mercredi 31 octobre 2018

DVD et bluray - Quand la littérature sauve des vies dans "Le cercle de Guernesey"




Phénomène d’édition, le roman de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, « Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates », semblait impossible à adapter au cinéma. Mike Newell a relevé le défi et le résultat, même s’il est à 1 000 lieues du roman, est très concluant.
On y retrouve les grandes lignes (l’histoire d’amour entre une romancière londonienne et un éleveur de cochons de Guernesey ainsi que la disparition de l’initiatrice du cercle), mais une bonne partie de l’humour du texte original a été zappée au profit de l’émotion.
Côté interprétation, les deux acteurs principaux sont excellents (Lili James et Michial Huisman) et les paysages verts et bucoliques de Guernesey apportent un plus indéniable par rapport au livre. Mais une fois cette romance visionnée, on ne peut que vous conseiller de lire (ou relire) le roman original paru en poche aux éditions 10/18. 
➤ « Le cercle de Guernesey », Studiocanal, 19,99 €

mardi 30 octobre 2018

DVD et bluray - « Sans un bruit », effroyable silence


Pas toujours évident de renouveler le genre du cinéma d’horreur. Entre vampires, zombies, poupées maléfiques ou serial killer, tout ou presque a servi à faire peur au public. Quand le scénario de « Sans un bruit » a commencé à circuler dans les milieux hollywoodiens, ils ont été plusieurs à se demander quel était cet objet bizarre contenant en tout et pour tout une dizaine de répliques. Tout le film était silencieux ou en langue des signes. Se lancer dans un tel projet était une gageure. Des producteurs ont relevé le défi aidé en cela par John Krasinski.

L’acteur qui a le vent en poupe (il est le nouveau Jack Ryan dans la série produite et diffusée sur Amazon) est aussi un bon réalisateur. Il accepte le premier rôle, mais à la condition d’être aussi derrière la caméra et de produire le long-métrage. C’est dire s’il croyait à ce projet. Et comme il a réussi en plus d’embarquer sa compagne, Emily Blunt, pour le rôle principal féminin, le succès était quasi assuré. Et mérité tant le film parvient à provoquer une angoisse perpétuelle du fait du silence obligatoire. Dans un futur proche, des monstres ont fait leur apparition sur terre. Ils attaquent les humains dès qu’ils font du bruit.

La famille Abbott (John Krasinski, Emily Blunt et leurs trois enfants) trouve refuge dans une ferme perdue de la campagne américaine. Pour survivre, ils ne font plus le moindre bruit dans routes leurs activités quotidiennes. Mais l’arrivée d’un bébé risque de compliquer cette rigueur. Un making of raconte comment la ferme a été trouvée puis aménagée. On y apprend également que Milicent Simmonds, interprète de l’adolescente de la famille Abbott, est véritablement sourde et muette, compliquant parfois la compréhension au cours des prises de vues. Mais au final, c’est d’un réalisme époustouflant.

➤ « Sans un bruit », Paramount, 16,99 € le DVD, 19,99 € le bluray

lundi 29 octobre 2018

Thriller - L'Islande, ses légendes du passé et d’aujourd’hui


Après la Mongolie et le Brésil, Ian Manook met le cap sur l’Islande. Écrivain français remarqué pour la trilogie « Yeruldelgger » se déroulant dans les steppes mongoles, il continue son périple littéraire en abordant sur les côtes tourmentées de l’Islande. Un thriller se déroulant sur cette île perdue de l’Atlantique Nord, quoi de plus banal depuis le succès des Indridasson et autres Thorarinsson.

Il fallait donc une bonne intrigue pour captiver le lecteur dans ce voyage touristique… et violent. Du tourisme, c’est ce que vient faire en priorité le personnage central de « Heimaey ». Jacques Soulniz, journaliste français, débarque en compagnie de sa fille, Beckie, jeune adulte rebelle. Il veut lui faire découvrir ce pays si singulier.

A 20 ans, il a sillonné ce rocher hostile aux multiples volcans. Mais Beckie n’a pas la tête à ça. Elle n’est pas insensible à la beauté majestueuse des paysages sauvages mais s’intéresse surtout aux jeunes autochtones.

■ Cadavre et nécropant  
La petite Française craque pour Galdur, jeune marin qui n’a pas froid aux yeux. Un peu trop téméraire le jeune homme. Il vient de dérober deux kilos de cocaïne à la mafia locale. Kornelius, le flic, fait son entrée en scène. Il doit retrouver la drogue. Et le voleur. Pas pour le juger mais rendre son bien au parrain auprès de qui il est endetté. Sur cette intrigue du présent, se greffe une autre énigme tournant autour de la mort d’une jeune fille lors du premier séjour de Soulniz.

Dense, construit sous forme de chapitres courts et percutants, ce thriller plonge le lecteur dans certaines légendes islandaises comme celle du nécropant: « on écorche le bas d’un homme pour s’en faire un pantalon de peau et s’approprier sa force ». « Une fois enfilé le nécropant, tu dois glisser une pièce de monnaie entre ton propre scrotum et le pantalon de peau, pour ainsi te garantir que sa bourse vide se remplira pour toi d’or et d’argent. » Une simple légende pour Kornélius. Jusqu’à la découverte d’un cadavre horriblement dépecé.

Un roman foisonnant, aux multiples personnages, audacieux, usés par la vie ou fatalistes, mais toujours sous le charme de ce pays rude où tout est possible. 

dimanche 28 octobre 2018

BD - Black blagues à la sauce Belzebubs


L’humour est sans doute ce qui se propage le mieux dans le monde. Il n’existe pas un peuple, une corporation, une religion ou le moindre groupe de trois personnes qui, à un moment ou un autre, tente une blague. Ahonen, dessinateur tatoué finlandais, a réussi le combo parfait entre humour noir et hard rock. 


