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samedi 15 février 2025

BD - Dans les coulisses des chaînes d'info en continu

Journaliste ! Mais quel beau métier ! 

Enfin, si on aime se lever tôt, rester le cul sur une chaise devant son bureau (desk en anglais) à répéter, tel un perroquet, tout ce que disent les confrères des autres médias. L'arrivée des chaînes d'info en continu a donné l'espoir à toute une génération de jeunes journalistes de faire un métier passionnant, au plus près de l'actualité, reportage, réactivité... Pierre Millet-Bellando a fait partie de ces rêveurs rattrapés par la réalité. A peine sorti de l'école de Lille, il décroche un poste de "deskeur" à la matinale d'une grande chaine nationale. C'était il y a quelques années. Depuis il est passé à autre chose et tente dans cette BD (illustrée par M. LeRouge) entre réalisme, souvenirs et décryptage pour tenter de faire comprendre aux lecteurs le fonctionnement de cette usine de l'information. 

Depuis son bureau, encore à moitié endormi, il réalise des "reportages" sur les grands événements de la nuit. Plus exactement il raconte les faits (lus dans les journaux) et les illustre d'extraits puisés dans les banques d'images internationales. Il devra assurer de longs mois ce rôle ingrat avant d'avoir le droit de sortir pour faire du terrain. Des micro-trottoirs (la pire expérience journalistique, toujours en cours dans toutes les rédactions et souvent réservée aux stagiaires ou débutants) ou les réactions de politiques à l'Assemblée sur la dernière polémique en date.  Rien de bien compliqué, il suffit de tendre le micro aux élus réputés "bons clients" qui ont toujours la bonne formule qui sera reprise sur les réseaux sociaux et permettra d'avoir de l'audience. L'audience, le nerf de la guerre. L'audience qui interdit tout sujet de plus de deux minutes. Alors un reportage au long cours, vous n'y pensez pas... 

S'il est très critique au début, le jeune journaliste, à force d'accepter les directives des cadres de la rédaction et des présentateurs vedettes, a obtenu ce qu'il voulait : faire du terrain. Généralement des directs dans les tranches du matin, mal préparés mais qui lui permettent de se faire remarquer. Car s'il est dispo pour les bouchons des départs en vacances, il est aussi partant pour les faits divers ou les événements exceptionnels comme les attentats à Paris en 2015 ou les manifs très agitées des Gilets jaunes. Il raconte comment l'information est formatée, aseptisée pour aller dans le sens des téléspectateurs, ceux qui regardent... les pubs. Ce n'est pas très glorieux pour la profession. Il a d'ailleurs depuis quitté ce milieu.

Journaliste ! Mais quel horrible métier !

"La fabrique des News", Steinkis, 168 pages, 20 € 

samedi 26 octobre 2024

BD - Résistants en culottes courtes


L'occupation de la France par l'envahisseur allemand durant le seconde guerre mondiale a durablement marqué toute une génération. Les plus jeunes aussi ont voulu participer à la Résistance. Le Réseau Papillon s'inspire de cette bravoure à toute épreuve pour raconter le destin de quelques gamins, fiers d'être Français, déterminés à récupérer leur liberté.

Une série écrite par Franck Dumanche et dessinée par Nicolas Otéro. Feuilleton historique, plus le temps passe, plus la fin de la guerre approche et plus les enfants deviennent de grands adolescents. Presque des adultes. Ainsi Edmond, Doc de son nom de code, a rejoint l'Angleterre et participe à l'effort de guerre dans la cellule communication des forces françaises libres.

Si François et Elise sont toujours chez leur parents, le reste de la bande (le réseau papillon), a rejoint le maquis. Arnaud et Gaston vivent cachés et montent des opérations de sabotage contre l'occupant. Dans le 9e titre de la série, « A l'aube du débarquement », tout s'accélère en ce printemps 1944. Les maquisards intensifient leurs actions pour empêcher l'arrivée des troupes allemandes en Normandie.

Parmi les soldats de la division Das Reich, Karl décide de déserter. C'est un Alsacien, enrôlé de force pour aller combattre sur le front de l'Est et rapatrié après la déroute dans le sud-ouest de la France. Il fait partie des « Malgré-nous », ces Alsaciens obligés de rejoindre l'armée d'Hitler. En cas de refus ou de désertion, les nazis exécutaient le reste de la famille. Blessé, il est soigné par Elise, devenue une belle jeune femme, intrépide et déterminée.

Il sera caché par le réseau, en même temps que trois aviateurs anglais dont l'appareil a été abattu lors du parachutage d'armes aux Résistants.

Beaucoup d'action dans cet album, qui annonce une suite encore plus mouvementée : l'opération Overlord et le débarquement de 195 000 soldats alliés en Normandie.

