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jeudi 21 mars 2024

Cinéma - Retrouvailles “Hors-saison”

Film délicat, mélancolique et sensuel, « Hors-saison » de Stéphane Brizé explore les amours passées, les retrouvailles et les impasses sentimentales. 


Certains couples formés le temps d’un film sont plus crédibles que d’autres. Dans Hors-Saison, Stéphane Brizé associe Guillaume Canet et Alba Rohrwacher. Et dès le premier regard, c’est l’évidence. Mathieu (Guillaume Canet) et Alice (Alba Rohrwacher) sont faits l’un pour l’autre, s’aiment comme personne ne peut aimer. Et pourtant, ce ne sont que des retrouvailles. 15 ans après une première histoire d’amour sans doute trop vite écourtée.

Le début du film est un peu plombant. Mathieu est un acteur de cinéma très connu approchant de la cinquantaine. Il arrive seul (sa femme, présentatrice du 20 heures est restée à Paris), pour une semaine de thalasso et de remise en forme dans un établissement de luxe au bord de l’océan. Entre deux selfies, il broie du noir lors de soins qu’il effectue l’esprit ailleurs. Mathieu doute. Il venait de s’engager sur une pièce de théâtre, la première de sa carrière. De moins en moins sûr de son choix, apeuré par un possible échec, il a tout abandonné, dont ses collègues et le metteur en scène.

Deux comédiens au diapason

Stéphane Brizé, en filmant un Guillaume Canet sombre et grimaçant, comme vide de tout sentiment, raconte avec justesse ce doute, cette désillusion. Et comme le séjour se déroule hors-saison, le temps, venteux et pluvieux, ne fait que renforcer cette impression d’écrasement, presque de désespoir. Jusqu’au jour où il reçoit un message d’Alice. Il y a plus d e15 ans, il vivait avec cette pianiste. Le succès l’a éloigné d’elle. Elle vit dans cette ville balayée par les embruns, mariée, mère d’une grande adolescente et donnant des cours de piano. Accepterait-il de la revoir ? Comme si un autre film débutait, c’est un couple qui se retrouve devant la caméra sensible du réalisateur. Ils tâtonnent pour leurs retrouvailles. N’osent pas trop parler du passé, de leurs bons ou mauvais moments. Comme deux bons copains. Mais tout dans leur gestuelle, leurs regards, leurs hésitations, démontre que les sentiments sont toujours présents. 15 ans plus tard, ces retrouvailles sont intenses. Même s’ils se séparent, après un simple thé, en bons amis.

Mathieu retourne déprimer sous les couches de boue et d’algues, à lire des scénarios convenus ; Alice prépare l’anniversaire de sa fille et participe aux réunions municipales organisées par son mari à domicile. Et puis ils se revoient. Presque sans le vouloir. Car chacun de son côté n’en peut plus de ressasser le passé, de regretter la fin abrupte de leur première histoire, de croire qu’il y a peut-être une seconde chance.

Film d’une grande douceur, Hors-saison est porté par les deux comédiens. Guillaume Canet déploie son talent pour retranscrire toutes les émotions de cet homme brisé qui ne tient debout que grâce à sa carapace forgée au fil des ans. Alba Rohrwacher, comédienne italienne d’une lumineuse beauté, excelle pour nous faire comprendre que le passé, tout aussi douloureux qu’il soit, n’est que le résultat de nos choix du moment.

Film de Stéphane Brizé avec Guillaume Canet, Alba Rohrwacher

 

vendredi 15 mars 2024

En vidéo, “Une année difficile”

Même après Une année difficile, il faut rire de nos tracas, se moquer de nos travers et profiter de cette pépite d’humour noir de Toledano et Nakache éditée en vidéo par Gaumont. Un gouffre sépare Poussin (Pio Marmaï) et Cactus (Noémie Merlant). 

Entre le surendetté chronique et la militante pour le climat, une étincelle électrise leurs deux regards quand ils se croisent à l’ouverture des portes d’un magasin pour le Black Friday. Pourtant, le premier guigne un écran plat à prix bradé alors que la seconde veut bloquer les portes du temple de la surconsommation. La suite de la comédie est à l’image de notre société : pas toujours évidente, imprévisible et pleine de contrariétés. 

