lundi 19 février 2024

« Porcelaine sous les ruines » : Thé, amour et fantasy

 Alors que la Terre est submergée par la pluie, deux « génies » aux pouvoirs oubliés se retrouvent et s’aiment dans des champs de thé. Une romance fantastique signée Ada Vivalda.


De moins en moins de lecteurs, de plus en plus de lectrices. Même pour des genres plus pointus comme la fantasy. Et des lectrices qui aiment que la romance s’invite dans ce monde féerique de dragons, magie et sortilèges. Pour accueillir ce genre spécifique, les éditions Gallimard viennent de créer Olympe. Une collection qui propose Porcelaine sous les ruines de l’autrice française Ada Vivalda.

Dans un futur pas si éloigné que cela de notre présent, le dérèglement climatique a fait des ravages. Montée des eaux partout, transformant de vastes continents en poussière d’îles. L’action du roman se déroule sur ce qui reste de l’Irlande. Un archipel nommé Hibernia et dirigé par Lady Alba Whitmore. Hibernia est le garde-manger de Cymru, ce qui reste de la Grande-Bretagne. Les relations sont tendues et le conseil de Cymru dépêche sur place Lethan Alcor. Il devra négocier avec Alba et tenter de lui extorquer le secret qui permet à ses paysans de conserver une très bonne rentabilité.

Dans ce monde humide, où la technologie n’existe plus, la rencontre entre les deux est électrique. Car Alba, qui est un génie, immortelle mais chassée de son pays et privée de ses pouvoirs, est irrésistiblement attirée par Lethan.

Ce dernier, habile politique, sait séduire, mais a un but secret inavouable. Alba désire absolument préserver son peuple et lutte donc contre Lethan et ses propres sentiments. Car elle sait que « les gens qui s’adorent eux-mêmes ont le don de susciter l’adoration des autres. » Sur fond de complot politique, de trahison et de résilience des deux personnages principaux, le lecteur (la lectrice dans la majorité des cas), va suivre la lente évolution amoureuse de ce couple que tout semble opposer mais qui en réalité s’attire irrésistiblement. Car pour Lethan, Alba « ne possédait pas le charme facile de ses habituelles conquêtes, tout en courbes et en sensualité. Cette femme-là, songea Lethan, avait une beauté d’impératrice. »

« Porcelaine sous les ruines » d’Ada Vivalda, Olympe, 400 pages, 23 €

 

dimanche 18 février 2024

Bande dessinée : Icônes parisiennes de la Joconde à la tour Eiffel

Parmi les Parisiennes célèbres, elles font partie des plus connues. Les plus visitées aussi. La tour Eiffel et la Joconde sont au centre de ces deux albums récemment parus. Et pour compléter ce panorama des icônes de la capitale, gros plan sur le musée du Louvre par Nob dans un recueil de gags aussi marrants qu’instructifs. 

Un tueur sur la tour Eiffel


Selon les auteurs, L’Hermenier au scénario, Cossu et Sentenac au dessin, ce projet est né il y a 13 ans. Le trio s’est connu dans un atelier et entre-temps chacun a lancé d’autres projets, dont la série Frnck pour Cossu. Wahkan se déroule dans un Paris steampunk typique de cette branche de la science-fiction.

En cette année 1889, le monde a les yeux braqués sur Paris, son exposition universelle et cette incroyable construction qu’est la tour Eiffel. Un attrait touristique indéniable menacé par la découverte de plusieurs cadavres. Des hommes assassinés, pendus aux structures métalliques, effet très négatif pour les visiteurs qui ont le malheur de les découvrir.

Pour retrouver l’assassin, la police dépêche sur place un de ses meilleurs éléments : l’inspecteur Kowalski. Petite particularité, c’est quasiment la seule femme flic de France. Rousse, belle et effrontée, elle déteste travailler en équipe. Aussi quand elle apprend qu’elle doit enquêter en compagnie de Jules Castignac, jeune diplômé de l’école de police, elle ne cache pas son énervement.

Ce long récit mouvementé, qui mélange western et croyances mayas, aurait pu être le premier tome d’une série prometteuse. Mais il ne semble pas que cet univers soit prolongé dans de nouvelles aventures. Treize ans après sa naissance, la mode semble un peu passée et les auteurs ont d’autres projets.

L’escapade de Monna Lisa



D’emblée, une petite précision pour les pinailleurs. Les auteurs, Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso, des Italiens, ont délibérément écrit le nom de la Joconde sans faute, soir « Monna Lisa » avec deux « n » à Monna. Logique quand on comprend que ce roman graphique, inspiré d’une histoire vraie, raconte comment la célèbre toile de Léonard de Vinci, a brièvement quitté Paris et le musée du Louvre pour revenir dans son pays de création.

