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mercredi 13 mars 2024

Cinéma - “Scandaleusement vôtre”, insultes réjouissantes

Des lettres anonymes très vulgaires sèment la zizanie dans une petite bourgade anglaise. Tout semble désigner comme coupable la dévergondée Rose. Qui pourtant n’y est pour rien…

Énorme embrouille entre les deux voisines et amies, Rose (Jessie Buckley) et Edith (Olivia Colman).  STUDIOCANAL
Dans la galaxie des jurons et autres insultes, il y a la logorrhée du capitaine Haddock, bien gentille au final, et les immondices déversées en rafales par Rose (Jessie Buckley), une des héroïnes de Scandaleusement vôtre, film britannique tout en finesse malgré la verdeur des dialogues de Thea Sharrock. Juste après la fin de la première guerre mondiale, dans cette bourgade anglaise en bord de mer, Rose vit dans une petite maison, mitoyenne avec celle d’Edith (Olivia Colman). La première, jeune, mère d’une adorable gamine, aime la vie, les pubs et parle fort en jurant sans vergogne. La seconde, vieille fille bigote, vit toujours avec ses parents, va à la messe tous les dimanches et personnifie la bonté chrétienne. Edith et Rose, paradoxalement, sont devenues amies. La première voudrait « adoucir » le tempérament de la seconde alors que Rose aimerait plus prosaïquement que son amie se décoince un peu. Une relation qui vire au vinaigre. Rose dit ses quatre vérités à Edith. Qui lui pardonne mais ne lui adresse plus la parole. 

Les choses auraient pu en rester là, mais Edith commence à recevoir des lettres anonymes. Pas piquées des hannetons les missives. Edith y est traînée dans la boue avec force de mots insultants, positions scabreuses et allusions graveleuses. C’en est trop pour Edward (Timothy Spall) le père d’Edith. Il porte plainte. La police, pas futée, arrête Rose et l’envoie en prison malgré ses dénégations. 

Passant sans cesse de la pure comédie à la critique sociale, le film est particulièrement malin. Il rend surtout très sympathiques ces deux femmes que tout oppose. Et très désagréables les hommes de leur entourage, autoritaires et prétentieux. Cette histoire, tirée de faits ayant réellement agité le Royaume, est surtout une bonne occasion pour dénoncer le sort des femmes durant cette période. On en prend conscience quand la première femme policière de la région, Gladys Moss (Anjana Vasan) alerte sa hiérarchie face à ce qui a tout l’air d’une grossière erreur judiciaire. Mais elle serait tout juste bonne à préparer le thé de ses collègues, bêtes et obtus. Bien que Gladys soit beaucoup plus instruite qu’eux. Elle va d’ailleurs rapidement découvrir la véritable coupable en comparant les écritures. Une démonstration éclatante qui lui vaudra immédiatement… une mise à pied par son chef. Obstinée, avec quelques amies de Rose et d’Edith, elle décide de mener une enquête sur le terrain et imaginer un piège implacable pour prendre la coupable sur le fait. On retrouve un peu l’esprit d’Agatha Christie et des suffragettes dans ce film qui pourrait convertir au wokisme nombre de mâles dominants.   

Film de Thea Sharrock avec Olivia Colman, Jessie Buckley, Anjana Vasan, Timothy Spall





mardi 11 avril 2023

De choses et d’autres - Privé de roi, privé de tarte

Lundi 27 mars au matin, selon mon hebdomadaire télé préféré, TF1 et France 2 proposaient le même programme en direct. Du pur people pour fan de royauté : la visite de Charles III à Paris. Patatras, le magazine a été imprimé avant l’annonce de l’annulation de la visite officielle du roi d’Angleterre.

J’imagine la déception dans certains foyers. Le sourire en coin chez d’autres qui saluent le premier résultat tangible de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites.

Et puis aussi l’indifférence dans la majorité des familles françaises qui, un lundi matin, va d’abord travailler pour gagner sa croûte de pain et tenter de mettre un peu d’essence dans le réservoir qui flirte avec la réserve.

Charles III a attendu presque toute une vie pour accéder au trône, alors décaler une visite officielle de quelques mois, ce n’est pas la mer à boire.

Par contre, on ne dira jamais assez combien ces visites protocolaires luxueuses sont attendues par les meilleurs artisans de l’excellence française. Prenez le repas de lundi soir à Versailles, ce sont de grands chefs qui devaient se mettre aux fourneaux. Asperges en entrée, volaille de Bresse en plat principal et « tarte tatin revisitée au caramel et aux fruits secs » par Pierre Hermé. Une création qui devra rester encore inédite.

Dans cette annulation, le plus à plaindre reste bien le président Macron. Il doit se passer d’une séquence prestige dans un cadre d’exception. Même si accueillir un roi à Versailles n’est pas la meilleure image à offrir de la République française alors que le peuple, dans les rues, rejoue la Révolution.

