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mercredi 9 octobre 2024

Cinéma - “L’heureuse élue”, comédie de classe trash

La confrontation de deux classes sociales que tout appose est un grand classique de la comédie. L’heureuse élue, film écrit par Daive Cohen (Fiston, Aladin) et réalisé par Frank Bellocq entre parfaitement dans cette case. D’un côté la grande bourgeoisie « prout ma chère », de l’autre la banlieue « wesh ma mère ». Cela fait des étincelles, pas mal de gags même si parfois on rit jaune.

Benoît, a longtemps profité de la fortune de papa et maman pour dépenser sans compter et faire des investissements hasardeux. Cette fois, il se retrouve acculé, endetté auprès d’un gangster capable du pire. Il lui faut rapidement soutirer une grosse somme à ses parents qui sont en vacances au Maroc. Il a la bonne idée de faire croire à sa mère (Michèle Laroque), qu’il a enfin trouvé la femme de sa vie, va la leur présenter et demande une avance pour organiser le mariage.

Il embauche une amie mannequin et lui demande de jouer la future épouse. Mais elle se défile sur le chemin de l’aéroport. En désespoir de cause, il demande à son chauffeur Uber, Fiona (Camille Lellouche) d’endosser l’habit de l’heureuse élue. Fiona est cash. Et trash. Elle n’est pas bonne comédienne, mais décide de profiter au maximum de ce drôle de client qui lui promet une belle somme. Avec à la clé un séjour dans un hôtel de luxe au Maroc, tous frais payés.

Rapidement Fiona va semer la panique. Auprès des parents (surtout la mère, grande bourgeoise abjecte qui colle de plus en plus à la peau de Michèle Laroque) et des frères et sœurs de Benoît, redoutant perdre une part de l’héritage. Le beau rôle est évidemment pour la fille de banlieue, au grand cœur, qui permet à beaucoup de redescendre sur terre, notamment son faux-futur époux.

Une comédie enlevée, aux décors luxueux et exotiques, qui a la particularité d’être centrée sur un personnage féminin atypique.

 Film de Frank Bellocq avec Camille Lellouche, Lionel Erdogan, Michèle Laroque.



mercredi 6 mars 2024

Cinéma - Le “Bolero”, l’œuvre qui éclipse la vie de Ravel

 Gros plan sur la vie de Maurice Ravel, compositeur du Bolero, filmé par Anne Fontaine et interprété par Raphaël Personnaz. Un film sur un air devenu universel. 


Cinq fois candidat au prix de Rome. Cinq échecs. Pourtant Maurice Ravel (Raphaël Personnaz) était déjà considéré comme un très grand compositeur. Cela donne lieu dans Bolero, film d’Anne Fontaine, à une scène finalement assez joyeuse. Avec quelques amis dont Cipa Godebski (Vincent Perez), ils trinquent « à l’échec ! »

Maurice Ravel, éternel perdant ? Il se serait contenté de cette étiquette, mais en 1928, pour la danseuse Ida Rubinstein (Jeanne Balibar), il compose un morceau de 17 minutes : le Bolero, devenu depuis l’air de musique le plus connu dans le monde.

Pour raconter la vie de Maurice Ravel, Anne Fontaine a donc décidé de placer le Bolero, et sa création, au centre du film. Longtemps, Ravel repousse ce travail de commande. C’est à la demande insistante de sa muse, la femme qu’il semble aimer secrètement, Misia Sert (Dora Tillier), qu’il accepte de se mettre à la tâche. Dans sa maison refuge, en contemplant la nature, il pose les premières notes sur la partition. Puis passe au piano, imagine cette ritournelle lancinante et la répète de façon crescendo. Il n’en sera jamais totalement satisfait : pas d’âme, juste une expérience d’orchestration.

Mais lors de la première du ballet, c’est un triomphe. Maurice Ravel, déjà célèbre (il faisait régulièrement des concerts aux quatre coins du monde), devient une star planétaire. Mais pour un seul morceau qui éclipse tout le reste de son œuvre. Le film aborde aussi cet aspect de sa carrière, cannibalisée par ces 17 minutes géniales. Géniales car on ne peut s’empêcher, au cours de sa création puis de son interprétation dans le film, de succomber à sa simplicité, sa virtuosité.