Tout commence en plein été au musée du Louvre. A l’ouverture des portes, le personnel constate qu’il manque un tableau. Et pas n’importe lequel : on a volé la Joconde. La police soupçonne dans un premier temps Picasso et Apollinaire. En réalité ce vol est l’œuvre de Vincenzo Peruggia. Immigré italien, la Joconde il l’admire tous les jours puisqu’il est employé au Louvre, chargé de restaurer les cadres.

Persuadé que le tableau a été dérobé par Napoléon, il veut le restituer à son pays. C’est donc avec une facilité déconcertante qu’il vole la toile et va la cacher durant deux ans sous son lit, dans la misérable chambre qu’il occupe à Paris. Deux ans où il « privatise » le fameux sourire, persuadé que c’est aussi celui de la femme qu’il a aimé en secret. C’est quand il décide d’aller le rendre en Italie qu’il se fait prendre. La Joconde retourne donc à Paris, Vincenzo, devenu héros national, est jugé et condamné à seulement un an de prison.

Dans un style graphique très dépouillé, les auteurs racontent cette quasi-histoire d’amour entre un homme simple (pour ne pas dire simplet selon le jugement de la cour) et une œuvre d’art. Ils expliquent aussi que la Joconde n’a pas été volée. C’est Léonard de Vinci qui l’a amené en France avec lui et que le tableau est recensé dans les collections royales dès 1625.

Gags artistiques au Louvre


Restons au Louvre avec cet album signé Nob (Dad, La Cantine) et coédité par Delcourt et le plus grand musée du monde. Une journée au Louvre raconte la découverte de ce lieu unique par une famille recomposée.

Les Bourlingue sont sept. Le père (avec son fils et sa fille ado, d’un premier mariage), la mère (avec un fils d’un premier mariage), leur bébé et le papi, en réalité le vieux voisin venu avec eux pour passer le temps.

Plusieurs générations qui permettent à l’auteur de multiplier les références sur les chefs-d’œuvre croisés au cours de la visite. Il y a bien évidemment la Joconde, qualifiée par l’adolescente de « reine des influenceuses ». Les plus jeunes voient les tableaux avec un regard toujours décalé comme cette question farfelue du garçon face au Radeau de la Méduse : « À ton avis, c’est de la peinture à l’eau ? ».

Nob, tout en faisant preuve de pédagogie (explication de l’origine du nom de la marque Nike par exemple), désacralise l’art, le rendant humain, à portée de tous, facile à comprendre. L’humour au service du savoir et de la culture : la meilleure façon d’aborder ce musée gigantesque, 14 km de galeries, 7,8 millions de visiteurs en 2022 et 33 00 œuvres exposées.

« Wahkan », Dupuis, 72 pages, 15,50 €
« Pour l’amour de Monna Lisa », Steinkis, 112 pages, 18 €
« Une journée au Louvre », Delcourt, 104 pages, 17,50 €

samedi 17 février 2024

BD - Jungle Book : Une femme dans la meute



Il y a du Livre de la jungle dans ce Jungle book, premier album d’une jeune autrice, Anne Quenton. Après avoir travaillé dans l’animation, elle est revenue à sa première passion, la BD, et propose une version moderne et très modifiée du chef-d’œuvre de Kipling.

Dans un futur proche, une mutation a touché les animaux. Ils se sont humanisés. Désormais ils marchent debout, ont des mains, ont des sentiments et pensent. Une évolution sans doute due aux expériences ratées de quelques savants fous. Conséquence, loups, tigres, ours et autres animaux prédateurs ont compris combien les hommes étaient néfastes pour le monde. Une féroce chasse est enclenchée. Résultat, il n’en reste plus beaucoup sur la planète. Une nuit, une famille de loups sauve des griffes de la bande de Shere Khan, le tigre, un bébé humain de sexe féminin. Ils vont l’élever comme si elle faisait partie de leur portée.

La jeune Mowgli va vivre en sécurité, protégée par ses parents mais aussi ses deux frères. Certes ils la taquinent sur son absence de poils, mais feraient tout pour elle. Quand Shere Khan est de retour une quinzaine d’années plus tard, la vie de Mowgli bascule, la quiétude de son foyer explose. Un album remarquable, tant sur le fond que sur la forme. En inversant les rôles (les animaux sont devenus les dominants), Anne Quenton nous fait comprendre combien notre violence envers les bêtes, toutes les bêtes, est insupportable. Quant aux dessins, en couleurs directes, très doux à l’œil, ils donnent une force supplémentaire à cette histoire universelle entre chasseurs et potentielles proies.

