samedi 28 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le salon où on rigole

sarkozy, agriculture, valls bourré, hollande, fillon
La dernière scène à la mode ne se trouve pas là où on le croit. Les cafés théâtres ou scènes de stand-up sont dépassés. Le nouveau comique français s'est donné rendez-vous cette semaine au salon de l'agriculture. Comme si la proximité des bêtes à concours provoquait une alchimie génératrice de traits d'humour et de sentences assassines. François Hollande a bénéficié de la la rude tâche de passer en premier. Une inauguration un peu tristounette. Point de saillie mémorable comme celle de l'an dernier quand il a répondu à un gamin à la recherche de Nicolas Sarkozy, que ce dernier ne viendrait plus... Justement cette bête de scène qu'est l'ancien président a fait son come back depuis. Au salon, il a connu l'un de ses plus beaux succès d'improvisation avec un « Casse-toi pov' con » d'anthologie. Cette année il s'est contenté de charrier le président et sa nouvelle promesse non tenue. Les deux stars ont du mourron à se faire, les petits jeunes poussent derrière. Un certain Fillon, François de son prénom, a tenté la déclaration fracassante. A la question quel est votre projet pour les agriculteurs, il s'est contenté d'un laconique « Moins les emmerder. » Mais la vedette cette année est sans conteste un petit taureau ibérique. Il a fait fort en s'enquillant une quantité astronomique d'alcools plus ou moins forts. Tout rouge et transpirant, il en a perdu sa rigidité quasi cadavérique. S'égosillant à la recherche de Le Foll, son ministre et guide, il a carrément sauté une barrière de sécurité pour s'inviter en direct sur le plateau d'une émission. Retenez son nom, il a un bel avenir dès qu'il se lâche : Manuel Valls



vendredi 27 février 2015

BD : Les malheurs de la famille

folco, makyo, nardo, loup, glénat
Dans ce Rouergue imaginaire, en plein moyen âge, Michel Folco a imaginé le destin incroyable d'une fratrie peu commune. « Un loup est un loup », paru aux éditions du Seuil, est adapté par Pierre Makyo et dessiné par Federico Nardo. Un sabotier de la petite ville de Racleterre va être papa. Quand les premières contractions apparaissent en pleine nuit, il court chercher la sage-femme. Le travail est long. Et après la naissance de Clodomir, un autre bébé se présente. Des jumeaux ? Non, au final des quintuplés, quatre garçons et une fille. Le dernier, Charlemagne, est le plus futé, le plus intelligent. Ils grandissent dans l'admiration de leurs parents et de toute la population du village. Pourtant le sabotier a bien des soucis. Il doit dans un premier temps se battre en duel avec un maître d'armes susceptible. Plus habitué à manier les outils de précision que le sabre, il s'impose avec une botte secrète qui deviendra légendaire. Quelques années plus tard, il est mordu par un animal enragé. Une vache. Mis en quarantaine, il ne supportera pas cet enfermement et tentera une sortie de force. La garde l'occis. Ses enfants lui promettent : ils le vengeront. Un album fidèle au roman, qui fait la part belle à ces enfants, mignons mais inquiétants.
« Un loup est un loup » (tome 1), Glénat, 14,95 €



jeudi 26 février 2015

Cinéma : “Hungry Hearts” ou les déchirements d’une famille


adam driver, hungry hearts, costanza, bac films, Rohrwacher
Ils s’aiment à la folie mais l’arrivée d’un enfant change tout.


Les histoires d’amour finissent mal, en général », chante Catherine Ringer. Cette alchimie qu’est le coup de foudre est parfaitement décortiquée dans la première scène, absolument géniale “de “Hungry Hearts”, film de Saverio Costanzo. Mina (Alba Rohrwacher), jeune Italienne, se retrouve bloquée dans les minuscules toilettes d’un restaurant chinois de New York en compagnie de Jude (Adam Driver). Dix minutes plus tard, ils s’aiment. A la folie. Jusqu’à vivre ensemble, se marier et rapidement Mina se retrouve enceinte. Là, tout bascule. Mina, au contraire de Jude qui est ingénieur, est sensible à l’invisible. Elle consulte une voyante qui lui annonce que son enfant sera unique. Autant Jude se réjouit de l’arrivée de ce bébé, autant Mina s’interroge sur son avenir et celui de sa famille. Après l’accouchement, par césarienne, Mina veut protéger son enfant des ondes négatives. Un refus du progrès qui risque de transformer le beau bébé en petite chose rachitique. Jude va devoir réagir.

Trop amoureux
Ce drame, entièrement tourné à New York, est porté par les deux acteurs principaux. Alba Rohrwacher, l’Italienne, joue avec réalisme la dérive de cette femme apeurée, affolée, impuissante à protéger sa progéniture. Adam Driver, l’Américain, campe un père responsable mais encore trop amoureux de la mère de son enfant pour prendre des décisions irrévocables. L’un comme l’autre s’aiment, s’opposent puis s’affrontent dans les affres d’une famille déchirée.
En bonus, une partie de la scène d'ouverture :

mercredi 25 février 2015

DVD : "Ninja Turtles” plus vraies que nature

Images de synthèse parfaites pour des héros fougueux et irrésistiblement comiques.
tortues ninja, turtles, megan fox, paramount
Ils sont quatre, vivent dans les égoûts de New York et protègent la population des méfaits du clan des Foot dirigé par l’infâme Shredder. Il y a Leonardo, le leader, Michelangelo, le beau gosse, Raphael, le rebelle et Donatello, le cerveau. Cela fait des décennies que les aventures en bande dessinée et dessin animé des Tortues Ninja cartonnent aux USA. Les nouvelles technologies ont donné l’occasion d’adapter ce monde si particulier avec un maximum de vraisemblance. Le film, réalisé par Jonathan Liebesman et produit par Michael Bay, sort en vidéo enrichi de bonus permettant de mieux comprendre comment ce miracle numérique a vu le jour. Le scénario, basique et peu surprenant, donne la vedette à la très belle et sportive Megan Fox dans le rôle d’une intrépide journaliste. Mais l’intérêt du film est bien dans les prouesses technologiques. On est subjugué par les effets spéciaux et le documentaire “Réalité digitale” donne les explications à ce petit miracle. Toutes les scènes sont d’abord tournées avec de véritables acteurs dotés d’une combinaison et de fausses carapaces. Puis les images sont traitées numériquement pour remplacer les hommes par ces mutants. Virtuose et instructif.


Ninja Turtles”, Paramount, 19,99 euros.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Perdants récompensés

oscars, cesar, cadeauxUne liposuccion, un lifting, du vinaigre à base de sirop d'érable, un vibromasseur... Inventaire à la Prévert ? Non, juste une partie des cadeaux offerts à quelques dizaines de privilégiés dimanche soir à Los Angeles.
En France, se retrouver dans la liste des nominés aux César représente déjà une belle victoire. Mais si l'on n'est pas déclaré gagnant, on quitte la cérémonie sans rien de plus que la considération de la profession.
Aux USA, quand on manque de décrocher l'Oscar de sa catégorie, on ne repart pas les mains vides. Les nombreux sponsors de l'émission télé mettent la main à la poche pour remplir des sacs de lots de consolation. Les partenaires se bousculent au portillon, le paquet cadeau en est d'autant plus imposant. Comme les choses sont souvent bien faites, Eddie Redmayne, meilleur acteur, n'aura pas droit à une liposuccion. L'interprète de Steven Hawkins, maigre comme un clou, risquait la disparition pure et simple en cas de défaite.
Heureusement, le Québécois Xavier Dolan ne faisait pas partie de la sélection des meilleurs films étrangers avec Mommy. Qu'aurait-il fait avec des produits à base de sirop d'érable ?
Un vibromasseur aux perdantes est un réconfort comme un autre (bien que peu élégant offert en public). Par contre le lifting gratuit est beaucoup moins politiquement correct. 
Reste la question qui a peut-être gâché la soirée d'Alexandre Desplat. Le musicien français a remporté un Oscar pour la bande originale de "The Grand Budapest Hôtel". Mais il fait également partie des perdants avec "Imitation Game". Alors, a-t-il droit lui aussi au lot de consolation en plus de sa statuette ?

