dimanche 31 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : les Lopez, du 58 au 63

lopez, bagarre, gitansOn ne remerciera jamais assez internet de nous permettre de découvrir des mondes qui défient l'imagination. Les Gitans par exemple. Société étrange s'il en est, elle se dévoile en partie sur Youtube dans un feuilleton où tous les protagonistes se nomment Lopez. D'un côté les Lopez du 58, de l'autre les Lopez du 63. Une famille, deux clans et une brouille qui n'en finit plus.
Tout commence en 2012. Une banale dispute entre Djo et David, les deux chefs de clans. Ils sont vaguement cousins, mais oublient la famille. Ce qui compte c'est l'appartenance à un département. Les Lopez du 63 (Puy-de-Dôme) en ont après les Lopez du 58 (Nièvre). Et ils le disent dans une vidéo postée sur Youtube. Ils sont quatre, torse nu, muscles bandés, à s'adresser à la caméra à grand renfort de mots fleuris. De la pure provocation de fanfarons. Langage ordurier et gestes obscènes en prime.

Clash of Gitan : Lopez du 36 par Spi0n
La barre est placée haut, mais les Lopez du 58 relèvent le défi. Ils n'iront pas en découdre et se contentent eux aussi de tourner une courte vidéo où ils signifient tout le mal qu'ils pensent des "lopettes" du 63.
Depuis, la querelle se transforme en ping-pong vidéo. Un coup ils exhibent leurs muscles, un autre les armes. Il y a même le témoignage de la femme d'un Lopez, parente proche des autres Lopez...
On se délecte de ces joutes verbales gonflées à la testostérone. Sans compter que tant qu'ils se contentent de s'affronter par caméra interposée, on ne déplore ni blessé, ni mort. Ce serait dommage, vu le nombre astronomique de vues sur internet, les Lopez, de n'importe quel département, sont des stars planétaires en puissance.

samedi 30 mai 2015

DVD : Lune de miel mortelle dans "Alleluia" de Fabrice du Welz

Fabrice du Welz suit un couple maudit dans « Alléluia », film de genre réussi.

alleluia, welz, lola duenas, laurent lucas, horreur, wild sideAmis des films gore, ce thriller belge est pour vous. Fabrice du Welz (Calvaire, Vinyan) repeint ses décors en rouge avec ce long-métrage adapté d’un fait divers qui a défrayé la chronique dans les années 50 aux USA. Gloria (Lola Duenas) travaille à la morgue d’un hôpital. Veuve, elle cherche l’amour sur les sites de rencontre. Quand elle rencontre Michel (Laurent Lucas), le courant passe très bien. Mais le faux commerçant est en fait un gigolo spécialisé dans l’escroquerie des veuves éplorées. De victime, Gloria se transforme en complice pour rester près de son nouvel amour. Un couple maudit, entre un artiste du sexe et une femme folle de jalousie.
Découpé en autant d’actes que de femmes victimes, ce film à l’ambiance trouble et malsaine, se termine en apothéose dans la grande propriété de Solange (Héléna Noguerra) ultime femme prise dans les rais de Michel et Gloria.


Si toute l’histoire tourne autour du sexe, il n’y en a pas beaucoup dans les scènes clés, le réalisateur préférant filmer l’extase et la jouissance dans les gros plans de visages noyés dans des lumières criardes. Lola Duenas est particulièrement convaincante dans ce personnage de folle hystérique. Une véritable performance physique. Tournée dans les Ardennes belges, cette histoire bénéficie des atmosphères sombres, humides et froides d’une région pleine de ressources pour les cinéastes un peu talentueux. Côté bonus, en plus d’un making of classique, les trois acteurs principaux se confient longuement sur la façon d’appréhender leurs personnages légèrement dérangés.
« Alléluia », Wild Side, 19,99 euros

vendredi 29 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Poker, fin de partie

Présentée à l'époque comme la seule solution pour contrer les sites illégaux, l'autorisation du poker en ligne n'est finalement pas la poule aux œufs d'or promise aux nombreux opérateurs. Des 25 sites autorisés en 2010, il n'en reste plus que 13 aujourd'hui. De grands noms ont jeté l'éponge. Un "tapis" définitif, pas loin de la banqueroute. Il y a cinq ans, quand le gouvernement de Nicolas Sarkozy ouvre ce nouveau marché, beaucoup le soupçonnent de faire un cadeau à certains de ses amis et soutiens. Cadeau empoisonné... Cela coûte cher de proposer des offres concurrentielles. Et le gros problème reste la faible rentabilité. Quand les opérateurs de paris sportifs ne rendent que 75 % des mises aux gagnants, dans le poker ce pourcentage culmine à un faramineux 97 %. Conséquence, malgré des enjeux astronomiques, très largement supérieurs aux autres jeux comme les courses hippiques en perte de vitesse, le retour en investissement est quasi nul. Pour une fois, ce sont bien les joueurs qui ont toutes les chances de s'enrichir. Voilà tout le paradoxe de ces jeux d'argent sur internet. On croit que la finalité est de faire gagner les joueurs alors qu'en réalité tout est fait pour que ce soit les opérateurs (et l'État avec les fortes taxes) qui gagnent à tous les coups. Sauf pour le poker, ce qui explique sa raréfaction (encore toute relative) sur le net. Reste les tournois en chair et en os. Mais là, vous devez payer pour être admis à une table. Preuve que parfois, la vie réelle est bien moins avantageuse que le virtuel.

jeudi 28 mai 2015

DVD : « Invincible » leçon d’espérance


Angelina Jolie signe un film puissant sur le parcours d'un soldat américain durant la guerre du Pacifique.

invincible, angelina jolie, universalUn destin exceptionnel. Louie Zamperini (Jack O’Connell) a vécu une existence riche en péripéties. Ce fils d’émigrés italiens se découvre un don pour la course à pied. Jeune, quand il chaparde à droite et gauche, c’est le meilleur moyen pour échapper aux forces de l’ordre. Son frère le pousse à développer ce talent. À 18 ans à peine, le voilà aux Jeux olympiques de Berlin de sinistre mémoire. Il ne remporte pas de titre mais fait forte impression. Tous les spécialistes s’accordent pour voir en lui le favori des prochains JO, à Tokyo. Un certain Hitler en décide autrement.
L’Europe est à feu et à sang. Le Japon attaque les USA. Louie est mobilisé. Direction le Pacifique à bord d’un bombardier. Loin de sa famille et des anneaux cendrés de sa gloire promise, il risque sa vie à chaque sortie. Jusqu’à la mission de trop. Son avion s’écrase en mer. Il fait partie des trois survivants de l’équipage. La véritable épopée de Louie Zamperini peut débuter.


Angelina Jolie à la réalisation c’est beaucoup d’action, de la psychologie fortement teintée de spiritualisme et quelques scènes de bravoure. Celle qui a connu la célébrité mondiale en tant qu’actrice, a choisi de raconter une histoire d’hommes, entre hommes. Pas de vedette féminine dans le film si ce n’est quelques images de la mère de Louie dans des flash-back. La guerre, c’est souvent une histoire de mecs. La preuve avec Invincible.

invincible, angelina jolie, universal

Après 47 jours de survie dans le radeau pneumatique à manger du poisson, repousser les attaques des requins et tenter de garder la raison en se racontant les meilleures recettes familiales, Louie et son ami Phil (Domhnall Gleeson) sont secourus par un navire japonais. Secours est un grand mot. Immédiatement faits prisonniers, ils croupissent de longues semaines au fond d’un trou dans une île du Pacifique. À l’isolement, torturé quotidiennement, Louie croit devenir fou. Mais ce n’est que le début de ses tourments. Transféré dans un camp de prisonniers près de Tokyo (la ville où il pensait remporter une médaille pour son pays), il devient la tête de turc du sergent Watanabe (Miyavi), tortionnaire le plus horrible de toute l’histoire du cinéma. Un calvaire qui n’ira qu’en augmentant jusqu’à la libération.
Les bonus relativisent l’image de cet homme atroce, son acteur, musicien par ailleurs, reprenant forme humaine dans un concert à Sydney réservé à l’équipe du film. Une histoire à montrer à tous les défaitistes et pessimistes.


