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jeudi 21 août 2025

Roman – Amour d'été passager

Premier roman de Robin Watine, « Je rouille » ose l'histoire sentimentale. L'histoire d'amour estivale, sans avenir. A moins que... Léna est Parisienne. Néo vit à l'année dans cette station balnéaire de la Côte d'Azur où elle passe un mois en compagnie de ses parents. Léna et Néo, deux jeunes originaires de milieu sociaux radicalement différents. Pourtant, le temps de ces quelques semaines, entre plage, baignade et sorties nocturnes, leurs mondes vont se croiser, se rencontrer et trouver un petit terrain d'entente. Sexuel au début. Et plus si affinités. Ce roman court et nerveux, se concentre sur les derniers jours, quand les vacanciers commencent à faire leurs valises pour replonger dans le quotidien gris de la grande ville. Noé, narrateur, double du romancier, redoute ce départ. La fin d'une parenthèse enchantée. Il constate, triste et émerveillé en même temps, qu'il tient à Léna. Qu'il est bêtement tombé amoureux de cette fille, a priori inaccessible pour un gamin inculte. Un texte entre mélancolie, regrets et espoirs. Car des vacances il y en a tous les étés. Et la jeunesse des deux protagonistes leur laisse la possibilité de se retrouver dans quelques mois.

« Je rouille », Robin Watine, Calmann-Lévy, 160 pages, 18,50 €

dimanche 5 janvier 2025

Littérature – Quelques grands romans à redécouvrir dans des versions festives

Rééditions de prestige pour des romans d’anthologie. La fin de l'année est  aussi l’occasion de redécouvrir des histoires intemporelles qui ont marqué leur époque.


Sorti en 1984, Talisman de Stephen King et Peter Straub fait partie de ces grands romans fantastiques dont le héros, Jack Sawyer, gamin de 12 ans, devient un ami intime tant on vibre à ses aventures à la recherche du Talisman dans les Territoires pour sauver sa mère, malade.

Au début des années 80, Stephen King est déjà très célèbre. Peter Straub, dans un genre encore plus horrifique, est lui aussi considéré comme un grand romancier. L’envie de collaborer est immédiate et la trame du roman est trouvée dans un kebab londonien. C’est Stephen King lui-même qui l’affirme dans l’interview qui précède le roman dans cette très belle réédition chez Albin Michel (800 pages, 29,90 €). Raconte comment ils ont écrit à tour de rôle les chapitres, se les envoyant par modem (internet n’existait pas encore) par-dessus l’Atlantique.

Le texte final est d’une grande fluidité, une quête regorgeant d’inventions et d’épreuves.


Autre style littéraire avec le recueil de romans de Patrick Modiano intitulé Paris des jours et des nuits, paru chez Gallimard dans la toujours très élégante collection Quarto (1 020 pages, 27 €). Cette édition, réalisée par l’auteur, reprend de façon chronologique une dizaine de romans parus entre 1982 (De si braves garçons) et 2019 (Encre sympathique). 

Leur point commun : Paris, la ville que Patrick Modiano a sillonné depuis des décennies en long, en large et en travers, y puisant son inspiration.

Le Prix Nobel de littérature en 2014 propose en début de volume des photographies des divers lieux que l’on croise dans ses romans, des abattoirs de Vaugirard à la gare Saint-Lazare en passant par le bal de La Marine ou les Tuileries.



Classique un peu oublié de la littérature française, La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils est de nouveau disponible chez Calman-Lévy (240 pages, 25 €) dans une édition collector, couverture cartonnée avec préface de Claude Schopp. Inspirée de sa propre liaison avec Marie Duplessis, cette dramatique histoire d’une femme qui se sacrifie par amour a été adaptée au théâtre.

On peut notamment découvrir la scène finale au début du film Sarah Bernhardt, la Divine, actuellement au cinéma, interprétée par une Sandrine Kiberlain possédée par son personnage. Une tirade inoubliable de la belle Marguerite : « J’ai toussé et craché le sang toute la nuit. Aujourd’hui je ne peux plus parler, à peine si je peux remuer les bras. Mon Dieu ! Mon Dieu ! je vais mourir. Je m’y attendais, mais je ne puis me faire à l’idée de souffrir plus que je ne souffre, et si… » Un des sommets du romantisme.

dimanche 22 septembre 2024

Un polar - "L’île" de Jérôme Loubry


Cette île, au centre du nouveau roman de Jérôme Loubry, est présentée comme « aussi belle que ténébreuse ». L’action se déroule à Porquerolles, bourrée de touristes en été, théâtre de manifestations quasi fantastiques en hiver. L’action se déroule en août 2019 puis en décembre 2024.

Un été au cours duquel une bande de jeunes Parisiens va vivre une grande expérience jusqu’au suicide de Diane dans un manoir rempli des notes de musique moderne. Diane retrouvée morte, plus de cinq ans plus tard, dans les rues de la petite ville.

Un polar aux airs angoissants, où les croyances et la musique occupent une place prépondérante.

« L’île » de Jérôme Loubry, Calmann-Lévy, 400 pages, 21,90 €

mercredi 11 septembre 2024

Rentrée littéraire - Trouver sa propre lumière


Son premier roman, écrit avec ses « tripes », À l’ombre des choses d’Anatole Édouard Nicolo est un superbe témoignage sur les errements de certains jeunes, déboussolés, incapables de trouver leur voie dans une société de plus en plus exigeante et rapide. Longtemps, Anatole a été à l’ombre de son grand frère, G., devenu un célèbre chanteur de rap. Anatole cherche lui aussi à prendre un peu de lumière et raconte dans ce texte écrit à l’encre acide, comment il s’y est pris après de multiples échecs.

Un roman confession aussi, où il met à plat ses relations avec ses parents. Une mère volontaire, bosseuse, mais qui n’a pas pu éviter la case Foyer pour indigents quand elle s’est retrouvée seule avec ses deux garçons adolescents. Un père excentrique, assez absent, artiste, vivant dans un squat. Avant de s’en sortir avec le sport et l’écriture, Anatole s’appuie sur sa bande de potes.

Des jeunes de banlieue, sans grand avenir, mais unis. Capables du pire comme du meilleur. « Nous ne faisions que marcher au bord du précipice, convaincus que nous ne tomberions jamais. » Jusqu’à cette garde à vue pour vandalisme… Un texte rugueux comme du béton brut, qui sent la rue, la sueur et se lit en écoutant du rap. A fond.