DE CHOSES ET D'AUTRES : The Walking Gay

walking dead, in the flesh, zombies, homosexuelsGrosse polémique dans le milieu des passionnés de série télé. En cause, une scène pleine de tendresse dans l'épisode 11 de la saison 5 de "The Walking Dead", la série emblématique sur les zombies.
Diffusé aux USA le 22 février et dès le lendemain sur OCS Choc, ce baiser a provoqué quantité de réactions sur les réseaux sociaux. Trop gentil pour une série d'horreur ? Pas du tout. Le problème, pour quelques fans, c'est que ledit bisou met en scène un couple d'homosexuels. Et les homophobes (certains amateurs d'horreur le sont aussi, la bêtise n'est malheureusement pas sélective), de sortir du bois en se lamentant de voir des gays partout... même dans "The Walking Dead". Comme si dégommer du mort-vivant était réservé aux hétéros... Adaptée d'une BD publiée chez Delcourt, la série télé reste cependant fidèle à l'histoire originale imaginée par Kirkman et Adlard.


Cette thématique du zombie gay ressort en filigrane d'une autre série, anglaise cette fois. "In the flesh", diffusée sur Jimmy, raconte le retour à la maison de décédés ressuscités rendus dociles grâce à un traitement médical (un comble pour un mort. Le personnage principal, Kieren Walker, jeune adulte, s'était suicidé quelques jours avant la grande résurrection.


Ce n'est jamais dit clairement (et pourtant nous ne sommes pas chez les prudes Américains), mais il a mis fin à ses jours après le départ à l'armée de son meilleur ami, Rick, comme s'il était incapable de survivre à ce chagrin d'amour.
Une situation autrement plus subversive que le petit baiser de Walking Dead.

mardi 24 février 2015

Cinéma : Une « Réalité » approximative


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Un film de Quentin Dupieux est toujours déstabilisant. Les Cartésiens vont s’arracher les cheveux avec cette histoire improbable de scénario impossible.

Vous pouvez prendre le nouveau film de Quentin Dupieux par n’importe qu’el bout, à la fin, vous aurez plus de questions que de réponses. Le réalisateur, déjà remarqué avec son “Rubber” déjanté (l’histoire d’un pneu tueur en série) et ses “Wrongs cops” sociopathes, en remet une couche avec “Réalité”, film sur l’impossibilité de créer.


L’action se déroule en Californie, la patrie du cinéma. Jason Tantra (Alain Chabat) est caméraman dans une petite télévision locale. Comme 80 % de la population locale il rêve de réaliser son propre film. Il a une idée et décroche un rendez-vous avec le producteur Bob Marshal (Jonathan Lambert). Un film de sciecen-fiction où les postes de télévision deviennent méchants. Ils émettent des ondes vers les spectateurs pour les faire mourir dans d’atroces souffrances. Ce détail intéresse le producteur. Il est banco pour financer si Jason revient dans 48 heures avec le gémissement le plus parfait du cinéma, celui qui lui permettra de décrocher un Oscar...

Questions...
Raconté comme ça, le film semble simple, presque une comédie. Notamment quand Jason, avec son petit magnétophone, enregistre des dizaines de versions de ce gémissement qu’il sent de moins en moins. Mais ce n’est que la partie compréhensible au premier abord de l’étonnante “Réalité” filmée par Quentin Dupieux. Il y a également ces scènes où une fillette, justement appelée Reality, suit son père à la chasse. Il revient avec un sanglier qu’il vide. Dans l’estomac, une cassette vidéo. Reality, intriguée veut savoir ce qu’il y a sur cette bobine. Pirouette, ce ne sont que des rushes d’un autre film produit par Bob Marshal. Mais alors pourquoi le directeur de l’école de Reality se fait psychanalyser chez la compagne (Elodie Bouchez) de Jason ?
Où est la réalité, la vraie, celle que nous vivons tous les jours ? Mais existe-elle véritablement ? Le film de Jason se fera-t-il ? Peut-on souffrir d’eczéma intérieur ? A-t-on le droit de tuer des surfeurs au fusil de précision longue distance ? Comment laver les fraises sans les écrabouiller ?
On vous a prévenu : aller voir un film de Quentin Dupiouex c’est ressortir de la salle la tête remplie de questions sans réponse. Une expérience unique où le plus dur est de retrouver la lumière de dehors. A moins que mu par une interrogation supplémentaire, vous n’alliez voir dans la salle d’à côté, histoire de savoir si vous n’y êtes pas en train de voir ce même film dans une version différente...



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Le rêve, c’est du sérieux !


réalité, dupieux, chabat, gémissement, rubber
Une scène est particulièrement marquante dans ce film hors normes. Un homme, grand, gros, barbu, habillé en femme, monte dans une jeep et roule sur les grandes et larges autoroutes de Californie. Il prend une petite route de montagne, cueille quelques fleurs des champs et redescend dans la vallée. Il se gare devant une maison quelconque, va sonner le bouquet en main. Un homme ouvre. Le travesti l’insulte, jette les fleurs et repart en jeep. Du grand délire ? Non, un rêve... Quentin Dupieux a toujours inventé des univers complexes et déroutants. Son premier film, “Steak” (avec Eric et Ramzy pour tromper le public) montrait une jeunesse américaine où tout le monde se ressemble après une utilisation intensive de la chirurgie esthétique. “Rubber”, prouesse technique, donnait la vie à un pneu... tueur. Dans “Wrong Cops”, les policiers abjects (dealer, maître chanteur, obsédé sexuel...) sont déclinés en plusieurs courts-métrages où on pouvait voir Marilyn Manson au naturel. Des chocs visuels. Comme “Réalité”.


lundi 23 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Moche et puant

moche, gueules cassées, camembert, céréales, gaspillageAprès les fruits et légumes "moches" vendus 30 % moins chers dans certaines grandes surfaces, d'autres initiatives du même acabit fleurissent en France. La mode du moche à outrance semble bien partie. Tant mieux, car il s'agit avant tout de lutter contre le gaspillage alimentaire. Sous l'appellation générique des "Gueules cassées", vous pourrez bientôt petit déjeuner avec des céréales savoureuses mais qui ont pour seul petit défaut d'avoir une tête qui ne correspond pas exactement à l'emballage.
Vendues à moins d'un euro le paquet de 400 grammes, elles ont le même goût et la même valeur énergétique que les originales, les "jolies". Pour cause de couleur, grosseur ou forme déficientes, les fabricants jettent près de 30 % de leur production. L'idée est de récupérer ce rebut et de le commercialiser. L'autre avantage consiste évidemment à proposer des produits à moindre prix. Toujours appréciable en cette période de budgets serrés.
Vous pourrez également prochainement manger du camembert "gueule cassée" car pas assez... lisse. En vieillissant, certains fromages prennent des rides inacceptables. Ils ne partiront plus directement à la décharge comme c'est la règle habituellement mais finiront dans votre assiette, comme leurs collègues lisses et parfaits.
Les gourmets apprécieront car un camembert digne de ce nom doit, non seulement être moche mais en plus puant. Personnellement, le seul "calendos" qui n'a aucune chance de finir dans mon estomac, est celui qui ne sent pas à dix mètres à la ronde...

DVD : Annabelle, experte en cauchemar

annabelle, horreur, poupée, warner brosVéritable phénomène de société lors de sa sortie en salles, le film d’horreur Annabelle de John R. Leonetti (produit par James Wan) arrive en DVD et blu-ray pour vous terroriser à domicile. Annabelle c’est le nom de cette poupée aux yeux gigantesques et aux pouvoirs démoniaques. Durant son exploitation en salles, certains passages ont provoqué de véritables scènes d’hystérie. Une fois dans votre salon, le film perd un peu de sa puissance, mais reste quand même un futur classique.
John (Ward Horton) et Mia (Annabelle Wallis) vont avoir un bébé. Une nuit, un couple de satanistes massacre leurs voisins et les attaque. La femme se réfugie dans la chambre et se suicide avec la poupée Annabelle sur les genoux. Quelques mois plus tard, le cauchemar reprend...


