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jeudi 10 octobre 2024

Cinéma - “Megalopolis” de Coppola dense et visionnaire

Un architecte visionnaire tente de façonner la ville du futur. « Megalopolis » est un film immense de Francis Ford Coppola, mûri depuis 40 ans.


Chaque créateur a, caché derrière un coin de son subconscient, une grande œuvre qu’il désire ardemment proposer au public. Une sorte de message absolu, synthèse de tout ce qu’il entend laisser après son passage sur terre. Dans le cas de Francis Ford Coppola, on pourrait penser que c’est du passé. Qu’entre Apocalypse now et Le Parrain, il a déjà suffisamment interpellé l’imaginaire de plusieurs générations de spectateurs et marqué durablement l’histoire du cinéma.

Pourtant, depuis plus de 40 ans, il a cette histoire de Megalopolis dans ses cartons. Un film qui sort enfin sur grand écran après un passage en compétition au dernier festival de Cannes. De la Croisette, Megalopolis n’a rien ramené. Logique, car le film, tout en restant totalement à part, grande œuvre foisonnante bourrée de trouvailles et de performances d’acteurs, reste trop généraliste et brouillon pour emporter l’adhésion sans condition des cinéphiles. Déroutant aussi, car c’est de la science-fiction particulièrement tarabiscotée.

Dans un futur proche et incertain, Cesar Catalina (Adam Driver), architecte et inventeur d’un nouveau matériau, le megalon, veut repenser toute la cité du futur. Il s’oppose au maire Cicero (Giancarlo Esposito). Une véritable guerre qui a pour arbitre Julia (Nathalie Emmanuel), fille du maire et maîtresse de Cesar. Un peu de tragédie, de la politique nuancée par des histoires d’amour et de pouvoir : la trame de l’histoire est dense. Pas toujours évidente. On ne comprend pas forcément les buts des différents protagonistes. Le maire veut-il véritablement le bien de ses administrées ? Cesar est-il ce théoricien froid et sans cœur, dépressif depuis la mort de sa première femme ? Qui est Julia, la gravure de mode s’exhibant dans des sorties médiatiques de fille à papa dans la jet-set ou une femme à l’écoute, capable de bonifier tout ce qu’elle côtoie ?

Un film grave mais qui n’en oublie pas d’être distrayant quand intervient Clodio, cousin jaloux de César, admirablement incarné par un Shia Labeouf qui va très loin dans le politiquement incorrect, se travestissant jusqu’au grotesque. Il a cette réplique qui devrait devenir culte : « La vengeance est un plat qui se déguste en robe de soie ». Cela ne suffit pas pour rattraper l’ensemble.

On est forcément un peu déçu. Le nouveau Coppola semble bien insipide et peu inspiré face à ses films de légende. Le futur, parfois, est plus décevant que le passé.

Film de Francis Ford Coppola avec Adam Driver, Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel, Shia LaBeouf

mardi 1 octobre 2024

Cinéma - Mais au final, qui sont vraiment “Les barbares” ?

Ce village breton se mobilise pour accueillir des réfugiés ukrainiens. Ce sont des Syriens qui débarquent. Une comédie satirique très politique signée Julie Delpy.

Même sur le marché des réfugiés de guerre, certaines nationalités ont plus la cote que d’autres. Il y a un peu plus de deux ans, des milliers de communes de France se sont mobilisées pour accueillir des familles en provenance d’Ukraine. La petite ville de Paimpont, en Bretagne, décor du film Les barbares de Julie Delpy, en fait partie. Un appartement est spécialement rénové pour accueillir une famille. Mais la veille de l’arrivée, il n’y a plus d’Ukrainiens sur le marché. Alors ce sont des Syriens qui débarquent chez des Bretons interloqués. « On n’a pas voté pour ça » fait remarquer, vert de rage, Hervé Riou (Laurent Lafitte) conseiller municipal, plombier et plutôt d’extrême droite alors que le maire « parle couramment le Macron ».

Comédie satirique et humaniste, le film de Julie Delpy détricote nos indignations et solidarités à géométrie variable. Elle se donne le beau rôle en interprétant Joëlle, l’institutrice du village qui a tout organisé pour accueillir les Ukrainiens.

Mais elle est bien seule pour réserver le même accueil aux Syriens. Sa meilleure amie d’enfance, Anne (Sandrine Kiberlain), a déjà plus de difficultés. La faute aussi à son mari, l‘épicier du village, qui la trompe avec la charcutière. Ce qui explique sans doute sa tendance à noyer ses malheurs dans l’alcool. La relation entre les deux femmes, l’une célibataire, l‘autre malheureuse en couple, fait partie de ces petites touches qui apportent une formidable richesse à un long-métrage foisonnant de seconds rôles forts.

On est ainsi bluffé par le seul agent de la police municipale, Johnny (Marc Fraize), vite dépassé face au moindre signe de violence. Il est vrai qu’il est venu en Bretagne pour oublier les affaires qu’il a dû traiter quand il était à la crim’ en région parisienne.

Pour être crédible, le scénario ne devait pas être trop caricatural. Difficile pourtant d’aborder le sujet sans faire une critique en règle des a priori profondément ancrés dans la mentalité des villageois persuadés que ces Syriens sont des «barbares».

Cela donne quelques portraits savoureux comme ce vieux paysan bio toujours partant pour faire la révolution ou cette infirmière sous la coupe d’un mari toxique et autoritaire. La force du film c’est aussi de ne pas épargner les « bons », l’institutrice frisant le ridicule dans son discours féministe. Reste le meilleur : la famille syrienne. Déracinés, endeuillés, ils se sentent rejetés, tout en savourant de pouvoir dormir pour la première fois depuis 4 ans dans un vrai lit et sous un toit.

Et comme c’est une comédie positive, la fin se veut optimiste. Reste que l’on se demande qui sont les véritables barbares dans l’affaire.

