lundi 31 juillet 2006

BD - Noir sur noir



Le roman noir a encore de beaux jours devant lui. Car le lecteur lambda sera toujours friand de l’horrible, de l’indicible. Olivier Mau, au scénario, n’a pas fait dans la dentelle avec ce long récit complet de plus de 80 pages, dessiné dans des noirs sombres et rageurs par Mabesoone. Julien Petit veut devenir un grand écrivain. Un de ceux qui vend par milliers ses romans, qui est reconnu dans la rue. Mais Julien ne rencontre que des refus auprès des éditeurs. Vivant avec son grand-père, il se morfond dans son échec jusqu’au jour où il pète les plombs. Montrer ses fesses dans la rue ce n’est pas si grave que cela, mais ça vous emmène droit à l’asile. Là il partage une chambre avec un vieille qui lui ouvre les yeux en lui affirmant « Vous êtres diabolique ! ». Julien Petit s’en persuade et se lance dans une carrière de serial killer, de la matière pour un futur roman-récit qui devrait déménager. Dans Paris puis sur la côte d’Azur, il va jouer du couteau, tuant autant d’innocents que son roman devrait compter de chapitres. Une BD sur la folie destructrice à la fin déconcertante. (Casterman, 14,95 €)

dimanche 30 juillet 2006

BD - Kheti part à l'aventure sur le Nil


Isabelle Dethan et Mazan vivent ensemble depuis de longues années à Angoulême. Ce sont les piliers de l’Atelier Sanzot et paradoxalement ils n’avaient jamais collaboré, menant chacun de leur côté des séries totalement différentes. C’est pour la jeunesse qu’ils ont uni leurs talents. Isabelle Dethan, dans la droite ligne de sa série “Sur les terres d’Horus”, a écrit les aventures de Kheti, fils du Nil et apprenti scribe, mises en images par Mazan. Kheti est entraîné dans le monde des Dieux. Il est victime de la fougue de Mayt, une fillette à la recherche de son chat. Mais ce dernier n’est pas un simple matou. C’est avant tout un espion pour la déesse Sekhmet. Il doit retrouver de toute urgence sa maîtresse pour la calmer. Divinité colérique, elle impose une sécheresse dévastatrice à l’Egypte pour punir ses sujets alors qu’ils ne sont pour rien dans son courroux. Kheti et Mayt devront affronter dieux, monstres et autres animaux fantastiques. Une série idéale pour initier les plus jeunes aux mystères de l’égyptologie. (Delcourt, 9,80 €)

samedi 29 juillet 2006

BD - Célibataire en croisière


Dur, très dur, la vie de célibataire dans une petite ville de province. Pourtant Jean-Paul n’est pas à plaindre. Il travaille dans l’entreprise familiale de fabrique de jouets en bois, a une belle maison, fait même attention à son physique en courant chaque matin autour du lac. Mais le gros problème de Jean-Paul c’est sa mère, toujours aussi possessive malgré les 30 ans de son fils. En permanence sur son dos, elle ne lui laisse pas une minute de tranquillité. Aussi, dans le plus grand secret, il s’inscrit à une croisière sur la Méditerranée réservée à des cœurs solitaires. Jean-Paul, timide et réservé, aura beaucoup de mal à faire le premier pas. Mais plus il s’éloignera des côtes (et donc de sa mère), plus il parviendra à briser la glace et même à s’amuser. Sans pour autant découvrir l’âme sœur. Car tout moment de détente est bon à prendre quand on est stressé et malheureux comme lui. Cette croisière initiatique lui ouvrira les yeux et changera sa vie. "Les cœurs solitaires" est justement le premier album en solitaire pour Cyril Pedrosa. Sur un thème très rabattu, il parvient à nous étonner. Enfin, c’est surtout Jean-Paul qui réussit finalement à se surprendre… (Dupuis, 9,80 €)

vendredi 28 juillet 2006

Roman - "Sur ses traces", thriller on the rocks

Un tueur en série, une medécin légiste, un policier en plein doute, un maire prêt à tout pour garder le pouvoir : ce thriller d'Elizabeth Becka se distingue par la complexité de la psychologie des personnages.


Elle même médecin légiste dans la police de Floride, Elizabeth Becka sait de quoi elle parle dans ce roman policier. Seule différence, son héroïne, Evelyn James, officie à Cleveland, ville froide et sinistre du nord des USA. L'action se déroulant en hiver, en plus des forces du mal, elle devra en permanence lutter contre le froid, la neige et le verglas. Evelyn est appelée un matin de novembre sur la scène d'un crime. Au bord de la rivière charriant ses eaux glacées, des promeneurs ont découvert le corps d'une jeune femme. Les deux pieds pris dans un seau rempli de ciment, elle est en plus enchaînée. Sur place, Evelyn va rencontrer un nouveau policier, David, et rapidement comprendre que la victime n'était pas morte quand elle a été précipitée dans l'eau. Commence alors le travail long et fastidieux des enquêteurs scientifiques. En plus de l'autopsie, Evelyn va relever les différentes fibres encore collées aux vêtements de la morte, tenter de découvrir la provenance du ciment et des chaînes. Mais tout va s'accélérer quand un second corps est découvert trois jours plus tard à proximité du premier. Et si la première victime est encore une inconnue, la seconde est beaucoup plus connue : Destiny Pierson est la fille du maire. Ce maire noir très ambitieux qui a été également le premier amour d'Evelyn il y a une vingtaine d'années. Les personnages principaux sont en place, le grand bal des apparences peut débuter.

Une lente agonie
Si Elizabeth Becka concentre son roman autour de l'enquête d'Evelyn, elle décroche parfois pour raconter avec un luxe de détails les affres des victimes. Un long chapitre est ainsi consacré à la captivité de Destiny et son agonie. Car la jeune fille, consciente alors que le ciment est en train de prendre autour de ses pieds, parviendra à se défaire de ses liens alors quelle est plongée dans l'eau glacée. Parvenue sur la berge au prix d'un effort surhumain, elle se croira sauvée avant de croiser une nouvelle fois le tueur. Un tueur mystérieux et aux pratiques d'un rare sadisme. Evelyn, qui a elle aussi une fille, Angel, âgée de 16 ans, ne peut que trembler pour sa progéniture. Et en pratiquant ses examens sur les cadavres en compagnie de David, elle s'interroge : « Je ne cesse de me demander ce que l'on peut ressentir, à voir ce ciment sur ses pieds, à entendre le bruit de l'eau et savoir qu'on n'a plus que quelques minutes à vivre. Ce n'est pas seulement la noyade, mais le fait de geler et de se noyer. L'eau doit donner l'impression d'être poignardée par des glaçons, et en même temps pas assez froide pour vous faire mourir instantanément, ni vous engourdir suffisamment pour ne pas ressentir la douleur lorsqu'on ne peut plus retenir sa respiration. »

