mardi 31 mai 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le costard de Macron

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Homme de l'ombre durant ses jeunes années, Emmanuel Macron, une fois bombardé ministre de l'Économie par François Hollande, a-t-il succombé à l'appel des sirènes de la médiatisation ? Non seulement il lance son propre mouvement "En marche !", mais en plus il se targue d'aller au contact du peuple. A ses risques et périls comme la semaine dernière à Lunel. Le beau gosse, chouchou des sondages (des sondeurs plus exactement), tombe le masque en pleine rue. Abordé par des manifestants hostiles à la loi travail, à bout d'argument, le ministre ose cette réplique digne des pires moments de la lutte des classes : "Vous n'allez pas me faire peur avec votre tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler." Sortie de route directe. La phrase à ne pas dire. Surtout quand on appartient à un gouvernement se revendiquant toujours de gauche.
Le fameux "costard" de Macron symbolise à merveille la fracture entre la grande majorité et cette petite élite, inamovible, qui roule tantôt pour un camp, tantôt pour l'autre. Mais toujours vêtu de ce même costume de luxe, image désuète d'une prétendue réussite.
La triste réplique pleine de suffisance de Macron a bien évidemment été moquée sur les réseaux sociaux. D'autant plus que les militants d'"En marche !", samedi, pour leur première sortie officielle, offraient des tee-shirts aux badauds. Franchement, de costumes, des cravates à la limite, auraient été plus en accord avec les déclarations de leur mentor. Ce qui s'appelle se faire tailler un costard.

Roman : Robert Gollrick se souvient


Ecrivain américain au succès indéniable en France, Robert Goolrick offre un joli cadeau à ses lecteurs hexagonaux. « L'enjoliveur » est une grosse nouvelle spécialement écrite pour les éditions Anne-Carrière. Ce texte nous plonge dans l'enfance de l'écrivain de « Féroces » et « Arrive un vagabond ». Le petit Robert, comme ses copains de la ville de province où il tente de survivre entre deux parents alcooliques, est fasciné par les enjoliveurs des voitures. Des jouets qui peuvent aussi se transformer en dangereux objets s'ils sont lancés avec force ou servent de réceptacle à des embrasement d'huile. L'occasion aussi de parler de sa grand-mère, qui a failli le tuer un « matin givré de février » et de sa mère qu'il « avait toujours vue saccager systématiquement sa propre existence avant de s'attaquer à celles de ses proches » et qui pourtant, « avait jadis connu l'amour ».
« L'enjoliveur » de Robert Goolrick, Anne Carrière, 12 euros

lundi 30 mai 2016

Roman : Bonbon gigogne

Vincent Ravalec, s'amuse à raconter comment un romancier tente de modifier un thriller qui devient réalité.
bonbon désespéré, ravalec, éditions du rocherPas tendre le nouveau roman de Vincent Ravalec. Même s'il est question de bonbon dans le titre, le texte n'est pas aussi rose que la couverture. Car le bonbon dont il est question dans ce thriller provincial, mystique et farfelu, est désespéré. Tout commence dans l'esprit d'Origène Pildefer. Cet employé de médiathèque tente, en vain, de publier un roman. Après plusieurs refus, il décide de travailler son prochain texte avec l'aide de ses élèves de l'atelier d'écriture qu'il anime en soirée. Nouveau refus. Il est sur le point d'abandonner quand il croise à Paris, trois des personnages de son texte refusé. A-t-il des pouvoirs médiumniques ?
On ne le saura pas exactement, mais Vincent Ravalec, sur cette idée saugrenue, plonge dans un roman gigogne. Origène, pour vérifier si la fiction pouvait devenir réalité, suit les trois jeunes femmes qu'il a imaginées et découvre que comme dans le roman, elles vont passer le week-end dans un village paumé de province. Elles doivent assister à une procession religieuse autour d'une sainte, au pied de la statue d'une friandise en train de fondre intitulée "Bonbon désespéré". Le périple se termine dans un labyrinthe de souterrains creusés sous un château. Problème : elles n'en reviendront jamais. Du moins dans le manuscrit, elles meurent violées et torturées. Peut-il alors changer le cours de l'histoire, réécrire pour que la fin soit moins trash et gore ?
Une course contre la montre racontée avec brio par un Vincent Ravalec très à l'aise dans ces changements de niveau de narration. Grâce aussi à la multitude de personnages tous plus iconoclastes les uns que les autres, des notables grotesques en passant par les voyous psychopathes sans oublier la flamboyante Suzette, fille de la bonne du curé, frustrée sexuellement mais qui découvre durant ce fameux week-end un formidable et insoupçonné amant.
"Bonbon désespéré" de Vincent Ravalec, Editions du Rocher, 16,90 euros

dimanche 29 mai 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Marseille culte

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Sans être abonné à Netflix ni avoir vu les deux premiers épisodes de la série diffusés en prime time sur TF1, je peux affirmer avec certitude que "Marseille" deviendra un programme culte. Il suffit de voir quelques extraits méchamment distillés par des "admirateurs" au second degré. Si j'en crois ces petites vidéos, il y est essentiellement question de sexe, d'ambition et d'accent.
Présenté comme la "House of cards" à la frenchie, Marseille est plutôt un mix de "Plus belle la vie" chez les bourgeois et d'une pagnolade du temps des Raimu et autres Fernandel. Si Depardieu en politique bien installé n'en fait pas des tonnes, on ne peut pas en dire autant de Benoît Magimel, qui de l'avis de tous les critiques, est la véritable vedette de l'histoire. Attraction plus exactement.
Affublé d'un accent du sud assez changeant, il surjoue en permanence et passe son temps à grimacer. Grimace quand il prépare un coup tordu. Grimace quand il "honore" une collaboratrice entre deux rendez-vous. Grimace quand il se baigne. Le tout avec des dialogues dignes des plus grands textes surréalistes. "C'est moi qui vais t'enculer avec une poignée de graviers en prime", "À part ma queue, qu'est-ce que tu veux ?" sans oublier celle qui, si vous ne prenez pas au second degré, risque de vous faire tomber au trente-sixième dessous. Magimel, nu dans une piscine, caresse un opposant politique tout aussi dénudé et lui demande, angélique, "Vous trouvez pas ça bizarre... qu'on se touche le zob en parlant de Picasso ?"
Toute la série y est résumée : vulgaire, improbable et irrésistiblement comique.

samedi 28 mai 2016

DVD et blu-ray : "99 homes", thriller sur... la crise de l'immobilier américain

99 homes,crise,usa,immobilier,wildsidevideoComment rendre intéressant un film sur la crise de l'immobilier américain, les fameuses subprimes provoquant l'expropriation de millions de foyers modestes incapables de rembourser leur emprunt. Ramin Bahrani, jeune réalisateur, a placé son film "99 homes" sur le plan humain. Dennis Nash (Andrew Garfield), le principal protagoniste, ouvrier dans le bâtiment, est directement concerné. Au chômage, seul pour élever son fils, avec sa mère à charge, il est persuadé que le tribunal écoutera ses arguments. Mais la justice américaine ne lui accorde que 60 secondes. Une minute pour voir sa vie s'écrouler, sa maison saisie par la banque.
Entre alors en action Rick Carver (Michael Shannon), le courtier en immobilier chargé de récupérer le bien pour l'établissement financier. Un expert en opération délicate, sans états d'âme. Il se fait aider par des policiers qui ont toute latitude pour arrêter les récalcitrants. Pour Nash, c'est la personnification même de ses malheurs. Paradoxalement c'est aussi son sauveur. Carter, séduit par la volonté de Nash, lui propose des petits boulots. Puis il le forme pour devenir son adjoint. Même si ses trafics sont à la limite de la légalité, Nash accepte de le suivre. Car il n'a qu'un seul et unique désir : récupérer sa maison.

Le film semble parfois un peu grossir le trait. Mais les acteurs, excellents, parviennent à faire accepter des situations extrêmes. La fin, relativement ouverte, laisse quand même un petit espoir de rédemption, même si les dégâts sont souvent irréparables. On retiendra surtout de "99 homes" la performance de Michael Shannon dans le rôle du 'méchant'. Certes il est odieux et détestable, mais il reste cohérent, comme si, en y réfléchissant bien, son attitude était compréhensible, pour ne pas dire excusable. La loi du marché...
DVD et blu-ray sont proposés avec un long entretien croisé entre le réalisateur et son interprète enregistré au festival de Deauville, où le film a remporté le grand prix en 2015.
"99 homes", Wild Side Vidéo, 19,99 euros

