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jeudi 6 février 2025

Thriller - Un meurtre, des conséquences dans « Les morsures du silence » de Johana Gustawsson

Duo de flics franco suédois pour démasquer le ou les coupables de plusieurs meurtres sur l’île de Lidingö, banlieue chic de Stockholm. Un thriller ancré dans notre époque signé Johana Gustawsson. 


Après un prologue choc, une femme se suicide dans une classe de l’école de Lidingö, le roman Les morsures du silence entre dans sa phase d’enquête racontée par les voix de deux policiers, à la première personne. Le premier, Aleks, commissaire du cru, est en charge de la nouvelle enquête qui défraie la chronique de cette île à proximité de Stockholm. La seconde, Maïa, Française, également commissaire en France mais en disponibilité, vit dans la maison de son mari à Lidingö.

Aleks, après l’appel d’un jeune qu’il entraîne au foot, est le premier à découvrir le cadavre et la mise en scène. « Ce que j’ai pris pour une robe est une aube. Une couronne de feuillages piquée de cinq bougies LED lui barre la moitié du visage et souligne la partie défoncée de son crâne. […] Ce n’est pas une fille, allongée là, en habits de sainte Lucie, le crâne fracassé. C’est un garçon. » Sainte Lucie. Une fête religieuse fêtée en Suède par la jeunesse mi-décembre.

Un meurtre et deux suicides

Aleks se souvient. Il y a plus de 20 ans, jeune policier, il a participé à une enquête éclair. Le soir de la fête, la jeune fille qui avait endossé la robe de la sainte pour la traditionnelle procession, était retrouvée assassinée dans les bois. Son petit ami du moment, Gustav, a été condamné à une longue peine de prison. Mais il a toujours nié. Et s’est suicidé récemment, quelques mois avant sa sortie. Sa mère aussi, quelques jours plus tard. Dans la salle de classe.

Aleks va revivre l’affaire. Maia la découvre après que la mère de la suicidée et grand-mère du condamné lui demande de refaire l’enquête. Maia saute sur l’occasion. Si elle s’est retirée en Suède, c’est en raison de la mort accidentelle, il y a un peu plus d’un an, de sa fille.

L’autrice ne donne pas de détails. Mais la policière est très affectée, elle culpabilise. « Quand ma fille est morte, je prenais une douche en me réjouissant d’avoir la maison pour moi toute seule. La banalité de ce moment a longtemps rajouté un poids énorme à ma peine. Pendant que ma fille criait peut-être mon nom comme le font les soldats avant de mourir, moi, je n’ai entendu que mon propre désir de solitude. » Maia trouve dans cette enquête une petite occasion pour tenter de sortir de son marasme.

Des investigations officieuses avec l’appui d’Aleks, bourru mais compréhensif. À deux, ils vont tenter de faire le lien entre les victimes d’aujourd’hui (un autre adolescent est retrouvé quelques jours plus tard, toujours habillé d’une aube, toujours la tête fracassée), et le premier meurtre.

La mort d’un enfant n’est pas sans conséquence. L’assassinat de deux adolescents non plus. Aleks et Maia vont donc unir leurs compétences mais aussi leurs solitudes, douleurs et malheurs, pour plonger dans les entrailles du passé, tenter de démêler les mensonges de l’époque, amplifiés par ceux d’aujourd’hui. Briser cette loi du silence.

Le nouveau thriller de Johana Gustawsson, Française installée en Suède, est encore plus sombre que les précédents. Elle profite de cette histoire pour mettre en lumière les différences de gestion par la police des affaires de violences sexuelles. Et souligne que si la France a encore bien des progrès à faire, la Suède est exemplaire, mais depuis peu de temps. À méditer.

« Les morsures du silence », Johana Gustawsson, Calmann Lévy, 378 pages, 20,90 €

lundi 9 janvier 2023

Thriller - Le manoir des sacrifiées sur « L’île de Yule »

La Suède est une terre féconde pour les auteurs de polars. Johana Gustawsson en semble un des meilleurs exemples. Pourtant, malgré son nom typiquement nordique et le fait qu’elle vit depuis quelques années à Stockholm, cette autrice est française et publie ses thrillers terrifiants directement dans la langue de Molière. Chez Calmann-Lévy, elle vient de sortir son second titre après le succès de sa trilogie Roy et Castells parue chez Bragelonnne et en cours d’adaptation en série télé. Un roman entièrement rédigé en Suède après qu’elle a abandonné le soleil de l’Espagne pour s’installer avec sa petite famille sur l’île de Lindigo dans la capitale.