Personnages complexes
Ce premier roman d'Elizabeth Becka, sans sombrer dans la complexité des enquêtes scientifiques, se distingue surtout par les interrogations des protagonistes, jamais manichéens, chose assez rare dans la littérature américaine. Evelyn, divorcée, tentant d'éduquer au mieux sa fille adolescente, aime son travail mais risque à tout moment de le perdre. Son chef, fonctionnaire installé, menace sans cesse de la remplacer par un jeune étudiant plus ambitieux. David, le policier, célibataire lui aussi, oublie son mal de vivre dans son travail, préférant aller interroger des proches des victimes tard le soir que de rentrer dans son appartement vide. Des personnages torturés, perfectibles et humains, confrontés à l'abomination au quotidien. Le lecteur se surprend à penser comme eux, à comprendre leurs doutes et à espérer un jour meilleur. Mais ne rêvons pas, nous sommes aux USA...

« Sur ses traces », Elizabeth Becka, Calmann-Lévy, 20,50 €

jeudi 27 juillet 2006

BD - Protecto, combat inégal


Si vous avez aimé « Mèche rebelle », vous apprécierez « Protecto », série écrite par Zidrou et dessinée par un Italien talentueux, Mattéo. Dans ce tome 1, on retrouve Kim, Alicia et Madame, les protagonistes de la première histoire reprise dans un gros album de 96 pages récupérant le numéro 0. Madame, c'est la Mort. Elle est vicieuse, persévérante et très sûre d'elle. Kim et Alicia ont déjà échappé à ses griffes grâce à l'aide des agents de Protecto, des anges gardiens chargés de déjouer les plans machiavéliques de Madame. Mais cette dernière est également rancunière et dans « La fabrique des mères éplorées », elle va s'attaquer à la petite fille de Kim. Une course contre la montre qui va s'achever dans une maison en flamme au bord du lac de Garde en Italie. Zidrou, si comique avec son élève Ducobu,ou tendre avec « Sac à puces », change totalement de registre avec cette histoire trouvant parfaitement sa place dans la collection Empreintes. Les mères sont prêtes à tout pour sauver leur progéniture, mais au final c'est Madame qui marque le plus le lecteur. Une parfaire représentation du mal, du malheur... (Dupuis, 13 €)

mercredi 26 juillet 2006

BD - Bad news in Azerbaidjan


Juste avant de dédicacer le troisième épisode des « Nouveaux tsars », Jean-Yves Delitte explique que « la vie est si courte et beaucoup trop hasardeuse pour se cacher derrière une imbécile pudeur en se refusant de crier haut et fort son amour aux êtres qui nous sont chers ». Comme si l'auteur, en enquêtant sur les pratiques de la mafia et des groupes terroristes dans les pays de l'ancien bloc soviétique, avait pris conscience que tout cela ne pouvait que conduire à une catastrophe mondiale inéluctable. Son héros, Youri Vladimir, croit encore en la justice. Il est employé par un organisme international pour contrôler le démantèlement de l'arsenal nucléaire russe. Quand il arrive en Azerbaidjan, il ne se doute pas qu'une révolution est en marche. Les groupes islamistes sont soutenus par des puissances étrangères voulant récupérer le pétrole de la région qui pour l'instant est exploité par des Canadiens. Vladimir enquête de son côté sur des fûts toxiques ayant coulé dans le lac Baïkal. Méticuleusement, Delitte démontre comment tout peut basculer dans l'horreur. Et que les vies humaines ne représentent rien quand le pouvoir et l'argent sont en jeu. (Glénat, 12,50 €)

mardi 25 juillet 2006

BD - Double gauche, monstre magicien


Dustin Goldfnger est devenu l'homme le plus puissant de Sinostropolis. Dans sa villa-palais, il reçoit le gratin de la ville. Une soirée prestigieuse au cours de laquelle une femme provoque un scandale. Elle prétend s'appeler Mimsy, connaître Dustin de puis son enfance et critique vertement son mode de vie. Car Dustin a amassé sa fortune en profitant malhonnêtement de son don. Dustin a deux mains gauches aux pouvoirs extraordinaires. Cette nouvelle série (prévue en trois tomes) est écrite par Corbeyran et dessinée par Formosa. Ce dernier, après des essais dans l'héroïc fantasy et le cyberpunk semble avoir trouvé sa voie. Un univers réaliste classique avec l'intervention de monstres cauchemardesque. Ce premier tome, après avoir planté le décor actuel, revient sur l'enfance malheureuse de Dustin et la découverte de son don. Mais il reste un monstre pour beaucoup, notamment Ordog Polok, propriétaire d'un cirque, prêt à tout pour capturer Dustin et l'exhiber aux spectateurs voyeurs. (Dargaud, 13 €)

lundi 24 juillet 2006

BD - Dieu est un buveur de coca


Entre délire loufoque et violente critique sociale, cette série de la collection 32 sort des sentiers battus. Premier épisode des aventures de James Dieu. Enfin Dieu tout court. Il a l'apparence d'Elvis Presley (à la fin de sa vie), vit dans une canette de coca-cola et avoue que sa seule erreur, la création de notre monde, est la conséquence d'une soirée trop arrosée. L'Humanité, ce n'est que la résultante d'un vomi d'ivrogne. Un préambule déconcertant dans un contexte beaucoup plus terre à terre. Un chicano immigré à New York est au chômage depuis six mois. Depuis que l'usine de Coca qui l'employait a été délocalisée... au Mexique. C'est lui qui a découvert la canette contenant Dieu. Il est un peu chamboulé par cette révélation, tant est si bien qu'il ne voit pas que sa femme, harcelée sexuellement par son employeur est en train de craquer. Fred Pontarolo lâche les brides de son imagination. L'opposition entre le réalisme social et la folie de Dieu confère à cette BD une ambiance unique. Et comme le premier épisode s'achève sur un coup de théâtre, on attend avec impatience la suite... (Futuropolis, 4,90 €)

