dimanche 31 janvier 2016

BD : Hermann, enfin au sommet !

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Finalement, la désignation du Grand prix de la ville d'Angoulême 2016 s'achève par un quasi-consensus. Après la polémique sur la sélection sexiste, puis la désignation des noms des trois finalistes (dont Claire Wendling), c'est Hermann qui l'emporte. Dessinateur réaliste aussi doué que prolixe, il fait partie des derniers géants des grandes heures du journal de Tintin. Qui, adolescent durant les années 60 à 80, n'a pas rêvé en découvrant les aventures de Bernard Prince ou de la belle Comanche ? Inlassable créateur d'univers, il a également exploré le récit historique avec "Les Tours de Bois Maury" chez Glénat et le récit d'anticipation dans le monde post-apocalyptique de Jeremiah (Dupuis). Une centaine d'albums à son actif, cette reconnaissance n'est que méritée. Hermann a longtemps été un maître du trait nerveux à la plume. Quand la notoriété lui a permis de faire des choix plus personnels, il s'est lancé dans la couleur directe, des aquarelles fragiles et sublimes. Là encore, il a égalé, voire dépassé, tout ce qui se faisait de mieux.
De plus, il est toujours très actif. Son nouvel album (avec Yves H., son fils, au scénario), vient de paraître dans la prestigieuse collection Signé du Lombard. "Old Pa Anderson" raconte une histoire de vengeance sur fond de ségrégation raciale dans le Mississippi des années 50. Le vieux Anderson, quand sa femme meurt de chagrin, décide de découvrir qui, il y a quelques années, a enlevé et tué sa petite-fille. Il va remuer des souvenirs désagréables et se frotter à la communauté blanche pour qui l'esclavagisme est loin d'être oublié. Une quête violente et sans espoir. Comme la société de l'époque. Et nombre des albums de Hermann qui ne fait pas partie des auteurs qui enjolivent la réalité.
"Old Pa Anderson", Le Lombard, 14,45 euros.

samedi 30 janvier 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Non, il n'a pas changé


Il faut toujours se méfier des grandes déclarations des hommes politiques après une défaite. Nicolas Sarkozy, battu en 2012, quitte dans un premier temps la sphère publique. Puis se ravise en précisant qu'il a changé. Maintenant il se retrouve à nouveau dans le rôle de l'outsider qui va tout casser pour reprendre sa place au sommet. Une reconquête qui passe par un livre paru la semaine dernière. Sarkozy dans ces pages a beau faire un certain nombre de mea culpa (Fouquet's, yacht de Bolloré...), il redevient la bête politique préférée des médias quand il répond aux nombreuses attaques à propos de son ouvrage. Et de se lancer dans une de ces comparaisons dont les plaisantins des réseaux sociaux s'emparent immédiatement. Racine, "a été très perturbé par les critiques quand il a sorti Phèdre. Les critiques sont oubliées, Racine non." L'ancien président ne doute de rien (c'est d'ailleurs une de ses forces), mais se comparer à Racine, faut oser... Résultat il déguste sur Twitter : "Sarkozy se compare à Racine ? Il a raison : son retour est une vraie tragédie !" écrit méchamment un certain Daarjeeling. Sarkozy n'a pas changé non plus alors qu'il agonit d'injures (selon le Canard Enchaîné), deux maires héraultais Les Républicains coupables d'avoir soutenu Dominique Reynié aux dernières régionales. Sarkozy tel qu'en lui-même donc, sûr de lui et en mode bulldozer. Mais son livre politique "La France pour la vie" dépassera certainement en succès "Pourquoi pas moi !", l'autobiographie de Jean-Vincent Placé qui plafonne à moins de 400 exemplaires.
Edit vendredi à 19 heures : Plusieurs lecteurs (Catherine, Aline...) m'ont signalé par email l'horrible faute publiée ce matin dans ce texte. Non, Nicolas Sarkozy "n'agonise" pas. Il""agonit" plus justement d'injures les deux maires. Je sens que cette faute risque de se retrouver dans les perles de la presse déchaînée du prochain Canard.

vendredi 29 janvier 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : L'odeur des sons

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Si Jacques Chirac a parlé, il y a très longtemps, des "bruits et des odeurs", des chercheurs américains ont eux planché sur la musique et les senteurs. Ces spécialistes en sciences cognitives ont interrogé des étudiants pour déterminer si une odeur pouvait caractériser divers sons ou styles de musique.
Un petit tableau synthétique circule sur internet, expliquant que le piano évoque la rose, le blues s'associe au cuir, le jazz au café et la funk à la banane. Plus étrangement, le heavy metal a des accointances avec le poisson et la cannelle alors que la pop des années 80 embaumerait l'ananas. Enfin de la musique de Bach, d'une façon générale, émanent des effluves de menthe.
Sans vouloir remettre en cause ces résultats obtenus, n'en doutons pas, après de longues recherches, il me semble que certaines associations semblent directement issues de l'imagerie populaire américaine. Le blues, musique des esclaves sent le cuir ? Comme la matière des fouets maniés par les maîtres ? Le café, breuvage sombre par excellence, associé au jazz, l'autre musique noire des USA, l'idée paraît un peu simpliste. Et si l'étude avait été réalisée en France ? La variété sentirait la guimauve ?
Personnellement, quand j'entends certains artistes à la radio, ils me dirigent illico vers des odeurs précises : Mireille Mathieu à la naphtaline, Renaud au tabac froid, Dave au fromage, Jo Dassin aux croissants chauds et Nolwenn Leroy au chou-fleur. Enfin, je vous épargnerai les remugles que m'inspirent Johnny Hallyday...

jeudi 28 janvier 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Frit, on grossit

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Quatre kilos pris en une semaine lors de mon séjour en Belgique. La cause de ce surpoids express ? Un simple déjeuner dans une friterie typique appelée "fritkot" en langage autochtone. En bord de route, la baraque ne paye pas de mine. Ici on peut consommer sur place ou à emporter. Le client qui me précède part avec une généreuse mitraillette, nom donné à ces sandwiches remplis de saucisses et de frites, le tout recouvert de mayonnaise.
Sur les conseils de ma belle-fille, Belge pur jus, je prends des "balls", un gros boudin aux herbes et une portion de frites. J'opte pour la grande. La vendeuse-cuisinière prend les ingrédients et plonge le tout dans les immenses bacs remplis d'huile bouillante. Malgré les hottes aspirantes gigantesques, l'odeur de friture envahit le préfabriqué. Et s'accroche à nos vêtements par la même occasion.
Sur mon plateau, cinq "balls", un boudin dégoulinant, de la sauce "américaine" et des frites en veux-tu en voilà. En fait, une grosse portion correspond à un cornet normal et deux fois plus à côté. Trop heureux de ma chance, je n'en laisse pas une seule ; je regretterai les 18 heures que durera ma digestion laborieuse. Les balls contiennent à de la préparation pour vol-au-vent (connu sous le nom de bouchée à la reine en France), entourées de chapelure. Le tout frit, il ne peut pas en être autrement...
Chaud, gras, succulent : tout ce que l'on cherche dans ces établissements très éloignés des sommets de la gastronomie mais qui, question chaleur humaine, ne connaissent pas d'équivalent.

mercredi 27 janvier 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Saveurs belges

belgique,ver,sauterelles,gastronomie,moulesUne semaine en Belgique : quatre kilos de plus. Le Belge aime la bonne chère et encore plus la partager. Invité chez des amis ou en famille, j'ai passé mon temps à manger. Des moules notamment. Des bestioles tendres et goûteuses, énormes, cuisinées nature avec beaucoup de légumes. Rien à voir avec les rachitiques espagnoles. Objectivement, dix moules belges valent en quantité une portion servie dans la région.
Après le classique, le bizarre. Chez ma belle-sœur, toujours en quête d'aventures gastronomiques, j'ai échappé heureusement aux graines germées dont elle parsemait il y a peu toutes ses préparations au grand désespoir de ses enfants. L'entrée restait assez étonnante, composée de poisson cru agrémenté de chips de gingembre. "Que des calories négatives" selon cette experte en nutrition allégée.
Le plat principal se révélait succulent, des pâtes bio passées au wok avec des morceaux de chorizo fort, des tomates cerise et une sauce à la crème de soja. Le pire arriva en guise de 'trou normand'. Alors que la discussion s'animait sur les malheurs du monde, la sœur de mon épouse sort du frigo deux coupelles de ce qui constitue selon elle l'avenir nutritionnel de la planète. Dans la première des vers, dans la seconde des sauterelles, l'ensemble frit. Ça croque sous la dent, n'a pas beaucoup de saveur et nécessite de grandes rasades de vin pour faire passer une sensation peu agréable. Sauf les vers de farine au petit arrière-goût de spéculoos.
Mange, c'est du Belge !