Le roman, sorte de huis clos urbain, se déroule en grande partie sur la petite île de Storholmen. Sa particularité : pas de voitures. La petite communauté y vit à son rythme, loin du tumulte de la grande ville. Il y a quelques maisons individuelles, un bar restaurant près de l’embarcadère où accoste plusieurs fois par jour un bateau faisant la liaison avec Lindigo et un manoir.
Un véritable château, construit au début du XXe siècle par la riche famille des Gussman. Longtemps inhabité, le dernier héritier de la dynastie vient d’y emménager avec sa femme et son fils. Pour les 100 ans du domaine, il veut faire l’inventaire des œuvres d’art collectionnées par ses ancêtres. Il demande donc à une société spécialisée dans l’estimation puis la revente aux enchères de faire l’inventaire. Ce sera Emma Lindahl, jeune experte passée par Christie à Londres qui se retrouve chargée de répertorier ces trésors oubliés.

Sacrifice et pendaison

On découvre assez rapidement qu’Emma a un passif avec le manoir. C’est là que sa jeune sœur a été retrouvée, morte assassinée, pendue à un sapin, vidée de son sang après avoir été torturée plusieurs jours d’affilée, il y a neuf ans. Quand un autre cadavre est retrouvé dans les eaux glacées, le policier chargé de la première enquête, Karl, est persuadé que le cauchemar reprend. Il avait émis l’hypothèse à l’époque que ce crime était une réminiscence de sacrifice de l’ancienne religion viking. Karl qui malgré la disparition de son épouse quelques jours plus tard dans les eaux glacées de Stockholm, se jette à corps perdu dans cette enquête.

Le roman de Johana Gustawsson met un peu de temps à se mettre en place. Car la romancière a pris le parti de faire parler à tour de rôle les différents protagonistes de l’histoire. Emma, Karl, mais aussi une certaine Viktoria, employée de maison au manoir. Trois points de vue pour découvrir les mystères de Storholmen. Le premier coup de théâtre vient d’Emma. En faisant l’inventaire de la chambre de la femme du premier capitaine d’industrie de la dynastie Gussman, elle découvre un message, un SOS après avoir fait tomber trois brosses anciennes et finement ouvragées : « une à cheveux, deux à habits. La coque en argent s’est détachée de la brosse ronde, ouverte comme un coquillage. Tout en moi se glace. (…) J’essaie de reloger la partie métallique qui s’est détachée du manche lorsque j’aperçois un bout de papier plié à l’intérieur. Je le retire par automatisme. Il s’agit d’une note. Une note dont les mots hérissent mon corps de chair de poule : ‘Aidez-moi, je suis enfermée ici’ » Cet appel au secours est-il de la main de sa jeune sœur ? Ou d’une autre femme victime précédemment du même tueur en série ? L’enquête peut véritablement débuter pour Emma et Karl.
Quand survient un revirement incroyable, L’île de Yule acquiert une nouvelle dimension, particulièrement machiavélique et retorse. Et ce n’est qu’un début, la romancière prenant un malin plaisir à inverser les rôles, transformant des héros en méchants ou en semant le doute sur les véritables motivations des différents protagonistes. Un thriller qui parvient nous étonner, loin des sentiers battus, à l’intrigue aussi compliquée (et brillante) qu’un coup de billard à quatre bandes. 

« L’île de Yule » de Johana Gustawsson, Editions Calmann-Lévy, 342 pages, 19,90 €

mardi 18 avril 2017

Thriller : la cuisine de l'horreur de "Mör" de Johana Gustawsson


Le titre du second roman de Johana Gustawsson interpelle. « Mör » ? Explication en quatrième de couverture : « Mör : en suédois, signifie tendre. S’emploie pour parler de viande. » Les amateurs de cuisine scandinave pourraient être tentés d’acheter cette enquête de la profileuse Emily Roy. La mode est à aux références culinaires ces derniers temps. Parsemer une intrigue de quelques bons repas, avec recettes en annexe, donne une saveur supplémentaire aux thrillers. Mais si parfois un des détectives suédois mange avec grand appétit des « kanelbulles », des « petits pains à la cannelle », tout en détaillant les photos des victimes mutilées, quand il est question de viande tendre, ce n’est pas du tout appétissant. Car il s’agit bien d’une histoire de cannibalisme qui est développée dans cette histoire à cheval entre Londres et Falkenberg en Suède.

