mardi 31 janvier 2017

Roman : Légumes et adultères prospèrent "Sous le compost"

SOUS LE COMPOST. Être un homme au foyer réserve bien des surprises au héros imaginé par Nicolas Maleski.
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Franck s’est longtemps rêvé écrivain. Finalement il a suivi sa femme Gisèle, vétérinaire, quand elle s’est installée dans une petite ville de province, à flanc de montagne. La belle et féline Gisèle, travaille 10 heures par jour pour faire bonne impression auprès de ses deux associés, hommes et plus âgés.
Alors un peu par la force des choses, Franck est devenu homme au foyer, s’occupant du ménage, des courses, des repas et de l’éducation de leurs trois petites filles. Et sur son temps libre, il a entrepris de cultiver un jardin potager avec les conseils éclairés de son voisin, Francis, agriculteur. Ce premier roman de Nicolas Maleski a des airs des précis horticole dans les premières pages. Franck s’esbaudit devant la beauté de la nature et la pousse des courgettes, tomates et autres radis. Il sème, éclaircit, bute et même entretient son compost naturel. Car Franck, en bon ancien urbain qui se respecte, veut éviter les désherbants, pesticides et autres saletés toujours en vente libre. Une vie pépère, sans grande ambition. Heureuse quand même, avec de nouvelles amitiés et des sorties en VTT dans les forêts environnantes. Rapidement, l’auteur abandonne les plantes pour s’intéresser en profondeur aux personnalités de ses créations. Notamment quand Franck reçoit une lettre anonyme lui annonçant que Gisèle le trompe avec un des associés.
■ Une, voire deux maîtresses
Il bouillonne. « Je sentais monter à mon cerveau une énergie noire et pleine d’humeurs. Je me coltinais nos gamines, je faisais la boniche. Pendant ce temps, elle pavanait dans son 4 x 4 et elle offrait les prérogatives de ses cuisses à son connard d’associé. » Il n’y croit pas trop cependant. Jusqu’à ce jour où Valérie, la femme de l’associé en question, débarque chez lui pour lui annoncer que son mari la trompe avec Gisèle. Le croustillant du roman monte d’un cran car Franck, au lieu de tout déballer, décide de se venger de la plus simple des façons : prendre Valérie pour maîtresse. Et tant qu’à faire, séduire aussi la femme de l’autre associé. Homme au foyer laisse pas mal de temps libre, mais entre le jardin, les trois enfants, une épouse et deux maîtresses il faut jongler. Et parfois cela se retourne contre vous quand une jeune femme disparaît.
D’autant que Franck, calculateur et un peu trop dé-taché de ses actions, cache des montagnes de violences. Notamment quand il se dit, à propos d’un ami d’enfance un peu trop envahissant à son goût : « Je l’aurais volontiers mis dans mon compost, celui-là ; mes légumes se seraient régalés avec un fumier pareil. » Un premier roman assez réjouissant dans sa façon de présenter le franchissement de certains interdits moraux.
➤ « Sous le compost » de Nicolas Maleski, Fleuve éditions, 18,90 €

De choses et d'autres : Rondeurs flatteuses

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Le petit monde de la chirurgie esthétique tenait salon la semaine dernière au Palais des Congrès de Paris. De grands spécialistes ont échangé sur les dernières nouveautés dans une activité qui ne connaît pas la crise. Je vous épargnerai les techniques sur le remodelage du sexe féminin, paraît-il en plein boum, pour me concentrer sur la graisse, ces bourrelets devenus la hantise de quantité de femmes (et d’hommes). La cryolipolyse ou « coolsculpting » en anglais est en plein boum. Elle consiste à refroidir la graisse durant une heure. Celle-ci va alors se désintégrer au bout de deux à trois semaines. Pas invasif et sans douleur. 120 000 Américains l’ont testée en 2015.
Cet été, je tenterai l’expérience. De façon artisanale avec un simple bac à glaçons sur mes abdos. Enfin, sur le gras qui cache mes abdos. Si tant est qu’ils existent...
L’autre nouveauté est encore plus incroyable. Avant quand on pratiquait une liposuccion, toute la graisse aspirée partait à la poubelle. Désormais on peut la « nettoyer » (enlever le sang et l’eau) et la réinjecter là où il en manque. Voilà comment ses poignées d’amour ou petit bidon (terme politiquement correct pour désigner un gros ventre) se transforment en poitrine opulente ou fesses rebondies. Et avec des seringues de précision, la mauvaise graisse peut même servir à combler des rides trop marquées, encore mieux que le botox. Bref, de l’auto-chirurgie esthétique à destination de rondeurs flatteuses.

lundi 30 janvier 2017

Roman : Maurice Sachs, escroc cultivé

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Écrivain maudit, mort en Allemagne à la fin de la guerre d’une balle dans la nuque tirée par un SS, Maurice Sachs est présenté dans ce livre de correspondances imaginaires comme un « Saint Salopard ».
Barbara Israël ne trouve pas d’excuses à cet escroc de génie, Juif devenu serviteur zélé des nazis, il est capable d’aimer mais aussi de trahir. Il écrit à sa mère, ou à de grands écrivains qu’il a croisés comme Marcel Proust ou Julien Green. A son père, qu’il a très peu connu, il tente de se justifier sur ses errances : « Avec le recul, je sais que nous avions raison d’être dissolus. C’était le lieu même où s’exprimait notre génie. » L’autre facette de Maurice Sachs est son homosexualité. Certains passages sont très crus et mettent en scène des célébrités comme Cocteau ou Marc Allégret. Quant à Gide, il lui explique simplement : « Ma plus grande douleur aurait été de me contraindre, j’avais horreur de souffrir. »
➤ « Saint Salopard » de Barbara Israël, Flammarion, 18 €

De choses et d'autres : Jurisprudence Penelope


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Ce «Penelope Gate» me plonge dans l’embarras. Jeudi soir sur TF1, l’ancien député, sénateur, Premier ministre et actuel candidat de la droite a détaillé en quoi consistait le travail d’attachée parlementaire de son épouse. Elle «corrigeait mes discours, me faisait une synthèse de la presse» a-t-il expliqué en direct pour justifier les milliers d’euros qu’elle touchait chaque mois.
Je suis dans l’embarras car moi aussi je demande à mon épouse de lire et corriger ces chroniques. Et chaque jour, elle commente les titres des journaux, me glissant au passage quelques idées pour le futur. Là, en écrivant ces lignes, je comprends tout le problème. Car en les découvrant elle ne manquera pas de me faire remarquer: «Pourquoi moi je ne touche pas un centime alors que Penelope a empoché entre 3000 et 8000 euros mensuels ?» Que puis je lui répondre? Désolé, mais je suis pauvre. Pauvre et honnête de surcroît.
J’entrevois bien une solution mais elle risque de ne pas plaire à mon directeur. Selon cette fameuse «jurisprudence Penelope», je vais demander l’alignement de mes piges sur son barème de critique littéraire à la Revue des Deux mondes. Elle a été payée 100.000 euros (sur 20 mois de travail) en écrivant deux textes de 3500 signes au total. Conséquence, à raison de 24 chroniques de 1.500 signes chacune, je devrais gagner un peu plus d’un million d’euros par mois. Facile dans ces conditions d’en céder une infime partie à ma première lectrice. Dans mes rêves...
(Chronique parue le 30 janvier en dernière page de l'Indépendant)

dimanche 29 janvier 2017

Livres de poche : histoires de menaces


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Quinze ans après avoir contribué à stopper l’invasion qui menaçait la France, Tom Costa est porté disparu. Miki, son jeune frère désormais responsable de la petite communauté installée à Port Leucate se lance à sa recherche et va devoir affronter les périlleuses routes d’Espagne pour retrouver sa trace. Ce roman d’aventures post-apocalyptiques de Laurent Whale offre un divertissement intelligent sur la poursuite de la vérité et la fidélité.
➤ « Les damnés de l’asphalte », Folio SF, 8,80 €

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Paris, 11 mars 1944. Appelés pour un incendie rue Le Sueur, les pompiers et la police découvrent dans les caves d’un hôtel particulier un charnier de vingt-sept cadavres dissous dans la chaux vive. Lancé à la poursuite de celui que la presse surnomme « Docteur Satan », le détective privé Jérôme Dracéna imaginé par Jean-Pierre de Lucovich va devoir affronter un génie du crime, maître de l’illusion, à l’image de Fantômas ou du diabolique Dr Mabuse.
➤ « Satan habite au 21 », 10/18, 8,80 €

