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samedi 27 avril 2024

BD - Plusieurs drames au départ de Barcelone


Le vol 9525 de la Germanwings est parti de Barcelone le 24 mars 2015. Mais il n’est jamais arrivé à Düsseldorf. Ce fait divers tragique est prétexte à raconter quelques tranches de vies barcelonaise, la veille du décollage. Ce sont deux auteurs italiens, Lorenzo Coltellacci (scénario) et Davide Aurilia (dessin), qui proposent cet album choral où la mort est omniprésente.

On suit les questionnements de plusieurs passagers, leurs doutes, espoirs, rêves. Juana, jeune femme, mère d’une petite fille, va en Allemagne pour régler les derniers détails de son divorce d’avec son mari violent. Mark, étudiant allemand qui vit depuis quelques mois à Barcelone dans le cadre du programme Erasmus, retourne brièvement chez lui pour l’anniversaire de son père. Même s’il le déteste et le rend responsable de la mort de sa mère.

Leya, femme active qui a longtemps sacrifié sa vie privée sur l’autel du travail croit avoir trouvé l’âme sœur. Un bel Allemand croisé en vacances aux Baléares. Elle le rejoint, persuadée que cette fois c’est le bon. Anna est moins sûre de vouloir faire ce séjour touristique à Düsseldorf.

C’est à la demande de son fiancé, Roberto, qu’elle a dit oui. Il est persuadé que le retour à deux dans la ville où ils se sont aimé la première fois ravivera la flamme. Le récit choral, morcelé, fragmentaire, est entrecoupé de planches en noir et blanc montrant la préparation du copilote avant son dernier vol.

Un remarquable ouvrage pour ne jamais oublier que derrière les 144 passagers et 6 membres d’équipage il y a des hommes et des femmes comme vous ou moi, persuadés que demain sera un jour comme les autres. Pas le dernier.

« Le dernier vol », Steinkis, 144 pages, 22 €

vendredi 26 avril 2024

BD - Histoire de la pègre dans la capitale catalane avec "Barcelona, âme noire"


Deux scénaristes, belge et kosovar, mais qui connaissent parfaitement la Catalogne, Denis Lapière et Gani Jakupi, se sont associés à trois dessinateurs catalans, Ruben Pellejero, Eduard Torrents et Martin Pardo pour signer le grand roman graphique de la Barcelone sombre, celle des bas-fonds, de la pègre et de la contrebande.

Si la première scène de l’album se déroule en 1948 dans la gare de Barcelone, tout se noue en réalité au début de la guerre civile. Après un bombardement, les sauveteurs découvrent dans les décombres le cadavre de la mère de Carlitos. Mais ce ne sont pas les explosions qui ont provoqué sa mort. Elle a été victime d’un tueur sadique. Nue, une croix est gravée sur son ventre.

Carlitos va vivre avec son père Carlos, épicier et ami d’un riche imprimeur. En 1948, de Barcelone, Carlitos se rend en France pour approvisionner la boutique paternelle de produits interdits dans l’Espagne franquiste. Il s’arrête à Perpignan et met en place une filière de contrebande à travers les Pyrénées. Le début d’une ascension sociale sombre. Une superbe histoire de vengeance, d’amour, de filiation et de tromperie.

Barcelone, la ville, est omniprésente dans ce récit qui s’étire jusque dans les années 70, pile au moment où le dictateur meurt et que toute l’Espagne, Catalogne compris, va sortir de sa longue léthargie. Le dessin, réaliste, très proche de celui de Pellejero, apporte cette vérité graphique historique essentielle pour permettre au lecteur de plonger dans cette ville et ce passé fascinants.

« Barcelona, âme noire », Dupuis, 148 pages, 27,95 €

jeudi 22 juin 2023

Polar - Javier Cercas délaisse en partie la Catalogne pour les Baléares

Melchor Martin, le héros de la trilogie Terra Alta de Javier Cercas, enquête à Palma sur les exactions d’un prédateur sexuel. Ce dernier a fait l’erreur de s’approcher de Cosette, la fille de Melchor.


Le troisième volet de Terra Alta, série policière imaginée par Javier Cercas, se déplace en grande partie aux Baléares. Les deux premières avaient pour cadre la Catalogne. La région de Terra Alta d’abord puis Barcelone. Le château de Barbe Bleue est implanté près de Pollença, petite ville touristique de Palma de Majorque. C’est là que disparaît, du jour au lendemain, Cosette, la fille de Melchor Martin. 