« Jungle Book » (tome1), Dupuis, 64 pages, 14,50 €


vendredi 16 février 2024

BD - Loups affamés dans le 4e tome de World War Wolves



La fin du monde, du moins celui dans lequel on vit actuellement, pourrait prendre la forme décrite par le scénariste Jean-Luc Istin dans sa série World war wolves.

Dans un futur proche (encore une fois), aux USA, des humains se transforment en lycanthropes, plus connus sous le nom de loups-garous. Un phénomène qui se propage comme une épidémie car il suffit qu’être mordu une fois pour rejoindre la meute. Rapidement, l’anarchie et le chaos règnent dans les différents états. La police est contaminée, de même que le FBI. Il existe pourtant quelques poches de résistances comme la ville de Las Cruces. C’est là, derrière de solides remparts, que John Marshall, écrivain, a trouvé refuge en compagnie de sa famille.


Dans le 4e tome, désormais dessiné par Radivojevic, des milliers de loups affamés prennent la ville d’assaut. Les combats font rage. On suit aussi, en parallèle, le périple de Malcom Spoding, un bricoleur de génie qui survit avec une relative facilité dans ce monde en décomposition. Sauf quand il tombe sur une bande de cannibales…

Très violente, cette série, à la mode comics US, propose aussi son lot de fantastique optimiste avec un rêve récurrent aux différents protagonistes humains. Ils y voient un vieil Indien leur demandant de rejoindre un lieu mystique dans l’Arizona. Le bout du chemin et du combat ?

 « World war wolves » (tome 4), Soleil, 104 pages, 15,50 € 

jeudi 15 février 2024

Cinéma - “One love” : Bob Marley, l’amour et le reggae

Sa musique a fait vibrer la terre entière. Le film retraçant une partie de la vie de Bob Marley est une ode à l’amour et la paix. 


Un monument. Bob Marley fait partie de ces rares artistes connus par l’immense majorité des habitants de cette planète, quels que soient leur âge et leur origine. Le musicien jamaïcain, plus de 40 ans après sa mort, est le héros du biopic signé Reinaldo Marcus Green (La méthode Williams). Pour interpréter le roi du reggae, le choix s’est porté sur Kingsley Ben-Adir déjà remarqué pour son rôle de Malcom X dans le film multiprimé One Night in Miami de Regina King. Avec Bob Marley : One Love, le registre est tout autre. Même si la violence n’est pas exempte de sa courte existence.


Le réalisateur a voulu centrer son récit sur l’attentat du 3 décembre 1976. Alors qu’il répète avec son groupe les Wailers, des hommes armés font irruption dans le studio. Bob Marley est blessé au bras. Sa femme Rita à la tête. Un de ses musiciens est gravement touché. À l’époque, la Jamaïque était au bord de la guerre civile. Bob, en pacifiste convaincu, voulait organiser un concert pour la concorde. Une idée qui dérangeait. Face au danger, il met sa famille à l’abri aux USA et rejoint Londres pour se remettre au travail en studio. Quelques mois plus tard sort Exodus, disque phénomène qui bat des records de vente. La légende de Bob Marley débute véritablement.

Kingsley Ben-Adir dans les habits de la star

Loin du biopic linéaire et plat, le film de Reinaldo Marcus Green permet au spectateur de comprendre l’homme derrière la star. D’où il vient, son problème provoqué par l’absence de son père, sa jalousie presque maladive, sa foi immense, sa naïveté aussi parfois.

Toute une palette d’émotions confiée à Kingsley Ben-Adir, véritable révélation du film. Il a endossé le costume du rasta avec un naturel étonnant. Même démarche et surtout présence sur scène déconcertante. Car en reconstituant quelques sets d’anthologie, le réalisateur a donné l’occasion au jeune comédien anglo-marocain de littéralement faire revivre cette légende de la musique cool. Le voir en transe sur scène donne une folle envie de se replonger dans cet univers.

Le reggae est très présent à l’écran, des premiers morceaux, moins connus, aux titres les plus emblématiques dont le fameux One love qui donne son titre au film. Alors si vous aimez danser sur du Bob Marley, si vous voulez découvrir ce phénomène du XXe siècle ou si vous vous intéressez à cet apôtre de la paix qui manque tant en ces temps si violents, courrez voir Bob Marley : One Love.

Film de Reinaldo Marcus Green avec Kingsley Ben-Adir, Lashana Lynch

 

Quand les montagnes accordaient l'asile aux étrangers

 


André Houot aime sa Drôme natale. Un pays d'histoire, de montages et de monstres légendaires. Sa dernière BD publiée, Asile ! aux éditions Glénat, propose un grand saut dans le passé. 