Pour faire passer la pilule, faisons confiance à Lexo (Jonathan Cohen), copain de Poussin et expert en gaffes. Une comédie enlevée dans l’air du temps. 

vendredi 8 mars 2024

Un témoignage : Le cinéma, 50 ans de passion

 


Nicolas Seydoux a longtemps présidé Gaumont. Il livre dans ce récit le témoignage d’un des patrons de cet art, également secteur économique essentiel en, France. Il revient sur son parcours, les grands succès (Le Grand Bleu, Intouchables…) mais surtout raconte les hommes et femmes qu’il a eu la chance de croiser.

Des portraits parfois intimistes des grands du cinéma français comme Alain Poiré, Luc Besson, Jean Reno ou Daniel Toscan du Plantier. Il ne se met pas spécialement en avant, se présentant simplement comme un patron désireux de faire fructifier cette marque exceptionnelle aussi ancienne que ce cinéma qui a fait sa renommée mondiale.

« Le cinéma, 50 ans de passion », Nicolas Seydoux, Gallimard, 450 pages, 27 €

mercredi 28 février 2024

Cinéma - “Black tea”, histoires de mélanges et de saveurs

Dans un quartier de Canton, Chinois et Africains cohabitent tout en découvrant les traditions des deux communautés. 


Aussi subtil qu’un thé chinois savamment infusé, Black Tea d’Abderrahmane Sissako est le film dépaysant par excellence. On y découvre les vies et traditions de deux communautés très éloignées de nos habitudes occidentales. D’un côté la vie des Chinois à Canton, de l’autre des immigrés africains dans cet environnement asiatique où le racisme est parfois omniprésent. 

Un film puzzle, où les pièces, souvent très dissemblables, s’emboîtent malgré tout dans un grand ensemble qui forme l’Humanité. Il y est question d’amour, de famille, de tolérance et aussi de condition féminine. Le film commence d’ailleurs par un coup d’éclat. En Côte d’Ivoire, Aya (Nina Melo) est prête pour le grand jour. Revêtue d’une superbe robe blanche, elle va se marier avec Toussaint. Sauf qu’au dernier moment elle quitte la cérémonie, fuit. On la retrouve à Canton. Célibataire, parlant le chinois, employée dans un petit magasin de thé dans le quartier dit de Chocolate City, mélange gai et vibrionnant de Chinois et d’Africains. 

Le thé, trésor culturel

Son patron, Cai (Han Chang), lui enseigne toutes les finesses de la dégustation du thé. Un véritable art, avec rituel et tradition à respecter. Aya est sous le charme. Mais on ne sait pas si c’est des richesses de ces feuilles séchées aux goûts si nuancés en fonction des saisons ou des conditionnements ou de Cai, pédagogue idéal. 

Les amateurs de thé découvriront quelques pratiques qui leur donneront envie d’aller encore plus loin dans leurs dégustations. Les autres se laisseront tenter par des goûts et des techniques plus authentiques que le sachet à infuser. Le thé et ses multiples variations, comme une métaphore sur les vies des habitants du quartier. Chacun à un parcours singulier. Cai a longtemps travaillé au Cap Vert. Il y a laissé des traces qu’il va tenter de retrouver. Aya, épouse récalcitrante, a découvert sa véritable voie en Chine. 

Mais cette chronique, douce et tolérante, n’est pas hors sol. Quand arrivent dans l’équation les ex-beaux-parents de Cai, on prend conscience qu’en Chine, le racisme envers les Africains est encore plus odieux qu’en France. Black Tea est dans ce sens un témoignage précieux, réalisé par un Mauritanien qui ne se contente plus de dénoncer le colonialisme ou l’islamisme. Un film très humain aux saveurs douces-amères, comme ces thés chinois.

Film de Abderrahmane Sissako avec Nina Melo, Han Chang, Wu Ke-Xi

samedi 28 octobre 2023

Cinéma - Peut-on rire des drames après “Une année difficile” ?

Eric Toledano et Olivier Nakache signent une love story entre surendettement et activisme écologiste. Un regard tendre et réaliste sur les « perdants » et ceux qui ne se résignent pas.