dimanche 23 juillet 2006

BD - Lucille, la fuite et la faim


Le livre est presque aussi lourd que son héroïne. 544 pages écrites et dessinées par Ludovic Debeurme, racontant le passage à l’âge adulte de Lucille, une adolescente anorexique. Lucille va rencontrer Arthur, autre adolescent mal dans sa peau. Au début, ces deux écorchés vifs vivent leurs malheurs chacun de leur côté. Lucille est devenue un squelette ambulant pour ressembler à sa poupée longiligne alors qu’elle était une fillette plutôt grassouillette. Arthur rejetant son père, son métier de marin et surtout son alcoolisme chronique. Ils vont se croiser une première fois à l’hôpital. Et puis ce sera le coup de foudre et l’envie de partir ensemble, le plus loin possible. Ce sera l’Italie et sa douceur de vivre. Mais ce n’est pas parce que l’on change d’horizon que l’on n’emmène pas avec soi ses problèmes. Certes ils sont maintenant deux et peuvent s’épauler, reste que les blessures sont trop profondes pour guérir en si peu de temps. Roman graphique dépouillé, Lucille permet à Ludovic Debeurme de démontrer tout son talent de montreur d’âmes. (Futuropolis, 27,90 €)

samedi 22 juillet 2006

BD - Poison Ivy, inquiétante pin-up


Une nouvelle fois, Dottie Partington, alias Poison Ivy, a changé d'aspect et d'identité. Elle chasse le serpent venimeux dans les eaux chaudes d'Hawaï. Un serpent aquatique très dangereux. Pas spécialement agressif, sauf quand il se trouve en présence de sang. Après avoir collecté le venin, elle le vend à un laboratoire qui en fait du sérum. Soleil et mer à gogo : la vie de Dottie semble idéale, mais elle sait que ce répit est de courte durée. Son ancien employeur est toujours à sa recherche. Et pas pour lui souhaiter un bon anniversaire. Il envoie une tueuse sur place pour définitivement éliminer Dottie de ce monde. La belle a cependant d'autres soucis. En priorité effacer les trois lettres tatouées sur son épaule. A la place elle fera dessiner un serpent. Un tatouage très discret à côté des multiples motifs ornant le corps du sculptural Marlon. Un Kanak, fier de ses origines, recherché par la police pour le meurtre d'une touriste australienne. Yann, au scénario, a multiplié les intrigues autour du fil rouge de la fuite de Dottie. Berthet dessine avec toujours autant de grâce et de de brio les courbes parfaites de son héroïne préférée. (Dargaud, 13 €)

vendredi 21 juillet 2006

Roman - Flèche jaune dans une Russie à l'agonie

Viktor Pelevine raconte un voyage improbable dans un train russe traversant éternellement un pays en pleine décomposition.


Considéré en Russie comme un des auteurs les plus prometteurs de sa génération, Viktor Pelevine, dans ce court roman publié initialement en 1994, décrit une société russe refermée sur elle même, avançant indéfiniment dans une direction qu'elle n'a pas choisi mais qu'elle accepte, résignée. Toute l'action se passe dans un train, la « Flèche jaune », évocation de la Flèche rouge, fleuron de la technologie ferroviaire soviétique qui relie Moscou à Saint-Pétersbourg. A son bord, Andreï, jeune Russe survivant grâce à une bonne dose de philosophie. Il a la chance de dormir dans une couchette et parvient sans trop, de problème à subvenir à ses besoins ce qui n'est pas le cas de tout le monde dans le long convoi. Il ne sait plus depuis combien de temps il est enfermé dans la Flèche jaune. Ni ce qu'il y fait exactement. Seule certitude, le train ne s'arrête jamais et donc il est totalement impossible de s'arrêter. Cela ne l'empêche pas de rêver et de s'émerveiller en voyant un coucher de soleil. Mais l'inactivité aidant, il gamberge, et ne peut s'empêcher de comparer les rayons du soleil à des existences : « Et le pire était que toutes ces flèches jaunes qui tombaient obliquement par la fenêtre pouvaient fort bien posséder une conscience, l'espoir d'une vie meilleure et le sentiment de la vanité de cet espoir. Tout comme l'homme, elles disposaient peut-être de tous les ingrédients nécessaires pour souffrir ». 

Etrange faune voyageuse
Dans les couloirs des wagons, Andreï fait d'étranges rencontres comme des businessmen véreux fans de Saddam Hussein ou des farfelus n'ayant rien trouvé de mieux que d'inventer une religion sanctifiant la locomotive qui emporte tout ce petit monde vers une destination inconnue et improbable. Certains prétendent qu'un jour le chemin de fer s'arrêtera et que tous mourront dans un déraillement gigantesque. Mais sans que l'on sache pourquoi, ce jour n'est pas venu et la Flèche jaune poursuit sa route avec son lot de prisonniers. Et puis un jour, en risquant sa vie, Andreï parvient à monter sur le toit du wagon. Il y découvrira une seconde communauté, tout aussi prise au piège, mais au grand air. Il y croisera aussi Khan, celui qui va l'obliger à prendre son destin en main. Sans véritablement l'encourager : « Khan lui dit qu'il était non seulement inutile, mais même plutôt nocif de grimper sur le toit, car les possibilités de s'évader du train – pour de vrai - étaient encore moindres que de l'intérieur. Mais ils continuaient cependant à le faire, pour échapper durant quelque heures à l'espace étouffant de la vie et de la mort commue. » Entre désespoir et nostalgie, Andreï trouvera quand même la force pour regarder le monde en face. Un monde pas obligatoirement en perpétuel mouvement.
« La Flèche jaune », Viktor Pelevine, Denoël, 10 €

jeudi 20 juillet 2006

BD - Tony Corso voyage (un peu...)


Tony Corso, le privé de la jet-set, quitte pour quelques pages la côte d'Azur pour découvrir les charmes du Belize. Ce petit état d'Amérique centrale est une plaque tournante du blanchiment de l'argent sale. C'est dans ce pays corrompus que le fils de Warren Bullet a disparu. Le vieil homme, multimillionnaire, est victime d'un chantage. Mais en même temps que le kidnapping de son fils, tous ses comptes en banque ont été vidés. Pour payer la rançon il n'a plus qu'une solution : vendre sa propriété en bord de mer. Il charge quand même Tony Corso de retrouver son fils sous les tropiques. Tony va entraîner dans sa galère un copain d'enfance, Madgid, et un chauffeur de taxi d'origine antillaise. Le dénouement de l'affaire se déroulera pas loin de Saint-Tropez, sur cette riviera où les crocodiles aux dents longues et acérées grouillent à tout heure de la journée. Olivier Berlion parvient à renouveler l'entourage de son héros, lui trouvant un associé sympathique et une ennemie que l'on devine rancunière et de nouveau prête à en découdre avec Tony. (Dargaud, 9.80 €)

