jeudi 31 mars 2016

Cinéma : La glissade de "Good luck Algeria"

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Tiré d'une histoire vraie, le film de Farid Bentoumi avec Sami Bouajila raconte l'incroyable épopée d'un Algérien pour se qualifier aux Jeux olympiques d'hiver en ski de fond.



Parfois, les meilleurs sujets de films se trouvent à notre porte. Quand Farid Bentoumi, jeune cinéaste d'origine algérienne, veut se lancer dans la réalisation de son premier long-métrage de fiction, il ressort l'incroyable aventure vécue par son propre frère quelques années auparavant. En 2006, Noureddine Maurice Bentoumi a participé aux Jeux olympiques de Turin sous la bannière algérienne. Ce skieur de fond, loin d'avoir les performances de Martin Fourcade, a pourtant suscité intérêt médiatique et enthousiasme national pour sa performance. Car avant de s'élancer sur la piste italienne, il a dû lutter pour réaliser les minima lui ouvrant les portes de l'Olympe. Le film de Farid Bentoumi va un peu plus loin. Outre le portrait de cette famille d'immigrés encore partagée entre nouvelle vie en France et reste de la famille, il y met une bonne dose d'économie avec à la base la volonté d'une petite PME française de sauver son activité.
Stéphane (Franck Gastambide), ancien champion de ski de fond français, a créé sa propre marque de matériel. Du haut de gamme, fabriqué avec soin par des professionnels. À la tête de l'entreprise, Samir (Sami Bouajila), un ingénieur, fils d'émigré algérien. Après quelques années florissantes, la crise et la concurrence obligent la petite société à voir plus grand. Ils signent un contrat de sponsoring avec un skieur suédois. À la clé des médailles aux prochains JO et une sacrée publicité. Poussé par sa fédération, le champion revient sur sa signature. À terme, c'est la faillite de la boîte.
Neige et oliviers
Stéphane a alors l'idée de trouver un remplaçant. Ce sera Samir. Pour la bonne et simple raison qu'il est Algérien et qu'il pourra représenter son pays. Avec une belle histoire en plus à raconter par les médias. Samir, acculé, accepte et se lance dans un entraînement effréné. Mais le chemin est long avant d'atteindre les minima imposés.
Un peu trop linéaire et classique, le film se déroule entre superbes paysages enneigés des Alpes et champs d'oliviers en Algérie. Car Samir, pour obtenir l'aval de sa fédération doit se rendre en Algérie. Il y retrouvera ses cousins, restés au bled pour vivre simplement de la culture des oliviers. Un choc de civilisation qui constitue le véritable intérêt du film. Entre cette société ancestrale et le jeune chef d'entreprise beaucoup plus Français qu'Algérien, c'est rapidement l'incompréhension. Au final on se retrouve face à un "feel good movie" un peu trop aseptisé.
Par manque de temps, le réalisateur fait l'impasse sur certaines problématiques qui auraient mérité plus de profondeur comme la corruption en Algérie ou la condition des femmes. L'émotion est quand même au rendez-vous, avec quelques rires grâce à Franck Gastambide et Bouchakor Chakor Djaltia, l'interprète de Kader, le père de Samir, toujours entre naïveté et tendresse.
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Franck Gastambide : un acteur est né

good, luck, algeria, gastambide, bentoumi, ski, jeux olympiques, algérieDans le second rôle du film de Farid Bentoumi, on retrouve Franck Gastambide, un chauve qui va faire de plus en plus parler de lui. Étonnant parcours de ce natif de Melun, dont la formation de base est le dressage de chiens. Il découvre le milieu du cinéma sur le tournage des "Rivières pourpres". Enthousiaste, il devient un professionnel recherché. Et petit à petit il va quitter sa spécialisation pour faire l'acteur. Ce sera l'aventure du "Kaïra Shopping" pour Canal + en 2009 transformé en film qui fera près d'un million d'entrées en 2012.
Devenu comédien à temps complet, il se risque dans des rôles plus dramatiques comme pour "Enragés" et "Made in France" ou comique dans "Good Luck Algeria". Surtout, il récidive à la réalisation. Mais sans ses potes Kaïras cette fois, en tournant "Pattaya". Une comédie complètement barrée à base de boxe thaïe et de nains. Il écrit, réalise et interprète le premier rôle du film phénomène de ce printemps. Un banlieusard amateur de musculation pour ressembler à... Vin Diesel. Un énorme éclat de rire, toujours à l'affiche et qui remplit les salles (1,7 million d'entrées en quatre semaines d'exploitation...).
Après ce carton au box-office, il faudra désormais compter avec cet acteur et ce metteur en scène passionné.

BD : Odyxes au centre d'une bataille divine

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Arleston aime jouer avec les Dieux. Ils sont omniprésents dans cette nouvelle série dessinée par Stephen Lejeune. Oscar, jeune étudiant en médecine, est expédié dans le passé par Athéna. Il devra combattre un autre voyageur du passé, un soldat américain de la guerre de Sécession. Le premier est l'ingénieur du second propulsé pharaon car l'action se déroule en Egypte ancienne. Si Oscar est partagé, désirant revenir dans son présent, Pharaon est persuadé qu'avec leurs connaissances technologiques, ils pourront dominer le monde. Ils vont finalement s'affronter, comme le veut les Dieux de l'Olympe qui n'y voient qu'une distraction. Une série dotée d'un fort potentiel de développement.
"Odyxes" (tome 2), Soleil, 14,50 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Revoilà la "cagnotte"

Divine surprise : les comptes de la Nation se redressent plus vite que prévu. Résultat le ministère des Finances se retrouve à la tête d'une "cagnotte" de 5 milliards d'euros. Immédiatement les spéculations vont bon train pour trouver une utilisation à cette somme inespérée.
D'un côté les puristes désirent accélérer l'effacement de la dette. Et au passage revenir au plus vite au 3 % de déficit promis à Bruxelles. Ce serait dans un premier temps la volonté de François Hollande. Mais en coulisse, nombreux sont ceux qui plaident pour un coup de pouce aux ménages les plus modestes. Normal, 2017 pointe son nez. 2017, année de la présidentielle.
Reste qu'il ne faut pas être devin pour douter de l'efficacité de la méthode. Juste se souvenir. En 1999, une reprise économique plus forte que prévue surprend le gouvernement. Les rentrées fiscales explosent et Lionel Jospin se retrouve à la tête de 9 milliards (50 milliards de francs à l'époque), la première "cagnotte" après des décennies de crise. Le Premier ministre socialiste de l'époque, pourtant excellent gestionnaire, se laisse convaincre de redistribuer cette manne. L'assurance de se faire élire en 2002 d'après ses conseillers. A l'arrivée, Jospin ne parvient même pas à se qualifier au second tour, la cagnotte est engloutie, la dette repart à la hausse...
Désormais la balle est dans le camp de l'Élysée. Quelle sera sa décision ? Mystère. Seule certitude, beaucoup auraient préféré que la révélation de cette "cagnotte" ne quitte pas les murs de Bercy.

mercredi 30 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Les petits pas de Hollande

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Six mille. Pas un de moins. Tel est l'objectif que s'est fixé François Hollande au quotidien. Pas 6 000 chômeurs en moins, ce serait trop beau (et totalement irréalisable), simplement 6 000 pas chaque jour.
Le président va équiper son smartphone d'un podomètre et s'astreindre à marcher un peu plus. Une opération de communication lancée sous les bons auspices de Michel Cymes, le toubib de la télé et la mise en pratique dès aujourd'hui lors du lancement de l'Euro de foot par le président. Marcher est bon pour la santé. Mais il faut au minimum 6 000 pas quotidiens pour en ressentir les effets bénéfiques.
François Hollande, qui a repris du poids depuis son élection en 2012, a certainement besoin de retrouver la forme pour affronter les prochaines échéances électorales. Reste à savoir comment est paramétré son podomètre. Le problème de Hollande ces derniers mois reste indéniablement sa propension à faire deux pas en avant et un en arrière. Comme la réforme constitutionnelle qu'il s'apprête à abandonner ou du moins à alléger de plusieurs points pour cause de blocage au Sénat.
Question : deux pas en avant, un en arrière, compte trois pas ou un seul ? Dans le second cas de figure, s'il veut atteindre son quota quotidien, François Hollande devra marcher deux fois plus. Par contre, dans le premier il aura inventé une nouvelle méthode d'amaigrissement en restant presque sédentaire.
Une problématique totalement étrangère à Nicolas Sarkozy. Il n'a pas besoin de marcher, son tic de bouger les épaules lors de ses discours lui suffit à brûler autant de calories que les 6 000 pas de Hollande.