En ouvrant leur film avec une compilation d’extraits des vœux des présidents de la République (de Macron à Pompidou) soulignant que les Français venaient de vivre « Une année difficile », Éric Toledano et Olivier Nakache ne se doutaient pas que 2023 ferait partie elle aussi ces années compliquées. On ne parle pas de rugby mais plutôt d’inflation et de violence.

Alors une comédie pour se moquer de ces malheurs qui frappent le pays, est-ce bien raisonnable, moral surenchériraient même certains invités permanents aux émissions polémique des chaînes d’info ? La réponse est évidente : oui, il faut rire de nos tracas, se moquer de nos travers et aller au cinéma pour profiter de cette pépite d’humour noir, non dénuée cependant d’une grande sympathie envers les deux losers, grandioses d’idées foireuses, et les militants écologistes, utopistes plus bruyants que violents mais qui pourraient être fichés S dans la vraie vie.

Un gouffre et des ponts

Un des passages du film explique que des ponts illustrent tous les billets en euros. Des ponts comme autant de liens entre des pays ou des humains que tout opposent. Ainsi un gouffre sépare Poussin (Pio Marmaï) et Cactus (Noémie Merlant). Même le viaduc de Millau serait trop petit, pas assez ambitieux.

Pourtant, entre le surendetté chronique et la militante pour le climat, une étincelle électrise leurs deux regards quand ils se croisent à l’ouverture des portes d’un magasin pour le Black Friday. Pourtant le premier guigne un écran plat à prix bradé alors que la seconde veut bloquer les portes du temple de la surconsommation. Finalement Poussin (surnom qu’il s’est trouvé pour intégrer l’organisation écologiste de Cactus) va trouver dans ces actions médiatiques l’occasion de se donner bonne conscience mais aussi de renflouer un peu ses comptes en mettant au point quelques combines peu reluisantes avec la complicité de son ami de galère financière, Lexo (Jonathan Cohen).

Le film, tout en montrant l’action des militants, n’hésite pas à les moquer à travers les réflexions sardoniques des deux escrocs à la petite semaine. Ils restent cependant tous sympathiques, exploit de ce film qui parle de la probable fin du monde mais sans clouer au pilori le moindre coupable. On rit, notamment aux exploits des Pieds Nickelés Pio Marmaï et Jonathan Cohen, au fort potentiel comique, et on est ému par le final, souvenir d’un temps pas si lointain où tout semblait possible dans un nouveau monde. Une année qui finalement, n’était pas aussi difficile que les suivantes.

Film d’Éric Toledano et Olivier Nakache avec Pio Marmaï, Noémie Merlant, Jonathan Cohen, Mathieu Amalric

 

dimanche 12 mars 2023

Cinéma - “Mon crime” ou la belle revanche des femmes

Joyeuse fable féministe se déroulant dans les années 30, “Mon crime” de François Ozon, est la comédie à ne pas manquer en ce mois de mars.

Deux jeunes actrices en tête de distribution de ce film français grand public : Mon crime de François Ozon affiche la couleur. En propulsant les très talentueuses Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder dans les rôles de Madeleine la comédienne et Paulette l’avocate, il prend le pari de la nouveauté, tout en jouant sur une suite de casting prestigieuse. Une démarche logique au regard de la philosophie très féministe et « girl power » de ce film pourtant librement inspiré d’une pièce de théâtre des années 30.

Madeleine et Paulette vivotent à Paris. La première, blonde vaporeuse, comédienne, n’arrive pas à décrocher le grand rôle qui la lancerait au théâtre. La seconde, brune à la langue bien pendue, avocate, ne trouve pas le moindre client qui ose faire confiance à une femme. Cela fait quelques mois qu’elles ne peuvent plus payer leur loyer. Madeleine est encore plus déprimée après qu’un producteur a tenté d’abuser d’elle en échange d’un petit rôle. Le lendemain, un policier débarque à l’appartement. Le producteur a été assassiné d’une balle dans la tête. Madeleine est la principale suspecte. Quand elle comprend que le scandale autour de cette affaire peut lui faire de la publicité, elle s’accuse du crime, persuadée que son amie Paulette parviendra à la faire acquitter.