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Il a suffi de quelques jours au charismatique révérend Charles Jacobs pour ensorceler les habitants de Harlow, dans le Maine. Et plus que tout autre, le petit Jamie. Car l’homme et l’enfant ont une passion commune : l’électricité. Trente ans plus tard, Jamie est un guitariste de rock rongé par l’alcool et la drogue. Il va croiser à nouveau le chemin de Jacobs. Un roman électrique de Stephen King sur ce qui se cache de l’autre côté du miroir.
➤ « Revival », Le Livre de Poche, 8,30 €

samedi 28 janvier 2017

Angoulême, un festival de nouvelles bandes dessinées

BANDE DESSINÉE. Dans moins d’une semaine Angoulême va se transformer en capitale mondiale de la BD. Petit tour d’horizon des nouveautés d’un secteur en pleine expansion.
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Les grands anciens sont toujours à la mode. Après Blake et Mortimer, Tintin ou Lucky Luke, Spirou est en vedette en ce mois de janvier. Pas le héros « officiel » de Vehlmann et Yoann mais celui de la collection parallèle donnant carte blanche à des auteurs confirmés pour proposer leur vision du héros rendu si populaire par Franquin. « Le maître des hosties noires » est la suite de « La femme léopard » de Yann et Schwartz. Les deux auteurs ont décidé de replonger le jeune groom vêtu de rouge dans le Bruxelles d’après-guerre, dans un style rappelant celui de Jijé. Spirou et Fantasio sont au Congo. Accompagnés de la jeune et très jolie Aniota, Africaine qui ne laisse pas Fantasio indifférent, ils veulent rejoindre la province de l’Urungondolo, là où vit la tribu des femmes-léopards. Mais en 1947, peu de temps après la fin de la guerre en Europe, un dictateur local entre en rébellion contre l’ordre colonial belge. Il enrôle un sorcier capable d’animer des fétiches, les transformant en robots-gorilles indestructibles.
Il a également un grand projet : rayer la Belgique de la carte de l’Europe. Pour cela il demande à des savants allemands en fuite de lui construire une bombe avec l’Uranium extrait des mines de sa province.
Autour de cette intrigue dramatique, Yann laisse libre cours à son humour décapant. Il dynamite avec un plaisir évident l’esprit colonial et la folie des nazis. Sans compter les dizaines de clins d’œil à la fameuse BD franco-belge. Un style dans lequel Olivier Schwartz excelle. Il actualise le trait de Jijé, avec un soupçon de Chaland et des compositions de planches d’une clarté exceptionnelle.
■ Un trio pour le Grand Prix
Olivier Schwartz présent à Angoulême le week-end prochain sera sans doute très sollicité par les fans. Son album devrait rapidement gravir les échelons dans les classements des meilleures ventes. Il n’est cependant pas dans la sélection finale dans la compétition du meilleur album de l’année. Une compétition très ouverte, même si deux titres se détachent du lot, « Shangri-La » de Mathieu Bablet chez Ankama et « La légèreté » de Catherine Meurisse aux éditions Dargaud.
Pour le Grand Prix, décerné par l’ensemble de la profession, après un premier vote pour ne garder que les « meilleurs », il ne reste plus que trois noms pour succéder à Hermann (lire ci-dessous). Trois immenses auteurs à la tête d’œuvres ambitieuses et reconnues de tous. Le choix sera particulièrement difficile entre Chris Ware, Cosey et Manu Larcenet.
Ware est le génial américain qui ne se prive d’aucune expérience comme dans « Building Stories » récompensé du prix du Jury en 2012. Cosey, déjà sélectionné l’an dernier dans le trio final, est de nouveau de la partie. Il a signé un étonnant album avec Mickey en vedette l’an dernier. Reste Larcenet, le petit prodige qui a débuté avec des histoires absurdes dans Fluide Glacial puis est devenu un des maîtres du noir et blanc. Sa trilogie, « Blast », est devenue un classique du roman graphique.
Qui sera président ? Réponse le mercredi 25 janvier, à la veille de l’ouverture du 44e festival d’Angoulême.
➤ « Le maître des hosties noires », Dupuis, 14,50 €
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■ LES ALBUMS PHARES DU FESTIVAL
Bouzard dépoussière Lucky Luke

Après Mathieu Bonhomme, c’est Guillaume Bouzard qui a eu carte blanche pour imaginer une aventure décalée de Lucky Luke le cowboy créé par Morris. On retrouve tout ce qui fait le charme de la série, avec l’absurde en plus. Le cow-boy solitaire se brouille avec son cheval, les Dalton lui demandent son aide et Averell... veut se faire poser un anneau gastrique. Du grand n’importe quoi, finement dessiné dans ce style inimitable de jeté-lâché propre au dessinateur de Plageman et Mégabras.
➤ « Jolly Jumper ne répond plus », Lucky Comics, 13,99 €
Puppy, le petit chien zombi

Après avoir illustré Albert Cohen, Luz continue ses recherches tous azimuts. Il signe un très étrange album de plus de 250 pages grand format, entièrement muet. Dans un cimetière pour animaux, une patte sort de terre. C’est Puppy, chien récemment enterré dans ce lieu si tranquille. Puppy ne comprend pas, il perd la tête (au propre) et court après sa truffe. Le chien zombi explore les différentes tombes, redoute les chats errants et va tenter la grande aventure chez les humains. D’une grande beauté, cet album est une nouvelle pierre à la carrière en mouvement de Luz, ancien de Charlie qui a définitivement tourné la page du dessin d’humour.
➤ « Puppy », Glénat, 19,50 €
Série noire à la suédoise
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Tout dessinateur en rêve : une collection à son nom. Philippe Berthet a obtenu cette faveur et puise parmi les meilleurs scénaristes du moment pour signer des histoires complètes très noires. Sylvain Runberg lui a écrit un polar suédois aux airs très américains. Une partie de l’intrigue se déroule au cours du Motorcity, festival mêlant vieux groupes de rock et voitures américaines des années 60. Un milieu que connaît bien l’héroïne, une policière fraîchement sortie de l’école.
➤ « Motorcity », Dargaud, 14,99 €
Amours multiples à Montréal

Julie Maroh a frappé un grand coup dans le monde de la BD souvent très masculine avec son « Le bleu est une couleur chaude ». Succès de librairie devenu film culte sous le titre de « La vie d’Adèle ». Militante de la cause LGBT, elle revient avec un gros recueil d’histoires courtes ayant pour point commun l’amour. L’amour sous toutes ses formes. Dans une préface explicative elle s’insurge contre le cliché « un homme une femme » et va beaucoup effectivement plus loin dans les combinaisons. Beaucoup de tendresse dans ces récits se déroulant à Montréal, ville libre et joyeuse, quelle que soit la période de l’année.
➤ « Corps sonores », Glénat, 25,50 €
L’Afrique de Jean-Denis Pendanx

Pour son premier album en solo, Jean-Denis Pendanx plante ses pinceaux dans cette Afrique qu’il aime tant. Sur plus de 110 pages on suit l’initiation de Kémi, très loin, vers le delta du Niger, un périple étourdi de croyances et de fétichisme, une quête magnifique et tourmentée.
➤ « Au bout du fleuve », Futuropolis, 20 €

vendredi 27 janvier 2017

Sondage : les Français plébiscitent les grands classiques de la bande dessinée

FRANCO-BELGE. Astérix et Tintin restent les préférés et 41 % des personnes sondées ont acheté une BD dans l’année.

Avec ou sans potion magique, Astérix est le plus fort. Le nouveau volet de l’observatoire de la vie quotidienne des Français porte sur la bande dessinée, à une semaine de l’ouverture du festival d’Angoulême. Le petit Gaulois imaginé par Albert Uderzo et René Goscinny est la BD francobelge préférée pour 50 % des sondés. Il devance Tintin et Gaston Lagaffe. Ce sont les grands anciens qui se taillent la part du lion dans ce classement car on retrouve également nombre de héros nés avant les années 60 comme Lucky Luke, Boule et Bill, Spirou, Blake et Mortimer ou les Schtroumpfs. Seule série relativement récente tirant son épingle du jeu, le Chat de Philippe Geluck précède de peu Titeuf de Zep.
■ La bataille des nouveautés
Les Français ont depuis toujours aimé la BD. Et cette histoire d’amour semble toujours être d’actualité puisque 41 % des sondés affirment avoir acheté une ou plusieurs BD dans l’année écoulée. Ce secteur de l’édition, malgré une surproduction de plus en plus problématique (pas moins de 3 988 nouveautés en 2016), reste très dynamique même si les tirages ont tendance à diminuer. Le match Tintin/Astérix ne date pas d’aujourd’hui. Longtemps sans concurrence, le jeune reporter belge a vu sa suprématie s’étioler dans les années 60 et la naissance d’Astérix dans les pages du journal Pilote.

