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mercredi 29 octobre 2025

Roman - Titaÿna, célébrité catalane oubliée

Découvrez dans le nouveau roman d'Hélène Legrais le destin et la chute d'une journaliste pionnière de l'entre deux guerres, Elisabeth Sauvy de Villeneuve-de-la-Raho en Pays Catalan, alias Titaÿna de son nom de plume.

Sujet brûlant d'actualité au centre du nouveau roman d'Hélène Legrais, écrivaine qui a toujours profité de l'histoire de son cher Pays Catalan pour signer des récits finalement universels. En décidant de remettre sur le devant de la scène la figure oubliée de Titaÿna, c'est tout un pan un peu honteux de l'histoire contemporaine française que l'ancienne journaliste de France Inter et Europe 1 sort des limbes de l'oubli. Mais ce n'est pas un hasard si elle raconte l'existence de cette femme indépendante, totalement effacée des radars après sa période, courte mais intense, de collaboration avec les journaux à la botte de l'occupant nazi. En fin d'ouvrage, elle s'en explique : « 85 ans après, crise économique, crispation sociale et montée des extrêmes semblent à nouveau se conjuguer pour nous mener dans la même funeste direction. L'Histoire bégaie et redonner vie à cette période ainsi qu'à la façon dont nos aïeux l'ont traversée, c'est un peu nous présenter un miroir pour nous regarder au fond de l'âme. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas... » 

Pour raconter Titaÿna et cette France déjà en plein recul dans le concert des Nations, Hélène Legrais utilise avec intelligence le contre-point. D'abord un ancrage local (collection Territoires oblige), la montée à Paris, en 1928, de Baptiste, le fils de l'épicier de Villeneuve-de-la-Raho, village près de Perpignan. Il veut voler de ses propres ailes, conquérir la capitale. Il va aller sonner chez une vague connaissance, Elisabeth Sauvy, de Villeneuve elle aussi, devenue une célèbre journaliste sous le nom énigmatique de Titaÿna. « Regard de braise, teint mat et menton pointu, volontaire. » « Une femme de trente ans sûre d'elle, enroulée dans une sorte de peignoir de soie brodé d'oiseaux exotiques qui ondulait autour de son corps mince et nerveux. » Baptiste aurait pu tomber amoureux. Mais c'est une autre femme, de son âge, qui va lui faire encore plus d'effet, Nicolette. Elle aussi est fascinée par Titaÿna, son métier, son indépendance. Nicolette veut devenir une grande et célèbre journaliste, comme son modèle. Le roman raconte cette double fascination pour Titaÿna la rebelle, du petit Catalan et de l'intellectuelle parisienne en mal d'émancipation. 

Titaÿna, au début de sa carrière, a beaucoup fait pour la cause des femmes et des peuples dits « primitifs » dans ses reportages autour du monde. Mais avec la célébrité, elle a oublié ses idéaux et quand les nazis déferlent sur la France et occupent Paris, elle accepte de signer dans des journaux collaborationnistes des articles violemment antisémites. Au grand dégoût de Nicolette qui elle préfère ne plus écrire une ligne et résister secrètement. Deux femmes, deux journalistes, une inventée, une très réelle pour permettre aux lectrices et lecteurs du roman de se demander quelle aurait été leur attitude. Un conditionnel qui n'est presque plus de mise tant les événements nous rattrapent à la vitesse d'un cheval au galop.   

« La fascination Titaÿna » d'Hélène Legrais, Calmann-Lévy, 368 pages, 20,90 €

jeudi 23 novembre 2023

Littérature française - « La ballade d’Amélie », nouvelle « partition » d’Hélène Legrais

Hélène Legrais plonge ses lecteurs dans l’art lyrique et raconte le Pays catalan mais pas que. Elle y glisse aussi un peu de ses propres expériences.