Film de et avec Julie Delpy et aussi Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, India Hair, Jean-Charles Clichet, Marc Fraize

 

mercredi 26 juillet 2023

Cinéma - « Le Retour » familial


Film social sur l’accomplissement de la famille, Le retour de Catherine Corsini est un brûlot mettant en opposition deux mondes que tout oppose, le prolétariat d’origine immigrée en provenance de banlieue à la haute bourgeoisie, pétrie de bons sentiments de gauche mais première à afficher condescendance envers « ses » pauvres tout en faisant le maximum pour figer la situation. 

Le fait que l’action se passe en Corse, l’été, ne fait qu’ajouter le côté brûlant et urgent du sujet de société encore plus d’actualité de nos jours que du temps des premières escarmouches entre ces deux planètes que tout éloigne. 

Le retour c’est celui de Khédidja (Aïssatou Diallo Sagna) dans l’île où sont nées ses deux filles, Jessica (Suzy Bemba) et Farah (Esther Gohourou). Il y a quinze ans, elle a littéralement fui son foyer pour refaire sa vie en région parisienne. Assistante maternelle au service d’un couple aisé, elle est sollicitée pour s’occuper des trois jeunes enfants du couple durant leurs vacances dans une superbe maison qui domine un paysage de rêve. Les ados sont invitées aussi. Elles traînent sur la plage du camping où elles sont hébergées. Jessica, brillante, prépare Science-Po.

 Farah, provocatrice et bercée par les paroles du rap, traîne sans but si ce n’est de voler quelques sacs et un pain de cannabis pour le revendre à la sauvette sur la plage. Le début du film se concentre sur la vie des jeunes. Mais petit à petit le passé revient sur le devant de la scène. On découvre les failles de la mère, les raisons de sa fuite, son mal-être, ses mensonges répétés pour protéger ses filles. Une décomposition familiale inéluctable, comme si les liens entre ces trois femmes pourtant unies malgré leurs différences, fondaient littéralement au soleil cuisant de la Corse. 

Et quand la problématique de classes s’invite dans ce jeu de chamboule tout, le trio explose. 

Un film d’une efficacité et d’un réalisme absolus. Porté par l’interprétation d’un trio magique. Très étonnant qu’il n’ait pas reçu, ex æquo, le prix d’interprétation féminine, tant cette prestation d’ensemble est aboutie.

« Le retour », film de Catherine Corsini avec Aïssatou Diallo Sagna, Suzy Bemba, Esther Gohourou

dimanche 18 juin 2023

Cinéma - « Vers un avenir radieux » de Nanni Moretti, le cinéma de l’utopie

Le grand réalisateur italien Nanni Moretti se raconte dans ce film gigogne sur le cinéma, ses travers, sa force, sa poésie.


Plus qu’une simple leçon de cinéma, Vers un avenir radieux de Nanni Moretti est un film qui respire la joie de filmer, de créer, d’imaginer et de faire rêver. Une œuvre à part, où le 7e art est le véritable héros, n’en déplaise à certains producteurs grossiers qui n’imaginent pas un film sans un moment « what the fuck ? » Présenté en compétition à Cannes et revenu bredouille, le film a sans doute souffert de son côté trop léger et optimiste. Étrange paradoxe de notre époque où le cinéma ne peut qu’être noir et sombre, alors qu’il compte, avant tout, dans la vie des gens pour les divertir, les faire s’évader.

Pour parler de son art, Nanni Moretti interprète Giovanni, un cinéaste (sans doute inspiré de son propre parcours), qui se lance dans le tournage d’un film sur la position du parti communiste italien lors de l’insurrection de Budapest en 1956. Un sujet hautement politique, alors que Giovanni rêve de tourner un film d’amour truffé de chansons italiennes.

Netflix, violence gratuite

Produit par sa femme, Paola (Margherita Buy), et Pierre (Mathieu Amalric), un Français un peu mythomane, le film avance lentement. Car Giovanni est exigeant. Il supervise tout, des titres des journaux de l’époque aux fausses bouteilles d’eau minérale utilisées par les acteurs. Ces derniers doivent suivre ses dialogues à la lettre et ne pas improviser « à la Cassavettes », comme tente de le faire la vedette féminine Vera (Barbora Bobulova). Le tournage est de plus en plus laborieux et plus rien ne va dans la vie privée de Giovanni. Sa femme décide de le quitter. L’argent arrive à manquer, la production s’arrête à mi-chemin.

Alors, il ne reste plus qu’une solution à Giovanni : accepter de rencontrer les nouveaux rois de la production audiovisuelle : Netflix. Une scène hilarante, où les technocrates de la plateforme de streaming n’ont de cesse de faire remarquer que le film, s’ils acceptent de l’acheter et de le produire, sera diffusé dans 190 pays. 190 pays ! Vous vous rendez compte, 190 pays…

On appréciera aussi la séquence où Giovanni débarque sur le tournage d’une comédie d’action d’un jeune cinéaste prometteur et va dynamiter l’ultime scène, trop violente à son goût. Entre petits tracas quotidiens, éclairs de génie d’un grand cinéaste, négociations avec les comédiens et les fournisseurs, lubies et rituels à la limite de la superstition, on en apprend beaucoup sur le quotidien d’un réalisateur. Mais que cela ne vous empêche pas d’apprécier, à sa juste mesure, le très joli final de Vers un avenir radieux, film d’une utopie qui redonne foi dans la vie.

Film de et avec Nanni Moretti et aussi Margherita Buy, Silvio Orlando, Mathieu Amalric

mardi 28 mars 2023

Cinéma - “Houria”, danseuse blessée dans sa chair

Jeune danseuse dans une Algérie corsetée, Houria va voir ses rêves s’envoler. Mais elle se relèvera.

Dans l’Algérie de nos jours, les femmes n’ont que peu d’occasions de s’exprimer. Comme sa mère Sabrina (Rachida Brakni), Houria (Lyna Khoudri) veut devenir danseuse. Mais si la première se produit dans les mariages et fêtes privées dans un registre traditionnel, Houria vise l’excellence avec un but : être repérée par un producteur de danse classique et devenir professionnelle. Avec sa meilleure amie, Sonia (Amira Hilda Douaouda), elles ont des rêves de liberté, d’Occident. Femmes de ménage dans un hôtel la journée, elles économisent. Sonia épargne pour payer un passeur et rejoindre l’Espagne puis Barcelone. Houria mise ses économies dans des combats de béliers illégaux avec l’ambition de payer une voiture à sa mère.