« Annabelle », Warner Bros, 19,99 euros le DVD, 24,99 euros le blu-ray.

dimanche 22 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Canard ou connard ?

canard, connard, navega, bouraqia, hugo, desinge
« Mon connard » livre sous-titré « Canard ou connard ? La différence ne tient pas qu'à deux lettres », est écrit par des femmes, pour des femmes. Alors messieurs, passez votre chemin à moins que vous n'acceptiez de lire quelques considérations peu flatteuses envers le sexe dit fort. A la base, les textes courts repris dans ce volume pratique et hilarant ont été publiés par des internautes sur le site MonConnard.com créé par Jessie Navega et Hajar Bouraqia, deux trentenaires bien dans leur peau.
Elles ont eu l'idée de partager quelques galères sentimentales d'anthologie. Avec la possibilité pour les visiteurs du site de participer en décidant si l'homme au centre de l'anecdote est un canard « homme romantique, attentionné et généreux » ou un connard « homme déplaisant, goujat, sans scrupules ».
Pour nombre d'histoires, la question ne se pose pas, tant l'outrecuidance du mâle en cause est flagrante. Exemples : « Le mec qui me largue le jour du nouvel an en me disant Bonne année, mais pas avec toi ! » ; « Le mec qui te drague au bar pendant que sa nana est aux toilettes »...  Ces situations classées par thèmes, de baratin à goujaterie en passant par infidélité et bien entendu sexe, prêtent souvent à rire. Elles sont aussi désespérantes tant les hommes ont cette propension à démontrer sans cesse leur manque total de tact et de respect.
Je ne sais pas si les canards sont nombreux, mais les connards ne sont pas près de disparaître de la surface de la planète...
« Mon connard », éditions Hugo Desinge, 10 euros

BD : L'arbre magique de Corbeyran et Alice Picard


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Un arbre magique, abritant des milliers d'esprits comme autant de dieux. La base du scénario de cette nouvelle série de fantasy écrite par Corbeyran a des airs de roman vintage signé Julia Verlanger (Gilles Thomas au Fleuve Noir). Dans ce royaume où la noblesse vit dans le luxe et l’opulence, le peuple ne veut pas des nouvelles croyances. En secret, il continue à vénérer cet arbre magique. Alors pour asseoir définitivement son pouvoir, le roi (et surtout sa femme) décide de faire abattre ce symbole du passé. Mais pour que cette destruction soit efficace, il demande de l'aide à un sorcier qui recommande de sacrifier un des princes. Ce sera Noor, le plus rebelle, le plus éduqué et sensible aux anciennes croyances. Noor va être expédié dans le monde des esprits. Une « presque mort » qui lui permet de contrer la mort de l'arbre. Le récit s'étale sur plusieurs années, avec une fin inéluctable. Cet album, en plus de l'intrigue très plaisante, donne la possibilité à Alice Picard, la dessinatrice, de briller dans ce qu'elle maitrise à merveille : la couleur directe. Certaines planches sont d'une richesse étonnante, notamment toutes les scènes oniriques se déroulant dans ce fameux monde des esprits.
« La légende de Noor » (tome 1), Delcourt, 14,95 €


samedi 21 février 2015

Livre : Il pleuvait des oiseaux


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Dans les forêts du grand Nord, une photographe découvre deux ermites octogénaires. Un roman tendre et émouvant sur l'oubli, la fin de vie et la solitude. La solitude se mérite. Elle se choisit aussi. « Il pleuvait des oiseaux », premier roman publié en France de la québécoise Jocelyne Saucier se lit comme une retraite spirituelle quand on se retire dans une cabane perdue au fond des bois. Ces forêts, immenses, hostiles, sauvages, sont omniprésentes dans le récit. Le texte, sensible, fait la part belle aux souvenirs, au temps qui passe, inexorablement. On ne sort pas indemne d'un récit où l'on ne peut que se projeter en fonction du nombre théorique d'années que l'on pense encore passer sur terre. (Folio, 7 €)

vendredi 20 février 2015

BD : Bourreau, triste métier


piik, bourreau, cazenove, cécile, bamboo
Stakhanoviste du gag, Cazenove, tel un Cauvin au faîte de sa gloire, délaisse ses nombreuses séries comiques le temps d'un album de 48 pages, avec une intrigue, des personnages plus profonds et beaucoup de rires (on ne se débarrasse pas du naturel aussi facilement...) Dans un Moyen âge idéalisé, le jeune Piik aime traîner dans la nature en compagnie de son jeune renard apprivoisé. S'il n'a plus sa maman, morte peu de temps après sa naissance, il lui reste son papa. Pour son plus grand malheur. Ce n'est pas qu'il soit méchant avec son fils, au contraire. Simplement Piik redoute le moment où il va devoir prendre la relève de son père. Un métier qui se transmet de génération en génération : bourreau. Pour éviter cette malédiction, l'enfant multiplie les ruses. Cela donne un éventail considérable de gags récurrents où la pâte de Cazenove fait merveille. Le salut de Piik passera peut-être par un message de sa mère. Encore faut-il qu'il apprenne à lire. Dessinée par Cécile, cette première aventure de Piik a des airs de « Royaume » de Féroumont. Un dessin rond et efficace, au service du récit.

« Le livre de Piik », Bamboo, 10,60 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Les vieux se rebiffent

Encore deux jours à tenir. Trois dans le pire des cas. Deux jours avant que vos enfants ne viennent récupérer leurs chérubins confiés aux bons soins de papy et mamy durant les vacances scolaires.
On a longtemps cru que les grands-parents acceptaient de jouer les baby sitters de secours avec plaisir. Un sondage réalisé par OpinionWay pour Belambra (le "seul Club de vacances à proposer un Club enfants dès 3 mois") permet de connaître tous les sons de cloches. D'une façon générale, 83 % des Français estiment que les grands-parents apprécient de partir en vacances avec leurs petits-enfants. Mais ce même sondage fait ressortir que 67 % des plus de 65 ans estiment qu'il vaudrait parfois mieux "les avoir en photos" que de les garder plusieurs jours d'affilée.
Papy et mamy en ont assez de jouer les parents de substitution. Et ils éprouvent un réel soulagement de voir repartir ces gentils bambins, certes, mais pas toujours sur la même longueur d'onde. Sans compter que l'agenda du "troisième âge" d'aujourd'hui s'avère souvent bien rempli. Et peu gratifiant le rejet ou l'indifférence quasi systématiques à leurs propositions.
Une partie de petits chevaux ? Ah non papy, plutôt une bonne baston dans "Call of duty". Une sortie au musée ? Quitte à faire une sieste, autant rester dans le canapé. Et au cinéma, "La famille Bélier" ça te dit ? A choisir, je préfère "Cinquante nuances de Grey". "Pas possible, répond Papy. Tu es trop jeune et de toute manière Mamy l'a déjà vu avec ses copines... »
Dans deux jours ce sera du passé. Vous pourrez reprendre une vie normale. Et penser : vivement Pâques...

jeudi 19 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Passagers clandestins

mocrobes, bactéries, avion, transportChaque moyen de transport collectif a son type spécifique de passager clandestin. Du désespéré qui se glisse dans le train d'atterrissage d'un Jumbo en passant par le malin qui saute au-dessus des tourniquets du métro, ils sont toujours plus nombreux.
Pourtant il est bien une catégorie de voyageurs embusqués que l'on retrouve partout et en nombre beaucoup plus important mais qui passent toujours inaperçus : les bactéries. Une étude américaine vient de démontrer que les redoutables E. coli et staphylocoque doré peuvent survivre de 96 à 168 heures dans certains éléments des cabines d'avion comme les accoudoirs, les poches situées sur les dossiers, ou encore les tablettes.
Vu l'utilisation intensive des appareils, ces bactéries se paient à peu de frais un joli tour du monde. Si encore elles restaient bien planquées au fond de la pochette... Mais elles ont la fâcheuse habitude de ne pas rester en place. Séduites par les multiples passagers (qui eux ont payé très cher le droit de s'ankyloser dans ces sièges exigus), elles circulent de corps en corps, contaminant sans fin la planète.
Voilà comment, après une semaine de farniente sous les tropiques, vous revenez avec une tourista carabinée. Logiquement vous accusez la nourriture trop épicée et l'hygiène douteuse de l'hôtel trois étoiles. Erreur ! Ce que vous ramenez à la maison vous a été légué par le passager précédent qui a utilisé votre siège. Plutôt que de se laver les mains après un tour au petit coin, il a préféré "s'essuyer" sur l'accoudoir.
Prendre l'avion comporte bien sûr certains risques, même si le véritable danger ne consiste pas à s'écraser d'une hauteur de 10 000 mètres.

BD : Retour aux sources pour les descendants de pieds-noirs


Burton, Mahi Grand, algérie, Steinkis
Fille de pied-noir. Longtemps Olivia Burton a souffert de cette étiquette forcément péjorative dans la bouche de ses amis, plutôt urbains et de gauche. Ce passé, elle a préféré l'oublier, l'occulter. Mais il refait surface dès qu'elle se retrouve en famille et à la mort de sa grand-mère, l'envie de retourner sur la terre des ses ancêtres est plus forte que la peur de se retrouver dans une zone désertique et peu sûre. En 2011 elle prend l'avion et avec pour seul bagage une adresse et un contact, va découvrir un pays qui saura la séduire car il est « beau comme l'Amérique ». Olivia Burton a mis sur papier ce périple et c'est Mahi Grand qui s'est chargé de l'illustrer, d'un trait simple en noir et blanc, hormis les reproductions de quelques photos aux couleurs si vivantes. Mais là où le récit devient passionnant, c'est quand Olivia doit composer avec son guide, un Algérien, lui aussi déraciné car vivant en France depuis des décennies. Deux parcours, deux découvertes pour une relation qui fait des étincelles mais apporte tout son sel au voyage. Une très belle BD, entre éducation politique et douce nostalgie.  