mardi 26 janvier 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Belgique, sans Molenbeek

belgique,molenbeek,bruxelles,communautarismeDepuis très longtemps j'ai une relation particulière avec la Belgique. Avant même d'épouser une Wallonne (rencontrée à Tahiti) le fameux Plat pays chanté par Brel m'attirait. La faute à ma passion pour la bande dessinée. De Franquin à Hergé en passant par Hermann ou Tillieux, grâce à la lecture hebdomadaire de Spirou et Tintin, je connaissais mieux les rues de Bruxelles ou de Charleroi que celles du petit village français où j'habitais (j'avoue, je n'ai jamais entendu parler de Molenbeek avant les événements de novembre dernier).
Après une fouille complète et exhaustive de ma valise à l'aéroport de Perpignan, je me suis envolé pour une semaine de vacances en famille, impatient de sonder l'état d'esprit des Belges. Pour ce qui est de tomber sur un repère de djihadistes, je repasserai. Mon séjour fut d'un calme absolu. Excepté quelques averses de neige et glissades sur les routes verglacées, pas le moindre danger en vue. Quant à l'état d'esprit des habitants, il est beaucoup plus serein que celui des Français. La psychose ne semble pas avoir traversé la frontière et l'état d'urgence très éloigné des préoccupations locales.
Et lorsqu'on parle de communautarisme, n'allez pas y voir l'affrontement entre « Français de souche » et « immigrés de la troisième génération ». En Belgique, la guerre civile, si elle doit avoir lieu un jour dans ce royaume tranquille, mettra aux prises francophones et néerlandophones. L'éternel conflit linguistique entre Wallons et Flamands qui doit faire bien rire à Molenbeek où la majorité de la population parle... arabe.

lundi 25 janvier 2016

BD : Aile volante en pleine uchronie

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Suite de l'uchronie imaginée par Jean-Pierre Pécau. Hitler, renversé par des généraux, est un mauvais souvenir que l'Europe tente d'oublier. Les USA occupent la partie ouest. Mais la guerre n'est pas terminée. Maintenant l'ennemi est à l'Est, Staline refusant de cesser le combat. Dans cette France toujours occupée (par les Américains et certains Allemands qui ont changé de camp), le général de Gaulle est en exil à Colombey-les deux églises. Dans les Landes, la très secrète base 51 sert de laboratoire à des ingénieurs en aéronautique. Le près prometteur Dassault tente de mettre au point une aile volante capable de dépasser le mur du son. Il doit pour cela avoir de bons pilotes. Nicolas Charlier est de ceux-là. Mais des années d'emprisonnement en Sibérie font que les Américains le soupçonnent d'être un agent infiltré. Sous le dessin efficace et précis de Maza, Pécau réécrit la guerre froide. Il fait intervenir quelques personnages réels. Notamment un certain Kennedy, témoin de moralité pour Charlier. Et pour faire encore plus vrai, le troisième tome devrait voir l'entrée en scène du préfet de Bordeaux. Un certain... Maurice Papon.
« USA über alles » (tome 2), Delcourt, 14,95 €


dimanche 24 janvier 2016

BD : Une Lady à Guantanamo


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Terminées les multiples identités pour la ravissante Lady S. L'héroïne imaginée par Jan Van Hamme et dessinée par Philippe Aymond est redevenue définitivement Shania. Oubliées également les missions secrètes pour cette espionne de haut vol. C'est à visage et identité découverte qu'elle travaille pour l'ONG Action 19. Au début de ce 11e tome de ses aventures, écrit et dessiné par Aymond qui a repris seul les destinées de la belle, elle participe à une conférence au conseil des droits de l'Homme pour obtenir une aide d'urgence pour les milliers de réfugiés. Dans les couloirs du bâtiment à Genève, elle croise Conrad, son ancien ami et « collègue » de la CIA. Ce dernier est en Suisse pour intercepter un agent de liaison qui possèderait des informations sur un futur attentat anti-américain. Or ce mystérieux homme n'est autre qu'Anton, l'ami d'enfance de Shania. Elle assiste à son enlèvement et fait tout pour le retrouver. Il croupit depuis quelques semaines dans la prison de Guantanamo quand elle parvient enfin à entrer en contact avec lui. Grâce à l'aide d'un avocat défenseur des droits de l'Homme, elle découvre que celui que les Américains prennent pour un activiste islamique est en réalité un agent infiltré. Mais alors qui est le véritable traitre ? Et l'attentat peut-il avoir lieu au cour même de la prison américaine sur territoire cubain ? L'album donne l'occasion de mieux comprendre l'histoire de Guantanamo et les exactions des militaires US. De l'action pure, avec rebondissements et coups de théâtre. Une excellente BD de divertissement.
« Lady S » (tome 11), Dupuis, 12 euros

samedi 23 janvier 2016

Livre : Des mots et des dessins contre la guerre


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Après les attentats de 2015 (janvier et novembre), un mot est souvent revenu à la une de l'actualité. La guerre, un mot que l'on croyait oublié à jamais dans cette France encore meurtrie après les deux conflits majeurs du XXe siècle. Ce livre tombe donc à point nommé pour nous rappeler une évidence : « Quelle connerie la guerre ! ». Une anthologie coordonnée par Jean-Pol Baras et Denis Lefebvre richement illustrée de dessins de Plantu. On retrouve de très grandes signatures de mémorables pacifistes, de Ganghi à Martin Luther King en passant par Henri La Fontaine (Prix Nobel de la Paix en 1913) ou Lanza del Vasto. Plusieurs chapitres permettent de comprendre le cheminement de la pensée anti-guerrière, des textes fondateurs aux chants des poètes. On doit malheureusement constater que ces beaux discours n'ont pas toujours été suivis d'effets. Comme si la violence parvenait toujours à prendre le dussus sur la raison, la bêtise sur l'intelligence. Pour preuve cet extrait de l'éditorial de Jean Jaurès intitulé « Sang froid nécessaire », paru le 31 juillet 1914 dans l'Humanité. « C'est à l'intelligence du peuple, c'est à sa pensée que nous devons aujourd'hui faire appel si nous voulons qu'il puisse rester maître de soi, refouler les paniques, dominer les énervements et surveiller la marche des hommes et des choses, pour écarter de la race humaine l'horreur de la guerre. » Le jour même, il est assassiné alors qu'il se trouve en terrasse du café le Croissant. 101 ans plus tard, d'autres fanatiques tueront des consommateurs en terrasse. La guerre n'en a pas terminé de nous pourrir la vie.

« Quelle connerie la guerre ! », Omnibus, 19,95 euros



vendredi 22 janvier 2016

BD : Marsu précolombien

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Le Marsupilami, animal de légende imaginé par Franquin pour pimenter les aventures de Spirou et Fantasio, vit ses propres aventures depuis son « évasion » des éditions Dupuis. L'animal à la longue queue fera son grand retour dans la prochaine aventure du groom signée Yoann et Vehlmann (au printemps normalement, en prépublication actuellement dans Spirou, le magazine), mais il continue sa vie propre sous le pinceau de Batem et les histoires de Batem. Double dose de Marsu, personne ne se plaindra. Dans sa 29e aventure intitulée « Quilzémhoal », une grave menace pèse sur la forêt palombienne. Une divinité précolombienne, muselée depuis des siècles, s'échappe à la faveur d'une virée nocturne dans un musée. Ce monstre qui dévore tout ce qui est vivant aurait « le corps recouvert d'écailles, sa bouche crache du feu, des ailes bleues garnies de griffes crochues sortent de son dos, il a douze yeux, quatre jambes, des cornes arment son crâne et son ventre est hérissé d'épines venimeuses. » Un adverse de poids pour le Marsu, en pleine guerre avec son collègue noir. C'est rythmé, plein de jeux de mots tirés par les cheveux et réellement effrayant à la fin.
« Marsupilami » (tome 29), Marsu Productions, 10,60 €


jeudi 21 janvier 2016

DVD : famille, je vous aime

Avec 'Une famille à louer', Jean-Pierre Améris réalise une comédie sensible.
Une mère de famille (Virgine Efira), obligée d'élever seule ses deux enfants issus de deux « coups de foudre » différents est contactée par un milliardaire dépressif et renfermé (Benoît Poelvoorde).
 Accepterait-elle de louer sa famille pour qu'il se rende compte, durant trois mois, des effets positifs de la vie de famille ? « Il y a beaucoup de mon parcours dans ce film » explique Jean-Pierre Améris. « Avec Benoît Poelvoorde j'ai trouvé mon alter-égo. Durant l'écriture du scénario, c'était déjà lui. Il est d'ailleurs lui aussi maniaque et angoissé dans le vie. »