Houria, second film de Mounia Meddour après Papicha, de nouveau porté par une Lyna Khoudri rayonnante, va plus loin que cette lutte au quotidien des femmes algériennes pour être reconnues dans la société. Il y a en toile de fond le problème des plaies encore ouvertes de la guerre civile.

Terroriste repenti et gracié 

La vie de Houria bascule quand elle croise la route d’un ancien terroriste. Un repenti, gracié après une loi controversée pour tirer un trait sur le passé. L’homme qui conserve sa haine des femmes et sa violence va agresser la jeune femme. Commotion cérébrale et surtout une cheville en miettes. Elle se réveille avec des vis dans ce qu’elle considérait comme sa meilleure chance de s’en sortir.

Plongée dans un mutisme traumatisant, Houria va suivre des séances de rééducation et côtoyer un groupe de femmes muettes. C’est pour elles qu’elle va recommencer à aimer la danse. Pas la classique, celle contemporaine qui donne plus de place au haut du corps, à l’expression des mains et du visage. Tout en conservant cette tension intrinsèque à la société algérienne (police corrompue, justice impuissante), le film va s’alléger avec le travail sur la danse mené par Houria pour des femmes elles aussi blessées dans leur chair.

Les scènes où elles dansent, toutes unies dans une volonté de s’exprimer malgré les interdits, sont d’une exceptionnelle beauté. Des chorégraphies et une musique qui font aussi tout le charme de ce grand film sur l’Algérie actuelle. Ou plus exactement le triste quotidien des femmes algériennes de 2023.


Film de Mounia Meddour avec Lyna Khoudri, Amira Hilda Douaouda, Rachida Brakni

 

lundi 1 août 2022

Cinéma - Toute une vie “En décalage”

Elle entend les sons en retard. L'héroïne de ce film espagnol voit sa vie bouleversée par une maladie rare.

Exigeante, experte, professionnelle. La meilleure dans son domaine. C. (Marta Nieto) est ingénieure du son dans un studio espagnol. Elle travaille à la synchronisation finale d’un film. Elle rajoute quelques bruitages, affine les tonalités des dialogues. Une femme active par excellence, mais remplie de failles, personnage principal de En décalage, film ténébreux et parfois angoissant de Juanjo Giménez Peña.

Récemment séparée de son compagnon, C. passe beaucoup de temps à son travail. Au point que parfois elle préfère dormir dans la salle de travail au lieu de rentrer dans son appartement. Le surmenage la guette. La dépression aussi. Est-ce cette conjonction de situations conflictuelles qui lui provoque ce dysfonctionnement de l’audition ? Alors qu’elle réécoute le montage son final du film, elle constate qu’un léger décalage existe entre image et son. Dans un premier temps, elle se persuade que c’est un défaut dans le logiciel. Mais, rapidement, elle constate que c’est elle qui perçoit les sons avec quelques secondes de retard. Une durée qui va en s’amplifiant. Incapable de travailler, elle se retrouve en situation très compliquée, virée de son appartement et de son travail.

Obligée de retourner vivre chez sa mère, retraitée, C. replonge dans son enfance, quand elle avait de gros problèmes d’élocution et que son père la faisait travailler en l’enregistrant. Cette maladie du décalage est-elle une réminiscence de ces difficultés enfantines . A moins qu’elle n’ait une origine génétique ?

Le talent de Marta Nieto 

Ce film, entre thriller, étude psychologique avec un soupçon de fantastique (le décalage devient si grand, qu’elle peut entendre des voix dans des pièces longtemps après le dialogue) est un rôle en or pour Marta Nieto. Déjà encensée pour sa composition dans Madre de Rodrigo Sorogoyen, elle confirme sa force et sa présence dans cette histoire où elle doit beaucoup s’exprimer sans parler. L’émotion est très vite omniprésente : son désespoir de ne plus pouvoir travailler, son inquiétude de découvrir les secrets de famille, sa crainte de l’amour de son collègue Ivan (Miki Esparbé). Un sans faute pour cette comédienne d’exception.

Film espagnol de Juanjo Giménez Peña avec Marta Nieto, Miki Esparbé

 

lundi 18 juillet 2022

Cinéma - Sorogoyen filme la Galice profonde dans “As Bestas”


Rodrigo Sorogoyen aime la France. Le public français aime ses films. Après le succès de Que Dios nos perdone, il confirme avec El Reino sur les magouilles politiques de l’Espagne contemporaine. Il prend un tournant francophone avec Madre, le récit se déroulant sur la côte landaise. Il poursuit sur cette voie avec deux comédiens français en vedette de son nouveau film, As Bestas.

Denis Ménochet et Marina Foïs interprètent un couple s’installant dans un village de Galice. Ils vivent dans une ferme et retapent des maisons abandonnées afin de faire revenir des habitants dans cette région durement touchée par l’exode rural. Un beau projet qui ne plaît pas à tout le monde.

C’est là que le film de Sorogoyen devient universel. Deux frères, vivant depuis toujours sur ces terres, ne supportent pas cette arrivée de sang neuf. De sang étranger surtout. Car pour eux, les Français ne sont pas, et ne seront jamais, chez eux. C’est leur terre, leur pays, leur propriété. Un conflit qui arrive si souvent de nos jours, attisant les rancœurs, les frustrations, développant la violence. Le film va ainsi devenir de plus en plus oppressant, à mesure que l’affrontement semble inéluctable.

Sorogoyen se révèle toujours aussi doué avec notamment un plan séquence qui devrait être enseigné dans toutes les écoles de cinéma.

Film de Rodrigo Sorogoyen avec Marina Foïs, Denis Ménochet, Luis Zahera.

