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vendredi 12 septembre 2025

Thriller - Une vengeance vieille et implacable

A chaque cadavre son indice. Puzzle macabre pour le profileur suédois  Sebastian Bergman dans « Le fardeau du passé » de Hjorth et Rosenfeldt.

Débutées en 2011, les aventures de Sebastian Bergman comptent désormais 8 titres. Tous réédités ou édités par Actes Sud et Babel Noir. Le nouvel opus, « Le fardeau du passé », arrive dans les librairies pour cette rentrée littéraire. On peut tout à fait le lire sans avoir découvert les sept précédents, mais on y « divulgache » forcément les intrigues des précédents romans tant les deux auteurs, Michael Hjorth et Hans Rosenfeldt, manient avec brio les ressorts du feuilleton. Pas étonnant quand on sait qu'ils ont débuté dans la production de séries télé policières en Suède, pays qui s'est imposé dans ce genre. 

On retrouve au centre du thriller le fameux psychologue et profileur Sebastian Bergman. Un peu plus de 60 ans, toujours aussi séducteur et amateur de jolies femmes. Il a cependant un peu levé le pied sur son « addiction au sexe » depuis qu'il est grand-père. Une petite fille qu'il va parfois chercher à la sortie de l'école maternelle, quand sa mère, Vanja Lithner, chef de la brigade criminelle de Stockholm, le lui demande. 

Sa relation avec Vanja s'apaise depuis qu'il a décidé de ne plus travailler pour son service. Pas pour longtemps cependant. La policière d'élite, dont le service est sur la sellette, récupère une affaire complexe. Une femme assassinée est découverte dans une ferme porcine. Sur les murs cette phrase inscrite en peinture rouge « Résous ça Sebastian Bergman ». Sebastian et Vanja vont donc de nouveau enquêter de concert. Rapidement, un second meurtre, avec une nouvelle énigme à la clé, les oblige à aller très vite. Quitte à s'affranchir de quelques règles légales. La tempête reprend de plus belle dans le service et ils ont fort à faire pour rester à leur poste tout en traquant un meurtrier vicieux et très retors, comme seuls les grands de la littérature nordique savent les imaginer. 

Enquête mouvementée sur laquelle se greffe plusieurs intrigues annexes, explications des romans précédents ou pierres posées pour les prochains épisodes. Il y est question de ce « maudit Billy », ancien collègue de Vanja mais aussi tueur en série attendant son procès, d'une jeune Australienne à l'identité incertaine ou de l'arrivée d'une nouvelle enquêtrice, belle et effrontée : tout pour plaire à Sebastian.   

« Le fardeau du passé » de  Hjorth et Rosenfeldt, Actes Sud, 400 pages, 23,50 €

jeudi 6 février 2025

Thriller - Un meurtre, des conséquences dans « Les morsures du silence » de Johana Gustawsson

Duo de flics franco suédois pour démasquer le ou les coupables de plusieurs meurtres sur l’île de Lidingö, banlieue chic de Stockholm. Un thriller ancré dans notre époque signé Johana Gustawsson. 


Après un prologue choc, une femme se suicide dans une classe de l’école de Lidingö, le roman Les morsures du silence entre dans sa phase d’enquête racontée par les voix de deux policiers, à la première personne. Le premier, Aleks, commissaire du cru, est en charge de la nouvelle enquête qui défraie la chronique de cette île à proximité de Stockholm. La seconde, Maïa, Française, également commissaire en France mais en disponibilité, vit dans la maison de son mari à Lidingö.

Aleks, après l’appel d’un jeune qu’il entraîne au foot, est le premier à découvrir le cadavre et la mise en scène. « Ce que j’ai pris pour une robe est une aube. Une couronne de feuillages piquée de cinq bougies LED lui barre la moitié du visage et souligne la partie défoncée de son crâne. […] Ce n’est pas une fille, allongée là, en habits de sainte Lucie, le crâne fracassé. C’est un garçon. » Sainte Lucie. Une fête religieuse fêtée en Suède par la jeunesse mi-décembre.

Un meurtre et deux suicides

Aleks se souvient. Il y a plus de 20 ans, jeune policier, il a participé à une enquête éclair. Le soir de la fête, la jeune fille qui avait endossé la robe de la sainte pour la traditionnelle procession, était retrouvée assassinée dans les bois. Son petit ami du moment, Gustav, a été condamné à une longue peine de prison. Mais il a toujours nié. Et s’est suicidé récemment, quelques mois avant sa sortie. Sa mère aussi, quelques jours plus tard. Dans la salle de classe.

Aleks va revivre l’affaire. Maia la découvre après que la mère de la suicidée et grand-mère du condamné lui demande de refaire l’enquête. Maia saute sur l’occasion. Si elle s’est retirée en Suède, c’est en raison de la mort accidentelle, il y a un peu plus d’un an, de sa fille.

L’autrice ne donne pas de détails. Mais la policière est très affectée, elle culpabilise. « Quand ma fille est morte, je prenais une douche en me réjouissant d’avoir la maison pour moi toute seule. La banalité de ce moment a longtemps rajouté un poids énorme à ma peine. Pendant que ma fille criait peut-être mon nom comme le font les soldats avant de mourir, moi, je n’ai entendu que mon propre désir de solitude. » Maia trouve dans cette enquête une petite occasion pour tenter de sortir de son marasme.

Des investigations officieuses avec l’appui d’Aleks, bourru mais compréhensif. À deux, ils vont tenter de faire le lien entre les victimes d’aujourd’hui (un autre adolescent est retrouvé quelques jours plus tard, toujours habillé d’une aube, toujours la tête fracassée), et le premier meurtre.

La mort d’un enfant n’est pas sans conséquence. L’assassinat de deux adolescents non plus. Aleks et Maia vont donc unir leurs compétences mais aussi leurs solitudes, douleurs et malheurs, pour plonger dans les entrailles du passé, tenter de démêler les mensonges de l’époque, amplifiés par ceux d’aujourd’hui. Briser cette loi du silence.