Dans « Belzebubs », série de strips diffusés sur les réseaux sociaux, on suit les délires sataniques de la famille Belzebubs. Même s’ils veulent faire les durs, ces « métaleux » sont surtout de doux dingues, asociaux et qui accordent plus d’importance à leur guitare ou leur maquillage qu’aux résultats scolaires des enfants. 
Sans pitié pour le milieu de la musique Métal, ce sont pourtant là que se trouvent la grosse majorité des fans. Comme quoi on peut bramer « Death » d’une voix rauque tout en aimant rire de ses outrances. 
« Belzebubs », Glénat, 9,95 €

samedi 27 octobre 2018

BD - Le meilleur dans l’Alyah reste le falafel


A 20 ans, Michel Kichka, Belge de la région de Liège, a fait son alyah. D’origine juive, il a abandonné famille et études d’architecture pour rejoindre Israël. Il est admis aux Beaux-Arts et devient dessinateur de presse et de bande dessinée. Dans « Falafel sauce piquante », il raconte cette renaissance, le début de sa vraie vie. Ses enthousiasmes du début, sa fierté d’appartenir à un pays unique au monde. Il rencontre sa future femme, se marient, ont des enfants. Autobiographie dessinée, « Falafel sauce piquante » alterne entre joies du début, craintes actuelles et surtout espoir d’une paix plus durable. 


On découvre l’ouverture d’esprit des arrivants. Leur volonté de faire progresser le pays. Mais les multiples guerres obligent tout le monde à faire de longues périodes dans l’armée. Michel Kichka n’y échappe pas, lui qui se retrouvera à bombarder le Liban. Ses fils non plus ne seront pas épargnés, notamment dans Gaza. Et il met en opposition la dérive sécuritaire de son pays et sa fierté de voir ses fils protéger la nation. 
Lui, met toute son énergie à rapprocher les peuples par l’action de l’organisation Cartooning for Peace créé par Plantu. Il sillonnera le monde en compagnie de dessinateurs arabes pour démontrer que l’humour est le meilleur remède aux guerres.

« Falafel sauce piquante », Dargaud, 21,90 €

vendredi 26 octobre 2018

BD - Les risques de la réalité virtuelle avec "Bolchoi Arena"




Bienvenue dans la Bolchoi Arena. Cette plate-forme de réalité virtuelle a remplacé internet dans un futur proche. L’Homme, plutôt que de se lancer à la conquête de l’espace l’a synthétisé et transposé dans un gigantesque programme informatique. Chacun peut y accéder avec des lunettes implants. La conquête spatiale progresse, mais sous forme de jeu vidéo.

Cette idée a germé dans la tête de Boulet, dessinateur virtuose, passionné de nouvelle technologie et d’astronomie. Il est donc le scénariste de ce long roman graphique (160 pages) prévu en trois parties. Il a confié l’illustration à Aseyn, compagnon de blog.


Le lecteur découvre la Bolchoi Arena en compagnie de Marje et Dana, deux étudiantes. Le jour elles bossent dans des bibliothèques, la nuit elles endossent les tenues de leur avatar et se lancent dans la conquête de nouveaux territoires sur des mondes inconnus. On est forcément un peu décontenancé au début, mais une fois compris le passage de la réalité à la virtualité, l’album devient passionnant.

Car Marje, si elle découvre Bolchoi Arena, a tendance à en abuser. Au détriment de sa vraie vie, études et amours avec son petit ami. Entre manga et SF classique, cette nouvelle série bénéficie en plus d’une extension sur l’appli mobile Delcourt Soleil +.   

«Bolchoi Arena » (tome 1), Delcourt, 19,99 €

jeudi 25 octobre 2018

Cinéma - « Quién te cantará » sans fausse note



L’une chante, l’autre ne s’en souvient pas. Lila (Najwa Nimri) est célèbre, Violeta (Eva Llorach) travaille dans un karaoké et se contente de l’imiter en fin de soirée. Deux femmes autour d’une légende de la chanson espagnole. Le film de Carlos Vermut utilise la ficelle usée de la fan face à son idole.

Mais il transforme cette relation, trop souvent binaire et simpliste, en véritable introspection des deux femmes qui, en se reconnaissant un peu l’une dans l’autre, vont se remettre radicalement en cause. Avant d’arriver à ce « duel », le spectateur est plongé dans le monde étrange de Lila.

Cette chanteuse, très célèbre, a cessé de se produire sur scène depuis dix ans. L’argent commençant à manquer, son agent, un comeback est programmé.

Deux femmes et une star   
Mais à deux mois du premier concert à Madrid, Lila est retrouvée inconsciente sur la plage bordant sa belle maison. Quand elle se réveille à l’hôpital, elle est devenue amnésique. Pour lui rendre sa personnalité, sa meilleure amie embauche Violeta, sa plus grande fan, celle qui connaît toutes les chansons de Lila par cœur et le moindre détail de sa vie.


Cette rencontre va radicalement réorienter la vie des deux femmes à un tournant de leur existence. Le film, un peu long parfois, vaut surtout pour l’interprétation des deux comédiennes principales. Elles sont différentes mais doivent pourtant s’accaparer la personnalité de celle qui écrase tout sur son passage : la star. Lila car elle ne se souvient plus de sa vie d’avant. Violeta car de plus en plus elle se rêve à la place de sa chanteuse préférée.

Film noir, à l’ambiance trouble et malsaine, sur une dualité complexe et maladive, il ne donne pas toutes les clés. Dans le dossier de presse, Carlos Vermut, le réalisateur de « Quien te cantara », précise son but : que le spectateur « passe un bon moment, qu’il soit perdu, qu’il soit ému, qu’il nourrisse les blancs du film par son propre imaginaire ou alors qu’il savoure le mystère qui échappe. »

Mystère. C’est le mot exact pour définir la fin, étonnante, déroutante et diablement mystérieuse.

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Duel musical   


La musique tient une place prépondérante dans le film de Carlos Verlut. Si la bande originale est d’Alberto Iglesias, le compositeur attitré de Pedro Aldomovar, il y a aussi nombre de chansons romantiques comme l’Espagne aime en produire. Les amoureux du genre seront comblés avec plusieurs extraits et même une chanson complète à la fin du film, avec un trucage virtuose à la clé pour « boucler » le film. Mais quand Marta (Natalia de Molina) la fille de Violeta intervient, cette boule de nerfs à la violence explosive n’en a cure des romances.

Ce qui lui plaît c’est le défoulement extrême sur des rythmes modernes. Au bord de la plage ou dans sa chambre, place à la techno, brutale, agressive, assourdissante. L’opposé de la musique que sa mère aime. Ce duel musical et de générations passe par une opposition radicale des genres. La douceur, l’émotion et la mélancolie contre l’ardeur, la force et l’abrutissement.