« L'Algérie c'est beau comme l'Amérique », Steinkis, 20 €

mercredi 18 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Aux ploucs de province

capdevielle, macron, parlement, paris, ploucsL'unité nationale a vécu. Même dans les rangs des députés socialistes, elle vole en éclat. L'extrême difficulté pour le gouvernement de faire adopter la loi Macron en est le dernier exemple.
Mais le psychodrame était pourtant prévisible. Certaines interventions d'élus de gauche au moment des débats donnaient déjà le ton. Pas forcément les frondeurs, les jusqu'auboutistes qui rêvent d'un destin à la Syriza. Non, il suffisait d'écouter les élus de la base, les anonymes plus souvent dans leurs permanences que sur les plateaux de télévision. Colette Capdevielle est députée des Pyrénées-Atlantiques. A priori, elle est favorable à cette loi Macron. Par contre, elle n'a pas du tout supporté la façon dont certains ténors ont présenté les choses.
Dans son intervention, reprise par La Chaîne Parlementaire, elle a mis toutes ses tripes de provinciale exaspérée par ces bêtes caricatures. "Je suis un petit peu fatiguée que l'on vienne me dire aujourd'hui ce que doit être mon dimanche". Et de lister les activités préconisées par certaines bonnes consciences comme "la spiritualité, la vie associative, culturelle, familiale, politique et sportive". "Je suis un petit peu fatiguée également, poursuit la parlementaire basque, que l'on vienne me dire qu'aller au marché n bio, bien sûr n le dimanche, c'est tout à fait convenable. Par contre, ces provinciaux et ces ploucs de province, eux, ils vont dans les jardineries et les supermarchés, et ce ne serait pas bien. Franchement, je le dis, j'en ai assez, véritablement assez d'entendre cela."
Rassurez-vous Mme Capdevielle, vous n'êtes pas la seule !

Travail du dimanche : le coup de gueule de... par LCP

mardi 17 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : La petite mort sucrée

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Dimanche, des millions de personnes dans le monde ont perdu leur pire ennemi. Leur meilleur ami aussi, parfois. Michele Ferrero est mort à 89 ans. Ce richissime italien, inventeur du Nutella, a mis au point la recette et inondé le monde entier de sa pâte à tartiner que beaucoup comparent à une drogue dure.
Normalement il est recommandé de ne pas abuser des bonnes choses. Mais comment résister à la tentation de manger du Nutella à la petite cuillère, voire à la grosse en cas d'énorme déprime ?
Ferrero disparu, le problème reste entier pour les millions de personnes qui prennent plusieurs kilos par mois en noyant leur tristesse ou leur désespoir dans ce produit miracle. Sur le moment, ça marche du feu de Dieu. Onctueux, chocolaté, fondant dans la bouche : le Nutella semble être la matérialisation même du bonheur sur terre. Méfiez-vous des apparences.
Tous les diététiciens vous diront qu'une seule bouchée est bourrée de sucre et de matières grasses. Et pas des plus nobles. Comme la fameuse huile de palme responsable de 80 % de la déforestation de la planète et suspectée de favoriser les maladies cardio-vasculaires. Elle n'aurait pas acquis ses lettres de noblesse si elle n'intervenait pour beaucoup dans la recette originale. Taper sur le Nutella est devenu une mode qui résistera à la disparition de son créateur.
Pourtant ce n'est pas le produit qui est en cause, mais notre incapacité à mettre en pratique le sempiternel "avec modération". A moins que les détracteurs de cette réussite agroalimentaire ne soient que des jaloux, envieux de la fortune colossale de feu Michele Ferrero...

DE CHOSES ET D'AUTRES : De la cuisson d'un œuf

chilmie, oeuf, urée, cuisson, cruAvancée majeure dans la recherche scientifique. Des chimistes ont découvert comment décuire un œuf. Cette trouvaille ne semble pas essentielle au premier abord, mais risque de modifier bien plus que nos habitudes culinaires.
Après avoir cuit un œuf durant 20 minutes, de cru il est devenu dur. Les chercheurs américains et australiens ont trouvé une méthode pour redonner l'aspect mou et liquide au jaune et au blanc. Les mauvais cuisiniers ont désormais la certitude d'obtenir des œufs coque parfaits quoi qu'il arrive. Vous avez dépassé les fatidiques 3 minutes ? Pas de problème, cette découverte permettra de faire marche arrière dans la cuisson. Et si le procédé fonctionne pour les œufs, pourquoi pas pour la viande ? Votre steak, demandé bleu, arrive carbonisé. Vous pourrez le renvoyer sans état d'âme en cuisine, où il sera modifié pour retrouver son aspect initial.
En extrapolant un minimum, on peut même imaginer les conséquences éthiques qui pourraient découler de ce "retour à l'état initial". Le steak, de cuit, redevient cru, puis carrément vivant. Et si en voulant décuire un œuf, les chercheurs avaient mis le doigt sur le philtre d'immortalité ?
Avant de vous enthousiasmer outre mesure, il convient peut-être de se pencher sur l'ingrédient principal utilisé dans l'expérience. Afin de reconditionner les protéines composant l'œuf cuit, il faut le recouvrir… d'urée. Un produit présent en quantité dans notre urine. Alors certes, l'œuf est à nouveau cru, mais si vous avez l'intention de l'utiliser pour monter une mayonnaise, ne vous étonnez pas de ce drôle d'arrière-goût.

lundi 16 février 2015

Cinéma : Des « Merveilles » italiennes fantasmagoriques et oniriques


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Une famille se décompose face aux défis du futur.

Récompensé du Grand Prix du Jury au dernier Festival de Cannes, « Les Merveilles » d’Alice Rohrwacher est un film hors du temps, gracieux, onirique et fantasmagorique. Un diamant à l’état brut, qui brille dans l’obscurité, aveugle même en plein soleil. De ces œuvres qui restent longtemps dans les mémoires, comme des souvenirs enfouis au plus profond de notre mémoire mais qui jamais ne s’effacent complètement. Il y est question de merveilles mais surtout de mémoire, du temps passé, de l’oubli et de la perte d’identité. Une somme de thématiques, toutes abordées avec cette subtilité italienne si efficace quand elle est utilisée à bon escient.


La maison est délabrée. Toute la famille y vit un peu entassée, comme les anciennes tribus. Il y a le père (Sam Louwyck), la mère (Alba Rohrwacher, sœur de la réalisatrice) et leurs trois filles. La plus grande, Gelsomina (Maria Alexandra Lungu) devrait profiter de son adolescence. Mais elle est sans cesse réquisitionnée par son père pour les travaux de l’exploitation. La famille vit du miel produit par quelques dizaines de ruches disséminées dans cette campagne de la région d’Ombrie. Il faut le collecter puis, à la ferme, l’extraire et le conditionner. Un travail quasi 24 heures sur 24 qui obsède Gelsomina.
Ce quotidien parfaitement réglé, loin de l’agitation de la ville et de la vie moderne, est brouillé par deux événements. Pour gagner un peu plus d’argent, le père accepte d’accueillir un jeune délinquant allemand placé par une association. Martin, silencieux et casanier, en plus de rapporter une petite somme, sera parfait pour réaliser les travaux de force dans l’exploitation. Au même moment, une équipe de télévision vient faire des repérages dans cette campagne préservée pour tourner une émission de téléréalité sur la richesse de ce terroir préservé. Gelsomina et sa sœur Marinella sont subjuguées par la présentatrice, Milly Catena (Monica Bellucci), sorte de déesse des temps anciens à la tunique immaculée et aux longs cheveux blonds.

La réalisatrice va lentement dérouler son intrigue, entre hésitations des filles, renoncement du père, et envie d’émancipation de la mère. Comme si la conjugaison de tous ces événements marquait la fin d’une époque, d’une vie. Les images sont d’une rare beauté, notamment quand interviennent les milliers d’abeilles, symboles de cette campagne en pleine déliquescence pour cause de modernité. Un film beau, tout simplement.