Privé de roi et privé de tarte. La double peine.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 28 mars 2023

dimanche 2 avril 2023

BD - Le Ferry entre le Nord et l’Angleterre

Autre histoire de rock (voir entrée précédente) dans Le Ferry. Encore des rêves de lycéens. Mais loin du Japon, plus près de l’Angleterre, terre promise de ces petits Français qui ne jurent que par le punk. Fin des années 70, l’apparition des Sex Pistols et des Clash transforme la vie de quatre potes de lycée. Voilà la musique qu’ils aiment, celle qu’ils ambitionnent de jouer devant des foules en délire. Un petit groupe, de grandes ambitions et puis le réel reprend le dessus. La routine, le quotidien, la vie sociale balaient le futur radieux.

Le scénario de Xavier Bétaucourt est habilement construit entre souvenirs et réunion du présent entre nostalgie et espoir. Des quatre membres du groupe, ils ne sont que trois à se retrouver à l’hôpital au chevet de Rose. Ils tentent de comprendre pourquoi Max, le bassiste n’est pas présent. Max parti quelques mois plus tôt pour l’Angleterre, bien décidé à vivre de sa musique malgré les abandons de ses amis. Max, le père de la petite fille de Rose qui vient de naître.

Une discussion animée entre soins (Rose a accouché par Césarienne), tétée et dégustation de cacahuètes avec du rock en fond sonore. Certains cherchent des excuses à Max, d’autres ne comprennent pas cette fuite. Et de refaire l’histoire en 100 pages dessinées par Thierry Bouüaert au dessin faussement sale mais très recherché, déjà vu dans Fluide Glacial et auteur complet du Style Catherine chez Bamboo.

Une superbe histoire d’amitiés au final, doublée d’une romance à la fin plus positive que les tubes punk de l’époque.
« Le ferry » de Xavier Bétaucourt et Thierry Bouüaert, Delcourt Mirages, 17,50 €

mercredi 15 février 2023

La nouvelle série britannique de Disney+ est extraordinairement impertinente

Imaginée par Emma Moran pour Disney+, la série Extraordinary se moque d'un monde où tout le monde, ou presque, a des pouvoirs de superhéros. Rires assurés aux déboires de Jen et Carrie interprétées par Máiréad Tyers et Sofia Oxenham.

Complicité explosive entre Carrie (Sofia Oxenham) et Jen (Máiréad Tyers).
Disney+ -  Natalie Seery

Si les premiers mois de Disney+ étaient exclusivement réservés aux séries pour la jeunesse (la famille par extension) et les amateurs des grandes franchises US comme Star Wars, Marvel ou National Geographic, la suite s’est révélée plus disruptive. Il manquait une offre plus adulte, pour ces jeunes trentenaires qui aiment rire ou se faire peur. La chaîne Star est venue enrichir l’offre. C’est dans ce cadre que Disney+ a marqué des points, récoltant des abonnés parmi les premiers fidèles de Netflix, un peu lassés de ne plus être surpris par les nouvelles séries, sorte de copies affadies des succès de la première heure.

Une marche importante vient d’être franchie dans l’intérêt du public décalé pour Star avec la mise en ligne de la série britannique Extraordinary. Pas de gentille souris ni d’adolescents courageux au sein d’une famille unie : tous les personnages d’Extraordinary auraient en fait leur place dans un hôpital psychiatrique fermé. Pourtant à la base, la série britannique en huit épisodes de 25 minutes créée par Emma Moran, traite d’un sujet archi-classique : les superhéros. Mais dans ce futur dystopique, tout le monde (ou presque) a un pouvoir. Il apparaît vers 18 ans environ et c’est la grande loterie. Si certains se retrouvent avec une force surhumaine, la possibilité de lire les pensées ou de voler, d’autres doivent se contenter de facultés moins utiles comme se transformer en aimant, faire venir à soi les poissons ou contraindre à son interlocuteur de dire la vérité, l’exacte vérité.

Jen, sans pouvoir à 25 ans 

C’est ce qui arrive à Jen (Máiréad Tyers) dans la première scène. Elle veut décrocher un job et répond à une femme borgne. « Comment s’est passé votre transport ? » « Mal, je suis tellement stressée que je me suis presque chiée dessus dans le bus et mon tampon est à moitié sorti… » Comme Jen, à 25 ans, n’a toujours pas de pouvoir, décrocher un job est impossible dans cette société de l’extraordinaire. Mais elle a un atout pour elle : son impertinence. Même si souvent cela lui amène plus d’inconvénients que d’avantage.

Elle vit en colocation avec Carrie (Sofia Oxenham). Employée chez un notaire, elle a le pouvoir de convoquer les défunts dans son corps et de leur céder la parole. Parfaits pour régler des différends entre héritiers.

