mercredi 8 août 2018

Cinéma - La politique de Neuilly à Nanterre

LE FILM DE LA SEMAINE. Les héros de « Neuilly sa mère » ont grandi. Et beaucoup évolué politiquement.


Un pont, juste un pont sur la Seine à traverser et vous passez de la commune la plus riche de France, Neuilly, à la plus pauvre, Nanterre. Cette frontière invisible est au centre du film « Neuilly sa mère, sa mère », réalisé par Gabriel Julien-Laferrière, scénarisé et produit par Djamel Bensalah, le réalisateur du premier opus.

En 2008, le jeune Sami Benboudaoud (Samy Seghir) débarquait dans la famille de son oncle par alliance, un riche industriel résidant à Neuilly. Pour le petit Arabe, débarquer dans la ville la plus à droite de France était un choc culturel radical. Notamment quand Charles (Jérémy Denisty), son cousin, persuadé qu’il deviendrait un jour président de la République comme son idole, Sarkozy, lui sortait cette phrase culte « Ma chambre tu l’aimes ou tu la quittes ».

Dix ans plus tard, la France a beaucoup changé. Sarkozy a été battu par Hollande qui lui-même a été déboulonné par Macron. Sami termine ses études à Sciences-Po et est sur le point d’intégrer l’ENA. Charles, désespéré par la défaite de son leader, sombre dans une léthargie handicapante. Il a cependant son bac et se retrouve en fac de sociologie, ce repère de gauchistes. La seule qui l’accepte...

Tout bascule quand un scandale secoue l’entreprise du père de Charles (Denis Podalydès). Vilipendé par les médias, il doit trouver refuge dans le petit appartement de Sami au cœur de la Cité Picasso. Et tout le reste de la famille le suit, dont Charles pour qui c’est la fin d’une dé- chéance totale.

Objectif mairie
Tout le film, comme le premier, est basé sur l’opposition entre deux mondes si proches géographiquement mais totalement étrangers. Mais cette fois ce sont les bourgeois et riches « Français de souche » qui sont plongés dans cette ville cosmopolite où le vivre ensemble n’est pas une figure de l’esprit.

Car la cité Picasso décrite par Djamel Bensalah, sans être idyllique, est beaucoup plus humaine que le triste Neuilly intolérant du premier opus.

On retrouve avec plaisir quelques personnages du film initial comme le trio de racailles composé par Malik (Booder), Tran (Steve Tran) et Sekou (Bayou). Julien Courbey, autre membre attitré de la bande à Bensalah se fond dans un personnage de petit blanc converti à l’Islam, encore plus radical que tous les Musulmans de la Cité. Si Sami a quelques déboires amoureux, Charles reprend du poil de la bête et décide de briguer la mairie de Nanterre... sous l’étiquette du Parti socialiste.

Superbe film politique, intelligent, marrant et futé, ce « Neuilly 2 » est un parfait résumé des soubresauts de la vie politique française (et de ses faux-semblants) de ces dernières années.

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Des seconds rôles époustouflants


Au générique de « Neuilly sa mère, sa mère », Djamel Bensallah a tenu à « prendre des gens qui ont d’autres vies ». On découvre avec plaisir deux des humoristes de France Inter dans leur premier rôle au cinéma : Sophia Aram et Charline Vanhoevacker.


Plus étonnantes les participations de deux politiques très connus du grand public. Arnaud Montebourg interprète le rôle d’un professeur à Science-Po, l’école d’excellence qui permet à Sami de brillamment démontrer que les banlieues peuvent elles aussi fournir l’élite de la nation française. Un Montebourg détendu et totalement crédible dans sa composition.

Julien Dray campe lui un responsable du PS à Nanterre. Totalement désabusé, il constate le naufrage de son parti. Jusqu’à l’OPA très macronienne de Charles. Julien Dray qui ne manque pas d’humour car le scénario raconte comment le patron investi une partie de son argent dans des montres de luxe. « Il était au courant de ce détail, se souvient Djamel Bensalah. Il a même tenu à choisir lui-même les modèles présentés dans la mallette. » Un véritable passionné selon le producteur qui n’a pas gardé rancune des allégations sur ses goûts luxueux.

Enfin on saluera la prestation d’Eric Dupond-Moretti. Déjà vu dans un film de Lelouch, il devient un « baveux » obséquieux, totalement dépassé par les événements et obsédé par ses honoraires. Un brillant exercice d’autodérision.

Et comme d’habitude, plusieurs seconds rôles sont remarquables, de Josiane Balasko à Elie Semoun en passant par Atmen Khelif.

➤ « Neuilly sa mère, sa mère », comédie de Gabriel Julien-Laferrière (France, 1 h 42) avec Samy Seghir, Jérémy Denisty, Denis Podalydès, Booder, Steve Tran, Bayou.

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