 

vendredi 20 mai 2022

DVD - Les "Tromperies" selon Desplechin et Philip Roth


DVD et Blu-ray.
Philip Roth, écrivain juif américain, est le personnage principal de « Tromperie » (Le Pacte Vidéo) film d’Arnaud Desplechin, tiré du roman du même nom sorti en 1990. Philip (Denis Podalydès), écrivain originaire de New York, vit en exil à Londres. Il quitte sa femme (Anouk Grinberg) tous les matins pour rejoindre un studio qui lui sert de bureau. Là, il écrit. Il passe surtout des heures en compagnie de sa maîtresse anglaise (Léa Seydoux). Ils font l’amour et parlent. 

Léa Seydoux, lumineuse, d’une beauté incandescente dans les bras de son romancier qui sait si bien l’écouter, alterne moments de pur bonheur (quel sourire craquant), à d’autres de tristesse infinie. Car Philip, tout en lui conseillant de divorcer, de quitter son mari qu’elle n’aime plus, ne peut rien lui offrir que ces moments de plaisirs charnels doublés de longues discussions.

dimanche 26 décembre 2021

DVD - L’honneur du lieutenant Onoda

Attendez vous à un choc visuel et narratif en découvrant de film de guerre signé Arthur Hariri. Un réalisateur français qui ose un sujet à mille lieues des productions souvent sans surprise de ses confrères. Onoda, c’est le nom de ce soldat japonais isolé sur une île aux Philippines qui est resté caché dans la jungle trente années après la fin des hostilités. Le lieutenant Onoda était devenu une légende, un exemple pour tout un peuple qui reste fier de son armée et de son code d’honneur

Un sujet austère a priori, mais la virtuosité d’Arthur Hariri transforme ce huis clos forestier en immense film dans lequel on se surprend à être complètement immergé. Non seulement on comprend les sentiments du lieutenant Onoda, mais on l’envie presque de sa détermination à toute épreuve. Durant près de trois heures (2 h 45 exactement), on va découvrir comment un officier est parvenu à maintenir quelques-uns de ses soldats dans une discipline de fer, malgré l’isolement, la faim et l’absence totale d’information. 

Onoda désirait être pilote. Mais il a le vertige. Alors on lui propose une mission suicide contre un porte-avions américains. Il renoncera au dernier moment. L’état-major, au lieu de le blâmer, le recrute et va faire de cet instinct de survie vie supérieur un atout. Il sera chargé d’organiser la résistance, la guérilla, dans une île stratégique des Philippines. Avec l’interdiction absolue de mourir. Il va accomplir sa mission au-delà de toutes les espérances. 

Sorti l’été dernier, Onoda n’a pas rencontré son public. Sa sortie en coffret DVD et blu-ray (Le Pacte) devrait lui donner une seconde chance. L’occasion aussi de découvrir en bonus des reportages sur la création de Onoda : l’image, le scénario, la musique et des conversations avec les comédiens ainsi que les premières œuvres du réalisateur, un moyen-métrage La Main sur la gueule (207) et un court-métrage, Peine Perdue (2013). 

mercredi 22 juillet 2020

Cinéma - « Madre » ou l’histoire d’un deuil impossible

Le virtuose madrilène Sorogoyen revient avec un portrait surpuissant.


Maria Neto campe une mère à la dimension mythologique face à Jules Porier, angélique.  Le Pacte

La réalisation de ce film a débuté en 2016. Avant de se lancer dans le tournage du remarquable long-métrage Que Dios nos perdone, Rodrigo Sorogoyen nouveau prodige du cinéma espagnol, signe Madre, un court-métrage en un seul plan séquence. Elena (Maria Neto), en compagnie de sa mère, rentre dans son appartement madrilène. Elles discutent de tout et de rien quand le portable sonne. C’est Ivan, le fils d’Elena, qui appelle. La mère est contente car il est parti pour une semaine en camping avec son père sur les plages françaises. Mais si Ivan téléphone, c’est parce qu’il est inquiet, seul sur la plage déserte, son papa ne revenant pas après de longues minutes d’absence. 

Les batteries du téléphone sont presque vides. Il voit un homme qui l’observe. Il le raconte avec ses mots d’enfants et Elena commence à paniquer. La tension monte, la caméra virevolte autour d’Elena, Ivan a de plus en plus peur. Il tente de se cacher, mais l’homme le retrouve. La communication coupe quand on entend une voix adulte parlant français à Ivan. Fin du court-métrage et de l’ouverture angoissante à l’extrême de Madre, le film de 2020. 

La folle de la plage

Une prouesse saluée partout dans le monde, remportant  nombre de prix jusqu’à l’apothéose et sa nomination aux Oscars. Rapidement, Rodrigo Sorogoyen a eu l’idée de prolonger l’histoire d’Elena, de donner une suite à Madre. C’est chose faite avec ce film qui sort en plein été, après la période de confinement, loin de la zone de confort qu’il mériterait. 

Car Madre, en conservant le court en préambule, se détourne du thriller, genre dans lequel le réalisateur excelle, pour se concentrer sur le portrait de cette femme incapable de faire son deuil. La communication coupe et on retrouve Elena dix ans plus tard. Elle vit dans les Landes, là où son enfant a disparu. Il devrait avoir 16 ans aujourd’hui. Elle arpente le sable à la recherche de son fils. Les locaux la surnomment la folle de la plage... 

Serveuse dans un restaurant en bord de mer, elle observe les adolescents. Comme si son fils allait réapparaître à tout moment. Et quand elle croise le chemin de Jean (Jules Porier), elle a un doute. Elle le suit et découvre qu’en fait il vient de Paris, a deux frères et passe ses vacances avec ses parents. 

Elena retourne à sa nostalgie, sa non vie. Mais Jean a remarqué le manège de la serveuse et avec l’aplomb de sa jeunesse, il drague ouvertement la belle Elena. Incrédule, sans doute flattée, elle ne résistera que mollement à Jean. Et volera ainsi quelques moments de complicité avec ce presque jeune homme, comme si cette tête bouclée et ce visage d’ange étaient réellement son fils. En évitant tous les écueils propres à ce genre d’histoires (Jean est mineur), Rodrigo Sorogoyen parvient à émouvoir. 