Le nouveau thriller de Johana Gustawsson, Française installée en Suède, est encore plus sombre que les précédents. Elle profite de cette histoire pour mettre en lumière les différences de gestion par la police des affaires de violences sexuelles. Et souligne que si la France a encore bien des progrès à faire, la Suède est exemplaire, mais depuis peu de temps. À méditer.

« Les morsures du silence », Johana Gustawsson, Calmann Lévy, 378 pages, 20,90 €

vendredi 8 novembre 2024

Thriller - Place à la terreur dans les bois avec Maria Grund

Sanna et Eir, policières sur une île suédoise, sont de nouveau sur la sellette. Un homme, nu, poignardé, est retrouvé dans une ferme en ruines au cœur des bois. 



L’image d’une Suède tranquille et prospère, où il fait bon vivre, est sérieusement écornée dans les romans policiers des écrivains du cru. Maria Grund, nouvelle venue dans le milieu, n’échappe pas à la règle. Son premier titre, La fille-renard, abordait de front le problème de la maltraitance des enfants et de la pédophilie.

Dans la suite, Le diable danse encore, la police locale doit faire face à une multitude de problèmes, dont, entre autres, celui des SDF squattant sur des radeaux qu’ils amarrent dans des zones désertes, de la montée des groupes violents d’extrême-droite et du trafic de drogue gangrenant la jeunesse.

On retrouve aussi les différents personnages du premier tome, notamment Sanna Berling et Eir Pedersen, policières. La première, marquée après un affrontement avec Jack, tueur en série terrifiant, tente de se reconstruire dans le poste de police d’un petit village. La seconde poursuit sa carrière à la criminelle et a même rencontré l’amour. Tout change quand Sana, en suivant dans les bois un groupe d’adolescentes rebelles en vélomoteur, tombe sur le cadavre d’un homme dans les ruines d’une ferme. Il est nu, poignardé, le corps recouvert d’ecchymoses. Le roman raconte avec brio toute l’enquête, les progressions, les fausses pistes, jusqu’à la scène finale. Mais l’essentiel est dans le développement de la vie et de la psychologie des deux héroïnes. Sanna craint le retour de Jack. Elle reçoit des appels anonymes et entend parfois du bruit dans son appartement.

Cela devient vite effrayant, même pour le lecteur : « Sanna s’immobilise, et les images des victimes de Jack lui reviennent en masse. Elles avaient toutes la poitrine tailladée à coups de couteau. Tout à coup elle sent un courant d’air lui caresser la nuque. Elle tourne rapidement la tête pour regarder par-dessus son épaule, mais il n’y a personne. C’est juste cette satanée impression d’être observée qui lui joue encore des tours. »

Sanna et Eir, deux femmes aux abois, malmenées par leur créatrice. Car la Suède, définitivement, n’est plus un pays où il fait bon vivre…


« Le diable danse encore », Maria Grund, Robert Laffont - La Bête noire, 456 pages, 22 €

jeudi 7 novembre 2024

Polar - « Le premier renne », âme de la toundra

Découverte de terres rares, élevage de rennes et attaques de loups : trois facteurs qui risquent de mettre le feu à la région où patrouillent Klemet et Nina, membres de la police des rennes. 


On pourrait penser que dans la toundra, au cœur de ce grand nord, terres froides entre Suède, Norvège et Finlande, la nature a encore tous ses droits. En lisant le nouveau polar d’Olivier Truc, journaliste français vivant à Stockholm, on comprend que là-bas aussi l’environnement est en grand danger.

On retrouve avec un réel plaisir ses deux héros récurrents de la police des rennes : Nina Nansen et Klemet Nango. Le second est à moitié Sami, cette ethnie qui peuple la toundra depuis des siècles et des siècles. Une société en harmonie avec l’énergie vitale du lieu : les rennes. Ces mammifères vivent en harmonie avec leurs éleveurs, broutant le lichen, circulant librement de prairie en pâturage en été.

Un mode de vie qui perdure. Mais pour combien de temps encore ? C’est l’interrogation, l’inquiétude, qui reste en filigrane de ce texte. Les nomades éleveurs ont d’abord dû céder du terrain quand du fer a été découvert à Kiruna en Suède. Une mine toujours en exploitation, qui charrie des milliers de tonnes de minerai vers la côte, en train. Convois qui traversent les chemins de transhumance des troupeaux de rennes.

Nina et Klemet sont sollicités quand un train tue plusieurs dizaines de bêtes arrêtées sur les voies. Les éleveurs sont furieux. Le lendemain une bombe fait exploser le chemin de fer. La tension est forte. D’autant que l’été est là, avec un ensoleillement dépassant les 23 heures, et beaucoup de travail pour les éleveurs qui doivent marquer les faons. Une pratique ancestrale.

Chaque famille Sami a une marque propre, faite sur les oreilles des jeunes animaux. On découvre cette pratique avec Anja, fille d’éleveur, une rebelle. « Jamais Anja n’avait marqué un faon avec tant de difficulté. […] Elle reposa un instant sa main droite qui tenait le petit couteau à la lame effilée. […] Le cœur du faon battait, résonnait dans son propre crâne. Elle prit à nouveau la fine oreille entre ses doigts, retins sa respiration, l’œil démesuré du faon figé sur elle, trancha la pointe de biais. Pour sa marque, il fallait encore cinq coups de couteau. » Le texte d’Olivier Truc nous permet de plonger dans ce mode de vie si particulier ; ancestral tout en étant moderne, les jeunes Sami utilisant des drones pour localiser et guider les rennes de la toundra vers la zone de marquage.

Anja est au centre de l’intrigue. Spoliée de ses droits, elle veut avoir sa place dans le groupement d’éleveurs, le sameby. Mais en secret, elle a une autre utilité : c’est elle, tireuse d’élite, qui est chargée d’éliminer les loups et autres gloutons, prédateurs des rennes.