BD : La Terre contre la Lune selon Stafan Wul

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La collection consacrée aux romans de Stefan Wul s'enrichit d'un nouvel opus. Adapté par Thierry Smolderen et dessiné par Laurent Bourlaud, il s'agit du premier roman écrit par ce Français, pharmacien de province dans le civil, devenu en moins de dix ans un formidable conteur à l'imagination foisonnante. Jâ Benal, espion à la solde du gouvernement de la terre, est envoyé sur la Lune devenue depuis trois siècles une gigantesque prison. Ce savant a pour mission de découvrir comment le gouvernement lunaire entend détruire la Terre. Entre espionnage, romance et pure science-fiction, cette première réalisation de Stefan Wul a intéressé Smolderen par son côté feuilletonesque. Sans aucune expérience, l'écrivain en devenir s'est lancé dans l'écriture sans le moindre plan ni idée de fin. Il s'est simplement laissé guider par les personnages et les événements. Un côté naïf et un peu foutraque qui pourtant fonctionne relativement bien. L'intérêt assez limité de cette œuvre de jeunesse est rehaussé par la réalisation graphique très novatrice de Laurent Bourlaud. Cela fait penser parfois au constructivisme soviétique, avec des morceaux de Brick Bradford, archétype de la science-fiction américaine des années 30. Un album un peu déroutant au début, notamment en comparaison avec les autres titres de la collection, plus classiques, mais parfaitement adapté au ton du récit entre grandiloquence et réflexion humaniste.

« Retour à zéro », Ankama, 14,90 €

dimanche 15 février 2015

BD : Le rôle de Pinkerton dans l'horreur de la guerre civile américaine


Pinkerton, sécession, guerre, USA, guérin, damour, glénat
En décidant de retracer les aventures d'Allan Pinkerton, Rémi Guérin (scénario) et Damour (dessin) racontent en fait les pages noires et cachées de la création des États Unis d'Amérique. Ce nouveau dossier porte sur le « massacre d'Antietam ». Bataille cruciale dans la guerre de Sécession, elle est connue comme la plus sanglante de l'histoire du pays. Les blessés se comptent par dizaines de milliers et 3 600 hommes perdirent la vie en ce 17 septembre 1862. Les auteurs imaginent que Pinkerton est au centre de ce fait d'arme fédérateur pour la victoire du Nord. Ses agents, infiltrés dans le camp du général Lee, subtilisent ses plans de bataille. Un avantage de taille mais qui n'est pas exploité par les officiers nordistes, vexés qu'un civil soit plus efficace qu'eux. Il reste que Lincoln, ami de Pinkerton, a profité de cette demi-victoire pour enfin abolir l'esclavage dans le pays, donnant un nouvel élan à son camp. Très bien documentée, cette BD donne également l'occasion à Damour de dessiner des scènes de bataille spectaculaires. On devine dans son trait toute la violence de ces affrontements fratricides.

« Pinkerton » (tome 3), Glénat, 13,90 €

samedi 14 février 2015

BD : Holly Ann, Détective de Louisiane

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La Nouvelle-Orléans, son bayou, ses musiciens, ses légendes. Pour connaître tous les secrets de cette ville multiethnique, il faut obligatoirement passer par Holly Ann. Cette jeune femme, une quarterone (un quart de sang noir dans les veines) d'une rare beauté comme le sont souvent les métisses, est officieusement la meilleure détective privée de la ville. Le récit se déroule à la fin du 19e siècle et les tensions entre communautés sont encore très vives. Un riche fermier est au désespoir. Son fils a disparu. Holly Ann se rend sur place et se renseigne. Rapidement elle découvre que l'enfant n'est pas seul à avoir déserté la plantation : un jeune noir, chargé de sa surveillance et de celle de sa jeune sœur, est lui aussi porté manquant. La découverte du cadavre de l'enfant, victime d'un rituel vaudou, va rapidement mettre la ville en effervescence. Écrit par Kid Toussaint, cette enquête policière est dessinée par Stéphane Servain. Son trait fluide et puissant s'adapte parfaitement aux ambiances chaudes et angoissantes de ce monde secret. Quant à Holly Ann, présentée comme une nouvelle Adèle Blanc-Sec, elle a tout pour séduire de nombreux lecteurs.

« Holly Ann » (tome 1), Casterman, 13,50 €

vendredi 13 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Police ! Game over !


Bibix se fait arrêter par la police par Gameblog

Etrange aventure que celle arrivée mardi soir à Hubert Skrzypek connu sous le petit nom de Bibix dans le monde des gamers, ces geeks fans de jeu vidéo au point de se montrer en direct sur la plateforme Twitch. Casque sur les oreilles, Bibix se bat contre une horde de zombies affamés. La tension est extrême quand on frappe à sa porte. Exactement, on défonce sa porte d'entrée. Le reste de la scène est enregistré et repris sur tous les réseaux sociaux. Ce ne sont pas des zombies venus boulotter le cerveau de Bibix mais plus prosaïquement une équipe de la BAC (brigade anticriminalité) en pleine intervention. Mis en joue, Bibix, forcé de mettre les mains sur la tête, est menotté derechef par les fonctionnaires de police. Interloqué, il demande quand même pourquoi on l'arrête. Pas de réponse. Et puis il percute enfin : un canular, il s'agit d'un simple canular. Pourtant les menottes semblent diablement réelles et les policiers excellents acteurs. Et pour cause, eux aussi sont des pigeons dans l'affaire. Bibix est le premier Français victime d'un « swatting ». Aux USA la mode fait des ravages. Le but de ce bête défi consiste à persuader la police d'intervenir en urgence dans un appartement où un crime serait en cours. Les fameux « Swatt » déboulent en force dans la maison. Que l'opération soit diffusée en direct sur le net rajoute un plus indiscutable. Dans le cas de Bibix, le pirate a usurpé son identité au téléphone et expliqué aux policiers qu'il venait de trucider sa femme... Des zombies d'accord, sa copine, jamais ! Moralité, si Bibix a la malchance d'être attaqué par de vrais méchants, son appel risque fort de passer à la trappe.  

DE CHOSES ET D'AUTRES : Autotestez votre sperme

Je ne sais pas si c'est la Saint-Valentin, le procès du Carlton ou la sortie du film « Cinquante nuances de Grey », mais il me semble que tout tourne autour du sexe ces derniers jours. Pas celui sibyllin des anges, mais bien de « l'amour propre », comme l'a si talentueusement dessiné Martin Veyron, même s'il « ne le reste jamais longtemps... ». Dernière information en date qui m'interpelle, la mise en vente dans les pharmacies françaises de SpermCheck, « le premier autotest rapide de fertilité masculine à réaliser chez soi en toute intimité ». Un peu comme un test de grossesse, mais en inversé. Déjà vendu aux USA et en Grande-Bretagne, ce produit coûte entre 35 et 39 euros (non rembousés) et semble d'un maniement enfantin. Il suffit de mélanger un peu de sperme à une solution spéciale, placer six gouttes sur le lecteur et attendre sept minutes (le timing doit être très précis pour en assurer la fiabilité) pour lire le résultat. Deux barres rouges, bingo, vous avez plus de 15 millions de spermatozoïdes par millilitres, vous êtes parfaitement fertile. Une seule, vos potentiels petits descendants sont beaucoup moins nombreux qu'ils ne devraient l'être. Mieux vaut consulter...

Simple certes, mais comment obtenir ce sperme à tester ? Il n'y a pas cinquante solutions me souffle M. Grey en poussant du coude DSK qui se marre... En réalité, la seule et véritable difficulté réside dans cette action qui, tout en étant éminemment naturelle depuis la nuit des temps, est souvent jugée immorale et contre nature.  

jeudi 12 février 2015

Cinéma : les nouveaux petits génies de l'univers Disney


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Un gamin surdoué met au point de mini-robots révolutionnaires. Une invention qu’un méchant détourne de son but premier. Place aux « Nouveaux héros ».


Disney, après une mauvaise passe, revient dans le jeu des grandes et belles productions, capables de marquer durablement l’imaginaire de millions d’enfants. Après « La reine des neiges » et avant le retour de Starwars en décembre, place aux « Nouveaux héros », film en 3D issu de l’univers des comics Marvel. Dans un San Francisco transformé en ville japonaise, le jeune Hiro, surdoué des mathématiques, délaisse ses études pour construire des robots combattants. Il participe ainsi à des combats clandestins (et illégaux) qu’il remporte haut la main, tant ses inventions sont efficaces et surtout semblent inoffensives. Même chez les robots, l’apparence a son importance avant la bagarre, tout est une question de confiance...
Le grand frère de Hiro, désespéré de voir ce talent gâché, le convainc d’aller au moins une fois dans l’université où il fait ses études. Là, c’est le coup de foudre. Tant pour le professeur Callaghan, une sommité voire une légende en robotique, que pour les autres étudiants, tous plus bizarres les uns que les autres. Hiro va rencontrer aussi pour la première fois Baymax, le robot infirmier que son frère est en train de mettre au point. Cette grosse boule de baudruche se révèle rapidement le véritable personnage principal du film. Celui qui offre les plus de possibilités d’évolution pour porter l’intrigue vers un film plus palpitant et émouvant.