A double titre. Par le bonheur fugace d’Elena, profitant enfin durant quelques heures de la vie mais aussi dans les yeux de Jean, découvrant les jeux de l’amour et s’opposant à ses parents trop bourgeois à son goût. Cette fausse romance aurait pu être un simple amour d’été, c’est finalement le double portrait d’une femme et d’un homme passant à l’âge adulte. 

Film espagnol de Rodrigo Sorogoyen avec Marta Nieto, Jules Porier, Anne Consigny

 


lundi 4 mai 2020

DVD et VOD - « Monos », adolescents dans la fièvre de la jungle



Disponible en vidéo à la demande et en DVD, Monos d’Alejandro Landes fait partie de ces films uniques, au ton jamais entendu, surprenant du début à la fin. Une œuvre où comédiens professionnels doivent jouer avec des amateurs encore plus vrais que nature. Le tout dans une nature sauvage et pas toujours hospitalières, omniprésente, véritable vedette de cette histoire.
De nos jours en Colombie, un groupe d’adolescents enrôlés dans l’armée révolutionnaire clandestine, est chargé de surveiller une otage américaine. Cette femme, médecin, est une monnaie d’échange précieuse. Il faut la préserver. Les jeunes la détiennent presque au sommet d’une montagne. Il y fait froid et humide. Des conditions de vie extrêmes. Régulièrement , un messager vient prendre des nouvelles de l’otage. Cette fois, en plus, il amène une vache laitière qui permettra d’améliorer l’ordinaire de la troupe et de la prisonnière. 
La première partie du film raconte la vie de ces jeunes, six garçons et deux filles, coupés du monde, s’amusant malgré tout, dans la boue et le froid. Tout bascule quand la vache est ruée par inadvertance. Ils sont tous armés de mitraillette et une rafale est vite tirée, juste pour briser le silence. La panique gagne le groupe, l’union se désagrège, la violence prend le dessus. 
Tourné dans des conditions éprouvantes, ce long-métrage du Brésilien Alejandro Landes risque de vous marquer. Par les émotions fortes qu’il suscite mais aussi les paysages majestueux d’immensité et de liberté, denrées particulièrement rares depuis quelques semaines. Donc si vous avez envie d’un bol d’air frais, regardez en urgence Monos, vous ne serez pas déçu.

mercredi 18 mars 2020

VOD. La nouvelle misère anglaise sous la caméra de Ken Loach




Ceux qui pensaient que la vente à distance allait profiter du confinement se sont trompés. Il apparaît que la Poste et les points de retrait, souvent des petits commerces non alimentaires, sont plus que perturbés. Difficile donc de récupérer livres ou DVD achetés sur les plateformes. Une mauvaise nouvelle pour tous les indépendants qui triment comme des esclaves afin livrer chez vous ce que vous avez acheté 48 heures plus tôt.
Ces nouveaux boulots (de merde) sont décortiqués ou plutôt autopsiés par Ken Loach dans « Sorry we missed you », film disponible en DVD depuis trois semaines mais aussi visionnable immédiatement en VOD.
Ricky (Kris Hitchen) cherche du boulot. La quarantaine, il se sent trop vieux pour travailler en hiver sur les chantiers. Il aimerait être son propre boss. Justement il postule pour devenir livreur de colis indépendant. Le dernier adjectif n’est que virtuel. Il bosse pour une seule société qui ne paye que le colis livré, à l’heure et au bon endroit.
Habitué aux films à forte valeur sociale, Ken Loach s’attaque dans cette œuvre à l’ubérisation du travail en Grande-Bretagne. Nous écrivions lors de la sortie du film en salles « Si vous avez l’habitude de commander des produits sur internet de vous faire livrer à domicile, ce film risque de vous dégoûter d’une pratique finalement très insidieuse. Certes vous n’avez plus à vous déplacer, mais dans la chaîne, les quelques euros supplémentaires servent en réalité à maintenir dans la précarité, presque la servilité, des dizaines d’hommes et de femmes qui n’ont plus de vie. » Mais ça, c’était avant le confinement.

« Sorry we missed you », film de Ken Loach disponible en DVD et sur toutes les plateformes de VOD (vidéo à la demande). 

mercredi 24 octobre 2018

DVD et blu-ray : l'avocat japonais tourmenté de "The Third Murder"

Un avocat japonais est chargé de défendre un homme accusé du meurtre de son patron. Pour tenter d’éviter la peine de mort, l’accusé prétend que c’est la femme du mort qui a commandité l’assassinat. Mais l’avocat doute de la véracité de la version officielle. Ce thriller de Hirokazu Kore-eda raconte avec minutie le travail d’un avocat. Son empathie pour aider le client, ses doutes et failles personnelles.

Un film noir et oppressant, à l’intrigue implacable.

➤ « The Third Murder », Le Pacte, 19,99 €

mardi 21 août 2018

Jaoui - Bacri : la célébrité est-elle un problème de moumoute ?


Un film d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, dans le paysage souvent morose du cinéma français, ne peut que réjouir le spectateur amateur de rires sarcastiques et de drô- lerie originale. « Place publique » n’échappe pas à la règle. Si vous avez raté le film en salles, n’hésitez pas à faire l’acquisition du DVD ou blu-ray en vente depuis hier. Bacri et Jaoui interprètent un couple séparé. Castro est une vedette de la télévision. Star vieillissante, un peu dé- bordée par les jeunes et les nouveaux écrans. Elle est une idéaliste, toujours en lutte contre les injustices, bien à l’abri matériellement dans l’ombre de son nouveau compagnon, un dentiste triste à mourir. Ils se retrouvent lors d’une fête organisée par la productrice de Castro (Léa Drucker). Une fête où est également conviée la fille de Castro et Hélène. Cette dernière, devenue romancière, va publier une autofiction. Elle y égratigne indirectement ses parents, parlant de la moumoute du père et de l’égoïsme de la mère. Quand ils s’en rendent compte, c’est un véritable procès qui attend la jeune romancière.

Le film, en plus d’enchaîner les situations et répliques cocasses, est un brillant réquisitoire contre la société du spectacle. La télévision, mais aussi les nouveaux médias, en prennent pour leur grade. Avec Jaoui et Bacri, ça saigne et ça fait mal. Il n’y a malheureusement pas de bonus dans les coffrets, mais on se contentera de l’interprétation, sur le générique de fin, de « Osez Joséphine » de Bashung par un Bacri magistral.