BD : Centaurus, cette nouvelle Terre

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L'imagination de Léo et de Letendre semble sans limite. Ces deux auteurs sont devenus les spécialistes des histoires d'exploration spatiale. "Centaurus" raconte comment l'Humanité, face à la désertification de la Terre, a lancé un immense vaisseau monde dans l'espace pour coloniser une planète dotée d'une atmosphère compatible à la vie. Un périple de 400 ans, plusieurs générations et enfin l'exploration de cette "terre étrangère" nommée Vera. Un petit groupe se rend sur place pour évaluer les possibles dangers. Et rapidement ils sont légion : des insectes gigantesques, des oiseaux pieuvres, des petits hommes blanchâtres, des ruines menaçantes... Des découvertes qui n'empêchent pas les savants de progresser jusqu'à un lieu en tout point identique à un monument de la vraie Terre. Dessinée par Janjetov, cette saga passionnante et palpitante s'intéresse aussi aux relations entre explorateurs. Ou comment trouver l'équilibre dans un groupe disparate et jamais d'accord...
« Centaurus" (tome 2), Delcourt, 12 euros

mardi 29 mars 2016

BD : Ludivine et les dessous de l'Histoire

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Les auteurs le précisent bien en cours d'album "On n'est pas dans Olivier Rameau". Conséquence, un gentil petit oiseau se fait dézinguer en plein vol et l'héroïne, Ludivine, passe le plus clair de son temps entièrement nue. Personne ne s'en plaint quand on sait que Dany est aux pinceaux. Il n'a pas son pareil pour dessiner des filles aux courbes rebondies et généreuses. Cette Blonde aux grands yeux bleus est pourtant une intellectuelle. Étudiante, elle se rend à la médiathèque pour mettre la touche finale à sa thèse sur l'influence du sexe sur le cours de l'Histoire. Mais un bug dans l'ordinateur la transporte dans le passé. Un périple imaginé par Erroc et Rodrigue. Avec les hommes préhistoriques, puis à Rome en passant par la France d'Henri IV, la jolie demoiselle aux idées féministes va se retrouver au cœur des événements. De la matière brute pour sa thèse car son sex-appeal n'est pas sans conséquences sur les réactions des grands de ce monde, de Napoléon à Jules César. Gai, débridé, sexy et bourré de jeux de mots : un album idéal pour passer un bon moment.
"Ludivine", Glénat, 14,50 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Tubes d'une vie

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Nous sommes décidément trop vieux ma femme et moi. Lorsque je tombe sur un gadget mis au point par le site du Monde, je me réjouis d'apprendre quelle chanson caracolait en tête des ventes lors de notre conception ou de notre naissance.
Perdu, le hit-parade n'apparaît qu'en 1963. Il me manque deux bonnes années et à peine quinze jours à ma moitié qui a vu le jour fin 62. Mais franchement, mieux vaut éviter ces années 60 trustées par Johnny Hallyday et autres yéyés du même acabit.
Penchons-nous plutôt sur nos jeunes années. Alors que je fêtais mes 20 ans, la chanson la plus vendue était "Women in love" de Barbra Streisand. Pas vraiment ma tasse de thé. Je préférais la pop, comme "Cambodia" de Kim Wilde. C'est justement le titre qui cartonnait le jour des 20 ans de la future femme de ma vie. Mais elle, à choisir, préfère Kim Carnes et son légendaire "Bette Davis Eyes".
Une décennie plus tard, elle bascule dans la trentaine sur les rythmes de Michael Jackson, moi sur Enigma. Dans la foulée arrive la chanson la plus importante à mes yeux, celle qui a marqué le début de notre vie commune. Et cette fois, l'application tape dans le mille en indiquant "Streets of Philadelphia" de Springsteen. Mais on a eu chaud car peu de temps après, Ace of Base et ses rythmes binaires s'imposait et juste avant Elton John atteignait les sommets grâce à ses mélodies sirupeuses.
Avantage de ce petit logiciel bien conçu, avec le résultat vous pouvez directement visionner le clip de la chanson sur YouTube. La nostalgie en un clic.

lundi 28 mars 2016

DVD : Sherlock Holmes, l'intégrale vintage

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Si la télévision française a adapté les enquêtes de Maigret, les Anglais ont donné la priorité à celles de Sherlock Holmes. Durant les années 50, Ronald Howard a interprété le détective imaginé par Sir Conan Doyle dans 39 épisodes tournés... en France. L'occasion de découvrir en guest stars quelques vedettes locales débutantes comme Delphine Seyrig, Jacques Dacqmine ou Jacques François. Une redécouverte que l'on doit aux éditions Artus Films, infatigables promoteurs des trésors de l'âge d'or du cinéma et de la télévision.
Sherlock Holmes, l'intégrale, Artus films, 39,90 euros.

BD : Lisa Mandel au coeur du porno

mandel, porno, fabrique, sociorama, castermanLa collection "Sociorama" permet la rencontre de la sociologie et de la bande dessinée. En s'appuyant sur une recherche savante, un auteur de BD vulgarise le tout dans des albums faciles à lire. Sur l'enquête de Mathieu Trachman ("Le travail pornographique" paru en 2013 à La découverte) Lisa Mandel signe une histoire en total décalage avec son trait. Elle qui dessine très gros nez, simple et caricatural, plonge le lecteur dans le tournage de films pornographiques. Elle suit Howard, jeune Noir qui a fait ses débuts dans des productions amateurs et de sa copine, Betty. Sans aucun jugement à l'emporte-pièce, on découvre le quotidien de ces "acteurs", leur vie en famille, les à-côtés des tournages, leur manque de protection sociale et les salaires de misère. Une BD à ne pas mettre entre toutes les mains, mais qui éclaire sur un secteur économique florissant et en perpétuelle progression.
"La fabrique pornographique", Casterman, 12 euros

dimanche 27 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Alphonse Allais dans le texte

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Certains estiment sa production littéraire équivalente à celle de Victor Hugo. Une exagération, l'œuvre d'Alphonse Allais approche « seulement » les six mille pages. Ecrivain talentueux, chantre de l'humour mais surtout journaliste, Alphonse Allais se raconte dans cette autobiographie qu'il n'a pourtant pas écrite. Jean-Pierre Delaune, l'auteur, puise dans cette manne incroyable d'écrits et dresse le portrait vrai de celui qui était déjà une célébrité de son vivant. Plus que ses contes ou poèmes, ce sont ses chroniques qu'attendent les milliers de lecteurs. Dans « La vie drôle », rubrique vedette du « Journal », il raconte avec une imagination sans cesse renouvelée les aléas du quotidien. Adepte des jeux de mots et autres déformations parfois hasardeuses de la langue française, il pond des pages et des pages sans se douter que des décennies plus tard, des amoureux de la rigolade tel Jean-Pierre Delaune s'en serviraient pour explorer sa vie, partagée entre Honfleur et Paris.
« On ne badine pas avec l'humour d'Allais », Jean-Pierre Delaune, Omnibus, 21 euros.

samedi 26 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Réponses belges à l'horreur terroriste

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Deux jours après les attentats de Bruxelles la vie reprend le dessus. Le soleil brille, on mange en terrasse. Loin des morts, de la douleur des familles. L'empathie s'est envolée. On essaie de se donner bonne conscience : cette attitude est une sorte de résistance à l'horreur terroriste. Ils veulent nous faire peur, mais rester cloîtré équivaudrait à leur donner raison.
On retrouve sur les réseaux sociaux cette réaction dans des vidéos parfois surréalistes. Normal, on est en Belgique. Une certaine Megan, blonde recouverte de bijoux comme un sapin de Noël, Belge selon ses dires, avoue qu'elle ne comprend pas l'intention des poseurs de bombes et interpelle directement les terroristes : "Mais Chou, tu t'es renseigné sur la Belgique, tu sais qui on est ? Chou, nous avons inventé la frite, la fricadelle, la gaufre et le chocolat. Et tu crois que demain on va rester enfermé. Mais c'est pas la Belgique ça, chou !"

Dernière réponse apportée par le rédacteur en chef de NordPresse, le site parodique du plat pays. Toujours face caméra, des trémolos dans la voix, il demande aux terroristes "d'arrêter de faire des attentats. Je vous le demande gentiment. Ce qui est vraiment dégueulasse c'est les dégâts collatéraux. On n'en peut plus d'avoir le soutien de Marine Le Pen, on veut pas d'une nouvelle chanson de Francis Lalanne, on en a marre des discours du roi, déjà qu'on doit se les taper à Noël. S'il vous plaît, arrêtez, on ne veut pas de concert d'hommage de Johnny (...) »

Beaucoup de Belges sont tristes, mais certains n'ont pas perdu le sens de l'humour.

vendredi 25 mars 2016

Cinéma : Les mystères de Rosalie Blum

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Qui est Rosalie Blum ? Pourquoi le coiffeur Vincent Machot surveille ses faits et gestes ? Julien Rappeneau propose une comédie sensible sur ces "invisibles" aux petites vies.
Adapté d'une bande dessinée de Camille Jourdy, "Rosalie Blum" conserve son architecture en trois parties distinctes, les trois points de vue des personnages principaux. Honneur à Vincent Machot (Kyan Khojandi), coiffeur de son état dans une petite ville de province (le film a été tourné à Nevers). Il se partage entre son travail, son chat, sa fiancée partie en stage à Paris et sa mère, installée dans l'appartement au-dessus du sien. À plus de 30 ans, il s'ennuie horriblement.