Le Bolero a été qualifié de charnel, d’érotique. L’inverse de la vie quasi monastique de Maurice Ravel. Il n’avait qu’une seule épouse : la musique. Anne Fontaine a cependant voulu faire sentir au spectateur combien ce créateur était sensible et délicat. Quelques scènes entre Raphaël Peronnaz et Doria Tillier sont d’une rare sensualité.

Amour platonique, peut-être causé par la trop grande importance de la mère de Ravel dans sa vie. Les amateurs de psychanalyse y trouveront matière à réfléchir. Ce qui est sûr, c’est que Ravel, une fois le Bolero mis en orbite, a lentement décliné, atteint d’une maladie du cerveau. Il ne pouvait plus composer, mais la musique était toujours présente dans sa tête. De nouveaux Boleros que l’on n’aura jamais la chance d’apprécier.

Film d’Anne Fontaine avec Raphaël Personnaz, Doria Tillier, Jeanne Balibar, Vincent Perez, Emmanuelle Devos
 

 

mercredi 13 septembre 2023

Cinéma - “La petite”, orpheline avant même de naître

La GPA (gestation pour autrui) se transforme en film émouvant et sensible avec un Fabrice Luchini bouleversant.


Elle aurait dû avoir deux pères et pas de mère. Mais La petite, pas encore née, se retrouve orpheline avant l’heure. Ses deux papas meurent dans un accident d’avion alors qu’elle n’est qu’un fœtus dans l’utérus d’une mère porteuse. Abandonnée de tous ? C’est sans compter avec l’opiniâtreté d’un des grands-pères.

Adapté du roman Le berceau (Flammarion) de Fanny Chesnel, ce film réalisé par Guillaume Nicloux, en plus de parfaitement expliquer le phénomène de la gestation pour autrui, tolérée en Belgique, aborde frontalement le problème des droits des mères porteuses. Joseph (Fabrice Luchini) est un ébéniste vivant en retrait depuis la mort de son épouse d’un cancer. Il a encore des relations avec sa fille, Aude (Maud Wyler) mais n’a plus vu son fils depuis un an. Quand il est prévenu de sa mort probable dans un accident d’avion, il a l’impression d’avoir manqué quelque chose. Comme si la relation avec son garçon avait dérapé à un moment sans qu’il ait le courage de réagir. Sa mort brutale le plonge dans un abîme de questions.

Une grosse dépression aussi. Comme pour retrouver espoir en la vie, il va s’accrocher à la dernière trace de son fils. Avec son compagnon belge, ils désiraient un enfant. Contre une grosse somme d’argent, ils avaient fécondé un ovule avec le sperme du fils de Joseph. Le bébé, une petite fille, prospère dans le ventre de Rita (Mara Taquin), une jeune Belge de Gand, la mère porteuse. Joseph va tout quitter pour tenter de retrouver cette jeune femme. Le film, après un début empreint de tristesse, prend une tournure plus légère avec la quête de la non-mère par le presque grand-père.

Quel avenir pour la petite fille ?

Le Français de 68 ans est perdu dans la ville de Gand, moderne et connectée. Il tombe presque par hasard sur la jolie Rita, passablement énervée car elle sait qu’elle ne touchera pas la seconde partie de son « salaire ». Comme dans le roman, le film prend alors un tour intimiste et psychologique, détaillant l’évolution des relations entre ces deux opposés qu’une petite fille en devenir relie inexorablement.

Une partition sensible où Fabrice Luchini, loin de ses rôles parfois grandiloquents, rend une copie parfaite d’humanité et de touchante tendresse. Envers la jeune mère en galère qu’il parviendra à amadouer (à moins que cela ne soit l’inverse) mais aussi de la petite fille à qui il souhaite plus que tout donner un avenir familial stable. Comme un ultime devoir envers son fils.

Film de Guillaume Nicloux avec Fabrice Luchini, Mara Taquin, Maud Wyler, Veerle Baetens.

jeudi 6 avril 2023

DVD et blu-ray - « Le torrent », film sur un enchaînement de mensonges

Persuadé qu’on va l’accuser du meurtre de sa femme, un mari s’enferre dans le mensonge entraînant sa fille dans une spirale infernale.

Si l’écriture cinématographique d’Anne le Ny pour ce film penche vers le thriller et le polar, c’est en réalité un drame familial qui est proposé aux spectateurs. Un peu comme un roman de Simenon, avec enchaînement de mensonges et situation de plus en plus inextricable. Une étude sociale des rapports familiaux plus qu’une enquête policière sur un possible féminicide.