Les relations entre l’ancien policier, devenu simple bibliothécaire, et son adolescente ne sont pas au beau fixe. Cosette a récemment appris les circonstances exactes de la mort de sa mère. Un simple accident de la circulation selon son père. En réalité, Olga a été volontairement renversée pour faire peur à Melchor qui devenait trop pressant dans son enquête (lire le tome 1, Terra Alta chez Actes Sud et Babel en poche). Ce mensonge Cosette ne l’admet pas. Non seulement elle se sent trahie par son père, mais elle se persuade que c’est à cause de lui si sa mère est morte quand elle avait 3 ans. Durant les vacances de Pâques, avec une amie, elle va passer quelques jours de vacances aux Baléares. Mais le jour prévu, l’amie revient, pas Cosette. Fugue ou enlèvement ? Melchor se persuade rapidement que sa fille n’agit pas normalement. Il mobilise toutes ses anciennes connaissances policières pour retrouver la trace de Cosette. 

Un silence acheté

C’est l’essentiel de la première partie de ce roman où il est question, comme toujours, des Misérables, le roman de Victor Hugo qui conditionne en grande partie la vie du héros. Une partie assez technique, au cours de laquelle il va devoir se rendre sur place et se frotter à l’inertie (voire la corruption) de la Guardia Civil. 

C’est finalement une lettre anonyme qui va le conduire dans un mas perdu dans la montagne. Là, il rencontre Carasco, un ancien policier, persuadé que Cosette, comme des dizaines d’autres auparavant, a été enlevée (ou du moins appâtée) par les rabatteuses de Mattson, un milliardaire suédois. Tellement riche qu’il peut acheter toute l’île. Les terres mais aussi les consciences des policiers et des juges.  En se lançant dans la recherche de sa fille, Melchor se fait vite remarquer. 

Et à peine deux jours après, la jeune fille réapparaît, traumatisée mais vivante. En partie amnésique aussi. Une seule certitude, une fois de retour à Terra Alta, les médecins et psychiatres ont la certitude qu’elle a été abusée sexuellement à plusieurs reprises. 

La suite du roman est plus musclée. Comprenant qu’attaquer en justice Mattson est peine perdue, Melchor va s’allier à Carasco et retourner à Pollença pour tenter de mettre la main sur des preuves irréfutables des exactions du délinquant sexuel. 

Toujours féru de références littéraires, Javier Cercas explore cette fois Don Quichotte et le combat, qui semble vain, de Melchor contre les moulins personnifiés par Mattson. Un roman puissant, sur les relations compliquées entre père et fille, les secrets de famille et les choix que l’on fait dans l’urgence, pas toujours excellents mais jamais sans conséquence sur le futur.  

« Le château de Barbe Bleue » de Javier Cercas, Actes Sud, 23 €

lundi 24 avril 2023

BD - Pepe Carvalho vogue vers les mers du Sud

De tous les détectives privés de la littérature policière européenne, Pepe Carvalho de Manuel Vazquez Montalban occupe une place de choix. Si Nestor Burma est associé à Paris, Pepe est le héros à connaître pour palper la réalité de la Barcelone d’antan. Hernan Migoya adapte le roman « Les mers du Sud », toujours dessiné par Bartolomé Segui. En 1979, alors que l’Espagne et plus encore la Catalogne découvre les bienfaits de la démocratie après la disparition de Franco et la fin de la dictature, un cadavre est découvert dans une décharge sauvage de la périphérie de Barcelone. Un homme, mort poignardé.

Loin d’être un clochard abandonné là après une querelle d’ivrogne, c’est la dépouille d’un certain Stuart Pedrell, riche entrepreneur. Il a disparu depuis un an. Sa femme, qui a brillamment repris au débotté les rênes de l’entreprise, engage Pepe Carvalho pour retrouver ses meurtriers. Toujours aussi nonchalant et pessimiste, le privé amateur de bonne bouffe et de boissons alcoolisées plonge dans deux mondes très différents. D’un côté la grande bourgeoisie catalane, riche, réactionnaire et très catholique. De l’autre les artistes, intellectuels et militants de gauche, progressistes, avant-gardistes.

Le lien entre ces deux mondes : le mort. Car s’il savait faire fructifier sa fortune en bon capitaliste sans scrupules, Stuart Pedrell était aussi un ami de ce milieu interlope, achetant des œuvres, recevant chez lui des artistes sans le sou, aidant les partis les plus radicaux.