« Invincible », Universal, 14,99 euros le DVD, 17,99 euros le blu-ray

mercredi 27 mai 2015

BD : Un petit livre, des vies

jim, livre, banc, bamboo, grand angle, Mig Bookcrossing
Au fil des albums, Jim s'impose de plus en plus comme le scénariste de ces histoires plantées dans la triste réalité, mais merveilleuses de tendresse et de justesse. Après « Une nuit à Rome » ou « Héléna », il poursuit la veine de la romance improbable avec ce « Petit livre oublié sur un banc ». Camélia, dans un parc public, découvre un livre sur un banc. Abandonné par son propriétaire selon la technique du « bookcrossing ». Mais la jeune femme trouve dans ce roman des petits mots, comme s'ils s'adressaient directement à elle. Elle va entreprendre une correspondance avec ce mystérieux lecteur. Dans le second tome de cette histoire dessinée par Mig, elle tombe des nues. Une autre femme reçoit le même genre de messages. Jalouse, elle va tout faire pour découvrir qui se cache derrière le livre. Un écrivain ? Un mari infidèle ? Un pervers ? Toutes les solutions sont envisageables. Avec une rare science du coup de théâtre, Jim va alterner espoir, désillusion et sérénité. Une BD qui donne envie de partager ses lectures, sans arrière-pensées.

« Un petit livre oublié sur un banc » (tome 2), Bamboo Grand Angle, 13,90 €

mardi 26 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : L'écume de Cannes

festival, cannes, marceau, talons
Le grand paradoxe du Festival de Cannes réside dans ce mélange de strass et de réflexion. Si la sélection officielle présente le fin du fin en matière de cinéma intellectuel (sans aucun préjugé péjoratif), la montée des marches demeure le moment le plus attendu du public qui en grande partie n'ira pas voir le film récompensé par la Palme d'or (le palmarès complet ici).
Que retenir de ce Festival de Cannes ? L'écume, comme toujours. Oubliée la charge virulente contre le sort réservé aux chômeurs dans La loi du marché. À la place tout le monde se souviendra de la fameuse petite culotte de Sophie Marceau. Membre du jury, l'actrice française, déjà prise en flagrant délit de sein baladeur, a cette fois été la victime consentante d'une bourrasque de vent. Forcément consentante, la robe entièrement ouverte ne pouvait rien masquer de son anatomie à un moment ou un autre. On se fait remarquer comme on peut. Depuis quelques années, Sophie peut peu.
Les larmes du public après le film de Nanni Moretti auraient pu constituer l'autre fait marquant de ce festival 2015. Perdu ! Retour sur les marches et un problème de hauteur de talons. Certaines invitées sont refoulées. Pas en raison de tenues à la limite de la décence ou du bon goût mais pour cause de chaussures trop plates.
En parlant de bon goût, les organisateurs auraient mieux fait de s'abstenir. La productrice Valeria Richter, amputée de la moitié du pied gauche, n'a vraiment pas apprécié cette exigence. Et on dit des stars qu'elles font des caprices.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Les boules au chaud

texticule, contraception, slip, chauffantMesdames, vous allez apprécier ce qui suit. 1 600 signes entièrement dévolus à ce que l'homme possède de plus sacré : ses testicules.
Au début des années 70, quand la pilule n'était pas encore une évidence, les mouvements féministes tentent de trouver d'autres techniques pour s'envoyer en l'air sans risquer une grossesse. Pour une fois, ce sont les messieurs qui servent de cobayes. Des études scientifiques démontrent que l'élévation de la température des spermatozoïdes de quelques degrés nuit considérablement à leur fécondité. Il suffit donc de mettre les boules au chaud pour éviter tout accident.
Dans la pratique, deux techniques sont mises à l'épreuve. La première, la plus simple, consiste à utiliser des sous-vêtements trop petits. La pression fait remonter les testicules à l'intérieur de l'organisme. A 37°C, les pauvres petits spermatozoïdes ne servent plus à rien. Au passage, cette théorie confirme la chute flagrante de la démographie française lors de la mode des jeans moulants. Idem pour les toreros. Porter des tenues aussi ridicules s'explique sans doute par le solide complexe d'infériorité qu'ils ressentent face au taureau. Mais certaines féministes ont poussé le bouchon encore plus loin : mettre au point un slip chauffant. Quelques résistances électriques disposées au bon endroit, un peu de courant et roulez jeunesse.
Oui, l'affaire s'apparente à de la torture. Mais franchement, à côté de la pose d'un stérilet ou d'une interruption volontaire de grossesse, ce slip chauffant tombé aux oubliettes est un moindre mal.

lundi 25 mai 2015

BD : Les francs-tireurs de Sherlock Holmes

baker street, quatre, sherlock, holmes, djian, legrand, etien, vents d'Ouest
On ne dira jamais assez comme il est important de laisser le temps à une série pour s'installer. « Les quatre de Baker Street », scénarisée par Djian et Legrand et dessinée par Etien aurait pu disparaître au terme des deux albums classiques de ce genre de production. Par chance, les aventures de ces trois gamins des rues (et leur chat) dans le Londres de Sherlock Holmes a séduit suffisamment de lecteurs pour qu'elle se prolonge au-delà. Non seulement les histoires en ont gagné en qualité, mais le dessin d'Etien s'est affirmé pour atteindre une qualité irréprochable. Dans ce tome 6, les trois amis se cachent toujours dans le grenier de Sherlock, lui-même devenu invisible car se faisant passer pour mort. Le détective se dissimule pour terminer de démanteler le réseau de Moriarty. Il a dans son viseur l'homme du Yard, le superintendant Blackstone. Mais ce dernier est lui aussi à la manœuvre et comprend que la meilleure façon de faire sortir Holmes de sa cachette est de débusquer Billy, Charlie et Tom. L'histoire se déroule en grande partie dans le quartier irlandais de Londres, dans ce ghetto où la police n'est pas la bienvenue. Les Anglais non plus...

« Les quatre de Baker Street » (tome 6), Vents d'Ouest, 14,50 €

dimanche 24 mai 2015

Thriller : A l'école du meurtre avec "Leçons d'un tueur" de Saul Black

Enfant maltraité, Xander King devient un serial killer redoutable. Son itinéraire sanglant est retracé par Saul Black dans ce thriller d'une rare maestria.

saul black, leçons d'un tueur, presses de la citéSaul Black a mis tous les ingrédients classiques du thriller américain contemporain dans son roman « Leçons d'un tueur ». Le tueur dérangé, la pléiade de victimes, la fillette innocente, la flic alcoolique et même l'écrivain dépressif. Un puzzle qu'il assemble parfaitement dans une intrigue complexe et palpitante. La quintessence du livre qu'on ne peut plus refermer dès qu'on a eu le malheur d'en lire les premières pages.
L'entrée en matière est directe. Rowena, une jeune mère de famille, se remettant de la perte de son mari et père de ses enfants, vit seule dans une maison isolée. Son adolescent écoute de la musique dans sa chambre à l'étage, Nell, 10 ans, joue dans le jardin qui jouxte des bois. Elle n'a pas le temps de regretter de ne pas avoir fermé les portes à clé quand deux hommes débarquent dans sa maison. Xander et Paulie. Un duo de tueurs en série, sillonnant les USA dans un camping-car à la recherche de leurs proies. Le premier enseigne au second ses techniques de chasse et de meurtre. Rowena sera leur 9e victime.
Xander tuera également l'ado, mais Nell parvient à fuir dans la forêt. Paulie la poursuit, mais la fillette réussit à franchir un ravin et malgré une cheville cassée atteindre l'entrée de la demeure d'Angelo, écrivain dépressif qui semble attendre la mort dans cette cabane perdue dans ces forêts enneigées. Le récit se scindera alors en trois parties distinctes. La suite du périple de Xander, l'attente du vieillard et de la fillette dans le froid et l'enquête de Valerie, la policière en charge de l'enquête.