En 1483, alors que la guerre entre Chrétiens et musulmans fait rage en terre sainte, Djem, le fils d'un prince ottoman est accueilli avec les honneurs au château de Rochechinard. En réalité, si le maître des lieux explique qu'il lui offre l'asile, dans les faits il est prisonnier, valeur marchande essentielle pour une guerre diplomatique parallèle aux batailles et tentatives de conquêtes. 

Dans cette forteresse perchée au sommet d'un pic rocheux, Djem déprime. Jusqu'au jour où il croise le regard de Philippine, la fille d'un seigneur voisin. Une impossible histoire d'amour dans cette France peu tolérante. 

Les dessins, hyper-réalistes, sont un exemple pour les illustrateurs désireux d'aborder la BD historique. Le fond de l'histoire est véridique et pour bonifier le tout, André Houot reprend la légende de géants monstrueux vivant au coeur des montagnes. L'ensemble est distrayant et dépaysant.

"Asile !" d'André Houot, Glénat, 48 pages, 14,50 €

mercredi 14 février 2024

Cinéma - Une seconde “Maison de retraite” tout aussi désopilante

 


Il n’est jamais facile d’imaginer une bonne suite à un film qui est plébiscité par le public. Sorti il y a deux ans, Maison de retraite avec Kev Adams a attiré plus de 2 millions de spectateurs. Une suite a donc rapidement été lancée. Avec toujours l’humoriste au scénario, mais un nouveau réalisateur, Claude Zidi Jr.

Côté casting, la palette s’agrandit. Arrivent dans la bande des « vieux » Jean Reno, Amanda Lear, Chantal Ladesou, Enrico Macias et Michel Jonasz. Les fans du premier volet retrouvent, en pleine forme, Daniel Prévost, Firmine Richard et Liliane Rovère. Manquent à l’appel Mylène Demongeot (décédée avant le tournage) et Marthe Villalonga (même si la doyenne des pieds-noirs fait une petite surprise en fin de film).

Il y a deux ans, tout se terminait bien pour les anciens et les orphelins réunis par Milann (Kev Adams). Dans la suite, le rêve vire au cauchemar quand l’administration inspecte les locaux. Rien n’est aux normes. Travaux obligatoires. Au lieu de fermer, Milann transfère tout le monde dans une autre maison de retraite, au bord de la Méditerranée, très classe. Problème, les premiers pensionnaires ne veulent pas de ces nouvelles têtes.

Loin de se contenter de cette petite guerre entre anciens, abondamment vendue dans la bande-annonce, le film, tout en restant très comique, joue sur plusieurs cordes. Un peu de romance, du social (avec dénonciation des grosses sociétés qui font du fric sur le dos de nos aînés) et quasiment du polar d’action pour un final explosif. Encore une excellente comédie pour le cinéma français qui reprend des couleurs en ce début d’année. 


"One love" au cinéma : l'interprète de Bob Marley vous livre son secret pour danser comme le roi du reggae

Remarquable interprète de Bob Marley dans le biopic qui sort le 14 février au cinéma, Kingsley Ben-Adir dévoile sa technique pour danser comme le chanteur de reggae sur scène. 



Sortie événement de ce début d'année au cinéma, le biopic de Bob Marley retrace une partie de sa carrière phénoménale. Le film de Reinaldo Marcus Green, Bob Marley : One love, raconte l'ascension du chanteur de reggae et reconstitue de nombreux concerts du grand de la musique jamaïcaine.

En visionnant le film, on est frappé par le mimétisme entre le jeune comédien et le chanteur mort en 1981. Il a avoué lors d'une rencontre avec la presse le lendemain de l'avant-première parisienne du film au Grand Rex qu'il a beaucoup travaillé pour danser comme Bob Marley.



"J'ai beaucoup regardé les enregistrements des concerts. Mais avant de comprendre comment Bob dansait, il fallait que je comprenne comment moi je bougeais." Avec un humour étonnant, il mime alors sa façon, très désordonnée de bouger en fonction du rythme. Et dans la foulée, ferme les yeux et danse quelques secondes comme Bob Marley, avec grâce et décontraction.


"J'ai compris qu’en fait Bob Marley commençait toujours par bouger comme s'il était dans une petite boite. Et puis d'un coup la boîte disparaît, il tend les bras vers le public. Et tout en faisant du surplace, il réintègre la boîte." Durant quelques secondes, les personnes présentes dans la salle ont pris conscience de toute la technique mise en œuvre par Kingsley Ben-Adir pour habiter le personnage. 