Paradoxalement, ce match est à son plus haut niveau en cette année 2017. Sortie il y a moins de 15 jours, la version colorisée de « Tintin chez les Soviets », premier titre un peu oublié de la série, a immédiatement pris la tête des ventes, toutes catégories confondues selon le dernier baromètre GFK/Livres Hebdo. Tirée à 300 000 exemplaires, cette BD datant de 1929 bénéficie certainement du phénomène collection. Car le sondage nous apprend que 59 % des Français ont déjà collectionné une ou plusieurs séries.
Astérix ne sera pas en reste. Le Gaulois a l’avantage de proposer des nouveautés tous les deux ans depuis la décision d’Uderzo de passer la main à Ferri et Conrad. Retenez déjà la date : le 19 octobre sortie d’une nouvelle aventure où, selon les premières indiscrétions, Obélix serait particulièrement en vedette. À n’en pas douter, cet album fera partie des 6 BD que les Français lisent en moyenne chaque année, 8 pour la région Occitanie, la plus « bédéphage » avec le Nord et la Bourgogne. 
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Les mangas et les comics peinent à émerger
Dans la compétition entre la vieille Europe, les USA et le Japon, la pré- férence des Français va très largement pour les productions du vieux continent. Ils ne sont que 4 % à préférer les mangas et 3 % les comics. L’invasion annoncée à une époque n’a pas eu lieu. Et les succès en salles des adaptations des aventures des super-héros ne se transforment pas par une razzia sur les histoires originales, souvent écrites par Stan Lee. Benoît Brisefer fait mieux que Superman ou Naruto.
Une impression à nuancer cependant chez les plus jeunes. Là, on sent que les goûts diffèrent un peu. Ils sont 13 % à préférer mangas ou comics aux classiques histoires en 44 planches et couverture cartonnée. Dans l’univers des justiciers américains, Batman s’impose devant Spiderman et Superman. Mais à la question « quel héros de bande dessinée rêveriez-vous être ? », Superman l’emporte devant Wolverine chez les hommes, Wonder Woman chez les femmes.
Côté mangas, Dragon Ball ne fait pas de détails en récoltant 49 % des suffrages, très largement devant Death Note et Naruto. Reste que ces deux catégories, tout en étant minoritaires, concourent pour beaucoup dans le dynamisme du secteur de la BD en France. Chaque mois ce sont des dizaines de nouveaux mangas à très petits prix qui sont proposés aux amateurs et les comics suivent le mouvement. Il est vrai que les productions sont particulièrement importantes dans les deux pays d’origine et souvent peu coûteuses pour les maisons d’édition spécialisées. Et preuve que ces succès sont appelés à s’amplifier, des auteurs français se lancent dans le genre, comme Serge Lehman imaginant des super-héros français, ou Lastman, manga français respectant la pagination (copieuse) et le rythme de parution (rapide) inhérents au genre. 

jeudi 26 janvier 2017

Roman : La dégringolade des super-héros français

LES PREMIERS. Sept jeunes Français se découvrent des pouvoirs. Xabi Molia raconte leur histoire qui finit mal.
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Le premier découvre dans la rue qu’il peut voler. Un autre qu’il a la capacité de manœuvrer l’esprit des gens, une autre qu’elle se déplace à la vitesse de l’éclair. En une semaine, ils sont sept, un peu partout en France, à se découvrir un super-pouvoir. Les super-héros sont devenus très connus dans l’imaginaire collectif. Merci les comics et leurs adaptations au cinéma. Mais Xabi Molia, romancier et cinéaste, imagine un groupe d’invincibles dans une république française en pleine déconfiture.
■ Dérapages
Immédiatement, les sept sont mis à l’abri, ils signent un contrat avec l’État et se mettent au service de la communauté. Même si ce n’est pas évident pour tout le monde. L’un des élus le confesse dans une interview « On faisait le Bien, b majuscule, parce que c’était notre rôle et qu’on se sentait obligés, mais ça nous venait pas naturellement. On n’avait pas vocation à ça. Et même, je vais vous dire, c’était tout le contraire : on avait vocation à faire des conneries. Parce que quand vous avez des capacités comme les nôtres, c’est très difficile de dominer vos envies. » De simple histoire de science-fiction, l’auteur transforme son roman en résumé de toute la difficulté d’être différent dans une France de plus en plus repliée sur elle-même.
xabi molia,super-héros,seuilAu début, les héros sont adulés. Mais quelques dérapages suffisent à ternir leur étoile. Et comme ce sont des hommes et des femmes ordinaires, pas préparés à cette mise en lumière, certains craquent. Pire, une bête histoire d’adultère va mettre en péril le groupe. Et le plus puissant va même basculer du côté obscur. Sans oublier le moindre aspect du genre (Faut-il se masquer ? D’où viennent ces pouvoirs ? Sont-ils éternels ? Y en a-t-il d’autres qui restent cachés ?) Xabi Molia revisite avec brio un canevas vu et revu.
Avec cette touche frenchy qui fait toute la différence. « Les Premiers » ont tout pour être adaptés sous forme de série télé, made in France évidemment.
 ➤ « Les Premiers » de Xabi Molia, Seuil, 19 €

De choses et d'autres : Cure-dent ou baguette magique ?

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Suite (et sûrement pas fin) de nos déboires internet. Le nouvel opérateur n’offre finalement pas un service de très grande qualité. Des coupures, toujours des coupures… Mon épouse décide de prendre le taureau par les cornes et compose le numéro de la maintenance technique. Dans mon coin, j’écoute la conversation (le téléphone est branché sur haut-parleur) et rigole d’avance. Je ne suis pas déçu. Après quelques minutes d’attente, un « technicien » prend l’appel. Après les préliminaires habituels « Je me présente Madame Litout, je m’appelle… et suis à votre service. » Donc, ça coupe. Souvent. Incessamment. Et la communication au téléphone est mauvaise, comme parasitée. « Très bien madame Litout. Votre box est-elle à côté de votre micro-ondes ? » Premier étonnement de mon épouse. « Ben non, le micro-ondes est dans la cuisine et la box dans le salon » explique-t-elle. « Très bien madame Litout. Prenez un cure-dent. » Je me retrouve propulsé dans un dessin de Tex Avery. La mâchoire de mon épouse se décroche littéralement et ses yeux se transforment en grosses billes de loto. « Un cure-dent ? » ne peut-elle que répéter interloquée. « Oui madame Litout, un cure-dent ». Bon, à priori, c’est lui le technicien. Elle s’exécute et la communication coupe… Elle se retrouve seule avec son cure-dent devant la box. Je lui explique que c’est certainement pour actionner le minuscule bouton « reset ». Elle le fait. Depuis ça marche mieux. Parfois. 

mercredi 25 janvier 2017

Cinéma : Les Puissants passent à confesse

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Petit film italien, « Les Confessions » de Roberto Ando aborde la problématique du pouvoir des Puissants sur le devenir des peuples. Comment quelques économistes à la tête des ministères des 8 plus grandes puissances mondiales peuvent, dans le calme feutré d’un palace, jeter à la rue toute la population d’un pays ? Sans le dire ouvertement, ce faux thriller fait référence à la Grèce qui, un temps, a failli être éjectée de la zone euro, comme mise au ban des nations pour une faute originelle inacceptable dans ce monde de la finance : voter pour des hommes voulant faire de la politique autrement, contre les influences de l’argent, du capitalisme et de la spéculation.


En Allemagne, dans ce manoir isolé de tout et de tous, ce sont des hommes et des femmes sans cœur qui mettent les dernières touches à leur pacte pour remettre un peu d’ordre dans leur monde. Sous la houlette de Daniel Roché (Daniel Auteuil), directeur du Fond monétaire international, ils sont presque parvenus à un accord. Deux représentants rechignent encore : l’Italie et le Canada. Pour la première fois, en plus des négociations secrètes, Roché a désiré inviter à ce conclave des représentants de la société civile. Une romancière pour enfant mondialement célèbre, un chanteur de folk tout aussi connu dans le monde entier et... un prêtre italien ayant fait vœu de silence.
Le moine Roberto Salus (Toni Servillo) semble totalement incongru dans cet univers de luxe et de plaisirs. Lors du repas d’arrivée, il refuse les plats car il ne mange pas le soir. Ne dit pas un mot, évidemment, et à la fin des agapes, quand les ministres sirotent un digestif que l’on imagine fort et raffiné, il débarrasse la table, mettant dans l’embarras l’armée de serviteurs déboussolés par cette entorse au protocole. Salus, doux rêveur ou conscience éveillée ? Le spectateur se pose la question au début du film. À la fin aussi tant la mécanique de Roberto Ando est bien huilée.
■ Secret de la confession
Si Roché a invité Salus, c’est pour se confesser. L’homme considéré comme le plus puissant de la planète a-t-il quelque chose à se faire pardonner ? Mystère dans un premier temps. D’autant que le lendemain, Roché est retrouvé mort dans sa chambre, étouffé dans un sac plastique appartenant à Salus. Suicide ? Le moine est mis en examen. Début de l’enquête policière. Et des soupçons multiples et variés. Le refus de répondre aux questions du religieux, sous couvert de secret de la confession, complique sérieusement la donne. La ministre canadienne (Marie-Josée Croze) avait-elle une liaison avec Roché ? La romancière (Connie Nielsen), insomniaque, en sait-elle plus qu’elle ne le prétend ?
Le suspense n’est en réalité qu’un prétexte pour faire réfléchir sur la marche du monde. Et de l’importance de la spiritualité dans cette société ayant élevé l’argent au rang de Dieu planétaire. Le tout magnifié par des images léchées, au cadrage soigné et lumière très travaillée. Sans compter la qualité de tous les acteurs, Toni Servillo en tête. 