« Le Réseau Papillon » (tome 9), Jungle, 56 pages, 12,95 €
 

dimanche 1 septembre 2024

BD - Fantastique nucléaire dans le roman graphique "Retour à Tomioka"


Plus de 18 000 personnes ont perdu la vie dans le tsunami qui a ravagé la région de Fukushima au Japon le 11 mars 2011. Les parents de Osamu et Akiko font partie des victimes. Les deux enfants se retrouvent orphelins du jour au lendemain. Ils seront récupérés par leur grand-mère Bâ-chan qui a perdu son mari dans la catastrophe. Et sa ferme qui se trouve à Tomioka, dans la zone la plus contaminée par l'explosion de la centrale nucléaire.


Retour à Tomioka
, roman graphique écrit par Laurent Galandon et dessiné par Mickaël Crouzat, se déroule deux années plus tard. Osamu, petit garçon d'à peine dix ans, vit très mal ce bouleversement. Il s'est refermé, s'imagine un monde peuplé de lutins plus ou moins bienveillants, une réalité parallèle magique. Akiko, jeune adolescente, au contraire, va de l'avant. Passionnée de maquillage et de design, elle publie des vidéo de conseil et agrandit chaque jour la communauté qui la suit.

Quand la grand-mère meurt, les deux enfants doivent rejoindre une lointaine cousine à Tokyo. Mais avant, Osuma veut aller déposer les cendres de Bâ-chan dans la ferme familiale. Une zone encore fortement contaminée, impossible d'accès.

L'album raconte le périple dans ces paysages fantômes que les humains ont déserté pour laisser les animaux s'éteindre lentement. Osuma et Akiko, malgré la police et le danger invisible, vont respecter la tradition en croisant des chiens agressifs, des autruches, beaucoup de cadavres et quelques yôkai, ces fameux lutins, amis et protecteurs d'Osamu.

Une très belle histoire entre légendes et réalité, entre fantastique merveilleux et dangereux nucléaire.
«Retour à Tomioka», Jungle, 104 pages, 19 €

jeudi 27 juin 2024

BD - Controversé Pierre de Coubertin

Même si c'est en France, à Paris, que sont organisés les Jeux olympiques en cet été 2024, les références à Pierre de Coubertin sont rares. C'est pourtant cet aristocrate qui dès la fin du XIXe siècle avait réinventé cette manifestation sportive, la transformant en gigantesque compétition mondiale. Celui qui a popularisé la formule « Le plus important n'est pas de gagner mais de participer » est tombé dans les oubliettes.

La faute à ses errances politiques et positions réactionnaires longtemps combattues par les réformateurs et humanistes.

Xavier Bétaucourt, le scénariste, a eu la difficile tâche d'expliquer comment cet homme, qui a tant fait pour l'amitié entre les peuples et les nations, a souvent été complètement à côté des progrès de la société. Il était pour des jeux, mais uniquement avec des hommes. Et sans les pays de ce qui allait devenir le tiers-monde. Une sorte de caricature de ce que Hitler rêvait pour ses JO de 36 à Berlin.

Ces positions rétrogrades, racistes et humiliantes pour plus des deux tiers de la planète, suffisent largement pour donner raison à la plus bornée des adeptes du wokisme. Pierre de Coubertin était d'un autre temps, celui des nations blanches, pures, colonisatrices, persuadées d'avoir toujours raison, d'être le modèle ultime et supérieur de la civilisation.

Des positions intenables de nos jours, ce qui explique l'effacement progressif du baron Pierre de Coubertin de l'histoire sportive mondiale. Cette BD, dessinée par Didier Pagot, permet au lecteur de comprendre pourquoi.  
« Pierre de Coubertin, entre ombre et lumière », Steinkis, 112 pages, 20 €

samedi 27 avril 2024

BD - Plusieurs drames au départ de Barcelone


Le vol 9525 de la Germanwings est parti de Barcelone le 24 mars 2015. Mais il n’est jamais arrivé à Düsseldorf. Ce fait divers tragique est prétexte à raconter quelques tranches de vies barcelonaise, la veille du décollage. Ce sont deux auteurs italiens, Lorenzo Coltellacci (scénario) et Davide Aurilia (dessin), qui proposent cet album choral où la mort est omniprésente.

On suit les questionnements de plusieurs passagers, leurs doutes, espoirs, rêves. Juana, jeune femme, mère d’une petite fille, va en Allemagne pour régler les derniers détails de son divorce d’avec son mari violent. Mark, étudiant allemand qui vit depuis quelques mois à Barcelone dans le cadre du programme Erasmus, retourne brièvement chez lui pour l’anniversaire de son père. Même s’il le déteste et le rend responsable de la mort de sa mère.