Baymax, mon héros...
Hiro va réussir à intégrer l’université, mais son bonheur sera de courte durée. En plus d’un deuil familial (spoiler à ne surtout pas révéler même s’il arrive assez tôt dans l’histoire), une de ses inventions, de mini-robots à l’efficacité démultipliée comme une colonie de fourmis, est dérobée par Yokaï, méchant absolu bien décidé à détruire la ville avec. Pour le contrer, Hiro va perfectionner Baymax et transformer ses amis étudiants en super-héros aux pouvoirs étonnants.
L’ensemble fonctionne parfaitement. Les décors somptueux savent laisser la place à l’émotion et surtout la bande qui se forme est pleine de promesses. De GoGo Tomaso, la fille aux rollers en passant par Wasabi, le rasta maniaque ou Fred, le nonchalant rêveur, chaque personnage secondaire a suffisamment de corps et de potentiel pour devenir à tour de rôle vedette d’une suite qui ne devrait pas tarder. Sans oublier Baymax (doublé par Kyan Khojandi), le gentil robot si doudou, idéal en produit dérivé et assurément future vedette au long cours de l’univers Disney.




Bref, je suis un robot infirmier
Dans la version française, la voix de Baymax, le gentil robot infirmier est confiée à Kyan Khojandi. Le créateur de la série « Bref » a beaucoup apprécié cette première collaboration avec l’univers Disney. « Mes deux films préférés sont Dumbo et le Roi Lion. En fait, Baymax est un humain qui a une voix de robot. Tout ce qu’il dit c’est avec bienveillance et gentillesse. » Le jeune réalisateur devenu acteur s’est parfaitement reconnu dans le rôle. « On peut obtenir beaucoup avec un “s’il te plaît” et un “merci”. C’est une philosophie que j’ai toujours appliquée. On devrait s’entraîner à sourire... » On trouve un peu la pâte Khojandi dans quelques improvisations comme le « Puka Puka Puk » qui a toutes les chances de devenir culte. De même, quand Baymax n’a quasiment plus de batterie, son élocution balbutiante est une pure improvisation.
Cette parenthèse refermée, Kyan Khojandi va retourner à ses premières amours. « Je travaille à l’adaptation ciné de “Bref”. Mais je fais également des apparitions dans des films de copains comme “Nous trois ou rien ”. »

mercredi 11 février 2015

DVD : Emmanuelle n'a pas vieilli

emmanuelle, just, arsan, kristel, studiocanalAlors que sort sur grand écran « Cinquante nuances de Grey », Studiocanal propose la réédition en DVD et blu-ray de ce qui s'est fait de mieux dans le cinéma érotique : « Emmanuelle ». Sylvia Kristel y dévoile ses courbes et son appétit féroce pour les jeux de l'amour. Loin d'avoir vieilli, ce film de Just Jaeckin prouve que le sexe est par excellence un sujet qui traverse les époques. On remarquera d'ailleurs que comme Emmanuelle, Cinquante nuances de Grey est l'adaptation d'un roman. Les images c'est bien pour la libido basique, mais rien ne vaut un bon texte suggestif pour enflammer les sens...

« Emmanuelle », Studiocanal, 9,99 euros

mardi 10 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Facteurs à tout faire...

Il y a parfois des baffes qui se perdent dans certaines administrations chargées de penser le futur de la société française. Notamment dans le petit cercle des technocrates dont le seul but consiste à trouver de nouvelles occupations aux agents de la Poste. Comme le volume de courrier à distribuer est en diminution, les statistiques sont irréfutables, ils sont persuadés que les facteurs n'ont plus rien à faire. C'est oublier un peu vite que les tournées sont de plus en plus longues pour cause de réduction d'effectif. Mais ça, c'est une broutille pour ces génies de la prospective. Alors ils inventent. Tout et n'importe quoi. Comme confier aux facteurs l'examen du permis de conduire. Certes, ils sillonnent les routes sans arrêt, mais de là à remplacer des examinateurs assermentés, le gouffre est de taille. Localement, la Poste a décidé de transformer ses agents en « ambassadeurs du tri sélectif ». Logique vous me direz. Après avoir raflé certains marchés de distribution de prospectus publicitaires, la Poste va expliquer à ses usagers comment jeter immédiatement ces tonnes de papiers inutiles directement dans les poubelles jaunes. Une sorte de raccourci très symbolique d'une certaine conception du gaspillage made in France... Ne doutons pas que d'autres métiers secondaires vont se rajouter aux tâches des facteurs. Pourquoi ne pas relever les compteurs EDF, sortir les chiens pour qu'ils fassent leurs besoins, conduire les enfants à l'école, arroser les bacs à fleurs communaux... Le facteur français deviendra alors une sorte de « fonctionnaire couteau suisse » et au bout du compte, perdra son identité.
Chronique parue le 10 février en dernière page de l'Indépendant. 

lundi 9 février 2015

BD : Monde sauvage et primitif


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Quand on parle d'enfant sauvage, on ne retient que l'histoire de Victor, le jeune découvert en Aveyron et dont François Truffaut a transformé l'existence (et surtout le retour à la vie civilisée) en chef-d'œuvre du cinéma. Mais il existe plusieurs cas similaires. Ce gros roman graphique de plus de 200 pages est la biographie de Marie-Angélique Le Blanc, née en 1712 aux Amériques et morte en 1775 à Paris. Morvan et Bévière, les scénaristes, se sont librement inspirés du livre de Serge Aroles. Gaëlle Hersent assure la mise en images. En Champagne, des chasseurs découvrent au bord d'une rivière le cadavre d'une jeune Noire. A ses côtés, ce qu'ils prennent pour un démon. En réalité c'est une fillette retournée à l'état sauvage. Quelques jours plus tard, la faim la pousse à s'approcher des habitations. Capturée, elle est confiée au noble du village. Celle qui n'a pas de nom (elle ne sait pas parler) devient la sauvageonne qui mange de la viande crue qu'elle chasse à main nue (lapin, grenouilles...) et dort à même le sol. Mais en 1731, toute créature de Dieu doit recevoir un enseignement religieux. Elle est placée dans un couvent et sous la férule de rigides sœurs, acquiert des rudiments de langage et de maintien. Par contre, côté alimentation, elle ne supporte pas les aliments cuits et dépérit dès qu'elle n'ingurgite plus sa ration de chair saignante. D'où vient-elle ? Par quelles épreuves est-elle passée ? Les auteurs alternent avec brio les scènes actuelles avec les retour sur le passé de celle qui se nomme en réalité Louve quand elle était dans une tribu indienne au Canada puis Marie-Angélique après son adoption par des colons français. Passionnante, cette vie de souffrance et d'errance donne matière à une BD d'une exceptionnelle densité. Au dessin, Gaëlle Hersent, pour sa première réalisation, place la barre très haut. Elle alterne les ambiances et les époques avec une même constance : rendre cette femme aussi mystérieuse qu'attachante, aussi sauvage que torturée par un secret inavouable.
« Sauvage », Delcourt, 24,65 € 

DE CHOSES ET D'AUTRES : Titres pas tristes

Samedi, ceux qui n'ont pas mis le nez dehors ont raté chez les marchands de journaux le meilleur titre de la presse de ces dernières années. Pour décortiquer la conférence rémunérée de Nicolas Sarkozy à Abou Dhabi, le lendemain de la législative partielle dans le Doubs, où l'UMP ne s'est pas qualifiée pour le second tour, Libération a titré « Sarkozy : l'errance d'Arabie ». La presse écrite peut en présenter de deux types : les informatifs et les incitatifs. Les premiers sont simples à trouver, les seconds plus vicieux car souvent à double tranchant et pas forcément compréhensibles par la majorité. Libé reste le champion du titre tordu. Souvent imité, jamais égalé. Ainsi le 18 janvier 2008, la manchette du quotidien annonce la « Mort du chanteur d'Oasis ». Comment, un des frères Gallagher est décédé et vous l'aviez manqué ? Non, le chanteur d'Oasis, pour Libé, c'est Carlos, le barde jovial tendance Obélix de la chanson française, interprète de cette publicité chantée pour une boisson fruitée... Quand Manuel Valls remplace Jean-Marc Ayrault à Matignon, le remaniement se résume en un « Ayrault valse » court et percutant. Et puis il y a les unes nécrologiques. La rédaction y a trouvé un filon. Coup de maître à la mort de Hergé, tous les articles d'actualité du numéro sont illustrés de vignettes extraires des albums des aventures de Tintin. Un collector régulièrement réédité. Avant, les lecteurs avaient appris que « Brassens a cassé sa pipe » ou que « Tout fou Lacan ». Trenet, le fou chantant a droit à un bien triste « Y'a eu d'la joie ». Libé va mal. Dommage, ses titres nous manqueront s'il cesse de paraître. 
Chronique parue lundi 9 février en dernière page de l'Indépendant.