Course contre la montre
Saul Black (pseudonyme de Glen Duncan, auteur anglais pour l'instant plus spécialisé dans le fantastique, notamment « Le dernier loup-garou ») après ce départ bourré d'adrénaline, ralentit l'action pour mieux détailler la psychologie des différents protagonistes. Notamment Valerie, minée par cette enquête qui n'avance pas. Elle est sur la mauvaise pente. Les fantômes des victimes hantent ses courtes nuits. Pour dormir elle n'a plus d'autre solution que de boire quantité de vodka. Quand Carla, une jeune enquêtrice rejoint son équipe, elle se doute que ce n'est pas pour lui donner un coup de main mais pour l'évaluer discrètement. Cette opposition va donner une dimension supplémentaire à l'enquête classique.
Plus dérangeants les passages dans lesquels l'auteur expliquent les pratiques des tueurs (il faut parfois s'accrocher tant les détails sont immondes) et surtout comment ils en sont arrivés à ces extrémités. Puis le duo enlève une jeune Anglaise et la retient prisonnière dans leur base arrière. Le roman devient encore plus oppressant. Valerie, malgré la pression inquisitrice de Carla, jette ses dernières forces dans l'enquête car pour la première fois elle a la possibilité de sauver une vie.
Le final, comme dans un bon film (il ne serait pas étonnant d'ailleurs que ce récit soit adapté en thriller hollywoodien), se déroule dans la cabane des bois avec pour enjeu la vie de la petite Nell. Une grande réussite, de bout en bout.

« Leçons d'un tueur », Saul Black, Presses de la Cité, 22 €

samedi 23 mai 2015

Cinéma : Humiliations avant rupture dans "La loi du marché"


loi du marché, lindon, brizé, chomage, cannes
Filmé comme un reportage ou un documentaire, « La loi du marché » de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon montre l’âpreté du monde du travail actuel.



Présenté en compétition à Cannes lundi soir, « La loi du marché » de Stéphane Brizé est en salles depuis hier. Une sortie décalée pour un film au ton qui ne l’est pas moins. Vincent Lindon interprète Thierry, chômeur de 51 ans, à la recherche d’un emploi depuis près de deux ans. La première scène du film, un long plan séquence entre le chômeur et un conseiller de Pôle Emploi donne le « la ». Thierry vient de terminer une formation de grutier. Mais il constate qu’il ne sera jamais embauché car il n’a jamais travaillé dans le bâtiment auparavant. Et de demander pourquoi on lui a conseillé cette formation totalement inutile ? Le fonctionnaire n’a pas de réponse si ce n’est qu’il faudrait envisager une nouvelle reconversion, dans une autre branche, comme magasinier par exemple. Thierry, bouillonne intérieurement. On sent qu’il a envie d’exploser, de dire ses quatre vérités à ce rond-de-cuir incapable, juste bon à faire tourner un système moribond. Mais il prend sur lui. Ce n’est pourtant que le début de ses humiliations.

Humiliation publique
Faire un film sur la réalité d’un chômeur senior est un pari risqué. Le mélo se cache à chaque plan. Pour déjouer ces pièges, le réalisateur a fait le choix de la caméra à hauteur d’homme, comme un témoin de cette vie d’angoisse. Pas de fioritures dans la réalisation, une image brut de décoffrage. Comme l’existence de Thierry.
A Pôle Emploi, il doit suivre une formation pour mieux se “vendre” aux recruteurs. Il subit de plein fouet les critiques des autres stagiaires : trop froid, pas assez impliqué, regard fuyant... Il acquiesce. Une des scènes les plus dures, les plus démoralisantes. Tout le monde peut se retrouver dans la position de Thierry. Obligé de croire que si l’on ne trouve pas de travail, c’est en raison de sa personnalité trop éloigné de la caste des “gagneurs”.
A la banque aussi Thierry est acculé. Sa conseillère, après avoir tenté de lui faire revendre son appartement dont il n’a pas encore fini de payer les traites, veut lui faire souscrire une assurance décès. A 51 ans, une femme aimante et un fils handicapé moteur encore lycéen, il a l’impression qu’on lui propose de passer directement de la case chômage à celle de pierre tombale. A l’agonie financièrement il tente de revendre le mobile-home des vacances dans un camping au bord de la mer. Il tombe sur un de ces acheteurs persuadés que le marchandage est un art et qui trouvent normal de dénigrer le bien qu’ils guignent.
Alors Thierry accepte un nouvel emploi. Une nouvelle humiliation pour cet homme droit : vigile dans un grand magasin. De victime de la société capitaliste, il devient acteur du malheur des autres en démasquant petits voleurs, retraités chapardeurs et caissières indélicates. Mais à quel prix ?
Vincent Lindon, seul professionnel de la distribution, signe une véritable performance d’acteur dans cette chronique sociale d’un homme au bord de la rupture.
______________________________________________________________________
Le social-style

 loi du marché, lindon, brizé, chomage, cannesDans un style qui ressemble parfois à celui des frères Dardenne, Stéphane Brizé fait une première incursion dans le film social. Un genre très à la mode depuis quelques mois. On retrouve un peu dans « La loi du marché » l’ambiance de « Discount » et les personnages de « Jamais de la vie ». Mais si les deux longs-métrages de Louis-Julien Petit et Pierre Jolivet sont des œuvres de fiction s’appuyant sur un monde réaliste, le film présenté à Cannes en compétition ressemble plus à un documentaire, sans effet de style, grandes envolées et dénouement heureux (ou malheureux). Juste la captation de quelques mois dans la vie d’un homme fatigué moralement de se battre pour tenter de rester digne, de survivre dans un monde de plus en plus déshumanisé. L’impression donnée au spectateur d’être le témoin-voyeur des affres du cinquantenaire au chômage puis malheureux dans son boulot dénué de toute compassion, est renforcée par la réalisation volontairement peu sophistiquée. Toujours en retrait, la caméra filme rarement Thierry de face. Comme si lui aussi était le témoin de son existence. Les flous ou les aller-et-retour lors des dialogues, comme des travellings non maîtrisés, donnent une impression de spontanéité absolue. De même, l’utilisation des images des caméras de surveillance du magasin, aux images pixelisées et de mauvaise qualité, renforcent le côté sinistre de l’histoire.

vendredi 22 mai 2015

BD : Les aventures minimalistes de Hans

hans, anfré, delcourt, shampooing
La forêt. Des insectes, des oiseaux, quelques grosses bêtes et dans cet environnement souvent hostile un tout petit bonhomme. Hans, né sous la plume de Jérôme Anfré, personnifie toute la prétention de l'espèce humaine. Il se voit grand, mais est insignifiant face aux autres créatures. Quand chacun a un rôle parfaitement justifié et utile, il n'est qu'une tâche, une aberration dans l'ensemble. Cette série d'histoires courtes minimalistes, muettes, aux petites cases quasi dénuées de décors, s'apparente parfois à l'exercice de style. Logique qu'elle soit publiée dans la collection Shampooing dirigée par Lewis Trondheim, champion du genre. Hans se réveille comme s'il venait de nulle part. Tente de se protéger avec des feuilles mortes, utilise une brindille pour épée, défie une araignée et abdique rapidement face à une fourmi. Quand un renard passe dans les parages, il fuit. Terreur aussi quand il monte au sommet d'un arbre et se fait enlever par un oiseau. Loin de tourner en rond, cette BD montre l'évolution du petit bonhomme, découvrant le feu, les habits et au final croisant un autre de ses congénères. Inclassable, avec des airs de dessin animé, Hans prouve que la BD peut encore innover dans une production malheureusement de plus en plus formatée.

« Hans », Delcourt, 12,50 €

jeudi 21 mai 2015

BD : Manara raconte la vie du Caravage, peintre visionnaire

manara, caravage, peintre,italie, glénat
Milo Manara, selon un autre dessinateur sûrement moins doué dans la représentation réaliste des femmes, n'est qu'un « dessinateur de vagin ». Exit l'anatomie, Manara ose enfin quitter son genre de prédilection pour aborder la biographie dessinée. Il s'attaque à son maître, Le Caravage, celui qu'il considère comme son saint protecteur. En 1592, ce jeune peintre débarque à Rome. Il veut vivre de son art et tente de se faire repérer par un maître qui lui permettra de s'exprimer dans son atelier. Passionné de réalisme, il peint les femmes comme personne. Mais ce petit nouveau semble faire un peu trop d'ombre aux notables. Il doit se contenter au début de s'échiner sur de très peu passionnantes guirlandes destinées aux grandes toiles. Heureusement un mécène lui donne sa chance et il pourra composer des tableaux pour les églises de Rome. Manara décrit minutieusement le processus de création du Caravage. Il cherche des modèles et les met en scène comme un cinéaste. Il apporte beaucoup de soin au choix de ses personnages féminins. Cela donne la partie humaine de la BD, la relation tendue entre le peintre et une flamboyante prostituée, idéale dans le rôle de la Vierge. Au grand désespoir des religieux de l'époque. La belle Anna, à la croupe gracieuse et généreuse, permet à Manara de dessiner une nouvelles fois ces courbes qu'il maîtrise parfaitement.

