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mardi 3 octobre 2023

Goncourt : 120 ans de prix et de polémiques dans une anthologie passionnante

 Le prix Goncourt est la plus prestigieuse des récompenses littéraires françaises. Celui qui est aussi le plus polémique, et depuis plus d’un siècle.

Imaginée à la fin du XIXe siècle, l’académie Goncourt avait pour but de dépoussiérer les lettres françaises. Une sorte de « contre-Académie française » soucieuse de promouvoir un jeune écrivain en devenir. Le premier prix a été décerné en 1903. Une première polémique car c’est un roman de science-fiction, Force ennemie de John-Antoine Nau, qui décroche le prix doté de 5 000 francs.

Une histoire du prix et du jury qui ne manque pas de péripéties, comme un feuilleton où coups de théâtre, grosses colères, fâcheries et trahisons venaient sans cesse rebattre les cartes. Cette histoire littéraire française est signée Jean-Yves Le Naour, docteur en Histoire (et aussi scénariste de films documentaires ou de BD) aidé de Catherine Valenti, Maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université Toulouse II.

Le fond est très documenté, le style léger et parfois incisif. Les auteurs ont donc retenu une présentation chronologique pour cette anthologie qui présente le livre lauréat, son auteur mais aussi (et surtout), la cuisine interne dans ce jury qui a trop souvent été caricaturé suspecté d’être aux ordres des grandes maisons d’éditions, de manquer d’originalité et d’accumuler les loupés mémorables.

Exemple avec l’année 1923, il y a pile un siècle. Le prix revient à Lucien Fabre pour son Rabevel ou le mal des ardents, trilogie publiée d’un coup d’un seul par Gallimard. Une œuvre désormais oubliée alors que cette même année 1923 voyait la parution de romans de jeunes auteurs prometteurs comme Jean Cocteau, François Mauriac, Joseph Kessel, Valery Larbaud, Max Jacob ou Paul Morand. Espérons que 100 années plus tard, le jury du Goncourt se prononce pour un roman qui restera dans les annales.

« 120 ans de prix Goncourt - Une histoire littéraire française » de Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, Omnibus et Perrin, 576 pages, 24 €

jeudi 10 novembre 2022

De choses et d’autres - Vite, un Goncourt !

Donc, au cas où vous avez loupé l’information qui a tourné en boucle jeudi sur toutes les radios et hier dans presque tous les journaux de France et de Navarre, une femme a remporté le prix Goncourt. Brigitte Giraud décroche le prix littéraire français le plus prestigieux pour son roman d’autofiction Vivre vite, paru aux éditions Flammarion.

Une récompense plus que méritée pour ce texte dont l’Indépendant avait fait la critique dimanche dernier dans sa page « Livres ». Le titre du roman est extrait de cette expression prêtée à Lou Reed, « Vivre vite, mourir jeune ». Une phrase présente dans le livre que le mari de Brigitte Giraud lisait la veille de sa mort.


En 1999, il s’est tué au guidon d’une moto japonaise, une Honda 900 CBR Fireblade, un engin surnommé par les motards européens « la moto de la mort ». Ce Goncourt est très rock. Comme la passion du mari de Brigitte Giraud, critique musical au Monde.

La romancière, dans un exercice de style brillant, tente de comprendre l’inexplicable : la fabrication d’un fait divers. Exactement l’enchaînement des circonstances qui font qu’en ce mois de juin 1999, dans une rue de Lyon, un homme meurt sur le bitume. Comprendre, 20 ans après les faits, pour enfin tourner la page. Elle se trouve nombre de raisons pour estimer que c’est sa faute, sa très grande faute, si son mari n’a jamais vécu dans la maison qu’ils venaient d’acheter trois jours auparavant. Mais estime aussi que si ce n’était pas à cause d’elle, d’autres événements extérieurs auraient conduit à la même fin inéluctable.