Un dimanche, obligé d'assouvir un nouveau caprice de sa mère (Anémone), il part acheter du crabe en boîte. Il en trouve dans une épicerie excentrée, tenue par une femme (Noémie Lvovsky) dont le visage dit quelque chose à Vincent. Tant et si bien qu'il décide de l'espionner, pour découvrir d'où il la connaît. Maladroit, il se transforme en suiveur-voyeur, l'accompagnant à la chorale, trouvant sa maison, fouillant ses poubelles et la regardant boire plus que de raison dans un club. Jusqu'à une nuit au cours de laquelle il abandonne, terrorisé par cette Rosalie Blum très mystérieuse.
Aude, suiveuse du suiveur
Second acte, Aude (Alice Isaaz), jeune chômeuse, se présente en championne du "moins j'en fais mieux je me porte". Elle vie en colocation avec un artiste de rue (Philippe Rebbot) et traîne avec ses deux amies de toujours (Sara Giraudeau et Camille Rutherford). Le trio sera le moteur comique du film, avec une mention spéciale à Sara Giraudeau, extraordinaire de drôlerie dans le rôle de cette ado attardée qui aime se faire peur, au point de se faire pipi dessus... Aude est la nièce de Rosalie Blum, cette dernière l'embauche pour espionner à son tour cet étrange coiffeur peu discret dans ses filatures.
Le suiveur suivi, la suiveuse séduite par le suivi-suiveur : un triangle amoureux se met doucement en place, au grand bonheur de Rosalie, triste et solitaire mais qui voit d'un bon œil cet embryon de romance entre ces deux jeunes paumés. Le film bascule alors dans une grande loufoquerie, où les quiproquos se succèdent, les routes se croisent, se télescopent.
Une belle histoire, à la fin certes prévisible mais qui fait tant de bien en ces temps difficiles et trop moroses.
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Noémie Lvovsky : femme étonnante et mère émouvante

Dans le rôle de Rosalie Blum, Noémie Lvovsky signe une performance toute en nuances. Cette femme solitaire, que l'on devine blessée par la vie, n'est qu'une silhouette dans la ville. Elle ne demande rien à personne, semble vouloir se faire oublier. Dans la première partie du film, Noémie Lvovsky n'a quasiment pas de texte. Elle déambule comme absente dans cette ville de province terne. Mais il faut aussi qu'elle apporte cette lueur de mystère qui accroche le regard de Vincent et du spectateur. Sobre et exemplaire, l'actrice, plus habituée aux rôles comiques, s'impose avec brio dans un exercice délicat.
Par la suite, tout en conservant cette gravité de mère courage au parcours heurté, elle redevient petite fille en manipulant Vincent et Aude. Son sourire, son regard espiègle sont un régal. Excellente actrice, Noémie Lvovsky a pourtant débuté dans le milieu par l'écriture de scénarios, puis la réalisation de films ("Camille redouble", notamment). Elle est passée de l'autre côté de la caméra dans des petits rôles, crevant l'écran dans le rôle de Vincent Lacoste dans "Les beaux gosses" de Riad Sattouf.

BD : Notables dépravés dans le "Club des prédateurs"

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Londres à la fin du XIXe siècle. La révolution industrielle permet à de riches propriétaires de faire encore plus fructifier leur fortune. Les usines marchent à plein, la main-d'œuvre facile à trouver dans les bas-fonds de la capitale. Quand on a faim, un simple verre de lait attire les enfants. Même si dans la foulée ils doivent travailler dix heures dans la foulée. Jack, un gamin des rues, refuse cette situation. Il préfère voler, déguisé en petit ramoneur. Il croise la route de Liz, fille d'un notable membre d'un club sélect. Leur amitié va être mise à rude épreuve quand ils rencontrent le Bogeyman, un croquemitaine à la réputation sulfureuse. Il enlèverait les enfants... L'album écrit par Valérie Mangin et dessiné par Steven Dupré débute comme une critique sociale de l'Angleterre victorienne. Mais l'intrigue bascule dans le grand-guignol, avec une dernière case à la limite du soutenable.
"Le club des prédateurs" (tome 1), Casterman, 13,95 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : De l'image du Belge

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Une nouvelle adaptation de la légende de Tarzan en 3D sort au cinéma le 6 juillet. Une super production de la Warner avec Alexander Skarsgård dans le rôle-titre.
Rien de bien exceptionnel si ce n'est cette petite phrase dans le résumé du film dont la bande-annonce spectaculaire a été dévoilée hier : "Tarzan est convié au Congo en tant qu'émissaire du Commerce. Mais il est loin de se douter du piège qui l'attend. Car le redoutable Belge Léon Rom est bien décidé à l'utiliser pour assouvir sa soif de vengeance et sa cupidité... » Vous avez bien lu : le "redoutable Belge". Comme si les pauvres sujets du roi Philippe n'avaient pas assez souffert depuis le 22 mars, voilà qu'ils sont décrits comme de vils colonisateurs "assoiffés de vengeance et cupides" dans le film qui s'annonce comme le gros succès mondial de cet été.
Je m'insurge. Interdit de toucher aux Belges durant quelques mois. Les majors américaines devraient montrer un peu plus de respect au peuple qui a engendré des génies tels que Brel, Hergé, Magritte ou Jean-Claude Van Damme. Je suggère d'ailleurs au prince de "l'aware" d'aller dire deux mots aux scénaristes hollywoodiens spécialistes en clichés éculés. Il devrait trouver des arguments suffisamment percutants pour obtenir le changement de la nationalité du "méchant" dans la version finale.
D'ailleurs, Léon Rom est interprété par Christoph Waltz (alias Spectre dans le dernier James Bond). Et Waltz, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas Belge mais Autrichien. Alors pourquoi pas le "redoutable Autrichien assoiffé de vengeance" ?
En bonus, la fameuse bande annonce. 

jeudi 24 mars 2016

DVD : Le club des curés ripoux


Au Chili, dans une vaste maison face à l'océan dans une petite ville de province, la vie s'écoule sereinement entre prières et entraînement d'un lévrier de compétition. Quatre anciens curés et une sœur vivent retirés, cloîtrés, oubliés de tous. Dans ce lieu secret, la hiérarchie catholique cache des prélats recherchés par la police pour pédophilie et autres crimes répréhensibles.

L'arrivée d'un nouveau prêtre va menacer l'édifice. Il a été suivi par une de ses victimes. Il vient l'apostropher sous ses fenêtres. La honte et le remords sont trop forts, il se suicide dans le jardin. Ce n'est pas l'enquête policière qui menace ce "club" d'un genre particulier mais un jésuite chargé d'évaluer le fonctionnement de la maison. Avec la mission de la fermer et de remettre les fautifs à la justice. Signé Pablo Larrain, ce film est d'une rare actualité. Comme en France récemment, l'Église est suspectée de "protéger" ces religieux aux vies dépravées et qui font tant de mal dans leur entourage. La réalisation, sobre et sombre, donne un sentiment d'oppression extrême. Un film coup-de-poing qui, tout en dénonçant, donne un point de vue original sur ce scandale. En bonus, un long entretien du réalisateur chilien, le meilleur et le plus politique de ces dernières années.
"El Club", Wild Side Vidéo, 19,99 euros.

BD : S'évader des profondeurs avec Bec et Rafaele

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Conclusion de la série "Deepwater prison" écrite par Christophe Bec et dessinée par Stefano Rafaele. Dans un futur proche, pour résorber l'augmentation de la population carcérale, les autorités construisent des prisons au fond de l'océan. A 800 mètres de profondeur, impossible de s'évader. Ce huis clos angoissant est digne des meilleurs films d'évasion. Un petit groupe de prisonniers fomente un audacieux plan pour se faire la belle. Leur ticket de sortie c'est une fonctionnaire du gouvernement qui vient enquêter sur les conditions de vie de cet état dans l'état. On trouve à la manœuvre un ancien marine, condamné pour désobéissance. Et pour donner un peu plus de corps à l'ensemble, l'histoire tourne autour des exactions d'une grande compagnie pétrolière. Politique et écologique, la série est particulièrement crédible. Les dessins hyper réalistes de Rafaele renforçant cette impression.
"Deepwater prison", (tome 3), Soleil, 15,50 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Twitter et la génération Hashtag ont 10 ans

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Dix ans déjà. Dix ans que le premier tweet a été envoyé sur le réseau social devenu le symbole de l'immédiateté de l'information.
Pour ceux qui ne pratiquent pas Twitter et ne se considèrent pas de la "génération Hashtag", petite leçon de rappel.