Le torrent se déroule dans les Vosges. Des montagnes sombres et oppressantes. La jeune Lison (Capucine Valmary) vient de réussir son permis de conduire. Elle fait sa valise et va rejoindre son père Alexandre (José Garcia) qui vit avec sa nouvelle épouse Juliette (Ophélia Kolb) dans un luxueux chalet de montagne. Mais dans cette famille un peu éclatée, la communication passe mal. Lison se retrouve transformée en nounou pour son jeune demi-frère pendant que le père et sa jeune femme vont au théâtre. Lison en profite pour fouiner et découvre sur une clé USB les preuves de l’infidélité de Juliette.

Des photos qui déclenchent une dispute, Juliette quitte la maison et un enchaînement malheureux fait qu’elle se tue accidentellement en tombant dans un ravin. Alexandre panique. Il est persuadé que les gendarmes vont l’accuser de meurtre. Il décide de mettre sa fille dans la confidence et met au point un scénario pour faire croire à un bête accident. Mais c’est sans compter avec la sagacité de l’enquêtrice en chef et les doutes du père de la victime (André Dussolier).

Si le scénario manque un peu de peps, de rebondissements et de surprise, le film vaut surtout par sa grande finesse dans la description des rapports ambigus dans une famille recomposée. Comment une fille va tout faire pour protéger son père.

Regrettons que cette réalisation sorte en vidéo chez M6 dans une version minimaliste. Juste le film, pas le moindre bonus pour aller plus loin. Dommage.

dimanche 4 septembre 2022

Cinéma - Jumeaux au grand cœur

Le film débute comme une simple comédie, bourrée de gags et de rebondissements. Pourtant, Jumeaux mais pas trop, de Wilfried Meance et Olivier Ducray, change progressivement de catégorie pour apporter une belle émotion à cette histoire de retrouvailles fraternelles. Et, du coup, les deux comiques de service, Ahmed Sylla et Bertrand Usclat se transforment en excellents comédiens, capables d’aller chercher de l’émotion pour transcender cette belle histoire qui vire à la fable sociale et politique. 

 Grégoire Beaulieu (Bertrand Usclat), est la caricature du jeune homme politique de droite très ambitieux. En pleine campagne électorale, il va découvrir, grâce à la malice de l’ADN, qu’il a un frère en tout point son opposé. Anthony Girard (Ahmed Sylla) est réparateur informatique. Aussi noir que Grégoire est blanc. Pourtant, la science est formelle : ils sont frères. Et jumeaux qui plus est. 

Passé le quiproquo de base, Grégoire et Anthony vont tenter de comprendre comment leurs parents ont pu les séparer. Une longue enquête qui va les rapprocher et, finalement, leur apprendre que leur origine est un peu plus compliquée que l’histoire officielle. Tout le film repose sur l’entente entre les deux acteurs. 

Lors d’une avant-première, à Perpignan, Ahmed Sylla  expliquait à propos de Bertrand Usclat qu’il était « très content de ne pas l’avoir connu avant. Ça rajoute quelque chose au film puisque c’est la relation de deux frères qui se retrouvent. Des premières répétitions au dernier jour de tournage, c’est une vraie belle rencontre. » Et Bertrand Usclat de renchérir : « Nos personnages ont le même parcours que nous car, dans nos carrières respectives, on vient d’endroits vraiment différents. »

Film de Wilfried Meance et Olivier Ducray, avec Ahmed Sylla, Bertrand Usclat, Pauline Clément

 

jeudi 30 juin 2022

Cinéma - “Irréductible” fonctionnaire


Pas sûr que les fonctionnaires apprécient ce film de Jérôme Commandeur. Pourtant il est désopilant ce Irréductible. Au point qu’il a remporté le Grand Prix, au Festival de la comédie de l’Alpe d’Huez. Seconde réalisation de Jérôme Commandeur, l’histoire de ce fonctionnaire attaché à son emploi (exactement à la sécurité de son emploi…), a le grand avantage de nous faire voyager. 