Après un premier épisode centré sur ces pouvoirs et la société radicalement différente, la suite se concentre sur les difficultés du quotidien de ces deux copines. Jen toujours sur la brèche, Carrie conciliante mais profondément insatisfaite. Un duo d’opposés qui laisse un peu de place aux seconds rôles : Kash, le petit ami totalement immature de Carrie et Jizzlord, le chat errant recueilli par Jen.

Les gags fusent, les rires sont francs et justifiés, l’émotion se glisse parfois entre deux situations grotesques et au final, Extraordinary se révèle court, trop court. Mais avec le rebondissement des dernières secondes du dernier épisode, on sait que la suite sera savoureuse et tout aussi impertinente.

 

jeudi 2 février 2023

Série Télé - Red Rose, appli mortelle à « télécharger » sur Netflix

La belle surprise de la semaine sur Netflix a pour nom Red Rose. Une série anglaise sur les dangers de la manipulation des adolescents par les réseaux sociaux. 

Messieurs les Anglais, téléphonez les premiers ! Une nouvelle fois c’est outre-Manche que Netflix (après Disney + et Amazon Prime Vidéo), déniche une excellente série, au scénario machiavélique doublé d’un casting équilibré et qui offre en huit épisodes un suspense total et un final bourré d’angoisse et d’adrénaline. Red Rose est de ces projets qui redonnent un réel intérêt au binge watching. Après le premier épisode, il est très difficile de décrocher avant le dénouement.

Dans la ville de Bolton, proche banlieue de Manchester, c’est jour d’examens. Les lycéens viennent de passer leurs dernières épreuves. Du résultat dépendra leur avenir à l’université. Un groupe d’amis va fêter le début des vacances. Il y a les deux filles inséparables, Rochelle et Wren, Ashley, grande gueule rondouillarde, Taz, naïf et d’origine indienne, Noah, le beau gosse et Anthony, le gay qui se cache encore.

Ce début, très série pour teenagers, permet de mieux comprendre les ressorts du groupe. Rochelle, provocatrice, mène la danse. Wren est dans son ombre, mais veut s’émanciper. Elle aime Noah et c’est réciproque. Cela attise la jalousie de sa meilleure amie.

Tout change quand Rochelle télécharge sur son téléphone portable une application nommée Red Rose. Le fantastique technologique s’immisce dans l’intrigue. Red Rose ressemble à une intelligence artificielle. Elle pose des questions à Rochelle et cette dernière va littéralement se découvrir. Et contre une sorte de promesse d’allégeance, Red Rose s’engage à réaliser trois vœux. La vie du groupe d’adolescents va dès lors changer du tout au tout. En décortiquant la dépendance de la jeunesse actuelle aux téléphones portables et leur semblant de réalité, les concepteurs de la série, les frères jumeaux Clarkson, imaginent le pire de la manipulation en ligne.

Narcissisme et réseaux sociaux

Dépendance aux jeux, narcissisme des réseaux sociaux, perversité de l’anonymat : tout y passe. Le téléspectateur est pris dans ce tourbillon d’émotions fortes, de situations conflictuelles et d’impasses personnelles. Si durant quelques épisodes on soupçonne un brin de fantastique dans la trame de Red Rose, on va vite redescendre sur terre. Les fantômes n’existent pas. Contrairement aux pervers narcissiques devenus tout-puissants avec les nouvelles technologies.

Les deux derniers épisodes, sont particulièrement angoissants. La terreur est omniprésente, on a sa dose d’adrénaline pour les six prochains mois. Et plus trop envie de télécharger des applications inconnues.

mardi 18 septembre 2018

Rentrée littéraire - Thomas B. Reverdy raconte l'Angleterre de Thatcher avec du rock et du Shakespeare

Les nostalgiques des années Thatcher en Angleterre ne doivent pas lire ce roman de Thomas B. Reverdy. Il raconte comment la dame de fer est arrivée au pouvoir, transformant un pays exsangue en laboratoire du libéralisme le plus débridé. Tout a commencé au cours de « L’hiver du mécontentement » qui a donné son titre au livre.



Entre fin 78 et début 79, la Grande-Bretagne est en pleine crise sociale. Grèves, manifestations, inflation… L’auteur aurait pu se contenter d’un pré- cis historique. Il préfère se coltiner avec le quotidien de deux personnages emblématiques de l’époque. Jones, employé de bureau viré comme un malpropre, par ailleurs musicien vivotant en donnant des concerts dans des pubs londoniens. Candice, apprentie comédienne et coursière à vélo, pour remplir le frigo et payer le loyer.

Candice est une battante. Elle veut son indépendance et pré- server sa solitude. Deux fois par semaines, au théâtre Warehouse, elle répète la pièce Richard III de Shakespeare. Dans sa troupe, que des femmes. Elle a écopé du rôle-titre. Celui qui manigance, tue, empoisonne pour accéder au pouvoir. Le bossu, boiteux qui termine son règne par cette célèbre réplique « Mon royaume pour un cheval ».