mercredi 19 juillet 2006

BD - Pauvre petit Pascal Brutal


Pascal Brutal, c'est le héros de l'avenir. Un futur proche, dans quelques années, quand Alain Madelin sera président de la République et que la société française sera devenue ultra-libérale. Une société qui donne sa véritable place à un homme musclé et sans tabou. Pascal Brutal règne en maître dans sa ville. Les filles sont à ses pieds, les garçons aussi. Car Pascal, monstre de virilité, ne se refuse pas parfois une petite aventure homosexuelle. C'est tellement agréable de rejeter, le lendemain, son amant d'une nuit. Les pleurs sont encore plus déchirants. Pascal Brutal sait être odieux. Imaginé par Riad Sattouf, l'homme à la gourmette en argent n'est pas très sympathique d'un premier abord. Mais toute l'astuce de Sattouf est de dévoiler, par petites touches, le côté gros bébé de Pascal. Il refoule son complexe d'oedipe, n'est pas remis de son amour caché pour une ancienne professeur et pleure en voyant des chatons. Loin de tout ce qui a été fait jusqu'à maintenant dans le domaine de l'humour corrosif, Riad Sattouf a inventé la psychologie de la testostérone. (Fluide Glacial, 9,95 €)

mardi 18 juillet 2006

BD - Pétanqueurs presque trop vrais


Curd Ridel, déjà comblé avec sa série Le Gowap et Angèle et René, se lance dans une nouvelle aventure en créant « Les pétanqueurs » avec Cazenove au scénario. Installé dans le sud de la France, le dessinateur a visiblement pris beaucoup de plaisir à illustrer les mésaventures de de trio de lanceurs de boules. Pour bien jouer aux boules il faut avant tout beaucoup de bagout, une mauvaise foi à toute épreuve et une liste de jurons longue comme un jour sans pain. Jurons ou expressions typiques de la région dont le lecteur pourra découvrir la véritable signification en fin d'ouvrage dans un lexique qui explique, par exemple, que « mounine » est la partie intime des jeunes filles. Mais un couillon de la mounine, c'est un simple d'esprit. « Estoquefiche » est une insulte dérivée du stockfish (bien connu dans le Bassin) qui sert aussi à dire d'une fille qu'elle est tellement maigre qu'on lui voit plus que le profil. Ridel dessine aussi quelques pin-ups vêtues courts et bien développées du côté poitrinaire. Mais elle ne valent pas Fanny qui mérite qu'on achète cet album rien que pour découvrir à quoi elle ressemble... (Bamboo, 9,45 €)

lundi 17 juillet 2006

BD - Les Cyclistes, du gros braquet


Le Tour de France vient de prendre le relais des footballeurs à la une de l'actualité et sur le petit écran, l'occasion pour découvrir ce deuxième album de la série « Les cyclistes » de Panetier (scénario) et Ghorbani (dessin). Les cyclistes en question n'ont rien des professionnels avalant les cols comme d'autres des olives à l'apéro. Nico, Chris, Doumé et Alain sont de jeunes sportifs découvrant sous la houlette d'un vieux de la vieille, Monsieur B., les secrets de ce sport exigeant et beaucoup plus technique qu'il n'y paraît. Mais comme c'est avant tout un recueil de gags, on n'en sort pas plus savant sur la science des dérailleurs et autres boyaux, et vos zygomatiques seront certainement plus fatigués que vos mollets. De plus Candice, charmante jeune femme à la recherche de sensations fortes apporte une note de fraîcheur dans une série parfois lourde, notamment quand intervient Doumé, le petit gros vulgaire et boulimique de service. (Vents d’Ouest, 9,40 €)

dimanche 16 juillet 2006

Roman - Une traque russe racontée par Henri Troyat

Un jeune idéaliste russe décide d’assassiner le meurtrier du grand poète Pouchkine. Un roman historique de vie et de mort signé Henri Troyat.


Alexandre Rybakoff, jeune Russe de bonne famille, vient d’achever ses études dans le même lycée que le poète Pouchkine a fréquenté dans sa jeunesse. Pouchkine mort il y a 32 ans dans un duel. Le Russe avait provoqué un officier français tournant autour de sa femme. Le baron Georges de Heeckeren d'Anthès, sans coup férir, tua l’écrivain jaloux, plongeant le monde littéraire russe dans un deuil interminable. D’Anthès, après quelques remontrances de sa hiérarchie militaire, a pu retourner dans son pays. Et quand Alexandre apprend que ce dernier mène la vie brillante d’un sénateur du Second Empire, il se jure de venger Pouchkine. 

Découverte de la vie
Une vengeance littéraire, telle est la trame de ce nouveau roman de Henri Troyat, académicien infatigable malgré ses 95 ans. Il est vrai qu’il aborde là un milieu qu’il connaît parfaitement, ayant signé il y a fort longtemps une biographie de Pouchkine. Mais cette fois il s’est intéressé au gagnant du duel, obscur militaire, devenu homme politique et grand serviteur de Napoléon III. Prétextant le besoin d’une cure au soleil du Midi de la France, Alexandre quitte les froidures de Saint-Pétersbourg et s’arrête à Paris. Jeune étudiant idéaliste, il va découvrir, au cours de sa quête de l’homme honni, l’exaltation des Républicains et le charme incendiaire des petites femmes de Paris. 
Mais même les plaisirs de cette vie nouvelle, loin de sa mère et de ses professeurs, ne l’empêchent pas de pister sa proie. C’est pratiquement dans une enquête policière qu’il se lance, repérant grâce à beaucoup de persévérance le meurtrier de Pouchkine, l’observant discrètement, cherchant à découvrir ses habitudes pour tenter de trouver une faille. Car il veut le tuer, mais également lui expliquer les raisons de cet acte. 