L’occasion pour l’auteur de faire se rencontrer Anja et un vieux berger français, Joseph, ayant perdu son troupeau dans les Alpes. Il veut se venger. Se rend à Kiruna pour se faire un loup. Anja va le guider, passer un marché avec lui, tout en expliquant, « J’en ai abattu trois des loups. Et quelques gloutons aussi. C’est pas pour ça que je me sens mieux. Ça Fait longtemps que j’ai compris que c’est pas ça qui m’apaiserait. » Cette plongée littéraire dans la nature sauvage est contrebalancée par les manœuvres des hommes, les ambitieux, investisseurs qui rêvent de gagner beaucoup d’argent.

Des gisements de terres rares ont été découverts. Le nouveau pétrole de la transition écologique. Mais encore une fois, cela risque se faire au détriment des rennes et des Samis.

« Le premier renne », Olivier Truc, Métailié, 528 pages, 22 €

jeudi 8 février 2024

Thriller - « L’araignée », tueuse aveuglée par la vengeance

 Les deux héros policiers imaginés par Lars Kepler, Saga Bauer et Joona Linna affrontent un serial killer insaisissable : une femme qui se prend pour une araignée. 


La littérature de genre nordique est souvent très explicite. La violence y est décrite sans fioritures. C’est un peu la marque de fabrique de Lars Kepler, pseudonyme d’un couple d’écrivains, Alexander et Alexandra Ahndoril. Cette nouvelle enquête de Saga Bauer et Joona Lima mettra à rude épreuve les nerfs des plus sensibles.

Les deux policiers, toujours sur la brèche, de plus en plus torturés, voient leur entourage littéralement décimé. Des policiers haut placés sont enlevés puis assassinés dans des conditions horribles. Voilà dans quel état ils retrouvent le corps de Margot Silverman, directrice de la police suédoise : dans un « long paquet posé à terre composé de draps et de plastique, entouré d’une ficelle. […] Après avoir fait une profonde incision dans la partie la plus épaisse, par l’ouverture, une bouillie grise striée d’un rouge marron s’écoule dans l’herbe. Une odeur chimique piquante les fait reculer. Lorsque la substance visqueuse s’est répandue sur le sol, un pied à moitié dissous apparaît dans l’herbe au milieu de la gelée brunâtre. » Plongé dans un cocon hermétique, le corps est dissous dans de l’acide. Exactement comme le font les araignées pour leurs proies.

Saga est au centre de l’affaire car le tueur, une tueuse qui se prend pour une araignée, lui envoie des indices avant les meurtres. La dernière victime sera Joona. Et seule Saga pourra le sauver. Une intrigue complexe, très variée, qui montre toutes les failles de ce duo depuis trop longtemps au plus proche des tueurs les plus démoniaques.

Et une figure revient régulièrement : le sinistre Jurek Walter (voir Le chasseur de lapins et Lazare), éliminé par Joona. L’araignée est-elle une disciple ? A moins que les raisons de ce déferlement de violence soient plus complexes et à base de vengeance. Un thriller qui vous emmène loin sur les rives d’un esprit torturé.

« L’araignée » de Lars Kepler, Actes Sud, 512 pages, 24,50 €

samedi 16 septembre 2023

BD - Les nouveaux réfugiés d'une Europe dépassée


De nos jours, un groupe terroriste inconnu fait sauter la centrale nucléaire de Mosseheim en Alsace. Des millions de Français, mais aussi de Belges et d’Allemands doivent quitter la zone irradiée. Sylvain Runberg et Olivier Truc se sont associés pour écrire ce scénario mis en images par Julien Carette.

Les premières pages montrent le travail des techniciens de la centrale quelques minutes avant l’explosion ainsi que la vie d’une famille prise dans la tourmente. Les Murat, Christophe, le père, chef cuisinier, en train de fêter sa première étoile, Sandra, la mère, décidée à le quitter après des années d’humiliation et deux grands ados, Thibaud et Louise. La catastrophe nucléaire change complètement la donne. Terminée la belle villa, le boulot prenant mais épanouissant, les projets de nouvelle vie avec un autre amoureux, la Playstation et les posts Instagram.

Envoyés en Suède dans le cadre d’un accord européen, les Murat deviennent des réfugiés au même titre que les Syriens arrivés quelques mois auparavant. Mais le plus compliqué reste la cohabitation avec les Allemands, qui rendent la France, et donc tous les Français, responsables de cette situation. Dans le camp où les bénévoles sont débordés, les tensions sont fortes, d’autant qu’à ce quotidien se greffe une intrigue politico-militaire sur les véritables responsables de l’explosion.

La première partie de ce roman graphique en deux tomes est passionnante comme un polar futuriste. Les exilés de Mosseheim a aussi le grand mérite de nous faire réfléchir sur deux réalités trop souvent occultées dans notre monde moderne et privilégié : les risques du nucléaire et le sort des réfugiés, quelles que soient leurs raisons ou leurs origines.

« Les exilés de Mosseheim » (tome 1), Dupuis, 88 pages, 21,95 €

mardi 30 mai 2023

Un film à voir en VOD - « UFO Sweden », rencontre du 3e type nordique

Un club de chasseurs d’ovni suédois est persuadé d’avoir découvert un vaisseau spatial. Un film original, plus sur l’amitié que les petits hommes verts.


Uniquement disponible en VOD, UFO Sweden de Victor Danell (Wild Side) fait partie de ces réalisations originales, manquant de moyens mais qui parviennent malgré tout à captiver son public cible. Il est question d’ovni, de trou de ver, de disparition et d’amitié dans cette histoire qui débute dans les années 80.