Les amateurs de belle musique et d’art lyrique seront aux anges en découvrant le nouveau roman d’Hélène Legrais. La ballade d’Amélie raconte une période très particulière d’une cantatrice catalane imaginaire. Amélie a une voix d’exception. Mais quand elle devient aphone, cette chanteuse entièrement dévouée à son art, se sent sombrer.

D’où vient cette extinction ? Pas d’un problème sur les cordes vocales, mais bien d’un dysfonctionnement de son cerveau. Exactement du débranchement de ce fameux cerveau pour cause de surmenage. Un burn-out, selon le terme à la mode. La sidération d’Amélie est totale. « Deux secondes d’incrédulité et puis la panique. Nue. Brute. Animale. Telle une main glacée qui vient serrer la gorge. Le souffle coupé. Le sang qui se retire du visage. Le précipice qui s’ouvre sous les pieds. Le monde, son monde qui bascule. D’un seul coup. »

Cap sur la Lozère

La première partie du roman est centrée sur l’analyse de cet accident de santé, comme un reflet du miroir de la romancière qui avoue en fin d’ouvrage, « Quand j’ai eu l’idée de ce roman et que j’ai commencé à travailler dessus, j’étais loin de m’imaginer que le burn-out me rattraperait en route et que je n’aurais pas à solliciter mon imagination pour en décrire les effets. » Il semble y avoir beaucoup de vécu dans ce calvaire vécu par Amélie. Mais cela ne l’empêche pas de croiser la route de quelques célébrités locales, Jordi Savall, Daniel Tosi et des lieux emblématiques tels l’abbaye de Fontfroide dans l’Aude ou le Palais des rois de Majorque à Perpignan.

Amélie décide de s’en sortir à sa façon. Où les ballades font place à une grande balade salvatrice. En compagnie de Titine, un vieux Citroën type H et de son inséparable chatte Indy. Exit donc Sahorle, la côte Vermeille et les descriptions du Canigó, place aux vertes courbes du très calme hameau des Laubies au cœur de cette Lozère si dépaysante. Une analyse sans doute tirée par les cheveux, pourrait faire penser que la romancière, pour se tirer de son propre mauvais pas, a comme Amélie, décidé de sortir de sa zone de confort. Le bonheur est souvent au bout du chemin, dit-on.

« La ballade d’Amélie » d’Hélène Legrais, Calmann-Lévy, 320 pages, 19,90 €. 

dimanche 13 novembre 2022

Les faiseurs de miracles du nouveau roman d'Hélène Legrais, "L'alchimiste de Sant Vicens"

Comment imaginer un simple poissonnier à l’origine de ce qui deviendra dans les années 50 un haut lieu des arts en général et de la céramique en particulier ? Voilà ce qu’Hélène Legrais nous conte avec sa verve habituelle dans son nouveau roman, L’Alchimiste de Sant Vicens.


De la fenêtre de sa lingerie, la pièce à couture - la seule dans laquelle son mari n’entre pas - Suzanne contemple avec envie l’effervescence qui règne chez leurs voisins. Elle songe rarement à la Sybille qu’elle était, cette jeune fille romantique qui rêvait d’amour partagé. Sa rencontre avec André Escande scelle son sort. Le professeur de mathématiques rigide et frigide « méprisait la sexualité. Une perte de temps et de contrôle. Un vertige des sens qui égarait la raison. Tout ce qu’il détestait ». André commence d’ailleurs par la déposséder de son identité. Sybille ? Un prénom extravagant. Suzanne convient mieux. Ce mari tyrannique lui concède cependant une fantaisie : le jardin parsemé de roses claires, bien taillées par ailleurs.

Ce jardin grâce auquel la vie de Suzanne prend un tour inattendu.

Un poissonnier passionné

Combien d’invitations leur a-t-il lancées, depuis son installation dans ce qui devient dans les années cinquante l’atelier de céramique de Sant Vicens à Perpignan ? Firmin Bauby, poissonnier et amateur d’art ne les compte plus. C’est donc avec un étonnement ravi qu’il aperçoit Suzanne au milieu des convives d’un mariage célébré dans sa propriété. Il est drôlement amusant et charmant, ce voisin. Aux antipodes de son bonnet de nuit de mari. Très vite, Firmin Bauby la convainc de s’essayer à la céramique. Il lui permet en somme de se redécouvrir en tant que Sybille. Il lui présente son invité permanent, Jean Lurçat, d’autres artistes aussi, Picasso, Trenet, Vadim, un tourbillon de vie, de culture et de beauté.