Livres de poche : contre tous les maux du monde

livre de poche,folio,1018
Belle opération du Livre de Poche en faveur de l'Unicef. 17 grands noms de la littérature et de la culture francophones (Maxime Chattam, Jean-Louis Fournier ou Romain Puértolas, entre autres) s'unissent pour agir en faveur de l'éducation des enfants dans le monde. Ces nouvelles explorent le continent infiniment riche de l'enfance.
« Enfant, je me souviens... », Le Livre de Poche, 5 euros (1,50 euro sont reversés à l'Unicef pour chaque livre acheté)
livre de poche,folio,1018
Yasmina Reza est connue pour ses pièces de théâtre jouées avec succès depuis des années dans le monde entier. Mais elle a également écrit récits et romans qu'il est toujours bon de redécouvrir. Folio ressort trois de ses textes montrant la richesse de son talent : « Une désolation » (5,90 euros), roman, « Le dieu du carnage », pièce et théâtre (5,20 euros) et « Nulle part » (3 euros), bouleversant récit sur l'enfance.
livre de poche,folio,1018
Comment surmonter une relation toxique ? Lucia Etxebarria, célèbre romancière espagnole (Amour, Prozac et autres curiosités) a puisé dans son expérience personnelle pour donner des clés à ses lectrices empêtrées dans la même situation qu'elle. Moins léger, plus instructif, un essai essentiel face au mal du siècle.
"Ton cœur perd la tête", 10/18, 8,10 euros

vendredi 27 mai 2016

Roman : la fable de "l'écreuvain"

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Satire du milieu littéraire, ce roman de Joachim Zelter relativise tous les succès de librairies. Le narrateur est écrivain. Un romancier qui peine sur son nouveau bouquin. Un jour il reçoit un mail d'un inconnu simplement intitulé "Selim Hacopian a écrit un livre". Ce Sélim, originaire d'Ouzbékistan, va entrer dans sa vie, l'abordant en lui donnant du "Monsieur l'écreuvain" s'incrustant, cherchant des conseils, des idées pour finaliser son œuvre. Problème, Selim ne sait pas écrire. Mais il a une arme absolue : son CV. Une vie aventureuse qui interpelle une maison d'édition qui répond à ses sollicitations par un incroyable "Nous en voulons plus". L'immigré, chargé du nettoyage des rayonnages d'une bibliothèque, se retrouve bombardé écrivain à succès. De quoi miner le moral du narrateur, nègre involontaire de Selim.
'Monsieur l'écrivain', Joachim Zelter, Grasset, 13 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Cerveau en pause

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A l'ouest, rien de nouveau. Très à l'est de l'Europe par contre se concentrent les modes et dérives de nos sociétés occidentales. Au Japon et de plus en plus en Corée du Sud, sorte de concentré du pire comme du meilleur des nouvelles technologies. Les parents français ont tendance à se plaindre de l'addiction de leurs enfants à leur smartphone ; ils seraient catastrophés en Corée du Sud. Au point que le gouvernement a décidé de légiférer, mettant en place dès 2011 une loi dite "Cendrillon". En clair, les plateformes de jeux en ligne ont l'obligation d'en interdire l'accès aux moins de 16 ans entre minuit et 7 heures du matin. Une loi pour obliger la jeunesse à dormir la nuit. Pas si étonnant quand on sait que de récentes études démontrent que 10 % des jeunes Coréens s'avouent dépendants de ce type de distraction. Ils ne sont cependant pas les seuls dans le pays à abuser du smartphone. En moyenne, un habitant de la péninsule passe 4 heures par jour les yeux rivés à un écran. Une situation dramatique qui a conduit des artistes à organiser un happening appelé "Relax your brain" soit "Relaxez votre cerveau". Les volontaires, téléphone éteint, assis immobiles dans un parc pendant 90 minutes, avaient pour instruction de ne rien faire si ce n'est laisser vagabonder leur esprit. Un exercice "recommandé pour ceux qui souffrent de pensées compliquées", explique après coup l'un des protagonistes. Imparable. Excepté si l'on joue sur son smartphone dans le seul but de se vider la tête de ces fameuses "pensées compliquées".

Cinéma : Machiavélique, "Elle" cache son jeu

huppert, djian, elle, verhoeven
Présenté samedi à Cannes, dans les salles dès ce mercredi, le dernier film de Paul Verhoeven raconte la dérive d'une femme, victime et manipulatrice, jouée par Isabelle Huppert.

Est-elle perverse ? Manipulatrice ? Voire complètement folle ? Le personnage de Michèle (Isabelle Huppert), au centre du film "Elle" de Paul Verhoeven, restera longtemps une énigme pour le spectateur. Cela débute par des cris en arrière-plan de l'image fixe d'un chat noir. La caméra avance et on découvre une femme en train d'être violée par un homme cagoulé. Michèle, patronne d'une société de production de jeux vidéo, vient de se faire agresser chez elle. L'homme s'enfuit. Elle se relève comme si de rien n'était. Nettoie la pièce, jette ses habits, prend un bain où un peu de sang colore la mousse abondante. Une première scène choc avant de découvrir le quotidien de Michèle. Cette grande bourgeoise, froide et souvent arrogante, mène son entreprise d'une main de fer. Elle est associée à sa meilleure amie (Anne Consigny), par ailleurs épouse de son amant occasionnel. Déjà, le réalisateur casse les barrières de la bienséance avec cette histoire de tromperie purement physique. Ce qui n'empêche pas l'héroïne de draguer de façon éhontée, le soir de Noël, son voisin (Laurent Lafitte), marié à une sainte femme pratiquante (Virginie Efira) trop accaparée par la diffusion de la messe de Minuit pour voir ce petit jeu pervers.
Père serial killer
Par ailleurs, Michèle a un fils, grand dadais persuadé de s'affirmer en devenant père alors qu'il n'est que le jouet de sa copine du moment. Cela devient encore plus glauque avec les parents. La mère (Judith Magre), abominablement liftée, s'envoie en l'air avec un gigolo. Le père est en prison depuis plus de 30 ans après avoir massacré une trentaine de personnes un soir de folie dans sa paisible banlieue de province. Arrivé à ce niveau de bizarrerie, on se demande comment le réalisateur va pouvoir aller plus loin. Le violeur va alors de nouveau entrer en scène. Il envoie des messages à sa victime, viole de nouveau son intimité, la maltraite. Mais n'est-ce pas ce qu'elle désire au final quand elle reconnaît que "cette relation est tordue, c'est comme une maladie." Sans être trop démonstratif dans le sexe et la violence, le film de Paul Verhoeven est brillant car transgressif. L'angoisse est palpable dans nombre de scènes. Chaque personnage, de banal, se transforme par quelques attitudes ou réflexions en monstres de perversité en puissance. On devine ainsi ce qui a attiré le réalisateur à adapter ce roman de Philippe Djian. Bredouille à Cannes, "Elle" aurait pourtant largement mérité le prix d'interprétation féminine pour son actrice principale qui s'est donnée corps et âme dans cette incroyable descente aux enfers.
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 Paul Verhoeven, le Hollandais violent
Ses plus grands succès, il les a tournés aux USA. Pourtant Paul Verhoeven est Néerlandais et avant de connaître la gloire avec "Basic Instinct" ou "Robocop" il a tourné six longs-métrages dans son pays d'origine. Le dernier film européen, "Le quatrième homme" a quelques résonances avec "Elle". Sexe et violence (mais ce sont deux ingrédients omniprésents dans toute l'œuvre de Paul Verhoeven surnommé le 'Hollandais violent') mais également le côté pervers et machiavélique de l'héroïne. En 1983, la femme mante religieuse était interprétée par Renee Soutendijk. Jeune et belle, elle est au moins aussi dangereuse qu'Isabelle Huppert dans le film de 2016. Avant de s'attaquer au marché américain, Verhoeven a réalisé un film moyenâgeux d'aventure de commande, "La chair et le sang". Rutger Hauer et Jennifer Jason Leigh portent ce film de genre d'une rare subversité. Pour certains fans, c'est l'œuvre majeure du réalisateur, pour d'autres une simple ébauche de tous les thèmes de ses futures réalisations. Dans "Elle", au climat si trouble, on retrouve un peu de cette perversité angoissante. Comme si le cinéaste européen retrouvait ses racines en tournant pour la première fois en français.

jeudi 26 mai 2016

BD et cinéma : Le géant et l'effeuilleuse

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Le cinéma, avant l'invention du parlant, était un spectacle qui faisait déjà rêver des milliers d'amateurs. Cette bande dessinée écrite par Laurent Galandon et dessinée par Frédéric Blier raconte comment, en 1920, un simple clerc de notaire de province plaque tout pour aller vivre son rêve à Paris : écrire et réaliser des films. Célestin a cependant un handicap : son apparence. Géant obèse, pourtant doux comme un agneau, il découvre les difficultés du milieu et tombe amoureux d'une apprentie actrice, une stripteaseuse vedette d'un petit film montré à la sauvette. Pour la conquérir, il va lui écrire un rôle dans un film 'normal'. Une jolie romance complétée par un excellent dossier sur la naissance du cinéma, confectionné par l'Institut Lumière de Lyon.
"La parole du muet", (tome 1) Bamboo, 13,90 €

BD : Tu seras une voleuse, ma fille


Trop souvent, les parents ne conçoivent pas que leurs enfants ne marchent pas sur leurs traces professionnelles. La jeune Clémence est désespérée. Fille de deux voleurs de la Guilde, elle n'a pas le choix et devra elle aussi apprendre à voler aux riches. Une vie de clandestinité, à chaparder dans les magasins, cambrioler les particuliers et braquer les banques. Elle suit un cursus scolaire hors norme, dans une école cachée dans les égouts de la ville. Mais Clémence n'est pas comme ses camarades de classe. Elle veut être honnête, apprendre la géographie, la biologie et même la géopolitique. Clémence fait le désespoir de ses parents. La nuit, la fillette fait le mur. Pour aller à la bibliothèque, apprendre tout ce que la Ligue des voleurs ne veut pas qu'elle sache. Le scénario de Maïa Mazaurette (illustré par Dagda) est particulièrement futé car il inverse les codes : l'héroïne aspire à une vie tranquille et rangée, alors qu'elle a la chance (du moins pour les jeunes lecteurs) de vivre la grande aventure au quotidien.
"La ligue des voleurs" (tome 1), Jungle, 12 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Adele à la voix en or

adele, sony, astérix, obélix, enveloppéOn pourrait titrer cette chronique "la revanche de l'enveloppée (*) ». Adele, chanteuse anglaise qui, au début de sa carrière, a subi maintes moqueries visant son physique, très éloigné des canons de beauté actuels (sois maigre et tais-toi) vient de signer un contrat record avec la maison de production Sony Music. Celle qui a vendu le plus de disques en 2015 avec son troisième album décroche la timbale avec un cachet de 90 millions de livres, soit 117 millions d'euros.