Duo féministe 

Une comédie virevoltante, aux dialogues enlevés et personnages tous plus croquignolesques les uns que les autres. Car pour mettre en valeur les deux jeunes femmes en mal de revanche dans cette société où les mâles ont tous les droits, le réalisateur a fait appel à quelques célébrités qui ont accepté d’endosser le costume de beaux salauds. Fabrice Luchini est parfait en juge d’instruction sûr de son fait, persuadé que la découverte d’une coupable lui permettra enfin de faire décoller sa carrière. Son ami (Dany Boon), endetté auprès du producteur trucidé, sorte de copie onctueuse et dandy de Fernandel, ferait un coupable parfait. 

Le procureur (Michel Fau), lors du procès, est odieux et d’un machisme qui ferait aujourd’hui s’évanouir la moindre féministe, même encartée à En Marche. Reste le meilleur, la meilleure exactement, Isabelle Huppert, exubérante et grandiloquente dans les tenues éternellement kitsch d’une ancienne gloire du muet. Elle débarque telle une furie dans ce duo féministe qui tente le tout pour le tout afin de sauver une machination mal partie. 

Mon crime, tout en étant indirectement un hommage aux productions du siècle dernier, est un film moderne par son propos et son interprétation. Une réussite comme seul le cinéma français un peu ambitieux sait mener à bien.

Film français de François Ozon avec Nadia Tereszkiewicz, Rebecca Marder, Isabelle Huppert, Fabrice Luchini

 

samedi 14 mai 2022

Cinéma - “J’adore ce que vous faites”, fan et boulet contre star trop gentille

Tourné dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales, ce film de Philippe Guillard, à l'affiche à partir de ce mercredi 18 mai, fonctionne sur l’opposition entre Artus et Gérard Lanvin

Pour la première fois, Philippe Guillard, ancien rugbyman de haut niveau, signe un film qui ne tourne pas autour du sport. Une infidélité à son genre de prédilection pour ce qui a façonné sa seconde partie de vie : le cinéma. « J’adore ce que vous faites » fait partie des répliques entendues plusieurs fois par semaine par les stars du 7e art. Une sorte de porte d’entrée pour, dans la foulée, prendre un selfie avec l’artiste.


Gérard Lanvin, célèbre comédien qui a marqué le cinéma français de ces 40 dernières années, en croise des tonnes de ces admirateurs parfois un peu collants. Dans ce film, il joue son propre rôle et une fois arrivé dans le sud de la France pour tourner dans une grosse production américaine historique sur le débarquement, il va croiser un fan qui décroche le pompon de la lourdeur. Momo (Artus), est réparateur de piscine. Tôt le matin, il vient s’occuper de celle de la villa occupée par Gérard Lanvin durant le tournage. Momo, après quelques gaffes croustillantes, va reconnaître Gérard et tout faire pour s’immiscer dans sa vie.

Plus qu’un film sur les fans, c’est une histoire sur le quotidien des acteurs qui est présentée dans cette comédie très rythmée. S’il interprète son propre rôle, c’est cependant un Gérard Lanvin assez différent de la vraie vie qui est montré. On se doute que dans la vraie vie, sa bonhomie face à ce boulet qui s’accroche ne durerait pas tout le film. Pour les besoins du scénario, il va être très gentil avec ce grand gamin aux yeux écarquillés. Quand Momo demande l’autorisation de venir sur le tournage, Gérard accepte.

En lui recommandant de venir seul et d’être discret. Mais c’est avec toute la famille qu’il investit le plateau de tournage, en l’occurrence la place centrale du château de Salses dans les Pyrénées-Orientales. Momo qui reviendra tous les jours, devenant une sorte de porte-bonheur à l’équipe dirigée par un metteur en scène québécois (Antoine Bertrand), reprenant le film en catastrophe.

C’est l’autre intérêt du film de Philippe Guillard, montrant les rapports parfois tendus entre les comédiens et ces graines de dictateurs. Le choix de Gérard Lanvin dans le rôle est très judicieux. Il parvient à rendre crédible son « faux » personnage tiré du vrai. Mais la véritable révélation du film reste Artus. Il est de toutes les scènes, ses répliques font mouche et il parvient à imposer sa présence face à l’immense Gérard Lanvin.

"J'adore ce que vous faites", film de Philippe Guillard avec Artus, Gérard Lanvin, Antoine Bertrand  

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Gérard Lanvin : « Je n’ai pas de fans lourds »  

Lors d’une conférence de presse au Méga Castillet pour l’avant-première, Philippe Guillard et Gérard Lanvin reviennent sur le tournage.