Leya, femme active qui a longtemps sacrifié sa vie privée sur l’autel du travail croit avoir trouvé l’âme sœur. Un bel Allemand croisé en vacances aux Baléares. Elle le rejoint, persuadée que cette fois c’est le bon. Anna est moins sûre de vouloir faire ce séjour touristique à Düsseldorf.

C’est à la demande de son fiancé, Roberto, qu’elle a dit oui. Il est persuadé que le retour à deux dans la ville où ils se sont aimé la première fois ravivera la flamme. Le récit choral, morcelé, fragmentaire, est entrecoupé de planches en noir et blanc montrant la préparation du copilote avant son dernier vol.

Un remarquable ouvrage pour ne jamais oublier que derrière les 144 passagers et 6 membres d’équipage il y a des hommes et des femmes comme vous ou moi, persuadés que demain sera un jour comme les autres. Pas le dernier.

« Le dernier vol », Steinkis, 144 pages, 22 €

mercredi 17 avril 2024

BD - "Les règles de l'amitié" pour aller de l'amitié à l'amour

 

Elles ne sont que quatre et Américaines. Les filles de la série Les règles de l’amitié, imaginées par Karen Schneemann (scénario) et Lily Williams (scénario et dessin) ont moins de problèmes existentiels que les Filles uniques françaises, mais leur dernière année au lycée n’est quand même pas un long fleuve tranquille.

Dans le premier tome, les autrices ont voulu parler des règles sans tabou. Un livre témoignage, un livre solution. Dans le second, elles s’intéressent plus à la psychologie du quatuor et détaille leurs amours. Si Sash semble vivre une belle histoire d’amour tout ce qu’il y a de plus classique avec un gentil Anglais, elle va cependant devoir moins le fréquenter pour améliorer ses résultats.

Brit, souffrant d’endométriose, est partagée. Elle craque pour le beau Jorge, mais Fitz, intellectuel comme elle, semble mieux la comprendre. C’est encore plus compliqué pour Brit. Elle est tombée amoureuse d’Abby, la quatrième du groupe, sa meilleure amie. Mais comment cette dernière va réagir ? Et comment lui dire ?

Ces préoccupations lycéennes sont criantes de vérité. Les études, les amours, les questions de genre et de préférence se bousculent dans l’esprit en plein apprentissage de ces jeunes héroïnes. Une presque sit-com, avec des personnages différents et des thèmes encore plus inhabituels. Un gros pavé qui se dévore comme un bon feuilleton, que l’on soit il, elle ou iel…

 « Les règles de l’amitié » (tome 2), Jungle, 336 pages, 18,50 €

vendredi 23 février 2024

Tous dérangés les personnages des âmes fendues ?


Xavier Bétaucourt le scénariste et Jean-Luc Loyer le dessinateur de l’album Les âmes fendues ne sont pas malades. Par contre ils sont allés à la rencontre de ces hommes et femmes que l’on cache, les malades mentaux, notamment les milliers de personnes diagnostiquées schizophrènes. Une BD reportage où le duo a passé plusieurs journées au centre hospitalier Camille Claudel en Charente.

Là, ils ont discuté et partagé, en toute indépendance, avec les soignants et les malades. Des témoignages forts, des deux côtés. Une nouvelle foi on prend conscience combien le système de santé français est à bout de souffle. Suppression de postes, démotivation des anciens, manque d’envie chez les jeunes, bureaucratie triomphante…

Les problèmes sont connus mais rien, depuis des années, n’est fait pour redresser la barre. L’album est aussi passionnant quand les auteurs donnent la parole aux schizophrènes. Ils racontent ces voix qu’ils entendent dans leur tête, leur paranoïa galopante, ces hallucinations horrifiques.

Et ceux qui s’en sortent, après des années de traitement. Preuve que l’engagement de quelques-uns, notamment les bénévoles de l’association Profamille, continue de sauver des existences.

« Les âmes fendues », Steinkis, 128 pages, 22 €

dimanche 18 février 2024

Bande dessinée : Icônes parisiennes de la Joconde à la tour Eiffel

Parmi les Parisiennes célèbres, elles font partie des plus connues. Les plus visitées aussi. La tour Eiffel et la Joconde sont au centre de ces deux albums récemment parus. Et pour compléter ce panorama des icônes de la capitale, gros plan sur le musée du Louvre par Nob dans un recueil de gags aussi marrants qu’instructifs. 

Un tueur sur la tour Eiffel


Selon les auteurs, L’Hermenier au scénario, Cossu et Sentenac au dessin, ce projet est né il y a 13 ans. Le trio s’est connu dans un atelier et entre-temps chacun a lancé d’autres projets, dont la série Frnck pour Cossu. Wahkan se déroule dans un Paris steampunk typique de cette branche de la science-fiction.