Les deux styles permettent de mieux cerner l’opposition des deux femmes, la mère et sa fille. La plus jeune, autoritaire, exclusive et intransigeante domine littéralement sa génitrice. Mais cette dernière, grâce à Lila, va trouver les forces pour inverser la tendance. Quel qu’en soit le prix à payer.

➤ « Quién te cantará », drame de Carlos Vermut (Espagne, 2 h 02) avec Najwa Nimri, Eva Llorach, Carme Elias.

mercredi 24 octobre 2018

DVD et blu-ray : l'avocat japonais tourmenté de "The Third Murder"

Un avocat japonais est chargé de défendre un homme accusé du meurtre de son patron. Pour tenter d’éviter la peine de mort, l’accusé prétend que c’est la femme du mort qui a commandité l’assassinat. Mais l’avocat doute de la véracité de la version officielle. Ce thriller de Hirokazu Kore-eda raconte avec minutie le travail d’un avocat. Son empathie pour aider le client, ses doutes et failles personnelles.

Un film noir et oppressant, à l’intrigue implacable.

➤ « The Third Murder », Le Pacte, 19,99 €

mardi 23 octobre 2018

Série - The Haunting Hill House, une maison hantée à voir sur Netflix


Depuis le début du mois, vous pouvez voir sur Netflix une de ces séries qui n’en finissent pas de faire parler d’elles. De vous hanter aussi si vous y avez succombé. « The Haunting Hill House », série en 10 épisodes, est signée Mike Flanagan, le nouveau maître incontesté de l’horreur (Pas un bruit, Ouija).

Chaque épisode présente les différents membres de la famille Hill. De Steve, écrivain qui a connu la gloire en racontant l’histoire de la maison hantée à Luke, drogué en perdition en passant par le père ou la fille aînée, devenue croque-mort. Chacun se remémore ces mois passés dans la maison hantée, les hallucinations et nuits cauchemardesques jusqu’à la fuite en pleine nuit.

Toute la réussite du film est de raconter avec les visions multiples une même histoire. Série comportant quelques moments virtuoses comme ce plan séquence de 15 minutes aux obsèques de la sœur jumelle de Luke. Cela vaut largement tous les films d’horreurs programmés dans les cinémas depuis le début d’année… 

lundi 22 octobre 2018

Livre sur le cinéma - Steve McQueen, le prince des bolides


Beau gosse emblématique du cinéma américain, Steve McQueen était un passionné de vitesse. Il l’a montré dans ses films, mais dans la vie privée il s’offrait souvent un tour en bolide. Ce beau livre, parfait pour les amateurs de cinéma et de voitures de légendes, revient sur la passion dévorante de l’acteur pour la course automobile.

Avant un superbe portfolio et une filmographie exhaustive de sa carrière à la télévision et au cinéma, Guillaume Evin raconte la vie à 100 à l’heure de cet acteur qui aime piloter ou de ce pilote qui aime jouer à l’acteur. Car en plus de ses succès dans les salles obscures, Steve McQueen a participé à quantité de courses récoltant d’autres lauriers.

➤ « Steve McQueen, king of cool » de Guillaume Evin, Hugo Motors, 272 pages, 35 €

dimanche 21 octobre 2018

BD - Un détective à l’ancienne

   



Nom : Vercorian. Prénom : Atom. Particularité : fils d’un flic parisien d’origine arménienne, ancien grand Résistant. Le nouveau héros imaginé par Yann et dessiné par Olivier Schwartz est résolument vintage. L’action de sa première enquête se déroule à l’été 49. Le jeune Atom veut prouver à son père, grand ponte de la PJ, qu’il vaut autant que lui. Il se rêve détective privé et profite d’un fait divers retentissant pour se lancer dans sa première affaire. 

Dans le sud, le Bégum, la femme de l’Aga Khan, vient de se faire dérober ses bijoux dans un « carjacking » avant l’heure. Atom est flanqué de son assistante, la belle et intrépide Mimi et d’un associé-financeur, Jojo la Toupie, colosse qui a connu son heure de gloire dans le milieu du catch. 

Un trio explosif pour une enquête menée à 100 à l’heure, entre la Riviera, les bas-fonds de Paris et la banlieue. Délicieusement nostalgique (mais avec un peu de parodie et de sarcasme, Yann oblige) d’une époque qui a fait les beaux jours de BD à la Tillieux avec un trait proche de Jijé, les aventures d’Atom ne devraient pas passionner les jeunes mais rencontrer un réel enthousiasme auprès des vieux collectionneurs. 

« Atom Agency » (tome 1), Dupuis, 15,95 €



samedi 20 octobre 2018

Roman - Pascal Bruckner nous offre un cauchemar le temps d'une nuit ou d'une année

Si vos nuits sont déjà un peu agitées en raison de cauchemars récurrents et troublants, évitez ce roman de Pascal Bruckner. Ou au choix dévorez-le en une nuit blanche. Ainsi vous n’aurez pas de cauchemar, même si les mésaventures de Jézabel valent largement toutes les inventions paranoïaques de votre inconscient. Pascal Bruckner, dans une veine fantastique qu’il apprécie tant, renoue avec les dédales du temps.

En route pour le Canada afin de présenter à un ami de son père une montre particulière, Jézabel croit sa dernière heure arrivée lors d’une violente tempête. L’avion de ligne, chahuté, est détourné vers le Maine aux USA. De là, elle rejoint un hô- tel perdu dans les montagnes avant d’espérer prendre un bus pour le Canada quand les conditions météo le permettront. Un hôtel étrange, immense, silencieux et sinistre.

En rejoignant la chambre, elle croise pour une première rencontre avec les Insomniaques : « Au loin apparut, accoudé à la balustrade de l’entresol, un trio de vieux messieurs, debout à cette heure, un manchot, un bossu et un boiteux avec leurs cannes qui la fixaient sans mot dire. Ils sautillaient, vifs et agités, malgré leurs handicaps ». Une ambiance étrange, à la Shinning, qui ne l’empêche pas de sombrer dans le sommeil après 24 heures éprouvantes.