De la France profonde à la Suède moderne, en passant par une base en Arctique et la jungle équatorienne, ces 90 minutes sont trépidantes. Trépidant, un adjectif qui, pourtant, ne colle pas du tout au héros. Vincent est fonctionnaire à Limoges. Il s’occupe de la nature et de ses principaux utilisateurs : les chasseurs. Il a une vie bien réglée entre pots-de-vin, sa famille, sa fiancée et sa future belle-famille. Une existence pépère, garantie à vie, sans ambition, mais avec une sécurité à toute épreuve. 

Sauf quand le nouveau ministre (de droite), décide de « dégraisser le mammouth ». Quelques postes vont être supprimés. Exactement, de belles primes sont offertes aux « inutiles » s’ils sont volontaires au départ. Or, Vincent, ne veut pas abandonner son petit paradis. Les services du ministère sortent alors les armes de dissuasion que sont les mutations. 

Scientifique et ours blancs

Vincent, provincial absolu, doit accepter ses nouvelles affectations, sous peine d’abandon de poste. De la banlieue triste aux montagnes isolées, il accepte tout et tient bon. La chargée des « licenciements qui ne disent pas leur nom » passe à la vitesse supérieure en le nommant dans une base en Arctique, chargé de protéger les scientifiques des attaques d’ours blanc. On est loin de la vie familiale sereine de Limoges… Pourtant, c’est dans cette immensité glaciale qu’il rencontre Eva, jolie chercheuse qui va craquer pour lui. Vincent va découvrir une nouvelle routine dans la vie suédoise d’Eva, engagée pour l’écologie. 

Partant un peu dans tous les sens, le film ne laisse jamais le spectateur s’ennuyer. Jérôme Commandeur, bon bougre, obnubilé par son idée de conserver son poste, va pourtant devoir choisir entre l’amour et la sécurité de l’emploi. Un dilemme cruel pour cet irréductible de la fonction publique.

"Irréductible', film français de et avec Jérôme Commandeur, et avec Laetitia Dosch, Pascale Arbillot


samedi 26 février 2022

Cinéma - Maigret, bloc d’humanité

Gérard Depardieu endosse le pardessus du commissaire Maigret avec humilité, lui conférant une incroyable humanité.  SND 


Deux monuments. De la littérature francophone et du cinéma français. La rencontre de Gérard Depardieu avec le personnage de Maigret fait partie de ces miracles qui redonnent confiance à la puissance de la création. Souvent cantonné dans des seconds rôles peu valorisants ces dernières années, Depardieu retrouve son statut d’immense vedette avec le nouveau film de Patrice Leconte. Un Gérard Depardieu fatigué physiquement, taciturne, tourmenté et qui pourtant donne une humanité incroyable au commissaire imaginé par Simenon

Ce flic, usé, n’a plus l’envie. Il perd l’appétit, ne veut plus sortir et se voit même interdire le tabac et la pipe par son médecin. Mais les affaires continuent. Une jeune femme d’à peine 20 ans est retrouvée morte dans un parc. En robe de soirée,  poignardée à cinq reprises. Une inconnue qui n’a pas de papiers d’identité. Maigret va mener l’enquête pour donner un nom à cette morte qui lui rappelle tant cette enfant qu’il a perdu. Il va errer dans les rues de Paris,  posant des questions, écoutant les voisins, retrouvant des connaissances de la morte. 

La fille absente

Un Maigret tellement obsédé par cette jeune morte qu’il va mettre  dans son petit appartement populaire une autre jeune fille perdue, Betty (Jade Labeste), autant pour la protéger que pour l’utiliser comme appât pour piéger les principaux suspects. Une famille de bourgeois, comme souvent dans les romans de Simenon. Une réalisation classique et efficace de Patrice Leconte, expert en reconstitution du Paris historique (les années 50) atténue la maigreur de l’intrigue un peu trop prévisible. 

Reste Depardieu, immense, monumental. Il prouve dès les premières minutes, en trois regards, deux répliques et par la suite avec sa présence totale qu’il est le plus grand comédien de sa génération. Et des suivantes. 

Film de Patrice Leconte avec Gérard Depardieu, Jade Labeste, Mélanie Bernier  



mercredi 8 août 2018

Cinéma - La politique de Neuilly à Nanterre

LE FILM DE LA SEMAINE. Les héros de « Neuilly sa mère » ont grandi. Et beaucoup évolué politiquement.


Un pont, juste un pont sur la Seine à traverser et vous passez de la commune la plus riche de France, Neuilly, à la plus pauvre, Nanterre. Cette frontière invisible est au centre du film « Neuilly sa mère, sa mère », réalisé par Gabriel Julien-Laferrière, scénarisé et produit par Djamel Bensalah, le réalisateur du premier opus.