De choses et d'autres : #FreeMelania


Si certains espéraient trouver en Melania, l’épouse de Donald Trump, la meilleure alliée du président US contre les millions de walkyries féministes déchaînées contre ses propos sexistes, ils déchantent. Au contraire la pauvre Melania s’érige en symbole des mauvais traitements d’un époux dominateur sur sa femme soumise.


La raison, quelques secondes filmées par CNN lors de l’investiture du magnat de la téléréalité. Melania est derrière lui, tout sourire. Trump se détourne, la regarde droit dans les yeux, semble prononcer une phrase très courte et se retourne vers la foule. La caméra suit l’expression de Melania qui perd instantanément son sourire et affiche une expression jugée par les internautes au mieux de petite fille grondée, au pire d’épouse désespérément malheureuse.


Il n’en fallait pas plus aux opposants de Trump pour lancer la grande opération «#FreeMelania», rapidement relayée part des millions de comptes Facebook ou Twitter. Car pour eux pas de doute, Melania est comme prisonnière. De la fonction, de son foyer, de son mari.

Mélania, cligne des yeux deux fois si tu as besoin d'aide dit celui-ci.
Certaines femmes de la « Women’s March » de samedi ont même fabriqué des pancartes avec ce slogan. Et d’autres ont spéculé sur le contenu de la boîte bleue offerte par Melania Trump à Michelle Obama : un simple post-it avec marqué dessus, en gros, « Help ! ». Cela semble farfelu, mais au vu des images, peut-être assez proche de la vérité.

mardi 24 janvier 2017

Roman : Virée dans Barcelone la nocturne avec Hélène Couturier

Bienvenue à Barcelone, ses rues typiques, ses ramblas, ses quartiers chauds. Très chauds.
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Mathilde, 50 ans, est responsable d’une agence immobilière dans la capitale catalane. Depuis plus de 15 ans elle vit avec Jo, un pur Catalan. Elle l’aime d’amour fou, mais ne peut pas s’empêcher d’aller « s’amuser » avec d’autres beaux garçons, généralement jeunes et moins sérieux que Jo, cadre dans une entreprise spécialisée dans les statistiques. Mathilde insouciante, est mise sur le gril par son compagnon. Une question qu’il répète à l’envi et qui donne le titre au roman d’Hélène Couturier : « Combien de fois m’as-tu trompé ? » Habituée aux mensonges, la belle volage cherche une parade. Mais c’est peine perdue. Car si Jo a décidé de crever l’abcès, ce n’est pas par hasard. Il a rencontré une autre femme et veut quitter Mathilde.
De cette classique scène de ménage entre un couple équilibré, Hélène Couturier, connue pour ses romans noirs, plonge son héroïne dans une découverte du Barcelone by night. Car Mathilde, malgré ses 50 ans, croque la vie à pleines dents. Elle ne veut pas se contenter de ce que son âge l’autorise : « au-dessus de quarante ans les sorties semblent réduites au dîner dans les restaurants lounge concept avec éclairage bougies qui atténuent les rides de chacun mais requièrent lunettes pour déchiffrer le menu s’il n’est pas rédigé grand format sur une ardoise ».
Direction les quartiers interlopes pour tenter de mettre la main sur son dealer attitré. Introuvable, elle se rabat sur un « Paki » qui lui propose de la MD. Avec une précision presque journalistique, la romancière raconte ces quartiers déshérités, où la misère est la norme. Où les téléphones portables volés aux touristes deviennent presque une monnaie parallèle aux euros. Mathilde, pour oublier ses amours défuntes, décide de se donner au premier bel homme qu’elle croise. Ce sera un Martiniquais, rasta au corps sculptural. Mais il est plus intéressé par les croyances religieuses de la Blonde occidentale que par ses avances.
L’errance dans Barcelone occupe une grande partie du roman. Comme si se perdre dans cette ville aux multiples visages allait lui permettre d’oublier cette vie qu’elle semble gâcher. Notamment dans le quartier de Poblenou et « ses avenues bordées de vaisseaux de pierre et de béton qui fendent le ciel.» Quartier découvert par Jo (elle résidait avant à Gracia) endroit qu’elle ne quitterait pour rien au monde. Cela tombe bien, Jo est en train de reprendre ses livres. Il laisse l’appartement à Mathilde. Mathilde, seule face à Barcelone. 
➤ « Il était combien de fois » d’Hélène Couturier, Le Dilettante, 15 €

De choses et d'autres : c'est petit

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Il est toujours plus facile de taper sur les faibles, les petits. Après la primaire de la droite et les moqueries incessantes contre Jean-Frédéric Poisson, le phénomène se répète pour la gauche. Cible privilégiée Jean-Luc Bennhamias malmené par certains intervieweurs chargés d’animer les débats. Un mordant journalistique étrangement absent quand Manuel Valls prenait la parole.
Même « politique » dimanche lors du vote. Un journaliste chargé de couvrir le vote à Marseille twittait, très ironique, une dizaine de minutes après le début du dépouillement : « Suspense au bureau où Jean-Luc Bennahmias a voté : son bulletin toujours pas sorti... » Reste qu’au final, le leader de Force démocrate a remporté plus de voix que Jean-François Copé, arrivé bon dernier des deux consultations avec seulement 12 750 voix contre 16 172 au plus bas score des primaires citoyennes.
Sylvia Pinel pour les radicaux de gauche a elle aussi eu droit à quelques sarcasmes. Notamment lors de la publication des résultats de l’outre-mer, l’Agence France presse se permettait une dépêche au titre plus ironique qu’informatif à cause des points de suspension : « Sylvia Pinel arrive en tête... à Saint-Pierre et Miquelon ». Si facile de se gausser d’un « petit » territoire et d’une « petite » candidate. Et pourtant avec 31 703 voix, la vice-présidente de la région Occitanie a quasi doublé le score de 2011 alors que Valls a obtenu moitié moins que Hollande. Mais l'ancien Premier ministre reste un « grand », pas encore tombé de son piédestal.
(Chronique parue le 24 janvier en dernière page de l'Indépendant) 

lundi 23 janvier 2017

BD : Capricorne quitte notre univers

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La série a failli ne pas avoir de fin. Face à une baisse des ventes, Capricorne d’Andréas a été condamné par son éditeur à quatre titres de la conclusion. Une mobilisation des fans sur internet a permis de la relancer et le dessinateur de Rork a pu boucler cette histoire de mondes parallèles et de double vie. Le 20e et dernier volume ne peut pas se lire seul. Par contre pour le passionné qui a suivi l’errance du héros dans différents mondes aux buttes avec des cubes numériques, cavaliers et autres entités masquées, ces 46 pages donnent quantité de réponses. Et des passerelles vers l’autre série, plus ancienne qu’est Rork. Un peu comme si on regardait la dernière saison de Lost sans avoir suivi les vies des protagonistes dans les 70 précédents épisodes. Reste le dessin. A savourer sans modération. Andréas est un maître. Comme le titre de cet album…
➤ « Capricorne » (tome 20), Le Lombard, 12 € 

De choses et d'autres : reflux gastrique

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Pour tout vous dire, je suis parfois de permanence de nuit à la rédaction. Jusqu’au bouclage vers 23 heures, je suis bloqué au journal. J’amène donc ma gamelle pour la réchauffer dans la petite pièce qui sert de cantine. Parfois du fait maison, parfois un plat pré- paré. On est censé être rarement déçu avec un plat tout prêt. On en connaît parfaitement la composition si l’on parvient à interpréter le langage marketing.
Dernière tentation : du poulet tandoori avec sa semoule et ses petits légumes. Une fois sortie du micro-ondes, la barquette révèle son véritable contenu. Le poulet en tranches est reconstitué et surtout réparti sur toute la surface pour donner l’impression d’une part copieuse. Dans les faits, il ne représente que 10 % du plat. Dans petits légumes il y a petit. Et en effet les morceaux sont riquiquis. Même en légumes ils se montrent avares. Par contre, la semoule se ramasse à la pelle. Pelle qui doit être résistante (la cuillère en plastique fournie n’y a pas résisté) pour la découper tant elle est compacte. Loin des grains fins et aériens des couscous traditionnels. Quant au goût tandoori, je le cherche toujours. Dans le genre infâme, on trouve aussi le parmentier de poisson ou les crevettes sauce piquante. Crevettes au pluriel car il y en a... deux.
Voilà les dîners au journal, seul qui plus est. Mais franchement, je n’inviterai jamais personne à partager ce genre de repas. Vivement l’été et les courgettes farcies aux tomates fraîches de ma femme. 