A son réveil, elle découvre qu’elle a dormi une année complète. Rêve ou réalité, jamais le lecteur ne sait où est la frontière. Un peu comme si le présent, le passé et l’avenir se mélangeaient allègrement dans un récit alambiqué. Avec Jézabel, on résiste pour ne pas sombrer dans la folie.

➤ « Un an et un jour » de Pascal Bruckner, Grasset, 18 €

➤ L’adaptation en BD de son roman « Les voleurs de beauté », prix Renaudot, vient de sortir aux éditions Glénat

vendredi 19 octobre 2018

Roman - Sur la trace de Federica Ber, la belle disparue



Qui était Federica Ber ? Qu’est-elle devenue ? Ces deux interrogations sont au centre du roman de Mark Greene. Le narrateur se souvient de cette belle Italienne qui lui a fait découvrir les toits de Paris quand il était jeune. 
Aujourd’hui elle est suspectée dans la mort d’un couple d’architectes découvert attachés au pied d’une muraille rocheuse des Dolomites. Entre ces récits distincts, l’auteur aurait pu signer un faux polar, avec rebondissements et coups de théâtre. Il a préféré jouer à fond la nostalgie. Les souvenirs de cet été magique. Puis la disparition de cette femme libre, visionnaire. Cela donne deux histoires d’amours incomplètes, inachevées. Marquées par le destin. Un roman fort et vertigineux.
➤ « Federica Ber » de Mark Greene, Grasset, 18 €

jeudi 18 octobre 2018

BD - Valise mystérieuse et camions du diable

En 1956, en plus du journal de Spirou, les éditions Dupuis publient un autre hebdomadaire : Risque-tout. Plus moderne, il héberge les séries vedettes de l’époque dans des récits complets comme Johan et Pirlouit, la Patrouille des Castors ou Tif et Tondu, mais aussi quelques séries à suivre. Maurice Tillieux, débordant d’activité, vient d’y lancer Marc Jaguar, reporter-photographe. Après une première histoire, « Le lac de l’homme mort », Jaguar part pour la Bretagne et croise la route des « Camions du diable ». Mais Risque-Tout s’arrête sans préavis. 

L’histoire ne compte que huit planches dont une dernière inédite. L’essentiel de l’embryon de récit tourne autour d’une valise, dérobée par un vagabond et qui, en découvrant ce qu’elle contient, préfère s’en débarrasser immédiatement en la jetant dans une mare. Que contenait cette valise ? La question est restée sans réponse durant des décennies. Tillieux, qui travaillait à l’époque comme un feuilletoniste, n’avait pas encore pensé à la suite de l’histoire. Risque-Tout abandonné, il lâche Marc Jaguar pour se consacrer à son autre série vedette, Gil Jourdan. Ce n’est que 50 ans plus tard que Walthéry et Borgers ont osé imaginer une suite aux « Camions du diable ». Le dessin en a été confié à Delvaux, grand spécialiste des voitures de l’époque. Cela donne un album hommage, dans l’esprit, avec pour boucler la boucle, la reproduction des planches dessinées par Tillieux. Le Marc Jaguar « moderne », de journaliste, se transforme en détective privé et même espion, n’hésitant pas à utiliser la manière forte quand il se retrouve en position délicate. Courses-poursuites, bagarres, intrigues, trahisons, secret d’État, le tout saupoudré de quelques clins d’œil en référence à Zappy Max ou César et son incorrigible fillette, autres personnages du prolifique Tillieux.
« Marc Jaguar, les camions du diable », Dupuis, 17,50 €

mercredi 17 octobre 2018

BD - Ouvrir la boîte de ses origines

Longtemps, les familles en mal d’enfant ont privilégié une adoption à l’étranger. La filière de Corée du Sud a laissé des traces en France et en Belgique. Parmi ces enfants déracinés il y a quelques décennies, plusieurs ont percé comme Fleur Pelerin, ancienne ministre, Jean-Vincent Placé, politicien ou Jung, dessinateur. Ce dernier revient sur le phénomène dans son nouvel album, « Babybox ». Cette box d’un genre particulier, c’est le sas inventé et placé dans la rue par un pasteur. A Séoul, il permet aux mères dépassées d’abandonner leur enfant en toute sécurité. L’héroïne de ce roman graphique de 156 pages, Claire, ne connaissait pas la babybox. 

Ses parents sont Coréens. Ils vivent en France depuis longtemps. Elle y est née comme son petit frère. Mais quand la mère meurt dans un accident de la route et que son père se retrouve dans le coma, Claire va devoir se plonger dans les papiers de la famille et découvrir qu’elle a été adoptée à l’âge d’un an. Elle a été trouvée dans une babybox. Pour faire le deuil de sa mère qui ne l’était pas, elle va en Corée pour tenter de retrouver sa véritable mère. Un récit initiatique peut-être encore plus fort que les mémoires dessinées de Jung, « Couleur de peau : miel ».
« Babybox », Soleil Noctambule, 18,95 €

mardi 16 octobre 2018

BD - Violette Morris, une femme trop forte

 

 

En pleine période de #metoo, cet éclairage sur la vie de Violette Morris a le mérite de montrer que le féminisme n’est pas une invention du siècle. Kris et Bertrand Galic ont exhumé les heures de gloire de cette femme forte. Ou forte femme. Un biopic romancé, car c’est une de ses plus anciennes amies, Lucie Blumenthal, qui raconte le destin atypique de Violette. Lucie, avocate avant guerre, a été rayée du barreau en 1941 car d’origine juive. Après une période très active dans la Résistance, elle est devenue enquêtrice privée pour retrouver les milliers de disparus de cette période sombre de l’Histoire de France. En Normandie, on l’appelle car des corps sont découverts enterrés près d’une ferme. Des collabos, exécutés à la Libération. Parmi les cadavres, une femme dont les seins ont été coupés. Lucie a la certitude qu’il s’agit de Violette. Le premier tome de la série prévue en quatre raconte les jeunes années de Violette, quand elle est interne chez les sœurs (avec Lucie justement), puis jeune adulte se défoulant dans le sport. Elle nage, court, lance le javelot ou le poids. Elle s’essaye même à la boxe. Sa particularité : elle se mesure toujours à des hommes. Car elle se sent homme. Mariée de force, elle s’émancipe et ne garde de son mari que sa garde-robe : des costumes trois pièces et des cravates. Dessiné par le Barcelonais Javi Rey, la vie de Violette est passionnante, même si le personnage est souvent dans la provocation et l’excès.
« Violette Morris » (tome 1/4), Futuropolis, 16 € 

lundi 15 octobre 2018

BD - Monstrueuse mer, terrain de chasse du "Kraken"



Serge Dougarry a connu la gloire. Présentateur à la télévision, son émission sur la mer a tutoyé les sommets de l’audimat. Aujourd’hui il n’a plus d’émission et vivote en thésaurisant cette notoriété résiduelle en vantant des conserves de poisson. Un matin, un gamin, en ciré jaune et armé d’un harpon sonne à la porte de son appartement parisien. 
Il lui demande de l’aider pour chasser le kraken. Le début de ce roman graphique en bichromie signé Pagani et Cannucciari interloque. Dougarry, épave alcoolique, se bat avec des démons intérieurs. 