Et pour retrouver la danse, presque la transe, de Bob Marley, ainsi que son histoire mouvementée entre Jamaïque et Angleterre, c'est au cinéma à partir de ce mercredi 14 février.

 

mardi 13 février 2024

Une biographie en BD - Missak Manouchian

 


Le 21 février prochain, Missak Manouchian entrera au Panthéon en compagnie de son épouse, Mélinée. Ce grand résistant, oublié car étranger, était au centre de l’Affiche rouge. Arménien, engagé pour la France, sa vie est racontée dans une BD écrite par Didier Daeninckx et mise en images par Mako.

De l’assassinat de ses parents en 1915 par les Turcs à son exécution (fusillé par l’armée allemande au Mont-Valérien) le 21 février 1944, c’est la vie chaotique de tous ces immigrés, main-d’œuvre bienvenue dans un premier temps, puis ennemis de la France quand l’extrême-droite est arrivée au pouvoir.

Un dossier pédagogique permet de mieux appréhender le rôle prépondérant du gouvernement de Vichy dans la déportation des Juifs et la traque des résistants.

« Missak Manouchian, une vie héroïque », Les Arènes BD, 120 pages, 22 €

lundi 12 février 2024

Une biographie - Audrey Hepburn dessinée

 


Sous-titrée «Un ange aux yeux de faon», cette biographie dessinée d’Audrey Hepburn retrace toute la vie d’une actrice qui a marqué le XXe siècle.

Jean-Luc Cornette (scénario) et Agnese Innocente (dessin) retracent son parcours, de sa naissance en Belgique à ses actions humanitaires pour l’Unicef.

« Audrey Hepburn », Glénat, 168 pages, Glénat, 22 €

dimanche 11 février 2024

Un album jeunesse - L’ours qui n’aimait pas hiberner

 


Pauline Roland, la dessinatrice de Port-la Nouvelle, est de retour dans la collection qu’elle a lancé avec Séverine de la Croix. Elle nous présente Edgar, L’ours qui n’aimait pas hiberner. Un nouveau personnage adorable, bien grognon et à qui il arrive une quantité incroyable d’aventures.

Car Edgar n’aime pas hiberner. Alors pour rendre ce long sommeil plus agréable, il cherche la bonne tanière. Une grotte, un trou, au sommet d’un arbre ou dans un hôtel, il aura toutes les peines du monde pour trouver l’endroit qui lui convient.

Un album jeunesse à lire aux plus petits avant qu’ils n’hibernent eux aussi, mais juste pour la nuit.

« L’ours qui n’aimait pas hiberner », Jungle Splash, 40 pages, 8,95 €

samedi 10 février 2024

BD - Jean Van Hamme : dernières précisions sur XIII et nouvelles illustrées

Jean Van Hamme est un grand scénariste. Presque à la retraite, 85 ans, il signe pourtant un XIII Mystery très attendu par les fans et un recueil de nouvelles cruelles. Et ses personnages continuent d’exister comme Jones sous la plume de Yann et TaDuc. 


Traquenards et sentiments pour XIII


Jean Van Hamme a porté beaucoup de soin à tricoter avec cohérence la saga de XIII. Des albums aux multiples rebondissements qui ont permis à William Vance d’obtenir cette reconnaissance méritée. Les fans, par millions, se sont passionnés pour cette quête d’identité sur fond de complot mondial et d’espionnage. Et certains regrettaient les rares lacunes dans le récit. Des petits trous noirs qui sont désormais en partie comblés.


Jean Van Hamme a accepté de reprendre sa copie et d’imaginer des récits courts pour éclairer les zones d’ombre ou résoudre de petits mystères. Ce 14e album de la série XIII Mystery est l’œuvre de plusieurs dessinateurs. Un collectif au générique prestigieux. La séquence d’ouverture est de Jigounov, le repreneur de la série principale. On retrouve ensuite Joël Callède, Philippe Xavier (pour un retour au Costa Verde avec Maria et El Cascador), Henriet lève le voile sur la jeunesse de Lullaby et sa première rencontre avec Jones, Jones essentielle dans la survie de XIII, histoire dessinée par Gontran Toussaint.

Enfin Mikaël revient sur l’histoire d’amour entre Betty et le duc Armand de Préseau. L’ensemble ne vaut pas un véritable album de XIII mais donne furieusement envie de lire ou relire la saga.

En bonus, quelques auteurs donnent leur version de l’univers, de Boucq à Bertail en passant par Colin Wilson, Ayumu Minegishi, Guérineau ou le Catalan Jordi Lafebre.

Jean Van Hamme dans le texte


Avant d’être le scénariste connu, Jean Van Hamme a écrit des romans. C’est là qu’est né Largo Winch. Un écrivain prolifique qui aimait les nouvelles. Noires et cruelles. Ce sont quelques-uns de ces textes oubliés qu’il a proposé à quelques dessinateurs d’adapter en BD.