En 2008, le jeune Sami Benboudaoud (Samy Seghir) débarquait dans la famille de son oncle par alliance, un riche industriel résidant à Neuilly. Pour le petit Arabe, débarquer dans la ville la plus à droite de France était un choc culturel radical. Notamment quand Charles (Jérémy Denisty), son cousin, persuadé qu’il deviendrait un jour président de la République comme son idole, Sarkozy, lui sortait cette phrase culte « Ma chambre tu l’aimes ou tu la quittes ».

Dix ans plus tard, la France a beaucoup changé. Sarkozy a été battu par Hollande qui lui-même a été déboulonné par Macron. Sami termine ses études à Sciences-Po et est sur le point d’intégrer l’ENA. Charles, désespéré par la défaite de son leader, sombre dans une léthargie handicapante. Il a cependant son bac et se retrouve en fac de sociologie, ce repère de gauchistes. La seule qui l’accepte...

Tout bascule quand un scandale secoue l’entreprise du père de Charles (Denis Podalydès). Vilipendé par les médias, il doit trouver refuge dans le petit appartement de Sami au cœur de la Cité Picasso. Et tout le reste de la famille le suit, dont Charles pour qui c’est la fin d’une dé- chéance totale.

Objectif mairie
Tout le film, comme le premier, est basé sur l’opposition entre deux mondes si proches géographiquement mais totalement étrangers. Mais cette fois ce sont les bourgeois et riches « Français de souche » qui sont plongés dans cette ville cosmopolite où le vivre ensemble n’est pas une figure de l’esprit.

Car la cité Picasso décrite par Djamel Bensalah, sans être idyllique, est beaucoup plus humaine que le triste Neuilly intolérant du premier opus.

On retrouve avec plaisir quelques personnages du film initial comme le trio de racailles composé par Malik (Booder), Tran (Steve Tran) et Sekou (Bayou). Julien Courbey, autre membre attitré de la bande à Bensalah se fond dans un personnage de petit blanc converti à l’Islam, encore plus radical que tous les Musulmans de la Cité. Si Sami a quelques déboires amoureux, Charles reprend du poil de la bête et décide de briguer la mairie de Nanterre... sous l’étiquette du Parti socialiste.

Superbe film politique, intelligent, marrant et futé, ce « Neuilly 2 » est un parfait résumé des soubresauts de la vie politique française (et de ses faux-semblants) de ces dernières années.

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Des seconds rôles époustouflants


Au générique de « Neuilly sa mère, sa mère », Djamel Bensallah a tenu à « prendre des gens qui ont d’autres vies ». On découvre avec plaisir deux des humoristes de France Inter dans leur premier rôle au cinéma : Sophia Aram et Charline Vanhoevacker.


Plus étonnantes les participations de deux politiques très connus du grand public. Arnaud Montebourg interprète le rôle d’un professeur à Science-Po, l’école d’excellence qui permet à Sami de brillamment démontrer que les banlieues peuvent elles aussi fournir l’élite de la nation française. Un Montebourg détendu et totalement crédible dans sa composition.

Julien Dray campe lui un responsable du PS à Nanterre. Totalement désabusé, il constate le naufrage de son parti. Jusqu’à l’OPA très macronienne de Charles. Julien Dray qui ne manque pas d’humour car le scénario raconte comment le patron investi une partie de son argent dans des montres de luxe. « Il était au courant de ce détail, se souvient Djamel Bensalah. Il a même tenu à choisir lui-même les modèles présentés dans la mallette. » Un véritable passionné selon le producteur qui n’a pas gardé rancune des allégations sur ses goûts luxueux.

Enfin on saluera la prestation d’Eric Dupond-Moretti. Déjà vu dans un film de Lelouch, il devient un « baveux » obséquieux, totalement dépassé par les événements et obsédé par ses honoraires. Un brillant exercice d’autodérision.

Et comme d’habitude, plusieurs seconds rôles sont remarquables, de Josiane Balasko à Elie Semoun en passant par Atmen Khelif.