En cette année 1889, le monde a les yeux braqués sur Paris, son exposition universelle et cette incroyable construction qu’est la tour Eiffel. Un attrait touristique indéniable menacé par la découverte de plusieurs cadavres. Des hommes assassinés, pendus aux structures métalliques, effet très négatif pour les visiteurs qui ont le malheur de les découvrir.

Pour retrouver l’assassin, la police dépêche sur place un de ses meilleurs éléments : l’inspecteur Kowalski. Petite particularité, c’est quasiment la seule femme flic de France. Rousse, belle et effrontée, elle déteste travailler en équipe. Aussi quand elle apprend qu’elle doit enquêter en compagnie de Jules Castignac, jeune diplômé de l’école de police, elle ne cache pas son énervement.

Ce long récit mouvementé, qui mélange western et croyances mayas, aurait pu être le premier tome d’une série prometteuse. Mais il ne semble pas que cet univers soit prolongé dans de nouvelles aventures. Treize ans après sa naissance, la mode semble un peu passée et les auteurs ont d’autres projets.

L’escapade de Monna Lisa



D’emblée, une petite précision pour les pinailleurs. Les auteurs, Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso, des Italiens, ont délibérément écrit le nom de la Joconde sans faute, soir « Monna Lisa » avec deux « n » à Monna. Logique quand on comprend que ce roman graphique, inspiré d’une histoire vraie, raconte comment la célèbre toile de Léonard de Vinci, a brièvement quitté Paris et le musée du Louvre pour revenir dans son pays de création.

Tout commence en plein été au musée du Louvre. A l’ouverture des portes, le personnel constate qu’il manque un tableau. Et pas n’importe lequel : on a volé la Joconde. La police soupçonne dans un premier temps Picasso et Apollinaire. En réalité ce vol est l’œuvre de Vincenzo Peruggia. Immigré italien, la Joconde il l’admire tous les jours puisqu’il est employé au Louvre, chargé de restaurer les cadres.

Persuadé que le tableau a été dérobé par Napoléon, il veut le restituer à son pays. C’est donc avec une facilité déconcertante qu’il vole la toile et va la cacher durant deux ans sous son lit, dans la misérable chambre qu’il occupe à Paris. Deux ans où il « privatise » le fameux sourire, persuadé que c’est aussi celui de la femme qu’il a aimé en secret. C’est quand il décide d’aller le rendre en Italie qu’il se fait prendre. La Joconde retourne donc à Paris, Vincenzo, devenu héros national, est jugé et condamné à seulement un an de prison.

Dans un style graphique très dépouillé, les auteurs racontent cette quasi-histoire d’amour entre un homme simple (pour ne pas dire simplet selon le jugement de la cour) et une œuvre d’art. Ils expliquent aussi que la Joconde n’a pas été volée. C’est Léonard de Vinci qui l’a amené en France avec lui et que le tableau est recensé dans les collections royales dès 1625.

Gags artistiques au Louvre


Restons au Louvre avec cet album signé Nob (Dad, La Cantine) et coédité par Delcourt et le plus grand musée du monde. Une journée au Louvre raconte la découverte de ce lieu unique par une famille recomposée.

Les Bourlingue sont sept. Le père (avec son fils et sa fille ado, d’un premier mariage), la mère (avec un fils d’un premier mariage), leur bébé et le papi, en réalité le vieux voisin venu avec eux pour passer le temps.

Plusieurs générations qui permettent à l’auteur de multiplier les références sur les chefs-d’œuvre croisés au cours de la visite. Il y a bien évidemment la Joconde, qualifiée par l’adolescente de « reine des influenceuses ». Les plus jeunes voient les tableaux avec un regard toujours décalé comme cette question farfelue du garçon face au Radeau de la Méduse : « À ton avis, c’est de la peinture à l’eau ? ».

Nob, tout en faisant preuve de pédagogie (explication de l’origine du nom de la marque Nike par exemple), désacralise l’art, le rendant humain, à portée de tous, facile à comprendre. L’humour au service du savoir et de la culture : la meilleure façon d’aborder ce musée gigantesque, 14 km de galeries, 7,8 millions de visiteurs en 2022 et 33 00 œuvres exposées.