Mais le véritable changement arrive avec l’installation d’un jeune couple et la naissance de Vivi. La petite pleure beaucoup, sa mère est épuisée et Suzanne, toujours compatissante, lui offre le luxe de quelques heures de sommeil dans leur chambre d’amis qui n’a jamais servi. Vivi grandit mais son comportement reste une énigme pour son entourage, y compris le corps médical. C’est qu’à l’époque, on connaît peu et mal l’autisme.

Intrigué par son manège récurrent - elle se faufile dans la roseraie au travers de la haie - c’est André le premier et contre toute attente, qui arrive à se faire accepter de la petite fille.

La rigueur historique et la passion pour l’émancipation des femmes sont les marques de fabrique de l’autrice Hélène Legrais. Dans ce dernier opus, elle dresse avec délicatesse les portraits croisés d’humains qu’à première vue tout sépare. Et qui au final se rejoignent dans ce difficile et magnifique ballet qu’est la vie.

« L’alchimiste de Sant Vicens » d’Hélène Legrais, Calmann-Lévy, 19,90 €

dimanche 30 octobre 2016

Roman : Sang, sexe et volupté dans «Trois gouttes de sang grenat » d'Hélène Legrais

Cinquante nuances de grenat, voilà le titre qu’Hélène Legrais aurait pu donner à son dernier opus très chaud.

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Dans ses remerciements en fin d’ouvrage, l’écrivaine catalane ajoute «un dernier mot pour mon fils Hadrien : j’espère que certaines scènes écrites par ta mère ne vont pas te choquer ! » Et en effet, elle prend un virage serré par rapport à ses précédents opus. Si l’action se déroule toujours à Perpignan et ses environs, on est très loin du classique roman de terroir avec ce héros, complexe, tourmenté, incapable depuis trois ans de consommer son mariage arrangé avec la pourtant charmante Suzanne. Fin des années 1880, rue de l’Argenterie, le joaillier Auguste Laborde fils prend la relève d’un père inspiré. Il n’est pas dupe : il manque du génie paternel et réussit à faire vivoter l’affaire sur sa réputation. Méprisé par son épouse, ignoré par sa sœur, brimé par sa mère, Auguste cherche l’ombre. Dans ce but, il achète une petite maison rue de l’Anguille. Et sa vie bascule.
■ Nuances sanglantes du grenat
hélène legrais,grenat,perpignan,calmann-levyLa porte en bois d’un réduit donne sur l’immeuble voisin, une maison close. Par l’interstice des planches, Auguste devenu voyeur compulsif, ressent des émotions charnelles inconnues devant le défilé des prostituées. Jusqu’au jour où il est témoin du meurtre de l’une d’elles. Il n’aura alors de cesse de démasquer le meurtrier dont il n’a vu que les mains. Hélène Legrais a visiblement décidé de pimenter son récit. Elle transforme son héros en bête de sexe, parsème le roman de passages débridés. Preuve en est avec de nombreux succès de librairies ces dernières années, voilà un créneau qui rapporte.
On se laisse happer par l’intrigue, on apprécie un livre bien documenté, historiquement irréprochable, on regrette néanmoins l’énumération inutile et trop fréquente des nombreuses rues de Perpignan (Google Street permet aujourd’hui même aux Esquimaux de le visualiser d’un clic). Mais comme le prouve Hélène Legrais, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Et on apprécie cette nouvelle facette d’une écrivaine autrefois un peu trop lisse.
Fabienne Huart
➤ «Trois gouttes de sang grenat », Hélène Legrais, Calmann- Lévy, 19,90 €