Candice et Jones vont se rencontrer. S’apprécier. S’aimer. Presque. Les conditions de vie sont difficiles au cours de cet hiver. Le pays se recroqueville, « La peur. Voilà bien une preuve de la faiblesse de l’Angleterre. (...) L’Angleterre est une petite vieille qui n’a plus la force de rien. L’Angleterre est sur le déclin. » Au cours de cet hiver, les Travaillistes au pouvoir vont multiplier les erreurs. Jusqu’à l’arrivée de Thatcher. Comme Trump il y a peu, elle a fait campagne sur ce slogan basique : « I want Britain to be great again ».

Clash et Buzzcocks   
On suit les difficultés au quotidien de nos deux tourtereaux en même temps que la prise de pouvoir par « Maggie ». Cette dernière croisera même le chemin de Candice. Un matin la répétition est annulée, le théâtre a été loué par les Conservateurs pour donner des cours de diction à leur chef.

Un roman aussi désenchanté que les musiques de l’époque. Car si les artistes punk hurlent leur refus de toute autorité, au final toutes ces chansons n’auront pas servi à grand-chose. Les titres des chapitres forment une play list parfaite de la période. Trente morceaux rock, des Clash à Pink Floyd en passant par les Sex Pistols ou les Buzzcocks. Le son d’un hiver de sinistre mémoire pour le petit peuple anglais.

➤ « L’hiver du mécontentement » de Thomas B. Reverdy, Flammarion, 18 €

samedi 24 décembre 2016

Polar : Agatha Raisin n’a pas la main verte

L’héroïne de M. C. Beaton, présentée comme la nouvelle Miss Marple, amène de l’animation dans son village anglais.

La campagne anglaise, ses vertes pelouses, ses pubs, sa pluie, ses meurtres mystérieux et ses enquêtrices insoupçonnées. Il y a eu Miss Marple d’Agatha Christie et puis plus récemment Agatha Raisin de M. C. Beaton, autre grande dame de la littérature anglaise. Mais là où Miss Marple était sage et bienveillante, démasquant les meurtriers tout en parlant couture avec ses amies, Agatha est plus « cash ». Ses amies elle les retrouve au pub, aime bien boire, se met souvent en colère et en bonne ancienne Londonienne, a tendance à prendre d’un peu haut les provinciaux du village de Corsely dans les Cotswolds.
Pour sa troisième aventure publiée pour la première fois en français dans la collection dédiée à cette héroïne, le lecteur découvre toute la complexité des concours horticoles britanniques. Dans ce petit village, au mois d’août, tous les jardins sont ouverts au public. Le plus beau reçoit un prix décerné par un jury indépendant. Agatha Raisin, de retour sous la brume anglaise après des vacances au soleil (jeune retraitée elle profite de son temps libre) décide de se lancer dans l’aventure.
Mais elle a fort à faire face à une nouvelle arrivante experte en jardinage. Mary Fortune, toujours habillée en vert, encore jeune et au corps parfait, a de plus la mauvaise idée d’être devenue la meilleure amie de James Lacey, le célibataire le plus convoité du village.
■ Étrange plantation
Ce même James avec qui Agatha a résolu ses précédentes enquêtes et qu’elle aimerait bien mettre dans son lit pour pimenter les longues soirées d’hiver solitaires. Agatha est jalouse. Et vaniteuse. Elle ne remporte pas le concours, mais sa rivale non plus. « Quelqu’un avait planté Mary Fortune. Sa tête n’était pas visible : elle était dans la terre. On avait suspendu Mary par les chevilles, avant d’enfouir sa tête dans un grand pot en terre cuite. Ses pieds étaient accrochés par une corde à l’un des crochets plantés dans les poutres du plafond pour y suspendre des pots de fleurs. » Agatha Raisin revit. Enfin un nouveau meurtre dans le village et l’occasion de démontrer toute sa perspicacité pour démasquer le tueur. D’autant que ce drame la rapproche de James...
M. C. Beaton, d’une écriture simple et souvent pleine d’esprit, raconte essentiellement les rapports humains dans un petit village anglais. Un polar provincial en somme. Comme l’œuvre de cette romancière est gigantesque, deux nouveaux romans paraitront tous les trois mois (il y en tout plus de trente enquêtes de Miss Raisin). Après le jardinage, faites une promenade dans la verte campagne en découvrant « Mortelle randonnée ».
➤ « Pas de pot pour la jardinière » et « Randonnée mortelle », deux enquêtes d’Agatha Raisin par M. C. Beaton, Albin Michel, 14 €

jeudi 27 octobre 2016

DVD et blu-ray : Magouilles d'est en ouest

Référence absolue en matière de roman d’espionnage tendance « guerre froide », John Le Carré, à 80 ans passés, n’a pas déposé les armes. Il signe toujours des romans ancrés dans leur époque et n’hésite pas à en superviser leur adaptation sur grand écran. «Un traitre à son goût» paru en 2011, devient «Un traitre idéal» en 2016 au cinéma dans une réalisation de Susanna White.