« À l’ombre des choses » d’Anatole Edouard Nicolo, Calmann-Lévy, 160 pages, 18 €

jeudi 11 juillet 2024

Thriller - Quand Europol veut sauver « L’ombre des innocents »

René Manzor, ancien cinéaste, signe un roman policier très visuel qui prend la forme d’une course-poursuite à travers l’Europe. 


Le nouveau thriller de René Manzor est un exercice de grand écart redoutable pour le lecteur. D’un côté une violence sans limite est décrite sans fioritures. De l’autre on voit le quotidien très cool d’une famille française parisienne.

Côté violence cela commence par un attentat en pleine jungle colombienne. Des dizaines de mort dans le déraillement d’un train. Puis sur le plateau du Vercors, des gendarmes retrouvent le cadavre d’un enfant : « Enchaîné au mur par le collier de chien qu’il portait autour du cou, gisait un petit garçon de sept ans à moitié nu, dans une posture improbable. […] Du sang coulait de sa bouche et de son nez. » C’est la troisième victime d’un tueur en série insaisissable.

Europol s’empare de l’affaire et charge Wim Haag de la traque. À l’opposé, on découvre les petits soucis de Marion Scriba, romancière française, mère de trois enfants, récemment divorcée. Elle doit gérer ses trois garnements (dont une adolescente…) alors qu’elle bute depuis trop longtemps sur le dernier chapitre de son prochain polar. Une vie tranquille et sereine.

Alors pourquoi retrouve-t-on sur les trois scènes de crime l’ADN de l’écrivaine ? Ces exécutions ont-elles un lien avec son passé d’activiste en Colombie ? Devenue suspect numéro 1, elle parvient à s’évader du bureau du juge d’instruction et débute une cavale à travers toute l’Europe pour tenter de sauver les autres petits innocents.

Paris, Marseille, Gênes, La Haye, Lausanne, le Luxembourg, René Manzor ne compte pas les kilomètres et les rebondissements dans ce polar aussi mouvementé qu’une course-poursuite dans un blockbuster américain. Un sens de la mise en scène pour un écrivain qui n’a visiblement pas oublié qu’il a débuté en réalisant des films, dont le réputé Le passage avec Alain Delon.

« L’ombre des innocents » de René Manzor, Calmann-Lévy, 368 pages, 21,50 €

samedi 18 mai 2024

Thriller - Ne pénétrez pas dans le « Triangle noir »

 Un policier en plein doute et un psychologue en dépression mènent en parallèle la même enquête : stopper les meurtres rituels commis par les membres de l’organisation dite du Triangle Noir.


Les Vosges, la forêt, l’hiver, la neige… Il y a de quoi déprimer en découvrant le cadre du nouveau roman de Niko Tackian. C’est d’ailleurs ce que fait Pierre Martignas vivant seul dans un chalet isolé au cœur des bois. Une erreur de diagnostic a ruiné sa carrière d’expert auprès de la police. Depuis il boit et fait des cauchemars. Cauchemars aussi pour Max Keller, policier à Strasbourg. Il ne se remet pas d’un traumatisme familial en étant enfant. Depuis il pourchasse inlassablement, au détriment de sa santé et parfois en franchissant la ligne de la légalité, les tortionnaires d’enfants.

Deux destins qui vont s’intéresser à la découverte, dans une coupe forestière, de deux corps d’adolescents. Ils ont été affamés, torturés et certains de leurs organes ont été enlevés alors qu’ils étaient toujours en vie. Signe distinctif découvert sur leur peau, marquée au fer : un triangle avec trois points à l’intérieur. Pour Max, alors qu’un autre jeune vient d’être enlevé, « Quelque chose rôdait dans la forêt. Quelque chose qui allait hanter ses jours et ses nuits jusqu’à ce qu’il trouve un moyen de l’arrêter. » Dans la neige et le froid, loin de toute civilisation, cernés d’arbres comme autant de monstres menaçants, Pierre et Max vont affronter le Mal à l’état pur.

Ce thriller de Niko Tackian, même s’il présente le sempiternel combat entre le Bien et le Mal est pourtant très éloigné de tout manichéisme. Car il y est aussi question de rédemption, de culpabilité ou de désir de vengeance. Les deux personnages principaux, quasiment sans se croiser, ont le même but. Personnel, pour retrouver dignité et confiance en soi. Plus général en voulant sauver des enfants, trop souvent victimes des folies des adultes. Une intrigue prenante mais définitivement emplie d’une implacable noirceur.

« Triangle noir » de Niko Tackian, Calmann-Lévy, 400 pages, 19,90 €

jeudi 9 mai 2024

Un essai : Femmes de polars

 

François Rivière s’est imposé comme un grand spécialiste de la littérature policière. Critique dès son plus jeune âge, il a signé nombre de biographies et d’études sur les maîtres du roman policier. Dans cet essai très personnel, malicieusement intitulé De l’assassinat considéré comme une affaire de femmes, il revient sur ses relations avec plusieurs grandes romancières.

Il est donc beaucoup question d’Agatha Christie (même s’il ne l’a jamais rencontrée), mais aussi de Patricia Highsmith, P. D. James et surtout Ruth Rendell. C’est cette dernière qu’il a le plus côtoyée, devenant un ami, souvent invité chez elle pour parler littérature et politique. Les amateurs de thrillers psychologiques et autres polars anglo-saxons adoreront.

« De l’assassinat considéré comme une affaire de femmes », Calmann-Lévy, 200 pages, 18,50 €

vendredi 1 septembre 2023

Roman français - Chômeur et enquêteur


Se retrouver au chômage du jour au lendemain peut avoir de graves conséquences sur sa santé mentale. Démonstration avec le cas du narrateur de ce roman très déconcertant de Laurent Rivelaygue. Le titre, Il faut toujours envisager la débâcle,  donne l’idée générale. 

Journaliste dans une revue spécialisée dans la logistique, il perd son boulot. Sa femme lui met la pression, son fils ne comprend pas. Il évite Pole Emploi et ses conseillères et se met à rêver de roman. Espoir vite anéanti par son manque d’imagination et d’inspiration. Il va donc se contenter de mener une enquête autour d’un fait divers non résolu : les crimes du Grêlé.

 Problème, à force de se renseigner sur les serial-killers, il va découvrir que le pire d’entre eux se cache dans le 3e tiroir de son bureau. À partir de ce moment, le roman part dans des délires hilarants, avec un héros de plus en plus à l’Ouest, incapable de faire la différence entre le réel (sa femme en colère) et ce qui relève de son imaginaire (Dupont de Ligonnès qui mange un sandwich la nuit dans sa cuisine). 