➤ « Place Publique », Le Pacte, 14,99 € le DVD et 19,99 € le bluray.

mercredi 21 mars 2018

Cinéma : La prière plus forte que la drogue

LE FILM DE LA SEMAINE. Cédric Kahn raconte le parcours d’un toxicomane sauvé par la religion



Anthony Bajon, jeune acteur débutant, porte le personnage de Thomas, toxicomane en plein dé- crochage aux drogues dures. Une performance hors normes, physique et intérieure, récompensée justement par le prix d’interpré- tation masculine à la dernière Berlinade. Thomas est quasiment de tous les plans de ce film de Cédric Kahn. On ne sait pas d’où il vient, quel est son parcours. On se doute que cela n’a pas dû être rose tous les jours à voir la balafre qui orne sa pommette gauche. Dans une voiture, il regarde le paysage magnifique de la montagne à l’automne. Petites routes puis chemins de pierre et arrivée enfin à la communauté. Une ferme qui abrite en son sein une vingtaines d’anciens toxicomanes ou alcooliques, comme Thomas. Que des hommes. Ils cultivent un jardin, aident les paysans du coin et surtout prient. Ils prient Dieu ensemble, comme pour éloigner toute tentation ou pensée négative.

Le principe des premiers jours est simple. Jamais Thomas ne sera laissé seul. Son « ange gardien » Pierre (Damien Chapelle) l’accompagne partout. Plus qu’une surveillance, c’est une aide permanente qu’il lui offre. Une écoute aussi. Et surtout pas de jugement, principe de base de la communauté. Comme le rappelle, le chef Marco (Alex Brendemühl), ils sont tous passés par là avant lui. Ils ont connu la descente aux enfers, puis les crises de manque. Tous n’ont pas réussi à s’en sortir. Ils ont quitté la communauté. Mais tant que Thomas sera là, il devra se soumettre à ces règles.

 Fuite et retour
L’état d’hébétude du fougueux jeune homme ne lui permet pas de juger au début. Mais rapidement il reprend ses esprits. Son libre arbitre aussi. Car dans une scène violente et destructrice, il rejette ces hommes résignés, devenus membres d’une secte. Rage violente et fuite. En pleine nuit, il quitte la ferme, marche de longues heures dans le froid pour atteindre enfin un village. Mais sans argent ni point de chute, il va se réfugier dans la ferme où il a travaillé récemment. Il y a rencontré Louise, une jeune étudiante. Elle l’accueille, le raisonne et il retourne à la communauté. Pour se donner une seconde chance. De s’en sortir. De revoir Louise aussi.

En plaçant l’amour au même niveau que la prière, Cédric Kahn permet à son film de briser cet enfermement réducteur. Il n’y a pas que la religion pour sortir de l’enfer de la drogue. Thomas décroche, se sent même comme investi d’une mission pour servir Dieu. Une conversion superbement interprétée par Anthony Bajon. Performance d’autant plus réussie que l’on sent, en permanence, que tout reste fragile, comme joué. Le film aurait pu être primaire, c’est finalement une réflexion pleine de bienveillance et de doute.

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Paroles du réalisateur : "C’est l’histoire d’un type qui dit « Sauvez-moi ! »



Cédric Kahn s’explique sur le scénario, le tournage et le casting de « La Prière ». « A la base on avait un scénario classique. On racontait l’avant, d’où venait le gars. Finalement ça ne fonctionnait pas du tout. L’histoire n’a marché qu’à partir du moment où on a mis la thérapie et la prière au centre du récit. Le film commence au moment où il arrive et s’achève quand il part. Comme dans un western quand le type frappe à la porte du ranch et dit ‘Sauvez-moi !’. Bizarrement, tous les détails qu’on racontait sur le personnage principal affaiblissaient l’histoire ».
 « On n’a pas fait de casting spécifique pour le personnage d’Anthony. On a cherché le groupe en se disant que le protagoniste arriverait parmi eux. On leur faisait faire deux tests : une prière et un témoignage. En fait ceux qui priaient bien, ce n’était pas les croyants mais les bons acteurs. Pour le rôle principal, je cherchais un garçon avec beaucoup de présence, d’intensité, de violence, mais aussi une forme de candeur, un lien fort à l’enfance. »
« Je voulais de la montagne, du paysage, un sentiment d’isolement, mais aussi d’espace, d’éternité. On a cherché dans les Pyrénées, dans les Alpes. Et on est arrivé dans le Trièves, en Isère, un plateau large entouré de montagnes à 360°. Un lieu magique, préservé, mélange de beauté et de rudesse. L’endroit idéal pour raconter cette histoire. Ce paysage est devenu un personnage du film à part entière. »

 ➤ « La prière », comédie dramatique de Cédric Kahn (France, 1 h 47) avec Anthony Bajon, Damien Chapelle, etc.

vendredi 9 mars 2018

DVD et blu-ray : Aglaé se délocalise


India Hair est Aglaé. Aglaé est une employée modèle. Consciencieuse et travailleuse. Elle adore son métier de chercheuse en crash automobile. Aussi, quand l’usine doit être délocalisée en Inde, elle est la seule à demander sa mutation. Cette étrange comédie d’Eric Gravel a des airs de sketch du Groland. Aglaé, avec ses tics et ses tocs embarque dans sa folie deux collègues interprétées par Elisabeth Depardieu et Yolande Moreau. Et comme la direction refuse de leur payer un billet d’avion pour rejoindre la nouvelle usine, elles décident de s’y rendre en voiture. Passée la Pologne, seule Aglaé poursuit sa route. Au Kazakhstan elle trouve l’amour. Mais n’en démord pas : l’Inde l’attend. Si la critique sociale n’est pas violente, elle dénonce cependant les délocalisations et surtout la façon dont les patrons traitent les ouvriers. Quant à India Hair, sa bouille rêveuse et mutine illumine le film de bout en bout, des plaines kazakhs aux montagnes chinoises en passant par les quartiers rupins de Suisse. 