A 28 ans, la jeune femme à la voix grave et suave peut voir l'avenir en rose. Mais pas question qu'elle se repose sur ses lauriers car selon la presse britannique, elle devra fournir plusieurs albums à Sony, même si pour l'instant on n'en connaît pas le nombre, ni le rythme, juste le montant : 117 millions d'euros.
Finalement, rapporté au kilo de diva (d'autant qu'elle en a beaucoup perdu ces derniers mois), c'est tout sauf bon marché (non, je ne ferai pas de parallèle avec Carla Bruni). Par contre, si on doit mettre ce chiffre astronomique en regard du nombre de CD vendus ou de vues sur YouTube, l'opération se révèle très intéressante. Son dernier titre, "Hello" a battu tous les records, atteignant le milliard de visionnages en 88 jours. A ce rythme, l'investissement de la major sera vite rentabilisé.
(*) On ne dit plus de quelqu'un qu'il est gros. Non à cause du politiquement correct, simplement de la jurisprudence créée par Obélix depuis l'album "Le tour de Gaule" : "Je ne suis pas gros, tout juste un peu enveloppé... ».

mercredi 25 mai 2016

BD : Le vieux boucher et la fillette


Préparez vos mouchoirs. Zidrou raconte une histoire émouvante et triste, mise en images (en lumière plus exactement) par Arno Monin. "L'adoption" embarque le lecteur dans une de ces relations si fortes qu'elle a la puissance à sa lecture de faire disparaître tout le quotidien autour de soi. Gabriel est un vieux monsieur un peu bougon. Boucher toute sa vie, il fête cette année ses 75 ans. Dans son pavillon de banlieue, il passe le temps entre soirées télé, jardinage, sorties avec les vieux copains et bavardages complices avec sa femme. Il a tout pour être heureux. Une fille qui fait de la politique, un fils... courtier en assurances. Gabriel aurait voulu qu'il reprenne la boucherie, mais le sang ce n'est pas pour Alain. Marié, il n'arrive pas à avoir un enfant avec son épouse. Alors, à la "faveur" d'un tremblement de terre meurtrier au Pérou, ils partent sur place et reviennent avec Qinaya, petite orpheline de quatre ans. Accueil glacial du Papy. Amour débordant de la Mamy. Et comme les parents travaillent tous les deux, pour économiser les frais de baby-sitter, Qinaya va souvent passer des journées, voire des semaines chez ses grands-parents. L'essentiel de l'album raconte cette rencontre magique entre le vieux monsieur et la jeune orpheline. Une tendre complicité au fil des jours, des jeux et des découvertes. Comme si l'ancien boucher, des années à rebours, voulait rattraper les moments qu'il n'a pas pu passer avec ses enfants, pour cause de surcharge de travail. Jusqu'au jour où... Les contes de fée n'existent plus dans notre société. Le tableau est trop beau. Le drame s'invite et on ne peut s'empêcher d'écraser une larme à la fin de l'album, impatient de connaître la suite des aventures de Gabriel et de Qinaya qui signifie "nuage" sur les hauts plateaux du Pérou.
"L'adoption" (tome 1), Bamboo Grand Angle, 14,90 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Nouvelles des « couche-tard »


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Ainsi va l'actualité. Les militants de "Nuit Debout", au centre de l'attention des médias en avril, ont progressivement été chassés des pages d'information par les casseurs, puis la pénurie d'essence. Et l'avenir ne s'annonce pas radieux pour les derniers velléitaires, place de la République à Paris.
Entre Roland-Garros, l'Euro de foot et le Tour de France, les Français risquent de se désintéresser encore plus d'un mouvement citoyen unique en son genre. Ils ne sont plus qu'une poignée d'irréductibles (300 samedi dernier) à tenter de refaire le monde la nuit venue. Mais à l'effervescence créative des débuts succède une sorte de routine.
Envolée la fibre révolutionnaire des premiers soirs, quand on trouvait comme une ressemblance entre les Communards et ces couche-tard. Des ateliers travaillent, tentent de trouver des positions communes, des luttes prioritaires. Mais même dans cette phase de bilan il y a du tirage en interne. "Il vaut mieux peut-être que ça ne débouche sur rien, car on ne veut pas rentrer dans les rangs", explique un militant, étudiant, dans un reportage publié par La Croix.
Alors, ce phénomène "Nuit Debout" n'aura donc été qu'un feu de paille, une récréation pour insomniaques utopistes ? Pas sûr. Les syndicats classiques ont repris le flambeau de la lutte (piquets de grève, blocus) mais ne doutons pas que parmi les centaines de jeunes "couche-tard" de ce printemps 2016, quelques fortes personnalités émergeront et brigueront le pouvoir, de manière plus classique cette fois, ces prochaines décennies.

mardi 24 mai 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Panurge et pétrole

greve, essence, carburant, pénurie
Toujours étonnant comme le prix et l'approvisionnement de certains produits sont sensibles. Au point de provoquer des mouvements de foules, de déchaîner les passions. N'en déplaise aux écolos, l'essence en fait partie. Elle pollue, n'est pas vitale (n'oublions pas qu'il y a un peu plus d'un siècle elle n'existait pas) et pourtant quantité de consommateurs sont capables de tout pour remplir leur réservoir.
Le blocage de quelques raffineries dans le nord-ouest du pays suffit à susciter une ruée vers les pompes. Des moutons de Panurge pétroliers, suivant bêtement le troupeau qui bêle que la pénurie est proche. Résultat, la demande atteint quatre à cinq fois la normale et les cuves se retrouvent effectivement vides.
Une situation totalement trafiquée qui permet au passage à quelques-uns de conforter leurs bénéfices. Car si le gazole, il y a deux mois, valait moins de 1 euro le litre, il approche, voire dépasse 1,10 euro depuis cette semaine. De toute manière, même à 2 euros le litre, les automobilistes se rueraient sur les pompes s'ils craignaient une rupture de stock. L'arnaque la plus vénale est attribuée à un supermarché breton. Vendredi, une affiche prévenait les éventuels acheteurs d'essence qu'ils ne seraient servis que sous réserve d'un achat de 60 euros en magasin, le jour même. Mesquin et totalement illégal.
Le service communication de l'enseigne s'est empressé de s'excuser pour une "maladresse, une bêtise". L'affiche a rapidement été retirée, mais elle continue son chemin sur les réseaux sociaux.

lundi 23 mai 2016

Livre : Trois fois Leucate

Une région, Leucate, trois époques. Gérard Gavarry raconte la presqu'île audoise avec talent.
La ville de Leucate inspire Gérard Gavarry. L'écrivain parisien, ayant passé son enfance en Afrique, n'a pourtant pas d'attaches directe avec cette région « presqu'île languedocienne cernée par la mer et deux étangs côtiers ». L'histoire héroïque de Francèse de Cézelli en 1590 sert de trame à la première partie du roman. La seconde est directement tirée d'une anecdote racontée par un ami viticulteur, Guy Marquié. Installé à Maury, en 1955, il participe à des vendanges « assez originales en ce que les vignes se trouvaient comme isolées au milieu des eaux lagunaires. » Guy est embauché pour s'occuper du cheval de trait et de la charrette.
leucate, univers, pol, gavarryCette partie du roman, la plus authentique, a des airs de récit du terroir. Mais Gérard Gavarry y ajoute quelques références à la politique de l'époque (la guerre d'Algérie et l'appel sous les drapeaux des jeunes Français) et des histoires d'amour entre vendangeurs. Et puis il y a les relations entre Guy et ses animaux. D'abord Pompon, le cheval, et aussi son chien, Gbêto. L'avantage de Guy, c'est qu'il parle occitan. Un atout pour le patron de la colle, « le père Chazes n'avait rien contre le catalan mais enfin, hein, pour être compris du cheval, mieux valait l'occitan. » Et sur 90 pages l'auteur, aidé des souvenirs de Guy Marquié, fait revivre ces vendanges d'antan, avant la mécanisation. Un tableau fidèle non empreint d'une certaine nostalgie: « Guy se pencha, soupesa une grappe et, avec le sourire et l'accent, déclara que le vin serait bon mais que les comportes allaient peser leur poids ».
Pour relier les trois histoires, le narrateur raconte ses déambulations en compagnie d'une mystérieuse Histoire, capable de passer d'une époque à l'autre. La dernière partie, contemporaine, parle aussi de guerre. Mais de celle qui déchire les pays lointains et pousse des jeunes à chercher liberté et espoir dans notre pays. Mais comment profiter de vacances à la mer dans ces conditions ? Un roman fort sur un territoire, les hommes et femmes qui y ont vécu, y vivent et y vivront.

