion. Il monte une expédition pour aller au delà des sources du Nil, à la recherche de cette civilisation si riche.
C'est Marcus Livius qui prend la tête de la colonne formée d'une dizaine de mercenaires. Ils devront affronter les tempêtes de sable du désert, les longues traversées sous un soleil de plomb, les maladies et les attaques. Finalement ils se retrouvent au cœur d'une forêt vierge et vont enfin approcher du but.
Cette série prévue en quatre tomes est d'une redoutable efficacité. Scénario sans temps mort, entre formation de la troupe, progression difficile et tension entre ses membres. Le dessin de Frusin, académique et détaillé, montre des soldats dans toute leur noirceur d'âme.

« L'expédition » (tome 1), Dargaud, 13,95 €

samedi 14 août 2010

BD - Afrique : du rêve à la réalité


Il ne vit que pour l'Afrique. Une Afrique du passé, celle des colonies. Quand la savane regorgeait de fauves que l'on pouvait chasser en toute impunité. Dans son appartement parisien, ses murs sont ornés de masques tribaux, il écoute Joséphine Baker et sa femme de ménage est noire. Charles n'est pourtant pas méchant. Simplement un peu perdu dans le temps et l'espace. L'Afrique, il la rêve. Et un jour, le rêve devient réalité. Il gagne à un concours sponsorisé par Banania. Le premier prix : un voyage organisé. Direction Cotonou au Bénin. L'aventure peut commencer...

Jean-Christophe Chauzy aime dessiner les chaudes ambiances africaines. Il se régale également à montrer ses personnages perdus dans un monde qu'ils ne comprennent pas. Charles ne fait pas exception à la règle. Le continent noir a beaucoup évolué depuis ses lectures de jeunesse. Il se trouve confronté à un tourisme de masse, à des populations urbaines, des fauves apprivoisés et des « tigresses » peu farouches au premier abord, très mordantes dans l'intimité de la chambre. Ecrite par Anne Barrois, cette histoire balance entre nostalgie du temps des colonies et description réaliste d'une Afrique moderne où tous les coups sont permis pour s'en sortir.

« Bonne arrivée à Cotonou », Dargaud, 13,50 € 

jeudi 13 mai 2010

Roman - Troublante Afrique

L'Afrique peut devenir la nouvelle plaque tournante du terrorisme mondial. Une réalité au cœur du nouveau roman de Jean-Christophe Rufin.


Membre de l'Académie française, engagé dans les associations humanitaires, diplomate français : Jean-Christophe Rufin ne manque pas d'étiquettes. C'est cependant sous la plus simple de toutes, romancier, qu'il se présente à nous avec « Katiba », sa dernière nouveauté. Mais il ne faut pas s'étonner si ce roman, entre espionnage et romance, puise dans l'ensemble de ses connaissances. Il est devenu un expert de cette Afrique qui, tout en faisant toujours rêver certains Européens, pourrait devenir un cauchemar dans l'avenir.

Tout débute par une prise d'otages manquée sur une piste du Sahara en Mauritanie. Un convoi de touristes italiens, intercepté par des rebelles islamistes. Des débutants. Ne maîtrisant pas bien le français. Les Italiens non plus. Une incompréhension qui se termine dans un bain de sang. Quatre morts, le déclenchement de recherches par les autorités officielles du pays et surtout la colère du « chef suprême de tous les groupes jihadistes en Algérie ».

Apprentis jihadistes

Il envoie des émissaires demander des comptes au responsable local, Abou Moussa. C'est là que l'on apprend ce que veut dire le titre du roman. « Un camp de combattants islamistes, qu'on appelle « Katiba » en Afrique du Nord, change sans cesse de lieu et d'effectifs. En dehors des actions terroristes qu'elle mène, une katiba sert à l'entraînement de nouveaux maquisards, recrutés dans toute l'Afrique de l'Ouest. La plupart espèrent repartir dans leur pays, à l'issue de leur séjour, pour y mener le jihad. » Jean-Christophe Rufin va donc nous plonger au cœur de cette nouvelle guerre religieuse, décortiquant avec minutie son fonctionnement et son but. Mais ce n'est qu'une partie du roman. L'autre s'attache aux pas de Jasmine. Cette jeune Française travaille au Quai d'Orsay. Elle est chargée du protocole dans un ministère qui y apporte encore beaucoup d'importance.

Troublante Jasmine

Jasmine est depuis peu en poste. Elle a du retrouver le chemin du travail après la mort de son mari, consul en Mauritanie. Un pays qu'elle va retrouver sous couvert d'action humanitaire pour l'association créée à l'époque par son époux. Un voyage écran effectué à la demande d'un certain Kader qu'elle semble connaître depuis des décennies. Jasmine, femme secrète, blessée, malheureuse, semble avoir des dettes d'honneur qu'elle n'a toujours pas entièrement remboursé. Elle jouera l'agent double, l'agent trouble, dans ce ballet de dupes où tout le monde s'observe. Car en plus de l'Etat français, certaines officines américaines ont décidé d'étendre leur terrain de jeu, bien conscientes que le terrorisme ne se limite plus au Moyen Orient. Reste à savoir qui manipule qui et quelle est la véritable finalité de cette partie d'échecs planétaire rythmée par de sanglants attentats.

En même temps qu'il dévoilera le véritable visage de Jasmine, Jean-Christophe Rufin remonte aux sources des commanditaires. Il démonte les rouages de la manipulation. Cela fait froid dans le dos même si ce n'est qu'un roman.

« Katiba » de Jean-Christophe Ruffin, Flammarion, 20 €