➤ « Crash Test Aglaé », Le Pacte Vidéo, 12,99 € le DVD, 19,99 € le blu-ray

mercredi 28 juin 2017

Cinéma : Deux belles âmes prennent la route

VISAGES VILLAGES. Agnès Varda et JR à la rencontre de la France rurale.




Totalement improbable. Et pourtant merveilleux. Comment Agnès Varda, princesse de la Nouvelle Vague, cinéaste du réel et monstre sacré du cinéma d’art et essai, a-t-elle trouvé la ressource et la force pour se lancer dans la réalisation de ce film avec JR, photographe à la démarche originale, transcendant l’anonymat et le grand format dans les rues ? « Je suis allé la voir chez elle, se souvient JR. Le lendemain elle est venue dans mon atelier. Le surlendemain on partait en tournage, à l’aventure. »


Une sacrée aventure, qui va durer deux années, à raison de quelques jours de tournage par mois, Agnès Varda, bientôt 90 ans, ayant besoin de repos pour récupérer de ces escapades fatigantes. Son idée à elle : aller à la rencontre des gens vivant dans les villages. Son but : photographier ces inconnus dans son « camion magique » et afficher leurs visages sur les murs disponibles près de chez eux. Ou carrément sur leur habitation comme c’est le cas dans la première séquence, dans le Nord, sur la maison de corons de Jeannine, promise à la démolition (lire ci-contre).
On va donc aller à la rencontre de Français et Françaises, du Sud, du Nord, de l’intérieur ou du bord de mer. Des actifs, des retraités, loin de la civilisation ou au cœur de leur lieu de travail. Un instantané d’une certaine France, diverse et fascinante. Une France que l’on connaît sans toujours y accorder plus d’attention. C’est aussi la grande qualité de ce film, entre fiction et documentaire, entre intime et universel.
■ Montage aux petits oignons
Le montage, supervisé par Agnès Varda qui avoue que c’est son activité préférée dans la fabrication du cinéma, permet de lier ces sé- quences a priori disparates. Le génie c’est de mêler les relations et sentiments des deux artistes, parfois émerveillés en même temps, mais aussi pas toujours d’accord. JR parvient à transformer Agnès en modèle, ses rides et adorables petits pieds s’affichant sur des wagons de marchandises pour traverser la France. Agnès bougonnant contre le culte du secret de JR, refusant de parler de sa vie privée et encore plus de retirer son chapeau et ses lunettes noires.
Un fil rouge qui pourrait être agaçant mais qui au final se transforme en grand moment de cinéma, de ces scènes qui, n’en doutons pas, deviendront mythiques dans quelques générations. Exercice appliqué de narration cinématographique qui devrait être enseigné à tous les apprentis réalisateurs et scénaristes.
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Un film "avec les gens"



« Résister à la paresse et à l’imbécillité », tel est le credo d’Agnès Varda. Son moteur aussi pour continuer à tourner, photographier, exposer. A 89 ans elle ne voulait plus se lancer dans de grands projets, mais le travail de JR, sa démarche, sa sympathie aussi, l’ont convaincue. Leur première rencontre semble de l’ordre du coup de foudre. D’un petit jeune qui a toujours eu de la tendresse pour les vieilles personnes. D’une mamie pour qui le partage est essentiel. Alors elle a conduit JR dans le Nord, à la rencontre des descendants des derniers mineurs de fond. JR a reproduit des photos d’époque en grand format et les a collées sur ces maisons de briques. Ils ont sonné aux portes, pour avoir des témoignages et sont tombés sur Jeanine. Une résistante, dernière à habiter dans cette rue. Une première séquence prometteuse. Avec une histoire et de l’émotion.
Décision est prise de multiplier les déplacements, d’en faire un film. JR pensait que le seul nom d’Agnès Varda lui ouvrirait toutes les portes du financement. Que nenni. « Je suis une célébrité à la marge » note malicieusement la cinéaste qui n’a pourtant plus rien à prouver. Ils se sont battus, sont passés par le crowfunding et ont mené à bien leur projet. Le triomphe à Cannes (Œil d’or du meilleur documentaire) a donné raison à JR qui refuse d’être un « bagnard publicitaire » et qui de ce fait réalise un film « sans les marques, avec les gens ».

vendredi 23 juin 2017

De choses et d'autres : Paris à l'espagnole


Je viens de passer trois jours à Paris. Bien choisi ma période moi... Trois jours totalement caniculaires, étouffants, avec alerte pollution à la clé. A la descente du TGV, mardi, j’ai eu des relents d’arrivées sous les tropiques, quand on ouvrait la porte de l’appareil et qu’une bouffée de chaleur enveloppait les pauvres touristes occidentaux peu habitués à de telles différences de températures. Un Paris presque équatorial. Et pas un brin de vent, ni tramontane, ni marinade qui rafraîchissent un peu en cas de fortes chaleurs. En surface le goudron fond. Mais le pire est au sous-sol, dans le métro qui prend des airs d’enfer. Dans les couloirs, ça va à peu près, mais dans les rames, notamment les plus anciennes totalement dépourvues de climatisation, c’est intenable. Et l’accessoire à la mode est l’éventail. La ligne 6 a des airs andalous. D’autant qu’un des buts de ma visite est de voir en avant-première « Que dios nos perdone », film de Rodrigo Sorogoyen (sortie en France le 9 août). Un thriller implacable sur le Madrid de 2011, entre viol de femmes âgées, visite du pape pour les JMJ et début de l’insurrection des Indignés. « Petit problème technique, prévient l’organisateur, il n’y a pas de climatisation dans la salle...» Normal, ce vieux cinéma de quartier, spacieux et au cachet certain, n’a pas anticipé le réchauffement climatique. Cela tombe bien finalement car le film se déroule l’été, en pleine canicule. On est plongé dans l’ambiance quand un des héros constate que « les gens sentent plus » (je confirme dans le métro). Et comme de nombreuses Espagnoles sont dans la salle, les éventails sont authentiques et maniés avec une grâce indéniable.
(Chronique parue le 23 juin 2017 en dernière page de l'Indépendant)

jeudi 1 juin 2017

DVD et blu-ray : Rêves brisés de « La Communauté »



Thomas Vinterberg, réalisateur de « La Communauté », a largement puisé dans ses souvenirs d’enfance pour écrire le scénario de ce film moderne et nostalgique. Moderne car il montre comment dans les années 70 au Danemark, une certaine idée de la solidarité et du collectivisme permettait à des hommes et femmes de vivre en communion avec amis et inconnus. Nostalgie car ces expériences communautaires ont quasiment toutes disparu, victimes de l’évolution de la société de plus en plus individualiste.