De l’humour absurde et un peu désespéré qui fait du bien à nos zygomatiques. 

"Il faut toujours envisager la débâcle" de Laurent Rivelaygue, Calmann Lévy, 270 pages, 19,50 €

lundi 9 janvier 2023

Thriller - Le manoir des sacrifiées sur « L’île de Yule »

La Suède est une terre féconde pour les auteurs de polars. Johana Gustawsson en semble un des meilleurs exemples. Pourtant, malgré son nom typiquement nordique et le fait qu’elle vit depuis quelques années à Stockholm, cette autrice est française et publie ses thrillers terrifiants directement dans la langue de Molière. Chez Calmann-Lévy, elle vient de sortir son second titre après le succès de sa trilogie Roy et Castells parue chez Bragelonnne et en cours d’adaptation en série télé. Un roman entièrement rédigé en Suède après qu’elle a abandonné le soleil de l’Espagne pour s’installer avec sa petite famille sur l’île de Lindigo dans la capitale.

Le roman, sorte de huis clos urbain, se déroule en grande partie sur la petite île de Storholmen. Sa particularité : pas de voitures. La petite communauté y vit à son rythme, loin du tumulte de la grande ville. Il y a quelques maisons individuelles, un bar restaurant près de l’embarcadère où accoste plusieurs fois par jour un bateau faisant la liaison avec Lindigo et un manoir.
Un véritable château, construit au début du XXe siècle par la riche famille des Gussman. Longtemps inhabité, le dernier héritier de la dynastie vient d’y emménager avec sa femme et son fils. Pour les 100 ans du domaine, il veut faire l’inventaire des œuvres d’art collectionnées par ses ancêtres. Il demande donc à une société spécialisée dans l’estimation puis la revente aux enchères de faire l’inventaire. Ce sera Emma Lindahl, jeune experte passée par Christie à Londres qui se retrouve chargée de répertorier ces trésors oubliés.

Sacrifice et pendaison

On découvre assez rapidement qu’Emma a un passif avec le manoir. C’est là que sa jeune sœur a été retrouvée, morte assassinée, pendue à un sapin, vidée de son sang après avoir été torturée plusieurs jours d’affilée, il y a neuf ans. Quand un autre cadavre est retrouvé dans les eaux glacées, le policier chargé de la première enquête, Karl, est persuadé que le cauchemar reprend. Il avait émis l’hypothèse à l’époque que ce crime était une réminiscence de sacrifice de l’ancienne religion viking. Karl qui malgré la disparition de son épouse quelques jours plus tard dans les eaux glacées de Stockholm, se jette à corps perdu dans cette enquête.

Le roman de Johana Gustawsson met un peu de temps à se mettre en place. Car la romancière a pris le parti de faire parler à tour de rôle les différents protagonistes de l’histoire. Emma, Karl, mais aussi une certaine Viktoria, employée de maison au manoir. Trois points de vue pour découvrir les mystères de Storholmen. Le premier coup de théâtre vient d’Emma. En faisant l’inventaire de la chambre de la femme du premier capitaine d’industrie de la dynastie Gussman, elle découvre un message, un SOS après avoir fait tomber trois brosses anciennes et finement ouvragées : « une à cheveux, deux à habits. La coque en argent s’est détachée de la brosse ronde, ouverte comme un coquillage. Tout en moi se glace. (…) J’essaie de reloger la partie métallique qui s’est détachée du manche lorsque j’aperçois un bout de papier plié à l’intérieur. Je le retire par automatisme. Il s’agit d’une note. Une note dont les mots hérissent mon corps de chair de poule : ‘Aidez-moi, je suis enfermée ici’ » Cet appel au secours est-il de la main de sa jeune sœur ? Ou d’une autre femme victime précédemment du même tueur en série ? L’enquête peut véritablement débuter pour Emma et Karl.
Quand survient un revirement incroyable, L’île de Yule acquiert une nouvelle dimension, particulièrement machiavélique et retorse. Et ce n’est qu’un début, la romancière prenant un malin plaisir à inverser les rôles, transformant des héros en méchants ou en semant le doute sur les véritables motivations des différents protagonistes. Un thriller qui parvient nous étonner, loin des sentiers battus, à l’intrigue aussi compliquée (et brillante) qu’un coup de billard à quatre bandes. 

« L’île de Yule » de Johana Gustawsson, Editions Calmann-Lévy, 342 pages, 19,90 €

dimanche 13 novembre 2022

Les faiseurs de miracles du nouveau roman d'Hélène Legrais, "L'alchimiste de Sant Vicens"

Comment imaginer un simple poissonnier à l’origine de ce qui deviendra dans les années 50 un haut lieu des arts en général et de la céramique en particulier ? Voilà ce qu’Hélène Legrais nous conte avec sa verve habituelle dans son nouveau roman, L’Alchimiste de Sant Vicens.


De la fenêtre de sa lingerie, la pièce à couture - la seule dans laquelle son mari n’entre pas - Suzanne contemple avec envie l’effervescence qui règne chez leurs voisins. Elle songe rarement à la Sybille qu’elle était, cette jeune fille romantique qui rêvait d’amour partagé. Sa rencontre avec André Escande scelle son sort. Le professeur de mathématiques rigide et frigide « méprisait la sexualité. Une perte de temps et de contrôle. Un vertige des sens qui égarait la raison. Tout ce qu’il détestait ». André commence d’ailleurs par la déposséder de son identité. Sybille ? Un prénom extravagant. Suzanne convient mieux. Ce mari tyrannique lui concède cependant une fantaisie : le jardin parsemé de roses claires, bien taillées par ailleurs.

Ce jardin grâce auquel la vie de Suzanne prend un tour inattendu.

Un poissonnier passionné

Combien d’invitations leur a-t-il lancées, depuis son installation dans ce qui devient dans les années cinquante l’atelier de céramique de Sant Vicens à Perpignan ? Firmin Bauby, poissonnier et amateur d’art ne les compte plus. C’est donc avec un étonnement ravi qu’il aperçoit Suzanne au milieu des convives d’un mariage célébré dans sa propriété. Il est drôlement amusant et charmant, ce voisin. Aux antipodes de son bonnet de nuit de mari. Très vite, Firmin Bauby la convainc de s’essayer à la céramique. Il lui permet en somme de se redécouvrir en tant que Sybille. Il lui présente son invité permanent, Jean Lurçat, d’autres artistes aussi, Picasso, Trenet, Vadim, un tourbillon de vie, de culture et de beauté.

