Affichage des articles dont le libellé est gendron. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est gendron. Afficher tous les articles

samedi 15 mars 2025

Polar - « Python » piquant sous la plume de Sébastien Gendron

Ce roman intitulé « Python » est le second de la série de Sébastien Gendron modestement baptisée  « Le grand livre des animaux ». Après le chevreuil, vision hallucinée de la campagne française, place à ce python venu semer le trouble dans le lotissement trop calme d'une ville moyenne française. Le serpent ne fait que de la figuration, le centre de l'attention est occupé par Constance, mère d'Hippolyte, 5 ans. Le portrait en miniature de son père, un sale con puissance mille. Constance n'en peut plus. Elle envisage de disparaître, abandonnant sa famille pour se cacher en Inde. Mais comme c'est Sébastien Gendron qui est aux manettes, tout dérape très vite. Un dentiste est assassiné, le mari de Constance meurt d'un AVC, un drôle d'ouvrier transforme une piscine en bunker... Un roman noir d'une méchanceté absolue, du pur esprit Hara-Kiri : bête et méchant. Assez jouissif aussi pour le lecteur qui s'ennuie dans son quotidien morne.

« Python » de Sébastien Gendron, Gallimard, 336 pages, 20 €

jeudi 8 février 2024

Roman noir - La chasse au « Chevreuil » vire au massacre avec Sébastien Gendron

 Saint-Piéjac, petit village français : ses chasseurs, sa boulangerie, sa majorité d’extrême-droite et… Connor Digby, son citoyen britannique. Avec Marceline, rousse volcanique et nymphomane, ils vont presque raser la localité. 




Sébastien Gendron a peut-être forcé le trait, mais les caricatures qui déambulent dans son roman Chevreuil sont pourtant très proches de la réalité. L’action a pour cadre Saint-Piéjac, bourgade de province, 2000 âmes, un vote majoritairement d’extrême-droite, une désertification rampante et des chasseurs.

Beaucoup de chasseurs. 99 % de la population mâle rêve de dézinguer Il Duce, un magnifique chevreuil, roi des forêts environnantes. Le 1 % restant c’est Connor Digby, citoyen britannique, propriétaire d’une jolie maison au centre du village. Cet écrivain est connu dans le monde entier grâce aux aventures de sa petite fourmi, Grant. Adulé dans le monde, détesté à Saint-Piéjac. Un vieux contentieux.

Connor, la cinquantaine, grand et célibataire, voit débouler dans sa vie Marceline, épouse battue en fuite. Une sacrée femme : « Elle n’est pas très grande. Elle a les cheveux frisés. Elle a des taches de rousseur partout où il peut y en avoir. […] Elle place la bouteille entre ses cuisses, ploie les genoux et tire comme une possédée. Dans cette position, on voit ses seins jusqu’aux bonnets. Ils sont serrés l’un contre l’autre et tremblent alors qu’elle force. » Comme il fait très chaud à Saint-Piéjac, ils se retrouvent rapidement en petite tenue et copulent sans trop se poser de questions. Car aussi improbable que cela soit, Connor et Marceline se sont trouvés.

Le roman peut continuer sa trajectoire sur les chapeaux de roues. Car la vie de Connor est plus compliquée qu’il n’y paraît. Pour Marceline c’est une évidence. Parmi les ennemis de l’Anglais, un marquis qui trafique dans les voitures d’importation, un ancien conseiller municipal présentement en prison après avoir été dénoncé par Connor… Même l’apprenti boulanger lui en veut.

Ils devront aussi affronter les foudres de Férignot, chasseur alcoolique. Marceline a fait fuir Il Duce en klaxonnant… « Férignot est rouge. On dirait que son gilet de sécurité se reflète sur son visage, mais non, c’est la rage. Il est en nage. Il a couru sur cinq cents mètres, dans sa tenue de combat, avec sa Remington de cinq kilos en bandoulière, sa besace pleine d’un faisan et d’un litre de floc de Gascogne, sans compter ses propres cent trente kilos de viande fortement persillée. » Ces personnages secondaires sont nombreux et tous très originaux.