➤ « Neuilly sa mère, sa mère », comédie de Gabriel Julien-Laferrière (France, 1 h 42) avec Samy Seghir, Jérémy Denisty, Denis Podalydès, Booder, Steve Tran, Bayou.

mercredi 6 septembre 2017

Cinéma : A la recherche du père perdu

ÔTEZ-MOI D’UN DOUTE. De l’importance de la filiation dans le film de Carine Tardieu. 


Pas facile, quand à 40 ans passé, alors qu’on est sur le point de devenir grand-père, on découvre que l’on a deux pères. Erwan (François Damiens) découvre le pot aux roses lors d’une consultation médicale. Son père, étant porteur d’une maladie rare héréditaire, des analyses sont nécessaires avant la naissance de la fille de Juliette (Alice de Lencquesaing). Mais au moment du compte-rendu final, le généticien révèle que l’enfant ne peut pas être porteur de la maladie pour la bonne et simple raison qu’il n’y a aucun lien de filiation entre Erwann et son père.


Remue-méninges dans la tête de ce veuf, propriétaire d’une société de déminage des bombes découvertes. Car son père (Guy Marchand) il l’adore. Vieux pêcheur qui refuse de partir à la retraite, il se désespère de le voir seul. Après bien des hésitations, Erwann contacte une détective privée. Dans un premier temps il veut qu’elle découvre qui est le père de l’enfant que porte sa fille (tout ce qu’elle sait de lui, c’est que c’était un soir de beuverie et qu’il était déguisé en Zorro...), mais finalement met aussi son cas personnel dans le contrat. Et rapidement il découvre que son géniteur est un ancien bénévole de la MJC fréquentée par sa mère, avant son mariage. Un certain Joseph (André Wilms), par ailleurs père d’Anna, médecin.
Le film de Carine Tardieu devient un extraordinaire sac d’embrouilles car Erwann et Anna ont récemment fait connaissance et le démineur a craqué pour la blonde toubib. Et comme cette dernière n’est pas insensible à son charme maladroit, la situation, de quasi vaudevilesque au début, se transforme en possible catastrophe incestueuse.
■ Beaucoup plus qu’une simple comédie
Alors simple comédie bourrée de quipropos ? Que nenni. La réaliatrice va beaucoup plus loin dans l’exploration des rapports familiaux. Car en plus de cet amour compliqué entre deux êtres qui pourraient avoir le même père, il y a aussi une belle et profonde ré- flexion sur le rôle de père.
Et dans l’affaire, il y en a quatre. Le supposé, qui sait mais n’a jamais rien révélé à cet enfantt qu’il a élevé comme s’il était de lui ; le probable, qui n’était au courant de rien et qui regrette le temps perdu ; Erwann en plein doute, ayant sacrifié sa vie sentimentale pour élever sa fille à la mort de sa femme et le dernier, le mystérieux, celui qui a mise enceinte Juliette décidée à élever son enfant seule.
Il y a beaucoup de pistes de réflexion dans ce film simple, interprété avec sensibilité par une distribution brillante et au diapason.
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Estéban, comique né


Le film de Carine Tardieu s’appuie sur trois couples. Un classique (Damiens - De France), un générationnel (Marchand -Wilms, les deux pères) et un improbable formé par la fille du démineur (Alice de Lencquesaing) et le stagiaire (Estéban). La fille d’Erwann, enceinte jusqu’aux yeux, travaille dans une association d’insertion de personnes en difficultés sociales. Le stagiaire, Didier, c’est elle qui l’a placé dans l’entreprise de son père.
A ses risques et périls, car il est une véritable catastrophe ambulante. Maladroit, lâche, idiot et à la dégaine rendant élégant Quasimodo, il a aussi une forte propension à aimer les déguisements. Il aime bien celui de Zorro. Or, la future mère n’a absolument aucune idée de l’identité du père si ce n’est qu’il a été conçu un soir de beuverie, avec un homme déguisé en Zorro...
Il est toujours difficle au cinéma d’interpréter les idiots. Pierre Richard a placé la barre très haut depuis le Grand Blond. Mais Estéban s’en tire à merveille. Ce jeune homme, à l’élocution si particulière (on dirait qu’il a deux fois trop de dents dans la bouche) et aux longs cheveux noirs aime tromper son monde. Si quand il fait du cinéma, il se fait appeller Estéban, quand il monte sur scène avec son groupe rock, il devient David Boring.
En réalité son véritable état-civil est plus simple. Pour l’administration il se nomme Michael Bensoussan. Et il a de qui tenir pusique son père n’est autre que le cinéaste Philippe Clair. Qui lui aussi a changé de nom pour signer la floppée de films mémorables dont «Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir» avec le regretté Jerry Lewis. Estéban, hillarant dans le film de Carine Tardieu, a hérité de son père cette dérision à toute épreuve.
➤ Comédie de Carine Tardieu (France, 1 h 40) avec François Damiens, Cécile de France, André Wilms