« Le Caravage » (tome 1), Glénat, 14,95 €

BD : Dessinateurs dissipés dans le "Gang Mazda"

gang mazda, bosse, darasse, hislaire, dupuis
Prenez trois dessinateurs. Mettez-les dans un atelier. Observez. Cela donne une mine de gags, base de la série « Le Gang Mazda », imaginé par Hislaire et Darasse et dessiné par ce dernier. De 1987 à 1996, cette série a connu un beau succès dans les pages du journal de Spirou. Pour la première fois, une BD classique se penchait sur la vie de ces pro de la déconnade. Les premières planches s'inspirent directement des déboires des trois olibrius. Darasse, le dragueur impénitent, toujours dans la dèche, collectionnant les petites amies, les ennuis et les dettes, est le principal ressort comique. Rarement il est à sa table à dessin. Ses deux collègues au contraire sont des forcenés du pinceau. Hislaire, génial créateur de Bidouille et Violette, maître du romantisme avec Sambre, est un torturé congénital. Sa vie serait un enfer si Darasse n'était pas là pour y apporter un peu d'imprévu et de rire. Michetz, le troisième larron, méticuleux metteur en scène de Kogaratsu, passe autant de temps à peaufiner ses dessins qu'à aiguiser son sabre japonais. Lui aussi subit les errances de Darasse. Le trio n'a véritablement travaillé que six mois sous le même toit. Mais dans les pages de Spirou, ils ont illustré le travail des bébéastes durant près de dix ans et cette belle intégrale complétée d'une longue interview permet de mieux comprendre l'état d'esprit des trois « mazdaiens ».
« Le gang Mazda fait son intégrale » (tome1), Dupuis, 24 €



mercredi 20 mai 2015

DVD : Les risques du capitalisme dans "A most violent year"

Comment développer son entreprise en restant honnête ? Un dilemme traité dans « A most violent year » de J.-C. Chandor.

a most violent year, chandor, oscar isaac, studiocanalAu début des années 80 à New York, la crise économique complique la survie des entreprises. La pauvreté et la misère gangrènent la métropole. Pour s'en sortir, mieux vaut être peu regardant sur la légalité. Dans ce contexte où la violence explose de toute part, Abel Morales (Oscar Isaac) refuse tout écart avec la légalité. A la tête d'une entreprise de livraison de fioul, il s'appuie sur une équipe de commerciaux très motivés pour prendre des parts de marché à ses concurrents. Une réussite qui le pousse à voir plus loin, plus grand. Il met toutes ses économies dans l'achat d'un terminal au bord du fleuve. Pour boucler son budget, il veut emprunter à sa banque.
Le film, très réaliste, tourné en plein hiver, montre toute l'horreur du capitalisme forcené. Abel, fils d'immigré latino, croit encore au rêve américain. Il se veut proche de ses employés, aimant auprès de sa femme Anna (Jessica Chastain). Il dénote dans le reste de la société. Ses camions sont régulièrement braqués par des voyous attirés par la valeur du fioul. Sa femme, fille de gangster, s'occupe de sa comptabilité et jongle avec certaines dispositions de la loi. Conséquence un procureur intègre lance une procédure contre l'entreprise des Morales. A même moment, la banque se retire du projet. Acculé, Abel va tenter se sauver son rêve, au prix de certains renoncements.
Troisième film de J.C. Chandor, « A most violent year » n'est qu'un instantané, sans jugement. Le réalisateur s'intéresse surtout à l'humain de ses personnages. Les bonus sont copieux avec 20 minutes de scènes inédites, les coulisses du tournage et les interviews d'une grande partie de l'équipe.


« A most violent year », Studiocanal, 19,99 euros le DVD, 21,99 euros le blu-ray. 

mardi 19 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Les zombies de Facebook

zombies, apocalypse, facebook
Preuve que nos amis les zombies envisagent sous peu la conquête du monde, ils amorcent leurs entrées sur Facebook. À l'instar de cette petite application qui détermine "Où et quand mourrez-vous dans une apocalypse de Zombie ?" Seules infos indispensables : vos profil Facebook et lieu d'habitation. Ainsi j'apprends qu'en cas d'épidémie, je survivrai exactement 18 jours. Ensuite je boulotterai du cerveau au cimetière du père Lachaise. Dernière indication qui donne froid dans le dos : "votre erreur : des lacets dénoués". Si je n'ai jamais mis les pieds au Père Lachaise, j'ai effectivement la mauvaise habitude de lacer mes chaussures à l'emporte-pièce. Désormais, je ferai plus attention.
À certains de mes amis, l'algorithme mystérieux a accordé six mois de survie. Cependant leur erreur "une bonne gueule de bois" ou "une pointe de côté après 15 minutes de sprint" leur vaut une transformation dans la Creuse.
Au-delà du gadget, ce site permet de réfléchir à notre réaction en cas d'événement extraordinaire. Je l'admets, une invasion zombie semble peu crédible, mais une catastrophe nucléaire, un tremblement de terre ou une épidémie d'une grippe porcine retorse ne peuvent être totalement exclus du champ des probabilités. Et l'alibi-zombie permet de nous interroger sur notre attitude. La fuite éperdue ? Le retranchement dans un abri ? Le courage et l'affrontement ? Le suicide ? Autant de possibilités difficiles à pronostiquer.
Une seule certitude : "Quand arrive le zombie, compte tes abattis".

Livre : Les débuts d'Erlendur

Avant d'être le policier islandais perspicace révélé dans les précédents romans d'Arnaldur Indridason, Erlendur a débuté à la circulation et aux rondes de nuit. Souvenirs.

erlendur, arnaldur, indridason, Les nuits de Reykjavik, MétailiéDevenu le symbole de cette littérature noire nordique, Erlendur, le policier imaginé par Arnaldur Indridason, revient au centre du nouveau roman noir de l'auteur islandais. Mais ce sont les débuts d'Erlendur qui sont racontés dans « Les nuits de Reykjavik ». Célibataire, solitaire, Erlendur est un simple policier de base. Il est affecté aux patrouilles de nuit. Une vie décalée, à pourchasser les ivrognes et autres petits cambrioleurs. Rien de bien palpitant. Mais il fait son travail avec diligence, bon camarade, un peu taiseux mais toujours partant.
On découvre avec plaisir comment ce policier froid a débuté dans le métier. Chaque nuit est une succession de petites affaires. « La patrouille de nuit fut riche en événements. Ils durent intervenir pour des bagarres chez des gens et devant une discothèque du centre et arrêtèrent également trois automobilistes en état d'ivresse. » Du menu fretin. Mais cela permet à Erlendur d'avoir une grande partie de la journée de libre. Il aime se promener dans la ville, découvrir les quartiers nouveaux, parler avec les gens. Tous les gens. C'est ainsi qu'il a fait la connaissance de Hannibal, un ancien clochard alcoolique à qui il a donné quelques vêtements. Notamment un anorak vert. Quand Erlendur est appelé dans une zone d'anciennes tourbières remplies d'eau après la découverte d'un cadavre par des enfants, il reconnait immédiatement cet anorak. Et c'est effectivement Hannibal qui est mort, noyé.

Deux affaires en une
L'enquête conclut rapidement à la divagation d'un ivrogne, tombé dans le trou, saisi par le froid et mort dans l'indifférence générale. Erlendur est tracassé. Il se demande s'il aurait pu sauver Hannibal. Il va tenter de comprendre pourquoi cet homme, qui était en train de s'en sortir quand il l'a aidé, a replongé dans cette dérive alcoolique.
Alors le policier, sur son temps libre, va se renseigner, retrouver la trace de Hannibal. Il vivait depuis quelques semaines dans un caisson protégeant une canalisation. Un véritable cercueil mais qui avait l'avantage d'être un peu chauffé. Avant, il occupait une cave. Mais il en a été chassé après un incendie. Le policier va également rencontrer la famille du clochard et ses connaissances. Une sœur qui n'avait plus de nouvelles, une amie tout aussi alcoolique.
Au gré de ses pérégrinations, il va écrire la vie de cet homme, son drame et sa descente aux enfers. Avec rapidement la certitude que le soir de sa mort, il n'était pas ivre. Au contraire, il semble qu'il ait été volontairement tué.
Tout en patrouillant la nuit avec ses collègues, Erlendur va interroger plusieurs suspects : des voisins intolérants, un clochard violent... Et puis une seconde affaire criminelle va se greffer sur cette première.
Ce roman d'Arnaldur Indridason, moins pessimiste que les précédents, quand Erlendur enquêteur à la criminelle côtoie l'horreur au quotidien, montre comment le jeune policier a découvert sa vocation. Une intrigue emberlificotée à souhait, pleine de chausses-trappes et de fausses pistes. Au final Erlendur résoudra les deux affaires et gagnera l'estime de ses futurs collègues.
« Les nuits de Reykjavik », Arnaldur Indridason, Métailié, 19 €

lundi 18 mai 2015

Cinéma : Entraide féminine en Iran

L’une est taxi pour payer ses dettes, l’autre veut éviter un mariage forcé. « Une femme iranienne » présente deux visions opposées de la réalité de ce pays islamique.
taxi, téhéran, femme

Le cinéma donne l'occasion de voyager simplement. Et sans les risques de l'avion. Un mois après le remarquable « Taxi Téhéran », offrez-vous un nouveau périple dans Téhéran, ses rues, sa circulation intense et sa population écartelée entre volonté d'émancipation et respect des règles religieuses strictes.

