vendredi 27 septembre 2019

De choses et d’autres - 1995, Chirac, la bombe et moi




A cause de Jacques Chirac, j’ai failli mourir en 1995.  Heureux journaliste employé par les Nouvelles de Tahiti à Papeete, en ce jour de juin vers midi, j’apprend que la terre a tremblé aux Tuamotu. En fait, Jacques Chirac vient d’ordonner la reprise des essais nucléaires à Mururoa. Une décision gaulliste dans toute sa grandeur. Problème, cet explosion échauffe les esprits des indépendantistes. En quelques heures les manifestations spontanées deviennent émeutes. Le journal est placé sous la protection de la gendarmerie. Le personnel a le choix : dormir sur place ou rentrer chez soi à ses risques et périls. Voulant rejoindre ma famille de l’autre côté de la ville, j’opte pour la seconde solution. Pas seul heureusement. Un ami tahitien m’accompagne en scooter. Il me recommande de ne pas quitter le casque et on zigzague entre les voitures en feu, obligés de contourner les barricades improvisées tenues par des groupes de jeunes ouvertement hostiles. 60 minutes au cours desquelles je suis partagé entre la peur d’être pris à parti et l’ébahissement face à la ville de Papeete comme jamais je ne l’avais vue. On arrive à bon port et mon ami m’avoue rétrospectivement qu’on a quand même pris beaucoup de risques. Voilà comment le président Chirac, en appuyant sur le bouton rouge, m’a fait frôler la mort. Six mois plus tard, il mettait définitivement fin aux essais nucléaires dans le Pacifique Sud. Aujourd’hui, les Polynésiens doivent très certainement saluer sa mémoire, mais que pour ce dernier fait.

(Chronique parue en dernière page de l'Indépendant ce vendredi 27 septembre)