La très jeune Denise se retrouve sans père depuis que ce dernier, est parti chasser l’ovni dans les montagnes. Des années plus tard, adolescente, Denise (Inez Dahl Torhaug) est toujours obnubilée par cette disparition. C’est elle qui désormais tente de découvrir la preuve de l’existence d’extraterrestres.

Quand elle retrouve la trace de la voiture de son père, réapparue, comme tombée du ciel, dans une grange, elle retourne au club UFO Sweden pour demander de l’aide. Mais l’ancien club créé par son père n’a plus les mêmes objectifs. Denise devra déployer des trésors de diplomatie pour relancer la flamme.

Avec des airs de Stranger Things accentué par la musique, ce film raconte surtout la belle amitié naissante entre la petite orpheline et ces quatre losers, considérés comme fous par le commun des mortels. Le final manque cruellement d’effets spéciaux, mais le réalisateur s’en tire malgré tout.

Les comédiens, inégaux, apportent cette touche d’humanité, de vérité, qui manque trop souvent dans ce genre de réalisation qui fonctionne essentiellement à la caricature.
 

jeudi 23 mars 2023

Thriller - Deux îles, deux types d’angoisse

 Un duo de policières suédoises et un trio de françaises animent ces deux thrillers qui ont pour point commun de se dérouler en grande partie sur des îles lugubres.


Pour mettre en place un huis clos angoissant, rien de tel que des îles. Les romancières Maria Grund et Sonja Delzongle ont parfaitement maîtrisé ce fait en plantant l’intrigue de leurs derniers thrillers sur des bouts de terre isolés où personne ne vous entendra hurler de peur. La première est au large de la Suède, la seconde au milieu du lac Léman.L’autre point commun de ces deux romans, ce sont les failles psychologiques des différentes protagonistes. 


Le duo suédois est composé de Sanna et Eir. La première, en poste depuis toujours sur cette île où personne ne veut aller, vit depuis quelques mois dans un garage. Elle n’ose plus retourner dans sa maison depuis qu’un pyromane y a mis le feu. Dans les flammes, son mari et son fils ont trouvé la mort. Dépressive, elle se raccroche à son boulot. Et aux médicaments. Elle change de partenaire. L’habituel, qui veille sur elle, prend sa retraite. A la place c’est Eir qui va l’aider. Une ambitieuse. Un peu trop sanguine. Sa mutation est une sanction, elle qui avait intégré le service le plus côté de la police suédoise à la capitale. Ensemble, elles vont apprendre à se connaître, s’apprécier et se lancer dans une enquête qui débute par la découverte d’une adolescente dans un lac. Elle se serait suicidée, avec le masque d’un renard sur le visage.

Une mort rapidement éclipsée par d’autres cadavres. Un tueur semble vouloir faire le ménage dans un groupe qui a pour point commun d’être très croyant et qui a animé un camp pour des enfants il y a sept ans. La fille renard, premier roman de Maria Grund, est dense et violent. Malgré les errances de Sanna et l’impatience d’Eir, on suit la lente progression de l’enquête jusqu’à la conclusion finale, très sombre comme souvent dans les polars nordiques.


Tout aussi sombre le nouveau roman de Sonja Delzongle, Thanatea. Thanatea c’est le nom de cette petite île nichée au centre du lac Léman. Une société l’a transformée en temple de la mort. Un endroit pour dire adieu à ses proches, dans le luxe et la discrétion. C’est là qu’Esther va entamer la seconde partie de sa vie professionnelle. Cette policière lyonnaise, traumatisée après la mort de sa petite fille d’un cancer, devient préposée au café dans ce bunker angoissant. On suit son adaptation en parallèle au quotidien de ses deux meilleures amies, toujours flics, Layla et Hélène. Le roman débute par des obsèques. De l’une des trois. Laquelle ?

Après quantité de rebondissements, le lecteur ne l’apprend que dans les dernières pages, après avoir découvert les pratiques étranges de ces nouvelles entreprises de pompes funèbres. Un roman qui fait la part belle aux errements des trois héroïnes. Esther, toujours dépressive, Layla, mère courage qui affronte le mari de sa fille, de venu violent et Hélène, abandonnée par son compagnon pour une plus jeune.

Ces deux romans, dans des styles différents, s’articulent autour d’amitiés fortes, d’histoires de famille compliquées et de décors parfaitement adaptés aux deux intrigues principales.

« La fille renard » de Maria Grund, Robert Laffont, 21,90 €

« Thanatéa » de Sonja Delzongle, Fleuve Noir, 20,90 €

samedi 18 février 2023

DVD - Rire des riches, le credo de "Sans filtre"


Palme d’or à Cannes, en course pour plusieurs Oscars aux USA (meilleur film, scénario et réalisateur), Sans filtre (M6 Vidéo) du Suédois Ruben Östlund est une satire impitoyable de la société du paraître. Les riches, nouveaux et héritiers, en prennent pour leur grade dans ces trois heures de virtuosité cinématographique. Un long métrage découpé en trois parties.

On découvre dans un premier temps le milieu de la mode et les réussites du couple Carl et Yaya (Harris Dickinson et Charlbi Dean Kriek, décédée peu de temps avant la sortie du film en salles, à 32 ans). Un couple loué par sa beauté, invité pour briller sur une croisière de luxe avec de très riches industriels.