Un recueil donnant une autre image de Van Hamme. Moins épique et héroïque, plus malicieuse et intimiste. Comme cette première histoire dessinée par Aimée de Jongh. Un romancier, vit de sa plume depuis des années. Il fait dans le polar gore. Il écrit, donne le manuscrit à sa femme qui le tape à la machine. Il ne se relit jamais. Encore moins une fois imprimé. Une seule chose importe, la nouvelle histoire. Cela dure des années et puis un jour il découvre une vérité qui l’ébranle. Il faut toujours se méfier de son entourage.

Ce condensé du talent de Van Hamme est magnifié par Bazin, Bertail, Efa, Durieux, Munuera, et Djief. Des histoires à picorer au gré de ses humeurs.

Jones vole de ses propres ailes


De la saga de Jones, plusieurs personnages secondaires ont émergé au fil du temps. Cela a donné l’occasion à des auteurs d’imaginer la vie d’avant de ces figures imaginées par Van Hamme et Vance. On a eu droit à la Mangouste, au colonel Amos ou Betty Barnowsky dans la collection XIII Mystery.

Jones, la belle amoureuse de l’intrépide XIII a droit à une trilogie. Écrite par Yann (décidément roi de la reprise après Spirou et Thorgal) et dessinée par TaDuc, l’enfance de Jones la montre SDF dans le ghetto de Chicago, recrue de l’US Navy et surtout sœur de Marcus, militant pour les droits des minorités. Ce dernier, dénoncé par sa petite sœur alors qu’il fomentait un attentat, est prisonnier depuis une dizaine d’années. Il parvient à s’échapper avec deux militants de la cause indienne.

Avec eux, il va défier le gouvernement américain. Un sacré dilemme pour la jeune Jones, fougueuse, impétueuse, experte en maniement des armes à feu mais encore trop fleur bleue.

Le premier tome de cette trilogie, en plus de mettre en avant une des figures les plus appréciées de la série, permet à Yann d’aborder plusieurs sujets très politiques, de la lutte armée des minorités aux USA en passant par les dégâts psychiques chez les vétérans du Vietnam.

« XIII Mystery » (tome 14), Dargaud, 64 pages, 13,95 €

« Miséricorde », Dupuis, 96 pages, 16,95 €

« XIII trilogy, Jones » (tome 1), Dargaud, 48 pages, 13 €

vendredi 9 février 2024

Des lettres - Manie épistolaire de Cioran

 


Philosophe du désespoir, Cioran a marqué la pensée du XXe siècle. L’essentiel de son œuvre a té regroupé dans un volume de la pléiade, mais il manquait le volet épistolaire de ses écrits.

Nicolas Cavaillès s’est chargé de sélectionner quelques missives pour mieux comprendre l’évolution de la pensée de Cioran, entre ses 19 et 79 ans. On retrouve dans ces lettres envoyées à sa famille, Jean Paulhan, François Mauriac ou la « Tzigane », son dernier amour, ces fulgurances. Comme cette constatation à un compatriote qui désire rejoindre la France en 1989 : « Paris est l’endroit idéal pour rater sa vie. C’est ce que je fais avec succès depuis cinquante et un ans. »

« Manie épistolaire » de Cioran, Gallimard, 320 pages, 21 €

jeudi 8 février 2024

Roman noir - La chasse au « Chevreuil » vire au massacre avec Sébastien Gendron

 Saint-Piéjac, petit village français : ses chasseurs, sa boulangerie, sa majorité d’extrême-droite et… Connor Digby, son citoyen britannique. Avec Marceline, rousse volcanique et nymphomane, ils vont presque raser la localité. 




Sébastien Gendron a peut-être forcé le trait, mais les caricatures qui déambulent dans son roman Chevreuil sont pourtant très proches de la réalité. L’action a pour cadre Saint-Piéjac, bourgade de province, 2000 âmes, un vote majoritairement d’extrême-droite, une désertification rampante et des chasseurs.

Beaucoup de chasseurs. 99 % de la population mâle rêve de dézinguer Il Duce, un magnifique chevreuil, roi des forêts environnantes. Le 1 % restant c’est Connor Digby, citoyen britannique, propriétaire d’une jolie maison au centre du village. Cet écrivain est connu dans le monde entier grâce aux aventures de sa petite fourmi, Grant. Adulé dans le monde, détesté à Saint-Piéjac. Un vieux contentieux.