Le choix d’Artus a-t-il été évident ?

Philippe Guillard : Je connaissais l’humoriste. Je le trouvais drôle. J’ai vu le Bureau des légendes et là, je me suis dit « y’a un comédien, y’a du lourd ». Quand je l’ai rencontré j’ai tout de suite compris que c’était lui. D’abord il a joué au rugby, pour moi c’est essentiel. On a un truc en commun, forcément puisqu’on a bu huit bières en deux heures en parlant du scénario. Surtout je l’ai trouvé très attachant. Un mec talentueux et drôle comme lui, je n’ai cherché personne d’autre.


Gérard Lanvin :
Je l’ai rencontré chez Philippe. Il y avait de l’humilité, ce n’est pas quelqu’un qui est arrivé avec de la suffisance. J’ai trouvé que l’idée était très exacte avec ce que l’on voulait faire c’est à dire un film générationnel.

Avez-vous vécu des situations gênantes comme dans le film lors de votre carrière ?

G. L. : Non, je n’ai pas de fans lourds. Du tout. J’ai beaucoup d’amitié qui vient de partout dans la rue, mais les gens ne me prennent pas du temps. En plus avec les selfies c’est plus facile qu’avant quand les mecs te demandaient un autographe. Ça, c’est tout ce qu’on attend quand on fait ces métiers-là, c’est-à-dire que les gens vous reconnaissent que les gens vous aiment bien. Ce n’est pas le cinéma qui m’a permis de faire ce parcours, c’est le public.

Pourquoi le choix de l’Aude et des Pyrénées-Orientales pour décor de tournage ?

P. G. : J’y ai beaucoup d’amis et je cherche toujours des coins où on va être super bien reçus pour le tournage et en dehors du tournage car j’ai une team assez festive. Et en même temps car je cherchais des décors car le film américain qui se tourne est un film d’époque des années 39-45. Et comme je n’ai pas l’argent des Américains ni le budget du soldat Ryan, je ne peux pas construire un village. Or, en Occitanie, il y a des villages, par exemple Lagrasse dans l’Aude ou le château de Salses dans les Pyrénées-Orientales, qui font des décors intemporels. Sans rien rajouter on peut faire croire qu’on est en 39-45. Voilà pourquoi le mélange de tout ça a fait que je suis venu tourner ici et d’avoir de très beaux décors pour pas cher.

 

jeudi 20 janvier 2022

Absence mortifère au cœur de “Serre moi fort”



Clarisse (Vicky Krieps) quitte le domicile conjugal. Au petit matin, elle part, seule. Un dernier regard vers son mari Marc (Arieh Worthalter) qui dort encore. Elle lui prend juste son briquet. Dans la chambre des enfants, elle remet le garçon dans le bon sens du lit. L’aînée, Lucie, semble la regarder. Clarisse sort par la porte de la cuisine, monte dans une vieille voiture (celle de la jeunesse de Marc) et part vers la mer. Elle a envie de voir la mer…

Les premières minutes de « Serre-moi fort » (Gaumont Vidéo), film signé Mathieu Amalric sont très déstabilisantes. On devine dans l’attitude de la mère une grande tristesse. De la lassitude aussi. Presque du renoncement. Mais pourquoi partir ? Ensuite, c’est un tsunami d’interrogations. Les enfants se lèvent. Constatent l’absence de leur maman. Le père fait comme si de rien n’était. La vie continue. Clarisse est-elle un fantôme comme le suggère Lucie ? À moins que la famille n’existe plus que dans le souvenir de Clarisse ? 

Tiré d’une pièce de théâtre de Claudine Galéa, Serre moi fort, comme les musiques classiques qui rythment le film, va crescendo dans l’émotion. Quand on comprend où se trouve la réalité, on entre en empathie avec cette famille brisée. Et comme Clarisse, on redoute l’arrivée de ce printemps, même s’il conserve son caractère de renaissance. 