Première victime découverte au bord d’un lac. Une jeune femme, nue, fesses, cuisses et seins découpés. La mort est donnée par strangulation. Karla, une policière suédoise est chargée de l’enquête. Au même moment, une vedette du cinéma anglais est enlevée à Londres. Falkenberg et Londres, les terrains de chasse habituels d’Emily Roy, profileuse canadienne pour Scotland Yard et Alexis Castells, romancière française (avec des origines catalanes comme l’indique son nom). Elles ont formé un redoutable duo dans « Block 46 », premier roman de Johana Gustawsson, française vivant à Londres.
■ Atout Asperger
Rapidement, les deux jeunes héroïnes vont faire le rapprochement avec les meurtres commis dix ans plus tôt dans un quartier de Londres. Le coupable, Richard Hemfield, qui a été arrêté et jugé, est enfermé dans un hôpital psychiatrique. Il a toujours clamé son innocence. Mais lors de son arrestation, il a tué un policier français en stage à Londres. Le fiancé d’Alexis... Si d’autres crimes sont en cours en Suède, et même en Angleterre, Hemfield serait donc innocent. Alexis ne supporte pas cette éventualité. Et va tout faire pour tenter de dé- mêler cet écheveau compliqué bourré de fausses pistes et de personnages aux lourds secrets de famille. Surfant sur le succès de son premier roman, Johana Gustawsson se permet même de rajouter des personnages secondaires au rôle prépondérant, notamment une stagiaire du procureur, Alienor Lindgergh, encore plus brillante qu’Emily question déduction tout en soufrant d’une forme d’autisme qui la coupe du monde réel. Mais avoir une « Asperger » dans son équipe se révèle d’une incroyable efficacité pour voir les faits avec un regard différent.
 ➤ « Mör » de Johana Gustawsson, Bragelonne, 21,50 €

vendredi 8 janvier 2016

Thriller : Deux femmes et des meurtres


Deux femmes sur les traces d'un ou plusieurs tueurs en série. Dans « Block 46 » de Johana Gustawsson, Emily et Alexis enquêtent entre Londres et la Suède.

Johana Gustawsson, londres, suède, bragelonneDeux époques, trois lieux : Johana Gustawsson n'a pas choisi la facilité pour son premier thriller en solo. Cette journaliste française, originaire de Marseille, n'a pourtant plus rien à voir avec le Sud. Elle vit à Londres et son mari, Suédois, lui a fait découvrir la côte ouest de la péninsule scandinave. Son « Block 46 » se déroule en Angleterre et dans la ville de Falkenberg.
Le lien entre ces deux lieux : des meurtres selon un même mode opératoire. La question récurrente de ce roman est : un serial killer et deux territoires de chasse, ou un tueur dominant et un élève dominé, chacun chez soi ?
Un travail pour Emily Boy, une des deux héroïnes imaginées par Johana Gustawsson. Cette Canadienne, brillante profileuse, est installée à Londres depuis quelques années. Elle collabore avec Scotland Yard. Par un petit matin, dans un parc, des promeneurs découvrent le cadavre d'un enfant grossièrement dissimulé sous des feuilles mortes. Il a été étranglé, dénudé, lavé. Puis le sadique lui a retiré les yeux et arraché la trachée. Une victime de plus pour ce serial killer qui, depuis quelques mois, a déjà frappé à plusieurs reprises à Londres.

Meurtre en Suède
Au même moment, l'autre personnage principal de l'histoire, Alexis Castells, écrivaine française installée à Londres et spécialisée dans les tueurs en série, part en urgence en Suède. Elle est sans nouvelles de sa meilleure amie, Linnéa, styliste en bijouterie. En compagnie d'une autre amie et du futur époux de Linnéa, elle se rend à Falkenberg, ville côtière recouverte de glace en ce mois de janvier rigoureux. Ils n'ont pas le temps de se rendre à la villa de Linnéa. La police vient de retrouver son cadavre au bord de la plage. Énuclée, la trachée arrachée. Cette information arrive jusqu'à Emily qui se transporte immédiatement en Suède. Avec l'aide d'Alexis, elle va tenter de tracer le portrait de ce tueur et ses recherches vont la mettre sur la trace d'un certain Erich, ancien déporté à Buschenwald.
Le lecteur lui est déjà en partie dans la confidence. Entre les différentes scènes en Suède ou à Londres, on suit la survie d'Erich dans ce camp de la mort. Privations, sévices, travail forcé. Il est affecté dans un premier temps au nettoyage des fours. Cela donne quelques passages particulièrement durs comme cette description : « Face à Erich, plusieurs dizaines de corps nus ou vêtus de haillons étaient pendus à des crochets fixes à quelques centimètres du plafond, comme des pièces de viande. Les visages, tordus par la peur et la douleur, semblaient encore vivants. » Erich sera finalement affecté au Block 46, celui des expérimentations médicales. Il va devenir le bras droit d'une médecin nazi fou, disséquant à longueur de journée des corps décharnés de déportés exécutés quelques minutes auparavant. Toute l'horreur du roman est concentrée dans ces courts passages parfois insoutenables.
Fan d'Agatha Christie, Johana Gustawsson attend les dernières pages pour dévoiler l'identité du tueur. Un dénouement remarquablement amené et qui surprend le lecteur. Des deux héroïnes, Emily, la plus effacée, semble pourtant la plus porteuse. Souhaitons que la profileuse au caractère si fragile revienne dans une nouvelle enquête.
Michel Litout
« Block 46 », Johana Gustawsson, Bragelonne, 20 €