vendredi 25 mars 2016

Cinéma : Les mystères de Rosalie Blum

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Qui est Rosalie Blum ? Pourquoi le coiffeur Vincent Machot surveille ses faits et gestes ? Julien Rappeneau propose une comédie sensible sur ces "invisibles" aux petites vies.
Adapté d'une bande dessinée de Camille Jourdy, "Rosalie Blum" conserve son architecture en trois parties distinctes, les trois points de vue des personnages principaux. Honneur à Vincent Machot (Kyan Khojandi), coiffeur de son état dans une petite ville de province (le film a été tourné à Nevers). Il se partage entre son travail, son chat, sa fiancée partie en stage à Paris et sa mère, installée dans l'appartement au-dessus du sien. À plus de 30 ans, il s'ennuie horriblement.

Un dimanche, obligé d'assouvir un nouveau caprice de sa mère (Anémone), il part acheter du crabe en boîte. Il en trouve dans une épicerie excentrée, tenue par une femme (Noémie Lvovsky) dont le visage dit quelque chose à Vincent. Tant et si bien qu'il décide de l'espionner, pour découvrir d'où il la connaît. Maladroit, il se transforme en suiveur-voyeur, l'accompagnant à la chorale, trouvant sa maison, fouillant ses poubelles et la regardant boire plus que de raison dans un club. Jusqu'à une nuit au cours de laquelle il abandonne, terrorisé par cette Rosalie Blum très mystérieuse.
Aude, suiveuse du suiveur
Second acte, Aude (Alice Isaaz), jeune chômeuse, se présente en championne du "moins j'en fais mieux je me porte". Elle vie en colocation avec un artiste de rue (Philippe Rebbot) et traîne avec ses deux amies de toujours (Sara Giraudeau et Camille Rutherford). Le trio sera le moteur comique du film, avec une mention spéciale à Sara Giraudeau, extraordinaire de drôlerie dans le rôle de cette ado attardée qui aime se faire peur, au point de se faire pipi dessus... Aude est la nièce de Rosalie Blum, cette dernière l'embauche pour espionner à son tour cet étrange coiffeur peu discret dans ses filatures.
Le suiveur suivi, la suiveuse séduite par le suivi-suiveur : un triangle amoureux se met doucement en place, au grand bonheur de Rosalie, triste et solitaire mais qui voit d'un bon œil cet embryon de romance entre ces deux jeunes paumés. Le film bascule alors dans une grande loufoquerie, où les quiproquos se succèdent, les routes se croisent, se télescopent.
Une belle histoire, à la fin certes prévisible mais qui fait tant de bien en ces temps difficiles et trop moroses.
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Noémie Lvovsky : femme étonnante et mère émouvante

Dans le rôle de Rosalie Blum, Noémie Lvovsky signe une performance toute en nuances. Cette femme solitaire, que l'on devine blessée par la vie, n'est qu'une silhouette dans la ville. Elle ne demande rien à personne, semble vouloir se faire oublier. Dans la première partie du film, Noémie Lvovsky n'a quasiment pas de texte. Elle déambule comme absente dans cette ville de province terne. Mais il faut aussi qu'elle apporte cette lueur de mystère qui accroche le regard de Vincent et du spectateur. Sobre et exemplaire, l'actrice, plus habituée aux rôles comiques, s'impose avec brio dans un exercice délicat.
Par la suite, tout en conservant cette gravité de mère courage au parcours heurté, elle redevient petite fille en manipulant Vincent et Aude. Son sourire, son regard espiègle sont un régal. Excellente actrice, Noémie Lvovsky a pourtant débuté dans le milieu par l'écriture de scénarios, puis la réalisation de films ("Camille redouble", notamment). Elle est passée de l'autre côté de la caméra dans des petits rôles, crevant l'écran dans le rôle de Vincent Lacoste dans "Les beaux gosses" de Riad Sattouf.

jeudi 12 juin 2014

Cinéma - "La Ritournelle" ou l'écart de la « petite bergère »

Le monde rural s'émancipe dans « La ritournelle », fable amoureuse de Marc Fitoussi avec Isabelle Huppert et Jean-Pierre Darroussin.