Le détective, dans ses investigations, se frottera à la fille du défunt (jeune femme perdue qui sautera littéralement sur Pepe chez qui elle retrouvera le père disparu et l’amant espéré), un avocat trouble, des maîtresses cupides et un associé sarcastique. Côté camp progressiste, il découvrira la seconde vie du disparu, devenu simple employé et compagnon d’une jeune gauchiste enceinte de ses œuvres.
L’intrigue du roman, considéré comme un des meilleurs de la série, progresse lentement. Normal, Pepe Carvalho aime prendre son temps. Cela permet aux auteurs d’utiliser les nombreuses digressions de Montalban sur la gastronomie, la politique, la littérature. Cela gonfle aussi la pagination de l’album qui fait 88 pages. Résultat le lecteur en a pour son argent et devrait envisager sans coup férir de prendre un billet pour la capitale catalane pour se glisser dans les pas du héros.

«Pepe Carvalho» (tome 3), Dargaud, 16 €

vendredi 10 mars 2023

Polar - L’inconnue du port de Barcelone


Un cadavre exquis dans le port de Barcelone. On pourrait résumer ainsi le polar L’inconnue du port signé d’Olivier Truc et Rosa Montero. Le Français (Le dernier Lapon) et l’Espagnole (La fille du cannibale) ont participé à l’opération lancée par le festival Quais du polar de Lyon et les éditions Points. Ils ont imaginé cette histoire entre Lyon et la Catalogne.

Dans un container, un vigile découvre une femme en piteux état. Anna Ripoll, policière catalane, enquête sur cette amnésique. Ce serait une Française, résidant à Lyon. Le policier Erik Zapori va donc se rendre à Barcelone pour aider sa collègue.

Tout en se partageant les chapitres, les deux auteurs réussissent le tour de force de rendre l’ensemble vivant et cohérent. Une sombre histoire de trafic humain, avec des scènes plus vraies que nature dans plusieurs quartiers de Barcelone, du très dangereux Raval au moins pittoresque port de containers de la capitale catalane.

« L’inconnue du port », d’Olivier Truc et Rosa Montero, Points, inédit, 6,90 €

mardi 6 septembre 2022

Cinéma - “Les mystères de Barcelone”, du fait divers au film

Film catalan de Lluis Danès, avec Nora Navas, Roger Casamajor, Bruna Cusí. 

Dans la Barcelone du début du XIXe siècle, une série d’enlèvements d’enfants crée la psychose. Une coupable est arrêtée, Enriqueta Martí (Nora Navas). Elle écope du surnom de Vampire de Barcelone. Suspectée de sorcellerie, les autorités affirment qu’elle tuait les enfants pour en récupérer les fluides qui, transformés en élixirs, sont vendus à la haute bourgeoisie catalane. 

Le film de Lluis Danès s’écarte de la thèse officielle. Il suit l’enquête du journaliste Sebastià Comas (Roger Casamajor) persuadé que la coupable n’est qu’un leurre pour cacher les véritables monstres. Un film très esthétique, avec un quartier du Ravall reconstitué de façon très onirique. Une partie en noir et blanc (chez les pauvres), d’autres séquences en couleurs criardes, notamment dans la maison close. 

Une expérience visuelle très impressionnante et aboutie.


jeudi 13 janvier 2022

Série Télé - Foodie Love sur Netflix passe par Montolieu dans l'Aude


Série télé. Isabelle Coixet fait partie des cinéastes espagnoles les plus brillantes. Elle s’est essayée à la série télé pour HBO. Cela donne Foodie Love, 10 épisodes qui sont disponibles gratuitement sur la plateforme Arte.fr. À Barcelone, deux célibataires cherchent l’âme sœur. 

Ils utilisent un site de rencontre qui joue sur leurs goûts culinaires. Le couple qui se forme partage plaisirs de la chair et bonne chère. 

L’épisode 8 les conduits à Montolieu dans l’Aude pour un week-end en amoureux qui, pour une fois, ne sera pas très gastronomique.

mercredi 8 juillet 2020

Essai - Découvrir Barcelone dans le texte



Quelle est la meilleure façon de découvrir Barcelone ? Prendre le train et partir à l’aventure ? Planifier son séjour avec étapes incontournables (rambla, Sagrada…). À moins qu’on ne puisse visiter la capitale catalane juste en restant dans son canapé (transat, c’est l’été), le nez plongé dans des bouquins se déroulant dans la ville-monde.  Car Barcelone est « l’héroïne » de quantité de romans. 