Entre haine et sympathie
Il trouvera finalement une ouverture grâce à un ami journaliste qui lui conseille de postuler au poste de secrétaire traducteur. Alexandre, sans trop y croire, écrit à D’Anthès et se retrouve engagé en moins d’une semaine. Cachant ses intentions, le tueur en puissance va tout faire pour devenir un familier de sa future victime. Et au fil des séances de travail, Alexandre va mieux connaître cet homme politique réactionnaire mais bon père de famille. Et petit à petit le doute va s’immiscer dans l’esprit d’Alexandre : « L’idée que le meurtrier de Pouchkine était capable de sentiments humains me dérangeait dans ma haine. J’aurais voulu qu’il fût un bloc de défauts. Seul un monstre intégral pouvait me renforcer dans ma décision. Mais les monstres n’existent que dans l’imagination des romanciers. La vie nous apprend à détester ou à aimer des gens qui ne sont ni totalement détestables, ni totalement aimables. La jeunesse méprise le juste milieu, l’âge mûr en fait son ordinaire ». 
Le cas de conscience d’Alexandre est de plus en plus flagrant. Va-t-il respecter son engagement ou au contraire, la raison lui dictera d’épargner ce vieil homme ? C’est dans ce questionnement que repose toute l’intrigue du roman. Henri Troyat, en vieux routier de l’âme humaine, va décortiquer les errements, hésitations et exaltations du jeune Alexandre, avec en toile de fond historique les prémices de la guerre de 70 entre la France et la Prusse. Un roman exemplaire sur le façonnement de la personnalité d’un homme, quel qu’il soit.

« La traque », Henri Troyat, Grasset, 16,90 €

samedi 15 juillet 2006

BD - Une étoile toujours aussi mystérieuse


La réédition des fac-similés des premiers albums de Tintin en couleurs permet aux jeunes lecteurs de redécouvrir les versions originales de ces bandes dessinées entrées dans la légende du neuvième art. Certaines aventures étaient très différentes. D’autres sont restées presque identiques. Les modifications sont minimes. « L’étoile mystérieuse », parue en noir et blanc sous forme de strips dans le quotidien belge le Soir, est sortie en albums en 1942. Directement en couleurs. Hergé n’y était pas très favorable. Les éditions Casterman ont réussi à le convaincre. Plus d’un demi siècle plus tard vous pouvez vous plonger dans cette aventure de Tintin comme les jeunes francophones l’ont découverte en pleine guerre. Dos toilé, papier épais, coloris aux tons chauds, la réédition est remarquable. L’histoire n’a pas changé : un morceau d’astéroïde est tombé ans le grand Nord et deux expéditions concurrentes se font la course pour s’en accaparer. La différence essentielle c’est la nationalité des concurrents peu scrupuleux de l’équipe européenne menée par Tintin et Haddock. Financée par un banquier juif américain pour le compte des USA. Après guerre, ce détail faisait tâche… (Casterman, 17,95 €)

jeudi 13 juillet 2006

BD - Le Professeur Bell rajeunit


Pas évident de trouver le sommeil après avoir causé la mort d’une petite fille. Le professeur Bell, héros imaginé par Joann Sfar et dessiné depuis trois albums par Hervé Tanquerelle, a dont tué par inadvertance la fille unique de son pire ennemi, Adam Worth. Conséquence, les nuits de Bell sont courtes et agitées. Cauchemars incessants, réveils en sursaut : c’est un véritable calvaire qui pousse Bell à commettre l’irréparable : tenter d’assassiner Worth. Il échoue lamentablement et tout le monde le pousse à prendre quelques jours de vacances. Il choisit la verte Irlande au grand désespoir de son valet et confident, Ossour. Son impétuosité le pousse à s’attaquer à des lutins qui le capturent et vont lui jouer un drôle de tour. Moins mouvementée, plus cérébrale, voire philosophique, cette nouvelle aventure de Bell porte véritablement la marque de fabrique de Sfar, parfaitement enluminée par un Tanquerelle au trait adapté aux différentes ambiances. Il se permet même un dessin pleine page digne du grand-guignol. (Delcourt, 12,90 €)

mercredi 12 juillet 2006

BD - Mic Mac Adam et l'amazone


Dans « L’Amazone des ténèbres », quatrième titre de ses nouvelles aventures, Mic Mac Adam retrouve Miss Vickie Pitcott. Cette vieille connaissance avait disparu. Mais ce n’est pas la véritable Vickie qu’il rencontre au cours d’un reportage sur les lignes allemandes en pleine première guerre mondiale. La jeune femme, possédée par une entité fantastique, s’est mise au service du 2e Reich. Dans son avion biplan, grâce à l’aide de créatures magiques, elle décime toute une escadrille française. En Allemagne, les puissances magiques maléfiques entrent en jeu alors que chez les Anglais, le paisible peuple des Kobbels met sa maîtrise de l’agriculture pour approvisionner les troupes alliées. Mais cela ne semble pas suffisant. Ils devraient prendre aux aussi les armes. Double intrigue, des deux côtés du front, pour une série fantastique toujours dessinée par André Benn, auteur belge très talentueux, trop souvent dans l’ombre, mais scénarisé par deux jeunes, Luc Brunschwig et Sylvain Runberg. (Dargaud, 11 €)

mardi 11 juillet 2006

BD - Le terrorisme du futur


Polar américain avec un zeste de sabre japonais et de cheval comme à la grande époque de la conquête de l’Ouest, New West de Palmiotti (scénario) et Noto (dessin) est surtout l’occasion pour ses auteurs d’imaginer Los Angeles dans un futur proche, « après l’impulsion ». L’intrigue, une prise d’otage qui tourne mal, est supplantée par cette fameuse impulsion et ses conséquences. Un beau jour, des terroristes coréens, mécontents de l’américanisation de leur pays, ont bricolé une bombe électronique aux effets ravageurs. Une fois actionnée, elle a éliminé toute forme d’électricité à des kilomètres à la ronde. Le premier signe cela a été les avions qui sont tombés du ciel, ensuite les catastrophes se sont enchaînées inexorablement. Et comme cette impulsion agit toujours, c’est un détective privé à cheval et armé d’un sabre qui va tenter de retrouver le maire, lui aussi kidnappé. Dan Wise, politiquement incorrect, découvrira le pot aux roses. Sous des airs de BD d’action et de combat, un beau message contre les manipulations des grands de ce monde. (Bamboo, Angle Comics, 10 €)

lundi 10 juillet 2006

BD - Interrogations d'artistes

Carlos Sampayo, créateur d’Alack Sinner avec Munoz, signe un récit complet dessiné par Oscar Zarate sur les affres de la création.


Chantal Fernandes est une journaliste parisienne spécialisée dans le domaine culturel. Alors que son ordinateur tombe en panne, elle reçoit la commande d’un reportage sur les trois artistes lauréats d’une fondation présidée par un certain Blanchard. Adriano Lazzari est un musicien virtuose, Maurice Malikian un peintre majeur et Diego Nogales un écrivain traduit sur toute la planète. Chantal va tenter de découvrir pourquoi ce sont ces trois artistes qui sont distingués cette année, et ce que se cache derrière leurs œuvres. 
 Le lecteur découvre Chantal dans son appartement en train de préparer son reportage, mais il comprend rapidement que ces scènes ne sont que des retours en arrière. Le présent, c’est Chantal étendue à terre, inanimée, la tête ensanglantée. Que s’est-il passé ? 