dimanche 22 janvier 2017

BD : Mondes en perditions dans « Orbital »

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Si la science-fiction a tant de succès en bande dessinée, la « faute » au talent de certains dessinateurs. La série « Orbital » par exemple est portée par un scénario efficace de Runberg mais surtout par le dessin incroyablement spectaculaire de Pellé. Comme un Mézières ou un Léo, il semble venir d’un autre monde, de ces planètes peuplées d’aliens aux formes étranges et fascinantes. Chaque case de toutes les planches, en couleurs directes, mérite d’être agrandies et encadrées. De l’art. Tout simplement. Pour ce 7e titre, première partie de la quatrième mission, Caleb l’humain et Mézoké la sandjarr sont en fuite. Ils viennent de subtiliser des larves nakruides réputées pour leur pouvoir de rendre quasi immortel. Mais les Névronomes, des vaisseaux spatiaux vivants, attaquent plusieurs planètes. Seul Caleb peut les comprendre. Il va devoir réintégrer son unité de police de l’espace pour tenter d’arrêter cette guerre.
➤ « Orbital » (tome 7), Dupuis, 14,50 €


samedi 21 janvier 2017

BD : Inépuisable imagination de H. G. Wells

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Considéré par beaucoup comme l’inventeur de la science-fiction, H. G. Wells n’en finit plus d’inspirer les auteurs de BD. Et cette fois c’est une collection complète consacrée à son œuvre qui est lancée par les éditions Glénat. Un seul scénariste pour adapter ces textes, Dobbs, mais plusieurs dessinateurs pour assurer une parution soutenue. Six titres sont annoncés d’ici juin. Les deux premiers permettent de se faire une idée de la philosophie de l’ensemble. Pas de trahison de l’œuvre, au contraire, une grande fidélité est de mise. La machine à explorer le temps, dessinée par Mathieu Moreau, tient en un seul volume. Le héros et inventeur veut convaincre ses amis sceptiques. Lors d’un repas, il s’absente durant quelques minutes. Des minutes qui en réalité durent des mois pour celui qui a découvert l’avenir de notre planète. Même si l’on connaît tout des ressorts de l’aventure, on se laisse prendre par cette magie indémodable. Il en va de même pour « La guerre des mondes » dessinée par Vicente Cifuentes qui verra une seconde partie paraître en mars avec « L’homme invisible » et « L’île du docteur Moreau ».
➤ « La machine à remonter le temps » « La guerre des mondes », Glénat, 14,50 €

Sondage : les Français plébiscitent les grands classiques de la bande dessinée

FRANCO-BELGE. Astérix et Tintin restent les préférés et 41 % des personnes sondées ont acheté une BD dans l’année.

Avec ou sans potion magique, Astérix est le plus fort. Le nouveau volet de l’observatoire de la vie quotidienne des Français porte sur la bande dessinée, à une semaine de l’ouverture du festival d’Angoulême. Le petit Gaulois imaginé par Albert Uderzo et René Goscinny est la BD francobelge préférée pour 50 % des sondés. Il devance Tintin et Gaston Lagaffe. Ce sont les grands anciens qui se taillent la part du lion dans ce classement car on retrouve également nombre de héros nés avant les années 60 comme Lucky Luke, Boule et Bill, Spirou, Blake et Mortimer ou les Schtroumpfs. Seule série relativement récente tirant son épingle du jeu, le Chat de Philippe Geluck précède de peu Titeuf de Zep.
■ La bataille des nouveautés
Les Français ont depuis toujours aimé la BD. Et cette histoire d’amour semble toujours être d’actualité puisque 41 % des sondés affirment avoir acheté une ou plusieurs BD dans l’année écoulée. Ce secteur de l’édition, malgré une surproduction de plus en plus problématique (pas moins de 3 988 nouveautés en 2016), reste très dynamique même si les tirages ont tendance à diminuer. Le match Tintin/Astérix ne date pas d’aujourd’hui. Longtemps sans concurrence, le jeune reporter belge a vu sa suprématie s’étioler dans les années 60 et la naissance d’Astérix dans les pages du journal Pilote.

Paradoxalement, ce match est à son plus haut niveau en cette année 2017. Sortie il y a moins de 15 jours, la version colorisée de « Tintin chez les Soviets », premier titre un peu oublié de la série, a immédiatement pris la tête des ventes, toutes catégories confondues selon le dernier baromètre GFK/Livres Hebdo. Tirée à 300 000 exemplaires, cette BD datant de 1929 bénéficie certainement du phénomène collection. Car le sondage nous apprend que 59 % des Français ont déjà collectionné une ou plusieurs séries.
Astérix ne sera pas en reste. Le Gaulois a l’avantage de proposer des nouveautés tous les deux ans depuis la décision d’Uderzo de passer la main à Ferri et Conrad. Retenez déjà la date : le 19 octobre sortie d’une nouvelle aventure où, selon les premières indiscrétions, Obélix serait particulièrement en vedette. À n’en pas douter, cet album fera partie des 6 BD que les Français lisent en moyenne chaque année, 8 pour la région Occitanie, la plus « bédéphage » avec le Nord et la Bourgogne. 

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Les mangas et les comics peinent à émerger
Dans la compétition entre la vieille Europe, les USA et le Japon, la pré- férence des Français va très largement pour les productions du vieux continent. Ils ne sont que 4 % à préférer les mangas et 3 % les comics. L’invasion annoncée à une époque n’a pas eu lieu. Et les succès en salles des adaptations des aventures des super-héros ne se transforment pas par une razzia sur les histoires originales, souvent écrites par Stan Lee. Benoît Brisefer fait mieux que Superman ou Naruto.
Une impression à nuancer cependant chez les plus jeunes. Là, on sent que les goûts diffèrent un peu. Ils sont 13 % à préférer mangas ou comics aux classiques histoires en 44 planches et couverture cartonnée. Dans l’univers des justiciers américains, Batman s’impose devant Spiderman et Superman. Mais à la question « quel héros de bande dessinée rêveriez-vous être ? », Superman l’emporte devant Wolverine chez les hommes, Wonder Woman chez les femmes.
Côté mangas, Dragon Ball ne fait pas de détails en récoltant 49 % des suffrages, très largement devant Death Note et Naruto. Reste que ces deux catégories, tout en étant minoritaires, concourent pour beaucoup dans le dynamisme du secteur de la BD en France. Chaque mois ce sont des dizaines de nouveaux mangas à très petits prix qui sont proposés aux amateurs et les comics suivent le mouvement. Il est vrai que les productions sont particulièrement importantes dans les deux pays d’origine et souvent peu coûteuses pour les maisons d’édition spécialisées. Et preuve que ces succès sont appelés à s’amplifier, des auteurs français se lancent dans le genre, comme Serge Lehman imaginant des super-héros français, ou Lastman, manga français respectant la pagination (copieuse) et le rythme de parution (rapide) inhérents au genre. 

vendredi 20 janvier 2017

Roman : la catastrophe annoncée

La catastrophe annoncée Dans 100 jours, les Français votent. Début mai, ils auront un nouveau président de la République. Eric Pessan dans ce court roman, imagine le pire.
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A 20 heures, sur tous les écrans, l’extrême droite l’emporte. Immédiatement la ville s’embrase. David, cadre oppressé par un travail déshumanisé, n’ose pas rentrer chez lui. Mina, son ancienne compagne, a préféré anticiper et elle passe cette nuit sur un cargo à destination des Antilles. Mina, isolée mais aussi désespérée que David qui lui est au cœur de la tourmente. « La maladie a infecté la ville. C’est la nuit de la grande contagion généralisée. Attaqué par un virus, l’organisme élève sa température en dernier recours. » Conséquence, la voiture de David est incendiée par les mécontents. Si le roman a une trame amoureuse (Mina a quitté David mais le regrette), il est surtout intéressant par son analyse politique : « L’addition des crises et des promesses trahies, des dépressions et des chances ratées, des petitesses et des rancœurs, des ego et des arrivismes, plus la conviction profonde que le pire ne se produira jamais ont permis que cela advienne ». A lire avant d’aller voter…
➤ « La nuit du second tour » d’Eric Pessan, Albin Michel, 16 €

De choses et d'autres : le malaise de la gifle

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Certains se sont réjouis de la gifle donnée à Manuel Valls par un jeune Breton. Notamment un auditeur de France Inter interpellant l’ancien Premier ministre à l’antenne : « La claque, on est 66 millions à vouloir te la mettre ».
Désolé, une gifle c’est de la violence et je ne pense pas que tous les Français veuillent recourir à ce moyen ultime pour se faire entendre. Sans compter ceux qui soutiennent le candidat en pleine campagne de la primaire citoyenne. Il a déjà eu droit à un jet de farine. Puis la baffe. Attention, l’émulation dans la bêtise risque de donner des idées à plus ambitieux. L’agresseur n’a probablement pas ré- fléchi aux conséquences de son geste : trois mois de prison avec sursis. Pourtant toute forme de brutalité ne peut que mettre mal à l’aise un être humain un tant soi peu civilisé.
La vidéo, montrée complaisamment par nombre de sites internet, pourrait être récupérée par ces nombreuses chaînes de Youtube qui exploitent le filon. Un débat houleux dans un parlement se transforme en pugilat désordonné comme récemment en Turquie ou en Ukraine.