 Film de Mathieu Amalric avec Vicky Krieps, Arieh Worthalter 

 


mardi 9 février 2016

Cinéma : "Chocolat", être humilié pour pouvoir exister

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Au début du XXe siècle, le clown « Chocolat » brillait sur les pistes des cirques avec son comparse Footit. Roschdy Zem signe le biopic du premier artiste noir célèbre. Humilié, mais célèbre.

Omar Sy est devenu l'acteur français le plus connu au monde. Comme Jean Dujardin après « The Artist », il s'est lancé dans une carrière américaine thésaurisant le succès d'« Intouchables ». A la différence que le colosse originaire de Trappes, après des années à jouer le « noir » de service dans des sketches bas de gamme, est considéré comme un comédien à part entière au pays de l'oncle Sam. Il participe ainsi à quelques-uns des plus gros succès de ces deux dernières années comme « Jurassic World » ou « X-Men, Days of Future Past ». Cela ne l'empêche de revenir en France pour tourner des scénarios soigneusement choisis. Il porte littéralement « Chocolat » le nouveau film de Roschdy Zem. Ce biopic du clown Chocolat a bien des ressemblances avec le parcours d'Omar Sy. A la fin du XIXe siècle, un jeune esclave est acheté à Cuba et placé dans une exploitation en Europe. Après de nombreux petits boulots, il découvre le cirque. Sa vigoureuse constitution et sa peau très noire lui permettent d'endosser le personnage d'un cannibale qui, accompagné d'une guenon, fait simplement peur aux enfants venus au cirque rire des péripéties des clowns. Un clown, justement, le repère et lui propose de devenir son compère de scène. Footit (James Thiérrée) sera le meneur et Chocolat l'Auguste.

Battu mais content
Un duo irrésistible quand Footit commence à maltraiter ce « nègre » selon le vocable de l'époque, qui encaisse les coups sans se révolter comme tout bon domestique qu'il est. Un rôle de composition pour Chocolat qui a pour véritable nom Rafaël Padilla. Une identité qu'il oublie face à la gloire, l'argent et les filles faciles. Chocolat dépense beaucoup à la table des casinos et se moque des brimades quotidiennes tant que le public rie. Footit y trouve son compte. Il gagne deux fois plus que la véritable vedette qui pour lui ne reste qu'un accessoire comme un autre. Le film, dans sa rudesse des rapports entre maître et esclave, permet au spectateur de découvrir la mentalité profondément raciste qui prospérait à l'époque dans cette France, si fière de ses colonies. Chocolat tente de se rebeller, de faire reconnaître son talent, mais l'éveil des consciences n'interviendra que bien plus tard, quand dans les années 60 un vaste mouvement de décolonisation a rendu honneur et indépendance à nombre de pays. L'image des Noirs auprès de la population changera radicalement, même si le film de Roschdy Zem dénonce en filigrane un certain racisme latent toujours très présent dans notre société. Le film permet à Omar Sy de s'illustrer dans des numéros hilarants et de donner une belle épaisseur à son personnage. Même si les auteurs ont pris quelques libertés avec la véritable histoire de Chocolat, la trame principale reste la même, de l'esclavage à la gloire puis l'oubli et la mort dans la misère.
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James Thiérrée, clown dans l'âme

chocolat,omar sy,zem,thierree,clown,gaumontSi Omar Sy a découvert l'univers du cirque et de la comédie clownesque à l'occasion du film de Roschdy Zem, James Thiérrée, son partenaire, est au contraire un pro de ce monde du cirque. Petit-fils de Charlie Chaplin, il a suivi ses parents dans les incessantes tournées du cirque familial. Très jeune il a arpenté la piste ronde en tant qu'acrobate, mime et... clown. Plus tard il prendra des cours de comédie et fera de nombreuses apparitions dans des films européens ou américains. Dans « Chocolat », c'est lui qui a mis au point les numéros du duo. Il a insufflé un peu de modernité et de surréalisme aux scénettes présentées au début du XXe siècle par les deux véritables artistes. Il a amplifié la grâce et l'agilité de Chocolat, gommant en partie sa gaucherie qui faisait tant rire le public, pour transformer chutes et fuites en ballet aérien. Son propre rôle est très physique. Mais cela ne fait pas peur à James Thiérrée, déjà remarqué dans le film « Mes séances de lutte » de Jacques Doillon. Déjà un duo fusionnel. Avec Sara Forestier, ils se battaient tout au long des 90 minutes du film, une lutte amoureuse déconcertante.

mercredi 12 août 2015

Cinéma - "Floride", le pays de la mémoire morte


Joli film sur la maladie, 'Floride' de Philippe Le Guay offre deux excellents rôles à Sandrine Kiberlain et Jean Rochefort dont ce sera sans doute la dernière apparition.