Le réalisateur a aussi abordé des thématiques plus pointues, comme ses références (les comédies américaines) et sa volonté de styliser au maximum le film. On est clairement dans la caricature parfois, mais les acteurs parviennent à donner une belle humanité à ces deux contraires que tout attire. A l'arrivée il y a un film sensible, dans l'air du temps (la famille recomposée) et tout public. « J'ai voulu un peu constituer ma famille idéale » confie Jean-Pierre Améris qui avouera qu'il n'aurait jamais imaginé pourvoir vire un jour autrement que seul... On rit à ces étonnements des uns et des autres, on est également touché car, comme le dit si bien Jean-Pierre Améris, « la comédie ce n'est pas juste de la grosse poilade. Cela doit aussi être émouvant. »
Pour la sortie en DVD de ce film, Studiocanal a soigné les bonus. Presque une heure de making of sont proposés sous forme de quatre petits films sur l'univers des divers protagonistes. On découvre d'abord ce qui inspire Jean-Pierre Améris, puis ces sont Virginie Efira et Benoît Poelvoorde qui parlent longuement de leurs personnages. Enfin vous saurez tout sur la fabrication des deux décors principaux : la maison toute de guingois de la jeune chômeuse et la villa froide et inhumaine du milliardaire.
« Une famille à louer », Studiocanal, 14,99 euros le DVD, 15,99 euros le blu-ray.




mercredi 20 janvier 2016

Livre : Enquête policière sur fond de jazz


Après les livres, Claude Izner plonge les lecteurs dans le Paris musical des années folles.

claude Izner, jeremy nelson, victor Legris, paris, années folles, 10/18Exit Victor Legris, libraire enquêteur de la fin du XIXe siècle, place à Jeremy Nelson, musicien des années 20. Ainsi va la vie des héros de littérature populaire, un petit tour et puis s’en vont. La faute à leur créateur, Claude Izner, écrivain qui en réalité cache deux sœurs, Liliane Korb et Laurence Lefèvre, passionnées par le Paris de l’ancien temps.
Après avoir raconté les aventures parfois tumultueuses de Victor sur une douzaine de volumes, Claude Izner change de registre et d’époque. L’action se déroule en 1921. Toujours à Paris, mais le héros du roman “Le pas du renard” est un jeune musicien américain. Sa mère, française, ne lui a jamais parlé de son père. Un mystérieux homme rencontré à Paris. Il se lance sur ses traces et en profite pour découvrir l’extraordinaire richesse culturelle de cette ville monde. Sans le sou, il décroche un poste de musicien dans un cabaret, le Mi-Ka-Do, où dresseur de chat et chanteurs de variété font le show tous les soirs. Il va relancer la fréquentation du lieu en modifiant la programmation musicale. Place au jazz plus moderne et entraînant.

Un mort, des assassins ?
Une bonne partie du roman est une plongée très imagée dans ce milieu artistique parisien, en plein renouvellement avec l’arrivée du cinéma. On apprend tout sur les morceaux de musique en vogue, les films qui cartonnent, les publicités marquantes ou les revues les plus lues. Mais comme toujours avec Claude Izner, le tout sert de décor à une intrigue policière ardue. Le propriétaire du cinéma le Rodéo est tué dès les premières pages. Par qui ? On ne le découvrira que dans les dernières pages. Le corps a été escamoté par d’autres protagonistes. Là aussi, leur identité sera longtemps un mystère.
Jeremy, en cherchant les traces de son père, va intervenir comme un chien dans un jeu de quilles. Sans le vouloir, il va se retrouver suspect pour certains, trop curieux pour d’autres. Il en tirera quelques coups et horions en divers lieux marquants de la capitale.
Le lecteur lui aussi peut tenter de découvrir le ou les coupables entre Doxie, la patronne du cabaret, Sammy, son arpète, Marie, la jolie demoiselle chargée du vestiaire, Vialet, le fournisseur du bar en boissons alcoolisées, Rince-Mirettes, le dessinateur qui croque les clients ou Alcide, l’ancien pianiste du Mi-Ka-Do. Entre autres...
Un roman passionnant, aux doux relents historiques qui offre en plus une ouverture vers le passé : Victor Legris pourrait bien avoir quelques points en commun avec le jeune Jeremy.
Michel Litout
« Le pas du renard », Claude Izner, 10/18, 16,90 euros


mardi 19 janvier 2016

Cinéma : Un festival de rattrapage avec Télérama

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Durant une semaine, les meilleurs films de 2015 selon Télérama sont reprogrammés dans vos cinémas.
Il existe la télé de rattrapage, le cinéma aussi permet aux retardataires de profiter du meilleur de l'année passée. L'initiative est à mettre à l'actif du magazine culturel Télérama. La rédaction a sélectionné une quinzaine de films et avec l'association française des cinémas d'art et d'essai, les reprogramment sur une semaine, à un tarif préférentiel pour ceux qui ont le passe offert avec le numéro de cette semaine.
Cela donne l'occasion de voir quantité de chef d'oeuvre au prix imbattable de 3,50 euros la place. La sélection est subtilement équilibrée entre films français et étrangers. Côté francophone, trois poids lourds font partie des « élus », « Dheepan » de Jacques Audiard, « Marguerite » de Xavier Giannoli et « La loi du marché » de Stéphane Brizé. Ces productions qui ont très bien marché et qui se laisseront regarder une nouvelles fois par les amateurs. Le festival
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Télérama permet aussi à des réalisations plus confidentielles de bénéficier d'une seconde exposition. C'est le cas de « Trois souvenirs de ma jeunesse » d'Arnaud Desplechin, « Fatima » de Philippe Faucon et « Comme un avion » de Bruno Poldalydès. Les productions étrangères sont très diversifiées de « Mia Madre » de Nanni Moretti (Italie) e,n passant par « Mustang » (Turquie), « L'homme irrationnel » ou « Birdman » (USA).
Mais s'il est bien un film à ne pas manquer dans ce best-of de l'année, cela reste « Taxi Téhéran » de Jafar Panahi. Sous forme de documentaire, on découvre la vie quotidienne de la capitale iranienne, entre envie d'émancipation et censure omniprésente.
Dans la région, le festival Télérama se décline dans quatre endroits : au Castillet de Perpignan, au Cinéma de Narbonne, au Colisée de Carcassonne et au Clap Cinéma de Port-Leucate.

lundi 18 janvier 2016

BD : L'épervier au Canada


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Les nombreux fans de la série « L'Epervier » de Patrice Pellerin doivent être avant tout patient. Le dessinateur réaliste est un perfectionniste. S'il semble parfaitement savoir où les aventures de ce corsaire du roi vont le conduire, il y a va lentement. Un album tous les trois ans. Le record d'attente n'est pas battu, mais il joue sérieusement avec les nerfs des lecteurs pris dans ce feuilleton palpitant. La récompense dans ce genre d'album, consiste à le relire une seconde fois lentement, pour apprécier tous les détails des cases maritimes où se déroulant à Versailles. Voire à s'extasier devant la perfection anatomique des différents protagonistes. Et là, on en a véritablement pour son argent... Yann de Kermeur, repart en mer. Sur la Méduse, il met le cap sur le Canada. Il doit y convoyer quelques personnalités pour le roi. Dont la ravissante princesse indienne Mari. Mais la traversée n'est pas de tout repos. Entre la chasse des navires anglais, les bagarres à bord et les mauvaises rencontres, le mois de traversée est très agité. Et l'arrivée au Canada encore plus. L'album raconte deux autres histoires en parallèle. Les intrigues à la cour (la partie la plus compliquée) et l'emprisonnement de la belle Agnès de Kermellec par son fourbe de mari. Agnès toujours présent dans l'esprit de Yann. Mais si loin...
« L'épervier » (tome 9), Soleil Quadrants, 14,50 euros


dimanche 17 janvier 2016

BD : Halloween permanent


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La nuit d'Halloween, les enfants se déguisent et vont quêter des friandises. Geoffrey, malgré sa timidité maladive, participe à la fête. Une citrouille sur la tête, il se promène de nuit dans la petite ville, sans se douter que ses pas le conduisent direct vers une porte magique. Pris pour un esprit, il se retrouve chez les morts, au royaume de Jack O'Lantern. Mais un vivant chez les morts, c'est le bazar assuré. Cette BD écrite par Cazenove et dessinée par la jeune Ood Serrière, se présente sous deux formes. Un album classique, cartonné en couleur de 80 pages, ou sous forme de manga, en noir et blanc, redécoupé sur 168 pages. Dans les deux cas le petit garçon doit courir vite pour échapper aux épouvantails affamés, aux roseaux agressifs et autres loups-garous ou monstres poilus. Une histoire destinée aux plus jeunes, pour enrichir leur imaginaire ou peupler leurs cauchemars.
« Hallow » (tome 1), Bamboo, 14,90 € format cartonné, 7,95 € format manga