« Wahkan », Dupuis, 72 pages, 15,50 €
« Pour l’amour de Monna Lisa », Steinkis, 112 pages, 18 €
« Une journée au Louvre », Delcourt, 104 pages, 17,50 €

jeudi 9 novembre 2023

BD - Bourdieu et l’Algérie


Si Pierre Bourdieu a longtemps animé la vie intellectuelle française, le grand sociologue a perdu de son aura en ce XXIe siècle de plus en plus violent et religieux. Pourtant on aurait aimé avoir son avis sur les derniers événements actuels, tant en Ukraine qu’au Proche-Orient. Faute d’être du présent, Bourdieu revient sur le devant de la scène grâce à cette grosse BD très documentée sur ses années algériennes.

Jeune étudiant, il est mobilisé à la fin des années 50 pour « maintenir l’ordre » en Algérie. Quel sera son rôle exact au sein de la propagande de l’armée française ? Pas de réponse faute d’archives. Par contre la suite de son engagement est connue et marque le début de ses travaux de recherches en sociologie. Il décide d’aller enseigner à l’université d’Alger, un des rares Occidentaux à ne faire aucune différence entre étudiants pieds-noirs et musulmans. C’est au cours de ces années qu’il tombera amoureux de ce pays et nouera de nombreux liens d’amitié avec des intellectuels locaux, souvent actifs dans le processus de l’indépendance.

Pascal Génot a longuement enquêté sur place, rencontrant des survivants de cette période troublée. Il retrace ces années algériennes mais explique aussi l’origine de la sociologie, et raconte l’Algérie des années noires et d’aujourd’hui. Le tout dessiné par Olivier Thomas alternant images d’archives et vues sublimes de ce pays aux décors lumineux et d’une grande beauté.

Une somme, parfois un peu trop complexe, mais qui éclaire le lecteur sur le fondement de la pensée de Bourdieu et aussi l’histoire, passée et actuelle, de ce pays toujours en devenir qu’est l’Algérie.

« Bourdieu, une enquête algérienne », Steinkis, 256 pages, 24 €

mercredi 19 juillet 2023

Jeunesse – Bleuette, la chipie qui cache bien son jeu


Les adorables petites filles modèles ! On n’a jamais assez d’adjectifs élogieux pour décrire ces fillettes gentilles, serviables, sages comme des images.

Exactement comme Adorable Bleuette, nouvelle héroïne d’album illustrés destinés aux plus jeunes. Avec ses cheveux bleus elle est charmante. Mais Bleuette cache bien son jeu. En réalité, c’est la pire peste qui soit. On l’apprend dans les deux premiers titres de la série, (Splash !, 8,50 €). Le premier se déroule à l’école. On apprend de quelles techniques use Bleuette pour rester la chouchoute de la maîtresse et surtout reporter toutes ses bêtises sur ses camarades.


Le deuxième titre raconte sa stratégie pour empêcher l’arrivée à la maison d’un petit frère qui pourrait être plus aimé qu’elle. Cela commence par le massacre des rosiers et des choux dans le jardin... Des histoires peu politiquement correctes, écrites par Pierre Joly, expert en bêtises, et illustrées par Viranpheuille.

samedi 20 mai 2023

BD - Sarah, fille de Marseille


Sarah doit avoir une petite voix intérieure. Mais elle n’intervient pas dans cet album très moderne de Lili Sohn (scénario) et Elodie Lascar (dessin). Sarah a 35 ans, vit à Marseille, gagne sa vie en faisant des livraisons à vélo, passe ses nuits à faire la fête avec des amies, des filles célibataires comme elle ou des couples gays. 

Un peu ronde, croquant la vie par tous les bouts, elle semble pourtant aussi malheureuse que Fleur. Car Sarah rêve de trouver l’amour, le vrai, de dormir contre son corps, voire d’avoir des enfants comme l’espèrent ses parents.


Ce roman graphique, aux dessins modernes (gros traits noirs, aplats de couleur rose), raconte aussi la vie à Marseille. Entre délire dans les lieux nocturnes et lente cuisson au soleil sur les plages en bord de Méditerranée. Une dérive sans fin jusqu’à la rencontre qui va tout changer. 

Un récit où le hasard fait bien les choses. Surtout si, comme Sarah, on sait lâcher prise, oublier ses préjugés et oser le grand saut en avant.
«Sultana», Steinkis, 22 €

lundi 24 avril 2023

BD – Mario Marret et Albert Algoud : deux existences bien remplies

Média très efficace, la bande dessinée peut également servir à raconter la vie de personnages d’exception. Deux exemples avec Mario Marret, militant de gauche qui a marqué le XXe siècle, de la Résistance à l’exploration du Pôle Sud ou Albert Algoud, connu pour ses émissions sur Canal+ mais qui a débuté comme professeur en Haute-Savoie.