C’est cette singularité qui a poussé David Clusellas i Codina, journaliste et écrivain, d’écrire cet essai, « promenade littéraire dans la ville moderne, cosmopolite, tolérante » et par ailleurs « cité chargée d’histoire, au cœur battant de toutes les innovations, artistiques, urbanistiques ou politiques. » 

En se référant à quatre romans il dresse le portrait d’une ville diverse et multiple. Un essai qui donne une furieuse envie de partir passer une semaine au Sud, avec les romans analysés, notamment ceux de Mathias Enard et Grégoire Polet, regard français sur une exception culturelle si loin… si proche.

« Lire Barcelone », Trabucaire, 12 €

dimanche 31 mai 2020

BD - Dégustez Barcelone avec Pepe Carvalho



Les grands personnages de fiction ne meurent jamais. Pepe Carvalho (comme Maigret ou San Antonio en France), survit à son créateur Manuel Vazquez Montalban. 

On peut toujours se plonger dans les romans (réédités en poche chez Points) ou redécouvrir cette série policière atypique grâce à une adaptation en bande dessinée fidèle et de qualité. 


Hernan Migoya et Bartolome Segui ont osé s’attaquer à ce monument de Catalogne pour en livrer des albums qui se savourent comme les multiples plats qui rythment les enquêtes de ce fin gourmet. Pour rappel, Pepe Carvalho est un privé barcelonais dans l’Espagne qui vient juste de sortir du franquisme. Dans « La solitude du manager » (3e roman de la série, seconde adaptation en BD), il est chargé par une veuve d’enquêter sur le meurtre d’un haut responsable d’une multinationale espagnole. L’occasion pour Pepe de remuer le passé de quelques gauchistes reconvertis dans le grand capital. 

Une enquête sombre et désespérante. Heureusement il reste quelques encas savoureux (une butifarra en pleine nuit) ou repas succulents à base de filet de cabillaud à la plancha, confit d’oie, pieds d’agneau aux artichauts et petits pois et le meilleur pour la fin : « se mijoter un salmis de canard à une heure du matin fait partie des plus belles folies capables de saisir un être humain qui ne serait pas fou. »

« Pepe Carvalho » (tome 2), Dargaud, 15 €

dimanche 23 septembre 2018

BD - Comment ne pas aimer la Barcelone de "L'art de mourir par Raule et Berthet


Raule est de Barcelone. Raule aime Barcelone. Le scénariste de Jazz Maynard, dans la préface de cet album dessiné par Philippe Berthet explique qu’il aime Barcelone, « ma ville invisible, mystérieuse, belle et brutale ». La ville de Gaudi sert de décor à cette histoire sombre comme la collection qui l’héberge, « Ligne noire ».

Un policier français, Philippe Martin, se rend d’urgence dans la capitale catalane. Une jeune fille, étudiante en histoire de l’art, est retrouvée morte dans sa baignoire. Un suicide selon toute probabilité. Dans une lettre d’adieu, elle parle de son père, ce policier français qu’elle n’a jamais connu. De lui, elle a cette passion pour les chansons de Jacques Brel. Lui ne savait pas qu’il avait une fille. La femme avec qui il vivait, l’a quitté il y a 25 ans. Enceinte visiblement. Il se découvre une fille. Et doit en faire le deuil immédiatement.


Le récit devient de plus en plus mystérieux, étonnant et va glisser vers le polar pur et dur. Avec coups de théâtre et scènes d’action dans des lieux emblématiques de cette ville « belle et brutale », du téléphérique du port au labyrinthe d’Horta.