Sur les terrains de sport aussi les plus bas instincts se déchaînent lors de bagarres « générales », rares au plus haut niveau mais quasi hebdomadaires en Fédérale. Sans compter les combats de rues à mains nues ou les crêpages de chignon entre filles régulièrement repris sur ces sites. Une violence qui ne se cache plus. Mais qu’il ne faut jamais cesser de dénoncer. 

jeudi 19 janvier 2017

DVD : "Moka" ou le deuil impossible d’une mère

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Emmanuelle Devos est de tous les plans de « Moka », second film du Suisse Frédéric Mermoud. Ce réalisateur a déjà tourné avec elle « Complices » et cherchait une histoire lui permettant « d’épuiser » son actrice fétiche, sa muse. En découvrant le roman de Tatiana de Rosnay il a eu le déclic. Cela donne un thriller au rythme parfois un peu lent mais transcendé par une actrice atypique à l’immense talent.


Diane (Emmanuelle Devos), après quelques mois en maison de repos, quitte ce cocon pour reprendre sa quête, sa seule raison de vivre. Il y a huit mois, son fils Luc est renversé par une voiture qui prend la fuite. Diane veut retrouver la conductrice. Comprendre pourquoi elle ne s’est pas arrêtée. Elle a embauché un détective. Ses résultats sont maigres. La voiture serait de couleur Moka, a quatre phares à l’avant, immatriculée en France et conduite par une blonde. Un recoupement lui permet d’avancer les noms de trois personnes.
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Diane, qui vit à Lausanne en Suisse, traverse le lac pour aller à Evian, là où est installée la propriétaire d’une BMW suspecte. La mère éplorée a rapidement la certitude que Marlène (Nathalie Baye) est bien la conductrice qui a brisé la vie de son fils. La sienne aussi. Une rencontre fortuite lui permet d’acheter un revolver. C’est armée qu’elle va s’incruster dans la vie de Marlène pour trouver le courage de se faire vengeance. Mais rien ne se passe comme prévu. Car Marlène, avenante, gentille, a beaucoup de points communs avec Diane. Notamment une fille. On sent Diane prise de doute. Pesant le pour et le contre. Tout un travail intérieur retranscrit à la perfection par Emmanuelle Devos. Les scènes entre cette dernière et Nathalie Baye sont d’une intensité, d’une force et d’une tension dignes des grands drames américains. Et cerise sur le gâteau, la fin de cette histoire très noire est positive.
Dans les bonus du DVD, un long entretien du réalisateur permet de mieux comprendre son cheminement et sa méthode de travail, notamment avec son actrice principale. Emmanuelle Devos qui est également en vedette du court-métrage de Frédéric Mermoud « Le créneau », joli exercice en noir et blanc datant de 2007.
➤ « Moka », Pyramide vidéo, 19,99 €

De choses et d'autres : L'immobilisme en action

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Dernière tendance sur les réseaux sociaux, le mannequin challenge fait des ravages et a tendance à m’énerver. Le principe : un quidam filme en plan séquence des gens comme pétrifiés en pleine action.
Pas plus loin que dans notre agence de Narbonne, on a pu voir les secrétaires plongées dans les archives, un journaliste boire sans fin une bouteille d’eau et la chef adjointe figée devant le chemin de fer des pages à réaliser. Si par malheur quelqu’un a la mauvaise idée d’en réaliser un au siège à Perpignan, je n’accepterai d’y participer que protégé de mon casque intégral pour épargner les hypothétiques spectateurs de mon rictus consterné... A Carcassonne, la patinoire a servi d’écrin pour des amateurs immobiles, pas évident alors qu’on est en équilibre sur des patins, glissants par définition. Le plus osé reste celui de cette agence de mannequins. Les modèles posent toutes en petite tenue dans ce qui sert visiblement de cuisine.
Quelques-uns sont cependant impressionnants comme dans ce club de gym, où l’un des sportifs qui reste durant tout le film à l’équerre aux anneaux. Cet éloge de l’immobilisme devrait plaire à certains politiques de plus en plus frileux face à un électorat résolument conservateur. Petite précision, le plus long mannequin challenge est à porter à l’actif des débats de la primaire de la gauche.
Mais le meilleur reste celui de la rédaction d’iTélé en pleine grève. Des dizaines de journalistes à l’arrêt, au propre comme au figuré. 

mercredi 18 janvier 2017

Cinéma : Une jeunesse en mal d'envol dans "Corniche Kennedy" de Dominique Cabrera

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CORNICHE KENNEDY. Ils sont jeunes, Marseillais et vivent dans l’insouciance. Seule distraction, plonger dans la mer, à quelques centimètres des rochers. Dangereux mais si grisant.


Marseille, sa lumière, sa jeunesse et la Méditerranée. Dominique Cabrera a planté ses caméras sur la corniche, pour saisir ces moments magiques, ceux du passage de l’adolescence à l’âge adulte. De Marseille, l’actualité nous donne l’image d’une ville gangrenée par la violence et les trafics. Une réalité montrée aussi dans ce film aux lectures multiples. A la base, tout débute par des cris. De joie. Des jeunes, entre 16 et 20 ans, s’élancent de la route et plongent dans la mer. Une dizaine de mètres de hauteur, des risques fous.
De la terrasse de sa villa, Suzanne (Lola Creton) les regarde. Elle ne devrait pas. Dans une semaine elle passe le bac et doit réviser. Mais la fille des beaux quartiers n’en peut plus de rester enfermée. Elle prend son sac de plage et va se mêler à la bande qui bronze sur les rochers après leurs sauts. Un premier contact rugueux, mais quand elle accepte de sauter malgré son vertige tétanisant, avec l’aide de Mehdi (Alain Demaria) et Marco (Kamel Kadri), non seulement elle se sent revivre mais découvre avec émerveillement cette insouciance, prémices des amours de jeunesse. Terminées les révisions, Suzanne traîne de plus en plus avec Marco et Mehdi, écumant les « spots » jusqu’aux plus dangereux et vertigineux.
■ Acteurs de leurs vies
Le film, entièrement tourné en extérieur, est une ode à la vie au grand air et à Marseille. Mais si l’eau de la Méditerranée est claire, sur terre, tout est plus trouble. Marco, sans emploi, vivote en rendant des services à un truand. Il conduit des voitures, transporte de la drogue sur de courtes distances. Et devient une cible pour les policiers qui veulent faire tomber le gros caïd. Une policière (Aïssa Maïga) va tenter de le retourner.
Une intrigue policière pour faire monter la tension. Car à Marseille, dès qu’on ne marche pas droit, on risque de se faire « rafaler », mot tristement devenu courant dans le langage des jeunes. On apprécie dans ce long-métrage, en plus des décors d’une rare beauté, l’interprétation des jeunes, toujours juste.
Si Lola Creton est une actrice professionnelle, ce n’est pas le cas de ses deux amoureux. Marseillais, plongeurs aguerris, ils ont été contactés par la réalisatrice quand elle faisait des repérages. Ils ont cette spontanéité qui donne une incroyable force à des scènes a priori banales. 
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Roman solaire
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Maylis de Kerangal semble la romancière à la mode actuellement dans le cinéma français. Après « Réparer les vivants », « Corniche Kennedy » est à son tour adapté avant la sortie, dans quelques mois de « Naissance d’un pont » (prix Médicis 2010) adapté par Julie Gavras. De ce roman sur Marseille et sa jeunesse, la réalisatrice a gardé le côté solaire du roman. « La fidélité au roman ne s’exprime pas sur le plan du scénario mais dans les énergies primitives du texte qui se retrouvent à l’écran » a noté Maylis de Kerangal dans des notes de productions.
Les différences sont pourtant nombreuses, le commissaire de police devient une femme dans le film et la relation amoureuse entre la jeune bourgeoise et un des « sauteurs » du roman est plus compliquée au cinéma car Suzanne n’arrive pas à choisir entre les deux amis. On peut donc relire le roman paru en poche chez Folio sans hésitation.

