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lundi 1 août 2022

Cinéma - Toute une vie “En décalage”

Elle entend les sons en retard. L'héroïne de ce film espagnol voit sa vie bouleversée par une maladie rare.

Exigeante, experte, professionnelle. La meilleure dans son domaine. C. (Marta Nieto) est ingénieure du son dans un studio espagnol. Elle travaille à la synchronisation finale d’un film. Elle rajoute quelques bruitages, affine les tonalités des dialogues. Une femme active par excellence, mais remplie de failles, personnage principal de En décalage, film ténébreux et parfois angoissant de Juanjo Giménez Peña.

Récemment séparée de son compagnon, C. passe beaucoup de temps à son travail. Au point que parfois elle préfère dormir dans la salle de travail au lieu de rentrer dans son appartement. Le surmenage la guette. La dépression aussi. Est-ce cette conjonction de situations conflictuelles qui lui provoque ce dysfonctionnement de l’audition ? Alors qu’elle réécoute le montage son final du film, elle constate qu’un léger décalage existe entre image et son. Dans un premier temps, elle se persuade que c’est un défaut dans le logiciel. Mais, rapidement, elle constate que c’est elle qui perçoit les sons avec quelques secondes de retard. Une durée qui va en s’amplifiant. Incapable de travailler, elle se retrouve en situation très compliquée, virée de son appartement et de son travail.

Obligée de retourner vivre chez sa mère, retraitée, C. replonge dans son enfance, quand elle avait de gros problèmes d’élocution et que son père la faisait travailler en l’enregistrant. Cette maladie du décalage est-elle une réminiscence de ces difficultés enfantines . A moins qu’elle n’ait une origine génétique ?

Le talent de Marta Nieto 

Ce film, entre thriller, étude psychologique avec un soupçon de fantastique (le décalage devient si grand, qu’elle peut entendre des voix dans des pièces longtemps après le dialogue) est un rôle en or pour Marta Nieto. Déjà encensée pour sa composition dans Madre de Rodrigo Sorogoyen, elle confirme sa force et sa présence dans cette histoire où elle doit beaucoup s’exprimer sans parler. L’émotion est très vite omniprésente : son désespoir de ne plus pouvoir travailler, son inquiétude de découvrir les secrets de famille, sa crainte de l’amour de son collègue Ivan (Miki Esparbé). Un sans faute pour cette comédienne d’exception.

Film espagnol de Juanjo Giménez Peña avec Marta Nieto, Miki Esparbé

 

mercredi 22 juillet 2020

Cinéma - « Madre » ou l’histoire d’un deuil impossible

Le virtuose madrilène Sorogoyen revient avec un portrait surpuissant.


Maria Neto campe une mère à la dimension mythologique face à Jules Porier, angélique.  Le Pacte

La réalisation de ce film a débuté en 2016. Avant de se lancer dans le tournage du remarquable long-métrage Que Dios nos perdone, Rodrigo Sorogoyen nouveau prodige du cinéma espagnol, signe Madre, un court-métrage en un seul plan séquence. Elena (Maria Neto), en compagnie de sa mère, rentre dans son appartement madrilène. Elles discutent de tout et de rien quand le portable sonne. C’est Ivan, le fils d’Elena, qui appelle. La mère est contente car il est parti pour une semaine en camping avec son père sur les plages françaises. Mais si Ivan téléphone, c’est parce qu’il est inquiet, seul sur la plage déserte, son papa ne revenant pas après de longues minutes d’absence. 

Les batteries du téléphone sont presque vides. Il voit un homme qui l’observe. Il le raconte avec ses mots d’enfants et Elena commence à paniquer. La tension monte, la caméra virevolte autour d’Elena, Ivan a de plus en plus peur. Il tente de se cacher, mais l’homme le retrouve. La communication coupe quand on entend une voix adulte parlant français à Ivan. Fin du court-métrage et de l’ouverture angoissante à l’extrême de Madre, le film de 2020. 

La folle de la plage

Une prouesse saluée partout dans le monde, remportant  nombre de prix jusqu’à l’apothéose et sa nomination aux Oscars. Rapidement, Rodrigo Sorogoyen a eu l’idée de prolonger l’histoire d’Elena, de donner une suite à Madre. C’est chose faite avec ce film qui sort en plein été, après la période de confinement, loin de la zone de confort qu’il mériterait. 

Car Madre, en conservant le court en préambule, se détourne du thriller, genre dans lequel le réalisateur excelle, pour se concentrer sur le portrait de cette femme incapable de faire son deuil. La communication coupe et on retrouve Elena dix ans plus tard. Elle vit dans les Landes, là où son enfant a disparu. Il devrait avoir 16 ans aujourd’hui. Elle arpente le sable à la recherche de son fils. Les locaux la surnomment la folle de la plage... 

Serveuse dans un restaurant en bord de mer, elle observe les adolescents. Comme si son fils allait réapparaître à tout moment. Et quand elle croise le chemin de Jean (Jules Porier), elle a un doute. Elle le suit et découvre qu’en fait il vient de Paris, a deux frères et passe ses vacances avec ses parents. 

Elena retourne à sa nostalgie, sa non vie. Mais Jean a remarqué le manège de la serveuse et avec l’aplomb de sa jeunesse, il drague ouvertement la belle Elena. Incrédule, sans doute flattée, elle ne résistera que mollement à Jean. Et volera ainsi quelques moments de complicité avec ce presque jeune homme, comme si cette tête bouclée et ce visage d’ange étaient réellement son fils. En évitant tous les écueils propres à ce genre d’histoires (Jean est mineur), Rodrigo Sorogoyen parvient à émouvoir. 

A double titre. Par le bonheur fugace d’Elena, profitant enfin durant quelques heures de la vie mais aussi dans les yeux de Jean, découvrant les jeux de l’amour et s’opposant à ses parents trop bourgeois à son goût. Cette fausse romance aurait pu être un simple amour d’été, c’est finalement le double portrait d’une femme et d’un homme passant à l’âge adulte. 

Film espagnol de Rodrigo Sorogoyen avec Marta Nieto, Jules Porier, Anne Consigny