Mais le véritable changement arrive avec l’installation d’un jeune couple et la naissance de Vivi. La petite pleure beaucoup, sa mère est épuisée et Suzanne, toujours compatissante, lui offre le luxe de quelques heures de sommeil dans leur chambre d’amis qui n’a jamais servi. Vivi grandit mais son comportement reste une énigme pour son entourage, y compris le corps médical. C’est qu’à l’époque, on connaît peu et mal l’autisme.

Intrigué par son manège récurrent - elle se faufile dans la roseraie au travers de la haie - c’est André le premier et contre toute attente, qui arrive à se faire accepter de la petite fille.

La rigueur historique et la passion pour l’émancipation des femmes sont les marques de fabrique de l’autrice Hélène Legrais. Dans ce dernier opus, elle dresse avec délicatesse les portraits croisés d’humains qu’à première vue tout sépare. Et qui au final se rejoignent dans ce difficile et magnifique ballet qu’est la vie.

« L’alchimiste de Sant Vicens » d’Hélène Legrais, Calmann-Lévy, 19,90 €

lundi 18 mai 2020

Littérature - Deux Musso pour relancer l’édition


En cette période économique compliquée pour le secteur de l’édition, personne ne va rouspéter si un champion des ventes permet au public de revenir dans les magasins. Guillaume Musso devrait donc attirer nombre de lecteurs pour la sortie de son nouveau roman, La Vie est un roman, aux éditions Calmann-Lévy, le 26 mai et dès à présent La vie secrète des écrivains au format poche.  

Dans ce dernier roman, après avoir publié trois livres devenus cultes, le célèbre écrivain Nathan Fawles annonce qu’il arrête d’écrire et se retire à Beaumont, une île sauvage et sublime au large des côtes de la Méditerranée.
Vingt ans après, alors que ses romans continuent de captiver les lecteurs, Mathilde Monney, une jeune journaliste, débarque sur l’île, bien décidée à percer son secret. Commence entre eux un dangereux face-à-face, où se heurtent vérités et mensonges, où se frôlent l’amour et la peur…

« La vie secrète des écrivains », Le Livre de Poche, 8,40 € (article paru le lundi 18 mai dans l'Indépendant du Midi)


samedi 9 mai 2020

Polar – Visions de cauchemar


Certains flics choisissent ce métier pour de mauvaises raisons. Imposer son autorité, abuser de son pouvoir. D’autres par contre, l’immense majorité, ont la volonté de protéger et servir leurs concitoyens. Et puis il y a les atypiques, endossant uniforme ou carte professionnelle juste pour se sauver. 
C’est le cas de Cécile Rivère, le personnage principal de « Tombent les anges », thriller magistral de Marlène Charine. Cécile est gardienne de la paix. Elle fait les nuits avec un collègue aux blagues toujours déplacées. Cécile qui a choisi la police juste pour apprendre à se battre après quelques mois passés sous la coupe d’un petit ami violent. Un traumatisme qui a laissé des traces.

Peur et désespoir 
Solitaire, Cécile souffre de TOC de plus en plus handicapants. Au point qu’elle a des doutes sur sa santé mentale quand il lui semble entendre des cris dans un appartements lors d’une patrouille. Le lendemain matin, à la fin de son service de nuit, elle retourne sur place et tombe sur le capitaine Kermarec de la criminelle. Dans cet appartement, une jeune femme s’est suicidée. Cécile le suit et a l’impression de voir le fantôme de l’ancienne infirmière. « Un frisson désagréable parcourut sa nuque. Une sensation insaisissable accompagnait la chute de la température. Celle d’une présence à ses côtés, une présence irradiant la peur et le désespoir. »
Une entrée en matière à la tonalité assez fantastique ce roman policier qui va rapidement virer au thriller. Car la suicidée, loin d’être parfaite, aurait abrégé les souffrances de nombre de ses patients âgés. La romancière, avec une maestria digne d’un vieux de la vieille, égare le lecteur sur plusieurs fausses pistes, tout en tissant une relation particulière entre la « presque » folle et le beau flic solitaire. 

« Tombent les anges » de Marlène Charine, Calmann-Lévy, 19,50 €


mardi 6 octobre 2015

Roman : Bêtes de scène dans "Mémoires fauves" de René Guitton

La jeune compagne d'une rock-star tombe amoureuse du vieux directeur artistique du label. Ménage à trois musical dans « Mémoires fauves » de René Guitton.

mémoires fauves, rené, guitton, calmann-lévy, musiqueRoman choral, « Mémoires fauves » de René Guitton débute par le coup de foudre d'un homme qui ne croit pourtant plus en l'amour. Michel Beaumont, directeur respecté d'un label de musique, est l'antithèse des artistes qu'il chapeaute. A eux la lumière et l'exposition médiatique, à lui la coulisse, le travail ingrat sans la moindre reconnaissance du public. Mais c'est dans son tempérament. Il est la « force tranquille » d'un milieu trop fougueux et pressé. A l'image de Fauves, le phénomène rock du moment. Ce jeune chanteur, originaire du Proche-Orient (Egypte et Liban), est devenu en quelques années la voix de sa génération. Une personnalité engagée, rebelle, sans cesse sur la brèche pour défendre les faibles, les pauvres. Fauves ne travaille pas pour Michel mais a tenu absolument à le rencontrer pour lui « vendre » son nouveau projet. Avec sa compagne, Aurélie, grand reporter elle aussi habituée aux pages People des magazines, il veut donner la parole aux animaux. Enregistrer partout sur la planète les cris de ces espèces menacées et les orchestrer pour en faire une symphonie sauvage.
Au cours de l'entretien, le jeune chanteur s'enflamme et explique d'où lui vient ce nom atypique : « Si je m'appelle Fauves, c'est pour leur rendre hommage, les rappeler à l'esprit de ceux qui les détruisent. Fauves au pluriel parce que je suis pluriel moi-même à travers tous les fauves que je porte en moi et représente, tous les fauves à la fois, avec la force des uns, la férocité des autres, leur fragilité et leurs craintes aussi. Je rugis leur rage à la face des humains, et rugirai encore et toujours leur mémoire, pour briser l'instinct des hommes. » Une sacrée profession de foi pour un homme à fleur de peau. Mais cela ne touche pas Michel, habitué aux caprices et lubies de certaines personnalités un peu trop investies. Il refuse. Sec et cassant. Sans détour. Fin de l'entretien. Fauves est furieux, Aurélie gênée.