samedi 16 janvier 2016

BD : Un autre regard sur le 11 janvier

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Écrit durant l'été par Serge Lehman, mis en image par Gess à l'automne, cet album revient sur les attentats de janvier mais surtout la manifestation monstre du 11 janvier qui a répondu dans la dignité à la tentative de destruction du pays. Pourtant, selon l'auteur, six mois après ce rassemblement historique, « il ne reste rien de l'Esprit du 11 janvier ». Triste constat pourtant bien réel, même si on constate un regain de cette fameuse prise de conscience depuis le 13 novembre. Serge Lehman, écrivain de science-fiction (entre autres activités), était dans la foule le 11 janvier à Paris. Il a marché contre la peur. L'idée de son livre vient de là : « Ce sera sur la foule du 11 janvier comme phénomène quantique » explique-t-il succinctement à son éditeur. A l'arrivée ces 80 pages en noir et blanc, en plus de mieux comprendre l'émotion de tout un pays, permet également de mettre en vedette quelques héros anonymes des événements. Ahmed Mérabet, le policier abattu dans la rue, Lassana Bathily, le jeune Malien qui a sauvé des dizaines de clients de l'Hyper Cacher. Mais aussi la policière municipale de Montrouge, Clarissa Jean-Philippe. Indirectement, c'est elle qui a certainement fait le plus pour l'émergence de ce 11 janvier. Quand elle est abattu dans la rue par Amedy Coulibaly, elle ne se doute pas qu'elle empêche au autre massacre. Coulibaly, en cagoule et gilet pare-balles, semblait se diriger vers une école juive. Le tueur de l'Hyper Cacher voulait tuer des enfants. Le choc, après Charlie, aurait été encore plus fort. La BD se termine par une image, une femme, belle et forte dans la foule. L'image de cet Esprit du 11 janvier que Serge Lehman veut garder pour toujours présent à son esprit.
« L'esprit du 11 janvier : une enquête mythologique », Delcourt, 9,95 euros



vendredi 15 janvier 2016

Livre : Le labyrinthe des existences


Les nouvelles technologies changent-elles la façon d'aimer ? Camille Laurens dans « Celle que vous croyez » raconte un amour aussi fort que multiple virtuel.

camille laurens, facebook, folie, gallimardA l'heure des réseaux sociaux et autres sites de rencontres sur le net, l'amour est-il en train de changer, d'évoluer ? Ce sentiment, aussi vieux que l'Humanité, va-t-il survivre à ce changement radical de mode de vie ? Ces interrogations sont en en permanence en filigrane du roman de Camille Laurens. Pour que la magie de l'amour fonctionne, il faut que deux êtres se rencontrent, partagent, apprennent à se connaître. Échanger un regard suffisait pour déclencher un coup de foudre. Aujourd'hui, avant de se retrouver face à l'être désiré, il existe quantité de façons pour mieux l'apprécier, ses défauts et ses qualités. Une sorte d'entretien d'embauche virtuel. « Celle que vous croyez » est un roman gigogne, en trois parties distinctes et autant de possibilités sur la relation amoureuse entre Claire et Christophe. La première partie est un long monologue de la jeune femme. Face à son psy, elle raconte comment elle est tombée amoureuse de cet homme qu'elle a littéralement séduit sur internet, en se façonnant une nouvelle identité. Claire qui est au moment du récit en clinique psy. Folle ? Dépressive ? Suicidaire ? Un peu tout à la fois. Cette femme de plus de 50 ans sort d'une relation avec un jeune et fougueux jeune homme. Jetée comme une vieille chaussette, elle refuse cet état de fait. Veut savoir ce qu'il devient. Pour cela elle va devenir « amie » sur Facebook avec Christophe, son meilleur ami avec qui il cohabite. Pour être sûre d'attirer l'attention de « KissChris », elle devient Claire Antunes, brune de 25 ans, passionnée de photo (Christophe est photographe). Un piège diabolique qui se retourne contre elle. « Ce n'est pas pour rien que cela s'appelle la Toile. Tantôt on est l'araignée, tantôt le moucheron. Mais on existe l'un pour l'autre, l'un par l'autre, on est reliés par la religion commune. A défaut de communier, on communique. » A force d'échanger avec Christophe pour avoir quelques nouvelles de son ex, elle tombe amoureuse de l'ami. Et c'est réciproque. Mais les relations ne sont que virtuelles. Fausses photos, mensonges permanents : la situation dégénère.

Roman dans le roman
camille laurens, facebook, folie, gallimardLa seconde partie du roman est le témoignage de Marc, le psy de Claire. Il explique devant ses pairs comment il a dérapé. Une autre version de l'histoire étayée par le début du roman écrit par Claire à la clinique, avec l'aide de Camille, une romancière animant un atelier d'écriture. Dans le roman, la Claire de 50 ans parvient à séduire le véritable Christophe. Sans l'aide de son faux profil Facebook. Mêmes personnages, histoire différent. Le lecteur voit alors d'un nouvel œil la première partie. Mais Camille Laurens n'en a pas terminé de rebattre les cartes. La dernières partie une longue lettre à son éditeur. Elle y parle du roman, des ses sources d'inspirations et de sa façon d'aborder son thème de prédilection : « Je ne désire pas tant la jouissance que je ne jouis du désir. L'amour n'est pas le sujet de mes livres, c'est leur source. Ce n'est pas une histoire que je recherche, c'est le sentiment de vivre, dont écrire sera la défaite, à la fin, et jouir la chute. Désirer un homme, c'est comme rêver au livre : tout est ouvert, immense et chaotique. » Et l'art de la chute, Camille Laurens la maîtrise à merveille dans un petit épilogue qui laissera pantois tous ses lecteurs...
Michel Litout
« Celle que vous croyez », Camille Laurens, Gallimard, 17,50 euros



jeudi 14 janvier 2016

Poche : Les nuits de Reykjavik

reykjavik,indridason,erlendur,pointsCe sont les débuts d'Erlendur qui sont racontés dans « Les nuits de Reykjavik » d'Arnaldur Indridason. Célibataire, solitaire, Erlendur est un simple policier de base. Il est affecté aux patrouilles de nuit. Une vie décalée, à pourchasser les ivrognes et autres petits cambrioleurs. Rien de bien palpitant. Mais il fait son travail avec diligence, bon camarade, un peu taiseux mais toujours partant. Ce roman d'Arnaldur Indridason, moins pessimiste que les précédents, quand Erlendur enquêteur à la criminelle côtoie l'horreur au quotidien, montre comment le jeune policier a découvert sa vocation. Une intrigue emberlificotée à souhait, pleine de chausses-trappes et de fausses pistes. Au final Erlendur résoudra deux affaires et gagnera l'estime de ses futurs collègues. (Points, 7,70 €)


mercredi 13 janvier 2016

BD : Grandeur et misère du commerce


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Dans la veine du reportage dessiné, Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer proposent avec “Le grand A” une plongée dans les coulisses d’un hypermarché. Et pas n’importe lequel : les plus vieux, le plus grand de la région Nord. A comme Auchan. Le directeur a donné carte blanche aux auteurs pour dresser le “portrait” de ce mastodonte de la vente. Les auteurs ont eu l’idée de ce roman graphique en dédicaçant dans cette « ville dans la ville » et en discutant avec les employés. Ces derniers sont souvent mis à contribution. Ils racontent comment le magasin est devenu le poumon économique de la région. Plus qu’un simple pourvoyeur d’emplois, mais un véritable symbole de progression sociale. Mais loin d’être une monographie à la gloire de la société, “Le grand A” est aussi une radiographie de l’évolution du commerce. Comment les marchés se sont implantés dans les villes. Puis les commerces ont pris le dessus durant de longs siècles avant d’être détrônés depuis peu par les centres commerciaux en périphérie. Une analyse sociologique et économique du phénomène explique à la perfection comment le combat était perdu d’avance par des petits commerçants trop frileux. À l’opposé, le directeur du Grand A voit à plus long terme. Et puis cette BD devient, par la force des choses, une explication sur la montée du Front national dans la région, la plus grosse ville à proximité du centre commercial étant Hénin-Beaumont, tombée aux mains de Steve Briois aux dernières municipales.
« Le grand A », Futuropolis, 20 euros

mardi 12 janvier 2016

BD : Les heureux hommes de Durieux

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Quatrième et ultime partie de la vie de ces “gens honnêtes” imaginés par Gibrat et dessinés par Durieux. Au début, un homme au chômage se reconvertissait en se lançant dans la coiffure dans les TGV. Exactement sur la ligne Bordeaux Paris. Cela lui permet de faire la connaissance d’un libraire qui lui lègue son fonds de commerce en Gironde. Philippe vit donc de la revente de quelques livres rares, dans cette boutique installée dans une petite commune du Bordelais. Philippe, un honnête homme mais au parcours compliqué. Marié, séparé, il a bien des difficultés à communiquer avec son fils, adolescent. Et puis il a la mauvaise idée de tomber amoureux. Lui le “vieux”, d’une jeunette qui a la bougeotte. Un peu comme dans un feuilleton au long cours, on a un grand plaisir à retrouver tous ces personnages, comme pour s’immerger dans leur vie, petite, pas très palpitante, mais tellement vraie. Philippe se languit depuis le départ de Camille. Il tente de se consoler dans les bras de l’opposante municipale écologiste. Mais le cœur n’y est pas. Il a lui aussi des envies de voyage. Notamment depuis qu’il a découvert les photos de Nadar dans le grenier de son ami maçon. Cap à l’Est ? Ou retour à Paris... À moins que la météo ne vienne contrecarrer tous ces beaux projets. Finement dessinées par Durieux, ces tranches de vie font du bien au lecteur. Parce qu’il n’y pas dans la BD que des aventures tumultueuses de Vikings ou de milliardaires beaux gosses. Parfois un ancien, dégarni et le nez cassé a plus de charisme que tous les héros bodybuildés du 9e art.
« Les gens honnêtes », Dupuis, 15,50 euros


lundi 11 janvier 2016

Livre : Quand le quotidien devient insupportable

Un notaire devient délinquant, un chanteur perd sa voix, un président s'émancipe. Petites rébellions du quotidien dans ce roman vif et incisif de Jean-Pierre Brouillaud.