dimanche 8 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Radio déjantée

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Europe 1 a fêté cette semaine ses 60 ans. La radio « périphérique » selon l'expression de l'époque, a révolutionné le genre. Pub et bonne humeur ont rapidement conquis les auditeurs. Et Louis Merlin, directeur de ces années-là, lance le premier mercato des ondes en débauchant Pierre Dac et Francis Blanche de la Chaîne Parisienne. Leur mission : imaginer un feuilleton loufoque capable de tenir la France en haleine. Ce sera « Signé Furax » diffusé entre octobre 56 et janvier 60. Ce chef-d'oeuvre de drôlerie, véritable phénomène de société, est à redécouvrir avec la parution dans la collection Omnibus de la première saison intitulée « Le Boudin sacré ». Près de 800 pages de péripéties incroyables avec un héros, Furax, clone de Fantômas et d'Arsène Lupin et les ping pong verbaux des inspecteurs Black & White, interprétés à l'antenne par leurs propres créateurs. Alors si les saillies de Cyril Hanouna ne vous font pas rire, si Ruquier vous désole et que Nagui vous indiffère, plongez dans cette saga en 125 épisodes où les Babus, adorateurs du boudin sacré, tentent de dominer le monde en dérobant les plus beaux monuments de Paris.

« Signé Furax, le Boudin sacré », Omnibus, 24 euros.
 

samedi 7 février 2015

BD : Pour les amis du mystère

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Serge Lehman multiplie les séries BD depuis quelques années. Après « La brigade Chimérique » et « Masqué », il se lance dans une nouvelle aventure avec Gess au dessin : Théo Sinclair est « L'œil de la nuit ». Jeune aristocrate souffreteux, il est plus habitué aux bibliothèques qu'aux champs de bataille. Comment s'est-il alors transformé en justicier de la nuit ? Les auteurs le dévoilent en partie dans le premier (et copieux, 96 pages) tome de ce récit entre histoire et fantastique. Au début du 20e siècle, la France ne parle que de l'invasion martienne de 1898. Les écrivains de l'époque, Maurice Leblanc, Gaston Leroux ou La Forge, le meilleur ami de Théo, se transforment en journalistes pour raconter les voyages spatiaux. Théo, accompagné de sa fiancée, assiste à la conférence de Camille Flammarion au cours de laquelle il dévoile la momie d'une nouvelle race de martiens. Un prélude qui permet de planter l'ambiance avant de plus personnaliser le récit. Théo, pour tenter de sauver son père, un savant, va se lancer sur les traces de l'Internationale de la Terreur, une organisation clandestine menée par la redoutable (et « merveilleuse » de l'aveu de Théo) Sonia Volkoff. Un récit dense, plein de trouvailles et surtout de suspense digne des meilleurs feuilletonistes de la grande époque.
« L'œil de la nuit » (tome 1), Delcourt, 15,95 €



vendredi 6 février 2015

Cinéma : Romain Goupil se met en abyme dans "Les jours venus"


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Un cinéaste, proche de la retraite, est la vedette du film « Les jours venus », entre réflexion sur la création et grosse rigolade sur le temps qui passe et la mort.


Le pitch est le suivant : un cinéaste, chaque fois qu’il déclenche sa caméra, il provoque une catastrophe. Il va filmer en Islande, dès son premier plan un volcan se réveille et paralyse le ciel européen. Au Rwanda, il provoque un génocide. Partout, filmer implique un drame. Il se demande alors comment profiter personnellement de cette particularité. Pourquoi ne pas aller filmer des dictateurs pour les faire mourir ? Ou dans la chambre des coffres d’une banque ? L’idée est bonne, séduisante, mais à 60 ans, le réalisateur a d’autres soucis. La retraite !
Romain Goupil, réalisateur à part dans le cinéma français, ne va pas arranger son image de marque dans un milieu peu enclin à dévoiler les coulisses de la création. « Les jours venus » est clairement une autobiographie, avec de vrais morceaux d’histoire, des images tirées de la vidéothèque de vacances familiales et des scènes jouées, mais ancrées dans la réalité. Un patchwork étonnant et surtout réjouissant car Romain Goupil, contrairement à son image d’intellectuel de gauche, ne se prend pas au sérieux. Ou ne se prend plus...

Séducteur malgré lui
Goupil se filme du début à la fin. Présent dans tous les plans, il fait partager au spectateur sa vie de tous les jours dans un désordre très travaillé. Parisien baguenaudant dans les rues, il échappe à plusieurs catastrophes. Des chutes de pianos. Trois fois... Dans son courrier, un formulaire pour activer ses droits à la retraite. Il fait remarquer perfidement à sa femme, Sanda, et ses deux enfants, de grands adolescents, eux au moins ont pensé à son anniversaire. Ce nouveau film, celui de la caméra catastrophe, il tente de le vendre à une productrice (Noémie Lvovsky) qui boit ses paroles avec un plaisir évident. Entre une réunion des locataires de son immeuble et un passage éclair aux Assedic, il prend rendez-vous avec sa banquière (Valeria Bruni Tedeschi). Pas pour parler finances, mais pour repérer la salle des coffres. « Et vous m’y embrasserez... » dit-elle en minaudant. Romain Goupil joue à la perfection le séducteur malgré lui. Sa femme l’adore, tous les autres personnages féminins également. Dont la jeune artiste (Marina Hands) locataire du même immeuble qu’il tente de former à la manipulation d’une assemblée en bon ancien trotskiste qu’il est toujours.
Ces scènes de la vie d’un intello parisien pourraient vite être rébarbatives s’il n’y avait pas avant tout une bonne dose d’humour et d’autodérision. Et ceux qui en doutent doivent absolument rester jusqu’à la fin. Une mise en abyme du film et de l’obsession de Romain Goupil à prévoir à la virgule près les modalités de ses obsèques. Car après 60 ans, de quoi peut-on mieux rire si ce n’est de sa propre mort ?


Une femme, des admiratrices

romain goupil, valeria bruni, berroyer, hands, mai68Si l’on excepte Jackie Berroyer pour un petit rôle de gueulard aigri, le reste de la distribution des « Jours venus » est exclusivement féminine. Pour la première fois à l’écran, l’épouse de Romain Goupil dans son propre rôle. De nos jours, mais aussi au moment de leur rencontre dans une Sarajevo dévastée par la guerre. Sa beauté est sans cesse magnifiée, en jeune maman ou en épouse attentive. Pourtant on a l’impression que le réalisateur n’a pas perdu son appétence pour les belles femmes. Elles sont trois à marcher sur les plates-bandes de Sanda. Marina Hands, la plus jeune, tombe sous le charme de cet homme « vieux et marié ». Or elle ne peut aimer que ce type de personnage...
La banquière, Valeria Bruni Tedeschi (photo), joue un rôle plus pervers. On sent bien que c’est elle qui a envie d’aller plus loin avec cet homme si intelligent, attachant. Lui se laisse désirer. Avec la productrice, c’est un peu différent. On devine une vieille complicité. Comme des amants de longue date, se connaissant parfaitement et un peu lassés mais jamais repus de préliminaires faisant la part belle à l’intellect. Quatre femmes pour un seul homme. Le veinard, même si cela ne reste que du cinéma... 