« Une femme iranienne » de Negar Azarbayjani débute comme le film de Jafar Panahi : dans un taxi avec un gros plan sur le chauffeur. Mais cette fois, une femme est au volant. Rana (Ghazal Shakeri) est contrainte de conduire clandestinement la voiture de son mari pour rembourser ses dettes. Lui se retrouve en prison. Toujours à cause de cet argent si difficile à gagner. Rana, très religieuse, stricte, cache cette réalité à sa belle-famille. Son travail officiel, dans la couture, est plus politiquement correct. Mais il ne suffit pas. Rana rode la nuit et transporte hommes et femmes dans les quartiers de Téhéran les plus éloignés de son domicile.
L'autre personnage principal du film est interprété par Shayesteh Irani. Adineh est jeune, riche et désespérée. Elle attend un passeport avec impatience pour fuir son pays natal. L'échéance approche inexorablement. Son père a décidé de la marier la semaine prochaine avec son cousin. Un mariage forcé synonyme de perte de liberté.

Amitié naissante
Autant Rana est classique, dévouée à son mari, bonne mère et respectueuse des préceptes de l'Islam, autant Adineh rue dans les brancards. Tête rasée, elle délaisse le foulard classique pour une sorte de capuche bonnet. Elle fume et n'hésite pas à aller dans les toilettes des hommes pour ne pas attendre chez les femmes. Et quand deux machos la draguent, après les insultes, elle n'hésite pas à se battre. C'est dans ces conditions un peu extrêmes que les deux héroïnes se rencontrent. Rana accepte de prendre Adineh dans son taxi clandestin. Et la jeune fugueuse propose à la mère de famille de la conduire loin dans une ville de province, le temps de laisser passer la date du mariage. Une forte somme à la clé; la solution inespérée aux problèmes financiers de Rana. Toute la force du film réside dans la découverte mutuelle des univers des deux Iraniennes si différentes. Pour Rana, se marier est la solution aux problèmes. Pour Adineh, vivre à l'étranger lui permettra de vivre exactement comme elle veut. La réalisatrice, là où on s'attend à une simple photographie de la condition féminine en Iran, va beaucoup plus loin. Ce n'est pas tant des femmes qu'elle parle que de la différence entre les femmes et les hommes. Simples auxiliaires du mari tout puissant, les femmes n'ont pas la possibilité de vivre par elles mêmes. En dehors de ces cas extrêmes. Rana y est obligée car son mari est en prison. Adineh car elle cache un lourd secret lui empêchant à jamais d'être heureuse dans ce milieu.
Tout en subtilité, ce long-métrage gagne en émotion quand la situation d'Adineh se complique et que Rana, s'étant découverte une véritable amie, va devoir réviser son jugement sur les interdits imposés aux femmes.

dimanche 17 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Naufrage républicain

républicains, sarkozy, twitter
Le retour en politique de Nicolas Sarkozy évoque une émission de téléréalité en manque de scénaristes inspirés. Sans doute pour se rapprocher de la fameuse « France d'en bas », ses conseillers le persuadent de répondre sur Twitter aux questions des internautes. Pour faire jeune, connecté, à l'écoute...
L'opération de communication autour de la création du nouveau parti « Les Républicains » se solde par une bonne tranche de rigolade. Des milliers de participants et une grande majorité de détracteurs. Sarcastiques voire méchants, beaucoup l'interrogent sur Bygmalion, l'argent, Kadhafi, les mises en examen et autres affaires judiciaires en cours. L'exercice s'annonce périlleux. Alors l'ancien président tranche. Il esquive les sujets qui fâchent et se concentre sur le sérieux, le concret, ce qui engage l'avenir de la France.
Enfin pas toujours, car il ressort également de ces échanges que Nicolas Sarkozy apprécie la série télé « Homeland », qu'il travaille à améliorer son revers au tennis et qu'il se tâte quant à sa participation à l'émission de Cyril Hanouna. Essentiel aussi : entre chien et chat, son choix est simple, il a les deux à la maison (émoticones de matou et toutou à l'appui)... pathétique.
Mais pas autant que l'intervention d'un certain @Sarko_Junior (Louis Sarkozy, son fils...) « Je peux avoir une plus grande télévision pour ma chambre ? » Sarko père de marchander : « Je suis prêt à échanger une plus grande TV contre la suppression de ton addiction à ton ordi. » Réponse retwittée des milliers de fois et moquée tout autant. 

samedi 16 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : L'archipel des gourdes

Nabilla, livre, trierweiler
Rien de tel qu'un petit scandale pour relancer une carrière chancelante. Nabilla, reine des gourdes, manquait de consistance. Un coup de couteau et un mois de prison plus tard, la bimbo nunuche prend du galon tendance racaille. Après le scandale, son avocat annonce sa mise en retrait de la vie people.
Chassez le naturel, il revient au galop. Non seulement elle se remet en couple avec l'homme qu'elle a tenté de trucider, mais elle annonce la prochaine publication d'un livre-événement. Comme le fait perfidement remarquer un Twittos, « Nabilla va sortir un livre qui fera du bruit. Un disque, quoi... »
Sans rire, il me tarde de découvrir ce témoignage poignant (le cas de le dire) sur la triste condition des femmes en prison. En comparaison, L'archipel du Goulag de Soljenitsyne ou Le condamné à mort de Jean Genet passeront pour pipi de chat. Amnesty International va gagner une fervente militante de la défense des droits de l'Homme. Mais à quoi peut bien ressembler un livre de Nabilla ?
J'imagine déjà le chapitre où elle explique sa douloureuse rééducation de la marche... sans talon. « Tombée quatre fois en arrière aujourd'hui. Marre d'être naine. » Le plus dur, l'obligation de dormir la nuit. « Trop crevée. Pire qu'un jetlag entre Los Angeles et Monaco. » Je cauchemarde presque face au succès assuré du bouquin. Les Français, après s'être précipités sur les secrets d'alcôve distillés par Valérie Trierweiler, dévoreront avidement le « livre » de Nabilla dont la qualité littéraire atteindra certainement les sommets de sa distinction naturelle.

vendredi 15 mai 2015

Lebowski, dieu des Achievers


lebowski, dude, bridges, coen, bowling, séguier, culte
Chef-d’œuvre des frères Coen, « The Big Lebowski » ressort au cinéma et est au centre d’un passionnant livre hommage.

Si quand un ami vous exaspère avec ses bavardages intempestifs, au lieu de simplement lui dire “Tais-toi” vous lui hurlez “Ferme ta putain de gueule, Donny”, si vous buvez une moyenne de six “sodas à l’avoine” par jour et si vous apportez une importance démesurée à un tapis, pas de doute vous avez des chances de faire partie des Achievers. Ce n’est pas une maladie (bien que...) mais simplement la constatation que le film “The Big Lebowski” des frères Coen vous a marqué plus que de raison. Vous pourriez intégrer l'armée de fans qui se nomment ainsi depuis une quinzaine d’années.
Sorti à la fin des années 90, cette histoire d’homonymie foireuse avec Jeff Bridges dans le rôle du “Dude”, est devenue un véritable film culte. Les fans se comptent par milliers et se retrouvent chaque année au cours d’un mémorable “Lebowski Fest”. Les créateurs de cet happening cinématographique ont décliné leur folie sous forme d’un livre, « Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski ». On y trouve tout sur le film, des portraits de ceux qui ont inspiré les réalisateurs aux lieux de tournage et quizz pour spécialiste. En plus d’une préface de Jeff Bridges, les autres acteurs ont accepté des interviews, de John Goodman, inoubliable interprète de Walter, l’ancien marine philosophe expert en leurre composé de slip sales en passant par John Turturo, devenu Jésus Quintana dans le film, joueur de bowling au costume et postures inimitables.