A Saint-Piéjac, gravitent aussi dans l’entourage de Connor un retraité voyeur, délateur et admirateur de Zemmour, un éleveur de cochon paranoïaque, un directeur de cirque aux abois et même une employée municipale souffrant du syndrome de la Tourette et chargée de détruire les mauvaises herbes en les carbonisant avec son Manuflam.

Mais cette dernière est un peu spéciale. Pas vraiment malade et aussi narratrice du roman, théâtre d’un véritable massacre qui fera sensiblement chuter le poids démographique du gros bourg aux prochaines élections cantonales. Un roman noir et rural sans tabou ni limite.


« Chevreuil », Sébastien Gendron, La Noire, Gallimard, 342 pages, 20 €

vendredi 3 avril 2015

Roman - Éboueur à bas prix

Dick Lapelouse fait dans le social. Le héros imaginé par Sébastien Gendron casse les prix dans son secteur de prédilection : tueur à gages.


Qui n'a pas eu envie, une fois dans sa vie, de se débarrasser d'un importun. Un parasite qui nous bouffe l'existence. Une pensée furtive, mais des siècles de civilisation empêchent le passage à l'acte. La seconde idée, c'est de déléguer le travail d'extermination. Problème, les tueurs à gage ne sont pas bon marché. Mais ça c'était avant l'arrivée de Dick Lapelouse sur le marché du crime rémunéré. 
Le personnage inventé par Sébastien Gendron revient dans une seconde aventure, mouvementée et très psychologique. La particularité de Dick, ce sont ses tarifs. Il accepte de tuer pour des sommes très raisonnables. Rarement plus de 150 euros, tous frais compris. Cet ancien homme de main d'un truand marseillais a une grande expérience dans l'élimination des déchets. Un traitre, une balance, un gêneur voire un politique qui refuse de cracher au bassinet : Dick était la solution. Après quelques années de bons et loyaux services, il quitte ce milieu pour se mettre à son compte. A Paris puis à Bordeaux, ville de prédilection de l'auteur.
Les affaires marchent tellement bien qu'il est obligé de prendre un bureau pour recevoir ses clients. Il embauche même une secrétaire et partage le loyer avec un psychanalyste. Le début du roman est léger et enlevé. Entre la description de Camille, la secrétaire fan de Claude François et quelques affaires vite expédiées, le roman se lit parfois comme un San-Antonio. Pratique et méfiant, avant d'accepter un contrat, Dick fait passer un certain nombre d'épreuves à ses clients potentiels. Il leur demande comment ils désirent que le gêneur meure. Pour ce faire il a un catalogue très détaillé dans lequel il décrit plusieurs dizaines de modes opératoires, du classique révolver à la pendaison en passant par les couteaux, étouffement et autre utilisation d'objets contondants. Ensuite, il tient à ce que la demande d'exécution soit enregistrée par une petite caméra. Une preuve pour impliquer le client, au cas où Dick se ferait prendre. Il veut bien tuer mais ne pas en supporter seul les conséquences.

A son psychanalyste et ami, voisin de palier, il explique qu'il y a « un million de manières de mourir et chacune correspond à un moment. Je ne veux pas que mes clients se trompent sur ce qu'ils désirent vraiment parce que je ne veux pas me tromper non plus. Dans l'idée, le fait de me demander de flinguer, d'étrangler ou de poignarder quelqu'un c'est presque aussi simple que d'aller au rayon des plats surgelés d'Auchan parce qu'on n'a pas envie de préparer le repas du soir. Dans les faits, c'est tout autre chose. » Habituellement il se contente d'officier dans la région. Il accepte pourtant de dézinguer une crapule de la pire espèce à Barcelone. Un ancien Franquiste, qui s'est fait passer pour un Républicain et qui a semé quelques morts derrière lui. Exit les quais de la Garonne et place aux ramblas catalanes. Un contrat exotique qui va cependant remuer bien des souvenirs dans la vie de Dick. Il va même rencontrer sa conscience, lui qui était persuadé d'en être dépourvu.
Entre grosse prise de tête intellectuelle et action pure et dure, cette « Revalorisation des déchets » de Sébastien Gendron promène le lecteur des plus horribles scènes de crime au délire paranoïaque d'un homme qui pourrait bien être un tueur en série enfin utile pour la société.
« La revalorisation des déchets », Sébastien Gendron, Albin Michel, 19 €