« Leucate Univers » de Gérard Gavarry, éditions P.O.L., 17 euros (Gérard Gavarry sera en dédicace à la librairie Torcatis de Perpignan le jeudi 26 mai à 18 heures).

dimanche 22 mai 2016

Festival de Cannes, paillettes et découvertes

Tapis rouge, marches dégoulinantes de stars, télévisions du monde entier. À Cannes, le festival résonne toujours du grand barnum médiatique. Cependant, loin de ce décorum, des milliers de professionnels s'y retrouvent pour bosser. Programmateurs, distributeurs ou producteurs, rarement dans la lumière, néanmoins essentiels à la magie du 7e art.
festival de cannes, marché du film
Huit jours au festival, près de 40 films visionnés. A Cannes, Jonathan Salas ne chôme pas. Directeur et programmateur du cinéma Castillet à Perpignan, il s'apprête pour la troisième année consécutive à visionner "quatre au minimum, parfois cinq longs-métrages par jour". Ceux de la sélection officielle mais également des compétitions parallèles comme la Quinzaine ou la semaine de la Critique. Vous ne le croiserez pas aux soirées, pourtant si courtisées par les festivaliers. "Jeudi soir j'étais invité à la soirée de 'Rester vertical' d'Alain Guiraudie. Mais vu l'heure, plus d'une heure du matin, j'ai décliné. Par contre je suis allé à l'apéritif organisé par le distributeur du film. L'occasion de rencontrer des interlocuteurs parisiens que j'ai toutes les semaines au téléphone pour élaborer ma programmation au Castillet mais que je ne rencontre qu'à Cannes." C'est le côté people et relations publiques du festival. Un aspect essentiel du rendez-vous. "Cannes c'est un des événements médiatiques parmi les trois plus importants au monde après les Jeux Olympiques et le Mondial de foot" n'hésite pas à souligner Christophe Leparc, directeur du festival Cinémed.
Mélange des genres
Ce 'bling bling' ne touche pas trop Jonathan Salas. Les stars, il en accueille parfois à Perpignan, mais ce n'est pas à Cannes qu'il remplit son carnet d'adresse. "Je suis plutôt dans la relation professionnelle avec les distributeurs qui eux traitent avec les agents." Alors, Cannes trop paillettes ? "Non, répond Jonathan Salas, le festival permet de faire venir un public et des médias pour des films difficiles. Un mélange des genres où on met au même niveau, en compétition, des films avec des stars et d'autres très pointus, très art et essai. Et c'est ça finalement qui est bien." Donc le séjour à Cannes pour certains, boulot-boulot, mais la semaine reste "très plaisante" reconnaît Jonathan Salas. S'il ne décide pas de la date de sortie des films, fixée par les distributeurs, il emmagasine quand même le plus de sensations possibles sur les œuvres que le public ne verra que dans quelques mois. Voire jamais. Dès les premiers jours il a repéré une petite perle. 'Victoria' avec Virginie Efira et Vincent Lacoste : "Le film de Justine Triet n'est pas mal du tout. Pour l'instant c'est l'un de mes préférés. Une comédie qui pourrait faire une bonne surprise en salle." Et puis il y a les 'grands', ceux qui ne déçoivent jamais. "Je suis impatient de voir le Ken Loach et 'Mademoiselle' du Sud-Coréen Park Chan-wook. Mais pour l'instant je n'ai pas d'invitation et ça m'embête un petit peu...»
Longues attentes
Ainsi va Cannes pour les ouvriers du 7e art : être accrédité ne permet pas toujours de voir les films que l'on désire. Et parfois on trépigne à attendre une place hypothétique plutôt que de déguster le chef-d'œuvre diffusé en exclusivité mondiale. Si Jonathan Salas passe presque toutes ses journées enfermé dans les salles, d'autres assistent au festival sans quitter le sous-sol du Palais. C'est là que se tient le marché du film. Distributeurs, producteurs, chaînes de télévision, tous enchaînent les rendez-vous pour acheter, vendre, monter des projets que l'on retrouvera peut-être en sélection dans quelques années dans les salles au-dessus. Cannes reste le poumon de cet art si particulier, entre strass, réflexion et gros sous. Une industrie à part qui n'empêche pas l'émotion. "L'an dernier, se souvient Jonathan Salas, 'Le fils de Saul' (film sur la Shoah Ndlr) m'a filé une sacrée claque. C'était très dur de sortir de la salle, retomber dans l'ambiance du festival et d'enchaîner sur un autre film."
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La montée des marches, "désuet mais tellement drôle" 

Cannes, il connaît parfaitement. Il fait partie des rares à participer à la sélection des films en compétition. Depuis 2008, Christophe Leparc est secrétaire général de la Quinzaine des réalisateurs. Il assure également la fonction de délégué artistique pour le festival de Montpellier, Cinémed. Un rendez-vous dont il a pris la direction depuis l'an dernier, avec Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture, à la présidence. "Je suis beaucoup plus sur la Quinzaine que sur Cinémed durant le Festival de Cannes. Mais le fonctionnement de Cinémed est assez collégial, trois collaborateurs sont présents pour voir des films et avoir des rendez-vous. Mon poste à la Quinzaine permet de préparer leur travail. Avant, j'ai repéré des films, des personnes pour les projets qu'on a et ensuite je transmets à l'administratrice ou au responsable de la sélection." Par contre, il n'a pas le temps de voir les films. Qu'il a de toute manière visionnés en amont, pour faire la sélection. "Je suis très fier des trois films italiens retenus à la Quinzaine cette année. Ils montrent trois générations de réalisateurs, trois genres différents. Preuve que le cinéma italien n'est pas mort et que non seulement il y a des grands maîtres comme Marco Bellocchio qui sont à la hauteur et qui savent se renouveler et des trentenaires qui assurent la relève."
Cinéma tunisien
La Quinzaine s'achevant vendredi, Christophe Leparc s'accorde le plaisir de visionner un film de la sélection par festival, avec montée des marches à la clé. "Cette année j'irai voir 'Elle' de Paul Verhoeven. C'est rigolo la montée des marches, un rituel désuet mais tellement drôle." Le Festival de Cannes, dix jours intensifs, mais aussi des moments cinématographiques. Christophe Le Parc se souvient, "en 2001, je travaillais pour le festival, j'étais crevé et 'Mulholland Drive' de David Linch a eu un effet complètement hypnotique. Je me disais 'Je ne comprends pas tout mais qu'est-ce que c'est bien'. Il y avait quelque chose de fascinant qui allait bien avec la fatigue cannoise. Au bout de dix jours de festival on est dans un état second, j'étais fatigué mais surtout fasciné. Je n'avais pas tout l'intellect pour comprendre le film mais c'était incroyablement jouissif." Une fois la Quinzaine achevée, Christophe Leparc remettra sa casquette Cinémed. Avec plein d'idées pour la seconde édition sous sa responsabilité. Dont un focus sur le cinéma tunisien, de plus en plus inventif depuis le printemps arabe.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Chat-roi

chat bouboule, jobard, jungle
Déjà vénérés par les Égyptiens, considérés ensuite comme des extra-terrestres, les chats n'en finissent plus d'étendre leur suprématie sur le monde civilisé. S'il y a 20 ans on se demandait à quoi pouvait servir internet, on a désormais la réponse : diffuser massivement des photos et vidéos de matous. Pire qu'une drogue dure, les "lolcats" provoquent une incroyable addiction. Conscients de leur puissance absolue, les chats étendent désormais leur mainmise sur l'édition papier. On ne compte plus les BD et autres récits avec un chat pour héros. Alors aux malheureux qui ont plongé dans cette dépendance, craquez pour le second recueil des gags du Chat-Bouboule (éditions Jungle), personnage imaginé par l'illustratrice Nathalie Jobard. Il est gros, noir, perd ses poils, fait ses griffes partout, ne pense qu'à manger mais... sa maîtresse l'adore et croque ses dernières bêtises avec virtuosité et tendresse. Près de 100 pages hilarantes dont plusieurs variations sur le fait que "selon une loi universelle tout à fait mystérieuse aux origines inexpliquées à ce jour, rien ne peut décider un être humain à bouger lorsqu'il a un chat sur les genoux". Une théorie que je vérifie tous les jours avec l'un des miens, une chatte prénommée Bagheera.