De choses et d'autres : Empreintes empruntées

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Ceci est une étude scientifique. Pas du tout un manuel pour les fraudeurs du futur. Selon le site Channel NewAsia, des chercheurs japonais ont prouvé qu’il était possible, avec des photos récupérées sur des réseaux sociaux, d’imiter les empreintes digitales. Ils ont utilisé des clichés où les cobayes font le classique signe de victoire de l’index et du majeur pointés vers le ciel. En agrandissant au maximum, les empreintes digitales deviennent parfaitement visibles.
Logique quand on sait que les nouveaux smartphones sont dotés de capteurs offrant des résolutions de plusieurs millions de pixels. Soit une définition largement suffisante pour reproduire la centaine de lignes spécifiques à chaque doigt. D’autant que les systèmes de reconnaissance comme celui utilisé dans les passeports biométriques n’en utilisent qu’une dizaine. Mais pour quoi faire ? Tout simplement prendre possession de votre vie si vous faites partie des hyperconnectés. Depuis quelque temps, mieux qu’un code à quatre chiffres, la reconnaissance digitale permet de dé- verrouiller un téléphone. Bientôt vous démarrerez votre voiture, ouvrirez la porte de votre appartement voire retirerez de l’argent au distributeur.
Vous comprenez maintenant l’utilité des recherches japonaises. Alors désormais, quand vous publierez sur votre mur Facebook un selfie où vous faites le signe de la victoire car vous êtes fun et djeun’s, dites-vous que ce « V » signifie également : « Venez Voleurs ! » 

mardi 17 janvier 2017

Roman : Aveuglement du petit copropriétaire

Avec sa verve habituelle, Philippe Ségur raconte les déboires d’un couple dans « Extermination des cloportes ».
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Don Dechine, professeur de lycée, a le secret espoir d’écrire un roman. Pas n’importe lequel, le chef-d’œuvre qui lui vaudra direct le Nobel de littérature. Don Dechine s’y croit un peu. Beaucoup même. Ce n’est pas la modestie qui l’étouffe. Dans son appartement de la ville de Nî- mes, il vit avec sa femme Betty, gentille demoiselle qui espère elle aussi faire carrière dans l’éducation nationale. Encore faut-il qu’elle passe son doctorat.
Le roman de Philippe Ségur, professeur de droit constitutionnel et de philosophie politique à l’université de Perpignan, déroute dans les premières pages. Don et Betty sont pleins de bonnes volontés. Ils planifient leur travail comme des enfants sages et vertueux. Mais rapidement les engrenages se grippent. Et ils finissent dans le canapé à regarder les sept saisons des Soprano, tout en dégustant du Maury, vin préféré du héros et cité une bonne dizaine de fois dans le roman. Tout change quand Don, un matin, se réveille avec la bizarre impression d’avoir des cloportes dans l’œil. Des bestioles noires qui se baladent devant lui, perturbant sa vue. Une idée kafkaïenne parfaitement amenée par l’auteur jusqu’à la révélation du toubib de famille : Don souffre de la maladie de Fuchs.
A moyenne échéance il deviendra aveugle. Il n’existe pas de traitement. Peut-être une opération, mais Don refuse. « Je préférais continuer d’élever des cloportes et regarder le monde derrière ma vitre sale. » La comédie va-t-elle sombrer dans le mélodrame ? Pas du tout. N’oubliez pas que c’est Philippe Ségur qui est aux manettes. L’humour l’emporte toujours avec cet auteur à l’optimisme chevillé au corps.
■ « Granch » rêvé
Don fait comme si de rien n’était, cache même ses problèmes de vision à sa douce Betty. Pourtant il l’adore : « Avec Betty, nous faisons tout ensemble. Le travail, les courses, le sport et même l’amour. C’est dire si nous sommes proches. » Une bonne partie du roman raconte les aléas de la copropriété. Don et Betty affrontent le syndic qui veut leur faire payer des charges considérables. Ils décident alors de vendre et d’acheter un « granch » (une grange transformée en ranch…) à la campagne. Des passages très édifiants sur les pratiques des banques et autres assurances où on croit dé- celer du vécu.
Un roman vivifiant en ces sombres heures d’une société trop souvent ré- signée et manquant cruellement de fantaisie.  
➤ « Extermination des cloportes », Philippe Ségur, Buchet Chastel, 18 €

De choses et d'autres : Net intermittent (Part 2)

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Notre grosse erreur : vouloir changer d’opérateur internet. Déçus du nouveau, nous voulons faire marche arrière (lire la chronique d’hier) et là c’est le drame. Premier problème, la ligne téléphonique ne sera rétablie que dans 3 semaines.
Presque un mois sans internet ni téléphone. Et de constater notre dépendance. Une petite cure de désintoxication peut présenter des avantages. Sauf pour les adeptes du télétravail comme moi. J’ai redécouvert les joies du café matinal et wifi au bar du village (la Brasserie de l’Europe de Pollestres que je ne remercierai jamais assez).
Quant au téléphone fixe la situation semble plus problématique. Surtout lorsque notre ancien et donc nouvel opérateur après l’essai non concluant chez la concurrence, nous explique que le numéro qui est le nôtre depuis 15 ans a été racheté par l’opérateur temporaire. Il faudra en changer. Obligatoire et non négociable. Commence une longue période de disette. Nous recevons enfin la nouvelle box. La branchons mais la ligne n’est toujours pas rétablie. Attendons. Finissons par nous habituer. Twitter et Facebook vivent leur vie sans nous et ne s’en portent pas plus mal.
Un jour enfin la box passe au vert. Nous voilà reconnectés au monde. Ma femme appelle immédiatement sa sœur. Cette dernière lui demande quel est notre nouveau numéro et Kafka, toujours d’actualité, l’oblige à répondre : « Je ne sais pas. » Numéro que nous recevrons... quatre jours plus tard. 

lundi 16 janvier 2017

BD : Elles deviennent actrices de leur vie dans "Rôles de composition"

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Etre comédienne dans sa vie professionnelle implique-t-il qu’on l’est forcément dans sa vie privée ? Cette interrogation est en filigrane de « Rôles de composition », album du Canadien Jimmy Beaulieu. Dans une bichromie très recherchée et dépouillée de tout effet ostentatoire, il raconte les errances amoureuses de Noémie. Cette belle jeune femme noire, aux dreadlocks caractéristiques, vivote à Montréal en enchaînant les petits rôles. Elle vit avec Colette, blonde joliment ronde encore étudiante. Mais en réalité elle est fascinée par une actrice, Anna, entraperçue dans un navet intersidéral. Elle va finalement la rejoindre à Berlin. Coup de foudre, coups au cœur, trahison et grandes envolées composent cette dizaine de chapitres d’une grande finesse.
➤ « Rôles de composition », Vraoum, 18 € 

De choses et d'autres : Net intermittent (part 1)

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A la base nous avons commis une grosse erreur. Lassés de payer trop cher notre opérateur internet, mon épouse et moi prenons la décision de passer à la concurrence nettement moins chère. Un coup de fil et nous voilà embarqués dans une sacrée galère. Pourtant tout commençait très bien. La nouvelle box arrive en trois jours. Ils s’occupent de tout : transfert de la ligne et portabilité du numéro.
Arrive le grand jour. L’ancienne ligne est coupée. On branche la box et miracle, elle fonctionne au premier coup. Mais pas longtemps. Mon épouse devient folle à cause des coupures incessantes en pleine communication téléphonique. Une demi-heure pour dire au revoir après 20 rappels. Côté télé aussi c’est la catastrophe. En plein film d’action, au moment le plus palpitant, l’image se fige comme dans u n mauvais Challenge mannequin. Et quand la connexion se rétablit (une fois sur dix), le méchant est mort ou le film terminé. Nous commençons à regretter notre désir d’économie. Qu’importe, nous téléphonons à l’opérateur pour nous rétracter dans le délai des 14 jours légaux. Pas de souci. Suffit d’envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception. Dans la foulée nous rappelons l’ancien prestataire de service pour réactiver notre abonnement.
Et là Kafka s’invite à la fête. En quelques minutes nous perdons tout : ligne, internet, télévision et même numéro de fixe. Suite du cauchemar demain. 