DE CHOSES ET D'AUTRES : La cravate et les notaires

Révolution financière ou vestimentaire ? L'arrivée d'Alexis Tsipras à la tête de la Grèce pourrait marquer le fin du diktat des financiers sur les politiques économiques des États. Le parcours sera long et semé d'embûches.
Par contre, le nouveau Premier ministre grec a déjà fait souffler un vent de modernisme et d'audace sur la classe politique européenne particulièrement compassée. En ne portant pas de cravate, il indique clairement qu'il n'appartient pas à leur "caste" selon le terme mis à la mode par un autre iconoclaste de gauche, Iglesias (Pablo, pas Julio...) leader de Podemos en Espagne. Tsipras, Iglesias font partie de la tendance "chevelu décontracté".
Le ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis fait plutôt dans le "musclé rasé". Lui non plus ne porte pas de cravate. Mais en plus il voyage en classe économique, porte un blouson de cuir et a des airs de garde du corps peu conciliant. En bon universitaire spécialisé en économie, il commence à perdre ses cheveux. Mais au lieu de rabattre ses dernières mèches sur le haut du crâne à la Giscard, il opte pour la boule à zéro façon Bruce Willis.
Soit ces politiques grecs d'un nouveau genre sont réellement "simples", soit ils ont tout compris de notre société basée sur l'apparence. Des contestataires décontractés sembleront toujours plus proches des gens et seront plus populaires auprès de la majorité que des notaires cravatés. Ces derniers, en s'accrochant à leurs privilèges du passé symbolisés par leurs costumes stricts, ne parviendront jamais à se faire aimer. Encore moins à se faire plaindre...

BD : Silas Corey combat l'argent des armes


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En novembre 1918, la France est en liesse. Une longue guerre vient enfin de s'achever. Le peuple est dans la rue, les députés entonnent la Marseillaise à l'Assemblée nationale. Pourtant Silas Corey, dandy et détective privé, n'a pas le cœur à la fête. «Voir tous ces gens danser au-dessus d'un charnier... ça me travaille les nerfs » confie-t-il à Nam, son valet homme à tout faire. Alors il boit, fume, joue et se bat... Comme pour s'empêcher de penser. Mais la réalité le rattrape. Un collègue vient mourir devant sa porte. Il décide de le remplacer dans son enquête. Le mort était chargé de retrouver l'héritier d'une richissime industrielle. Et Silas de recroiser la route de Madame Zarkoff, riche à million après avoir vendu des tonnes de bombes aux Français et aux Allemands qui viennent de s'étriper durant quatre ans. Il aurait envie de la tuer, mais au contraire va lui sauver la vie. Pour retrouver le potentiel héritier, il va aller en Suisse puis en Allemagne, pays en proie à d'énormes troubles après la défaite du Kaiser. Entre démocrates, rouges et premiers nazis, les tensions sont fortes. Scénario palpitant de Fabien Nury, dessin plein d'énergie de Pierre Alary, Silas Corey est une série à suivre.

« Silas Corey », (tome3), Glénat, 14,95 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Philippins sans pain

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Chers lecteurs végétariens, ne lisez pas les lignes qui suivent. Les Philippins n'aiment pas le pain. Ils se retrouvent du coup champions d'un hot dog bien chargé en calories (et c'est un euphémisme). La chaîne de restauration rapide KFC teste une version de ce sandwich... sans pain. La saucisse chaude reste toujours d'actualité, mais servie entre deux tranches de poulet frit. Le « Double down dog » est garanti 100 % viande.  
Les « carnassiers » européens -aussi nombreux soient-ils- n'auront pas la chance de le déguster dans les KFC locaux. Ce hot dog, testé durant deux jours en janvier dans quelques points de vente, a finalement intégré définitivement la carte de tout le réseau philippin en raison de son succès. Car si tous les diététiciens de la planète s'insurgent contre cette hérésie (une recette infaillible pour faire exploser diabète, obésité, goutte et maladies cardiaques ces prochaines années dans l'archipel de 100 millions d'habitants), les clients, eux, en redemandent.
Mais à bien y réfléchir, est-il plus irresponsable de vendre ces « total look viande » que de proposer des buffets libres, pratique de plus en plus courante dans la région ? Ils s'avèrent certainement plus problématiques pour qui n'arrive pas à se raisonner. Sans compter le gaspillage généré par cette nourriture proposée à volonté.
La défense de KFC aux Philippines se positionne de toute manière sur un autre terrain : le hot dog à la viande serait un peu moins calorique qu'un double cheeseburger. En vente libre, partout dans le monde, depuis des décennies. Doublement effrayant.

jeudi 5 février 2015

DVD : Le grand écart entre "Trafic" de Jacques Tati et "N'importe qui" de Rémi Gaillard

trafic, jacques tati, rémi gaillard, n'importe qui, ferroni, studiocanal, wild side videoJacques Tati, dans sa courte filmographie, a sacrifié à un exercice étonnant : le road trip. Mais avec Monsieur Hulot, pas de grands espaces américains ni de vitesse excessive. Son voyage va de Paris à Amsterdam, dans un vieux camion qui se démarre à la manivelle. Trafic, réalisé en 1971 après l'échec de Playtime, a un budget moindre. Au centre de ce périple, une petite voiture se transformant en camping car bourré de trouvailles en forme de gadget. Monsieur Hulot est chargé de convoyer ce prototype au salon de l'automobile d'Amsterdam. Il accompagne la chargée des relations publiques (Maria Kimberly). Ce qui aurait du n'être q'une formalité se transforme en périple sans fin, semé de difficultés. Dès le départ, le convoi prend du retard. Sur l'autoroute, le camion crève. Puis il tombe en panne d'essence. L'occasion pour Tati de déambuler dans la campagne nordiste à la recherche d'une petite station comme il n'en existe plus nulle part ailleurs. A la frontière, les policiers hollandais font du zèle et confisquent de camion. De plus en plus en retard, le prototype n'arrive finalement à bon port que le lendemain de la fermeture... Quasiment muet, ce film est aussi un regard sur le comportements des automobilistes. Quelques scènes volées les montre comme absents, occupés à farfouiller au plus profond de leurs narines dans les embouteillages... Il manque un peu de maîtrise, mais on retrouve toute la douce folie de M. Hulot dans cette version restaurée par les Films de Mon Oncle.
trafic, jacques tati, rémi gaillard, n'importe qui, ferroni, studiocanal, wild side videoSi Tati a toujours fait du grand cinéma, ce n'est pas véritablement le cas pour la première apparition sur grand écran de Rémi Gaillard, le trublion du net. Les intentions sont bonnes, le résultat beaucoup moins convaincant. Rémi Gaillard, dans son propre rôle, revient sur son succès sur le net. Un milliard de vues pour des sketches où il « fait n'importe quoi pour devenir n'importe qui ». Mais cette soudaine notoriété le coupe de sa fiancée (Nicole Ferroni, excellente dans ce rôle de fille à papa amoureuse et terriblement terre à terre) et ses amis. S'en suit une grave dépression. Gavé d'antidépresseur, Rémi devient représentant de commerce. Une vie insipide peuplée de cauchemars. Heureusement, sa folie reprend le dessus et reprend le chemin des tournages clandestins avec les policiers en victimes récurrentes. En truffant le film d'extraits de ses délires, Rémi Gaillard sauve l'ensemble.
« Trafic », Studiocanal, 19,99 euros le DVD, 21,99 le blu-ray

« Rémi Gaillard est n'importe qui », Wild Side Vidéo, 14,99 euros

mercredi 4 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Argent caché

finances, couple, mensonge
Dis-moi ce que tu me caches et je saurai comment tu m'aimes. Le fonctionnement d'un couple n'est jamais évident. L'amour aide à faire passer bien des pilules, mais ne résout pas tous les problèmes. L'argent, par exemple, reste un sujet délicat. Le coup de foudre n'implique pas forcément le partage des richesses.
Je suis toujours étonné du nombre de couples, même relativement âgés, qui, tout en vivant ensemble depuis des années, a conservé deux comptes bancaires distincts. Comme si les finances étaient hermétiques à la passion. Et même après, quand ils fusionnent leurs avoirs sur un seul et unique compte joint, la tentation de l'individualisme est forte. Un sondage réalisé par Ipsos pour la banque ING, montre que « 42% des Français n'ont pas de problème avec l'idée d'avoir des secrets dans leur couple en matière d'argent ». L'étude étant européenne, on découvre que nous sommes les champions de la dissimulation dans ce domaine.
Reste à savoir à quel degré se placent ces petites « trahisons ». Si les quelques euros dissimulés par monsieur servent à acquérir un bouquet, madame ne s'en offusquera pas. A moins bien sûr que les fleurs ne soient destinées à la maîtresse...
De même, monsieur ne reprochera pas à madame d'acheter un peu de lingerie fine dans un magasin spécialisé. Mais quelle serait sa réaction s'il découvrait que ces bouts de tissus affriolants n'étaient qu'un prétexte et la couverture pour acquérir ce sextoy tant désiré ?
Alors oui, on se ment. Mais ces jardins secrets ne sont-ils pas aussi les gardiens de la flamme entre amoureux ?