De Mario Marret, chacun conserve le souvenir qu’il désire. Car ce militant de gauche a traversé le XXe siècle en multipliant les vies. Quatre exactement si l’on en croit cette grosse biographie écrite par Nina Almberg et dessinée par Laure Guillebon. Ouvrier anarchiste, il a commencé sa carrière de militant en se dirigeant vers l’Espagne au moment de la Guerre d’Espagne. Mais il n’a pas le temps de franchir la frontière, se contente d’aller aider les milliers de réfugiés parqués sur la plage d’Argelès après la Retirada.


Rapidement, ses connaissances en radio lui permettent de se rendre utile au sein de la Résistance. Repéré, il devient un espion… pour les USA. D’Algérie puis dans la région de Lyon, il va participer activement à la Libération de la France. C’est ce statut de spécialiste radio qui lui donne l’occasion de rebondir dans les années 50. Il va participer à des expéditions au Groenland puis en Antarctique sur la base française de Terre Adélie.

C’est dans le froid qu’il change à nouveau de métier : cinéaste. Il filme cette vie extrême et ses deux premiers films documentaires remportent des prix à Venise. Il va poursuivre dans cette veine, témoignant des grèves en France ou des guerres d’indépendance en Afrique. Enfin sur la fin de sa vie, il deviendra un psychanalyste renommé. Pourtant, cette BD très politique montre combien Mario Marret est de nos jours complètement oublié. Un album qui va réparer cette regrettable erreur.

Le prof devenu comique 


Albert Algoud lui est toujours connu. L’amuseur public, plume de nombreux comiques, animateur sur Canal+ et diverses radios, continue à écrire. Son dernier sujet ? Lui, tout simplement. Il signe le scénario de cette BD racontant ses débuts dans la vie active, quand il a révolutionné l’enseignement dans un collège de Haute-Savoie. L’homme qui a sauvé sa vie est dessiné par une amie, Florence Cestac qui s’était déjà essayée au genre avec la vie de Charlie Schlingo. Sans compter les titres où elle raconte en détail sa jeunesse ou la création de Futuropolis.


À la fin des années 70, Albert Algoud débarque au collège de Roc-les-Forges avec l’envie de faire le maximum pour ses élèves. Ce fan de littérature populaire et de Tintin va vite comprendre que pour capter l’attention d’une trentaine d’ados, mieux vaut sortir des sentiers battus. Séance cinéma, sorties, constructions, expériences : il multiplie les initiatives.

Trois années de bonheur total mais qui deviennent répétitives. Et puis arrivent les années 80, la libération des ondes et ses premières armes à la radio. Repéré pour son humour dévastateur, il va durant quelques mois mener de front les deux carrières. Mais entre l’Éducation nationale et la célébrité à la télévision, Albert Algoud va choisir les paillettes face à l’abnégation. Même si en lisant ces pages, on a la bizarre impression qu’il regrette un peu. Ou du moins qu’il a été aussi heureux, voire plus, dans sa classe que sur les plateaux de télévision.

«Quatre vies de Mario Marret», Steinkis, 24 €
«Le prof qui a sauvé sa vie», Dargaud, 15 €

samedi 4 mars 2023

BD - Cocteau et Marais : deux Jean et un amour

Dans le Paris de 1937, l’amour frappe chez Jean Cocteau. Le dramaturge, toujours attiré par la beauté, la poésie et les excès, déclare sa flamme au jeune éphèbe, apprenti comédien, Jean Marais. Débute une relation houleuse entre ces deux monstres sacrés du théâtre français. Un récit raconté par Isabelle Bauthian est mis en images par Maurane Mazars.

Loin de se contenter de dérouler les faits de façon trop chronologique, les deux autrices aiment à brouiller les pistes, mélangeant faits historiques et scènes intimes. On découvre comment Jean Marais, beau mais encore peu sûr de son art, a été encouragé par un Jean Cocteau visionnaire. 

Car si au début c’est l’écrivain qui est le plus connu du couple, au fil des ans, le comédien, notamment quand il acceptera de faire du cinéma, deviendra une véritable star, multipliant les tournages, subissant de plein fouet sa popularité grandissante et l’assaut de groupies déchaînées. Jean Marais qui va tout faire pour tenter de sauver Cocteau de ses addictions aux drogues. En vain.

L’album, raconte aussi comment ces intellectuels ont dû composer avec la censure de l’occupant. Le passage où ils tentent de sauver Max Jacob est terrible. Les diatribes de certains journalistes collaborateurs contre ces « dépravés » sont d’une incroyable violence.

Et même le moment où Cocteau, sans doute pour sauver Jean Marais de l’emprisonnement pour avoir molesté une de ces plumes fielleuses, a dressé des éloges au sculpteur Arno Breker, qui réalisa plusieurs œuvres en hommage au IIIe Reich. Un pan de l’Histoire culturelle française trop souvent méconnue par les jeunes générations.