brouillaud, petites rébellions, buchet-chastelChaque jour suffit sa peine. Surtout chaque jour ressemble au précédent et sera sans doute identique au suivant. On appelle cela le train-train, la routine... La plupart du temps on s'en contente. Au contraire, on peste quand le « prévu » ne se passe pas comme désiré. D'autres à l'opposé, rêvent d'inattendu, d'exceptionnel. Ce court roman de Jean-Pierre Brouillaud explore cette face aventureuse d'individus mal dans leur petite vie étriquée.
Premier à entrer en scène, Henri Brunovilliers. Ce notaire de 50 ans, a toujours été terne et effacé. Il n'a jamais rué dans les brancards. Pas de crise d'adolescence, de rejet des parents et autre transgression. Mais aujourd'hui, Henri a décidé de franchir le pas, de devenir un délinquant. Pour la première fois de sa vie il va être hors-la-loi. Dans ses rêves de grandeur il se voit tel un truand adulé des foules. En réalité il a simplement l'intention de prendre le métro sans acheter de ticket...
Avec gourmandise, l'auteur décrit le cheminement intellectuel tortueux de ce notaire, insoupçonnable, en train de frauder comme un vulgaire petit voyou de banlieue. Il mettra du temps à se décider. Oser affronter les regards, réussir à enjamber le tourniquet, sortir des griffes du portillon automatique. Mais il y arrive enfin et le voilà enfin primodélinquant : « avoir pour la première fois à cinquante ans passés, osé braver l'interdit; avoir pour la première fois, à cinquante ans passés , défié la toute puissance de la loi; avoir pour la première fois à cinquante ans passés, agi autrement que convenablement. Un voyage sans ticket, donc. Mais avec un supplément d'âme. » Henri jubile, puis déchante. Une fois dans la rame, personne ne fait la différence. A moins que des contrôleurs ne lui donnent l'occasion de clamer à la face du monde sa rébellion. Henri sert de fil rouge sur cette ligne de métro où il s'en passe de belles.

Le président et la conductrice
On croise également dans la rame une épouse qui s'affranchit enfin de son mari toxique et va assister, seule, au concert d'un chanteur de charme qu'elle adore et qu'il abhorre. Il y a aussi cette jeune femme qui décide, enfin de quitter son fiancé. Elle veut bien être sympa, mais elle ne supporte plus ses fautes dans les textos. Le « Bone journée bébé » reçu en début de matinée était de trop.
Il y a aussi le président de la République qui décide de se rapprocher du peuple et prend donc le métro. Incognito. Enfin presque... Sans oublier la conductrice du métro, Evelyne. Son rêve c'est de ne pas devoir freiner toute les deux minutes, de filer plein gaz sans se soucier des passagers, des arrêts. « Elle s'imagine qu'elle se dirige tout droit vers la mer, le soleil et la douceur de vivre. » C'est ça sa petite rébellion à elle.
Michel Litout
« Les petites rébellions » de Jean-Pierre Brouillaud, Buchet-Chastel, 14 €


BD : De Gainsbourg à Gainsbarre

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Compositeur génial, chanteur étonnant et provocateur impénitent, Serge
Gainsbourg est devenu après sa mort une sorte d'icône rock pour toute une génération. François Dimberton et Alexis Chabert signent une biographie dessinée de l'homme à la tête de choux. De l'arrivée de ses parents en France et sa naissance en 1928 à sa mort, dans son « hôtel particulier » parisien en 1991, on suit le parcours de ce surdoué, peintre puis musicien, devenu millionnaire après avoir découvert qu'une petite chanson pouvait rapporter beaucoup plus (et plus vite) que des passages dans des cabarets. Gainsbourg c'est aussi une passion pour les jolies femmes. La BD s'articule autour de ses nombreuses histoires d'amour, de sa première femme Lise à Bambou, la mère de Lulu, son fils adoré. Entre, il y a Brigitte Bardot et Jane Birkin. Ses deux égéries qu'il adore, mais pas autant que l'alcool. Le drame de ce touche-à-tout (il a également monté une comédie musicale, écrit un roman et tourné plusieurs films) c'est sa propension à se détruire. Il a collectionné les pépins de santé les dernières années, mais ne s'est jamais assagi, noyant ses chagrins dans des litres de Ricard et de champagne. Jusqu'à ce silence qui dure, dure...
« Gainsbourg », Jungle, 14,95

dimanche 10 janvier 2016

BD : Moments de grâce avec Jim

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Les auteurs aussi sont tentés par les nouvelles. Jim, scénariste et dessinateur prolixe, déjà remarqué pour quelques romans graphiques à la petite musique douce comme « Une nuit à Rome ». On retrouve ce ton dans les 12 histoires complètes de moins de dix pages sur les petits moments de la vie, si beaux qu'on est incapable de s'en apercevoir sur le moment. Alors Jim nous ouvre les yeux et au gré de ces situations si basiques et classiques, on se surprend à se dire que finalement, nous aussi si on voulait on pourrait mieux profiter de notre existence. Comme ce papa qui en regardant ses deux grands enfants, devenus presque des adultes, regrette tant et tant cette enfance où il conduisait sa fille à l'école en lui tenant la mains, ou quand il allait choisir un personnage de Pokemon avec son fils dans une grande surface spécialisée. Ou cette soirée trop arrosée au cours de laquelle une ami vous fait une blague idiote quand vous êtes au toilette. Elle prend votre téléphone et à deux heures du matin envoie ce texto à votre mère : « Maman, je t'aime » déclenchant un tsunami de réactions dans votre famille. Parce que jamais vous n'aviez envoyé ce genre de message. La plus belle reste celle où il se rappelle la semaine passée à Cadaquès avec cette femme exceptionnelle, de celle que l'on se dit « ce serait dingue de pouvoir la revoir, et la connaître davantage. » Une semaine qui représente le bonheur absolu, même si après, tu a passé des années à vivre avec elle, à la regarder vieillir, à l'aimer toujours aussi fort... « De beaux moments » que Jim partage avec ses lecteurs. Merci à lui.
« De beaux moments », Bamboo, 18,90 euros


DE CHOSES ET D'AUTRES : Dussart télévisuel


Voilà largement plus de dix ans qu'Éric Dussart passe ses journées et ses nuits à regarder la télé un calepin à la main. Il traque toutes les bourdes, erreurs, lapsus et autres approximations qui transforment ce média en antidépresseur radical. Comment ne pas rire à la vie lorsqu'une candidate à une quelconque téléréalité déclare sentencieusement "Je suis têtue comme une moule" ou cet autre "Moi je me sens bien... Comme un coq en plâtre".
Dans la catégorie jeux, les réponses à certaines questions méritent d'être enterrées au Panthéon de l'absurdité. "Qui a écrit la Marseillaise ? Il venait pas de Marseille. C'est une feinte... Rouget de Bordeaux". L'intégrale du "Maillon faible" mériterait d'être repris dans ce livre. Juste un exemple : "Si les abeilles volent en essaim, en quoi se regroupent les sardines ? En boîtes !".
Terminons par cette remarque relevée dans "Confessions intimes", résumant le brio de ces "vedettes" du petit écran : "Quand tu dormiras, tu me feras signe."
"Brèves de télé, le pire de A à Z", Chiflet, 10 euros.