Un grand livre, sur la mort et surtout les mille raisons, bonnes ou mauvaises, futiles ou essentielles, que l’on se découvre pour continuer à vivre vite après un deuil.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 5 novembre 2022

lundi 7 novembre 2022

Littérature - « Vivre vite », le roman des ‘si’ de Brigitte Giraud remporte le prix Goncourt

Le prix Goncourt 2022 a été attribué à Brigitte Giraud pour son roman "Vivre vite" (Flammarion), dans lequel elle revient sur la mort de son mari dans un accident de moto en 1999.

Comment évacuer la culpabilité ? Comment se persuader que non, si mon mari, Claude, est mort dans un accident de moto, ce n’est pas de ma faute ! Vivre vite, roman et récit signé de Brigitte Giraud explore ce thème douloureux. A la base, la romancière est persuadée que « par ma volonté, j’avais préparé, sans le savoir, les conditions de l’accident. » Le roman, lauréat du Goncourt 2022, revient 20 ans après les faits sur l’enchaînement fatal. Et l’autrice de se demander comment elle aurait pu éviter ce cauchemar.

Elle va donc chercher à comprendre, en listant tout ce qui a conduit au drame, savoir s’il était évitable. « Si je n’avais pas voulu vendre l’appartement. Si mon frère n’avait pas garé sa moto pendant sa semaine de vacances. S’il avait plu. » Au total une quinzaine d’interrogations et autant de chapitres pour au final se demander « si les journées qui ont précédé l’accident ne s’étaient pas emballées dans une suite d’événements tous plus inattendus les uns que les autres, tous plus inexplicables. » Ce cheminement Brigitte Giraud le partage avec le lecteur, lui permettant de se glisser dans son esprit bourré de culpabilité « qui m’a obsédée pendant toutes ces années. Et qui a fait de mon existence une réalité au conditionnel passé. » Construction d’un récit inhabituelle, brillante et angoissante à la fois. On sait comment cela se termine, on ose espérer que oui c’était évitable. Et pourtant.

Infimes modifications

Ce texte, roman autobiographique d’une étonnante sincérité, raconte aussi les moments de bonheur. Car Brigitte et Claude, jeune couple qui vit à Lyon, ont tout pour s’épanouir. Il vit de sa passion, la musique. Elle commence une carrière de romancière prometteuse. Ils ont un petit garçon et viennent d’acheter une maison avec jardin dans le quartier où ils vivent depuis quelques années.

Cette maison qui semble être le déclencheur du malheur. Elle est omniprésente au début du récit, 20 ans aprèsle drame. Brigitte va la vendre, tirer un trait sur ce rêve immobilier, bâti à deux, mais qu’elle a longtemps traîné comme un boulet. La maison qui a un garage. Où le frère de la romancière gare une moto exceptionnelle. Moto surpuissante que le mari emprunte pour aller au travail. Et le soir, au retour, il en perd le contrôle et se tue. Sans maison, pas de garage, pas de moto, pas d’accident. Mais d’autres infimes modifications du déroulé de la journée auraient pu aussi éviter le pire. Écouter une dernière chanson plus courte. Ne pas retirer de l’argent à un distributeur. Donner une information cruciale à son mari à propos de son fils. Avoir un téléphone portable… Si…

Mais avec des si, ce texte n’aurait pas vu le jour et le lecteur serait privé de cette matière incandescente pour s’interroger, à son tour, sur le chemin de sa vie et les différentes bifurcations prises ou évitées en fonction de ce « conditionnel passé », véritable maître de notre existence.

« Vivre vite » de Brigitte Giraud, Flammarion, 20 €

mardi 18 septembre 2018

Rentrée littéraire - Thomas B. Reverdy raconte l'Angleterre de Thatcher avec du rock et du Shakespeare

Les nostalgiques des années Thatcher en Angleterre ne doivent pas lire ce roman de Thomas B. Reverdy. Il raconte comment la dame de fer est arrivée au pouvoir, transformant un pays exsangue en laboratoire du libéralisme le plus débridé. Tout a commencé au cours de « L’hiver du mécontentement » qui a donné son titre au livre.