➤ « L’art de mourir », Dupuis, 14,99 €

mardi 4 avril 2017

BD : Le mystère du peintre catalan


La Catalogne aime ses peintres. La région est un creuset de talents, certains immensément célèbres à l’image de Dali, d’autres tombés dans l’oubli comme Vidal Balaguer. Ce fils de pharmacien de Sabadell a vécu à Barcelone à la fin du XIXe siècle. Un surdoué, incapable de vivre de son art car il ne voulait pas vendre ses toiles. « Natures mortes » raconte la fin de sa vie, aussi mystérieuse que son œuvre. Vidal, comme nombre d’artistes à cette époque, a une muse. Son modèle, Mar, qui est en couverture de l’album écrit par Zidrou et dessiné par Oriol. Mar a disparu du jour au lendemain. Depuis Vidal déprime. Il est passé par l’École de la Llotja où il se lie d’amitié avec un certain Picasso. Dans son appartement encombré de peintures inachevées, il vivote en acceptant les commandes de commerçants. Il dessine des oranges, de la butifarra. Ce qu’il ne comprend pas, c’est qu’une fois la peinture achevée, les objets disparaissent. Pris d’un doute, il va dans un parc et peint un arbre. Le lendemain, comme les natures mortes ou sa muse, il n’existe plus. Une malédiction d’un genre nouveau qui donne l’occasion à Zidrou d’expliquer la disparition du personnage principal en décembre 1899. Entre fantastique, poésie et désespoir, ce roman graphique se prolonge par une exposition, en mai prochain à Barcelone, des 11 toiles retrouvées du peintre maudit.
➤ « Natures mortes », Dargaud, 14,99 €

mardi 24 janvier 2017

Roman : Virée dans Barcelone la nocturne avec Hélène Couturier

Bienvenue à Barcelone, ses rues typiques, ses ramblas, ses quartiers chauds. Très chauds.
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Mathilde, 50 ans, est responsable d’une agence immobilière dans la capitale catalane. Depuis plus de 15 ans elle vit avec Jo, un pur Catalan. Elle l’aime d’amour fou, mais ne peut pas s’empêcher d’aller « s’amuser » avec d’autres beaux garçons, généralement jeunes et moins sérieux que Jo, cadre dans une entreprise spécialisée dans les statistiques. Mathilde insouciante, est mise sur le gril par son compagnon. Une question qu’il répète à l’envi et qui donne le titre au roman d’Hélène Couturier : « Combien de fois m’as-tu trompé ? » Habituée aux mensonges, la belle volage cherche une parade. Mais c’est peine perdue. Car si Jo a décidé de crever l’abcès, ce n’est pas par hasard. Il a rencontré une autre femme et veut quitter Mathilde.
De cette classique scène de ménage entre un couple équilibré, Hélène Couturier, connue pour ses romans noirs, plonge son héroïne dans une découverte du Barcelone by night. Car Mathilde, malgré ses 50 ans, croque la vie à pleines dents. Elle ne veut pas se contenter de ce que son âge l’autorise : « au-dessus de quarante ans les sorties semblent réduites au dîner dans les restaurants lounge concept avec éclairage bougies qui atténuent les rides de chacun mais requièrent lunettes pour déchiffrer le menu s’il n’est pas rédigé grand format sur une ardoise ».
Direction les quartiers interlopes pour tenter de mettre la main sur son dealer attitré. Introuvable, elle se rabat sur un « Paki » qui lui propose de la MD. Avec une précision presque journalistique, la romancière raconte ces quartiers déshérités, où la misère est la norme. Où les téléphones portables volés aux touristes deviennent presque une monnaie parallèle aux euros. Mathilde, pour oublier ses amours défuntes, décide de se donner au premier bel homme qu’elle croise. Ce sera un Martiniquais, rasta au corps sculptural. Mais il est plus intéressé par les croyances religieuses de la Blonde occidentale que par ses avances.
L’errance dans Barcelone occupe une grande partie du roman. Comme si se perdre dans cette ville aux multiples visages allait lui permettre d’oublier cette vie qu’elle semble gâcher. Notamment dans le quartier de Poblenou et « ses avenues bordées de vaisseaux de pierre et de béton qui fendent le ciel.» Quartier découvert par Jo (elle résidait avant à Gracia) endroit qu’elle ne quitterait pour rien au monde. Cela tombe bien, Jo est en train de reprendre ses livres. Il laisse l’appartement à Mathilde. Mathilde, seule face à Barcelone. 
➤ « Il était combien de fois » d’Hélène Couturier, Le Dilettante, 15 €