Sa sortie en DVD permet de retrouver toute la force des intrigues imaginées par John Le Carré. Il n’est plus question cette fois d’espionnage entre états mais de magouilles financières entre les garants de la démocratie anglaise et les nouveaux maîtres du Kremlin entièrement dévoués à la mafia russe. Tout débute par des vacances au Maroc. Un couple d’Anglais Perry et Gail (Ewan McGrégor et Naomie Harris) croisent la route de Dima (Stellan Skarsgård), riche Russe exubérant. Dima se confie à Perry. Il cherche à sauver sa famille des griffes de la mafia. Il détient des documents qui pourraient compromettre certains haut responsables anglais. Il veut les vendre au contre-espionnage britannique contre l’immunité des siens. Gail va servir de messager. Un rôle difficile à tenir pour cet universitaire, plus habitué à l’analyse des textes de Shakespeare qu’aux blanchiment de l’argent sale. Sa femme, avocate, va entrer dans la danse et l’aider. Une opération internationale sous la houlette d’un agent aux méthodes peu orthodoxes : Hector interprété par Damian Lewis.
Parfois un peu lent et compliqué, ce film vaut surtout pour les numéros d’acteurs particulièrement convaincants. On placera en tête la performance de Stellan Skarsgård, acteur suédois fidèle de Lars Von Trier, apportant folie et humanisme à un Russe lassé d’une vie trop violente et en quête d’un peu de tranquillité. 
➤ « Un traitre idéal », Studiocanal, 19,99 €

mardi 25 octobre 2016

Cinéma : Misère d’une Angleterre à l’agonie

ken loach, daniel blake, chômage, angleterre
Ken Loach, Palme d’or au dernier festival de Cannes, titre à boulets rouges sur le système social britannique dans "Moi, Daniel Blake, histoire du crépuscule d’une société solidaire.

Si les Français se plaignent souvent de l’inefficacité de leur administration, ils feraient mieux avant de vouer tous les fonctionnaires aux gémonies d’aller voir « Moi, Daniel Blake », film de Ken Loach lauréat de la palme d’or au dernier Festival de Cannes. La situation de Daniel Blake (Dave Johns), menuisier de 59 ans, est digne d’un roman à la Kafka. Victime d’une crise cardiaque, il a du cesser de travailler. Il se remet lentement sur pied. Le temps est venu de revoir sa situation. Il doit répondre à un long questionnaire pour savoir s’il bénéficie toujours de l’aide spécifique. Des dizaines de questions absurdes comme « pouvez-vous vous mettre un chapeau sur la tête ? » Et quand le verdict tombe, il découvre qu’il n’a pas obtenu assez de « points » (12 alors qu’il en faut au minimum 15) pour conserver son allocation.
■ Une belle amitié
Sans ressource, il n’a plus qu’à contester la décision (et rester des mois sans aucune rentrée d’argent) ou s’inscrire au chômage, tout en sachant parfaitement que les médecins ne lui permettront pas de travailler... Résigné, il joue le jeu, malgré la mauvaise volonté des fonctionnaires qui ne cessent de le menacer de sanction s’il ne fait pas les choses exactement comme il faut. Une « sanction » consistant à suspendre son chômage durant quelques semaines. Dans les faits, d’anonymes serviteurs de l’état ont droit de vie ou de mort sur d’honnêtes travailleurs. Toute la révolte de Ken Loach est contenue dans ce rapport de force entre un système toujours plus in- égalitaire et des victimes qui n’ont plus que leur bonne foi pour tenter de survivre. La situation de Daniel Blake pourrait faire rire au second degré. Tant de bêtise, de rigorisme. Reste que ce n’est pas gratuit. Ce harcèlement moral a pour but de faire craquer les demandeurs. Il ne leur reste plus qu’à rejoindre les hordes de pauvres dans les files d’attente des banques alimentaires. Daniel y va finalement, pas pour lui mais pour donner du courage à sa voisine, Katie (Hayley Squires), mère isolée de deux enfants. Il va l’aider, oublier sa propre misère pour tenter de lui redonner cette envie de vivre, de s’en sortir, même si l’on a l’impression que tous les dés sont pipés. La belle amitié entre Daniel et Katie apporte une belle lumière à cette histoire austère. Mais le monde étant celui que l’on connaît, la fin du film nous replonge dans la réalité, la dure et triste réalité d’un quotidien devenu inhumain. 
Ken Loach : « Le peuple contre les puissants »