Contrainte initiale, le message ne doit pas dépasser les 140 signes. Court, mais cela permet d'aller à l'essentiel. Premier atout : le réseau est ouvert. Tout le monde peut suivre tout le monde, sans avoir à en demander l'autorisation contrairement à Facebook. Second atout : on peut twitter de partout si l'on dispose d'un smartphone.
Pour se convaincre de l'utilité de Twitter, il suffit d'établir un bref récapitulatif des grands événements de ces dernières années. A chaque fois, c'est le tweet d'un témoin qui le premier a alerté la presse puis la planète. Parfois même sans le savoir quand un anonyme signale des hélicoptères militaires près de chez lui, sans se douter qu'il s'agit de marines US en train de mettre fin à la traque de Ben Laden.

De même, le 13 novembre, avant l'ouverture d'éditions spéciales sur les chaînes d'infos, des passants parisiens twittent pour signaler des coups de feu ou des mouvements de panique. Sans imaginer l'ampleur de la tragédie en cours. Twitter semble rétrécir les dimensions de la planète. Il y en a toujours un parmi les millions de "twittos" actif, à lancer l'info. Ensuite, l'effet boule de neige se met en branle.

Une modification essentielle de notre société de l'information, avec l'apparition d'un autre type de journalisme. En plus du travail de terrain, la veille tient une place essentielle.

mercredi 23 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Attentats de Bruxelles, si loin, si impuissants

bruxelles, BD, attentatsLes attentats d'hier à Bruxelles me touchent directement. Plus que ceux de Paris pour cause de famille. Mon épouse est belge, de ce fait mes liens, déjà étroits avec le pays (passion pour la BD), n'en sont que renforcés. Nous apprenons qu'une explosion s'est produite dans l'aéroport de Zaventem, nos premières pensées vont vers Thierry, beau-frère et pilote de ligne.
Et lorsque sur Twitter le mot métro revient en boucle, nous imaginons tous nos amis et proches susceptibles d'appartenir aux dizaines de blessés. Réseaux sociaux et SMS permettent de nous rassurer au compte-goutes.
Comme nous l'écrit Vincent qui travaille à la Commission européenne, "tout le monde est safe". Il en est quitte pour rentrer chez lui à pied. Cynthia, en formation à Bruxelles, a pris le métro avant l'explosion. Elle a pu rassurer sa mère qui durant de longues minutes n'a pu s'empêcher de penser au pire.
Margaux, au travail depuis 6 heures du matin dans un supermarché, se prépare à de longues heures d'embouteillages. En réunion toute la matinée, Marie-Hélène n'a pas du tout suivi les événements. Elle nous répond vers midi après avoir contacté mari et enfants : "Tout va bien. C'est très stressant mais personne à Bruxelles".
Isabelle (la sœur de ma femme) est la dernière à donner des nouvelles : Thierry n'était pas à Zaventem ce matin, ses enfants pas dans le métro.
Paradoxalement, l'épicentre des explosions est plus éloigné de notre région, mais nous nous sentons encore plus proches, plus concernés, plus menacés. Nous sommes si loin et si impuissants.

Livres de poche : de la Jonquère aux bas-fonds écossais


L'histoire débute dans un de ces bars à filles de La Jonquère. Virginie y est Bégonia Mars. Une vie de passes et de coups. Alors elle décide de faire le grand saut. Une cavale en compagnie d'un inconnu sur les routes du sud de la France. Anne Bourrel, originaire de Carcassonne, fait partie des nouvelles voix du polar. Elle vient de publier 'L'invention de la neige' à La Manufacture du Livre.
"Gran Madam's", Pocket, 5, 30 euros.

Condamné à mort pour un crime pédophile dont il est innocent, Donovan demande de l'aide à Douglas Brodie. Cet ancien flic, issu de l'imagination de Gordon Ferris, reconverti dans le journalisme, va enquêter dans les paysages sauvages d'Ecosse. Ce sera très violent... La seconde enquête de Brodie, "Les justiciers de Glasgow", vient de paraître au Seuil.
"La cabane des pendus", Points, 7,70 euros

La décapitation comme art suprême. Wolf et Silver, deux flics hors-normes, découvrent une jeune femme samouraï à côté de son "œuvre". Ce premier roman de Sébastien Raizer paru dans la Série Noire est à la frontière du polar et de la saga fantastique. Héros atypiques face à un montre de la pire espèce, "La Vipère", inquiétant et mystérieux. La suite, "Sagitarius", vient de sortir chez Gallimard.
"L'alignement des équinoxes", Folio, 8,70 euros


mardi 22 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Record mondial de connerie et de perte de temps

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Dans le genre de bêtise particulièrement gratinée et consternante, le nouveau record du monde battu cette semaine par cinq jeunes Autrichiens. Le défi consistait à regarder la télévision durant 96 heures d'affilée dans un centre commercial. Les fesses au fond d'un canapé, au vu de tous dans cette galerie commerçante, ils ont réalisé l'"exploit" de rester 96 heures devant un écran qui retransmettait les programmes d'une chaîne de télévision, partenaire bien évidemment. Quatre garçons et une fille de 19 à 24 ans (comme quoi les garçons obtiennent la palme de l'idiotie) ont explosé les 91 heures franchies par des Canadiens en décembre 2014. Un marathon sur canapé sponsorisé par un magasin spécialisé en meubles et... télévisions. Pour éviter de sombrer dans le sommeil, les jeunes disposaient d'un vélo d'appartement, de café et de boissons énergisantes. Sans oublier les cinq minutes par heure pour se rendre aux toilettes.
Le Guiness Book des records inscrira le nom de Johannes, Markus, Zivan, Nadine et Dominik dans sa prochaine édition. A leur place, j'aurais honte en racontant à mes petits-enfants l'exploit international qui m'a valu cette reconnaissance. D'autant que le record ne tiendra pas longtemps. Sans aucun doute, cinq nouveaux "champions" atteindront un jour les 100 heures.
Difficile cependant de l'imaginer en France. Les émissions de Michel Drucker assurent un sommeil de plomb au bout de 10 minutes. Et la lobotomie menace les concurrents face à Cyril Hanouna.

Roman : Noyade dans la pluie et le whisky

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Un publicitaire américain n'en peut plus de sa vie vaine. Une prise de conscience qui passe par la lecture de "1984" de George Orwell. Quand il décide de tout balancer et de prendre six mois de congés sans solde, il part sur l'île écossaise de Jura, dans la maison où l'écrivain anglais a écrit cette histoire de Big Brother. Loin de la civilisation, sans internet, ni chauffage, il vit en reclus, ne tenant qu'en buvant des litres de whisky, la spécialité locale.
Entre paranoïa, dépression et retour à la nature, il constate combien Orwell était éloigné du monde qu'il décrivait. Il doit d'abord lutter contre la météo. "Il ne se demandait plus s'il pleuvait ou non n la pluie était une constante, une donnée de départ. Ce n'était plus de la pluie, mais quelque chose d'immuable et permanent." Ensuite il tente d'amadouer les autochtones. Mais cette rédemption passera par bien des épreuves.
Andrew Ervin passionne le lecteur avec quelques moutons et un chef-d'œuvre de la littérature.
"L'incendie de la maison de George Orwell" d'Andrew Ervin, Editions Joelle Losfeld, 22 euros

lundi 21 mars 2016

Livre : Un faux Elvis chez les Belges

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Nadine Monfils agrandit sa galerie de monstres. Après Mémé Cornemuse, place à Elvis Cadillac Presque une parade de monstres. La distribution du nouveau roman de Nadine Monfils ne fait pas dans la dentelle en ce qui concerne les phénomènes de foire. Finalement, Elvis Cadillac, le personnage principal semble le plus « normal » dans cette histoire de sosie et d'héritage dans une grande famille belge.
Elvis ne ressemble pas spécialement au King, mais il l'admire tellement qu'il se confond avec lui. Voiture, habits, attitude : logiquement il devient sosie officiel belge du rocker décédé. Une fois le bonhomme présenté, place au délire made in Belgium. Abandonné par sa Môman, Elvis la voir débarquer chez lui et taper l'incruste. Une vieille folle, digne de Mémé Cornemuse, précédente création de cette romancière qui marche dans les pas de Frédéric Dard. Elvis va donner un récital privé dans une riche famille belge pour l'anniversaire de la doyenne. Elle s'accroche malgré l'envie de ses enfants et petits-enfants de la voir disparaître pour récupérer l'héritage.
Impossible de faire plus délirant que cette réunion de famille, avec meurtre à la clé, enlèvement de chat (prénommé Houellebecq...) et vol de bijoux. Elvis traverse ces événements avec indifférence. Pas très fini le héros : « S'il s'était donné corps et âmes à ce personnage de sosie, c'était d'abord par amour pour Elvis, bien sûr, mais aussi parce que se déguiser faisait partie de l'enfance, de l'insouciance; que quand on est môme, on croit au père Noël et lorsque quelqu'un meurt, on te raconte qu'il est parti en voyage. La mort, c'est rien que des grandes vacances d'où tu ne reviens jamais. » Un roman de Nadine Monfils c'est parfois cru, mais toujours un peu poétique.
"Elvis Cadillac, King from Charleroi", Fleuve éditions, 17,90 euros