samedi 9 janvier 2016

BD : La double vie d'Esmera


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Adulé des enfants avec son personnage de Titeuf, Zep change totalement de registre avec Esmera, histoire complète confiée au dessinateur Vince. Terminés les gags comiques dans les cours de récréation, Zep s'attaque aux grands, les adultes, ceux qui ne vivent, au final, que pour jouir et posséder. Esmera, jeune Italienne, débute le récit de ses amours étonnantes quand elle n'est qu'une petite lycéenne, interne dans un établissement tenu par des religieuses. Son grand amour, virtuel, c'est Marcello Mastroianni. Rachele, sa copine de chambre par contre, a franchi le rubicond et son amoureux vient régulièrement l'honorer dans la petite chambre. Esmera regarde, apprend, espère. Durant les vacances, elle se « donne » à un gentil garçon. Mais c'est bref et peu concluant. L'extase, elle ne la découvre qu'à la rentrée, avec la bouche de Rachele. Elle prend conscience alors aussi de son incroyable don (ou malédiction). Quand elle jouit, elle change de sexe. Devenue garçon, elle a toute latitude d'expérimenter le maniement du sexe opposé. Et de de redevenir fille. Ce conte de fée fantastique, loin d'être prude, joue clairement dans la cour des récits « pour public averti ». Les dessins de Vince ne cachent rien des expérimentations et transformations d'Esmera, mi-femme mi-homme, perdue entre deux sexes, plusieurs amours et la comparaison sans fin des orgasmes féminins et masculins.
« Esmera », Glénat, 24 euros


DE CHOSES ET D'AUTRES : Housse spéciale

Tout ce que je demande à une voiture c'est de me conduire d'un point A à un point B. Contrairement à la majorité je ne m'extasie pas devant ses performances cinétiques, ni ses courbes et encore moins sa couleur.
Une voiture reste juste un moyen de locomotion pratique. Pour d'autres elle s'apparente à un bijou qu'il faut protéger, astiquer, bichonner. Et pas forcément faire rouler. Pour preuve cette publicité dans le dépliant d'une grande surface qui propose pour à peine plus de 20 euros, une housse de protection. Mais attention en plus de résister « à tous types de désagréments » (mais qu'est ce qui tombe du ciel en dehors de la pluie ?), elle possède ce petit plus qui fait la différence : « une fermeture éclair au niveau de la portière afin d'éviter le retrait total de la housse ».
Il existe donc des conducteurs qui voudraient pénétrer dans leur auto sans en retirer la housse ? Mais alors, pour y faire quoi ? Car la housse n'est pas transparente. Rouler avec confine au suicide. Le maniaque de propreté apprécie peut-être cette ouverture pour faire les poussières. A moins qu'il aime se retirer dans sa voiture, au calme, loin de tout, pour profiter du moelleux de ses sièges. Seul ou accompagné, la housse assure une totale intimité. Peut-être existe-t-il une version chauffante qui permet de la transformer en plaid gigantesque.
Reste la dernière hypothèse : une longue suspension de permis. Le contrevenant protège sa voiture mais peut quand même avoir l'impression de l'utiliser en se mettant au volant tout en faisant « vroum ! Vroum ! ».

vendredi 8 janvier 2016

Thriller : Deux femmes et des meurtres


Deux femmes sur les traces d'un ou plusieurs tueurs en série. Dans « Block 46 » de Johana Gustawsson, Emily et Alexis enquêtent entre Londres et la Suède.

Johana Gustawsson, londres, suède, bragelonneDeux époques, trois lieux : Johana Gustawsson n'a pas choisi la facilité pour son premier thriller en solo. Cette journaliste française, originaire de Marseille, n'a pourtant plus rien à voir avec le Sud. Elle vit à Londres et son mari, Suédois, lui a fait découvrir la côte ouest de la péninsule scandinave. Son « Block 46 » se déroule en Angleterre et dans la ville de Falkenberg.
Le lien entre ces deux lieux : des meurtres selon un même mode opératoire. La question récurrente de ce roman est : un serial killer et deux territoires de chasse, ou un tueur dominant et un élève dominé, chacun chez soi ?
Un travail pour Emily Boy, une des deux héroïnes imaginées par Johana Gustawsson. Cette Canadienne, brillante profileuse, est installée à Londres depuis quelques années. Elle collabore avec Scotland Yard. Par un petit matin, dans un parc, des promeneurs découvrent le cadavre d'un enfant grossièrement dissimulé sous des feuilles mortes. Il a été étranglé, dénudé, lavé. Puis le sadique lui a retiré les yeux et arraché la trachée. Une victime de plus pour ce serial killer qui, depuis quelques mois, a déjà frappé à plusieurs reprises à Londres.

Meurtre en Suède
Au même moment, l'autre personnage principal de l'histoire, Alexis Castells, écrivaine française installée à Londres et spécialisée dans les tueurs en série, part en urgence en Suède. Elle est sans nouvelles de sa meilleure amie, Linnéa, styliste en bijouterie. En compagnie d'une autre amie et du futur époux de Linnéa, elle se rend à Falkenberg, ville côtière recouverte de glace en ce mois de janvier rigoureux. Ils n'ont pas le temps de se rendre à la villa de Linnéa. La police vient de retrouver son cadavre au bord de la plage. Énuclée, la trachée arrachée. Cette information arrive jusqu'à Emily qui se transporte immédiatement en Suède. Avec l'aide d'Alexis, elle va tenter de tracer le portrait de ce tueur et ses recherches vont la mettre sur la trace d'un certain Erich, ancien déporté à Buschenwald.
Le lecteur lui est déjà en partie dans la confidence. Entre les différentes scènes en Suède ou à Londres, on suit la survie d'Erich dans ce camp de la mort. Privations, sévices, travail forcé. Il est affecté dans un premier temps au nettoyage des fours. Cela donne quelques passages particulièrement durs comme cette description : « Face à Erich, plusieurs dizaines de corps nus ou vêtus de haillons étaient pendus à des crochets fixes à quelques centimètres du plafond, comme des pièces de viande. Les visages, tordus par la peur et la douleur, semblaient encore vivants. » Erich sera finalement affecté au Block 46, celui des expérimentations médicales. Il va devenir le bras droit d'une médecin nazi fou, disséquant à longueur de journée des corps décharnés de déportés exécutés quelques minutes auparavant. Toute l'horreur du roman est concentrée dans ces courts passages parfois insoutenables.
Fan d'Agatha Christie, Johana Gustawsson attend les dernières pages pour dévoiler l'identité du tueur. Un dénouement remarquablement amené et qui surprend le lecteur. Des deux héroïnes, Emily, la plus effacée, semble pourtant la plus porteuse. Souhaitons que la profileuse au caractère si fragile revienne dans une nouvelle enquête.
Michel Litout
« Block 46 », Johana Gustawsson, Bragelonne, 20 €


DE CHOSES ET D'AUTRES : Cadeau empoisonné

hoverboard, chute
A la base on désire combler le destinataire. En pratique, certains cadeaux s'avèrent empoisonnés. L'histoire se répète chaque année au moment des fêtes. Annoncé comme la star des amateurs de nouveautés, le mini-segway se révèle finalement un objet dangereux qui cause bien des soucis à ses malheureux propriétaires.
Composé de deux roues montées de part et d'autre d'une planche, il ressemble à un skateboard. En théorie, on monte sur le plateau et l'équilibre est immédiat. On se penche légèrement en avant et on avance (jusqu'à 15 km/h). Pour tourner, il suffit d'appuyer un peu du pied droit ou gauche. Certains l'envisageaient comme la préfiguration de l'hoverboard de "Retour vers le futur", d'autres comme l'avenir du déplacement urbain. En réalité l'invention provoque au mieux des hématomes, au pire des fractures.
Des milliers de mini-segway ont été offerts ces dernières semaines. Généralement les premiers essais sont filmés par le généreux donateur : des heures et des heures de compilation de chutes sur YouTube. A l'arrêt, en pleine vitesse, en (tentant) de virer, en avant, en arrière : il semble impossible de rester debout sur cet engin diabolique. Peut-être nécessite-t-il un peu d'apprentissage. Qui n'est pas tombé de vélo lors de ses premiers coups de pédales ? Mais contrairement à la bicyclette, rares sont ceux qui insistent.
Et les obstinés risquent carrément l'immolation, car certains modèles développent une fâcheuse propension à s'enflammer quand ils se rechargent. Bref, le cadeau empoisonné dans toute sa splendeur.
En bonus, quelques chutes mémorables. 

jeudi 7 janvier 2016

Cinéma : Le coupable était trop beau

Coupable parfait, un chauffeur de taxi va passer plusieurs mois en prison. 'Arrêtez-moi là', film implacable de Gilles Bannier avec l'excellent Réda Kateb.