dimanche 15 janvier 2017

BD : Cache-cache amoureux

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Après Marcel Aymé, Cyril Bonin adapte une nouvelle fois un romancier français. Il se penche cette fois sur « La délicatesse », best-seller de David Foenkinos. Une histoire toute simple, d’amour éternel et de renaissance. Pas évident du tout à retranscrire en images : beaucoup de dialogues, décors inexistants. Alors le dessinateur va particulièrement soigner ses deux personnages principaux. La belle Nathalie et l’atypique Markus. La première, mariée à François assez jeune, travaille dans une entreprise suédoise. Un travail que l’on imagine austère, sans grand intérêt. Pas grave, l’amour permet de tout faire passer. Mais François meurt, écrasé par une voiture lors de son jogging. Nathalie déprime. Mais au bout de quelques mois devient une proie pour les « mâles » du boulot. Elle écarte le directeur mais tombe sous le charme du pâlot Markus. C’est simple et beau comme une histoire d’amour, idéale et délicate.
➤ « La délicatesse », Futuropolis, 17 €

samedi 14 janvier 2017

BD : Femme exigeante, homme affligeant

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A quoi rêvent les femmes de plus de 30 ans ? Réponse en partie dans « Idéal standard », roman graphique de 150 pages signé Aude Picault. Claire, le personnage principal, cherche l’amour. Infirmière dans un service de grands prématurés, elle passe ses journées avec des bébés fragiles. Un bébé, elle y pense souvent. Encore faut-il trouver le bon père. Généralement, ses amourettes ne durent pas plus de trois mois. Elle vient de se faire larguer par un ronfleur. Pourtant elle y croyait cette fois. Déprimée, elle fait une croix sur ses ambitions de bonheur. Jusqu’à sa rencontre avec Franck. Très poilu, mais très sympa. Du moins durant les premiers mois de leur relation. Car rapidement le naturel revient au galop. D’une grande finesse psychologique, cette BD ressemble un reportage intelligent sur la vie des trentenaires d’aujourd’hui. Leurs espoirs et découragements. Claire tient le coup grâce à ses amies. Certaines lui donnent des conseils judicieux. D’autres montrent ce qu’il ne faut pas faire. Difficile pourtant de trouver sa voie, son équilibre. Tous les sujets sont abordés sans tabou, du plaisir sexuel féminin à l’IVG en passant par les relations compliquées avec les parents d’une autre génération. Pas toujours gai, « Idéal standard » se termine pourtant sur une note résolument positive.
➤ « Idéal standard », Dargaud, 17,95 €


vendredi 13 janvier 2017

DVD : Le blues des soldats après les batailles


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Engagez-vous, vous verrez du pays » vantaient de vieilles publicités pour l’armée fran- çaise. Ce fameux « Voir du pays » est au centre du film de Delphine et Muriel Coulin. Pourtant, les militaires français dont l’histoire est racontée n’en ont pas beaucoup vu de la région où ils ont combattu. Depuis une base reculée en Afghanistan, ils ne verront que quelques montagnes enneigées, des villages déserts... À la fin de leur séjour de six mois, ils connaîtront mieux Chypre, île où se déroule le film.

Avant de revenir dans leur famille, les militaires passent par un « sas » de trois jours dans un hôtel 5 étoiles. Pour se réhabituer à la vie simple et insouciante. Les réalisatrices suivent deux jeunes femmes, engagées et combattantes. Aurore (Ariane Labed) et Marine (Soko) sont amies depuis l’enfance. La première est heureuse de quitter le champ de bataille. D’autant qu’elle a été prise dans une embuscade, a été blessée et a vu mourir trois de ses camarades. L’autre, taciturne, perpétuellement énervée, à fleur de peau, redoute ce sas. Car en plus de la détente (sorties touristiques, plage et boîtes de nuit), les gradés procèdent à un débriefing et une évaluation psychologique. Les militaires du rang doivent notamment raconter et revivre, en réalité virtuelle, leurs traumatismes. Ce sera très dur pour Aurore. Encore plus pour Marine qui n’est pas allée l’aider, la défendre, sous le feu ennemi.
Les actrices, dans deux caractères opposés, sont particulièrement crédibles. Des rôles physiques, éprouvants, mais qui n’occultent pas le côté humain. Un film à montrer à tous les jeunes tentés par un engagement dans l’armée française.
➤ « Voir du pays », Diaphana Vidéo, 19,99 € le DVD

jeudi 12 janvier 2017

Blu-ray : Indémodable « Petit baigneur »


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Un demi-siècle. Cette année 2017 marque le 50e anniversaire du tournage dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales du film « Le Petit Baigneur », réalisé et interprété par Robert Dhéry. On retrouvait dans cette comédie burlesque Louis de Funès et Michel Galabru en tête d’affiche. Le film, dépoussiéré, vient de sortir en blu-ray, comme pour mieux profiter des dé- cors lumineux des Cabanes de Fleury et de Collioure. Le scénario basique (l’inventeur d’un voilier révolutionnaire est sollicité par deux entrepreneurs) est surtout l’occasion pour Robert Dhéry de jouer à la Tati et De Funès de piquer des colères mémorables. Quant à Galabru, en clairon d’une fanfare, il se lamente à qui mieux mieux après que la décapotable de De Funès lui a roulé sur le pied.
Ce n’est pas un chef-d’œuvre du 7e art, mais ces 90 minutes permettent de revoir quelques lieux emblématiques de la région avant l’invasion massive des touristes. Notamment les rues étroites et tortueuses de Collioure ou le côté sauvage du littoral audois. Une jolie bouffée de nostalgie, la haute définition en plus.
➤ « Le petit baigneur », Studiocanal, 14,99 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Contraste américain

obama, trump, maison blanche, cia, milliardairesD’un côté Barack Obama essuie une larme lors de son dernier discours quand il évoque sa femme Michelle. De l’autre Donald Trump nomme son gendre conseiller à la Maison Blanche et un rapport des services secrets britanniques laisse entendre que les Russes possèdent une vidéo très compromettante du futur président des États-Unis.
Un mandat présidentiel aux USA dure quatre ans. Le sortant peut se représenter une fois, pas plus. Huit ans de pouvoir suprême, c’est le maximum. On ne sait pas encore si Trump briguera à nouveau le poste, mais il est certain que les quatre années qui s’annoncent seront riches en rebondissements. Et que beaucoup regrettent déjà la grande classe de Barack Obama. Encore plus quand les électeurs de Trump, souvent issus des classes défavorisées, ont découvert la composition de son cabinet, l’équivalent de notre gouvernement. Banquiers et chefs d’entreprises se partagent les meilleurs postes. Quartz, un site américain, estime à près de 9,5 milliards les fortunes personnelles des 17 premiers responsables choisis par Trump. Une somme qui représente ce que possèdent les 109 millions d’Américains les plus pauvres. Ces derniers espèrent une vie meilleure avec l’accession de Trump au pouvoir. Le fameux rêve américain.
Pour le coup, j’ai comme un sacré doute. Étrange démocratie qui donne la victoire au candidat arrivé second en nombre de voix et empêche un président sortant apprécié de se représenter. 

mercredi 11 janvier 2017

Cinéma : Paris reste "Ouvert la nuit"

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Une nuit dans Paris, tel est le programme du film signé Edouard Baer. Paris et ses artistes, ses paumés, ses lieux de fête et de déprime. Venez voir, c’est « Ouvert la nuit ».

Paris, ville lumière, ville qui ne dort jamais, est la vedette invisible de « Ouvert la nuit », écrit, réalisé et interprété par Edouard Baer. Une œuvre très personnelle, qui pourrait exaspérer les allergiques au parisianisme. Pour éviter cette réaction, il suffit de se dire que les personnages ne sont pas comme nous, plutôt des animaux de foire pour qui tout est différent. Leur normalité n’a rien de commun avec la nôtre. Jamais ils ne regardent la télévision, jamais ils ne cuisinent ou mettent leur réveil afin de se lever le matin pour prendre le métro.
Au milieu du zoo, Luigi (Edouard Baer), directeur d’un théâtre. Un millier de pépins lui tombent dessus à la veille d’une première. Deux plus importants que tout : trouver un singe pour le spectacle et combler le trou financier pour payer les salaires en retard. En compagnie de Faeza, la stagiaire de sciences-po (Sabrina Ouazani) il se lance dans un road-movie mouvementé à travers les rues d’une capitale aux multiples visages.
■ Théâtre en grève
Des rencontres magiques ou décevantes. Comme ce dresseur d’animaux (Jean-Michel Lahmi) qui a consacré dix années à éduquer la guenon qui pourrait sauver la pièce de Luigi. Ou cette milliardaire, généreuse mécène propriétaire du théâtre mais qui ce soir a décidé d’humilier une dernière fois cet artiste trop futile à ses yeux de grande bourgeoise capitaliste.

ouvert la nuit, baer
Mais Luigi, tout en étant dans la panade la plus complète, ne se laisse pas abattre. Avec le chéquier du théâtre, il fait la tournée des grands ducs dans les bars branchés. Par contre sur les planches, rien ne va plus. Les techniciens menés par Marcel (Grégory Gadebois) se mettent en grève. Le redoutable syndicaliste hausse le ton. Luigi va donc tenter de le convaincre de reprendre le travail en allant chez lui. Faeza découvre une autre facette de Luigi. Marcel vit dans une véritable tribu africaine et c’est en boubou qu’il reçoit son patron, le chouchou de ces dames. Un des meilleurs passages du film, dépaysant mais si représentatif de Paris, ville multiculturelle et ouverte.
Les catastrophes au théâtre s’enchaînent : un acteur se blesse et le metteur en scène meurt d’une crise cardiaque en pleine nuit. Sans argent et sans singe, Luigi croit que tout est terminé. Mais comme Edouard Baer est un indécrottable optimiste, il déniche une « happy end » dans une pirouette totalement improbable. Mais la normalité, dans ce monde...