samedi 21 mai 2016

LIVRE : Larousse fait son cinéma

larousse, cinéma, dictionnaire
Envie de tout savoir sur le cinéma ? Ce dictionnaire va vous aider. Référence dans le monde de l'encyclopédie, le Petit Larousse propose de balayer toute l'histoire du 7e art en un ouvrage compact de plus de 1 000 pages. L'édition 2016, comme l'originale parue en 2014, est organisée en deux parties. Un dictionnaire classique de plus de 3 000 notices classées par ordre alphabétique, avec pour chacune d'elles une fiche technique et un résumé du film, ainsi qu'un commentaire critique pour les œuvres majeures. Une partie encyclopédique suivie de très nombreuses filmographies. Elles sont classées par genres mais aussi par pays, réalisateurs ou acteurs. Sans oublier les palmarès détaillés des Oscars, des Césars et du Festival de Cannes. Un dictionnaire à ranger près de votre vidéothèque ou de votre télévision pour choisir intelligemment ces films considérés comme des chefs-d'œuvre au moment de leur sortie.
"Le Petit Larousse des films", 19,95 euros

BD : L'autre mort de Thor


Walter Simonson a longtemps été le dessinateur attitré de Thor, le dieu nordique transformé en super héros dans la galaxie Marvel. Son talent et son originalité lui ont permis de se lancer dans des recherches plus personnelles. Dans la préface du premier tome de "Ragnarök", il raconte comment lui est venue l'idée de raconter la renaissance du Dieu de Pierre. Thor, enchaîné, est vulnérable. Une elfe aidée de plusieurs assassins, tente de le tuer. Mais il parvient à se libérer et massacre ses agresseurs. Thor, laissé pour mort depuis des siècles, n'a plus la beauté et la force d'antan. Son visage fait plus penser à un zombie qu'à un dieu nordique. Ses adversaires se mobilisent pour l'éliminer. Définitivement. L'histoire qui mélange plusieurs légendes nordiques dont le fameux Ragnarök (la fin du monde) n'est qu'un prétexte pour Simonson à dessiner combats, trolls, elfes et autres dragons dans des décors à couper le souffle. Grandiose.
"Ragnarök" (tome 1), Glénat Comics, 16,95 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Faux blockbuster

foot, euro, footballersSurprise hier dans ma boîte mail. Un certain Mike Grey annonce la sortie de "The Footballers", son nouveau film, en salles le 27 mai. Présenté comme le blockbuster "le plus spectaculaire de tous les temps", ce "nouveau chef-d'œuvre de Mike Drey" (dixit le communiqué de presse) "marquera les esprits sur Terre, comme ailleurs." Critique ciné à mes heures perdues, je ne résiste pas à l'envie de visionner la bande annonce, d'autant que la description du casting, en toute simplicité, se résume à un laconique "les joueurs de l'équipe de France de football".

Pour l'action, on repassera, la demi-minute d'images se contente de gros plans sur des armures et les regards pénétrants de quelques footballeurs. Le pitch du film est délirant : "dans un futur éloigné, une race extra-terrestre est parvenue à retourner les machines contre les hommes. Dernier rempart de l'humanité, l'Équipe de France de football". Olivier Giroud, Bacary Sagna ou Antoine Griezmann en super-héros, il faut oser.
On suspecte la grosse supercherie avec l'interview du réalisateur totalement inconnu. Il explique avoir voulu tourner sur Mars, mais que l'équipe technique a rechigné. "Le prix des billets... Pourtant j'ai des Miles", dit-il, sérieux. Le canular devient évident quand on cherche des infos sur le fameux Mike Drey. Wikipédia nous prévient que sa page a été effacée le 17 mai pour "informations non vérifiées".

Dommage au final car "The Footballers", "épopée cosmique, aux allures futuristes où le football n'est plus seulement un sport, mais une force supérieure" m'aurait certainement fait rire.

vendredi 20 mai 2016

DVD : Gare aux aigreurs d'estomac avec "Pension complète"

pension complète, dubosc, lanvin, studiocanalOn croyait le genre disparu depuis la mort de Michel Galabru en début d'année. Et pourtant il existe toujours des films dont le tournage ne semble justifié que par le désir d'acteurs ou de réalisateurs de faire de l'argent facile pour payer leurs impôts. "Pension complète" de François Siri semble totalement rentrer dans cette catégorie. Franck Dubosc et Gérard Lanvin ayant cassé le box-office dans "Camping", il y a quelqu'un qui a pensé qu'en réunissant les deux acteurs dans un autre film, les millions d'entrées étaient assurées. Pas la peine d'écrire un scénario original, contentons-nous de reprendre la trame de "La cuisine au beurre" avec Fernandel et Bourvil. Pour s'assurer de la participation des deux stars, en plus d'un cachet conséquent, appâtons-les avec un tournage en Corse dans un hôtel-restaurant gastronomique réputé. Le titre, "Pension complète", prend alors toute sa dimension. Mais comme l'a fait remarquer un critique cinéma plein de bons sens lors de la sortie du film en salles, "ce n'est pas forcément dans les vieilles marmites qu'on mijote les meilleurs plats".
Le film n'est cependant pas si catastrophique que cela. Le problème consiste en une impression de superficialité, de distanciation qui nuit au propos. Comme si le réalisateur, au moment du montage final, a coupé tout ce qui fait qu'une intrigue se construit par ses à-côtés. Résultat on a l'impression que cette comédie manque cruellement de corps. Il y a pourtant quelques personnages secondaires intéressants, comme le cuistot obsédé sexuel, la belle-sœur alcoolique et camée (Audrey Dana, méconnaissable).

Mais ils ne sauvent pas le film où on voit essentiellement Franck Dubosc (cuisinier aussi crédible que Sarkozy quand il dit "J'ai changé"), Gérard Lanvin (qui ne veut pas admettre qu'il a plus de 60 ans et que les rôles de jeune premier, c'est râpé) ou Pascale Arbillot dont le charisme et le sex-appeal ne font même pas le poids face à celui de Nadine Morano. Par contre on conseillera à tous les élèves en école de cinéma de visionner le making-of, excellente leçon portant sur le thème "la technique ne sauve pas un film".
"Pension complète", Studiocanal, 12,99 euros

BD : La fin du monde dans un grand éclat de rire


Vous aimez les zombies de la série télé "Walking Dead" ? Vous allez adorer ceux de la bande dessinée "Walk of the dead" de Ztnarf (dessin), Lapuss (scénario) et Tartuff (couleurs). Mais n'espérez pas avoir peur en lisant les péripéties de ce groupe de survivants dans une Amérique envahie de morts-vivants avides de cervelle fraîche : la parodie est dans chaque dessin, un éclat de rire en fin de toutes les planches. Tous les codes des meilleures histoires sont repris dans ces 100 pages format comics : le savant fou, plus intéressé par son singe jouant de la polka que de chercher un remède à son virus mutant hors de contrôle, un shérif, obsédé sexuel, totalement idiot, qui tente de draguer au volant de sa voiturette électrique, une bimbo à gros seins, un prisonnier noir, trop sentimental et trop tueur en série, un enfant handicapé (il est roux...) et un survivaliste, encore plus dangereux que les hordes de zombies. Sans aucune morale ni limite, cette série comique fera plaisir à tous les amateurs de gros délire.
"Walk of the dead", Le Lombard, 12 euros


DE CHOSES ET D'AUTRES : L'argent du ballon rond

foot, télévision, m & m's
Dans moins d'un mois, l'Euro de foot va tout balayer. La compétition se déroule en France, donc aux oubliettes la loi Travail, la courbe du chômage et autres primaires (à droite comme à gauche). Le ballon rond, à condition que les Bleus ne nous infligent pas une sortie prématurée, risque d'occuper tous les esprits.
Premier signe de cet engouement : les produits siglés "bleu-blanc-rouge" dans les grandes surfaces. Les prospectus trouvés dans ma boîte aux lettres hier en sont remplis. Visiblement, pour profiter de la compétition, un nouveau téléviseur s'impose. Des dizaines et des dizaines de pages proposent des écrans, de 60 cm à près de 2 m, assortis de quantité de spécificités techniques parfois absconses (certains promettent "600 PQI" et d'autres "1 200 PPI"). Un modèle signale fièrement "Dalle 100 Hz pour une fluidité optimale des images !". Dalle ? Franchement, j'y pige que "dalle".
Pour vous plonger dans le bain complet, n'hésitez pas à acquérir les accessoires du supporter (à partir de 1,49 euro). Chapeau, lunettes, confettis ou perruque. Le tout en version tricolore évidemment. Il existe aussi des drapeaux, des porte-clés, des mugs et des chopes. Ces derniers ustensiles s'avèrent particulièrement utiles les soirs de matches.
Mais la palme de l'originalité revient aux célèbres friandises "M & M's" avec la commercialisation d'une édition limitée. Un paquet de 1 kg composé de dragées bleu-blanc-rouge. Pour éliminer tout ça, n'oubliez pas d'acheter un ballon et de tenter quelques dribbles devant votre écran.

jeudi 19 mai 2016

Thriller : Le passé se Corse dans "Le temps est assassin" de Michel Bussi

'Le temps est assassin', nouveau thriller de Michel Bussi se déroule en Corse, île du silence et des secrets.