Presque une religion
Mais le succès du film doit avant tout à la personnalité du Dude. Comme s’il était normal de s’identifier à un looser absolu, carburant au White Russian (la recette du cocktail est en page 253 du bouquin), capable de faire ses courses en peignoir et de prendre son bain en compagnie d’une marmotte en peluche. Le Dude, nonchalant, incapable de violence, grande gueule, charmeur, fainéant et aussi gaffeur impénitent. Pris pour un autre Lebowski, des petites frappes le martyrisent. Il va donc demander réparation, entre deux parties de bowling avec Walter et Donny et son autre “activité” préférée, siroter des cocktails, avachi dans son canapé. Certains Achievers ont carrément transformé tout cela en religion. Au grand désespoir des frères Coen, amusés mais assez peu impliqués malgré le succès.
Chance, “The Big Lebowski” ressort cette semaine au Castillet à Perpignan. Allez le voir avant de lire le livre. Ou l’inverse. Ça marche aussi.

« Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski », Séguier, 21 euros.

jeudi 14 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Esthétisation de la mort

burden, shoot, mort, corée, ministre exécution
Le monde de l'art contemporain pleure Chris Burden, décédé à Los Angeles à 69 ans. Américain originaire de Boston, sa cote explose dès 1971 lors de sa performance intitulée « Shoot ». Un idée toute simple, mais risquée. La caméra vidéo, l'arme et l'artiste dans la ligne de mire qui se fait tirer dessus. Pan ! C'est de l'art.
Dans le même genre, il se transforme en Christ des temps modernes lors de sa crucifixion sur une voiture. Avec de vrais clous, évidemment. L'âge aidant, il abandonne ces pratiques extrêmes pour des œuvres monumentales. La plus connue est installée au musée du LACMA de Los Angeles, 202 lampadaires gris des années 20 et 30 de l'âge d'or d'Hollywood, tous de tailles différentes, forment « Urban Light ». Cette forêt lumineuse remporte un tel succès qu'elle devient l'un des rendez-vous privilégié des Californiens.
Si la performance « Shoot » avait mal tourné, la renommée Chris Burden serait retombée comme un soufflé (aux pruneaux). Mais sa mort aurait été l'apothéose de son parcours créatif. Reste à savoir si la vidéo aurait conservé son statut de performance ou endossé celui de pièce à conviction dans une affaire criminelle ?
Question création morbide, le président de Corée du Nord surpasse Burden. La semaine dernière, Kim Jong-un pique une colère froide. Lors d'une parade militaire, son ministre de la Défense, au lieu de s'enthousiasmer, ose une sieste réparatrice. Cinq jours plus tard, le-dit ministre se transforme en chair à canon. Au sens propre : exécuté en public... à la batterie antiaérienne. Burden aurait certainement apprécié la vidéo de cette mise à mort. 

mercredi 13 mai 2015

DVD : Le Texas crépusculaire de "Cold in July"

Un citoyen ordinaire et deux vétérans de Corée dans “Cold in July”, polar tiré d'un roman de Joe R. Lansdale.

cold in july, wild side, hall, mickleTrois stars pour un film aux trois ambiances. Ce polar de Jim Mickle a le gros avantage d’alterner les situations. Un début thriller, une suite comédie comique et un final explosif et sanglant. Un seul DVD mais quasiment trois films différents.
Richard Dane (Michael C. Hall, inoubliable Dexter à la télévision) est réveillé par l’intrusion d’un cambrioleur dans son salon. Marié un enfant, il descend au rez-de-chaussée avec le revolver légué par son père. Panique. Tir. Le voleur est abattu.
Richard devient un héros ordinaire dans ce Texas de la fin des années 80. Problème, le cambrioleur avait un père (Sam Shepard). Il vient de sortir de prison et se met à terroriser la famille de Richard. Ce sont les 20 premières minutes thriller, avec angoisse et terreur. Certains réalisateurs auraient tiré sur la ficelle jusqu’à plus soif. Mickle, passé par le cinéma d’horreur, est plus subtil. Il parvient à conclure la première partie sur une note d’espoir.
Mais la conscience de Richard lui joue des tours. Il se renseigne sur le cambrioleur et découvre qu’il ne correspond pas du tout au portrait de l’homme qu’il a abattu. L’affaire se complique. Pour tenter de démêler l’écheveau il fait appel à un détective privé (Don Johnson). L’ancien acteur de “Deux flics a Miami” joue à merveille sur son image de Texan pur et dur. Jamais pris de court, désamorçant toutes les situations compliquées par des réparties savoureuses, il est le ressort comique du film. Cela donne une demi-heure de franche rigolade. Mais cela ne dure pas. La suite est extrêmement violente et sanglante. Michael C. Hall se retrouve dans son élément avec une scène rouge sang digne de la série qui l’a fait connaître au monde entier. Enlevé, tonique, sans temps mort, “Cold in July” est un excellent divertissement réservé quand même aux plus âgés. La simple interdiction aux moins de 12 ans aurait sans problème pu être repoussé jusqu’à 16 ans.
Les bonus, communs aux deux éditions (DVD et blu-ray), offrent près de 20 minutes de scènes coupées qui, effectivement, n’apportent pas grand-chose au développement de l’intrigue.


« Cold in july », Wild Side, 19,99 euros


mardi 12 mai 2015

BD : Maternité expliquée par Juliette Merris


bébé, enceinte, meris, Hugo
Le problème des femmes, selon de nombreux hommes, c'est leur envie de bébé. Comme si les galipettes devaient forcément se terminer par 9 mois d'abstinence forcée. Oui dans chaque femme il y a une mère en puissance. Juliette Merris, jeune graphiste, a voulu partager sur un blog sa quête de maternité. Après le net, jeveuxunbébé.com se prolonge dans cet album souple de plus de 120 pages. De la décision à la fabrication, le première partie alterne crises de rire et de désespoir. Car souvent les médecins doivent intervenir pour aider une grossesse compliquée. Juliette alterne le point de vue de la future maman et du futur papa. Elle est souvent incisive pour ce dernier, rarement suffisamment impliqué. Et puis le miracle a lieu. Le bébé est là. Les ennuis aussi. Sans le moindre tabou, l'auteur raconte tout, de la conception à la délivrance en passant par les premières couches et ces immense joies quand bébé sourit, pleure ou dort paisiblement. Attention, cette BD donne envie de faire des bébés !

« Je veux un bébé tout de suite ! », Hugo Desinge, 12,95 €

lundi 11 mai 2015

BD : Drôles de copines


cop's, bamboo, Cazenove, Fenech
Les femmes ont beaucoup fait pour faire avancer l'Humanité. Mais il ne faut pas non plus trop les mettre sur un piédestal. Comme les hommes, elles sont parfois futiles et terre-à-terre. Le gags en une planche constituant le troisième recueil de la série « Mes Cop's » en est l'exemple parfait. Jessica, le personnage principal, est entourée d'une bande de filles (de grandes adolescentes) qui se passionnent plus pour la dernière mode, les nouvelles applis pour leur smartphones et les cancans de people qu'à la bonne marche du monde. Peut-être un peu caricatural, mais il faut bien reconnaître qu'elles sont aussi comme ça. Cazenove au scénario fait souvent mouche comme cette idée de cadeau d'anniversaire pour une Jessica aux anges : le droit d'essayer TOUS les vêtements d'une boutique dans le vent. Essayer, pas acheter... Ce genre de série pèche souvent au niveau dessin. Ce n'est pas le cas grâce à l'implication de Philippe Fenech. Il prend visiblement beaucoup de plaisir à dessiner ces filles un peu fofolles, elles n'en sont que plus sympathiques.