Souvenirs parisiens
 Sampayo avec toute son expérience de la narration elliptique va faire se rejoindre ces deux courbes du temps, jusqu’au coup tragique. Chantal, avant de pouvoir rencontrer les trois artistes qui viennent d’arriver et Paris et logent tous dans un palace, devra passer la barrière de Blanchard. Prétentieux, sûr de lui, considérant son personnel comme un cheptel corvéable à merci, il va tenter de séduire Chantal qui résistera pour ne pas cracher tout le dégoût que lui inspire cet homme. Les trois artistes se croisent dans l’hôtel, sans véritablement faire connaissance. A tour de rôle, ils se souviennent d’une période de leur vie, à Paris justement, dans leur jeunesse, alors qu’ils n’étaient pas encore reconnus par la profession et le public. Nogales par exemple, jeune père, ayant laissé sa famille au Mexique, tombe dans les bras d’une hôtesse de l’air française. En quelques jours une passion dévorante va transformer les deux amants. L’écrivain, sur un nuage, retrouvera durement la réalité. Au cours d’un voyage de nuit, sur des routes envahies de brouillard. Depuis, il détient en lui un secret terrible, source de son nouveau style faisant l’économie de certains mots qu’il ne peut plus prononcer. 

Un visage lunaire
 De la même façon Adriano Lazzari, alors adolescent, écrasé par son père, musicien virtuose, découvre l’amour dans les bras d’une jeune étudiante… Chantal Fernandes. L’histoire de Maurice Malikian est encore plus tortueuse. Ce maître de l’autoportrait a sculpté son visage, avec la complicité d’un chirurgien esthétique. Aujourd’hui il a gommé tout ce qui fait une personnalité : cheveux, lèvres, nez, sourcils, pommettes… Sa face est lunaire. Pourquoi s’est-il infligé cette torture ? Adriano aime-t-il toujours Chantal ? Qui l’a frappée ? 
 Au cours de ces 80 pages denses et dramatiques, les deux auteurs réussissent à explorer au plus profond ces trois âmes ayant certainement, à un moment donné de leur vie, trop sacrifié à leur art. Passionnante, cette BD a le souffle des grands romans, avec des personnages forts et attachants mais surtout fragiles, comme tous les génies… 
« Trois artistes à Paris », dessin Zarate, scénario Sampayo, éditions Dupuis, 14 euros

dimanche 9 juillet 2006

Polar - Où les borgnes sont rois

Loin des clichés de la Côte Ouest américaine qui fait rêver, ce thriller de Jess Walter conduit le lecteur dans les bas-fonds de la conscience humaine.

Une nuit froide dans la ville de Spokane située au coeur de l'Etat de Washington, pas loin du Canada, mais très éloignée du miracle économique de la côte Ouest des USA, de Seattle à Los Angeles. Spokane ville sinistrée économiquement, encaissée au pied de montagnes presque perpétuellement enneigées. La police locale, sans être submergée, a beaucoup à faire. La patrouille a trouvé un homme, un borgne avec bandeau noir de pirate, au sommet d'un hôtel désaffecté. Il semblait vouloir se suicider. Refusant de parler, il attend dans une salle d'interrogatoire. Caroline Mabry, bien qu'elle soit sur le point de finir son service et de partir en week-end, décide d'entendre cet inconnu. Il lui faudra beaucoup de temps pour rompre la glace et finalement il avouera un meurtre et voudra se confesser à la policière. Une confession écrite qui constitue le gros de ce roman policier de Jess Walter, ancien journaliste connaissant parfaitement la région de l'action. Elle alterne avec l'enquête plus classique de l'agent Mabry qui doit dans un premier temps découvrir l'identité de l'homme s'accusant de meurtre. 

Le cas Eli Boyle
L'inconnu borgne débute son récit quand il était encore élève en CM2 et qu'il devait prendre le bus scolaire chaque matin. C'est là qu'il a rencontré pour la première fois Eli Boyle. "Je n'ai jamais connu d'élève aussi âgé qui faisait encore pipi à l'école, qui pleurait, qui s'asseyait à l'avant et appelait sa maman. Il devait porter des chaussures orthopédiques à cause d'un pied déformé, souffrait d'une scoliose, de lésions cutanées et de la gale, et l'infirmière scolaire l'emmenait sans cesse pour un impétigo, une indigestion, une occlusion intestinale, ou toute autre saleté qu'il traînait dans son sillage comme seuls amis". Eli Boyle dont il s'accuse d'avoir pris la vie. Eli qui était devenu son ami, son protégé. Il a toujours été là pour le protéger, notamment depuis qu'il a perdu un oeil dans une bête bataille au pistolet à plomb. C'est Eli, en prévenant les secours, qui lui a sauvé la vie. 
La majeure partie du roman est donc composée de ces souvenirs d'enfance et d'adolescence, avec les progrès incessants d'Eli pour tenter de s'insérer dans la vie active. Le narrateur au fil des pages se dévoile, alors qu'en parallèle Caroline Mabry elle aussi parvient petit à petit à reconstituer le puzzle, cherchant ce cadavre sans lequel les aveux du borgne ne restent qu'affabulations. 

Policière dépressive
Caroline qui elle aussi profite de cette enquête atypique pour se poser quelques questions sur sa vie. La solitude lui pèse, son métier la déprime et elle connaît trop bien cette ville. Se remettre en question ? La belle affaire. "C'est facile d'être seul, le week-end. D'habitude, à cette heure-ci, le samedi après-midi, Caroline Mabry a oublié jusqu'à l'existence d'autrui et s'est installée devant son écran de télévision ou d'ordinateur, enfin à l'aise avec elle-même après une semaine pénible au bureau." Bref la jeune policière est au bord de la dépression et sans qu'elle sache pourquoi elle va totalement s'investir dans cette enquête, passant trois jours sans dormir, remuant ciel et terre pour prouver que l'inconnu a menti. Une certitude qui s'affirme de page en page, alors même qu'elle se découvre une attirance, une concordance, avec ce paumé de la vie, ne supportant les coups que le sort lui a donné au cours de ces dernières années. 
Ce thriller social et romantique de Jess Walter est remarquable par sa construction jonglant avec les allers-retours entre présent et passé et surtout le personnage d'Eli Boyle, apparent monstre mais véritable âme d'un roman cru sur la misère humaine.