Le gamin, Damien, est visiblement un attardé. Cet improbable duo va pourtant se retrouver dans la petite ville côtière où le drame se noue. La mère de Damien persuade Dougarry de faire semblant de partir à la chasse au kraken avec son fils handicapé. 
Damien, devenu le souffre-douleur de toute la communauté depuis que le poisson se fait rare et que des enfants disparaissent dans la mer. 
Et si le kraken, monstre marin légendaire, existait vraiment ? Entre étude sociologique, enquête policière et récit fantastique, cet album magistralement dessiné et à l’intrigue pleine de rebondissements a très justement remporté le prix du meilleur album italien au dernier festival BD de Rome
« Kraken », Soleil, 17,95 €

dimanche 14 octobre 2018

BD - Méfiance les machos, Camel Joe est là !



À force de voir des films de superhéros, ça devait arriver : les féministes aussi rêvent d’une justicière dévouée à leur cause. Claire Duplan, jeune dessinatrice parisienne, l’a imaginée. Exactement elle raconte la vie de Constance, illustratrice survivant en enchaînant les boulots alimentaires (et trop souvent sexistes pour les agences de pub). 
Pour faire passer la pilule, elle dessine sur son blog les aventures de Super Joe, l’héroïne qui arrive quand une de ses sœurs est importuné par un harceleur, un relou, un dragueur ou tout être de sexe masculin qui pense plus avec ce qu’il a dans son pantalon qu’avec son cerveau. Super Joe plaît aux copines de Constance. Et devient Camel Joe pour affirmer sa féminité. 


Cet album, au trait unique (simplicité de Claire Brétécher, efficacité de Pénélope Bagieu), va beaucoup plus loin dans la dénonciation des harceleurs du quotidien. Il donne aussi aux lectrices et surtout lecteurs des clés pour mieux comprendre certaines femmes d’aujourd’hui. 
Sur leurs façons d’aimer, leur propension à provoquer des bagarres dans les bars ou d’arroser les plantes avec un engrais naturel inattendu. Le problème pour les hommes-lecteurs : ils ne peuvent que tomber amoureux de Camel Jo alias Constance alias Claire Duplan… 
« Camel Joe », rue de l’Échiquier, 16,50 €

Livre - Anarchie, nom féminin

Si aujourd’hui l’anarchie est considérée comme une dérive politique dangereuse, essentiellement liée historiquement à des actions violentes, à l’origine cette façon de penser et de vivre en communauté était pacifique et séduisante.

Daniel de Roulet, écrivain suisse, a retrouvé dans les archives des traces de cette utopie si belle. Il raconte dans ce roman la vie de « Dix petites anarchistes ». Elles viennent toutes de Saint-Imier, petit bourg helvète où les habitants vivotent entre élevage et travail dans l’horlogerie de précision. Les mouvements ouvriers ont le vent en poupe. Avant que Marx n’impose sa vision du collectivisme anticapitaliste, d’autres prônent une autre voie : l’anarchisme. Les bourgeois et leur autorité, dans leur envie de maintenir leur pouvoir, ne font pas la différence et répriment sévèrement les deux camps.

Traversée avec Louise Michel  
Au point que dix jeunes femmes du village envisagent de créer une communauté anarchiste aux antipodes : en Patagonie. Du rêve à la réalité, ce sont ces aléas de la vie qui forment l’essentiel du roman battit comme le témoignage de la dernière survivante. Les deux premières petites anarchistes, parties en exploratrices, seront assassinées dans la ville chilienne de Talcahueno.

Cela ne décourage pas leurs amies qui prennent le bateau en France pour Punta Arenas. Le même qui conduit les condamnés communards dont Louise Michel, vers le bagne de Nouvelle-Calédonie. Elles partent à huit (avec une ribambelle d’enfants) mais n’arrivent qu’à sept, Émilie meurt en couches en pleine traversée. Durant dix ans elles vont survivre dans des conditions climatiques effroyables. Mais elles mettent leur projet en partie à exécution et gagnent suffisamment d’argent pour se lancer dans une seconde migration.

Elles comptent rejoindre l’île de Robinson Crusoé dans le Pacifique où s’épanouit une communauté anarchiste appelée « l’expérience ». C’est la partie la plus heureuse de ces vies même si ce n’est pas la plus importante du récit. «Difficile de raconter notre vie sur l’île : le bonheur se passe d’un récit, les anecdotes s’estompent ou deviennent ridicules quand le temps s’est écoulé ».

La fin du périple se passe en Argentine au début du XXe siècle. Les jeunes anarchistes, devenues vieilles militantes, croient toujours à leur rêve. Même si depuis les actions pacifiques de Saint-Imier, les faits ont donné raison aux tenants de la manière forte. Un témoignage important, prouvant que l’envie de liberté des femmes ne date pas de ces dernières décennies, bien au contraire. 

➤ «Dix petites anarchistes» de Daniel de Roulet, Buchet-Chastel, 14 €

samedi 13 octobre 2018

Livre - Un pavé dans vos toilettes


On ne sait pas exactement combien contient de feuilles un rouleau de papier toilette, pour le livre d’Annie Pastor la réponse est en couverture : « 1 000 pages pour ne plus vous ennuyer aux WC». Compilation d’informations utiles et amusantes, ce pavé pèse un peu plus d’un kilo. Les articles, d’une à deux pages, se lisent facilement et ne vous prendront pas une éternité.