Michel Bussi est le premier à tirer. Dans la catégorie "thriller pour l'été", son nouveau titre, "Le temps est assassin" part avec une longueur d'avance. Il n'en a pourtant pas besoin tant ce roman haletant et plein de rebondissements a toutes les chances de plaire à des milliers de lecteurs et de lectrices avides de suspense et de dépaysement. L'action se déroule en Corse, dans la presqu'île de la Revellata, à quelques encablures de Calvi. Une zone protégée, sauvage et authentique. Il n'y a qu'un camping dans cette nature préservée.
La famille Idrissi y a ses quartiers d'été. Paul, originaire de la région, y passe son mois de vacances en compagnie de sa femme et de ses deux enfants adolescents, Nicolas et Clotilde. Ce 23 août 1989, au soir, ils partent assister à un concert de polyphonies corses. Sur les routes en lacets, la Fuego rouge faut une embardée. La famille est décimée. Seule Clotilde s'en sort.
27 ans plus tard, la même Clotilde revient au Camping. Mariée, fille d'une adolescente, elle ose enfin revenir sur les lieux du drame. Mais rapidement elle va retrouver quelques fantômes qu'elle pensait oubliés. Le roman alterne entre cet été 2016 et celui de 1989.
Le lecteur découvre le drame qui s'est joué à l'époque en lisant le journal intime de Clotilde, 15 ans à l'époque. Les amours de vacances, le charme du beau Natale, pêcheur ami des dauphins, la beauté effrontée de l'Italienne de la bande, l'Allemand introverti, le jeune Corse prétentieux. Flirts de jeunesse mais aussi grandes tromperies autour du couple des parents. Rapidement Clotilde a la certitude que ce n'était pas un accident. La voiture a été sabotée.
Le roman devient vite addictif grâce à l'excellente description des doutes de Clotilde. Tant l'adolescente, rebelle, gothique que la mère de famille, désormais assagie mais toujours prête à tenter l'impossible pour retrouver les frissons de son amour de jeunesse. En y rajoutant un peu de préservation du patrimoine et de tradition, Michel Bussi signe un grand roman, à la chaleur moite et très sombre, malgré le soleil éblouissant de l'île de Beauté.
"Le temps est assassin" de Michel Bussi, Presses de la Cité, 21,50 euros

Cinéma : "The Nice Guys", humour subversif à la sauce hollywoodienne

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Quand deux acteurs ne se prennent pas au sérieux et se lâchent complètement, cela donne le pire comme le meilleur. On a droit au meilleur dans "The Nice Guys", comédie policière et d'action du surdoué Shane Black (scénariste de "L'Arme fatale" et réalisateur de "Iron Man 3").
Deux détectives privés que tout oppose doivent travailler ensemble sur une affaire de disparition dans le Los Angeles de la fin des années 70. Le premier, Jackson Healy (Russell Crowe), est souvent missionné pour expliquer à des hommes mûrs que la jeune femme qu'ils draguent est mineure. Son meilleur allié : son poing américain. Le second, Holland March (Ryan Gosling), prend tout ce qui passe à sa portée. Il boit comme un trou, a une fille trop intelligente et s'en tire toujours car c'est un excellent acteur quand la situation devient conflictuelle.
Jolies filles
L'un endosse le costume du gros dur, blasé mais encore capable d'empathie, le second celui du gaffeur, bête comme ses pieds mais au charme certain dès qu'il y a une jolie fille dans les parages. Et justement des pin-up, il en est beaucoup question dans ce film dont le propos mélange allègrement pollution de l'atmosphère, corruption et émergence de la pornographie dans la vie de tous les jours. La star du X, Misty Mountains (devinez ce qui dans sa plastique s'apparente à des montagnes), est assassinée. Elle venait de tourner dans un film "expérimental" dont l'autre héroïne est une certaine Amélia (Margaret Qualley). Holland la cherche, à la demande de la tante de Misty. Mais Amélia charge Healy de dissuader Holland de se montrer trop présent.

La première rencontre entre le futur duo est explosive. Cassage de gueule et bras cassé (au propre) concluent le rendez-vous peu galant. Mais au gré des révélations des uns et des autres, il se trouve qu'Amélia est véritablement en danger, qu'elle n'est pas si blanche que cela et que l'union faisant la force, Healy et Holland s'associent. Ils seront aidés dans leurs recherches par Holly (Angourie Rice), fille de Holland et révélation du film. À peine adolescente, elle joue comme une adulte dans un milieu où sexe, drogue et meurtres sont le banal quotidien.
Si Russel Crowe est parfois touchant, donnant une dimension très humaine à son personnage, Ryan Gosling a définitivement abandonné toute crédibilité dans son rôle. Il joue à fond le privé idiot, couard et inefficace. Chaque apparition, déduction ou tentative de séduction sont ponctuées d'éclat de rire du public qui est toujours avide de stars capables de se moquer de leur propre statut. Car le Ryan Gosling "Nice Guys" est l'antithèse du Ryan Gosling "Drive". Mais n'est-ce pas la meilleure façon de prouver qu'on a du talent ?

mercredi 18 mai 2016

BD : Jérôme K. Jérôme Bloche, redresseur de torts


Jérôme K. Jérôme Bloche est un des derniers détectives privés parisiens. Du moins le dernier qui est persuadé que pour mener ses enquêtes il doit porter un trench-coat et un chapeau, comme le Bogart de la grande époque. Aussi impulsif que maladroit, Jérôme vit dans le passé. Mais son grand cœur lui permet de vivre des aventures souvent mouvementées en compagnie de sa petite amie Babette, ravissante hôtesse de l'air. Dans le 25e tome de ses aventures intitulé "Aïna", il va secourir une jeune Africaine poursuivie par un colosse noir. Elle ne parle pas français, est terrorisée et se réfugie chez un curé, ami de Jérôme. Cette employée d'un diplomate africain semble cacher bien des secrets. Jérôme va tenter de les découvrir, à ses risques et périls. Le colosse a une excellente droite. La sortie de cette nouveauté s'accompagne du quatrième tome de l'intégrale en noir et blanc (et petit format) des aventures du héros imaginé par Dodier. 328 pages reprenant les tomes 19 à 24 d'une des séries les mieux dessinées de ces dernières années.
"Jérôme K. Jérôme Bloche" (tome 25), Dupuis, 12 euros
"Jérôme K. Jérôme Bloche" (intégrale 4 en noir et blanc), Dupuis, 24 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le Goncourt ? Non, merci !

goncourt, actes sud, andras
Les rebelles et autres énervés qui vilipendent notre société mercantile ont peut-être trouvé leur nouveau héraut. Âgé de 31 ans et vivant en Normandie, Joseph Andras vient de publier chez Actes Sud « De nos frères blessés », l'histoire vraie du militant communiste Fernand Iveton, seul Européen condamné à mort par la justice française durant la guerre d'Algérie. A peine sorti, le livre est immédiatement apprécié, notamment par le jury Goncourt qui lui décerne le prix du premier roman.
Cela n'a pas l'heur de plaire à Joseph Andras. Il publie un communiqué pour refuser son prix. Explication : « La compétition, la concurrence et la rivalité sont à mes yeux des notions étrangères à l'écriture et à la création. » Boum, prends ça dans les dents Goncourt ! Une posture pour attirer encore plus les regards vers lui, pensez-vous. Grave erreur. Joseph Andras, qui refuse toute sollicitation des médias (pas une interview et encore moins de détails sur sa vie privée) se place bien au-dessus de la société de consommation classique : « Seulement le désir profond de s'en tenir au texte, aux mots, aux idéaux portés » précise-t-il dans le communiqué pour justifier son refus du pourtant très renommé (et encore plus rémunérateur) prix Goncourt.
Il ne risque pas de se faire d'amis dans le milieu parisien de l'édition. Par contre, chez les militants de gauche et autres idéalistes qui passent leur « Nuit Debout », sa cote va monter en flèche. Même si cet écrivain, vu ses débuts tonitruants, ne semble pas du tout « récupérable » par quelque bord que ce soit.

mardi 17 mai 2016

Littérature : Simenon au long cours


S'il est un romancier dont l'œuvre ne risque pas de tomber dans l'oubli, c'est bien Georges Simenon. L'homme aux milliers de femmes et aux centaines de romans, créateur de Maigret, est très régulièrement réédité en livre de poche mais aussi sous forme de recueils copieux et exhaustifs. Même ses écrits de jeunesse sont à redécouvrir.
Dans "Mes apprentissages", on retrouve le Simenon reporter au long cours. Journaliste, il a sillonné tout le globe, des USA à Tahiti en passant par l'Amérique latine ou la Méditerranée. Un de ses premiers papiers est son périple sur les canaux de France. Paru en 1931, il raconte notamment le Canal du Midi : "Et la péniche s'en va entre les platanes des rives, qui donnent l'ombre la plus lumineuse qui soit." Les écrits de Simenon restent, les platanes ont quasiment tous disparus...
« Mes apprentissages, reportages 1931-1946", Georges Simenon, Omnibus, 1 056 pages, 28 euros

lundi 16 mai 2016

Livres de poche : quand le féminin rime avec destin

folio, pocket, 1018

Ce roman de David Foenkinos retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu'elle était enceinte. Exclue progressivement par les nazis de toutes les sphères de la société allemande elle doit tout quitter pour se réfugier en France. Portrait saisissant d'une femme exceptionnelle, évocation d'un destin tragique, Charlotte est aussi le récit d'une quête. Celle d'un écrivain hanté par une artiste.