Récit puissant
Cette dernière, dès le lendemain contacte Michel pour s'excuser. Ils déjeuneront ensemble et ce qui devait arriver arriva : le vieux (il a 55 ans) directeur casanier tombe sous le charme de la jeune, ravissante et brillante journaliste. Qui elle non plus n'est pas insensible au charme suranné et très cultivé du beau gosse grisonnant. Arrivé à ce point du roman, on se demande pourquoi René Guitton a passé toutes ces pages à décrire Fauves, le cocu de l'affaire. Tout simplement car le chanteur cache bien son jeu. Il n'est pas dupe et ses sens en éveil devinent l'amour naissant entre Aurélie et Michel.
La dernière partie du roman change totalement de registre. On entre dans le journal intime du chanteur, dans ses mémoires, autre version d'une vérité cachée. La relation amoureuse à la guimauve s'efface pour un texte d'une rare puissance. Fauves se raconte et son verbe emporte tout sur son passage. Des mémoires que l'on n'est pas prêt d'oublier.
Michel Litout

« Mémoires fauves », René Guitton, Calmann-Lévy, 18 €

lundi 31 août 2015

Livres - Mère et fille, destin croisé et "Du même sang"

Lucy n'a quasiment pas connu sa mère, disparue quand elle était enfant. Dix ans plus tard, la jeune femme se retrouve confrontée à une autre disparition.

Premier roman de Lara McHugh, « Du même sang » est un thriller remarquablement construit, à l'ambiance trouble et aux nombreuses interrogations. Dans cette campagne reculée de l'Amérique profonde, il ne fait pas bon d'être une trop belle femme. Si en plus, on est une « étrangère » en l'occurrence originaire d'un autre état que le Missouri, on se retrouve rapidement avec toute la population à dos, accusée d'être une sorcière. Lila, quand elle arrive dans la petite ville d'Henbane au cœur des montagnes sauvages d'Ozark, est une jeune fille orpheline, un peu rebelle et à problèmes. Elle vient d'être placée comme employée dans la ferme de Crete Dane. Il a également une épicerie bar restaurant et plusieurs biens immobiliers. Il est riche et ambitieux. Lila va travailler pour lui, dans les champs puis au restaurant. Là elle rencontre Carl, le petit frère de Crete. Ouvrier dans le bâtiment, taciturne, il tombe amoureux de Lila. Elle aussi se jette dans ses bras. Rapidement une petite fille, Lucy, vient égayer le foyer.
Ce passé de Lucy, le lecteur ne le découvre que vers la moitié du roman. Un passé proche qui pèse encore sur les épaules de celle qui est devenue une adolescente. Lucy, indépendant, habituée à vivre seule depuis la disparition de sa mère et que son père, travaille loin et ne revient à la maison que pour noyer son chagrin dans l'alcool. Le roman de Lara McHugh alterne les points de vue. Lucy et Lila en priorité, puis quelques personnages secondaires. Les deux jeunes femmes semblent vivre les mêmes affres à dix années d'intervalle. La vie rêvée de Lila semble beaucoup moins heureuse qu'il n'en a l'air. Un terrible secret familial pèse sur ses épaules. Carl ne parle jamais de sa mère à Lucy. Mais quand Cheri, la meilleure amie de cette dernière disparaît, elle ne peut s'empêcher de mettre en relation ce fait divers avec sa propre histoire.

Récits parallèles
Quand le corps de Cheri est retrouvé démembré sommairement caché dans le tronc d'un immense arbre en bord de rivière, Lucy décide de faire toute la lumière sur ce meurtre. Et en remontant la piste, elle va croiser des hommes et des femmes qui dix ans plus tôt étaient également au centre de la vie de sa mère. Lila a-t-elle été victime du même tueur ? Mais pourquoi le corps n'a jamais été retrouvé ? En posant ces questions, Lucy comprend vite qu'elle met les pieds dans les plats. Jusqu'où peut elle aller sans subir le même sort que sa mère et son amie ? On suit avec anxiété sa progression, qui correspond au récit de Lila dix ans plus tôt. Jusqu'à ce dramatique dernier jour. Réflexion sur les liens familiaux, les secrets et l'entraide dans les petites communautés, ce roman pourrait facilement être adapté au cinéma ou en série, à la façon True Detective (saison 1), avec fausses pistes et véritables horreurs. D'ailleurs un projet existe avec Jennifer Garner en vedette.
« Du même sang » de Laura McHugh, Calmann-Lévy, 20,50 €

dimanche 11 janvier 2015

Polar - Un privé trop fleur bleue

Dick Henry, dit «l’Expéditif», est un privé redouté. Efficace et intransigeant, il n'a qu'une faiblesse, sa petite amie, Lynette, une vamp aux jambes fabuleusement belles.

Les amateurs de romans policiers américains vont adorer. « L'expéditif », premier livre de p.g. sturges (il paraît qu'il tient à ce que son nom soit écrit sans majuscules...) a des airs de Raymond Chandler ou de Dashiell Hammett. La faute au héros, Dick Henry, le fameux « expéditif ». Un détective privé, ancien flic comme il se doit, reconverti dans les affaires toujours à la limite de la légalité. Votre locataire ne paie plus ses loyers ? Dick saura trouver les arguments « frappants » pour qu'il retrouve le droit chemin. Les travaux dans votre maison se révèlent bâclés ? L'artisan acceptera de tout refaire après une visite de « courtoisie » mémorable. 
Dick Henry accepte tout. Même les filatures peu glorieuses d'épouses suspectées d'être infidèles. Un comble quand on sait que le mari est producteur de films pornographiques. Mais Dick Henry a besoin de beaucoup d'argent pour combler l'amour de sa vie, Lynette. Une hôtesse de l'air qui n'est à Los Angeles que par intermittence. Cela donne l'occasion à des scènes très « hot » sous la plume de p. g. sturgess particulièrement inspiré : « Nous avions établi de vrais rapports d'adultes. C'était du rapide, c'était plaisant. On baisait, on parlait, on cuisinait, on riait, on baisait. On voyait peu la lumière du jour mais beaucoup d'étoiles. » Lynette est l'unique faiblesse de Dick Henry. Et cela le sera encore plus quand il découvrira l'identité de l'épouse volage, une certaine Judy Benjamin. Mais comment l'Expéditif va-t-il pouvoir se sortir de ce pétrin ?
Ce roman noir est un véritable bijou de littérature américaine. Les personnages sont sombres à souhait, les scènes entre cocasses et violentes, les situations explosives. De plus, vous avez une ribambelle d'histoires parallèles à l'intrigue principale, de la fausse fiancée philippine qui tente d'escroquer un veuf en fin de vie au parcours sanglant d'Arturo, un gamin de Manille, amoureux de l'Amérique. Aussi passionnant que foisonnant.