« Les choses sérieuses », Steinkis, 20 €


vendredi 30 décembre 2022

BD - L’énigme Roland Barthes

Mais qui a tué Roland Barthes ? Et surtout qui lui a dérobé la formule secrète de la septième fonction du langage ? Le roman de Laurent Binet se transforme en une BD savante dans cette adaptation par Xavier Bétaucourt et Olivier Perret. 

Les auteurs (qui se mettent en scène), racontent donc l’enquête du commissaire Bayard, flic à l’ancienne, aidé par Simon Herzog, jeune sémiologue spécialiste des travaux de Barthes. 

Entre érudition et humour, on croise au fil des pages Michel Foucault, Philippe Sollers, BHL, Giscard et même Mitterrand juste avant son élection. 

« La septième fonction du langage », Steinkis, 23 €

mardi 31 mai 2022

BD - Mai 68 dans le Beaujolais en compagnie de "Ce garçon"


Maby, avocat, a décidé de raconter un pan de son enfance sous forme d’une bande dessinée illustrée par Valentin Maréchal. En plein Mai 68, le jeune Jean-Jean fuit Paris paralysé avec sa mère et ses deux sœurs. Réfugiés dans la grande maison de campagne du Beaujolais. 


L’occasion de découvrir les secrets de cette maman qui a perdu une jambe, fervente gaulliste et fumeuse invétérée. Le petit Jean, privé de ses amis qui eux vont toujours à l’école, surprend une nuit un géant dans la cuisine. Qui est cet ogre recherché par la police. Une belle histoire de solidarité et de résilience. .

« Ce garçon », Steinkis, 19 €

dimanche 24 mai 2020

BD - L’autre affaire Dreyfus, aux USA



En 1915, aux USA, ce ne sont pas les combats en Europe qui faisaient réagir le peuple mais le procès Léo Frank. Cet industriel d’Atlanta était accusé d’avoir violé et tué une de ses jeunes employées, Mary Phagan. Il crie son innocence comme quelques années plus tôt le capitaine Dreyfus en France. Mais ses origines juives vont le desservir. 

Dans ce sud pas encore remis de la guerre de Sécession, les investisseurs du Nord, souvent juifs, sont considérés comme les profiteurs de la défaite. L’autre suspect du meurtre de Mary, 14 ans, est un balayeur noir, alcoolique et bagarreur. 



Mais il a compris que sa chance pour s’en sortir est de charger le patron. Juges, procureur et membres du jury populaire après un procès de plusieurs semaines condamnent Léo Frank à la peine de mort. Mais après de nombreux recours, la peine est commuée en réclusion criminelle à perpétuité. L’album de BD signé Xavier Bétaucourt (scénario) et Olivier Perret (dessin) débute dans la nuit du 17 août 1915. Un groupe de notables prend d’assaut la prison et emmènent Léo Frank. 

Au petit matin, après un second procès sommaire, il est pendu à un arbre dans une clairière. Léo Frank, certainement innocent après de nouvelles enquêtes dans les années 80, a d’abord été condamné à mort, puis gracié et finalement assassiné en toute impunité. 

Ce faits divers, qui a à peine un siècle, montre combien les USA sont parfois un pays où la violence, l’invective et le racisme ont encore de beaux jours devant eux. Redécouvrir l’histoire de Léo Frank c’est aussi comprendre comment aujourd’hui encore, certains jouent de ces antagonismes pour asseoir leur pouvoir.

« Ils ont tué Léo Frank », Steinkis, 18 € 

jeudi 30 avril 2020

BD - La bonne fée des jazzmen



Personne, en dehors des réels amateurs de jazz, ne réagit au nom, peu banal, de Pannonica de Koenigswarter. Pourtant il existe quantité de morceaux dédiés à une femme exceptionnelle, dont un tout simplement intitulé « Pannonica », composé par Thelonious Monk. Cette remise dans le contexte musical est signée par Francis Marmande dans une préface savante et admirative à « La baronne du jazz », BD écrite par Stéphane Tamaillon et dessinée par Priscilla Horviller. Un roman graphique de 160 pages couvrant toute la vie de celle qui a longtemps été considérée comme la bonne fée des jazzmen. 