Dolly de Leon, une des comédiennes de Sans filtre.
  M6 Vidéo


La suite est un véritable massacre de classe, jouissive en ces temps où le peuple gronde dans la rue contre les superprofits des grands groupes capitalistiques. DVD et blu-ray offrent de jolis bonus pour un film dont l’achat se justifie déjà à lui tout seul. En plus d’un gros quart d’heure de scènes coupées (notamment l’histoire de la bague de fiançailles offerte par Carl à Yaya), deux longues interviews réalisées à Cannes sont proposées ; la comédienne Dolly de Leon et le réalisateur, espiègle quand il explique tout le plaisir qu’il a éprouvé en filmant le repas durant la tempête sur le bateau, prouesse cinématographique qui restera dans les annales du 7e art. 

lundi 9 janvier 2023

Thriller - Le manoir des sacrifiées sur « L’île de Yule »

La Suède est une terre féconde pour les auteurs de polars. Johana Gustawsson en semble un des meilleurs exemples. Pourtant, malgré son nom typiquement nordique et le fait qu’elle vit depuis quelques années à Stockholm, cette autrice est française et publie ses thrillers terrifiants directement dans la langue de Molière. Chez Calmann-Lévy, elle vient de sortir son second titre après le succès de sa trilogie Roy et Castells parue chez Bragelonnne et en cours d’adaptation en série télé. Un roman entièrement rédigé en Suède après qu’elle a abandonné le soleil de l’Espagne pour s’installer avec sa petite famille sur l’île de Lindigo dans la capitale.

Le roman, sorte de huis clos urbain, se déroule en grande partie sur la petite île de Storholmen. Sa particularité : pas de voitures. La petite communauté y vit à son rythme, loin du tumulte de la grande ville. Il y a quelques maisons individuelles, un bar restaurant près de l’embarcadère où accoste plusieurs fois par jour un bateau faisant la liaison avec Lindigo et un manoir.
Un véritable château, construit au début du XXe siècle par la riche famille des Gussman. Longtemps inhabité, le dernier héritier de la dynastie vient d’y emménager avec sa femme et son fils. Pour les 100 ans du domaine, il veut faire l’inventaire des œuvres d’art collectionnées par ses ancêtres. Il demande donc à une société spécialisée dans l’estimation puis la revente aux enchères de faire l’inventaire. Ce sera Emma Lindahl, jeune experte passée par Christie à Londres qui se retrouve chargée de répertorier ces trésors oubliés.

Sacrifice et pendaison

On découvre assez rapidement qu’Emma a un passif avec le manoir. C’est là que sa jeune sœur a été retrouvée, morte assassinée, pendue à un sapin, vidée de son sang après avoir été torturée plusieurs jours d’affilée, il y a neuf ans. Quand un autre cadavre est retrouvé dans les eaux glacées, le policier chargé de la première enquête, Karl, est persuadé que le cauchemar reprend. Il avait émis l’hypothèse à l’époque que ce crime était une réminiscence de sacrifice de l’ancienne religion viking. Karl qui malgré la disparition de son épouse quelques jours plus tard dans les eaux glacées de Stockholm, se jette à corps perdu dans cette enquête.

Le roman de Johana Gustawsson met un peu de temps à se mettre en place. Car la romancière a pris le parti de faire parler à tour de rôle les différents protagonistes de l’histoire. Emma, Karl, mais aussi une certaine Viktoria, employée de maison au manoir. Trois points de vue pour découvrir les mystères de Storholmen. Le premier coup de théâtre vient d’Emma. En faisant l’inventaire de la chambre de la femme du premier capitaine d’industrie de la dynastie Gussman, elle découvre un message, un SOS après avoir fait tomber trois brosses anciennes et finement ouvragées : « une à cheveux, deux à habits. La coque en argent s’est détachée de la brosse ronde, ouverte comme un coquillage. Tout en moi se glace. (…) J’essaie de reloger la partie métallique qui s’est détachée du manche lorsque j’aperçois un bout de papier plié à l’intérieur. Je le retire par automatisme. Il s’agit d’une note. Une note dont les mots hérissent mon corps de chair de poule : ‘Aidez-moi, je suis enfermée ici’ » Cet appel au secours est-il de la main de sa jeune sœur ? Ou d’une autre femme victime précédemment du même tueur en série ? L’enquête peut véritablement débuter pour Emma et Karl.
Quand survient un revirement incroyable, L’île de Yule acquiert une nouvelle dimension, particulièrement machiavélique et retorse. Et ce n’est qu’un début, la romancière prenant un malin plaisir à inverser les rôles, transformant des héros en méchants ou en semant le doute sur les véritables motivations des différents protagonistes. Un thriller qui parvient nous étonner, loin des sentiers battus, à l’intrigue aussi compliquée (et brillante) qu’un coup de billard à quatre bandes. 

« L’île de Yule » de Johana Gustawsson, Editions Calmann-Lévy, 342 pages, 19,90 €

vendredi 18 novembre 2022

Thriller - Adieu à Rebecka Martinsson dans "Les crimes de nos pères" d'Asa Larsson

Dans le petit monde des auteurs de polar suédois, Asa Larsson est la plus lue. La personnalité de son héroïne récurrente, Rebecka Martinsson, y est pour beaucoup. Une jeune femme de son temps, libre, pleine de contradictions, qui ne s’enferme pas dans une routine et remet souvent son existence en question. Les crimes de nos pères est le sixième « épisode » de ses aventures. Le dernier aussi. 

Comme toujours, l’action se déroule dans la petite ville de Kiruna, au nord de la Suède. Le printemps arrive doucement. Une renaissance pour beaucoup. Sauf Ragnild Pekkari, une infirmière à la retraite depuis six mois. Elle a pris sa décision. Tôt le matin elle va traverser un pont de neige fragilisé par les températures douces et tomber dans les eaux encore glaciales de la rivière. Une mort accidentelle pour tout le monde. Une façon de tirer sa révérence en toute discrétion. Mais juste avant de s’engager sur le chemin de la mort, elle reçoit un coup de téléphone à propos de son frère. Elle abandonne son projet macabre et va sur une petite île, là où croupit cet ivrogne depuis toujours. 

Ragnild le découvre « allongé sur le dos, dans le canapé. Immobile. Visage tourné vers le dossier. Un corps si frêle, telle une carcasse de vieux canot enfouie dans les broussailles sur la berge, dont il ne reste que la quille et la membrure. Elle s’approcha. Il ne respirait plus. » Elle fouille la maison et dans un vieux congélateur découvre un second corps. 