Lors de la remise des trophées en mai dernier à Cannes, le réalisateur de « Moi, Daniel Blake » a profité de cette mise en lumière pour répéter son crédo. Un discours politique, résolument à gauche, comme pour se prévenir des risques de dérives vers l’extrême droite. « Le cinéma est porteur de nombreuses traditions, l’une d’entre elles est de présenter un cinéma de protestation, un cinéma qui met en avant le peuple contre les puissants, j’espère que cette tradition se maintiendra » a-t-il notamment expliqué.
Dans son film il dresse un constat alarmant sur la paupérisation de toute une classe ouvrière anglaise, souvent qualifiée, mais trop âgée pour remettre en cause son fonctionnement. Au moindre problème de santé, c’est la dégringolade. Pour Ken Loach, « Le libéralisme favorise le maintien d’une classe ouvrière vulnérable et facile à exploiter. Ceux qui luttent pour leur survie font face à la pauvreté ». Conséquence, « les pauvres doivent accepter qu’on les tienne pour responsables de leur pauvreté. C’est ce qu’on constate à travers toute l’Europe et dans le reste du monde ».
Depuis, le Brexit est passé par là, Trump est candidat aux USA et en France, la présidentielle risque de se jouer au second tour entre la droite extrême et la droite forte. 

samedi 18 juin 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Les immondes du foot

Je n'ai rien contre le football en soi. Mais plus le temps passe, plus je constate que seul le ballon est exempt de reproches. Chaque jour de l'Euro apporte son lot de déconvenues. Bagarres entre supporters, gestes équivoques de joueurs : les scandales s'accumulent au contraire des beaux gestes. Ne revenons pas sur le supposé bras d'honneur de Pogba, accordons lui le bénéfice du doute même si les images exhumées par la télé belge ne laissent que peu d'équivoque sur l'intention première.
Non, la plaie du football, ce sont les supporters. Ces hordes ne respectent plus aucune limite dès lors qu'elles se rassemblent en bande. Dernier exemple en début de semaine à Lille. Des dizaines de fans de l'équipe anglaise, attablés aux terrasses des cafés, ingurgitent des bières en quantité astronomique. Arrivent trois enfants roms mendiant quelques sous. La scène, filmée par des touristes, est édifiante. Immonde aussi. Les supporters jettent des piécettes dans la rue et rient en encourageant les enfants à se battre pour les ramasser. D'autres poussent un petit Rom de 7 ans à boire une bière contre quelques euros.
Mais qui sont ces monstres qui s'amusent à humilier des gamins ? On en espérerait presque que des hooligans russes débarquent par surprise et leur inculquent un peu de gentillesse à grands coups de pied dans le fondement. Bien que ces mêmes Russes, une fois torse nu, dévoilent leur vrai visage en arborant des tatouages de croix gammées.
Non, décidément, pour l'instant, il y a quelque chose de pourri dans le royaume de l'Euro.

dimanche 13 septembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - So British

Depuis toujours, ils représentent à mes yeux les ennemis absolus, la personnification de la détestation. La faute aux retransmissions, les samedis après-midi, des matches du Tournoi des V Nations. Les méchants, ce sont les Anglais, ces brutes en blanc qui jouent pour une reine alors que mes Français combattent pour la liberté. À une semaine du lancement de la coupe du monde, peu rassuré par les performances des Bleus, je suis quand même serein.
Perdre face aux Blacks ou aux Wallabies m'indiffère. À la limite ma fibre nationale disparaît face à la beauté du jeu de l'hémisphère Sud. Par contre, face aux Anglais, je tremble et ne peux m'empêcher de chercher des excuses ailleurs. Formaté par les commentaires de Roger Couderc et Pierre Albaladejo, tels des sermons venus de Dieu le père en personne, je perds toute objectivité lorsque les British envahissent le terrain. Je ne vois plus des sportifs vaillants et rudes au combat mais des "dopés, méchants, violents, vicieux et tricheurs." Assertions totalement fausses, injustes et mensongères.
À vrai dire j'ai même l'impression que les rugbymen d'outre-manche sont plus forts que la moyenne. Comme dans ce dessin animé à leur gloire où les joueurs grandissent pour finalement se transformer en géants surpuissants impossibles à arrêter.
Par chance, le tableau de la coupe du monde est bien ficelé. Pas de France-Angleterre en vue avant les demi-finales. D'ici là je me régalerai de matches ouverts et spectaculaires. Car le rugby à XV, quand il est joué par des artistes, devient le sport le plus télégénique qui soit.