"Charlotte", Folio, 7,10 euros
folio, pocket, 1018
Île de la Cité, 1118. Théologien et dialecticien acclamé, Abélard était promis, aux dires de tous, aux honneurs de Rome. Chargé par le chanoine Fulbert de veiller à l'éducation de sa nièce, la moins candide qu'il n'y paraît Héloïse, le sage professeur prendra ses devoirs plus qu'à cœur. Jean Teulé revisite le Moyen âge, tendance paillard avec florilège de jolies images, quand "il la hurtebille à la sauvage"...
« Héloïse, ouille !", Pocket, 6,95 euros
folio, pocket, 1018
Constance Kopp ne correspond à aucun moule dans cette Amérique du début du XXe siècle. Elle surpasse en taille la plupart des hommes, ne trouve aucun intérêt dans le mariage et vit dans la clandestinité. Face au au chantage et à l'intimidation d'une bande de voyous, un shérif progressiste n'hésitera pas à lui confier un revolver... Premier roman très prometteur d'Amy Stewart, libraire en Californie.
"La fille au revolver", 10/18, 8,80 euros

dimanche 15 mai 2016

DVD : De « La fille du patron » tu ne tomberas pas amoureux...

loustau,fille patron,wild side vidéoLe cinéma français persiste et signe dans sa veine sociale. "La fille du patron", premier film d'Olivier Loustau, mélange deux univers : l'usine et le rugby. Pour corser le tout, il y greffe une histoire d'amour et de classe. L'ensemble est parfois confus et un peu foutraque, à la limite de la caricature, mais il se dégage malgré tout une poésie et une force indéniables. Notamment en raison de quelques scènes de groupe, véritables moments virtuoses, comme dans les vestiaires des ouvriers ou dans les tribunes du stade. Plus que dans les relations amoureuses entre les deux principaux protagonistes, c'est dans ces plans que l'on retrouve le métier d'Olivier Loustau, acteur depuis une vingtaine d'années et acteur récurrent d'Abdellatif Kechiche (L'esquive, Vénus noire et La graine et le mulet). S'il s'est réservé le rôle principal, Vital, ouvrier et entraîneur de l'équipe de rugby de l'entreprise au bord du dépôt de bilan, il a également demandé à nombre de véritables ouvriers ou joueurs de rugby amateurs de passer devant la caméra pour interpréter leur propre rôle. Cela donne ces moments de bravoure d'une rare sincérité.

Vital, marié mais dont le couple bat de l'aile, est le genre d'homme taciturne et froid qui se révèle excellent meneur d'hommes. Quand Alix (Christa Théret), une jeune ergonome, vient faire une étude dans l'entreprise, elle le choisit comme "cobaye". Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'Alix est la fille du patron. Quand le secret est éventé, elle peut difficilement faire son travail et Vital la rejette. Mais entre ces deux idéalistes, bien décidés à profiter de la vie, l'attirance est trop forte. Mais pour les collègues de Vital, quitter sa femme pour aller dans les bras de la belle et jeune fille du patron, c'est comme trahir sa classe sociale, passer à l'ennemi. En filigrane, l'interrogation de chacun sur ses pulsions, ses coups de foudre, sa déraison...
Dans les bonus, à ne pas manquer "Face à la mer" un court-métrage d'Olivier Loustau, tourné à Sète, sur le milieu des petits patrons de pêche.
"La fille du patron", Wild Side Vidéo, 14,99 euros le DVD

DE CHOSES ET D'AUTRES : Mayonnaise maison

mayonaise,aioli,oeufs,moutarde,recetteDepuis quelques mois, la question déchaîne les passions sur le net. Peut-on toujours nommer une sauce mayonnaise si elle ne contient pas un gramme de jaune d'œuf ? En France, la question ne se pose pas. Mais aux USA, des industriels de la bouffe conditionnée sont parvenus à confectionner ce type de sauce (à base de protéines de pois) et de la commercialiser sous le nom de « Just Mayo ». Des consommateurs et des industriels français ont attaqué la société pour publicité mensongère. Un premier jugement donne raison aux gastronomes. Un second, en appel, retourne la situation au profit du fabricant.
Pourtant, il est écrit dans tous les livres de cuisine que la mayonnaise est une sauce obtenue en émulsionnant du vinaigre, des huiles végétales (70 %) et du jaune d'œuf (minimum 5 %). Un peu comme si on cuisinait un cassoulet sans fayots ou une choucroute sans saucisses. Je n'ai pas un avis tranché sur la question, jamais je ne suis arrivé à « monter » une mayonnaise. Mais celle que je préfère, la « maison » (en clair celle que ma femme réussit en un tour de main) s'accommode toujours de moutarde. Or la moutarde est une fantaisie ajoutée après coup. Qui depuis est devenue une règle. Preuve que les recettes, même plus que centenaires (la mayonnaise aurait été inventée en 1756) sont susceptibles d'évoluer.
La polémique peut se prolonger localement. Qui concocte le véritable aïoli, les Catalans qui se contentent d'huile et d'ail ou les Provençaux qui y ajoutent des jaunes d'œufs ? Le débat est ouvert.

samedi 14 mai 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : L'Eurovision des bizarreries

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Ce soir, c'est Eurovision (que j'adore, comme vous le savez). Chaque année, des millions de personnes regardent le concours et en France on croira à la victoire tout au long de la soirée, jusqu'au moment fatidique des votes. Selon les spécialistes (oui il existe des spécialistes de ce genre de compétition), Amir, le représentant français, a de fortes chances de l'emporter. Ou du moins de monter sur le podium. Enfin il ne pointera pas dernier... si l'on en croit les bookmakers anglais.
Histoire de ne pas terminer dans les abysses du classement, les sélectionneurs nationaux ont même accepté l'inacceptable : le refrain de la chanson est en anglais.

Bizarre quand on sait que la représentante autrichienne, Zoë Straub, âgée de 19 ans, interprétera "Loin d'ici", un titre aux accents pop et aux paroles bon enfant entièrement dans la langue de Molière.
Autre étrangeté, la favorite de la compétition, d'origine coréenne, chante pour l'Australie. L'île continent se situe pourtant aux antipodes du Vieux monde. Simplement les organisateurs ont accordé une dérogation à ce pays qui, paraît-il, adore le concours. Encore plus bizarre, le métier du candidat russe : quand il ne vocalise pas, il gère une pâtisserie en ligne pour chiens.
Par contre on n'aura pas droit au chanteur bélarus nu avec des loups. Non seulement on lui a interdit cette chorégraphie, mais en plus il a été éliminé en demi-finale. De même la chanteuse moldave et son accompagnateur robot ne seront pas invités à la finale de ce soir.
Bizarre, mais pas trop.

Livres de poche : trois belles histoires de femmes


1938. Alors que le destin de l'Europe s'apprête à basculer, un voilier accoste sur l'Île-aux-Moines. À son bord, Marge. La jeune Anglaise rencontre Blaise et son meilleur ami Mathias. De la débâcle à l'épuration, de la guerre d'Indochine aux Jeux olympiques de 1964, ce trio amoureux imaginé par Gilles Martin-Chauffier traverse un quart de siècle où la petite histoire se mêle à la grande.
"La femme qui dit non", Folio, 7,70 euros

Après la mort de leur amie Sonja, Rebecka, Susanne et Maggan découvrent qu'elles sont les uniques héritières de sa fortune, dont elles ignoraient tout… à la condition expresse de changer de vie et de laisser derrière elles tous leurs soucis. Les trois quinquagénaires décident de relever le défi ! Ce roman optimiste d'Asa Hellberg prouve qu'il n'y a pas d'âge pour réaliser ses rêves de jeunesse.
"Amusez-vous en pensant à moi", Pocket, 6,95 euros

Suzanne Stone a tout d'une vie parfaite : la beauté, la jeunesse, une jolie maison et un mari qui la vénère. Mais elle veut la gloire. Star d ela télévision locale, lorsque son époux est retrouvé mort, la veuve éplorée, point de mire des caméras, devient rapidement suspecte. Enigmatique, capricieuse, est-elle pour autant l'arriviste perverse que certains dénoncent ? Étude de mœurs subtile signée Joyce Maynard.
"Prête à tout", 10/18, 8,40 euros

Un livre sur l'entourage de Marilyn Monroe

marilyn monroe,cauchon,stock

Quintessence de la vedette hollywoodienne, Marilyn Monroe, plus d'un demi-siècle après sa mort prématurée, reste un mystère, une légende. Tout (et son contraire) a déjà été écrit sur sa vie, son œuvre et surtout les derniers mois de sa vie. Sébastien Cauchon, présenté comme un "cinéphile et collectionneur, spécialiste de Marilyn Monroe", apporte un nouvel éclairage sur les dernières semaines de la vie de l'actrice. Pour cela il dresse le portrait de douze proches ou collaborateurs, ayant partagé les derniers moments de l'inoubliable interprète de "Certains l'aiment chaud" ou des "Misfits". Il y a Eunice, sa femme de compagnie, celle qui lui a trouvé la maison à Hollywood où elle a tenté de retrouver le goût de vivre, en vain. Inez, la comptable, Ralph, le psychanalyste ou Evelyn la doublure. Tous étaient dans le premier cercle, employés mais aussi amis de la jeune actrice en plein doute existentiel. Était-elle finie comme certains le prétendaient ? Sa beauté du passé, son talent une vue de l'esprit ? Sans donner de véritable explication sur le suicide, Sébastien Cauchon, en décrivant l'entourage, la vie quotidienne, plante un décor et une intrigue qui ne peut que se terminer de cette façon...
"Marilyn 1962" de Sébastien Cauchon. Stock. 18 euros.