L’affaire revient à la procureure Rebecka Martinsson qui avec l’aide de son équipe va remuer quelques affaires très anciennes où gravitent un ancien boxeur, le roi des airelles, la mafia russe et les fantômes de sa propre famille. 

Écriture trépidante, personnages complexes et attachants : ce final ne décevra pas les fans. Et si vous découvrez Rebecka, il vous donnera furieusement envie de lire les cinq précédents titres.

« Les crimes de nos pères » d’Asa Larsson, Albin Michel, 22,90 €


jeudi 10 février 2022

Polar - Parachutage mortel


Moins sombre que les polars scandinaves, « La fille de l’air » de Randi Fuglehaug a parfois des airs de roman policier régional. Agnes, journaliste pleine de talent, lassée de la vie à Oslo, accepte une offre dans le journal local de sa région natale, à Voss, dans la région des fjords. Elle s’y ennuie ferme mais comme elle tente d’avoir un enfant… 

Quand un accident de parachute cause la mort d’une jeune femme, Agnes retrouve ses instincts d’enquêtrice et découvre. Les policiers pensent que c’est un crime et les principales suspectes sont d’anciennes collègues de classe d’Agnes. Un polar très maîtrisé, porté par une héroïne qui doute et risque de se retrouver plus impliquée qu’elle ne le voudrait. 

« La fille de l’air » de Randi Fuglehaud, Albin Michel, 21,90 € 

mercredi 1 août 2018

Polar : La famille suédoise selon Roslund & Thunberg


Marre de cuire sur la plage par 32° à l’ombre du parasol, beaucoup plus en plein soleil ? Envie de fraîcheur ? Et si vous vous plongiez dans un bon polar nordique ? Vous avez le choix des destinations et des températures. Très froid en Islande, un peu plus supportable en Suède.

Attention par contre si vous choisissez « Made in Sweden » de Roslund et Thunberg, les 650 pages denses et prenantes risquent de vous conduire à l’insolation si vous le lisez d’une traite. Pour la première fois Roslund quitte son compagnon de plume habituel (Hellström) pour s’associer à un scénariste, Thunberg. Ce polar, inspiré de faits réels, raconte le périple violent de trois frères dans les années 90. Ils font le casse du siècle en dérobant des armes dans une base secrète  militaire. Suffisamment pour équiper une petite armée. Ils vont utiliser leur arsenal pour multiplier les braquages et même tenter de faire chanter le gouvernement.

Vous voulez du frais ? « Ivan tenait l’enveloppe avec les billets dans une main et s’appuyait contre la porte close avec l’autre, balançant son corps gelé. Alors que dehors il faisait deux degrés, il portait une veste fine par-dessus une chemisette. »

Trois frères soudés, un enquêteur têtu et opiniâtre : ce polar est doublement réel car Thunberg est le quatrième frère des braqueurs ayant inspiré le roman.

➤ « Made in Sweden », Actes Sud, 23,80 €

jeudi 22 juin 2017

DVD et blu-ray : Chasser ses cauchemars au plus profond de la forêt



Drame psychologique, film d’horreur, déambulation forestière ? Impossible de cataloguer «Dans la forêt», film de Gilles Marchand où on retrouve un peu de l’esprit de Dominik Moll, coscénariste. Tourné dans la forêt suédoise, cette histoire vire rapidement à l’épreuve initiatique pour les deux enfants de la distribution.
Tom (Timothé Vom Dorp) et Ben (Théo Van de Voorde) vont rejoindre pour un mois de vacances leur père (Jérémie Elkaïm) en Suède où il vit et travaille depuis sa séparation avec la mère des enfants. Perdus dans ce pays qu’ils ne connaissent pas où l’on parle une langue incompréhensible, ils sont totalement dé- pendant de leur père. Un homme mystérieux, qui semble préférer le plus jeune, Tom, lui racontant des histoires à faire peur et tentant de le persuader qu’il est différent, qu’il a un don. Première frayeur pour le spectateur. Ce n’est qu’un début. Tom a des visions, il
est hanté par un homme défiguré, le «Diable» comme il explique à son frère, ado et moqueur. Mais quand ils partent à trois passer quelques jours dans une cabane au cœur des bois, le diable devient omniprésent et l’angoisse, renforcée par le jeu pour une fois impeccables des enfants, transforme le film en boule d’angoisse oppressante. Que va-t-il se passer dans ces forêts isolées, le père est-il fou, le salut viendra-t-il de ces trois campeurs croisés par hasard ?
Coproduit par Jérémie Elkaïm, le film laisse un peu sur sa faim sur les explications de ces étranges phénomènes, reste une ambiance, des décors et quelques images fortes, que tout être normal risque de retrouver un jour ou l’autre dans ses pires cauchemars.
Dans les bonus, le réalisateur revient longent sur la genèse du projet, le choix des acteurs et la difficulté du tournage effectué à la dure en conditions réelles.
➤ «Dans la forêt», Pyramide Vidéo, 19,99 €

jeudi 1 juin 2017

DVD et blu-ray : Rêves brisés de « La Communauté »



Thomas Vinterberg, réalisateur de « La Communauté », a largement puisé dans ses souvenirs d’enfance pour écrire le scénario de ce film moderne et nostalgique. Moderne car il montre comment dans les années 70 au Danemark, une certaine idée de la solidarité et du collectivisme permettait à des hommes et femmes de vivre en communion avec amis et inconnus. Nostalgie car ces expériences communautaires ont quasiment toutes disparu, victimes de l’évolution de la société de plus en plus individualiste.