La fortune de sa famille l’a beaucoup aidée. Née Rothschild en Grande-Bretagne, Pannonica perd son père alors qu’elle n’est pas encore adolescente (il se suicide) puis résiste longtemps au mariage. Elle rejette tous les beaux partis qu’on lui propose jusqu’au coup de foudre, au Touquet en France, pour le baron Jules de Koenigswarter. 
Nous sommes dans les années 30, l’antisémitisme fait des ravages en Allemagne. Pannonica n’est pas encore passionnée par le jazz. Mère de famille, elle assiste impuissante à l’invasion de la France, pays où elle vit depuis son mariage. Elle rejoint Londres et s’engage dans la France Libre. A la Libération, elle sera décorée avec son mari par le Général de Gaulle. Après son divorce, elle s’installe aux USA et vit à New York, sortant tous les soirs dans les clubs de jazz, ramenant les musiciens chez elle pour prolonger les concerts. C’est à cette occasion qu’elle rencontre les plus grands, partageant leur lit au passage. La baronne était très libre pour l’époque. Avant tout le monde, elle devine le génie novateur des compositions de Monk. Son musicien préféré, celui avec qui elle sera le plus fidèle comme le raconte avec beaucoup d’empathie cette BD à écouter avec la playlist proposée par Francis Marmande dans son texte introductif. 

« La baronne du jazz », Steinkis, 20 €


vendredi 22 décembre 2017

BD : Le cauchemar Bumidom



Durant les années 60, l’Etat français a organisé un véritable exode forcé pour quantité de jeunes Antillais et Réunionnais. Un exil pour atténuer la pression démographique de ces petites îles et tenter de repeupler une métropole vieillissante. Ce passé coupable, tout le monde veut l’oublier, tant les organisateurs que les « victimes ». Jessica Oublié, fille d’Antillais, née en France justement, a enquêté et signe un album (dessiné par Marie-Ange Rousseau) de témoignages très forts. Entre réveil de conscience et regrets éternels, le Bumidom pour « Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer » aura amplifié le sentiment de déracinement de ces « Iliens ».
➤ « Peyi an nou », Steinkis, 20 €


lundi 13 novembre 2017

Bande dessinée : itinéraires artistiques parallèles

Remarquable travail graphique et éditorial réalisé par Samir Dahmani et Yunbo. Deux albums, deux romans, sur un même sujet, mais vu par des yeux différents et surtout dans une temporalité décalée.


Même si l’ordre de lecture importe peu, les deux récits étant totalement indépendants, mieux vaut débuter par « Je ne suis pas d’ici ». Une jeune dessinatrice sud-coréenne raconte son arrivée en France pour y suivre des études. Directement inspiré de sa propre histoire, ce récit montre une jeune femme déboussolée, perdue dans des pratiques sociétales radicalement différentes de son pays d’origine. Elle raconte sans détour ses mésaventures. Avec les Français, mais aussi ses compatriotes, eux aussi exilés. Un dessin très sensuel donne un tour intimiste à cette BD. Yunbo, après ses études à Angoulême, est retournée au pays. Même si elle a rencontré chez nous et aimé un étudiant au parcours un peu identique.


Samir Dahmani, en plus de ses doubles racines (né en France de parents maghrébins), a décidé d’apprendre le coréen pour rejoindre sa bien-aimée en Asie. Mais dans « Je suis encore là-bas », il ne raconte pas sa plongée dans cette civilisation différente. Il se base en fait sur le ressenti de son amie pour raconter la suite du voyage. Isnook est de retour en Corée après dix ans passés en France. Elle travaille pour une grosse société. Chargée d’accueillir et de servir d’interprète à un client français, elle va se replonger avec délice dans cette langue. Mais surtout elle va se rendre compte que c’est à cet étranger, qui ne la juge pas qu’elle va raconter tout son mal-être.
 ➤ « Je ne suis pas d’ici », Warum, 16 €
➤ « Je suis encore là-bas », Steinkis, 15 €

samedi 26 novembre 2016

BD : Abba, source d’inspiration permanente

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Que l’on aime ou pas, on connaît forcément le groupe Abba. Super star des années 70, le quatuor suédois, avec ses tubes planétaires, a marqué plusieurs générations. Et au-delà si l’on en croit cet album signé de Maarten Vande Wiele, jeune auteur belge flamand, qui signe un roman graphique aux dessins stylisés et couleurs acidulées. De nos jours, dans une petite ville de la côte belge, trois jeunes viennent de créer un groupe de musique reprenant les grands succès d’Abba. Mais il leur manque une « Frida », la chanteuse brune. AnneLène, vendeuse dans un magasin d’habits, chante à l’occasion. Elle vient de quitter son mec, déprime un peu et se dit que faire partie de ce groupe de passionnés ne peut pas la faire tomber plus bas. L’album raconte de façon très humaine la formation du groupe, les galères du début, les premiers succès et les tensions. Car comme dans la véritable histoire d’Abba, des histoires de coucheries perturbent la bonne marche de la machine à danser. Très rafraîchissant et authentique, une BD qui vous remettra Money ou Waterloo en tête…
➤ « Abba cherche Frida », Vraoum, 20 €