« Où les borgnes sont rois », Jess Walter, Seuil, 19 €

samedi 8 juillet 2006

Roman - Des veuves au kilo...

Ce roman de Philippe Carrese est un road movie familial sur les routes de France en compagnie d’un flic de base et du fils d’un aristocrate.

On roule beaucoup dans "Les veuves gigognes", polar signé du Marseillais Philippe Carrese. La première scène se passe au bord d’une rivière, mais très rapidement une voiture va faire irruption dans cette scène bucolique. Une Jaguar venant de défoncer un parapet de cette route de montagne et qui plonge inexorablement vers le vide. Le conducteur, un ancien député de droite, meurt sur le coup. Une mort lourde de conséquence pour nombre de personnes qui ignoraient même son existence. En premier lieu Lucas Rosarian, flic dépressif en disponibilité après le départ de sa femme pour des cieux plus gais. Quand on vient livrer un bouquet de 38 roses à Mme Rosarian, il le prend très mal. Jusqu’à ce qu’il comprenne que ce n’est pas pour sa femme infidèle mais sa mère qui pourtant n’habite plus là depuis quelques années. 
Encore plus étonnant la personne qui tient à offrir ce bouquet à sa mère. André-Marie Vilevirain de Saint-Chamons est un aristocrate quadragénaire « à tête de poireau. Au sommet de son crâne d’œuf, une méchante mèche rebelle flotte au gré du petit mistral qui se lève. Elle balaie sa calvitie naissante comme un plumeau monté sur un mécanisme d’essuie-glace. (…) L’aristocrate a le teint pâle, les lèvres fines et les yeux globuleux ». 

Maîtresses et euros
André-Marie explique à Lucas qu’il est en service commandé. Son père, récemment décédé, veut qu’il remette 50 000 euros à chacune des « femmes de sa vie ». Car le député, catholique pratiquant très respecté des autorités ecclésiastiques, menait une double vie, collectionnant les aventures et parfois les maîtresses sur de longues périodes. Parmi elles, la mère de Lucas, aujourd’hui à la retraite. C’était il y a 39 ans, quelques temps avant la naissance de Lucas qui tout à coup a un doute sur l’identité de son père et pourrait se retrouver avec un demi frère « à tête de poireau », riche à million roulant en Porsche Cayenne. Il décidera même de suppléer l’aristocrate dans sa recherche des autres femmes de député cavaleur. 
Philippe Carrese, avec son style vif et léger, bourré de bons mots et de personnages truculents, entraîne le lecteur dans une folle course poursuite de Marseille à Nice en passant par le Havre et Paris. Le couple formé par Lucas et Jean-Marie va trouver sur son chemin quelques aigrefins appâtés par les liasses de billets à distribuer aux anciennes maîtresses. A moins qu’ils ne cherchent autre chose dans les souvenirs de ce député à la vie en total décalage avec ses convictions politiques. Il y a du San-Antonio dans ce roman, situations, personnages et coups de théâtre défilant à toute vitesse au fil des pages. 

« Les veuves gigognes », Philippe Carrese, Fleuve Noir, 19 euros

vendredi 7 juillet 2006

BD - Aria, icone de la liberté


Aria traîne sur les routes depuis de nombreuses années. Souvent seule. Mais dans ce 28e titre de la série écrite et dessinée par Michel Weyland, elle est en compagnie de Sacham, son fils, et de Marvèle, fiancée de ce dernier. 
 Ils quittent une ville hostile pour rejoindre une contrée plus accueillante. Mais, pour cela, ils doivent passer par la forêt maudite. C'est à l'orée de ce lieu magique qu'une nuée de krylfes rend visite au petit groupe. Ces petits êtres volants, sorte de chauve-souris au dard de scorpion, sont très intéressés par les deux membres de leur communauté vivant depuis quelques mois en compagnie d'Aria. Farouchement attachée à sa liberté, elle pousse ses deux petits amis à voler de leurs propres ailes et à rejoindre leur communauté. 
 Ce qu'ils feront après une longue hésitation. 
 Aria regrettera amèrement ce départ car elle s'était attachée à ses krylfes. Et en plus, elle est depuis régulièrement attaquée par des êtres semblables mais plus gros. De village en village, elle tentera de comprendre pourquoi. Elle rencontrera en cours de route un nain barbu et dévergondé, promis à un bel avenir dans l'univers de cette série fantastique indémodable. (Dupuis, 9,80 €)

mercredi 5 juillet 2006

BD - Tony et Alberto, un couple trash pour les enfants


Alors que Roba est mort récemment, après avoir relu les gags de Boule & Bill, plongez dans ce 7e album de Tony & Alberto, version post-punk de la série vedette du journal de Spirou. Tony, le petit garçon, Alberto, le chien, ont des rapports dépassant l’entendement. Dab’s, scénariste et dessinateur de cette série très trash, y va très fort parfois dans la maltraitance des animaux. Il est notamment question dans cet album d’un pigeon voyageur mis à toutes les sauces par un Tony qui l’utilise comme messager. Pandi, le panda, apparu l’année précédente, squatte toujours la chambre de Tony. Et comme il hiberne, difficile de le réveiller. Ou alors c’est à ses risques et périls. Son point faible ce sont les fleurs. Il ne supporte pas leur parfum. Il faut s’en méfier ou l’utiliser à bon escient comme arme contre une équipe de rugby un peu plus forte. C’est souvent très visuel et Dab’s a énormément progressé à ce niveau depuis ses premiers croquis publiés dans les marges de Tcho, le journal de Titeuf. (Glénat, 9,40 €)

mardi 4 juillet 2006

BD - Le donjon au sommet


Donjon Zénith est la série phare du monde imaginé au fil des ans par Sfar et Trondheim. C’est ce dernier qui dessinait les aventures du Gardien, Herbert, Marvin et autres monstres. Pour ce cinquième tome intitulé « Un mariage à part », il a confié le dessin à Boulet. Jeune dessinateur réaliste à l’aise dans tous les styles, il remplit parfaitement sa tâche, respectant les bases de son prédécesseur tout en apportant un côté plus viril et guerrier aux combats ou scènes de foule. Le scénario, plein de clins d’œil et de niveaux différents de lecture, raconte le mariage, très intéressé, du Gardien avec la belle Isis. Herbert veut s’y opposer, le tout sur fond de saisie immobilière du Donjon. Trondheim a découvert Boulet grâce son blog dessiné, un des plus abouti de la toile, alternant croquis sur le vif, BD reportages sur les voyages de l’auteur à l’étranger et relecture de sa vie quotidienne au sein d’un studio. Si vous aimez rire et que vous n’êtes pas allergique aux rouquins, connectez vous sur http://www.bouletcorp.com/blog/ 
(Delcourt, 9,80 €)