vendredi 13 mai 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Souffler dans le vide

éoliennes, edf, canard enchaîné
Éoliennes et panneaux solaires représentent les meilleurs atouts de la France pour sortir (un peu) du nucléaire. Pourtant tout n'est pas aussi rose qu'il n'y paraît. Le Canard Enchaîné révélait il y a peu que la moitié des éoliennes installées en France tournent à vide. Elles brassent de l'air pour rien car toujours pas connectées au réseau d'ERDF. Pour une fois, le Canard s'est un peu emmêlé les palmes. Sur la foi d'un document spécifiant que plus de 10 000 Mw sont "sur la file d'attente", le journal a cru que ces éoliennes étaient inutiles.
En réalité, comme dans le bâtiment, il s'agit essentiellement de permis de construire, des projets encore en développement. D'autres sources expliquent qu'une éolienne, dès qu'elle tourne, est raccordée au réseau. Et qu'en moyenne, entre l'achèvement des travaux et la connexion, il ne passe pas plus d'un mois. En y réfléchissant, c'est logique. Les investisseurs, même dans les énergies renouvelables, ne sont pas des philanthropes. Ils dépensent plusieurs millions pour des machines high-tech, la simple majesté de ces nouveaux moulins à vent n'a rien à y voir. Ils veulent rentrer dans leurs frais. Le plus vite possible. Si EDF rechignait à leur acheter l'électricité produite, ils se montreraient plus vindicatifs.
Par contre, loin de me prétendre spécialiste es-économie, je peux affirmer sans trop de risque que la production des éoliennes en France reste quantité négligeable... quand il n'y a pas de vent. De même, la rentabilité des centrales solaires est proche de zéro... la nuit.

Roman : Castes du futur dans "Newland" de Stéphanie Janicot

newland, janicot, albin michel
Dans quelques siècles, l'humanité se divisera en trois castes. L'amour n'existera plus dans le "Newland". A ceux qui se plaignent sans cesse de la déshumanisation de notre société, lisez donc "Newland" de Stéphanie Janicot avant d'endosser votre rôle de pleureuse sur la mort du libre-arbitre et de chouiner sur l'air du "c'était mieux avant". L'Europe décrite par la romancière semble un paradis, mais c'est l'enfer. Face aux conflits religieux, à l'explosion démographique et l'épuisement des ressources, les états du vieux continent ont pris des mesures drastiques. Limitation de la population, découpage en 100 territoire autonomes, mise en place d'un système de castes. A l'adolescence, chaque individu est affecté à un rôle précis, en fonction de ses gènes. Les Blancs, l'élite, seront les décideurs et fourniront semence et ovocytes pour perpétuer l'espèce. Les Bleus, stérilisés, seront chargés d'élever les enfants. Les Noirs, la majorité, eux aussi stérilisés avant même la puberté, s'occuperont du fonctionnement de la société dans un semblant de liberté.
Marian, la Noire
Pour comprendre ce fonctionnement à la Orwell, Stéphanie Janicot suit le parcours de Marian, brillante jeune fille, persuadée qu'elle sera Blanche et qui se retrouve versée chez les Noirs. Elle va se rebeller et mettre son intelligence au service de sa vengeance. Marian, à l'origine mystérieuse (elle cherche qui sont ses parents, un tabou dans cette société), peut-elle changer de caste, devenir la première Noire à avoir du pouvoir ? Elle séduira hommes et femmes pour atteindre son but, passant même par la case voyage dans le temps, un passage qu'apprécie Stéphanie Janicot qui sort d'une immense saga sur les civilisations, "La mémoire du monde". Marian va-t-elle changer ce monde ? Plus facilement qu'elle ne le croit car "on avait beau lisser l'humain, lui retirer ses aspérités, ses imprévisibilités, sa sexualité, ses humeurs, on ne parvenait pas à l'apaiser complètement." La morale du roman ? Tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir. Donc n'oubliez pas d'en profiter tant que c'est encore possible.

jeudi 12 mai 2016

Cinéma : faites votre propre festival de Cannes (vidéos)

Si les stars du cinéma sont à Cannes, quelques films présentés en exclusivités sur la croisette sortent dans la foulée. Woody Allen ce mercredi, Jodie Foster jeudi et le Bruno Dumont vendredi.
Jusqu'au 22 mai, la planète cinéma vivra sur le tempo imposé par le festival de Cannes. Des œuvres fortes, des auteurs originaux, des acteurs d'exception... Le tout réservé aux festivaliers. Enfin pas complètement car le Festival de Cannes, chaque année, permet à quelques films de profiter de cette exposition médiatique mondiale pour assurer une promotion à leur sortie française. Et cette année, le public est chanceux car de nombreux films, le jour même de leur présentation sur la Croisette, seront à l'affiche dans les salles.

Le film d'ouverture, hors compétition, sera le premier à ouvrir le bal dès aujourd'hui. "Cafe Society", de Woody Allen, se passe à Hollywood dans les années 30. Un jeune Américain, devenu coursier, tombe amoureux d'une starlette. Amours compliquées dans un milieu où tout est possible. Cette comédie au cours de laquelle Woody Allen retrouve les USA et l'époque bénie de la gloire du cinéma, met en vedette Jesse Eisenberg et Kristen Stewart. Du moins ce sont les têtes d'affiche jeunes et bankables présentées sur les marches. Dans le film, ce sont surtout Steve Carell et Blake Lively qui sont sur le devant.

Demain jeudi, nouvelle sortie décalée dans les cinémas de la région avec Monster Money, nouveau film de la très francophile Jodie Foster. Celle qui a fait ses premiers pas à Cannes dans les années 70, encore adolescente (notamment dans Taxi driver), revient présenter son film, lui aussi hors compétition. Casting de rêve pour ce film avec George Clooney et Julia Roberts. L'histoire d'un présentateur vedette de la télé américaine qui donne des conseils financiers à ses auditeurs. Mais l'un d'entre eux, ruiné, décide de prendre en otage en direct son mauvais conseiller. Le film a des airs de réquisitoire contre les médias et la finance. A découvrir dès demain.
Drôles de flics
Vendredi, place à Ma Loute" de Bruno Dumont. Premier film en compétition qui sort le jour même de sa présentation au jury présidé par George Miller (lire ci-contre). Cannes synonyme de prise de tête ? Pas toujours puisque dimanche c'est "The Nice Gys" qui sera dévoilé et programmé dans la foulée dans les cinémas de la région.

Le film de Shane Black est une comédie qui s'annonce désopilante avec deux monstres du cinéma américain en contre-emploi : Ryan Gosling et Russel Crowe. Ils interprètent des détectives privés calamiteux chargés d'enquêter sur le prétendu suicide d'une starlette. Humour à tous les niveaux avec côté féminin la sublime Kim Basinger et la non moins charmante Margaret Qualley, vue dans Palo Alto et fille d'Andy McDowell.
Enfin mardi soir, sortie du nouveau Pedro Almodovar, "Julieta", également en compétition au festival. Mais nous en reparlerons la semaine prochaine...
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"Ma Loute", un Bruno Dumont burlesque
Certains réalisateurs, une fois primés à Cannes, reviennent régulièrement au festival. Cette année plusieurs habitués sont dans la sélection, de Xavier Dolan aux frères Dardenne en passant par Olivier Assayas et Bruno Dumont. Ce dernier, multiprimé avec La vie de Jésus, L'Humanité ou Flandres, change totalement de genre.

Vendredi "Ma Loute" sera diffusé pour la première fois et immédiatement programmé dans les cinémas de la région. Bruno Dumont, cinéaste du Nord (devenus "Hauts de France"...) plante une nouvelle fois ses caméras sur la côte d'Opale. Il abandonne le drame social pour le burlesque. Une seconde incursion après le feuilleton "Mon p'tit Quinquin" diffusé avec succès sur Arte. Dans les années 1910, il suit quelques extravagants bourgeois interprétés par Fabrice Luchini, Juliette Binoche et Valeria Bruni Tedeschi. Une histoire de passeurs, de belles maisons mais aussi de meurtre et d'enquête policière. Comme dans la série télé, les deux flics, interprétés par des acteurs amateurs, semblent totalement surréalistes. Un duo comique absolu où l'on retrouve toute l'originalité du réalisateur qui aime plus que tout les gueules cassées, sortant du cadre, du moule. C'est aussi le cas de Brandon Lavieville, incroyable interprète du personnage qui donne son nom au film. A ne pas manquer, dès vendredi dans vos salles !