dimanche 20 mars 2016

Thriller : Un monde meilleur et brillantissime selon Marcus Sakey

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Seconde partie de la série politico-fantastique 'Les Brillants' de l'Américain Marcus Sakey. À partir des années 80, 1 % des nouveau-nés sont différents. Ils bénéficient de nouveaux pouvoirs comme la télépathie, la télékinésie ou autre capacité à calculer plus vite que le commun des mortels. Ils passent inaperçus au début, mais dans les années 2000, ces hommes et femmes différents commencent à se faire remarquer. Les médias les baptisent du nom, un peu trompeur, de 'Brillants'. Ils pourraient être un atout, ils deviennent une menace. Identifiés, parqués, lobotomisés pour certains, ils deviennent presque des sous-hommes. La présentation de cet univers occupe le premier tome de la trilogie (parution en poche chez Folio Policier). 'Un monde meilleur' est la suite des péripéties de Cooper, un policier 'brillant', coopérant avec le gouvernement pour tenter d'offrir un avenir meilleur à sa fille, Brillante de niveau 1, soit dotée de capacités hors du commun.

Minorité vs majorité
Marcus Sakey décrit cette société repliée sur soi-même avec une noirceur extrême. Entre le peuple qui rejette ces 'anormaux' et le pouvoir qui y voit la crainte de l'émergence d'une nouvelle élite, tout se ligue contre les Brillants. Mais ces derniers ne sont pas non plus exempts de reproches. Certains ont pris les armes et mènent une rébellion violente. Quitte à terroriser la population des 'normaux'. Alors que Cooper se retrouve bombardé 'conseiller spécial' du Président des USA, le roman se déroule en grande partie dans la ville de Cleveland, lieu d'une attaque terroriste. Plus de courant ni de communication. Comme il y a un risque de contamination à grande échelle, l'armée boucle le périmètre. Des milliers de personnes sont bloquées, dans le froid, affamées et assoiffées. Cela tourne rapidement au carnage. Ethan, un chercheur, se retrouve involontairement au centre d'une chasse à l'homme infernale dans la ville assiégée. Il détient peut-être la solution à cet engrenage mortel. Dans ce roman, la science-fiction n'est qu'un prétexte pour dénoncer les travers de notre société. Comment une minorité, pour survivre, peut basculer dans la violence. Comment, aussi, les gouvernements, pour préserver leurs intérêts, abandonnent leurs concitoyens et les sacrifient sans hésitation. Le président résiste longtemps avant de réquisitionner l'armée. Et quand il semble ne plus avoir le choix, il se passe un événement qui va durablement bouleverser l'Histoire. Il ne restera plus qu'à Cooper et Ethan à se mettre en marche pour 'sauver le monde' Mais ce sera dans la troisième et dernière partie de ce qui a tout pour devenir une série télé ou des films à succès.
"Les Brillants, un monde meilleur", Marcus Sakey, Série Noire Gallimard, 20 euros

samedi 19 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Satanés voisins


De la même façon qu'on ne choisit pas sa famille, on n'a aucun pouvoir sur ses voisins. On se demande souvent pourquoi ce quartier si agréable, cet immeuble cossu, idéaux pour couler des jours heureux, se transforment en véritable enfer par la seule présence d'un importun dont la principale mission sur terre semble être de vous pourrir la vie.
Bruits intempestifs, fuites d'eau, désagréments olfactifs... le voisin est sans limite dans ses trouvailles. Le mauvais voisinage est responsable de quelques dépressions ou déménagements intempestifs.
Au lieu de pleurer sur leur sort, Laurent Storck et Silvia Kahn préfèrent en rire. Ils compilent dans un petit livre toutes les situations dont on peut tirer cette constatation, titre de l'ouvrage : "Mon voisin est un gros naze". Une sorte de guide avec des solutions pour se venger ou choisir ses voisins, comprendre les gardiens et décrypter les réunions de copropriété.
Et si votre voisin est véritablement un gros naze, ne déménagez pas. Suivez le conseil de la page 126 : "Mettez en vente son appartement à un prix défiant toute concurrence. Et surtout, n'oubliez pas d'encaisser votre commission."
"Mon voisin est un gros naze", Jungle, 6 euros.

vendredi 18 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Bibliothèques en deuil

ikea, billy, lundgrenMa bibliothèque est en deuil. Pas le contenu, aucune mort récente d'écrivain célèbre, mais le contenant. Exactement ce sont les quelques éléments Billy achetés chez Ikéa voilà bien longtemps qui pleurent leur créateur, Gillis Lundgren, un des pionniers de la société puisqu'il est le quatrième salarié embauché par cette petite menuiserie artisanale. Employé dans l'entreprise suédoise en 1953 en tant que graphiste et maquettiste pour le catalogue, il se lance dans la conception de meubles peu de temps après, avec la géniale idée de les vendre en kit.
Double avantage : gain de place dans les entrepôts et facilité de transport. Par contre le montage devient un cadeau empoisonné pour les clients, même si assembler une bibliothèque Billy semble à la portée de n'importe qui (pour preuve, j'en suis venu à bout !). Son prix très abordable et sa modularité permettent de se confectionner, au fil des années, une véritable bibliothèque évolutive.
Gros dévoreurs de livres, mon épouse et moi avons rapidement été débordés. La première Billy a fait des petits et maintenant la famille compte une bonne quinzaine de membres dispersés dans toutes les pièces de la maison, des chambres au salon en passant par les couloirs. Habitation devenue trop petite malgré un garage immense transformé en véritable bouquinerie.
Mais nous jouons petit bras quand on voit une vidéo d'Umberto Eco. L'écrivain italien, récemment décédé, y parcourt une bonne centaine de mètres de rayonnages installés partout dans son appartement labyrinthique pour retrouver un livre parmi les 50 000 de sa collection.

jeudi 17 mars 2016

Les sorties DVD de la semaine

James Bond face à Spectre
spectreeee.jpgEnorme succès de la fin d'année 2015, "Spectre" de Sam Mendes, nouvel opus de la saga James Bond, est normalement la dernière apparition de Daniel Craig dans le costume de l'espion anglais. Durant plus de deux heures, de Mexico à l'Autriche en passant par l'Italie et le Maghreb, Bond remue ciel et terre pour protéger sa dulcinée (Léa Seydoux) et tenter de mettre un terme aux agissements du chef de Spectre (Christoph Waltz). Du très grand spectacle qui doit obligatoirement se déguster en haute définition.
Spectre, Fox, 20 euros



Avril, quand Tardi s'anime
avrildvd.pngInjustement boudé par le public lors de sa sortie en salles, "Avril et le monde truqué" de Franck Ekinci et Christian Desmares est un film d'animation français directement inspiré par l'univers du dessinateur de BD Tardi. Pas de Poilus dans cette histoire de monstres et de mutants tentant de dominer le monde, mais de belles inventions comme ce train montgolfière entre France et Allemagne ou ce chat doté de la parole (voix de Philippe Katerine) apportant une touche espiègle qui séduira les plus jeunes. En bonus, l'explication de la fabrication d'un monde par Jacques Tardi en personne. 
Avril et le monde truqué, Studiocanal, 17,99 euros


Adèle l'anarchiste
DVD_Anar.jpgCompliqué de rebondir après un gros succès au cinéma. Adèle Exarchopoulos en fait l'expérience. Celle qui a rayonné dans "La vie d'Adèle", peine à retrouver des rôles forts. Dans les Anarchistes d'Elie Wajeman, elle interprète une jeune Française se découvrant une conscience politique au début du XXe siècle. Instructif, un peu romantique, mais bien plat au final.

Les anarchistes, France Télévisions, 20 euros


mercredi 16 mars 2016

Cinéma : L'humanitaire tire la corde dans "A perfect day"

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Une équipe d'humanitaires cherche une corde dans un pays qui se relève d'une longue guerre civile. « A perfect day » de Fernando León de Aranoa est joyeusement kafkaïen.