« L'expéditif », p.g. sturges, Calmann-Lévy, 18,90 €


dimanche 6 avril 2014

Roman - "Fenicia" ou la folie post-Retirada

Pierre Brunet, près d'un demi-siècle après la mort de sa mère, revient sur son existence, des camps d'Argelès à la folie parisienne dans un roman bouleversant paru chez Calmann-Lévy.

Certaines plaies de l'enfance ne se referment jamais. Elles peuvent même entraîner une mort lente et douloureuse, la douleur physique se transformant en délire psychique. La mère de Pierre Brunet, Ana, a fait partie de milliers d'Espagnols fuyant l'avancé des troupes franquistes en janvier 1939. Avec ses parents adoptifs, elle traverse la frontière et se retrouve enfermées dans le camp d'Argelès, derrière des barbelés, obligée de dormir dans des trous creusé dans les sable. Une période noire qui a laissé des traces dans la mémoire de la petite fille une fois devenue femme. L'auteur, dans ce roman de retrouvailles, tente de comprendre pourquoi sa mère est morte si jeune, si dépressive. Ana, quand elle arrive en France, est rebaptisée Fenicia par ses parents Conchita et Mateo. Un prénom plein d'espoir mais qu'elle ne portera jamais. Sur l'état-civil elle reste Ana, voire Anna quand un fonctionnaire français son prénom. Pierre Brunet, né en 1961, n'a quasiment pas de souvenirs de sa mère, morte en 1964. Il lui faudra des années pour oser retrouver son demi-frère et réveiller cette morte pour en tirer un roman sensible et dur sur l'exil, la passion et la folie. Avant de devenir une brillante professeur, Ana-Felicia a beaucoup subi la folie des hommes.

Geôle à ciel ouvert
Le premier quart du roman se déroule durant la Retirada et détaille la vie de misère dans le camp d'Argelès, à même le sable de la plage. De la traversée, Pierre Brunet raconte l'épuisement, « Poupée de chiffon gelée enveloppée d'une couverture, inconsciente, posée sur les épaules de Mateo, la tête ballotant contre le crâne de celui-ci dans la nuit, poursuivie jusque dans son exténuation par les aboiements des chiens et des gendarmes. Ana traversa sans s'en rendre compte Cerbère, Banyuls, avant d'arriver à Port-Vendres» Ensuite les Républicains sont parqués à Argelès et Saint-Cyprien, sans aucune protection, « le bagne sur la plage. Quelques milliers de réfugiés y survivaient dans des conditions épouvantables. Hommes, femmes et enfants s'enterraient à plusieurs dans des trous, avec des branchages par-dessus les couvertures, pour endurer le froid des nuits. » C'est là que la fillette a rencontré pour la première fois la folie. « Comment accepter de mourir dans une geôle à ciel ouvert, à six ans, quand on n'a connu de la vie qu'un sinistre enfermement , puis une fuite dans la peur, le sang le froid et la faim ? » La petite fille survivra. Ses parents feront partie des chanceux qui trouveront du travail à Paris. Ils s'y installeront, deviendront français.
Ana, devenue femme, passionaria anarchiste, collectionne les amants. Perdra une petite fille (nouveau traumatisme), aura un garçon puis se mariera avec un fonctionnaire des impôts, à l'opposé de sa vie tumultueuse. Pierre naitra de cette union, mais ne connaîtra quasiment pas sa mère, déjà abonnée aux séjours en hôpital psychiatrique. Elle sera finalement internée, devenue folle et suicidaire. En écrivant ce roman, Pierre Brunet entend rendre hommage à cette femme, victime avant tout. Il raconte aussi avec tout son talent (il est l'auteur de deux autres romans parus chez Calmann-Lévy) cette Retirada, immense exil de tout un peuple, si mal accueilli dans un premier temps mais qui a tant amené au pays depuis.
Michel Litout
« Fenicia » de Pierre Brunet chez Calmann-Lévy. 430 pages. 19,50 euros.

mardi 4 février 2014

Livres - Histoires de bébés et autres romances avec Marie-Bernadette Dupuy

Sage-femme fraîchement diplômée, Angélina s'est juré d'honorer le nom et le métier de sa mère, alors qu'arrive « Le temps des délivrances ».

Il est des évidences difficiles à contester, Marie-Bernadette Dupuy possède une plume d'une prolixité telle qu'elle frise parfois la démesure. La quantité au détriment de la qualité, voilà ce que peut craindre le lecteur. 
L'auteure ne partage (évidemment) pas cet avis, elle qui déclare en préambule de son livre : « Une demande qui revient fidèlement au fil des courriers et des rencontres : une suite, écrivez-nous une suite ! ». On veut bien la croire et certes, ces papivores-là ne sont pas déçus, les romans-pavés de M-B Dupuy comptent rarement moins de 700 pages. Et 700 de plus pour la suite, et 700 autres pour la suite de la suite. Un peu comme ces films qui obtiennent un succès d'audience tel que les producteurs et/ou réalisateurs ne résistent pas à l'envie de tourner un deuxième, troisième, quatrième voire cinquième opus (cf Terminator où ce brave Schwarzy finit par s'essouffler un rien. Faut dire qu'à l'époque, il ne s'était pas encore mis à la bière light). « Le temps des délivrances » ne déroge donc pas à la règle, qui succède aux « Mains de la vie ».