« Mes Cop's » (tome 3), Bamboo, 10,60 €

dimanche 10 mai 2015

Livre : L'entité meurtrière d'un certain Jérôme Fansten

Jérôme Fansten est deux. Le romancier raconte comment il cherche à tuer ses pères avec son frère fantôme, issu comme lui d'un viol collectif.

fansten, meurtre, jumeaux, polar, anne carrièreRoman inclassable avec de véritables moments de réalité vraie, le « Manuel de dramaturgie à l'usage des assassins » est un tour de force dans le petit monde de la littérature française, tendance autofiction. Jérôme Fansten est scénariste de cinéma. Cela fait mieux qu'écrivain dans les soirées bobos. Même si les scénaristes sont les moins importants des créateurs dans le long et couteux processus de fabrication d'un long-métrage.
Il profite à plusieurs titres de cette soirée organisée par une grosse société de production française. Premièrement il boit et mange à l'œil. Mais ça, c'est l'apanage de 90 % des participants. Ensuite il trouve des clients pour fourguer de la cocaïne, sa principale source de revenus. Écrire des scénarios cela ne nourrit pas son homme. Encore moins des romans... Dernier intérêt de sa présence voyante dans ce cocktail mortellement ennuyeux : il se forge un alibi du tonnerre. Qu'il compte renforcer en séduisant une jolie blonde (ou brune, ou rousse, ou chauve... aucune importance) et passer le reste de la nuit dans son lit.
Jérôme Fansten a besoin d'un alibi car au même moment il est en train de saboter l'installation électrique de la villa d'un certain Pelletier, homme politique d'extrême-droite. Quand Pelletier entendra du bruit dans le hall et allumera la lumière, cela provoquera une superbe explosion qui le projettera à plusieurs dizaines de mètres de son habitation. Un meurtre parfait maquillé en bête accident. Et comme Jérôme Fansten était au même moment en train de roucouler avec une certaine L., il ne peut pas être inquiété.

Le vrai du faux
Le romancier, en empruntant les codes de l'autofiction, interpelle le lecteur. Pas de doute, il a réellement couché avec L. De même, ses dialogues sur la situation du cinéma avec des collègues ou ses considérations de romancier incompris avec son éditeur, Stéphen Carrière, semblent vrais à 100 %. Mais alors pourquoi s'accuse-t-il d'un meurtre ? Et comment le croire quand il explique qu'en fait, Jérôme Fansten est deux ?
L'idée géniale du roman est là. Sa mère, tombée enceinte après un viol collectif (Fansten aime le glauque), a accouché de jumeaux chez elle, seule. Elle a décidé de ne déclarer à l'état-civil qu'il seul enfant. Depuis 30 ans, Jérôme Fansten est une entité composée de deux frères qui vivent au grand jour à tour de rôle. Cela permet à l'entité de tomber amoureux de L. tout en tuant Pelletier, un des participants au viol collectif et potentiel père de l'entité...

« Atrophie du sens moral »
Cela semble compliqué mais le roman est limpide. Notamment car l'auteur est d'une grande clairvoyance sur les ressorts de la dramaturgie des histoires inventées. Comme il le fait remarquer, alors que la police criminelle enquête sur la mort de Pelletier, « Le crime le plus débile devient parfait s'il n'a pas de suites. Le crime le plus élaboré est une barbarie merdeuse si l'assassin se fait choper. » Jérôme Fansten cherche donc ses pères. Pour les éliminer. Comme une vengeance posthume pour les souffrances endurées par la mère et l'entité. On en déduit que ce romancier est un beau salaud. Erreur : « De nos jours, l'atrophie du sens moral est plus ou moins compensée par un profond conformisme, associé à une grande capacité de dissimulation. J'ai l'intuition que ces traits de caractère, quoi qu'on en dise, expliquent la société. Toutes les sociétés. » Et s'il y avait plus d'entités Jérôme Fansten que l'on croit dans notre entourage ?
« Manuel de dramaturgie à l'usage des assassins » de Jérôme Fansten, Anne Carrière, 21 euros



BD : Maria Sibylla Merian, la pionnière de l'entomologie


Maria Sibylla Merian, Lelardoux, Naïve
Avant même que les instances internationales ne décident arbitrairement d'une journée mondiale de la femme, certaines ont bousculé les certitudes machistes du sexe fort. Maria Sibylla Merian est une pionnière. Cette scientifique a consacré une grande partie de son existence à l'étude des insectes. Elle est même considérée comme la fondatrice de l'entomologie allemande. Yannick Lelardoux retrace cette existence peu connue en France. Au cœur de ce 17e siècle peu enclin à l'émancipation des femmes, Maria rentre dans le moule. Mariée, elle a deux filles et se contente de travaux ménagers et de peinture. Mais son caractère la pousse à refuser les violences de son mari, une exception à l'époque. Elle le quitte et se réfugie dans une congrégation religieuse à la limite de la secte. Un long préambule pour expliquer au lecteur ce qui a forgé le caractère bien trempé de cette mère intransigeante. C'est aux Pays-Bas qu'elle va s'affirmer. Seule avec sa cadette, elle va convaincre des marchands à financer un voyage au Surinam, en pleine forêt amazonienne, pour trouver un insecte qui pourrait remplacer le ver à soie. Une BD passionnée et instructive qui intègre la très bonne collection « Grands destins de femmes » des éditions Naïve.

« Maria Sibylla Merian », Naïve Livres, 18 €

samedi 9 mai 2015

Livre : Jane Bowles, la romancière qui a trop vécu

Jane Bowles a toujours mordu la vie à pleines dents. Surtout connue pour avoir été la femme de Paul Bowles, c'était une romancière exigeante et novatrice.
jane bowles, félicie dubois, seuil, tanger, célineIl est souvent impossible de séparer l'œuvre de la vie d'un créateur. Les deux sont intimement reliés, indissociables. C'est particulièrement flagrant dans le cas de Jane Bowles, romancière américaine dont Félicie Dubois vient d'écrire une biographie subjective mais passionnante. Cette femme de lettre française, auteur de plusieurs romans et d'un portrait de Tennessee Williams, ne cache pas son admiration sans borne pour Jane Bowles. En proposant au lecteur « Une histoire de Jane Bowles », elle veut raconter la vie palpitante de cette femme excessive, mais surtout faire prendre conscience à tout le monde qu'elle était une extraordinaire romancière, malheureusement incomprise de son vivant.
Le livre débute par la description du retour de Jane et de sa mère aux USA après deux années passées en Suisse. Jane, victime d'une chute de cheval, a perdu l'usage d'un genou. Jeune et intrépide, la voilà handicapée à vie, obligée de marcher avec une jambe raide. Sur le pont du paquebot, elle rencontre un homme étrange. Il lui explique qu'il va rejoindre sa muse de l'autre côté de l'océan. Jane Auer (elle ne deviendra Bowles qu'après son mariage avec Paul) a l'occasion de discuter avec son écrivain favori, le déjà scandaleux Céline. Nous sommes en 1934, Jane n'a pas 20 ans mais sait déjà qu'elle sera écrivain.

Étrange mariage
Elle vit avec sa mère (son père est mort depuis longtemps) dans des hôtels plus ou moins luxueux en fonction des revenus de la famille. A New York, la jeune Jane découvre le monde de la nuit. Elle aime faire la fête, boit beaucoup et multiplie les conquêtes. Féminines. Sa mère, de son côté, désespère de la marier.
Au cours de ses sorties, elle croise Paul Bowles, un jeune homme tout aussi fantasque qu'elle. Ce musicien de 26 ans « est un joli garçon blond aux yeux bleus, d'allure diaphane, élégant et distant ». Ils s'apprécient. Sur un coup de tête, ils partent pour le Mexique durant quelques jours. Une première virée qui en appelle d'autres. Finalement, c'est la mère de Jane qui pousse au mariage. Mais il y a un problème de taille : « Jane préfère les femmes, Paul aime les hommes. » Mais qu'importe ? « Jane est tout à fait prête à s'unir à un homme qui ne la désire pas, un moindre mal pour une jeune femme qui ne veut pas devenir mère. » « Lui est fier d'arborer à son bras cette jolie brunette espiègle et spirituelle qui fait fureur dans les soirées à la mode. » Une étonnante histoire d'amour qui durera jusqu'à la mort de Jane.
Le couple a la belle vie. Jane a de l'argent, Paul en gagne beaucoup en composant des musiques. Ils voyagent souvent et décident de s'installer à Tanger, dans cette ville cosmopolite qui fait tant rêver les intellectuels de l'époque. Jane a publié un roman, sans succès, et plusieurs nouvelles. Elle a également rédigé une pièce de théâtre. Mais lentement. Perfectionniste, elle écrit péniblement deux à trois phrases par jour. Il est vrai aussi que l'alcool commence à la diminuer de plus en plus physiquement.
Félicie Dubois raconte la fin, peu glorieuse de Jane, devenue presque folle, enfermée dans une institution religieuse en Espagne. Une fin logique, Jane Bowles semble avoir vécu 1000 vies durant ses 40 premières années. Une soif de découvertes, d'excès, d'amour et de passion qui a un peu alimenté son œuvre, mais qui l'a surtout épuisée et précipitée vers la folie.
En refermant ce livre, on n'a qu'une envie, lire le roman « Deux dames sérieuses » et les nouvelles de Jane Bowles publiés chez 10/18 en France. 