"J'ai la mémoire qui flanche" chantait Jeanne Moreau. Claude Lherminier (Jean Rochefort) aurait pu lui aussi fredonner cette chanson populaire dans ses ultimes moments de lucidité. Il aime chanter des ritournelles avec sa fille Carole (Sandrine Kiberlain), notamment quand ils roulent ensemble dans la vieille décapotable, une Renault portant le doux nom de Floride. La Floride est omniprésente dans l'esprit de Claude, vieil homme de plus de 80 ans, vivant seul dans sa grande maison près d'Annecy. En plus de la voiture, il adore la Floride car elle produit le meilleur jus d'orange. Pour son petit-déjeuner, il demande systématiquement à son aide-ménagère si c'est bien du jus de Floride. Il n'aime que celui-là. Une Floride qu'il idéalise, avec palmiers et soleil à volonté. Un état américain où vit son autre fille. Elle va peut-être bientôt venir en France. À moins que ce ne soit lui qui y aille.


Adorable méchant
Sous des airs de comédie, ce film est une réflexion intelligente sur la maladie d'Alzheimer, même si jamais son nom n'est prononcé, les liens de la famille et le passé. Claude, affaibli physiquement, n'est pourtant pas totalement dépendant. Son aide-ménagère, seule présence humaine dans son immense maison où la nuit il semble voir revenir quelques fantômes de son enfance, sert autant à le surveiller qu'à lui permettre de passer ses nerfs. Au grand désespoir de Carole, obligée d'en trouver de nouvelles après les multiples démissions. Elle pourrait le mettre dans une maison de retraite spécialisée, mais elle ne parvient pas à se décider, persuadée que ce serait signer son arrêt de mort.
Souvent farceur et joyeux, Claude aime jouer quelques tours à ces femmes de l'ombre. La nouvelle, Ivona (Anamaria Marinca) est une Roumaine obligée de tout supporter de ce vieux monsieur souvent charmant, parfois abject. C'est une des conséquences de la maladie. Ceux qui ont la tristesse d'avoir un proche atteint d'Alzheimer redoutent ces moments. Le père aimant et protecteur se transforme alors en horrible monsieur capable des pires insultes. Voilà pourquoi Claude se met à détester sa fille qu'il croit "cupide". Deux facettes d'un même personnage qui permet à Jean Rochefort de briller. Il passe aisément de la bonhomie à la haine, de la gentillesse à la méchanceté. Au point de briser le couple de Carole et d'embarquer Ivona dans une rocambolesque opération de profanation de sépulture.
Philippe Le Guay a adapté avec Jérome Tonnerre une pièce d'Adrien Zeller. Grâce à des flashbacks, le spectateur se retrouve parfois dans la tête, la mémoire, du vieillard qui retombe en enfance. Il se souvient parfaitement de ces moments où il était dans les bois en culottes courtes. Par contre, ce qu'il a fait la veille ou le mois dernier est totalement effacé. Comme si seul le passé très éloigné surnageait dans sa mémoire trouble.
Toute la réussite du film, particulièrement émouvant quand il s'approche de la Floride, consiste à nous mettre dans la tête de Claude. On le comprend, on l'aime, on l'excuse. On se prépare aussi, car un jour, nous aussi nous serons vieux.

dimanche 16 novembre 2014

Cinéma : "Respire" de Mélanie Laurent, une amitié étouffante

Charlie, lycéenne timide, se découvre une nouvelle amie, Sarah, aussi exubérante qu'elle- même est effacée. Mélanie Laurent, pour son 2e film, explore les amitiés destructrices.