Il est gros. Il est mort. Il empoisonne toute la région. Un cadavre est découvert dans un des derniers puits d'eau potable de cette région des Balkans. Nous sommes en Bosnie en 1995. Un groupe d'humanitaires est chargé de résoudre le problème. Si le cadavre reste trop longtemps dans l'eau, elle sera contaminée. Il faut dont l'extraire du puits. Un 4X4, un treuil et une corde devraient suffire. Mais la corde, qui en a déjà beaucoup vu, casse. Dans ce pays où règne l'anarchie la plus totale, une corde devient un enjeu sanitaire essentiel.
Sur cette quête toute symbolique, le réalisateur espagnol Fernando León de Aranoa plaque une histoire entre rires et émotion. Ils sont quatre dans cette équipe d'expatriés animés de si nobles intentions.
Française naïve
Quatre mais pas souvent d'accord. Heureusement la corde leur permet de reprendre le droit chemin. Manbru (Benicio del Toro) est le chef, le responsable de la sécurité. Dans une semaine il rejoint sa femme à Porto Rico. Il est usé, désespéré, dégoûté. Il se démène pourtant pour trouver cette fichue corde et sauver ce puits. Il fait équipe avec B (Tim Robbins). Plus de nom ni d'illusions. Ce vieux de la vieille des interventions extérieures semble fou. Il fait simplement appel à l'humour pour tenter de sauver ce qu'il reste d'humanité dans cette région dévastée. Sophie (Mélanie Thierry) vient d'arriver. Experte en hydraulique, elle sait que le temps est compté. Mais cette jeune Française n'est pas encore prête à voir les horreurs de la guerre. Le "gros du puits" est son premier cadavre... Damir (Fedja Stukan) est l'interprète. Il traduit les paroles mais aussi tous les non-dits de la région. Comme cette anecdote quand, dans une épicerie, on refuse de vendre une corde à B sous le prétexte qu'elle est réservée... pour une pendaison.
Les quatre croisent la route de prisonniers politiques sur le point d'être exécutés, d'un gamin qui se fait voler un ballon de foot ou une vieille paysanne qui, malgré les avertissements des militaires étrangers chargés du maintien de la paix, traverse un champ de mines avec ses quatre vaches faméliques.
Tourné en Bosnie, ce film oscille sans cesse entre rire salvateur et horreur d'une humanité en guerre. L'armée des Nations Unies est au passage éreintée par sa lourdeur procédurière. Certes les Casques Bleus sont utiles, mais assez peu réactifs. Dans ce paysage assez noir, plein de déception et de désillusion, on constate amer que parfois les humanitaires ne servent pas à grand-chose. Si ce n'est à déboucher des latrines bouchées.
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Tim Robbins de toute sa grandeur
del toro,bosnie,robbinsEntre road movie et film de guerre, "A perfect day" (Un jour comme un autre, en français) bénéficie d'une distribution très internationale. Deux grandes stars américaines, Benicio del Toro et Tim Robbins, côtoient les beautés françaises que sont Mélanie Thierry et Olga Kurylenko. La première, jeune et naïve, croit à sa mission. La seconde, devenue contrôleuse, s'est muée en bureaucrate qui ne sert qu'à réaliser des économies en temps de crise. L'opposition entre deux conceptions de l'humanitaire, l'autre guerre au sein de ce milieu souvent démuni face à l'ampleur de la tâche.
Tous les acteurs sont excellents, mais il faut donner une mention spéciale à Tim Robbins, l'interprète de B. Ce géant aux cheveux blancs, sous ses fausses allures de militaire baroudeur, cache un cœur d'or. Il ne tient plus que par l'adrénaline. Sa première scène, au volant face à une vache morte, pourrait devenir culte. L'animal est placé là pour obliger les voitures à le contourner. Et rouler sur les mines vicieusement placées. Alors, à droite ou à gauche ? 'Tout droit' répond Tim Robbins qui fonce pied au plancher sous les hurlements de Mélanie craingant l'explosion à tout moment. B est fou. B est marrant. B est dangereux. B représente toute l'humanité à lui tout seul. Tim Robbins est B.

mardi 15 mars 2016

BD : Frissonnez en bikini sur un atoll

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La BD aussi aime s'aventurer dans le genre gore de la série B. Les effets spéciaux, parfois très coûteux sur pellicule, sont d'une simplicité enfantine sur papier. Il suffit que le dessinateur ait beaucoup d'imagination et un bon coup de crayon. Chance, Katou, à la réalisation graphique de « Bikini Atoll » sur un scénario de Christophe Bec, a les deux qualités en réserve. Très imaginatif quand il doit dessiner des monstres marins ou des mutants dégénérés adeptes du cannibalisme. Joli coup de crayon quand il dessine les courbes peu vêtues de touristes, potentielle réserve de chair fraîche...
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Un groupe de touristes se paye un voyage sur les traces des premiers essais atomiques américains. Sur un voilier luxueux, en compagnie de deux guides, sept personnes vont notamment faire de la plongée sous-marine. Première frayeur pour l'une des jolies naïades quand elle croise un requin gigantesque près d'une épave. Cela continue sur l'atoll de Bikini, transformé en île déserte réservée à quelques touristes. Pas si déserte que cela. Et le seul habitant n'aime pas être dérangé. D'un autre côté, il est bien content de ces visites impromptues adéquates pour garnir son garde-manger. Sur 130 pages denses et en noir et blanc, les deux auteurs font monter la tension et l'horreur. Le groupe se réduit au fur et à mesure de la colère du monstre. Mais comme dans toute bonne série Z, il y a des survivants. Essayez de deviner qui, en début d'ouvrage. Un exercice plaisant pour mieux décortiquer l'intrigue. Dans la même collection intitulée « Flesh Bones », deux autres titres de la même veine viennent de paraître : « Le signe » de Thirault et Garcia, une histoire de sort et de superstition et « Sonar » de Runberg et Chee Yand Ong, autre aventure de monstre marin, dans la Méditerranée cette fois.
« Bikini Atoll », Glénat, collection Flesh Bones, 14,95 euros

lundi 14 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Trump ou Sanders ?

Aux USA, les politiques ont le sens du spectacle. Les primaires, tant chez les Démocrates que chez les Républicains s'apparentent à une sorte de "Dallas" revisité, avec son lot de rebondissements, coups de théâtre et autres trahisons.
Pour la première fois, ce feuilleton-réalité se permet une incursion du genre action après les incidents violents de Chicago. La faute à Donald Trump qui, s'il avait vécu au temps de la conquête de l'Ouest, aurait eu le verbe haut et la gâchette facile. Son programme, ouvertement raciste et anti-immigrés, déchaîne les passions. Ses opposants se manifestent trop bruyamment ? Trump demande à ses partisans de "cogner" sur ces importuns. Lui-même, en plein discours, avoue avoir envie de "frapper au visage" les perturbateurs.
Le milliardaire pousse le bouchon encore plus loin en assurant qu'il prendrait en charge les frais d'avocats des militants poursuivis. Il voudrait mettre le pays à feu et à sang qu'il ne s'y prendrait pas autrement.
En face, Bernie Sanders, celui que Trump qualifie de "communiste", tente de rattraper son retard sur Hillary Clinton. Paradoxe, malgré ses idées très à gauche, les plus pauvres - Noirs et Hispaniques - ne lui accordent pas leur soutien.
S'il accomplit l'exploit de battre l'ancienne première dame au cours des primaires démocrates, les électeurs américains, le 8 novembre, se retrouveront face au choix des extrêmes. Un peu comme si en France, le second tour de la présidentielle opposait Marine Le Pen à Olivier Besancenot. Un sacré scénario qui changerait du trop prévisible remake de "Sarkozy vs Hollande".

BD : Humour juif et familial

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Son trait réaliste et précis, toujours composé avec force et vigueur, donne une vision exacte de son quotidien : Asaf Hanuka nous plonge au cœur de la vie d'un dessinateur israélien vivant à Tel Aviv. Dessinateur mais également mari d'une épouse aussi active que lui et père de deux enfants qu'il tente, tant bien que mal, de protéger de la violence permanente de cette nation en perpétuelle guerre depuis sa création. Cette centaine de planches, entre désespoir, humour juif et tendresse familiale, raconte les nuits dans les abris quand les roquettes tombent, les questions sans fin de la petite dernière ou les tâches ménagères, parfois partagées, souvent délaissées par ce grand gamin en perpétuel doute. Asaf Hanuka, loin d'avoir une position définitive et arrêtée sur ce qui se passe dans cette région du monde, est en permanence partagé entre son envie de vivre en paix et la nécessité de se protéger, d'anticiper ces attentats.
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Il raconte notamment la psychose qui s'est installée depuis quelques mois partout dans le pays après les attaques au couteau. Et sa dernière planche sera une référence au 13 novembre. Ou comment la BD, avec finesse et intelligence, replace ces événements dans un contexte international encore plus angoissant.
« K.O. À Tel Aviv » (tome 3), Steinkis, 18 euros