De la culture avec un petit « c » plus divertissante que sérieuse. Des listes ou des chiffres. On apprend par exemple que les chasseurs français, chaque année, dispersent dans la nature 6 000 tonnes de plomb. Hilarante, la liste des poissons d’avril en Angleterre comme l’annonce en 1980 que Big Ben abandonnerait ses aiguilles pour un affichage digital.

Enfin ne manquez pas la liste totalement délirante des actions illégales de certains états américains comme d’avoir des relations sexuelles avec un porc-épic en Floride, d’embrasser sa femme le dimanche dans le Connecticut ou de descendre d’un avion en vol dans le Maine.

➤ Hugo – Desinge éditions, 14,95 €  

vendredi 12 octobre 2018

BD - Les femmes (en)chantantes du "Sang des cerises" de François Bourgeon


L’une chante, l’autre jure. François Bourgeon aime raconter la vie de femmes qui bousculent le quotidien, la routine et la normalité. Si tout a commencé avec Isa, son inoubliable héroïne des « Passagers du vent », il continue aujourd’hui cette saga familiale vendue à plus d’un million d’exemplaires. 20 ans après la mort d’Isa, on retrouve sa petite fille, Zabo, dans le Paris de la fin du XIXe siècle. 20 années dont on ne sait rien, si ce n’est qu’elle se fait désormais appeler Clara.
 Elle parle toujours comme un charretier et a tendance à vouloir défendre la veuve et l’orpheline. C’est comme ça qu’elle croise la route de Klervi, jeune Bretonne montée à Paris pour y trouver du travail comme bonne. Importunée par un homme lors des obsèques de Jules Vallès, Clara prend la défense de Klervi. Elles se croisent de nouveau un peu plus tard. Klervi, a abandonné ses rêves. Elle est sous la protection d’un mac. 
Clara va la libérer de son emprise. Les deux femmes deviennent amies et ne se quittent plus durant les 80 pages de ce roman graphique. En changeant de lieu et d’époque, François Bourgeon renouvelle sa palette. Il dresse le portrait de ce Paris encore meurtri par le drame de la Commune et qui gronde. Klervi, dotée d’une belle voix, va chanter dans les cabarets. 
Une histoire féministe avant l’heure, au cours de laquelle l’auteur dévoile parcimonieusement quelques indices sur le passé de Zabo, devenue Clara. 
« Les passagers du vent, le sang des cerises » (tome 1/2), Delcourt, 17,95 €

mardi 9 octobre 2018

Cinéma - Divorcer et rester ensemble, le dilemme des acteurs-réalisateurs de "L'amour flou"

Le film de la semaine. « L’amour flou » de Romane Bohringer et Philippe Rebbot.


Contrairement à la littérature française qui parfois se complaît dans une autofiction désespérante de sérieux et d’introspection, le cinéma français, quand il ose tâter du genre, n’hésite pas à rire de ses travers.

« L’amour flou » de Romane Bohringer et Philippe Rebbot raconte un divorce. Une séparation que l’on sent compliquée car pas forcément voulue à 100 %. La faute aux deux enfants du couple de comédiens.

Deux artistes, des saltimbanques dans la grande tradition. Incapables de faire comme tout le monde. Cela fait plus d’un an qu’ils font chambre à part dans leur maison foutoir. Incapables de tourner la page, ils vont pourtant devoir le faire quand un acheteur se présente. Obligés de déménager, de se séparer véritablement.

Romane, la plus sensée du couple, mène les recherches pour acquérir un appartement.

Deux exactement car elle ne veut pas que le père de ses enfants soit trop loin. Elle veut aussi le protéger, car Philippe Rebbot, excellent comédien dans des seconds rôles marquants (Hippocrate, 21 nuits avec Pattie), est du genre à peu se soucier des détails bassement matériels. Arrive le sauveur, un promoteur immobilier qui propose deux appartements neuf mitoyens. Il suffirait de faire une porte de communication dans la chambre des enfants pour les relier.

Cette idée de génie est au centre du film. Au centre de la vie du papa et de la maman de Rose et Raoul, garnements qui jouent leurs propres rôles et semblent en profiter outrageusement.

Les malheurs de Lady
Trop souvent les séparations sont douloureuses. Dans le cas de Romane et Philippe, il y a ce qui s’est véritablement passé et ce qu’ils montrent sur l’écran. Un film très original entre documentaire et comédie loufoque. On n’échappe pas à quelques engueulades où chacun se montre particulièrement de mauvaise foi, mais il y a aussi pléthore de fous rires. Les scènes avec l’instituteur de Raoul sont cocasses. Un chauve à moumoute qui s’inquiète des cheveux longs de l’enfant et des conséquences sur son orientation sexuelle… Hilarant aussi les discussions entre Philippe et Réda Ketab. Ils parlent chien. Notamment des conséquences de la séparation du couple sur la santé de Lady, le basset de Philippe Rebbot.

Célibataire-gamin de 53 ans, ce dernier prend du bon temps avec quelques jeunes admiratrices. Romane aussi cherche un peu d’intimité pour se rassurer sexuellement. Même si une mésaventure à base de gaviston permet de signer une des scènes les plus marrantes du cinéma français de ces dernières années.

Bref, on ne s’ennuie pas une minute avec la vie dissolue de parents hors normes. Leur tendresse aussi et leur grande tolérance. Comme le fait remarquer l’homme du couple « on a tout réussi, on est devenu amis, amants, parents. » Reste à réussir cette fameuse séparation des corps. Mais pas des esprits et juste à moitié des appartements.

 « L’Amour flou », comédie de Romane Bohringer et Philippe Rebbot (France, 1 h 37) avec Romane Bohringer, Philippe Rebbot, Rose Rebbot-Bohringer, Clémentine Autain et Reda Kateb.

dimanche 7 octobre 2018

Polar - Lettres ou pas lettres d'Hercule Poirot


Sophie Hannah, romancière anglaise, a accepté le défi de marcher sur les traces d’Agatha Christie. Elle a hérité du plus fameux des personnages de la Reine du crime : Hercule Poirot. «Crime en toutes lettres » est le troisième roman des nouvelles enquêtes du détective belge aux moustaches savamment gominées. Il enquête sur la mort d’un vieil homme dont la famille accumule les secrets. Un roman brillant, digne d’Agatha Christie, mais avec un peu plus de féminisme dans une Angleterre vieillotte et décidément trop macho pour notre époque.