lundi 3 juillet 2006

BD - Les petits ruisseaux des petits vieux


Pascal Rabaté en signant ce récit complet de 96 pages a placé la barre très haut. Il a ciselé une histoire envoûtante avec pour héros un retraité, pêcheur et veuf. Cela semble ne pas payer de mine, mais rapidement on est subjugué par les petites histoires de Pierre. Il passe ses journées à pêcher avec son copain Edmond et le soir il regarde la télé. Mais Edmond meurt brutalement. Pierre décide alors d’aller à un rendez-vous de son copain avec une dame rencontrée dans une agence. Car Pierre aussi se sent de plus en plus seul. Peut-on tomber amoureux à près de 70 ans ? Est-ce bien raisonnable d’essayer de retrouver ses souvenirs d’enfance ? S’endormir pour toujours est-ce la solution ? Plus le récit avance, plus le lecteur s’identifie totalement à ce vieux monsieur conscient d’avoir encore un peu de ressources. Le bonheur se trouve peut-être tout simplement à un croisement de départementale ? Si ce n’était pas de la BD, on lui donnerait le Goncourt. Et pourquoi pas après tout ? (Futuropolis, 15,90 €)

dimanche 2 juillet 2006

BD - Bob Morane , toujours prêt !


Bob Morane nage en plein paradoxe temporel dans le 42e titre de la série retraçant ses aventures écrites par Henri Vernes et dessinées par Coria. En balade sur les routes du Périgord au volant de sa Jaguar, il se retrouve inexplicablement en Chine, en pleine attaque des forces japonaises en 1937. Mais il en faut plus pour déstabiliser le célèbre aventurier qui au passage prendra sous son aile une jeune et belle journaliste couvrant les événements. Il devra également combattre quelques soldats nippons avinés et sanguinaires. Au même moment, Sophia Paramount, fait du bateau au large de Hawaï. Et elle aussi est projetée dans le passé, exactement à Pearl Harbour, la veille de l’attaque japonaise. Elle tente de prévenir les autorités mais elles la prennent pour une folle. Et pour augmenter le mystère, c’est Bill Balantine, l’ami de Bob Morane qui est lui aussi plongé dans le passé. Les trois héros parviendront-ils à sauver leur peau ? Oseront-ils changer l’Histoire ? Réponse dans le prochain tome puisque exceptionnellement cette histoire est en deux parties. (Le Lombard, 9,80 euros)

samedi 1 juillet 2006

Roman - SF - Notre passé fout le camp

Andrew Wiener joue avec deux réalités parallèles pour donner encore plus de relief à son histoire de détective privé du futur. 

Amateurs d’histoires alambiquées, ce roman de science-fiction inédit d’Andrew Wiener devrait totalement assouvir votre vice. Cela débute comme un polar américain classique. Joe Kay est détective privé. Blasé, pas très vaillant, il s’est spécialisé dans la recherche des personnes disparues. Sa ténacité et son opiniâtreté font qu’il est devenu au fil des affaires le meilleur dans son secteur d’activité. Quand Victor Lazare, avocat, pénètre dans son bureau pour lui demander de retrouver Walter Hertz, simple cadre aux archives municipales, Kay accepte et, tel un fauve reniflant la piste fraîche d’un animal, il va rapidement plonger dans le passé du disparu.
 A priori, Lazare agit pour le compte de la femme de Hertz. Ce dernier aurait filé après avoir rencontré une autre femme, Marcia Tromb, une peintre. Or, dans ce futur très aseptisé décrit par Andrew Weiner, les artistes ont très mauvaise presse. Accusés de propager des idées subversives, ils ont rarement l’occasion de s’exprimer librement.

Disparition inéluctable
 Les doutes de Kay vont naître quand Marcia va lui prétendre mordicus que Hertz n’est pas marié. Sa femme ne serait qu’une actrice embauchée pour donner le change. En se penchant sur le passé de Hertz, Kay va réaliser que toutes les traces de l’existence de l’archiviste sont en train de s’effacer. Les personnes l’ayant connu vont lentement mais sûrement disparaître. Hertz est en train de s’évanouir. Seule la mémoire de Kay va le pousser à prolonger son enquête. Mais pourquoi retrouver cet homme puisque même le commanditaire semble n’avoir jamais existé ? Un cauchemar ? Non, la découverte par Kay que sa réalité n’est peut-être qu’une vaste mise en scène. Et il fait de plus en plus attention aux graffitis ornant les murs de la ville. Des appels à la révolte ou à une certaine prise de conscience comme « franchis la ligne », « la réalité n’est que temporaire » ou « rendez-vous au mur ». Pour tenter de comprendre ce qui lui arrive, il entre en contact avec les jeunes taggueurs. Ces derniers, se cachant dans les tunnels désaffectés du métro, lui expliquent que, régulièrement, les autorités effacent la mémoire de certains habitants et les déportent hors de la ville. Kay, très sceptique au début, finira finalement par accepter ce fait quand il lui sera impossible de franchir un pont. Au-delà d’une certaine limite, il perd connaissance, comme plongé dans un brouillard noir et dense, incapable d’agir mais surtout de se souvenir de son identité.

On reprend les mêmes…
C’est sur cette scène que s’achève la première partie assez ténébreuse de l’histoire. Nouveau début avec l’entrée en scène de Joseph Kaminsky, le meilleur limier de la ville. Un certain Victor Lazare lui demande de retrouver sa femme, disparue depuis quelques jours. Le lecteur a l’impression de revoir le même film mais avec un nouveau décor et des acteurs différents.
 Le détective, lui, ayant de vagues souvenirs de la précédente affaire, se pose de plus en plus de questions sur son monde. Ne serait-il pas un simple jouet dans les mains de savants fous à la recherche de cobayes dociles ? En toile de fond de ce roman déroutant, il y a l’interprétation des rêves. Mais est-ce véritablement des rêves ? Pourquoi pas des réminiscences de réalités parallèles ou de vies antérieures ? Andrew Wiener semble prendre beaucoup de plaisir à décrire la dérive de son héros, de plus en plus dépassé, de plus en plus individualiste, de plus en plus humain, tout simplement…

« Boulevard des disparus », Andrew Weiner, Folio SF, 7 €