Une erreur judiciaire est souvent la somme d'autres erreurs, petites mais graves de conséquence. "Arrêtez-moi là", film de Gilles Bannier, décortique le fonctionnement de la police et de la justice, énorme machine qui broie les innocents quand tout les accuse. La 'victime' est chauffeur de taxi. Samson (Réda Kateb) aime ce métier plein de paradoxes. Il permet de travailler en solitaire tout en rencontrant des gens tous très différents les uns que les autres. Samson, célibataire calme et sans histoire, apprécie d'autant son emploi qu'il lui permet de passer ses journées en compagnie de son chat et d'écouter de la bonne musique.
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A Nice, il récupère à l'aéroport une jeune femme (Léa Drucker) et la conduit à Grasse. Sur place, Samson va accumuler les petites erreurs qui vont transformer sa vie en cauchemar. Il accepte d'entrer dans la maison de sa cliente le temps qu'elle fasse l'appoint. Il en profite pour aller aux toilettes.
Accablant
Seconde erreur, il laisse ses empreintes digitales sur la fenêtre ouverte. De retour en ville, alors qu'il a terminé son service, il accepte de transporter gracieusement deux étudiantes éméchées. L'une d'entre elles vomit dans son taxi. Nouvelle erreur quand il décide d'aller immédiatement le laver à la vapeur. Le lendemain, deux policiers sonnent chez lui et lui demandent de le suivre au commissariat. Il se retrouve en garde à vue et ne sera plus libre durant des mois. Un coupable idéal pour des policiers menant l'enquête à charge. La petite fille de la cliente de Grasse a été enlevée dans la soirée. Quand on retrouve les empreintes de Samson sur la fenêtre des WC, son sort est joué. Au cours des interrogatoires, filmés avec brio, dans une tension allant crescendo, Samson comprend petit à petit ce qu'on lui reproche. Et malgré ses dénégations il est mis en examen et écroué. Son avocat commis d'office (Gilles Cohen) ne lui sera d'aucun secours.
Le film, tel un mécanisme de précision, montre comment quelques soupçons se transforment en intime conviction et même en preuves, aussi fragiles soient-elles. Pourtant la fillette n'est pas retrouvée. L'étoile Réda Kateb Et jamais Samson ne modifiera son témoignage. Le spectateur, comme paralysé, ne sait que penser. Il veut croire Samson, mais n'a pas la certitude de son innocence. Arrive le procès, avec son lot de coups de théâtre, d'espoir et de désillusion. Tiré d'une histoire vraie, ce scénario a le mérite de mettre en évidence un concept trop souvent négligé : la présomption d'innocence.
Un film dur et âpre, qui doit beaucoup à l'interprétation parfaite de Réda Kateb, étoile montante du cinéma français.
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Un rôle à César pour Réda Kateb 
réda kateb, bannier, nice, europaOn ne connaît pas encore les acteurs sélectionnés pour les prochains César, mais Réda Kateb devrait faire partie des trois favoris. Cet acteur qui a débuté dans les séries télé après un peu de théâtre impose sa nonchalance et son calme dans tous les personnages qu'il compose. Son charme aussi. Qui passe par une grande douceur. Dans le film de Gilles Bannier, il interprète un chauffeur de taxi. Un métier qu'il a déjà endossé pour le premier film de Ryan Gosling, l'étrange et bizarre 'Lost River'. Une carrière américaine pour ce comédien tout terrain qui a débuté dans 'Zero Dark Thirty'. Il y campe un terroriste torturé par Jason Clarke. L'an dernier on l'a remarqué dans 'Loin des hommes' et le très réussi 'Hippocrate' pour lequel il remporte le césar du meilleur second rôle masculin. Avec 'Arrêtez-moi là', il devrait logiquement monter dans la catégorie supérieure. Il porte le film, présent dans toutes les scènes, passant par tous les états. Mais il aura fort à faire cette année. Il risque de se retrouver confronté à deux monstres : Fabrice Luchini dans 'L'hermine' et Vincent Lindon dans 'La loi du marché'.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le livre mystérieux

mitterrand, gide, afpVendredi, voilà exactement 20 ans, François Mitterrand s'éteignait. L'occasion de revenir sur son long parcours, d'opposant puis de président de la République. De tous les hommages, témoignages ou anecdotes, les circonstances de l'annonce de sa mort deviennent passionnantes sous la plume de Dominique Chabrol, journaliste de l'AFP (Agence France Presse) de permanence ce 8 janvier 1996. Il raconte sur le blog de l'agence les longues heures entre la première rumeur et la confirmation du décès. Il explique qu'à l'époque, les réseaux sociaux n'apparaissaient que dans l'imagination des écrivains de science-fiction. Heureusement car les alertes se multipliaient depuis plusieurs semaines. A n'en pas douter, si Twitter avait existé en 1996, Mitterrand serait mort 20 fois avant la date fatidique. Une fois le recoupement de l'information effectué, c'est le branle-bas de combat. Dominique Chabrol, au desk (le service de réécriture des dépêches) veut apporter une "touche de couleur" dans les informations diffusées. Le lendemain, seul Pierre Favier, également journaliste à l'agence, obtient le droit de voir l'ex-président sur son lit de mort. Il décrit la chambre à Chabrol. Un livre est toujours placé sur la table de chevet. Favier se souvient y avoir lu "Madeleine" et "Gide" sur la couverture. Voilà la couleur tant espérée. Seul problème, Gide n'a jamais écrit de roman avec Madeleine dans le titre. Le rédacteur devra se contenter de décrire la gravure de Saint-François d'Assises au mur. Quant au mystérieux livre, 20 ans plus tard Chabrol l'identifie. La couleur est un peu passée, mais elle est toujours là.

mercredi 6 janvier 2016

DVD : Des bruits de la vie au son électro

Zac Efron en DJ surdoué dans 'We are your friends' film musical moderne.
zac efron, dance, electro, musique, studiocanalLes amateurs de musique techno vont adorer ce film de Max Joseph. Pas forcément pour la bande son, de qualité, mais pour l'image résolument positive d'une mode musicale trop souvent décriée. Qui dit musique techno dit drogues, raves sauvages, excès... Aux USA, cela permet aussi à ces magiciens de l'assemblage de sons de bâtir des fortunes en faisant danser des milliers de jeunes et moins jeunes dans des clubs spécialisés ou en plein air. Cole Carter (Zac Efron) est un passionné. Il ne vit que pour la musique électronique. Il mixe et compose sur son vieil ordinateur. Avec ses copains, il tente de percer. Mais la lutte est rude.
Un tournage cool
Sa chance tourne quand il croise la route de James (Wes Bentley), une célébrité de la scène électro californienne. Ils vont travailler ensemble et le petit jeune va rapidement égaler voire dépasser la vedette. Une histoire d'ascension sociale basique, avec des hauts, des bas, une petite critique sociale, un embryon de romance et une scène finale qui rattrape largement les quelques longueurs et lourdeurs de l'ensemble. On vibre sur l'élaboration de ce morceau qui permettra à Cole de passer un cap. Professionnellement et humainement.
Zac Efron est crédible en DJ même si parfois il semble un peu trop « propre ». Dans les bonus du DVD et du blu-ray un reportage explique comment le jeune acteur s'est transformé en véritable DJ, prenant des cours et investissant dans du matériel pour se mettre à niveau. Quelques reportages courts donnent aussi un aperçu de l'ambiance très cool du tournage où la musique était toujours présente.
« We are your friends », Studiocanal, 14,99 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : L'amour gagne toujours

L'intrigue de Roméo et Juliette a encore de beaux jours devant elle. Indémodable. Depuis toujours et pour longtemps encore, l'amour s'affranchit des races, clans, religions et autres différences.
Dernier exemple en date en Israël. A la nuance près qu'il ne s'agit pas d'un véritable amour mais d'une simple histoire, un roman. Dans le rôle de l'empêcheur de roucouler en paix on trouve le ministère de l'éducation. Le roman, intitulé Borderlife en anglais, vient d'être exclu du programme de littérature des lycéens israéliens. En cause les sentiments partagés entre Liat, une traductrice israélienne et Hilmi, un artiste palestinien. Ils tombent amoureux à New York. Une love story banale jusqu'au moment où ils doivent rentrer à Tel-Aviv et Ramallah, en Cisjordanie occupée. Selon la presse israélienne "la peur de l'assimilation entre juifs et Palestiniens" aurait poussé les responsables éducatifs à prendre cette décision.
Paradoxe car tout le monde souhaite la paix dans cette région du monde et l'amour a toujours été le meilleur vecteur de la bonne entente entre les peuples. Même en plein apartheid sud-africain, toute la propagande gouvernementale ne parvenait pas d'empêcher (en cachette bien sûr) la formation de couples "dominos".
En occultant le roman des programmes scolaires, les technocrates ont tout faux. Car si les romans parviennent parfois à édulcorer la vie, ils reflètent surtout la réalité. Et des histoires d'amour entre une Liat et un Hilmi, il y en a tous les jours de nouvelles. Ainsi va la vie.