Connor, la cinquantaine, grand et célibataire, voit débouler dans sa vie Marceline, épouse battue en fuite. Une sacrée femme : « Elle n’est pas très grande. Elle a les cheveux frisés. Elle a des taches de rousseur partout où il peut y en avoir. […] Elle place la bouteille entre ses cuisses, ploie les genoux et tire comme une possédée. Dans cette position, on voit ses seins jusqu’aux bonnets. Ils sont serrés l’un contre l’autre et tremblent alors qu’elle force. » Comme il fait très chaud à Saint-Piéjac, ils se retrouvent rapidement en petite tenue et copulent sans trop se poser de questions. Car aussi improbable que cela soit, Connor et Marceline se sont trouvés.

Le roman peut continuer sa trajectoire sur les chapeaux de roues. Car la vie de Connor est plus compliquée qu’il n’y paraît. Pour Marceline c’est une évidence. Parmi les ennemis de l’Anglais, un marquis qui trafique dans les voitures d’importation, un ancien conseiller municipal présentement en prison après avoir été dénoncé par Connor… Même l’apprenti boulanger lui en veut.

Ils devront aussi affronter les foudres de Férignot, chasseur alcoolique. Marceline a fait fuir Il Duce en klaxonnant… « Férignot est rouge. On dirait que son gilet de sécurité se reflète sur son visage, mais non, c’est la rage. Il est en nage. Il a couru sur cinq cents mètres, dans sa tenue de combat, avec sa Remington de cinq kilos en bandoulière, sa besace pleine d’un faisan et d’un litre de floc de Gascogne, sans compter ses propres cent trente kilos de viande fortement persillée. » Ces personnages secondaires sont nombreux et tous très originaux.

A Saint-Piéjac, gravitent aussi dans l’entourage de Connor un retraité voyeur, délateur et admirateur de Zemmour, un éleveur de cochon paranoïaque, un directeur de cirque aux abois et même une employée municipale souffrant du syndrome de la Tourette et chargée de détruire les mauvaises herbes en les carbonisant avec son Manuflam.

Mais cette dernière est un peu spéciale. Pas vraiment malade et aussi narratrice du roman, théâtre d’un véritable massacre qui fera sensiblement chuter le poids démographique du gros bourg aux prochaines élections cantonales. Un roman noir et rural sans tabou ni limite.


« Chevreuil », Sébastien Gendron, La Noire, Gallimard, 342 pages, 20 €

Thriller - « L’araignée », tueuse aveuglée par la vengeance

 Les deux héros policiers imaginés par Lars Kepler, Saga Bauer et Joona Linna affrontent un serial killer insaisissable : une femme qui se prend pour une araignée. 


La littérature de genre nordique est souvent très explicite. La violence y est décrite sans fioritures. C’est un peu la marque de fabrique de Lars Kepler, pseudonyme d’un couple d’écrivains, Alexander et Alexandra Ahndoril. Cette nouvelle enquête de Saga Bauer et Joona Lima mettra à rude épreuve les nerfs des plus sensibles.

Les deux policiers, toujours sur la brèche, de plus en plus torturés, voient leur entourage littéralement décimé. Des policiers haut placés sont enlevés puis assassinés dans des conditions horribles. Voilà dans quel état ils retrouvent le corps de Margot Silverman, directrice de la police suédoise : dans un « long paquet posé à terre composé de draps et de plastique, entouré d’une ficelle. […] Après avoir fait une profonde incision dans la partie la plus épaisse, par l’ouverture, une bouillie grise striée d’un rouge marron s’écoule dans l’herbe. Une odeur chimique piquante les fait reculer. Lorsque la substance visqueuse s’est répandue sur le sol, un pied à moitié dissous apparaît dans l’herbe au milieu de la gelée brunâtre. » Plongé dans un cocon hermétique, le corps est dissous dans de l’acide. Exactement comme le font les araignées pour leurs proies.

Saga est au centre de l’affaire car le tueur, une tueuse qui se prend pour une araignée, lui envoie des indices avant les meurtres. La dernière victime sera Joona. Et seule Saga pourra le sauver. Une intrigue complexe, très variée, qui montre toutes les failles de ce duo depuis trop longtemps au plus proche des tueurs les plus démoniaques.

Et une figure revient régulièrement : le sinistre Jurek Walter (voir Le chasseur de lapins et Lazare), éliminé par Joona. L’araignée est-elle une disciple ? A moins que les raisons de ce déferlement de violence soient plus complexes et à base de vengeance. Un thriller qui vous emmène loin sur les rives d’un esprit torturé.