« Une histoire de Jane Bowles », Félicie Dubois, Seuil, 16 €

Cinéma : Notre père le manipulateur dans "Partisan" avec Vincent Cassel


partisan, cassel, sicarios, ariel kleiman
Un père aimant et exigeant, transforme ses enfants en machines à tuer dans “Partisan” avec Vincent Cassel.

Scénario, réalisateur et capitaux australiens, « Partisan » a pourtant été entièrement tourné en... Géorgie. L’ancienne république soviétique a conservé son architecture bétonnée et ses terrains vagues. Idéal pour planter le décor de ce film semblant se passer dans un futur quasi post-apocalyptique. Tout est gris, terne, froid, la peur sourde des murs en ruines. Dans cet univers de violence larvée, Gregori (Vincent Cassel), tente de se construire son paradis. Une communauté retirée, inaccessible si ce n’est par un dédale de souterrains.
Gregori recueille des femmes seules qui viennent d’accoucher. Il leur propose gîte, couvert et sécurité. Pour elles et les enfants. Elles sont une petite dizaine, comme un harem insouciant, et autant d’enfants coupés du monde, en autarcie. L’homme fait figure de père, d’instituteur, de Dieu aussi quand il se met à manipuler ces jeunes consciences vierges de toute morale.

Petits sicarios
Ariel Kleiman, le réalisateur de ce très étrange film, filme cette petite communauté comme un lieu sûr et épanouissant. Les enfants jouent entre eux, s’amusent, apprennent, respectent leur mère.
Une réalité trop belle. Car la finalité de Gregori est tout autre. Pour assurer la tranquillité de son petit monde, il lui faut de l’argent. Et pour le gagner, il utilise ses gamins si obéissants. Régulièrement, un homme lui remet des chemises avec à l’intérieur des indications précises. Où trouver un homme ou une femme, à quelle heure exacte, comment l’aborder. Dans le film c’est Alexandre (Jeremy Chabriel), 11 ans, qui s’en charge. Sa cible : un banal garagiste. Une fois qu’il s’est assuré de son identité, il sort de son sac à dos un pistolet et l’abat froidement. Bien éduqués, ces enfants sont des tueurs. Parfaits car totalement coupés du monde extérieur. Pour eux, ce n’est pas faire du mal, juste obéir au père...
L’idée du film est venue au réalisateur australien en visionnant un reportage sur les jeunes « sicarios » colombiens. Des enfants formatés par les trafiquants de drogue pour exécuter leurs basses œuvres. Sans montrer froidement la violence, « Partisan » glace le sang. Juste par le regard des enfants, leur innocence perdue. Pourtant la machine va se dérégler. Alexandre, à la faveur d’un événement inattendu, va saisir la réalité de la situation. Il aura alors le choix : continuer l’œuvre de Gregori ou retrouver un peu d’humanité. La fin, déroutante, laisse un goût amer dans la bouche. Tout n’est que fiction dans “Partisan”, mais la réalité, dans nombre de pays en guerre notamment, est encore pire.

BD : Rollergirl sur Mars

trish trash, mars, SF, Abel, Dargaud
Connue pour ses histoires underground américaines, Jessica Abel change totalement de style dans « Trish Trash » dont la première partie vient de paraître chez Dargaud. Même si elle conserve le format comics, elle étend son histoire qui comptera trois parties. Trish c'est le surnom de Patricia quand elle endosse sa combinaison de joueuse de hoverderby, la version moderne du roller derby, ce sport de contact ou des patineuses jouent des coudes pour tourner plus vite que leurs adversaires. L'action se déroule dans une futur proche sur Mars. La planète rouge, en voie de terraformation, permet à quelques fermiers de survivre difficilement. Trish vit chez son oncle et sa tante depuis la disparition de ses parents. Elle a 15 ans, ne supporte plus les travaux pénibles et rêve de devenir une vedette de l'équipe locale. Le récit se déroule sur deux niveaux. Un premier, purement sportif qui fait très américain, un second, beaucoup plus intéressant, sur le mode de vie sur Mars, le quasi esclavage des colons et le mystère entourant les indigènes. Totalement dépaysant et rafraîchissant car la fougueuse Trish ne se laisse pas faire, ni dans sa vie ni sur la piste.
« Trish Trash » (tome 1), Dargaud, 12,99 €



vendredi 8 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Billet doux

amour, romance, adolescence, papier, déclaration
Chaque matin, je promène ma chienne le long de jardins potagers. Hier, un bout de papier m'attire l'œil. Une demi-feuille de cahier d'écolier grands carreaux couverte de quatre lignes de texte. Je comprends vite qu'il est adressé à une jeune fille par un garçon : Cédric (1). Un billet doux comme il en a été écrit des milliards depuis que l'homme a inventé l'écriture.
« Si je sors avec toi, je changerai et je ne me comporterai plus comme un gamin » explique l'amoureux en préambule. « Je te promets, tu peux me faire confiance, je ne te ferai plus galérer. » Les grandes promesses, classique. « Moi, je t'aime », la belle déclaration. « Après je te laisse réfléchir », la balle est dans le camp de la belle.
Une bouffée de romantisme m'étreint en découvrant ces lignes. Mais mon scepticisme cartésien reprend vite le dessus. Étonnant qu'à l'heure de Facebook et des messages privés, de Snapchat et de tous les autres réseaux sociaux si prisés des ados, le dénommé Cédric utilise ce moyen de communication antédiluvien. Et pour quel résultat ? Si ce petit mot traîne sur le chemin entre herbes folles et crottes de chien, c'est qu'il n'a pas véritablement conquis le cœur de la dulcinée. J'imagine qu'elle l'a lu, en a rigolé avec sa meilleure amie et l'a dédaigneusement jeté sur le chemin de l'école. A moins que Cédric ne se soit ravisé et ait préféré abandonner au vent sa prose romantique. Les histoires d'amour commencent mal, en général.
(1) : prénom d'emprunt, ne prenons pas le risque que Robert Ménard l'incorpore dans un de ses fichiers fantômes...

DE CHOSES ET D'AUTRES : Prénoms impropres

ménard, islam, école, prénoms, maltraitance
Pas la peine d'en remettre une couche sur les fichiers de prénoms d'écoliers de la ville de Béziers. Robert Ménard a sans doute perdu une bonne occasion de se taire. Comme s'il était possible de déterminer la religion d'un enfant en fonction du prénom choisi par ses parents. Foutaises. Pour ne pas être plus grossier.
La grossièreté, cette mère maîtrise parfaitement. Elle habite à côté de chez une amie qui m'a raconté l'anecdote. Depuis l'arrivée des beaux jours, chacun vit les fenêtres ouvertes. Les deux maisons mitoyennes ne laissent que peu d'intimité côté conversation. La voisine a deux enfants de 2 et 5 ans.
Mon amie, bien involontairement, s'est rendu compte récemment qu'elle ne prononçait jamais leur prénom. Elle les appelle Hé ou Ho. Cela donne ce genre de dialogues (invectives exactement) : « Hé, tu vas arrêter ! » « Ho, ça suffit ! » « Hé, tu l'as pas volée celle-là ! » « Ho, tais-toi ! » (là aussi j'édulcore). Depuis, les enfants ont hérité du prénom de Hé et Ho quand mon amie nous donne de leurs nouvelles. Si par hasard la maman irascible donne naissance à une troisième cible, le futur bébé héritera-t-il du sobriquet de Ha ? Ou bien Hisse, pour aller avec son frère Ho ?
On peut en rire, mais le quotidien des petits Hé et Ho ne ressemble pas précisément à un chemin bordé de roses. Et pour clore ce chapitre de prénoms impropres, une colle pour Robert Ménard, grand ordonnateur des statistiques ethniques cachées : dans quelle religion va-t-il bien pouvoir caser Hé et Ho ?