jeudi 26 mars 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Ferrari land

Les amateurs de sensations fortes se frottent les mains : d'ici deux ans, Ferrari ouvrira un immense parc d'attractions à proximité de Port Aventura au sud de Barcelone. Plutôt réservé aux enfants, ces parcs à thème remportent de plus en plus de succès. Le projet du Ferrari Land catalan, sur une surface de 75 000 m2 pour un investissement de 100 millions d'euros, est typique de la diversification du secteur. Les célèbres voitures rouges, inaccessibles au commun des mortels, représentent de formidables usines à rêves. 
Durant votre séjour vous pourrez accélérer en Ferrari, manger en Ferrari et même dormir en compagnie du cheval cabré. Vous n'irez pas jusqu'à conduire une véritable Formule 1, mais il y a fort à parier que les attractions vedettes du premier parc construit à Abou Dhabi seront reproduites. Vous pourrez ainsi faire l'expérience de l'accélération maximale soit atteindre la vitesse de 240 km/h en cinq secondes sur les montagnes russes les plus rapides du monde. Les moins téméraires (ceux qui tiennent à garder le contenu de leur repas) se contenteront des simulateurs de conduite et les plus jeunes des mini bolides. Pour manger, ce sera au choix pâtes... ou pizza, ambiance italienne oblige. Et même les hôtels arboreront les couleurs de l'écurie si souvent championne du monde. Espérons simplement que les lits soient plus confortables qu'un baquet de F1. Ce parc futuriste deviendra terriblement rétro dans 50 ans : à l'heure de la voiture électrique hégémonique, il sera le seul endroit où l'on pourra encore entendre le bruit caractéristique d'un moteur à essence.

dimanche 21 septembre 2014

Livre : Blanès et ses fantômes

Un dimanche passé à Blanès, ville balnéaire près de Barcelone, change radicalement la vie d'Éva Elle va y retourner et s'y installer pour tenter de comprendre.

blanes, gallimard, jeanmart, barcelone, BolanoLes premiers romans sont souvent (toujours ?) autobiographiques. Hedwige Jeanmart est Belge. Installée depuis quelques années à Barcelone, elle s'est certainement inspirée de sa propre vie pour écrire ce roman. Est-elle Éva, le personnage principal et narratrice ? A moins qu'elle ne ressemble plus à Yvonne, une autre jeune fille vivant dans un camping à Blanès ? En lisant ces lignes, on se pose forcément la question. Du moins au début. Car rapidement l'atmosphère énigmatique, presque fantastique, du roman nous happe. On se retrouve alors avec Éva, dans les ruelles de la cité catalane à la recherche d'une mystérieuse maison et à guetter l'apparition de fantômes.
Tout commence un week-end. Éva demande à son compagnon Samuel s'il est d'accord pour passer la journée à Blanès. Un dimanche hors saison, à déambuler le long de la mer et manger dans un petit restaurant. Puis retour à Barcelone. Sauf que ce soir-là, Samuel est mort. Disparu, volatilisé, envolé... Éva tombe dans un état de prostration. Dans sa jolie maison de Barcelone, elle se coupe du monde. Ne sort plus, ne répond pas au téléphone. Surtout elle s'interroge, tente de trouver des explications à cette mort soudaine. A force de questionnement intérieur, elle parvient à la déduction que c'est la journée à Blanès qui est la cause de tout. Sur un coup de tête elle retourne dans la petite ville, s'installe dans une pension et se remémore sa dernière journée avec Samuel pour tenter de découvrir l'élément déclencheur.

Au bord de la folie
La jeune femme décrite dans le roman d'Hedwige Jeanmart a tout de la folle. Ou du moins de l'esprit obsédé par un événement irrationnel. Lors du dernier repas avec Samuel, ce dernier lui a lu un extrait d'un texte de Bolaño. Cet écrivain d'origine chilienne est la célébrité locale. Il semble exercer une fascination très forte sur toute une faune qui s'est installée à Blanès, sur ses traces. Éva va en croiser plusieurs, devenir leurs amis et sans tomber dans leur dévotion, découvrir les charmes vénéneux de Blanès. Son séjour, qu'elle pensait court, se prolonge, s'éternise presque. Elle est comme prisonnière : « Cette appropriation des lieux à ce point désincarnés, où je n'éprouvais absolument rien sinon une solitude et une désespérance sans fond, me dérangea : et si la question n'était plus tant de comprendre ce qui s'était passé mais ce qui était en train de se passer ? Je m'installais à Blanès où tout m'était désagréable et je m'y complaisais. C'était comme si j'acceptais de souffrir d'une maladie et que cette maladie devenait tout pour moi, que je ne pouvais plus m'en passer. » Éva cherche notamment une maison décrite dans un livre de Bolaño.
En sillonnant les petites rues, elle découvre qu'elle n'est pas seule dans ce cas. Il y a par exemple Yvonne, une jeune Belge vivant à l'année sous une tente dans un des campings de Blanès. Un serveur de restaurant aussi, d'origine népalaise. Et d'autres quasi fantômes à la recherche du spectre de Bolaño.
Voyage initiatique, au bord de la folie, ce premier roman est souvent déconcertant. L'auteur semble parfois dépassée par son sujet. Mais cela ne dure pas. Elle reprend les commandes de son héroïne. Même si on a presque l'impression que cette dernière, comme dotée d'une propre vie, tente de nouveau de s'échapper par des chemins de traverse. Reste au final beaucoup d'interrogations et l'envie urgente d'aller visiter Blanès et rencontrer son étrange population. Avec cependant la crainte de se retrouver envoûté par le fantôme de Bolaño.
Michel LITOUT