La bonne et l'enfant
Vous l'aurez compris, je ne suis pas particulièrement fan de ce genre de production littéraire. Beaucoup de redondances, un côté bien-pensant quelque peu agaçant, d'inévitables répétitions à peine déguisées (il faut bien les remplir, ces 700 pages ! Aussi, vous deviendrez incollable sur la manière d'accoucher au XIXe siècle ) et un style plutôt ampoulé. « La liberté ne siérait qu'aux hommes, reprit-elle. Ils prennent leur plaisir et après ils s'en vont sans se soucier des conséquences. (…) Vous étiez tout disposé à faire de même avec moi, me conquérir et me laisser derrière vous ! (...) A présent ivre de rage et de chagrin, Angélina le saisit par les épaules. Elle lui murmura de très près : (…) sans Gersande (sa bienfaitrice, ndlr), mon enfant serait un bâtard ! Elle était si proche de lui qu'il eut un élan instinctif vers elle, autant pour la faire taire que sous le coup d'un désir impérieux. L'enlaçant avec fermeté, il s'empara de ses lèvres, douces et satinées ».
Malgré ses faiblesses, le livre présente néanmoins quelques aspects séduisants. Les aventures d'Angélina, jeune sage-femme de 22 ans dans la petite ville ariégeoise de Saint-Lizier en cette fin XIXe, se révèlent pleines de rebondissements. Assez peu crédibles sans doute et attendus, sûrement. Une vieille aristocrate bienfaitrice de la costosida (sage-femme en occitan), deux jeunes hommes séduisants dont l'un est le père de son enfant caché, une petite bonne recueillie alors qu'elle mendiait, en guenilles, sur le parvis d'une église, un père qui commence par la renier (fricoter en dehors des liens sacrés du mariage, il trouvait ça moyen) mais ensuite pardonne et tombe sous le charme de son petit-fils. Autant de bons vieux clichés qui font pleurer dans les chaumières mais, accommodés à la sauce Dupuy, assurent quelques heures d'évasion aux lectrices en mal de « belles histoires ». D'un romantisme échevelé par bien des côtés, elles sont agrémentées de quelques scènes de sexe osées juste ce qu'il faut pour ajouter un zeste de piment à l'ensemble. Passages qui feraient tout juste ricaner monsieur Grey, mais M-B Dupuy ne joue pas dans la nuance.
D'ailleurs, c'est bien pour cette raison qu'on finit par la trouver sympathique, Marie-Bernadette. Sans autre prétention que de les contenter, elle propose à ses lecteurs(trices) d'abandonner le temps d'une lecture, leur quotidien accablé par les soucis, et de s'immerger dans l'univers de rêves et d'illusions sorti tout droit de son imagination.
Fabienne HUART

« Le temps des délivrances - Angélina », Marie-Bernadette Dupuy, Calmann-Lévy, 22,50 €

jeudi 28 novembre 2013

Romans policiers - L'Amérique au noir avec John Brandon et Michael Connelly

Les Américains, s'ils n'ont pas inventé le roman policier, l'ont cependant élevé au rang d'institution. Exemple avec John Brandon et Michael Connelly.


Au pays du libéralisme absolu, pas toujours évident de survivre en restant dans la légalité. Surtout quand on est des péquenots du fin fond de l'Arkansas. Swin et Kyle ont deux parcours parallèles. Deux jeunes Américains, issus d'un milieu pauvre, sans diplômes ni plan de carrière. Leur histoire est racontée dans Little Rock, polar de John Brandon. Après diverses errances et petits boulots, ils finissent, comme beaucoup, à trouver une situation dans le trafic de drogue. Un travail comme un autre dans cette Amérique où le commerce est roi, surtout s'il y a de la demande. Et en matière de drogue, on peut faire confiance aux Américains, ce n'est pas demain la veille que le marché s'effondrera. Au hasard des rencontres et des dépannages, Swin et Kyle vont se retrouver « employés » d'un certain Frog. Ils ne le connaissent pas, mais lui obéissent au doigt et à l'œil. Un jour ils se retrouvent dans le même camion pour convoyer quelques cartons au contenu illicite. Ils ne savent pas qu'ils font également partie du deal. Fournis comme main d'œuvre à Bright, officiellement responsable de l'entretien d'un parc naturel, officieusement gros dealer de la région. Swin et Kyle, aux caractères pourtant opposés (l'un est impulsif, l'autre beaucoup plus raisonné), vont devenir collègues, puis amis. Ils semblent avoir enfin trouvé cette stabilité qui leur manquait tant. 80 % de leur temps est consacré au parc. Nettoyer, accueillir les touristes, chasser les jeunes fêtards. Pour le reste, ils font du transport. Comme avec Frog.

Grosse embrouille
Réceptionner de la drogue, la livrer à des détaillants. Rien de bien dangereux. Sauf quand un jeunot veut vous doubler. Alors le petit quotidien pépère s'écroule. Et il vaut mieux avoir de bons réflexes pour s'en tirer.
Le roman de John Brandon a parfois des airs de chroniques sociales d'une certaine Amérique, pauvre mais débrouillarde. Et comme on est résolument dans le domaine du polar, les flingues longtemps confinés dans les boîtes à gants des divers véhicules empruntés par le duo finissent par sortir et imposer leur loi. Un retour à la réalité violent, forcément violent. La construction est parfois un peu déroutante, avec des retours dans le passé de quelques personnages secondaires, mais le style, sec et coupant, donne l'impression au lecteur d'être dans un film entre Tarantino et les frères Coen. Un régal.


Si l'Arkansas est paumé, la Californie attire toujours autant les ambitieux. Les détraqués aussi, Harry Bosch, le flic imaginé par Michael Connelly en sait quelques chose. Romancier prolixe, Connelly est devenu une valeur sûre de la littérature noire. Les éditions Calmann-Lévy rééditent toute son œuvre dans une collection dédiée. Vient de sortir « Wonderland Avenue », roman du début des années 2000. Dans une préface inédite, l'auteur avoue que ce titre est « probablement un de mes romans préférés. J'adore les histoires où le passé surgit de terre et nous rattrape dans le présent. » Le passé c'est l'humérus d'un enfant retrouvé par un promeneur dans un bois de Wonderland Avenue. Bosch va se lancer à la recherche de l'histoire de cette petite victime innocente. Une enquête très éprouvante mais inoubliable. Enfin pour les accros de Michael Connelly, ne manquez pas également dans la collection Points le gros volume (1000 pages, 14,50 €) reprenant deux enquêtes de l'avocat Mickey Haller, « La défense Lincoln » et « Le verdict du plomb ».

« Little Rock » de John Brandon, Éditions du Masque, 19,50 €

« Wonderland Avenue » de Michael Connelly, Calmann-Lévy, 17 €

 

mardi 11 septembre 2012

Roman - "La cavale de Jennie" pour retrouver frères et sœurs

Tragique histoire de famille sous la plume de Gérard Mordillat. Jennie, séparée de ses frères et sœurs, va tout faire pour les retrouver.