« L’araignée » de Lars Kepler, Actes Sud, 512 pages, 24,50 €

mercredi 7 février 2024

Cinéma - “Daaaaaalí”, cinq acteurs pour un artiste unique

 Comment rater un film sur Salvador Dalí ? Ce n’est pas une appréciation du long-métrage de Quentin Dupieux, mais le fil rouge de cette histoire très surréaliste. 


Un film sur Dalí ? Quasiment un rêve prémonitoire pour Quentin Dupieux. Réalisateur français prolifique qui multiplie les films comme Jésus les petits pains, il s’attaque au phénomène Dalí. Mais pas question de se lancer dans à un bête biopic linéaire. De toute manière, ce ne sont pas les toiles de Dalí qui intéressent le réalisateur mais sa personnalité.

Un film sur un film impossible à réaliser. Avec un parti pris, géniale intuition, de confier le rôle du génie catalan à plusieurs comédiens français. Ils sont cinq au total à endosser une chemise ridicule et les moustaches caractéristiques. Édouard Baer, Jonathan Cohen, Gilles Lellouche et Pio Marmaï se relaient, sans la moindre continuité. Se rajoute au quatuor Didier Flamand, interprète de Dalí âgé, cheveux blancs, baratine et chaise roulante. Cinq interprètes pour un génie du XXe siècle.

Pour expliquer le phénomène Dalí, Quentin Dupieux suit le parcours de Judith (Anaïs Demoustier), jeune journaliste, passée par la case pharmacienne (ou boulangère, on a un doute au final), si contente de décrocher un premier entretien d’une heure avec le maître. Mais ça ne se passe pas comme prévu. Sans caméra pour le filmer, Dalí interrompt l’interview au bout de 15 secondes.


Elle retente sa chance avec une équipe cinéma et un producteur prêt à gaspiller beaucoup d’argent. Elle se rend chez Dalí, à Portlligat, mais une nouvelle fois, tout foire. Un fil rouge doublé de scènes de la vie du peintre, au travail, chez lui avec Gala, ou en représentation chez des notables, dont un curé qui tente de lui vendre un rêve. Le film va alors se transformer en énigme temporelle, le rêve ne s’arrêtant jamais. Comme deux histoires qui se mordent la queue et empêchent toute logique narrative.

Dès lors, le spectateur se retrouve dans une multitude de réalités, toutes plus délirantes les unes que les autres. Judith se demande si elle arrivera un jour à commencer ce fichu film, Dalí se désespérant de ce rêve, le plus long et le plus ennuyeux du monde. Daaaaaalí !, film gigogne, ne donne pas de clés pour comprendre l’œuvre du peintre, mais offre aux amateurs de nombreux clins d’œil à une époque révolue : quand les artistes étaient adulés, reconnus. Même les plus fous.

Film de Quentin Dupieux avec Anaïs Demoustier, Gilles Lellouche, Édouard Baer, Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Didier Flamand, Romain Duris

 

Cinéma - Ayez peur de “La bête”


Comment, à partir d’un roman datant du début du XXe siècle, aborder avec intelligence le phénomène des intelligences artificielles ? Un sacré challenge relevé par Bertrand Bonello dans La bête. Du texte original de Henry James, il n’a conservé que le sentiment diffus de peur. Et des dialogues de la partie se situant en 1910. Le reste navigue entre film d’anticipation, comment résister face à la déshumanisation de la société en 2044 face à l’omniprésence des intelligences artificielles et quasi reportage sur la vie d’une apprentie comédienne à Los Angeles en 2014.

Trois époques, trois films imbriqués les uns dans les autres, avec deux comédiens pour les mêmes personnages, Gabrielle (Léa Seydoux) et Louis (Georges McKay). L’idée principale du roman d’origine est l’attente par un couple d’une catastrophe imminente. L’attente. Dans la peur.

En 1910, elle intervient assez rapidement dans l’usine de fabrique de poupées du mari de Gabrielle alors que Paris est inondé après le débordement de la Seine. La partie la plus intrigante reste celle traitant de notre futur proche. Gabrielle tente de changer de travail. Mais elle a trop d’affect. Pour évoluer, elle doit être reformatée, que son ADN soit lissé, qu’elle oublie toutes ses vies d’avant.

La critique de l’émergence des intelligences artificielles est vigoureuse. Car la technique ne leur permet pas de devenir humaines. Par contre, une fois aux commandes, elles pourraient nous contraindre à gommer notre humanité. Et la perte de l’amour, de l’empathie, de toute sensibilité devient dès lors cette bête qui nous menace, tapie dans la jungle du futur.

Un film ambitieux, labyrinthique et angoissant. Un thriller d’anticipation, même si on a parfois l’impression d’avoir déjà les deux pieds dedans.

Film de Bertrand Bonello avec Léa Seydoux, George MacKay