En bonus, le fameux dessin animé des géants anglais...

dimanche 30 août 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - L'attraction de la dépression


Les Anglais m'énervent. Trop brillants, trop originaux. Nous en France, quand on crée des parcs d'attraction, ils glorifient soit Disney, soit des pointures de la BD comme Astérix et prochainement Spirou près d'Avignon. Outre-Manche, vous pouvez visiter jusqu'à fin septembre Dismaland, parc d'attraction « lugubre et sinistre » tout droit sorti de l'imagination de Banksy, l'artiste de rue sans visage. Présenté comme ça, Dismaland ne semble pas particulièrement attractif (un comble pour un espace qui en porte le nom), pourtant je rêve de débourser les quatre euros demandés pour visiter la vingtaine d'animations. Loin du politiquement correct, Banksy dénonce avec violence les pires dérives de notre société. 
Aidé d'autres artistes aussi subversifs que lui, il propose par exemple une pêche aux canards dans une piscine remplie de pétrole avec en son centre un cormoran englué dans l'or noir. Sur le manège à cheval, un mannequin, en blouse de boucher, est assis sur une caisse de lasagnes. Les enfants peuvent faire du toboggan depuis le toit d'un fourgon de police et dans une petite rivière, des barques surchargées de mannequins-migrants tournent en rond sans jamais pouvoir rejoindre la terre ferme. 
C'est sale, glauque, monstrueux... et fascinant. Comme un amplificateur de notre monde en perdition. Le public répond présent, le parc ne désemplit pas. Le plus dingue en reste la localisation : une petite station balnéaire près de Bristol. Alors maintenant, quel homme politique de la région aura le courage de proposer la création d'un Port Banksy à demeure pour dynamiser le tourisme local ?

jeudi 8 janvier 2015

Cinéma - L'amour sous les drapeaux avec "Queen and country" de John Boorman

John Boorman poursuit son autobiographie dans « Queen and country », film où il raconte sa période « soldat, appelé sous les drapeaux », amoureux transi d'une belle inconnue.


Malgré ses 80 ans, John Boorman a encore le regard pétillant du gamin curieux de tout. Après « Hope and Glory », tourné en 1987, film dans lequel il retraçait son enfance anglaise sous les bombardements nazis en pleine seconde guerre mondiale, il a reconstitué son appel sous les drapeaux. Bill Rohan (Callum Turner) a 18 ans et une soif de vivre incommensurable. Mais en 1952, l'Angleterre n'en a pas terminé avec le service militaire. Il est appelé pour deux ans, avec la crainte d'être envoyé en Corée participer à cette guerre, dommage collatéral de l'affrontement indirect entre Chine et Etats-Unis. A la caserne, il rencontre Percy (Caleb Landry), aussi extravagant et provocateur que Bill est calme et réservé. Ce duo va en baver lors des classes, l'occasion pour le réalisateur pour dénoncer la bêtise de l'esprit militaire. Bill et Percy, au lieu de partir pour l'extrême-orient, vont être affectés à la formation des jeunes recrues. Vu leurs aptitudes guerrières, ils sont affectés à des cours de... dactylographie.


Lors de rares sorties, ils tentent de séduire de belles inconnues. Pour une fois que leur uniforme leur est véritable utile. Bill pourrait tomber amoureux de l'espiègle Sophie (Aimee-Ffion Edwards) élève infirmière aux petits seins si charmants. Mais son tempérament romantique le pousse à suivre une distinguée inconnue, Ophelia (Tamsin Egerton) au regard plein de mystères.

Militaires ridicules
Si le film de John Boorman raconte cet amour impossible, il vaut surtout par la description de la vie à la caserne. Les militaires en prennent pour leur grade. Un supérieur psycho rigide complique la vie des deux jeunes hommes, suspectés même d'être des agents infiltrés des « rouges ». Percy accumule les bravades et devient un parfait tire-au-flanc en prenant des cours auprès du meilleur d'entre eux, le soldat Digby (Brian F. O'Byrne). Il s'est inventé une hernie très pratique : obligé de la maintenir en permanence avec sa main droite, il est dispensé de salut. De plus, il ne peut ni porter de poids, ni s'accroupir. Une vie de rêve. Entre comique et nostalgie, « Queen ans Country » dresse le portrait d'une jeunesse insouciante, où le sexe n'est pas encore omniprésent, qui se morfond en caserne mais ne manque pas de projet. Pour Bill, ce sera le cinéma. John Boorman boucle la boucle en se filmant en train de réaliser ses premiers petits films, dans le jardin familial. La suite, c'est une carrière immense, jalonnée de quelques chef-d'oeuvres (voir ci-contre).

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John Boorman, 50 ans de carrière

« Delivrance », « Excalibur », « Hope ans Glory »... John Boorman n'a pas énormémént tourné durant sa longue carrière, mais il a privilégié la qualité. Alternant les styles, il s'est imposé tant dans le thriller que la grade fresque historique ou la romance nostalgique.
« Queen and Country » est la suite directe de « Hope and Glory ». Bill, encore gamin, vivaitt sous les bombes en pleine guerre mondiale. Il était témoin de l'aventure de sa mère, du coup de foudre de sa sœur pour un soldat canadien. Dans le nouveau film, la sœur est de retour d'Amérique, célibataire mais maman. La mère de Bill, une fois son mari de retour au foyer la guerre terminée, a repris sa vie comme si de rien n'était. Mais tous les matins elle continue à saluer cet homme qui passe devant chez elle et qu'elle a follement aimé durant quelques mois.
Rien à voir avec les scènes hallucinantes de « Delivrance ». Choc au moment de sa sortie, la descente aux enfers de ces quatre américains pris en chasse par des fous furieux a provoqué nombre de cauchemars et certainement provoqué la désertion de certaines vallées reculées de France et de Navarre.
Encore plus majestueux, « Excalibur » mélange histoire et fantastique. L'épopée du roi Arthur et de son épée magique permet au réalisateur de grandioses scènes, renforcées par une musique tonitruante. Plus que du grand spectacle, une expérience mystique qui ouvre bien des portes à une nouvelle perception.
Par contre, « Zardoz », avec Sean Connery, ne restera pas dans les annales de la science-fiction. Mais un seul faux-pas en 50 ans, c'est un beau bilan.