Entre fin 78 et début 79, la Grande-Bretagne est en pleine crise sociale. Grèves, manifestations, inflation… L’auteur aurait pu se contenter d’un pré- cis historique. Il préfère se coltiner avec le quotidien de deux personnages emblématiques de l’époque. Jones, employé de bureau viré comme un malpropre, par ailleurs musicien vivotant en donnant des concerts dans des pubs londoniens. Candice, apprentie comédienne et coursière à vélo, pour remplir le frigo et payer le loyer.

Candice est une battante. Elle veut son indépendance et pré- server sa solitude. Deux fois par semaines, au théâtre Warehouse, elle répète la pièce Richard III de Shakespeare. Dans sa troupe, que des femmes. Elle a écopé du rôle-titre. Celui qui manigance, tue, empoisonne pour accéder au pouvoir. Le bossu, boiteux qui termine son règne par cette célèbre réplique « Mon royaume pour un cheval ».


Candice et Jones vont se rencontrer. S’apprécier. S’aimer. Presque. Les conditions de vie sont difficiles au cours de cet hiver. Le pays se recroqueville, « La peur. Voilà bien une preuve de la faiblesse de l’Angleterre. (...) L’Angleterre est une petite vieille qui n’a plus la force de rien. L’Angleterre est sur le déclin. » Au cours de cet hiver, les Travaillistes au pouvoir vont multiplier les erreurs. Jusqu’à l’arrivée de Thatcher. Comme Trump il y a peu, elle a fait campagne sur ce slogan basique : « I want Britain to be great again ».

Clash et Buzzcocks   
On suit les difficultés au quotidien de nos deux tourtereaux en même temps que la prise de pouvoir par « Maggie ». Cette dernière croisera même le chemin de Candice. Un matin la répétition est annulée, le théâtre a été loué par les Conservateurs pour donner des cours de diction à leur chef.

Un roman aussi désenchanté que les musiques de l’époque. Car si les artistes punk hurlent leur refus de toute autorité, au final toutes ces chansons n’auront pas servi à grand-chose. Les titres des chapitres forment une play list parfaite de la période. Trente morceaux rock, des Clash à Pink Floyd en passant par les Sex Pistols ou les Buzzcocks. Le son d’un hiver de sinistre mémoire pour le petit peuple anglais.

➤ « L’hiver du mécontentement » de Thomas B. Reverdy, Flammarion, 18 €

mercredi 18 mai 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le Goncourt ? Non, merci !

goncourt, actes sud, andras
Les rebelles et autres énervés qui vilipendent notre société mercantile ont peut-être trouvé leur nouveau héraut. Âgé de 31 ans et vivant en Normandie, Joseph Andras vient de publier chez Actes Sud « De nos frères blessés », l'histoire vraie du militant communiste Fernand Iveton, seul Européen condamné à mort par la justice française durant la guerre d'Algérie. A peine sorti, le livre est immédiatement apprécié, notamment par le jury Goncourt qui lui décerne le prix du premier roman.
Cela n'a pas l'heur de plaire à Joseph Andras. Il publie un communiqué pour refuser son prix. Explication : « La compétition, la concurrence et la rivalité sont à mes yeux des notions étrangères à l'écriture et à la création. » Boum, prends ça dans les dents Goncourt ! Une posture pour attirer encore plus les regards vers lui, pensez-vous. Grave erreur. Joseph Andras, qui refuse toute sollicitation des médias (pas une interview et encore moins de détails sur sa vie privée) se place bien au-dessus de la société de consommation classique : « Seulement le désir profond de s'en tenir au texte, aux mots, aux idéaux portés » précise-t-il dans le communiqué pour justifier son refus du pourtant très renommé (et encore plus rémunérateur) prix Goncourt.
Il ne risque pas de se faire d'amis dans le milieu parisien de l'édition. Par contre, chez les militants de gauche et autres idéalistes qui passent leur « Nuit Debout », sa cote va monter en flèche. Même si cet écrivain, vu ses débuts tonitruants, ne semble pas du tout « récupérable » par quelque bord que ce soit.