dimanche 13 mars 2016

Thriller : Le faux coupable découvre le bonheur

Dominique, chômeur résigné et héros de ce roman d'Élodie Geffray, préfère la prison à l'indifférence.
silence, peine, geffray, belfondLe désespoir pousse certains à faire de leur vie un véritable cauchemar. Dominique est l'exemple de ces hommes ou femmes, timides et mal dans leur peau, broyés par un système où seuls les forts en gueule parviennent à émerger. Ce paisible Parisien a toujours vécu dans l'ombre. Sans faire de vague, discret, invisible. Un travail lui permettait un minimum de reconnaissance sociale. Quand il se retrouve au chômage, crise économique aidant, il tombe vite dans une spirale infernale. Sans ressources, il est de plus en plus exclu, ostracisé. Son grand défaut, dans la novlangue de Pôle Emploi : il n'est pas assez « proactif ». Encore faut-il qu'il comprenne ce que cela veut dire. Élodie Geffray, dont c'est le premier roman, décrit longuement dans les premiers chapitres la non-vie de ce quinquagénaire mis prématurément sur la touche. Il est au bord du suicide quand il est abordé par un certain Ivan, homme à tout faire d'un ministre de la République. Il lui propose un drôle de marché, un peu comme dans l'histoire de Faust. Si Dominique endosse la responsabilité d'un meurtre, il pourra faire durant trois mois ce qu'il a toujours rêvé de réaliser.
Le fils du ministre
Ensuite ce sera une dizaine d'années derrière les barreaux et un joli pactole à la sortie pour finir ses jours en toute tranquillité. Acculé, désespéré, Dominique accepte car « rien n'avait plus de sens pour lui et la prison était déjà son quotidien. Comment appeler autrement les barreaux que sont la solitude, la pauvreté et la timidité lorsque la société vous a mis au rebut ? » Son rêve : passer ces trois mois dans une ferme loin de tout. Découvrir la vie simple à la campagne. Avec Ivan pour escorte et chaperon, il prend ses quartiers dans une exploitation de province tenue par Martine. Il va découvrir le silence, le réveil matinal pour traire les brebis, la confection des fromages, le travail de la terre dans un potager, le plaisir de cuisiner ses propres légumes. Aussi la compréhension de Martine, gentille paysanne, elle aussi fracassée par la vie mais qui a envie de retenter sa chance.
Le roman, sous des airs de parenthèse bucolique, est un vrai thriller. Il y a bien un meurtre. Une jeune fille massacrée par Nicolas, le fils du ministre. Ivan a fait disparaître le corps. Le temps de mieux connaître Dominique, le faux coupable qui sera donné en pâture à la presse. Mais un commissaire enquête, soupçonne rapidement le jeune Nicolas. Ivan, à la manœuvre, va tenter de désamorcer le scandale. Il y parviendra. Seul problème, Dominique, de plus en plus heureux dans cette ferme auprès d'une Martine tombée sous le charme de sa simplicité, ne veut plus endosser le rôle du coupable. S'il s'est libéré de sa prison personnelle, ce n'est pas pour en rejoindre une autre. Mais peut-on reprendre sa signature après avoir signé un pacte avec le diable ? Élodie Geffray signe un polar malin et original dans lequel elle a soigné, en profondeur, toutes les personnalités des divers protagonistes.
« Et le silence sera ta peine » d'Élodie Geffray. Belfond. 18 euros

samedi 12 mars 2016

BD : Orphelins manipulés

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Déjà publiée en Italie sous forme de fascicules mensuels, la série de SF 'Orphelins', écrite par Mammucari et Recchioni est publiée à un rythme intensif dans la collection 'comics' de chez Glénat. Déjà le troisième tome intitulé 'Le revenant'. Si les deux créateurs sont toujours aux manettes, ils ont délégué dessin et couleurs à des auteurs se coulant dans le style de l'épisode pilote. Le principe est toujours le même. Une première partie raconte le recrutement d'orphelins par l'armée pour les transformer en soldats d'élite. Le gouvernement planétaire en a besoin car les deux tiers de la population viennent d'être décimés par une attaque extra-terrestre. Ces enfants sont des cobayes parfaits car perdus et sans famille. Des amitiés se nouent au fil des épreuves. Des inimitiés aussi. La seconde partie de l'album se déroule sur la planète des aliens agressifs. Les enfants sont devenus des soldats impitoyables, prêts à tout pour détruire les ennemis, ceux qui ont tué leurs familles. Mais au gré des batailles contre ces sortes d'insectes en cristal, des anomalies sont relevées par certains membres des commandos. Et de bons soldats obéissants, certains vont se transformer en sceptiques, persuadés d'avoir été manipulés. Passionnant et beaucoup plus dense que ce que la trame initiale laissait envisager, 'Orphelins' se poursuit avec un album tous les deux mois.
"Orphelins" (tome 3), Glénat, 14,95 euros

vendredi 11 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Très cher nu

Erin Andrews pèse aujourd'hui 55 millions de dollars. Non, la journaliste américaine de Fox Sports, n'a pas coché les six bons chiffres du loto. Mais c'est tout comme, après avoir gagné son procès contre un hôtel et un paparazzi improvisé. 55 millions de dollars, soit les indemnités accordées par le juge.
Cette jolie blonde, qui en 2008 travaillait pour la chaîne de sport ESPN, est filmée évoluant nue dans sa chambre. Le voyeur soudoie un employé de l'hôtel où la jeune femme réside, obtient le numéro de sa chambre et demande à emménager dans la chambre juste à côté. Le réceptionniste accepte sans poser de question. Du balcon, le vidéaste d'occasion réalise un petit film de cinq minutes qu'il diffuse sur internet dans la foulée.
A l'issue d'une longue bataille judiciaire où la journaliste attaque le "cinéaste" mais aussi l'hôtel, elle touche le jackpot. Pas évident que le voyeur n'ait les moyens de payer l'amende, par contre la grande chaîne d'hôtel déboursera la moitié de la somme, soit près de 28 millions de dollars. Une nuitée fort peu rentable.
Décidément, mieux vaut éviter de descendre dans certains hôtels aux USA. Chacun se souvient des "indélicatesses" de Dominique Strauss-Kahn. L'affaire a également été portée devant la justice, un arrangement financier a cependant permis d'éviter le procès. Dans les deux cas, on ne peut que déplorer l'attitude de ces hommes sans scrupule.

Cinéma : De l'inconfort d'être raisonnable

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François Damiens risque de sombrer dans la folie dans "Des nouvelles de la planète Mars", un film de Dominik Moll sur notre société contemporaine aseptisée à l'extrême.


Les nuits de Philippe Mars (François Damiens) sont plus belles que ses journées. Cet informaticien, qui code 10 heures par jour, la nuit venue, rêve qu'il est astronaute. Il flotte dans l'espace, voit sa ville illuminée la nuit, se rapproche de l'immeuble impersonnel où il habite. Il est sur le point de se voir en train de dormir, le top en matière de rêve guidé quand son téléphone sonne. C'est sa femme qui à 5 heures du matin, vient lui déposer les affaires de leurs deux enfants, Sarah et Grégoire. Séparés, ils ont gardé de bons rapports. Pratique pour l'ancienne épouse qui peut ainsi mener sa carrière de journaliste en toute tranquillité. Dans son entreprise, Philippe est l'élément compétent sur qui on peut toujours s'appuyer. De plus il ne dit jamais non. Quand son boss lui demande d'aller superviser un projet qui fait du surplace, il rechigne mais accepte finalement. Comme toujours.
Oreille coupée
Phillipe va devoir "chaperonner" Jérôme (Vincent Macaigne), très compétent mais légèrement asocial. Totalement l'inverse de lui. Jérôme fait tout dans l'excès, au travail comme dans sa vie privée. Résultat il se sent martyrisé et déprécié. Comme souvent dans les grandes sociétés, le terreau fertile des psychoses de Jérôme se transforme en violent burn-out. Il lance un hachoir à viande sur le boss. Ce dernier l'évite. Pas l'oreille de Philippe. Après une opération de "raccommodage" au cours de laquelle il croit discuter avec ses parents morts depuis un an, Philippe est de nouveau réveillé en pleine nuit. Cette fois c'est Jérôme qui, après s'être échappé de l'asile psychiatrique, lui demande de l'héberger pour une nuit. Tout le film repose sur la personnalité si raisonnable de Philippe. Il tente de dire non mais au final se fait toujours avoir. Soit par faiblesse, soit par le fait accompli. Quand sa sœur lui demande de garder durant une semaine son petit chien, il est ferme : pas question. Alors elle part, résignée, mais laisse l'animal dans l'entrée, persuadée que Philippe, trop bon trop con, s'en occupera malgré tout. Et c'est ce qu'il fait. Jusqu'à sa rencontre avec Chloé (Veerle Baetens, déjà vue dans "Alabama Monroe"), presque petite amie de Jérôme, phobique mais qui n'a pas sa langue dans la poche. Une comparaison va faire prendre conscience à Philippe de l'enfermement dans lequel il se maintient volontairement en refusant tout excès ou dérogation à la norme. Le film devient alors une sorte de brûlot révolutionnaire light et Philippe découvre la vie. Tout simplement.
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François Damiens, tant de chemin parcouru
mol,damiens,mars,macaigneQu'il semble loin le temps des caméras cachées de François l'Embrouille. Pourtant si François Damiens a percé en France, c'est avant tout dans ce genre très compliqué des caméras invisibles. Belge plein de toupet, il a frôlé le pire dans ses "performances" où il devenait souvent odieux et dégueulasse. Après avoir piégé ses compatriotes, il s'exporte en France pour Canal +. Il décide également, de piéger quelques célébrités. Une sorte de carte de visite qui a rapidement mis la puce à l'oreille de certains réalisateurs. Mais au début, on ne lui demande de ne faire que du François l'Embrouille. Il multiplie les personnages caricaturaux, râleurs et désagréables. Le sommet sera sans doute son interprétation de paysan-photographe de charme dans "Dikkenek", film belge culte où il se fait "carjacker" en plein Bruxelles. Mais Damiens a un fort potentiel dramatique. Sous ses airs de méchant grognon se cache un véritable comédien. Il sort des sentiers battus dans "L'arnacoeur" en jouant le copain de Romain Duris. Plus récemment il devient émouvant dans "Les Cow-boys", film sur un père qui fait tout pour tenter de sauver sa fille partie faire le djihad. C'est ce François Damiens que Dominik Moll a souhaité. Papa un peu dépassé, employé modèle, citoyen exemplaire, il ne sait pas dire non. Un grand naïf très sympathique. Jérôme (Vincent Macaigne) a failli couper l'oreille de Philippe (François Damiens) avec un hachoir, en plein open space.