De la Normandie très british au Paris plus cosmopolite, « La Ritournelle » de Marc Fitoussi propose au spectateur un grand écart intellectuel réjouissant. Un film sur les affres amoureux d'un couple de ruraux à des années lumière des paysans solitaires et frustrés des émissions de téléréalité en vogue. A la campagne aussi on s'aime, on s'éloigne et parfois on est tenté par faire un accroc à son contrat de mariage. Une histoire universelle dans un milieu en pleine révolution, servi par deux acteurs d'une rare conviction.

Xavier Lecanu (Jean-Pierre Darroussin) est éleveur de charolaises. Ces vaches destinées à la viande sont dociles et robustes. Elle ont la belle vie dans les vertes prairies de son exploitation en Normandie. Régulièrement il participe à des concours où ses taureaux reproducteurs récoltent nombre de prix. Il s'occupe de ses bêtes avec sa femme, Brigitte (Isabelle Huppert). La cinquantaine, ses deux enfants hors du nid (et pas intéressés par la reprise de l'exploitation familiale), elle aimerait un peu plus de fantaisie dans une vie qui ronronne trop à son goût. Elle repousse cette envie, cette démangeaison qui prend physiquement la forme d'une plaque d'eczéma sur la poitrine. Mais quand des jeunes viennent fêter un anniversaire dans la maison d'à côté, Brigitte se surprend à rêver danse, musique, joie et émancipation. Un songe qui prend forme avec la visite de Stan (Pio Marmai), étudiant loin d'être insensible à la beauté de cette femme mûre et mystérieuse. Mais Brigitte n'ose pas. Et elle quitte la soirée avant de commettre l'irréparable.
Deux jours à Paris
Le lendemain, elle regrette et invente une consultation à Paris chez un dermatologue pour tenter de retrouver Stan. Avec sa petite valise cabine elle va passer deux jours dans la capitale entre rendez-vous ratés avec Stan et rencontre inopinée de Jesper (Michael Nyqvist), dentiste norvégien peu motivé par le congrès international motif de son séjour en France mais très barbant. Pendant que Brigitte se laisse faire la cour, Xavier découvre que le prétendu dermatologue a pris sa retraite. Soupçonneux il confie ses bêtes à son ouvrier agricole et rejoint Paris.
Cette histoire d'épouse lassée et de mari jaloux est beaucoup plus subtile qu'un banal marivaudage. Notamment dans les réactions du mari. Xavier a pour habitude d'appeler sa femme « Petite bergère ». Elle n'aime pas trop mais c'est toute la marque de l'amour fort et entier entre ces deux êtres qui se sont rencontrés à l'école d'agriculture. Le grand risque de Marc Fitoussi était de rendre crédible ses acteurs en ruraux. Jean-Pierre Darroussin, cela n'étonnera personne, est parfait dans ses habits de gentleman farmer. Isabelle Huppert réussi l'exploit de rendre son personnage de bergère rêveuse aussi désirable qu'attachant, malgré des habits qui ne la mettent jamais en valeur. Et en une scène muette, vers la fin, elle donne toute sa profondeur à ce personnage en quête de meilleur tout en conservant l'acquis. Belle et émouvante. Elle mérite son bonheur.
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Jean-Pierre Darroussin gentleman farmer

Acteur tout-terrain, habitué des petits rôles, fidèle à une bande, Jean-Pierre Darroussin éclabousse le film de son talent. Il porte cette histoire de Marc Fitoussi du début à la fin. Que cela soit dans la peau d'un paysan un peu rétrograde (en mode Jean-Pierre Bacri), du petit garçon encore amoureux de sa bergère, en mari jaloux espionnant sa femme ou en grand seigneur à la Raimu, il passe par tous les états avec une facilité et une authenticité déconcertantes. 
Ce n'est certainement pas le comédien le plus « bankable » du cinéma français, mais il est depuis longtemps dans le Top 5 des plus doués. Il sera de nouveau à l'affiche la semaine prochaine pour la sortie de « Au fil d'Ariane », dernière fantaisie de Robert Guédiguian. Il y interprète cette fois un chauffeur de taxi.