Scène de vie quotidienne en banlieue. Des amis, collègues ouvriers du bâtiment, passent un dimanche dans le jardin du petit pavillon toujours en construction. Ils fêtent l'anniversaire de Mike. Un seul sujet de conversation : l'an 2000. On est à quelques mois de cette date qui, à l'époque, a provoqué une peur bleue à un maximum de crédules. Jennie, adolescente, sorte de petite maman chargée de ses autres demi frères et sœurs, se moque de l'an 2000. Ce qui l'intéresse avant tout, c'est de connaître l'identité de son père. « 
Jennie ne comprenait pas pourquoi Olga (sa mère) refusait de lui dire qui était son père. Elle devinait que c'était un type comme les autres, sans doute ni mieux ni pire que Mike (son beau-père). Juste un type qui avait couché avec une femme et lui avait fait un gosse et avait foutu le camp comme n'importe quel salaud. » Le repas s'éternise, l'alcool coule à flot. Mike reçoit enfin son cadeau. Une moto.

Moto contre TER
Il prend le pari qu'il peut passer par dessus la voie ferrée qui longe le jardinet. Il prend son élan et un « effroyable bruit de choc » surprend l'assemblée. « un coup de gong géant, un ra de tambour géant voilé, une explosion déchirante de grincement, du feu qui prend, du verre qui explose, le vacarme d'un saccage acclamé d'étincelles. (…) Mike avait percuté l'avant d'un TER lancé à pleine vitesse. Tué sur le coup, décapité. » La famille recomposée de Jennie se retrouve décomposée...
Quelques années plus tard, Olga refait sa vie. Une fois de plus. Elle a un petit garçon. Nouveau bébé pour Jennie qui prend de plus en plus son rôle de petite maman à cœur. Des années de presque bonheur dans la maison inachevée. Mais une nouvelle fois, le destin frappe. Olga et son compagnon meurent dans un accident de la route. Jennie comprend immédiatement que la famille va être séparée, que ses petits vont lui être retirés. Sur un coup de folie elle embarque la marmaille dans la remorque de son vélomoteur et tente de prendre la fuite. Peine perdue. Le pire arrive.

Reformer la tribu
Gérard Mordillat, dans la première partie de son roman dresse le portrait d'une adolescente à fleur de peau trop tôt chargée de famille. Sans père, mère complètement déficiente, elle a pris, par la force des choses, les commande du foyer. Mais pour l'administration, elle n'est rien par rapport à ses demi-frères et sœurs. Après la cavale avortée, elle est placée dans une maison de redressement, les autres, beaucoup plus jeunes, sont adoptés.
A ses 18 ans, Jennie est enfin libre. Elle a joué profil bas pour cacher sa rage. Sans nouvelles de ses « petits », elle entame un tour de France pour tenter de reformer son petit cercle familial. Elle recevra l'aide de Quincy, un jeune acteur encore sous le choc du suicide de sa mère, harcelée à son travail. Deux pestiférés qui vont se comprendre et s'aimer. Mais le carcan de notre société bien pensante risque de les broyer.
L'auteur délaisse, durant 220 pages percutantes, ses longues sagas sociales (« Les vivants et les morts », « Rouge dans la brume »). On retrouve quand même en filigrane toute la thématique de son œuvre : pour certaines classes sociales, le bonheur sera toujours une chimère.
 
« Ce que savait Jennie » de Gérard Mordillat, Calmann-Lévy, 17,40 € (disponible également en format poche au Livre de Poche)

jeudi 26 juillet 2012

Polar - Hécatombe en Afrique du Sud

Une ancienne top-model, un mercenaire, des dealers, un flic hargneux, un psychopathe, des escrocs : peu de personnages s'en sortent dans ce polar de Roger Smith

L'Afrique du Sud a beaucoup combattu une image de marque trop négative. Après l'apartheid, la violence a plombé la réputation de cet immense pays. « Blondie et la mort » roman policier de Roger Smith ne vous sera certainement pas conseillé par l'office de tourisme local. En fait vivre dans les environs du Cap c'est avoir toutes les chances de mourir violemment. De tous les personnages croisés dans le récit, très peu d'entre eux ont la chance d'être toujours en vie une fois passé la dernière page.

La chance de Joe Palmer a tourné. Ce riche entrepreneur, louant les services de ses mercenaires un peu partout dans le monde, a de graves difficultés de trésorerie. Il entend se refaire une santé en vendant des armes à un chef rebelle congolais. Il touche une grosse avance en liquide dans un attaché-case. En rentrant chez lui en compagnie de sa femme Blondie, une ancienne top-model, deux petits dealers les attaquent. Ils ne savent rien pour l'argent, c'est la voiture qui les intéresse. Cela se passe mal, Joe est blessé, les voyous prennent la fuite avec la voiture. Le roman bascule dans le hors norme quand Blondie se saisit de l'arme abandonnée par les assaillants et colle une balle dans la tête de son mari.

Ultra violence
C'est ça l'Afrique du Sud décrite par Roger Smith : une violence latente, permanente qui peut exploser à tout moment sans véritable raison. Billy Afrika le sait bien. Métis, il a été grièvement brûlé en étant jeune. Des enfants, comme lui, l'ont battu, jeté dans un trou et aspergé d'essence avant d'y mettre le feu. Il a survécu, mais en garde sur tout le corps un cuisant souvenir.

Billy est mercenaire. Il est furieux. Sa solde n'est pas arrivée. Il va directement demander des comptes à son employeur, Joe. Dans l'immense villa, il ne trouve que Roxy dans le rôle de la veuve éplorée. Elle a fait croire aux policiers que ce sont les dealers qui ont tiré sur son mari. Billy et Roxy, les deux personnages principaux du roman vont faire cause commune. Leur objectif : récupérer la valise. Ainsi Roxy pourra retourner aux USA et Billy toucher son salaire. Mais pour cela ils vont devoir retrouver les dealers de tik, la drogue locale composée à partir de « produits de débouchage de canalisations, de liquide de radiateur et de potion pour le rhume de cerveau. Produits bruts qui ne nécessitent aucune ordonnance. » C'est déjà compliqué, mais ils vont en plus s'attirer les foudre de Piper, un psychopathe de la pire espèce.

D'une violence extrême, ce polar ne vous donnera certainement pas envie d'aller visiter les ghettos du Cap. Selon la description de Roger Smith ce n'est pas une destination touristique, juste l'antichambre de l'enfer...

« Blondie et la mort » de Roger Smith, Calmann-Lévy, 20,50 € (Egalement disponible au format poche au Livre de Poche)