Nadine Monfils, après Magritte, transforme Baudelaire en héros d'une série de polars dans le Paris du milieu du XIXe siècle.
Charles Baudelaire meilleur que Vidocq ? Le poète parisien n'est pas connu pour ses polars. Mais comme Nadine Monfils aime ce genre, elle n'a pas hésité à convoquer l'auteur des Fleurs du mal pour lancer cette nouvelle série entre hommage littéraire, polar historique et biographie romancée. La femme de lettres belge, sans jamais avoir renié son pays d'origine, bien au contraire, a mis toute sa connaissance parisienne dans cette déambulation de Baudelaire dans les rues de la capitale. De l'hôtel Pimodan (siège du club des Haschischins) à la rue de la Femme sans tête en passant par le pont Marie et toutes les petites venelles de l'île Saint-Louis, il va tenter de découvrir qui a tué cette femme dont on a retrouvé que le corps décapité dans la rue.
Si Baudelaire s'intéresse à l'affaire (outre le fait qu'il a trébuché sur le corps au petit matin en rentrant chez lui ivre mort), c'est que la tête lui a été livré à domicile. Dans un grand carton à chapeau. Il l'ouvre en présence de sa maîtresse adorée, Jeanne Duval, une métisse, comédienne à l'occasion, un peu prostituée par obligation pécuniaire. Il sera même encouragé à démasquer l'assassin par un mystérieux personnage qui lui paiera chaque avancée dans l'enquête. Une rentrée d'argent inespérée pour un Baudelaire en perpétuelle recherche de devises. Bien obligé pour assumer son goût du luxe, le train de vie de sa maîtresse, les multiples sorties culturelles et gastronomiques ou les tournées des bars.
Concierge envahissante
Nadine Monfils, dans des chapitres courts et rythmés, profite de la première moitié du roman pour raconter dans le détail la vie du génie de la poésie française. Et de dresser la revue de ceux qui gravitent dans son entourage. Les connus (Allan Kardec, Victor Hugo ou Vidocq) mais aussi les anonymes qui participent à l'enquête. On apprécie particulièrement le policier, l'inspecteur Delâbre, débonnaire, vivant seul avec sa chienne, manipulant ses hommes, Baudelaire et la pègre pour démasquer le découpeur de femmes. Au pluriel car une seconde inconnue est retrouvée dans Paris. Toujours en deux morceaux...
La concierge de Baudelaire devient aussi une figure marquante. Elle a des vues sur le poète et tente de l'exciter en expliquant qu'une de ses amies a « retrouvé un asticot dans sa culotte... » Dégoût de Baudelaire. Alors la concierge en remet une couche : « Bah, à notre âge, du moment que ça frétille ! » On retrouve dans ces trognes iconoclastes toute la richesse et excès du style de Nadine Monfils. Car la poésie ne doit pas faire oublier la vie. Même triviale. Seul bémol à ce roman aussi riche en informations sur le Paris de l'époque qu'en scènes croquignolesques : la résolution de l'intrigue est trop vite expédiée. Comme s'il fallait terminer un poème avec une rime riche au détriment de sa beauté globale.
« Les fleurs du crime de Monsieur Baudelaire – La femme sans tête », Nadine Monfils, Verso – Seuil, 320 pages, 17,90 €

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