mardi 5 janvier 2016

Livre : Unions saisonnières

blondel,mariage,saison,buchet-chastelCorentin aurait voulu être réalisateur de films. Un créateur. La vie en a décidé autrement. Le héros du roman de Jean-Philippe Blondel filme, certes, mais seulement des mariages. Il y trouve pourtant des similitudes avec le rôle d'un metteur en scène : « Remplacer la réalité par une fiction acceptable, qui petit à petit prendra le dessus et s'imposera – transformer le reportage doux-amer du quotidien en comédie romantique -, telle est la mission du vidéaste de mariage. Du sucre, du miel, de la chantilly. » Drôle de métier, de saison et qui concentre l'activité les week-ends. Pas de quoi s'épanouir dans sa vie privée. Corentin, chaque fin de semaine d'été assiste à l'apothéose de belles histoires d'amour alors que lui est incapable de retenir ses petites amies, lassées de passer des samedis soirs seules. Ce roman, tout en parlant en permanence de bonheur, est étrangement mélancolique, triste. La faute à Corentin, témoin par procuration de ces jolies histoires, parfois réelles, parfois simulées. Dans ses reportages, il a instauré, un peu comme dans les émissions de téléréalité, des séquences où les époux ont la possibilité de se confier face caméra. Corentin aime particulièrement ces monologues, au point qu'il espère les transformer en un court-métrage. « Dans une trentaine ou une quarantaine d'années, quand la fin du monde sera annoncée, il s'enfermera dans une petite pièce avec le montage des entretiens qu'il aura effectués. Ce sera son hommage à la vie. » La mélancolie va cependant laisser place à l'espoir, certaines confessions étant plus fortes que d'autres.
« Mariages de saison », Jean-Philippe Blondel, Buchet-Chastel, 14 euros


DE CHOSES ET D'AUTRES : Fêtes décalées

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Les fêtes de fin d'année riment avec surconsommation. On achète des jouets pour les enfants et des mets rares (et chers) pour nos estomacs en mal de changement. Les fruits exotiques donnent un air ensoleillé aux frimas hivernaux, les fruits de mer une odeur forte à la poubelle (le surlendemain).
Mais avant de profiter de toutes ces bonnes choses, il faut se coltiner les courses en grande surface. On a une idée de l'épreuve qui nous attend à l'encombrement du parking. Si vous passez plus de dix minutes à trouver une place, dites-vous bien que vous allez en passer trois fois plus à faire la queue aux caisses. Après vous être fait copieusement bousculer, rouler sur les pieds et chiper votre place à la poissonnerie…
Pas courageux pour deux sous, je préfère éviter ce type d'épreuve. D'un commun accord avec mon épouse, nous réveillonnons à minima. On se réserve pour après. Gueuletonner en décalage ne présente que des avantages. Non seulement les supermarchés sont quasi déserts, mais on peut en plus acheter des produits frais avec un beau rabais. Un chapon pour moins de 15 euros, une bourriche d'huîtres dans le même ordre de prix, du foie gras bradé à -50 %, sans compter les chocolats qui ne tiendront pas jusqu'à Pâques. Le choix est vaste, les économies gigantesques.
Et de toute manière, une crise de foie le 1er janvier est tout aussi douloureuse que celle qui vous menace le 4. Dernier avantage, si elle est vraiment carabinée, vous pourrez ne pas aller bosser ce lundi...

lundi 4 janvier 2016

Livre : Petit arbre deviendra grand


Philippe Claudel raconte la mort dans « L'arbre du pays Toraja ». Grande et petite, Celle des proches, la sienne aussi.

philippe Claudel, Toraja, stockLa mort reste souvent abstraite dans la vie des hommes. Jusqu'au jour où un être cher disparaît. Le narrateur, cinéaste, apprend qu'Eugène, son producteur et meilleur ami a un cancer. « Un vilain cancer » lui annonce-t-il rieur au téléphone. Ce roman, d'une finesse et d'une subtilité trop rares dans la production française, bouleverse car on comprend chaque émotion, doute et interrogation du narrateur comme si on était plongé au plus profond de son esprit. Un transfert complet et intégral de notre identité sur celle de cet homme, la cinquantaine, épanoui intellectuellement, encore capable de tomber amoureux malgré le fait que « depuis quelques années la mort m'encercle. Elle cherche à m'enclore. A s'approcher au plus près de moi. Afin de me tâter un peu. » Récit d'un évitement, malgré la collision finale.
L'arbre qui donne son titre au roman est une tradition du peuple Toraja sur l'île indonésienne de Sulawesi. Immense, il sert de tombe aux jeunes enfants. Le corps est placé dans une cavité du tronc. Une fois refermée, l'enfant continue de grandir, mais au rythme de l'arbre. Le narrateur a envie de réaliser un documentaire sur ce pays. De retour à Paris, il contacte son ami et producteur. La maladie va contrarier le projet. Philippe Claudel semble s'être beaucoup inspiré de sa propre vie (celle de cinéaste) pour raconter cette séparation, lente et inéluctable. Il y parle par exemple de sa passion pour le septième art, comment il a basculé dans ce monde qu'il résume superbement par cette formule « Le cinéma est une expérience des ténèbres heureuses. Heureuses car de celles-là on revient. » La mort, encore et toujours.

La perfection de la jeunesse
La vie c'est cette voisine qu'il observe tous les jours. Elle se promène dans son appartement en petite tenue, fenêtres ouvertes, comme si elle était invisible. L'imagination féconde du narrateur lui invente quantité de vies, d'aventures, banales ou extraordinaires. Jusqu'au jour où il la rencontre, au hasard de ses recherches sur les causes du déclenchement de la maladie. Elena est chercheuse et le reçoit dans son minuscule bureau. En une phrase, Philippe Claudel explique le coup de foudre : « Nous étions de part et d'autre de sa table de travail, mince comme un pupitre d'écolier, et nos visages étaient si proches que je pus distinguer dans ses yeux, d'un brun profond, des paillettes rousses qui se dispersaient comme les poussières de reflets colorés qui nous charment quand nous perdons notre regard d'enfant dans les infinis miroirs d'un tube kaléidoscopique. » La mort, l'amour...
Le roman alterne alors les scènes entre la fin de vie d'Eugène et la renaissance auprès d'Elena. Avec cependant une gêne chez le narrateur. La jeune femme a 15 ans de moins que lui. Il est conscient que son corps est vieilli, moins attirant, moins performant. Lui est en admiration devant cette perfection de la jeunesse. Mais avec malgré tout des envies du corps de son ancienne femme, de son âge. « Le corps des jeunes femmes fait songer à des pierres parfaites, polies, sans défaut, scandaleusement intactes. Celui des femmes possède le parfum patiné des jours innombrables où s'amalgament, sensuels, les moments de plaisirs et ceux de l'attente. Il devient le velours assoupi des années. » Des phrases de ce type, belles et signifiantes, il y en a dans chaque page du roman de Philippe Claudel, écrivain d'un réel lumineux dont on est trop peu souvent conscient.
Michel Litout
« L'arbre du pays Toraja », Philippe Claudel, Stock, 18 euros


dimanche 3 janvier 2016

BD : Bleus religieux

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Avec une régularité de métronome, Cauvin et Lambil sortent un album des Tuniques Bleues tous les neuf mois depuis... des décennies. « Les quatre évangélistes », 59e titre de la série (lancée par Salvérius au dessin) se base comme d'habitude sur une anecdote tout ce qu'il y a de plus véridique. Durant la guerre de Sécession, un pasteur sudiste a baptisé ses canons du nom de quatre évangélistes. Luc, Jean, Marc et Matthieu déversent leurs tonnes d'obus sur les troupes nordistes. Une seule solution pour les généraux : neutraliser ces canons. Une nouvelle fois ce sont Blutch et Chesterfield qui sont désignés pour saboter les pièces. Pour s'approcher du pasteur, Chesterfield endosse le costume de prêtre. Quant à Blutch, il se transforme en simple d'esprit. Il assure l'essentiel du ressort comique de l'histoire et joue à merveille le benêt, se permettant tout, sous prétexte qu'il lui manque une case. Et la première victime reste Blutch, comme toujours. A 70 ans passés, les deux compères que sont Cauvin et Lambil n'ont pas perdu leur humour mordant. On en redemande.
« Les Tuniques Bleues » (tome 59), Dupuis, 10,60 €

samedi 2 janvier 2016

BD : Femmes en fuite

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Des montagnes à la mer, deux femmes et un adolescent vont découvrir le monde dans un voyage initiatique au cœur de l'entre deux guerre. Anthony Pastor n'a pas son pareil pour dresser des portraits de femmes. Dans ce roman graphique, Blanca, veuve et fille de contrebandier, décide de s'émanciper. En 1920, la France peine à se relever de la grande guerre. Dans les campagnes, les femmes retournent à leurs rôles subalternes. Blanca et Pauline, se retrouvent seules après la mort de leurs maris dans une avalanche. Elles décident de partir sur les routes vendre des babioles de mercerie. Mais deux femmes seules, cela fait jaser dans ce pays encore très macho. En compagnie d'un adolescent, amoureux de la jeune Pauline, elles vont aller de plus en plus loin, découvrant la liberté et rêvant d'un monde meilleur. Un monde où les femmes ont le droit de vote. Alors quitte à s'éloigner de ces montagnes savoyardes, autant aller le plus loin possible, dans cet éden qu'est la Nouvelle-Zélande. Un récit sur l'émancipation et le pardon, avec des portraits forts dont ce poilu, brisé par la guerre, déshumanisé, mais qui va remonter la pente grâce à ces deux femmes courageuses.
« Le sentier des reines », Casterman, 20 €