Sur l’impulsion de sa femme, présentatrice à la télévision nationale, Erik décide de conserver la vaste maison qu’il vient d’hériter à la mort de son père. C’est beaucoup trop grand pour ce couple uni qui a une fille, Freja, adolescente.Ils ouvrent alors les nombreuses chambres à une dizaine d’amis et tel un entretien d’embauche, décident de qui peut ou ne peut pas vivre avec eux. Le début du film montre cette période enthousiaste. Anna (Trine Dyrholm) retrouve de sa jeunesse avec l’apport de ces nouvelles personnalités. Freja se découvre un frère de substitution et Henrich, le plus sceptique au début, se laisse séduire par la douce folie de ses colocataires. Mais comme trop souvent dans les histoires de couple, l’amour fait des siennes. Heinrich succombe aux charmes d’une de ses étudiantes. Et Anna, dans l’esprit de la communauté, demande à ce qu’elle vienne vivre dans la maison commune. Un ménage à trois impossible...
On retient du film l’interprétation deTrineDyrholm,touchante dans la peau de cette femme blessée qui tente de faire bonne figure. On apprécie aussi les bonus, notamment un long entretien avec le réalisateur qui se livre un peu plus sur son histoire personnelle.
➤ « La communauté », Le Pacte Vidéo, 19,99 €

mardi 18 avril 2017

Thriller : la cuisine de l'horreur de "Mör" de Johana Gustawsson


Le titre du second roman de Johana Gustawsson interpelle. « Mör » ? Explication en quatrième de couverture : « Mör : en suédois, signifie tendre. S’emploie pour parler de viande. » Les amateurs de cuisine scandinave pourraient être tentés d’acheter cette enquête de la profileuse Emily Roy. La mode est à aux références culinaires ces derniers temps. Parsemer une intrigue de quelques bons repas, avec recettes en annexe, donne une saveur supplémentaire aux thrillers. Mais si parfois un des détectives suédois mange avec grand appétit des « kanelbulles », des « petits pains à la cannelle », tout en détaillant les photos des victimes mutilées, quand il est question de viande tendre, ce n’est pas du tout appétissant. Car il s’agit bien d’une histoire de cannibalisme qui est développée dans cette histoire à cheval entre Londres et Falkenberg en Suède.

Première victime découverte au bord d’un lac. Une jeune femme, nue, fesses, cuisses et seins découpés. La mort est donnée par strangulation. Karla, une policière suédoise est chargée de l’enquête. Au même moment, une vedette du cinéma anglais est enlevée à Londres. Falkenberg et Londres, les terrains de chasse habituels d’Emily Roy, profileuse canadienne pour Scotland Yard et Alexis Castells, romancière française (avec des origines catalanes comme l’indique son nom). Elles ont formé un redoutable duo dans « Block 46 », premier roman de Johana Gustawsson, française vivant à Londres.
■ Atout Asperger
Rapidement, les deux jeunes héroïnes vont faire le rapprochement avec les meurtres commis dix ans plus tôt dans un quartier de Londres. Le coupable, Richard Hemfield, qui a été arrêté et jugé, est enfermé dans un hôpital psychiatrique. Il a toujours clamé son innocence. Mais lors de son arrestation, il a tué un policier français en stage à Londres. Le fiancé d’Alexis... Si d’autres crimes sont en cours en Suède, et même en Angleterre, Hemfield serait donc innocent. Alexis ne supporte pas cette éventualité. Et va tout faire pour tenter de dé- mêler cet écheveau compliqué bourré de fausses pistes et de personnages aux lourds secrets de famille. Surfant sur le succès de son premier roman, Johana Gustawsson se permet même de rajouter des personnages secondaires au rôle prépondérant, notamment une stagiaire du procureur, Alienor Lindgergh, encore plus brillante qu’Emily question déduction tout en soufrant d’une forme d’autisme qui la coupe du monde réel. Mais avoir une « Asperger » dans son équipe se révèle d’une incroyable efficacité pour voir les faits avec un regard différent.
 ➤ « Mör » de Johana Gustawsson, Bragelonne, 21,50 €

samedi 13 août 2016

DVD et blu-ray : Petit Pelé deviendra grand

pelé, brésil, footabll, suède, ginga, wild side vidéoEn plein jeux olympiques de Rio, pour oublier un peu les déboires tricolores, rien de tel qu'un petit biopic pour se changer les idées. Mais pour rester dans le ton, intéressons-nous à un sportif brésilien. "Pelé, naissance d'une légende" raconte la jeunesse du grand joueur de foot. Gamin, il joue au foot pieds nus dans la rue avec une pelote de tissus. Pauvre, il cire des chaussures pour aider sa famille. Mais il a de l'or dans les pieds et un recruteur le repère. Il ira au club des Santos et intègrera l'équipe nationale pour revenir de la Suède, à 17 ans, champion du monde. Sur près d'un tiers du film, Pelé n'est qu'un enfant, volontaire mais tiraillé entre l'envie de jouer au foot et de faire plaisir à ses parents. Il choisira le foot un peu plus tard, imposant au plus haut niveau ce jeu instinctif et magique que les Brésiliens désignent sous le nom de Ginga. Un peu trop académique parfois, le film devient plus palpitant durant la compétition en Suède. On retrouve avec plaisir dans le rôle de l'entraîneur brésilien Vincent d'Onofrio, acteur américain tout terrain capable de passer des vestiaires de foot à la police criminelle de New York sans oublier ses débuts en soldat névrosé dans "Full Metal Jacket". Un DVD accompagné d'un élégant livret de 48 pages reprenant les grandes unes de la presse sportive française sur la carrière du dieu vivant du football.
"Pelé, naissance d'une légende", Wild Side Vidéo, 19,99 € le DVD, 24,99 € le blu-ray.