jeudi 10 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Frères et sœurs Wachowski

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L'affaire est complexe et me laisse perplexe. Un peu comme leur film le plus célèbre, Matrix. Les frères Larry et Andy Wachowski sont devenus les sœurs Lana et Lilly Wachowski.
Dans la famille Wachowski, il y avait deux frères et deux sœurs. Les frères, passionnés de bande dessinée, étudient le cinéma et ont rapidement révolutionné l'univers de la science-fiction avec Matrix. Une histoire emberlificotée, à plusieurs niveaux, où l'on croit vivre dans une réalité qui n'est que virtuelle. Réalité, apparence, rejet... Des thèmes qui aujourd'hui prennent une autre signification avec ce double coming-out transgenre.
Lana, la première, annonce officiellement son changement de sexe en 2012, après un processus de près de dix ans. Lilly décide de franchir le pas le 8 mars dernier, journée internationale de la femme, face à l'imminente publication d'articles caricaturaux dans des tabloïds. Dans un communiqué accompagné d'une photo, elle explique : "Ma réalité, c'est que j'ai fait une transition et que je continuerai à le faire toute ma vie, à travers l'infini qui existe entre le masculin et le féminin, à l'image de l'infini entre les binaires zéro et un." Complexe...
Le parcours est long et parfois dangereux. Lors d'un de ses rares discours, Lana a avoué avoir envisagé, enfant, de se suicider à cause de ses sentiments de confusion sur l'identité. Espérons que leur démarche permettra aux milliers de transgenres qui n'arrivent pas à se faire reconnaître, de mieux vivre leur différence.

DVD : Une "Dernière leçon" à fort potentiel émotif

chatelet, bonnaire, pouzadoux, mort, suicide, dernière leçon, wildsidePréparez les mouchoirs. Impossible de rester insensible à cette histoire de fin de vie racontée avec pudeur et sensibilité par Pascale Pouzadoux.
À la base "La dernière leçon" est un livre témoignage écrit par Noëlle Chatelet. La romancière y raconte les derniers jours de sa mère. Une femme forte qui a décidé d'en finir avant qu'il ne soit trop tard. Le problème du choix de la mort dans la dignité est au centre du livre et du film, qui adapte assez fidèlement l'œuvre originale. Il est vrai que Noëlle Chatelet a régulièrement séjourné sur le tournage (on le voit dans la making of proposé en bonus du DVD) et conseillé les acteurs. Les actrices surtout, Sandrine Bonnaire joue le rôle de Diane, la fille, Marthe Villalonga celle de Madeleine, la mère. Le film débute par un constat d'échec. Madeleine, au volant de sa vieille Renault 5, panique dans la circulation urbaine. Incapable de passer les vitesses. Comme paralysée. De retour chez elle, elle prend un carnet et note "Conduire" et le raye rageusement. Ce journal minimaliste liste les actions qu'elle n'est plus en état de réaliser.
À 92 ans, cette féministe convaincu, ancienne sage-femme, est aussi et surtout une tête de mule. Pas question pour elle de finir impotente dans une maison de retraite. Lors de son repas d'anniversaire, en présence de ses deux enfants, Pierre et Diane, et de ses petits-fils, elle donne, solennellement, la date prochaine de son décès. Dans deux mois. Dès lors ses enfants seront partagés. Si Diane envisage petit à petit cette fin inéluctable, comprend sa mère et ses arguments, Pierre refuse cette hypothèse.
Contrairement au livre, les deux avis sont apportés sur ce problème de société. On peut être pour ou contre le droit de mourir dans la dignité. Diane, malgré son chagrin immense, son impression d'être le soldat qui appuie sur la gâchette dans le peloton d'exécution, va laisser le libre choix à sa mère. Un formidable acte de tolérance porté par une Sandrine Bonnaire exceptionnelle. Avec justesse, elle joue cette prise de conscience, cette évolution face à un problème inéluctable.
Marthe Villalonga interprète une femme amoureuse de la vie mais usée par cette dernière. Un beau film, à voir en famille pour en parler tant qu'il est temps.
"La dernière leçon", Wild Side Vidéo, 14,99 euros le DVD

mercredi 9 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : YouTube, tuyau d'argent

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Pauvre Kev Adams, à peine arrivé au sommet, déjà oublié. Le champion du box-office français en 2015 ("Les Profs 2", "Aladin") chute brutalement dans le classement des personnalités préférées des Français de 7 à 14 ans. En tête l'an dernier de ce "Top 50" proposé par Le Journal de Mickey, il redescend en 3e position, terrassé par les stars de YouTube. Cyprien et Norman, jeunes humoristes riches de millions d'abonnés sur la plateforme vidéo, font une entrée très remarquée, propulsés illico à la première et seconde place.
Pour ceux qui en doutent, voilà la preuve que les jeunes sont de grands consommateurs d'images. À la télévision bien évidemment mais de plus en plus sur leur ordinateur ou smartphone. Où la facilité d'accès prime sur la qualité. Car il faut bien l'avouer, en dehors de tout clivage générationnel, Cyprien et Norman ne se posent pas en génies de l'humour et de la transgression.
Par contre, ils semblent avoir compris comment faire fructifier cette célébrité naissante. La très officielle Direction générale de la répression des fraudes vient de lancer une enquête au sujet de publicités cachées dans des clips. Selon le site des Inrocks, une dizaine de vidéastes ont perçu entre 20 000 et 100 000 euros pour chanter les louanges d'une marque de voiture. À cause de cette publicité dissimulée, leur amende pourrait atteindre le montant encaissé. La publicité pour des marques n'est pas interdite. Encore faut-il dûment signer un contrat. Et payer les taxes et impôts afférents.
La valeur (de l'argent) n'attend pas le nombre des années.

BD : Mickey, l'éternel inspirateur

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Qui n'a pas rêvé, enfant, en lisant des histoires de Mickey dans le journal éponyme ? Ou en vibrant devant ses dessins animés ? Le personnage, imaginé par Walt Disney, a rapidement été confié à de multiples dessinateurs pour une présence massive dans les innombrables revues portant son nom. Des 'exécutants' rarement identifiés car il n'y a qu'une seule signature, celle de Disney. Pour la première fois, le personnage va vivre des aventures sous les plumes et pinceaux de créateurs aux parcours riches et personnels. Entre l'hommage et la réinterprétation du mythe, deux premiers albums viennent de sortir. D'un côté Trondheim et Kéramidas, de l'autre Cosey. L'auteur suisse de Jonathan a particulièrement réussi son coup dans l'exercice imposé. L'histoire se déroule au cours des années 20 aux USA. Mickey vivote en écrivant les scénarios de films comiques où les vedettes sont des animaux. Mais son producteur veut de la tragédie, de l'amour, du Shakespeare. Dans un train, en pleine nuit, une mystérieuse femme s'assoit à côté de lui. Coup de foudre ? L'album intitulé 'Une mystérieuse mélodie' est sous titré 'Comment Mickey rencontra Minnie' ne laisse que peu de suspense sur la fin. Le trait de Cosey, rond et épais, permet avec une incroyable économie de moyens de faire passer une foule d'émotions et d'attitudes. L'histoire a la douceur ety la simplicité de l'Amérique de ces années où personne ne craignait l'avenir. Un petit bijou qui saura plaire aux amateurs de Disney comme à ceux qui considèrent, à juste titre, Cosey comme un grand dessinateur trop souvent cantonné dans un certain style.
'Une mystérieuse mélodie', Glénat, 17 euros