« Blanès », Hedwige Jeanmart, Gallimard, 18,50 €

dimanche 4 mai 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - La politique de la banane positive

Comment un simple petit geste de quelques secondes peut-il clouer le bec à tous les racistes ? Demandez à
Dani Alves, joueur de foot au Barça, il connaît la réponse.
La semaine dernière, au cours du match contre Villarreal, le défenseur brésilien s'approche du poteau de corner pour tirer un "coup de pied de coin". Un supporter local lui jette une banane. Le geste est synonyme de racisme. Cela a commencé en Italie. On fait des bruits de singe quand un joueur noir a le ballon et on lui lance des bananes. Alves, tout en plaçant la balle, se saisit du fruit. Recule de deux pas, l'épluche, en mange un morceau et tire le corner. Cela dure quatre secondes. Quatre secondes pour ridiculiser un raciste et surtout lancer le coup d'envoi d'une campagne planétaire.
Quelques heures plus tard, Neymar, autre joueur de foot brésilien, publie sur son compte Twitter une photo où il mange une banane avec cette légende "Nous sommes tous des singes". En moins de 24 heures, le coup de la banane de Dani Alves est repris des centaines de fois. Par des célébrités, mais aussi des anonymes. Même les politiques s'en mêlent. Le président du conseil italien pose en train d'en déguster une en compagnie du sélecteur national. Le "manger de banane" s'exporte aussi sur les plateaux de télévision et en une de Marca, le quotidien sportif espagnol qui a remplacé le premier A de son logo par trois fruits entrecroisés. 
La morale de cette histoire, c'est Dani Alves qui la résume : le racisme, "on ne va pas réussir à changer ça donc il faut prendre les choses en riant et se moquer d'eux… » Bravo !

Chronique "De choses et d'autres" parue samedi en dernière page de l'Indépendant. 

dimanche 23 février 2014

Regards - Smartphone, le nouvel esclavage

Entre le « 22 à Asnières » de Fernand Raynaud et le « Allô, quoi... » de Nabilla, la communication téléphonique a vécu une révolution en accéléré. Si le principe est le même, permettre la communication entre deux personnes éloignées, les outils n'ont plus rien à voir. Comme si le progrès entre l'invention de la roue et du moteur à explosion s'était concentré sur une génération.
Le règne des smartphones est une évidence. Au début, on ne l'utilise que comme un téléphone portable. Et puis il s'impose par sa polyvalence. Internet, SMS, musique, vidéo, jeux, information... on peut tout faire avec ce couteau suisse des nouvelles technologies. Avec l'avantage de pouvoir le personnaliser transformant ces composants électroniques en « prolongement de notre vie intérieure » selon l'expression de Joëlle Menrath, sociologue. On peut parfois oublier ses clés ou son portefeuille. Jamais son téléphone portable. Il est devenu trop essentiel dans notre quotidien. Regardez dans la rue, ces jeunes, écouteurs dans les oreilles, dans les transports en commun, plongés dans la vision de la dernière vidéo qui fait le buzz ou en train de composer des SMS. 
Au bureau ou en regardant la télévision, le smartphone est devenu le second écran pour se distraire ou donner son avis. Le smartphone, en devenant aussi précieux que la prunelles de ses yeux, aiguise les appétits. Commerciaux mais surtout sécuritaires. Dans Big Brother de Orwell, des caméras surveillaient chaque citoyen. Aujourd'hui c'est encore plus simple, la caméra étant individuelle et déclenchée volontairement par chaque individu. Avec les services de géolocalisation, vous êtes parfaitement traçable par les autorités. 
Les faits divers ne cessent de raconter les histoires de ces voleurs trahis par leur téléphone. A quoi bon mettre des gants pour ne pas laisser d'empreintes quand on a dans la poche un téléphone qui signale sa présence dans le secteur toutes les minutes ? On est souvent fier de montrer son smartphone. Comme une chaine en or arborée en signe de réussite. Mais un bijou synonyme d'esclavage.  

mardi 20 janvier 2009

BD - Des rivières de sang sur Barcelone


Régulièrement, des auteurs espagnols ou catalans débarquent sur le marché francophone et prouvent que la BD est toujours aussi innovante de l'autre côté des Pyrénées. Dernière trouvaille des éditions Dargaud : "Jazz Maynard" de Raule (scénario) et Roger (dessin). 