vendredi 1 juillet 2016

Thriller : L'île maudite de Viveca Sten



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Le nouveau thriller de Viveca Sten (déjà quatre titres parus chez Albin Michel) se passe comme d'habitude sur l'île de Sandhamn. On retrouve les deux héros récurrents de cet univers adapté à la télévision, Thomas, policier et Nora, avocate. Quand Thomas est chargé d'une enquête sur le suicide suspect d'un étudiant, il ne se doute pas que son enquête va le ramener vers son île natale. Exactement sur le rivage duquel on aperçoit, Korsö, la base militaire chargée de défendre Stockholm d'une hypothétique invasion maritime. Dans ces baraquement, il y a quarante ans, l'élite de l'armée suédoise formait ses recrues. Avec parfois des pertes. L'intrigue mêle passé et présent, avec une série de meurtres inexpliqués. A force de travail et de recherches, Thomas parviendra à les relier et se lancera sur les traces d'un tueur particulièrement rancunier.
« Les secrets de l'île », Viveca Sten, Albin Michel, 22 euros


samedi 14 mai 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : L'Eurovision des bizarreries

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Ce soir, c'est Eurovision (que j'adore, comme vous le savez). Chaque année, des millions de personnes regardent le concours et en France on croira à la victoire tout au long de la soirée, jusqu'au moment fatidique des votes. Selon les spécialistes (oui il existe des spécialistes de ce genre de compétition), Amir, le représentant français, a de fortes chances de l'emporter. Ou du moins de monter sur le podium. Enfin il ne pointera pas dernier... si l'on en croit les bookmakers anglais.
Histoire de ne pas terminer dans les abysses du classement, les sélectionneurs nationaux ont même accepté l'inacceptable : le refrain de la chanson est en anglais.

Bizarre quand on sait que la représentante autrichienne, Zoë Straub, âgée de 19 ans, interprétera "Loin d'ici", un titre aux accents pop et aux paroles bon enfant entièrement dans la langue de Molière.
Autre étrangeté, la favorite de la compétition, d'origine coréenne, chante pour l'Australie. L'île continent se situe pourtant aux antipodes du Vieux monde. Simplement les organisateurs ont accordé une dérogation à ce pays qui, paraît-il, adore le concours. Encore plus bizarre, le métier du candidat russe : quand il ne vocalise pas, il gère une pâtisserie en ligne pour chiens.
Par contre on n'aura pas droit au chanteur bélarus nu avec des loups. Non seulement on lui a interdit cette chorégraphie, mais en plus il a été éliminé en demi-finale. De même la chanteuse moldave et son accompagnateur robot ne seront pas invités à la finale de ce soir.
Bizarre, mais pas trop.

vendredi 8 janvier 2016

Thriller : Deux femmes et des meurtres


Deux femmes sur les traces d'un ou plusieurs tueurs en série. Dans « Block 46 » de Johana Gustawsson, Emily et Alexis enquêtent entre Londres et la Suède.

Johana Gustawsson, londres, suède, bragelonneDeux époques, trois lieux : Johana Gustawsson n'a pas choisi la facilité pour son premier thriller en solo. Cette journaliste française, originaire de Marseille, n'a pourtant plus rien à voir avec le Sud. Elle vit à Londres et son mari, Suédois, lui a fait découvrir la côte ouest de la péninsule scandinave. Son « Block 46 » se déroule en Angleterre et dans la ville de Falkenberg.
Le lien entre ces deux lieux : des meurtres selon un même mode opératoire. La question récurrente de ce roman est : un serial killer et deux territoires de chasse, ou un tueur dominant et un élève dominé, chacun chez soi ?
Un travail pour Emily Boy, une des deux héroïnes imaginées par Johana Gustawsson. Cette Canadienne, brillante profileuse, est installée à Londres depuis quelques années. Elle collabore avec Scotland Yard. Par un petit matin, dans un parc, des promeneurs découvrent le cadavre d'un enfant grossièrement dissimulé sous des feuilles mortes. Il a été étranglé, dénudé, lavé. Puis le sadique lui a retiré les yeux et arraché la trachée. Une victime de plus pour ce serial killer qui, depuis quelques mois, a déjà frappé à plusieurs reprises à Londres.

Meurtre en Suède
Au même moment, l'autre personnage principal de l'histoire, Alexis Castells, écrivaine française installée à Londres et spécialisée dans les tueurs en série, part en urgence en Suède. Elle est sans nouvelles de sa meilleure amie, Linnéa, styliste en bijouterie. En compagnie d'une autre amie et du futur époux de Linnéa, elle se rend à Falkenberg, ville côtière recouverte de glace en ce mois de janvier rigoureux. Ils n'ont pas le temps de se rendre à la villa de Linnéa. La police vient de retrouver son cadavre au bord de la plage. Énuclée, la trachée arrachée. Cette information arrive jusqu'à Emily qui se transporte immédiatement en Suède. Avec l'aide d'Alexis, elle va tenter de tracer le portrait de ce tueur et ses recherches vont la mettre sur la trace d'un certain Erich, ancien déporté à Buschenwald.
Le lecteur lui est déjà en partie dans la confidence. Entre les différentes scènes en Suède ou à Londres, on suit la survie d'Erich dans ce camp de la mort. Privations, sévices, travail forcé. Il est affecté dans un premier temps au nettoyage des fours. Cela donne quelques passages particulièrement durs comme cette description : « Face à Erich, plusieurs dizaines de corps nus ou vêtus de haillons étaient pendus à des crochets fixes à quelques centimètres du plafond, comme des pièces de viande. Les visages, tordus par la peur et la douleur, semblaient encore vivants. » Erich sera finalement affecté au Block 46, celui des expérimentations médicales. Il va devenir le bras droit d'une médecin nazi fou, disséquant à longueur de journée des corps décharnés de déportés exécutés quelques minutes auparavant. Toute l'horreur du roman est concentrée dans ces courts passages parfois insoutenables.
Fan d'Agatha Christie, Johana Gustawsson attend les dernières pages pour dévoiler l'identité du tueur. Un dénouement remarquablement amené et qui surprend le lecteur. Des deux héroïnes, Emily, la plus effacée, semble pourtant la plus porteuse. Souhaitons que la profileuse au caractère si fragile revienne dans une nouvelle enquête.
Michel Litout
« Block 46 », Johana Gustawsson, Bragelonne, 20 €