Tout commence par une altercation entre Hercule Poirot et une belle inconnue. Cette dernière reproche au détective de lui avoir envoyé une lettre calomnieuse. Dedans, il l’accuse du meurtre de Barnabas Pandy. Or, non seulement elle affirme n’avoir jamais tué personne, mais en plus elle ne sait pas qui est ce Barnabas Pandy. Poirot, interloqué, tente de se défendre. En vain. Il ne peut donc pas lui dire que cette lettre n’est pas de lui. Et que lui aussi ne connaît pas de Barnabas Pandy.

Tout se complique quand trois autres personnes viennent elles aussi clamer avec véhé- mence, dans les bureaux de Poirot, leur innocence dans ce meurtre. Car être accusé par le célèbre Hercule Poirot, n’est pas sans conséquence à l’époque. Face à cette multiplication de faux grossiers, Hercule Poirot décide d’enquêter avec son ami l’inspecteur Catchpool qui endosse le rôle de narrateur. Rapidement, il découvre que le fameux mort, un vieil homme, a été découvert noyé dans sa baignoire. Mais la police a classé l’affaire, simple accident domestique.

Questions sans réponses  
Avec sa pugnacité légendaire, Poirot va remonter la piste, se demander s’il ne s’agit pas effectivement d’un meurtre déguisé. Mais qui est le criminel parmi les quatre désignés coupables ? Les pièces du puzzle se mettent petit à petit en place. Au lecteur de tenter de se faire une idée sur la finalité du roman. Avec quelques questions qui reviennent en boucle : qui a tué Barnabas Pandy ? A-t-il été véritablement assassiné ? Qui a imité la signature de Poirot ? Pour quel motif le faussaire a-t-il voulu attirer l’attention du détective belge ? Réponse dans le dernier chapitre comme tout bon Agatha Christie.

Pourtant c’est bien Sophie Hannah qui a écrit ce roman, on le voit au rôle tenu par quelques femmes, loin des caricatures de l’époque. Notamment la futée Fee, serveuse dans un restaurant mais qui se verrait bien inspectrice de police si la loi l’y autorisait. Faute de mieux, elle aide l’inspecteur Catchpool à fournir des indices à un Poirot toujours aussi amusant dans ses manières guindées.

➤ « Crime en toutes lettres » de Sophie Hannah, Le Masque, 20,90 €

samedi 6 octobre 2018

BD - Bienvenue au cinéma de Midi-Minuit



Connaissez-vous le « giallo », genre cinématographique venu d’Italie ? Seuls les amateurs de séries B pourront vous répondre qu’il s’agit de films policiers où les meurtres sont horrifiques, l’assassin masqué et que l’on ne découvre son identité qu’à la toute fin du long-métrage. Doug Headline, passionné de littérature et de cinéma de genre, a écrit un scénario tournant autour de ce phénomène qui a connu son apogée dans les années 70. Et c’est un dessinateur italien, Massimo Semerano, qui a illustré cette histoire imaginaire du réalisateur reclus Marco Corvo. Deux amateurs du genre, journalistes pigistes qui se retrouvent régulièrement aux séances du cinéma Midi-Minuit, décrochent une interview du réalisateur. Ils se rendent en Italie, à Bologne, pour enregistrer en vidéo (l’histoire se déroule à la fin des années 90) les confessions testament de cet oublié du 7e art. Ils espèrent aussi savoir ce qui est arrivé à sa star, la sublime Luisa Diamanti, disparue en plein tournage de « Lumière noire ». Un film de Corvo inachevé. Il n’a plus rien tourné depuis.

Ce gros roman graphique de plus de 150 pages est passionnant pour ceux qui ne sont pas allergiques aux meurtres fétichistes, femmes fatales et autres méchants de pacotille. Un étonnant mélange, qui a fait tout le charme de cette branche du cinéma de série B italien, entre westerns et péplums. Et pour ne pas mourir idiot, un long dossier est consacré en fin d’ouvrage au « giallo » et plus généralement le cinéma d’exploitation italien de la fin du XXe siècle. 
« Midi-Minuit », Dupuis, 22 €

vendredi 5 octobre 2018

BD - Double cauchemar signé Franck Thilliez



Franck Thilliez, scénariste de BD ! Quand a nouvelle a fuité, nombre de fans de Sarko et Hunebelle, son couple de flics récurrent, ont espéré une adaptation de cet univers sombre et violent. Mais Franck Thilliez, tout en restant dans le domaine du thriller, a préféré s’adresser aux adolescents en créant une série à part relevant plus du fantastique que du polar. « La brigade des cauchemars », confiée aux crayons de Yomgui Dumont (un habitué du travail avec les écrivains puisqu’il a illustré les scénarios d’Olivier Bleys), met en scène trois adolescents ayant la possibilité de pénétrer dans les rêves des personnes perturbées. 


Sarah, Tristan et Esteban vont tenter de comprendre ce qui angoisse à ce point Nicolas. Dans son cauchemar, se déroulant à Tchernobyl, une entité maléfique transforme en pierre des touristes déambulant dans la ville fantôme. Une histoire qui donne le corps à cet album déroulant aussi un peu de l’intrigue de la série. Car le but final du trio est de pénétrer dans le cauchemar de Léonard pour délivrer la femme du professeur Angus, la première à avoir testé sa machine permettant de pénétrer dans l’esprit des patients. Léonard qui parvient lui aussi à s'enfoncer dans le cauchemar de Nicolas. Un double cauchemar... Si vous rajoutez un embryon d’amour contrarié entre Tristan (handicapé moteur) et Sarah, puis des interrogations sur l’identité véritable d’Esteban, vous avez la matière pour un futur best-seller en dix tomes. 
« La brigade des cauchemars » (Tome 2), Jungle, 13,95 €

jeudi 4 octobre 2018

BD - Jeremiah en roue libre



Arrivé à un certain âge et une certaine reconnaissance, on ne s’embête plus à faire semblant. Hermann, 80 ans, créateur des séries à succès Bernard Prince, les Tours de Bois-Maury ou Jeremiah, fait ce qu’il aime le plus : dessiner et jouer avec les couleurs. Donc il ne faut pas s’étonner si le dernier album en titre de sa riche carrière soit un peu faiblard au niveau scénario. 
L’essentiel de l’intrigue débute par un incendie. Juste pour justifier la destruction des motos de Jeremiah et Kurdy obligés de repartir à pied. 