samedi 20 septembre 2014

Cinéma : “Pride” ou l’union des opprimés

Quand une association de gays et lesbiennes se mobilise pour des mineurs en grève, le résultat est émouvant.

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L’Angleterre durant les années 80 a vécu bien des drames avec l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher. La fameuse dame de fer, en plus de laisser mourir les grévistes de la faim de l’IRA, a mené une véritable guerre contre les syndicats ouvriers. Exemple avec la grève des mineurs qui a duré plus d’une année. La solidarité a joué à fond, mais rapidement les familles, sans revenus, sont acculées. Les policiers de leur côté multiplient les arrestations et provocations. Dans ce contexte, quelques militants londoniens de la cause homosexuelle décident de collecter des fonds pour aider les mineurs.

Gallois compréhensifs
Problème : quand ils contactent les syndicats, ces derniers ne veulent pas de cet argent. Les clichés ont la vie dure dans les milieux populaires. En désespoir de cause, le groupe d’ami propose les fonds à un petit village gallois. Sur un malentendu, le comité de soutien aux mineurs accepte. Une grande aventure débute, avec beaucoup d’obstacles et une grande fierté à l’arrivée.



Réalisé par Matthew Warchus, ce film est un petit bijou de comédie sociale anglaise. Il prend le temps de planter le décor. D’abord dans la communauté gay en donnant du corps aux militants, de Jonathan (Dominic West) à Mark (Ben Schnetzer) excellent en idéaliste de la lutte des opprimés en passant par Joe (George Mackay), jeune gay qui vit dans le secret, famille intolérante oblige. Et puis il passe aux mineurs, du leader syndical (Paddy Considine) à Sian (Jessica Gunning), la femme de l’ombre.
Entre les bars gays du Londres à la pointe de la libération sexuelle et la salle des fêtes du petit village gallois, le gouffre est immense. Pourtant, à force d’ouverture d’esprit, de discussion et d’épreuves, les deux communautés vont se comprendre, s’apprécier. Ce ne sera pas sans heurts ni crise, mais même si au final les mines au Pays de Galles ne sont plus qu’un lointain souvenir, il restera dans les mémoires cette union des opprimés qui a beaucoup fait pour l’avancée des droits civiques au Royaume-Uni. Un choc des cultures sur une terre bouillonnante toujours prête à s’enflammer. Une incontestable réussite qui va bien au-delà des simples problèmes de lutte syndicale ou de tolérance.

jeudi 25 avril 2013

Billet - La danse urbaine hypnotique de la dame à l'arrêt de bus

Loin de tout buzz fabriqué (genre Harlem Shake), la Dancing Queen de l'arrêt de bus anglais prouve que sur internet, le vrai, le non trafiqué, aura toujours plus de force que tous les plans com' du monde.
Tout commence par un de ces matins gris dans une banlieue anglaise. Un internaute remarque une dame en train de se dandiner à l'arrêt de bus. Il filme la scène avec son smartphone. En net sur-poids, mal fagotée -pantalon large noir, veste polaire bleu ciel, baskets usées), le cheveu filasse : elle incarne l'exact opposé d'une danseuse étoile ou d'une Fauve, la féline vedette de « Danse avec les stars ». Pourtant ces deux minutes de chorégraphie discrète deviennent quasi hypnotiques dès lors qu'on les visionne avec le tube d'Abba, « Dancing Queen » en fond sonore. La danseuse urbaine croit être seule, à l'abri des regards. Pieds joints, elle marque le rythme de la musique avec la tête, bouge un peu les bras, prolonge le mouvement du bout des doigts. Et elle sourit. Souvent. Une danse minimaliste, celle des gens qui n'osent pas bouger, prisonniers de leur corps, enveloppe extérieure disgracieuse, mais si libres à l'intérieur. Elle est d'une grâce étonnante avec une économie de moyens, de gestes. Elle ne danse pas pour être vue. Elle danse pour elle, par pur hédonisme. D'ailleurs elle redevient statue dès que quelqu'un approche. On devine une parenthèse dans sa vie que l'on imagine assez terne. De ces moments dont il ne tient qu'à nous de profiter. 

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue lundi en dernière page de l'Indépendant.