Tourné dans la région de Béziers, dans un lycée sans âme, des pavillons de banlieue ternes et un camping désert pour cause d’arrière-saison, « Respire » n’a rien du film qui se justifie par la promotion touristique de la région d’accueil. Le décor, tout en ayant une certaine importance, est banalisé pour accaparer toute l’attention des spectateurs sur les tourments de ces deux adolescentes.
Charlie (Joséphine Japy), n’a pas la vie facile. Côté amour c’est le calme plat avec son « petit ami » officiel. A la maison, elle n’en peut plus des disputes incessantes entre sa mère et son père. Finalement il part. Soulagement pour Charlie. Grosse déprime pour la mère (Isabelle Carré) qui lui pardonne tout dès qu’il refranchit le seuil de la maison familiale. Charlie ne sait plus sourire.

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Elle rejoint le lycée en traînant les pieds, récupérant au passage sa meilleure amie, Victoire (Roxane Duran, spécialisée dans le rôle de la bonne copine insignifiante de l’héroïne). Ce quotidien terne s’illumine quand Sarah (Lou de Laâge) fait son apparition. Nouvelle élève, elle est installée à côté de Charlie. Sarah, belle, sexy, passionnante. Sa vie est un véritable roman. Elle habite chez sa tante, sa mère, responsable d’une ONG en Afrique, ne devant la rejoindre que dans quelques mois. Charlie tombe presque amoureuse de Sarah (on se demande même à un moment du film si on n’assiste pas à la redite de la Vie d’Adèle).
Sarah qui vient régulièrement chez elle et qui est même invitée à passer une semaine de vacances en novembre dans un camping quasi désert au bord de l’étang de Thau. Ces moments de détente, seules dans une caravane, va encore plus rapprocher les deux jeunes femmes. Mais Charlie constate également que Sarah, parfois, sait se montrer dure. Elle sait qu’elle est belle et comme pour rendre Charlie Jalouse, elle drague ouvertement tous les hommes du camping.
Mythomane ?
Tout bascule quand Charlie surprend Sarah en plein mensonge à propos de sa famille. Une anecdote insignifiante comme elle en a des centaines, mais en totale contradiction avec une précédente histoire. Et si Sarah était une mythomane ? Dès que Charlie se pose la question, son amie, sur la défensive, se met à la harceler et se transforme en redoutable ennemie. Peur, angoisse, recrudescence des crises d’asthme pour Charlie qui se retrouve littéralement étouffée par son ancienne amie.
Mélanie Laurent signe une réalisation sobre et efficace, glaciale par moments, s’appuyant sur un duo d’actrices idéales dans leurs rôles respectifs. Joséphine Japy, tout en intériosité, parvient à faire passer cette passivité implacable, directement héritée de sa mère, femme humiliée mais toujours amoureuse. Lou de Laâge, dans une composition plus classique, passe sans difficulté de la flamboyance à l’obscurité, de la séductrice irrésistible à la redoutable ennemie. Un vrai film d’actrices, dans tous les sens du terme.

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Actrice confirmée, réalisatrice affirmée


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Mélanie Laurent, à peine 30 ans, a déjà une longue carrière derrière elle. Cette jolie blonde a débuté très jeune comme actrice. Quelques petits rôles puis la révélation dans « Je vais bien, ne t’en fais pas » qui, lui permet de décrocher le césar du meilleur jeune espoir féminin en 2006. Elle multiplie les tournages, dont quelques premiers rôles comme « La chambre des morts » tirés d’un roman de Frank Thilliez ou les participations à des projets américains comme « Inglorious Bastards » de Quentin Tarantino. Mais tout en restant régulièrement devant les caméras, elle tente aussi une carrière derrière. Elle réalise « Les adoptés » où elle interprète également le premier rôle, une histoire familiale dont elle a écrit le scénario. Cela lui ouvre les portes pour « Respire », ce second film, plus abouti, sobre et efficace. La jeune réalisatrice avoue qu’il y a un peu d’elle dans le personnage de Charlie. Durant ses années lycée, elle est tombée sous l’influence d’une camarade nocive, une perverse narcissique comme Sarah. Heureusement, elle a su s’en éloigner avant qu’elle ne prenne trop d’emprise sur elle, ce que Charlie n’arrive pas à faire malgré les brimades, humiliations et harcèlements incessants. Mélanie Laurent ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Elle entend mener sa carrière sur les deux fronts, même si elle avoue une préférence pour la réalisation. Elle débutera en 2015 le tournage de « Plonger », son troisième film tiré du roman de Christophe Ono-dit-Biot.