Le dernier tome de ce triptyque met un point final à ce polar social et violent ayant pour cadre Barcelone. Dans cette ville entre modernité et tradition, Jazz Maynard, musicien de jazz, est venu faire une pige de son ancien métier : cambrioleur. 

Mais il découvre qu'il n'est qu'un pion dans une machination plus compliquée entre triade chinoise et politiciens corrompus. Le final, dans une tour, est inoubliable.

"Jazz Maynard" (tome 3), Dargaud, 13,50 euros 

dimanche 26 octobre 2008

BD - Suivez les mouches et les morts entre Barcelone et Paris

Les mouches accompagnent les différents protagonistes de ce récit plein de paraboles de Sampayo illustré par Zarate. C'est l'été. Elles prolifèrent. Un musicien de jazz américain prend le bus à Barcelone. Il va à Paris enregistrer un album. En route, il se fait mortellement poignarder par des jeunes voyous qui filment leurs crimes pour les vendre à des voyeurs sanguinaires. Une femme assiste au meurtre. Elle est poursuivie par les jeunes. La cavale se terminera à Paris, sur fond de jazz et de règlements de compte.

« Fly Blues », Futuropolis, 18 € 

mardi 22 juillet 2008

BD - Les mille histoires d'un simple billet de banque


Un billet de banque, une fois sorti de l'imprimerie, va passer de mains en mains. Toutes sortes de mains, propres, sales, honnêtes, de voleurs ou d'avares. Emilio Ruiz a donc imaginé le parcours d'un billet de 20 euros à Barcelone et c'est Ana Mirallès qui s'est chargée d'illustrer ce périple heurté. 

Le premier utilisateur c'est un gardien de banque. Paradoxalement, il surveille toute la journée des montagnes de billets, mais quand il veut acheter un médicament pour soigner un début de rhume, il doit, comme tout le monde, utiliser sa carte bancaire. Le billet, ensuite, atterrira dans le sac d'une vieille dame qui se le fera subtiliser par un pickpocket. Suite de l'aventure dans un bar. 

C'est là qu'il subira ses premières dégradations. Un amoureux éconduit y inscrira le nom de son ex et son numéro de téléphone en précisant bien tout le mal qu'il pense d'elle. Le billet sera ensuite imbibé de la transpiration d'un cycliste et même déchiré par deux enfants se le disputant. Il sera donné à un curé qui l'utilisera pour payer son sacristain qui s'empressera de le dépenser chez une prostituée... 

Un récit complet édifiant, sur l'importance toute relative de l'argent, dessiné et mis en couleurs par une illustratrice au sommet de son art.

"Mano en mano", Dargaud, 13 € 

mercredi 28 mai 2008

BD - Jazz Maynard connaît la musique

La bande dessinée espagnole (catalane exactement dans ce cas précis), amène régulièrement son lot de belles découvertes. Raule (scénariste) et Roger (dessinateur) ont fait sensation avec le premier tome des aventures de Jazz Maynard. Ils ont raflé quantité de prix et le second tome était très attendu par les lecteurs. Ils ne seront pas déçus, retrouvant dans ces 48 pages la même ambiance et virtuosité dans le récit, couplé à un dessin précis et efficace, aux couleurs sombres et expressives. 

Jazz Maynard, ancien voleur sévissant à Barcelone, a quitté la métropole catalane pour New York. Il a essayé de se faire oublier durant dix ans. Mais dès son retour en Europe, il est "réquisitionné" par son ancien meilleur ami, Judas, devenu le grand patron de la mafia locale. Avec pour mission de dérober à un caïd roumain, gardé par une armée d'armoires à glace, la pièce "Double eagle" de 1933. Une pièce de collection valant pas moins de 10 millions de dollars. 

En parallèle à l'action principale (et il y en beaucoup, de l'action...), le lecteur découvre une seconde intrigue, tournant autour de la dénonciation de la corruption dans la ville.

"Jazz Maynard" (tome 2), Dargaud, 13 €