En plein désert, ils se retrouvent dans la demeure d’un riche père de famille voulant protéger sa fille, la belle et très dépressive Douliana. Qui, en voyant Jeremiah, a immédiatement un faible pour le beau héros. C’est tragique, comme toujours dans ce monde post-apocalyptique qui nous pend au bout du nez. Une fois l’histoire évacuée, place au meilleur : les planches en couleurs directes. Un régal pour les yeux, avec des compositions audacieuses prouvant que le dessinateur, sans doute un des plus doués de sa génération, a encore des choses à tenter, expérimenter et prouver. 
« Jeremiah » (tome 36), Dupuis, 12 €

mercredi 3 octobre 2018

BD - L'humanitaire planétaire de "Renaissance" par Duval, Blanchard et Emem


On se demande parfois pourquoi l’Humanité n’aurait pas droit, elle, à l’erreur. Quand on voit ce que les Hommes sont en train de faire à leur planète, leur berceau, on est partagé entre le dégoût et le rêve d’une révélation pour que tout aille mieux. Cette ambivalence, Fred Duval l’a transformée en scénario d’une série de science-fiction ambitieuse. Dans un futur proche, le réchauffement climatique exponentiel a provoqué des dégâts irréversibles. La seine a débordé, Paris a les pieds dans l’eau. L’Oregon, allié au Nevada, a déclaré la guerre à la Californie. Au Texas, les pompiers tentent d’éteindre un feu gigantesque des dernières ressources pétrolières alors que des machines de guerre intelligentes et sécessionnistes attaquent les villes alentours. Rien ne va plus. L’Homme semble condamné. Non, car à des milliards d’années lumière de là, une fédération de civilisations extraterrestres débat sur l’opportunité d’intervenir. Quand la décision est prise d’envoyer un contingent pour « sauver » la Terre, la vie de Swänn, un soldat de la planète Nakhan, va basculer.


Le premier tome de cette série dessinée par Emem sur des designs de Fred Blanchard, est en trois partie. On découvre la catastrophe écologique, puis on voit le quotidien de Swänn sur sa planète d’origine et son inquiétude de partir si loin, sur un monde où la race dominante, nous, s’évertue à s’autodétruire avec violence en usant de mensonge et d’individualisme. Enfin on assiste au contact entre Terriens et Aliens. Ils arrivent en sauveurs, pacifistes et non-violents. Leur technologie leur assure une longueur d’avance. Mais c’est sans compter sur l’esprit de survie de certains Humains. 
« Renaissance » (tome 1/3), Dargaud, 14 €

mardi 2 octobre 2018

Cinéma - "Nos batailles" : un père seul au pied du mur de l'enfance


Olivier (Romain Duris) travaille beaucoup. Beaucoup trop. Ce chef d’équipe dans un immense entrepôt s’investit à 200%. Pour l’entreprise mais aussi et surtout ses gars. Au point qu’il entre au syndicat pour encore mieux les défendre. Un militantisme qui lui bouffe encore plus de temps. Olivier est donc peu présent dans son foyer. Il abandonne l’éducation de ses deux enfants à sa femme, Laura (Lucie Debay). Cette dernière est fragile. Semble perdue, dépassée par les événements. Un matin, elle part. Sans prévenir. Ni dire où elle va. Olivier se retrouve avec ses deux enfants sur les bras.

Second film de Guillaume Senez, réalisateur belge, « Nos batailles » explore le monde du travail et de la famille. Car tout est lié. Olivier se détache de sa femme et de ses enfants en raison de ses horaires décalés et extensifs. Une famille idéale ? Non, cela n’existe pas. Malgré l’amour de Laura pour ses enfants, elle décide de partir. Pour se protéger. Les protéger eux aussi, peut-être. Le personnage de la mère reste un peu fantomatique.

L’essentiel du film se déroule entre les trois restants, tentant vaille que vaille de combler le vide de l’absence. Cela aurait pu donner un mélodrame larmoyant, mais le réalisateur parvient à donner du sens à ces scènes parfois brouillonnes mais criantes de sincérité. La fugue des enfants, l’échappée sexuelle du père, le rayon de soleil de la tante, la ténacité de la grand-mère : tout est fait pour que la vie reprenne le dessus. Le titre du film prend alors tout son sens. Olivier, mais aussi Elliot et Rose, les deux enfants, doivent batailler pour reprendre le dessus. Les batailles de la vie, tout simplement.

Romain Duris porte le film et livre une composition très convaincante de père déboussolé mais qui sait se remettre en question.

➤ « Nos batailles », drame de Guillaume Senez (France, 1 h 38) avec Romain Duris, Laure Calamy, Lætitia Dosch.

lundi 1 octobre 2018

De choses et d'autres - Paillettes mortelles

Mesdames, l’avenir de la planète est entre vos mains. Les microplastiques en nombre croissant asphyxient lentement mais sûrement les océans. D’où viennent ces polluants de la pire espèce ? En partie de votre fond de teint. Selon Trisia Farrelly, une anthropologue environnementale à l’université de Massey en Nouvelle-Zélande, les paillettes contenues dans les maquillages se retrouvent toutes sans exception dans les océans. Une prise de conscience qui passe difficilement auprès des vamps en herbe et leurs fournisseurs de beauté.

En boîte de nuit, la paillette est devenue incontournable pour capter la lumière. Son petit côté pétillant et éblouissant renforce (selon certaines d’entre vous) la séduction. Jusqu’au jour où l’un de vos prétendants, expert en biologie marine, vous traitera en public d’arme de destruction massive des organismes primaires. Car tout ce qui vit dans les eaux du globe avale les paillettes et en meurt, du plancton aux gros mammifères en passant par tous les poissons. Même leurs prédateurs, les oiseaux, peuvent en souffrir, les particules mortelles restant dans leur estomac après digestion.

Alors mesdames, concédez à notre terre en souffrance ce simple geste. Vous disposez de tant d’autres possibilités de briller.

Chronique parue le 1er octobre en dernière page de l'Indépendant