Sur l’impulsion de sa femme, présentatrice à la télévision nationale, Erik décide de conserver la vaste maison qu’il vient d’hériter à la mort de son père. C’est beaucoup trop grand pour ce couple uni qui a une fille, Freja, adolescente.Ils ouvrent alors les nombreuses chambres à une dizaine d’amis et tel un entretien d’embauche, décident de qui peut ou ne peut pas vivre avec eux. Le début du film montre cette période enthousiaste. Anna (Trine Dyrholm) retrouve de sa jeunesse avec l’apport de ces nouvelles personnalités. Freja se découvre un frère de substitution et Henrich, le plus sceptique au début, se laisse séduire par la douce folie de ses colocataires. Mais comme trop souvent dans les histoires de couple, l’amour fait des siennes. Heinrich succombe aux charmes d’une de ses étudiantes. Et Anna, dans l’esprit de la communauté, demande à ce qu’elle vienne vivre dans la maison commune. Un ménage à trois impossible...
On retient du film l’interprétation deTrineDyrholm,touchante dans la peau de cette femme blessée qui tente de faire bonne figure. On apprécie aussi les bonus, notamment un long entretien avec le réalisateur qui se livre un peu plus sur son histoire personnelle.
➤ « La communauté », Le Pacte Vidéo, 19,99 €

mercredi 17 mai 2017

Ouverture de Cannes : le festival arrive presque chez vous avec la sortie du film d'Arnaud Desplechin

LES FANTÔMES D’ISMAËL. Le nouveau film d’Arnaud Desplechin en ouverture du festival et déjà à l'affiche dans les salles de la région.

Le festival de Cannes, en plus d’être le rendez-vous mondial du cinéma de qualité, est une opportunité forte pour mettre en lumière certains longs-métrages. Une sélection au festival, si elle se combine à une sortie dans la foulée dans les salles françaises, assure une visibilité maximale car ce sont des centaines de journalistes français qui couvrent l’événement. Avec un bémol, l’impossibilité de voir les œuvres avant leur première diffusion au Palais.
C’est le cas des « Fantômes d’Ismaël », film d’Arnaud Desplechin hors compétition mais qui a le grand honneur d’être présenté en ouverture, avant le début des choses sé- rieuses. Présenté ce mercredi soir, il est aussi à l’affiche dans des centaines de salles. Dans la région il est programmé au Castillet à Perpignan, au Colisée à Carcassonne et au Cinéma (théâtre) de Narbonne. On retrouve en tête de distribution trois vedettes françaises habituées des grands rendez-vous. D’abord la star incontestée, Marion Cotillard, souvent décriée pour ses apparitions dans les grosses productions américaines après le succès de « La Môme », mais qui gère avec une grande classe et un réel talent ses films d’auteurs (Mal de Pierres, Juste la fin du monde). Elle interprète la femme disparue, et qui revient on ne sait d’où. C’est elle qui va hanter Ismaël, le cinéaste qui a refait sa vie avec une femme plus jeune. Mathieu Amalric endosse l’habit du veuf (mais pas trop) torturé. Charlotte Gainsbourg est l’espoir, le renouveau, l’avenir. Un trio classique ? Pas du tout, Arnaud Desplechin est à la manœuvre et le réalisateur de « Trois souvenirs de ma jeunesse » n’est pas un adepte du vaudeville.



■ Cinq films en un
Dans des notes de production, seules indications sur le film résumé par la phrase sibylline « À la veille du tournage de son nouveau film, la vie d’un cinéaste est chamboulée par la réapparition d’un amour disparu… », Arnaud Desplechin explique que « Les Fantômes d’Ismaël » est un film comprenant cinq films. « C’est le portrait d’Ivan, un diplomate qui traverse le monde sans n’y rien comprendre. C’est le portrait d’Ismaël, un réalisateur de film qui traverse sa vie sans n’y rien comprendre non plus. C’est le retour d’une femme, d’entre les morts. C’est aussi un film d’espionnage… Cinq films compressés en un seul, comme les nus féminins de Pollock. Ismaël est frénétique. Et le scénario est devenu frénétique avec lui ! Pourtant, Ismaël dans son grenier essaie de faire tenir ensemble les fils de la fiction… »
Les autres films de Cannes, notamment les étrangers, ne sont pas encore programmés. Par contre deux autres créations hexagonales seront diffusées en salles le jour même de leur présentation au jury présidé par Pedro Almodovar.
Mercredi 24 mai (au Castillet et au Cinéma (théâtre) de Narbonne), découvrez le « Rodin » de Jacques Doillon avec Vincent Lindon et Izia Igelin. Un biopic du célèbre sculpteur dans lequel on retrouvera avec curiosité Séverine Caneele, la jeune Nordiste, ouvrière en usine, qui a débuté sa carrière cinématographique dans « L’Humanité » de Bruno Dumont en remportant, à la surprise générale, le prix d’interprétation féminine.
Enfin à partir du 26 mai (programmé au Castillet) place à « L’amant double » de François Ozon. En compétition, il pourrait faire beaucoup parler de lui pour son côté sulfureux, écopant même d’une interdiction aux moins de 12 ans avec avertissement. Chloé (Marine Vacth), une jeune femme fragile et dé- pressive, entreprend une psychothérapie et tombe amoureuse de son psy, Paul (Jérémie Rénier). C’est peu de dire que nous sommes impatients de découvrir la nouvelle pépite du réalisateur toujours novateur de « Frantz » (en noir et blanc) ou « Une nouvelle amie » (avec Romain Duris en travesti).