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mercredi 22 juillet 2020

Cinéma - « Madre » ou l’histoire d’un deuil impossible

Le virtuose madrilène Sorogoyen revient avec un portrait surpuissant.


Maria Neto campe une mère à la dimension mythologique face à Jules Porier, angélique.  Le Pacte

La réalisation de ce film a débuté en 2016. Avant de se lancer dans le tournage du remarquable long-métrage Que Dios nos perdone, Rodrigo Sorogoyen nouveau prodige du cinéma espagnol, signe Madre, un court-métrage en un seul plan séquence. Elena (Maria Neto), en compagnie de sa mère, rentre dans son appartement madrilène. Elles discutent de tout et de rien quand le portable sonne. C’est Ivan, le fils d’Elena, qui appelle. La mère est contente car il est parti pour une semaine en camping avec son père sur les plages françaises. Mais si Ivan téléphone, c’est parce qu’il est inquiet, seul sur la plage déserte, son papa ne revenant pas après de longues minutes d’absence. 

Les batteries du téléphone sont presque vides. Il voit un homme qui l’observe. Il le raconte avec ses mots d’enfants et Elena commence à paniquer. La tension monte, la caméra virevolte autour d’Elena, Ivan a de plus en plus peur. Il tente de se cacher, mais l’homme le retrouve. La communication coupe quand on entend une voix adulte parlant français à Ivan. Fin du court-métrage et de l’ouverture angoissante à l’extrême de Madre, le film de 2020. 

La folle de la plage

Une prouesse saluée partout dans le monde, remportant  nombre de prix jusqu’à l’apothéose et sa nomination aux Oscars. Rapidement, Rodrigo Sorogoyen a eu l’idée de prolonger l’histoire d’Elena, de donner une suite à Madre. C’est chose faite avec ce film qui sort en plein été, après la période de confinement, loin de la zone de confort qu’il mériterait. 

Car Madre, en conservant le court en préambule, se détourne du thriller, genre dans lequel le réalisateur excelle, pour se concentrer sur le portrait de cette femme incapable de faire son deuil. La communication coupe et on retrouve Elena dix ans plus tard. Elle vit dans les Landes, là où son enfant a disparu. Il devrait avoir 16 ans aujourd’hui. Elle arpente le sable à la recherche de son fils. Les locaux la surnomment la folle de la plage... 

Serveuse dans un restaurant en bord de mer, elle observe les adolescents. Comme si son fils allait réapparaître à tout moment. Et quand elle croise le chemin de Jean (Jules Porier), elle a un doute. Elle le suit et découvre qu’en fait il vient de Paris, a deux frères et passe ses vacances avec ses parents. 

Elena retourne à sa nostalgie, sa non vie. Mais Jean a remarqué le manège de la serveuse et avec l’aplomb de sa jeunesse, il drague ouvertement la belle Elena. Incrédule, sans doute flattée, elle ne résistera que mollement à Jean. Et volera ainsi quelques moments de complicité avec ce presque jeune homme, comme si cette tête bouclée et ce visage d’ange étaient réellement son fils. En évitant tous les écueils propres à ce genre d’histoires (Jean est mineur), Rodrigo Sorogoyen parvient à émouvoir. 

A double titre. Par le bonheur fugace d’Elena, profitant enfin durant quelques heures de la vie mais aussi dans les yeux de Jean, découvrant les jeux de l’amour et s’opposant à ses parents trop bourgeois à son goût. Cette fausse romance aurait pu être un simple amour d’été, c’est finalement le double portrait d’une femme et d’un homme passant à l’âge adulte. 

Film espagnol de Rodrigo Sorogoyen avec Marta Nieto, Jules Porier, Anne Consigny

 


jeudi 10 août 2017

Cinéma : Si Dieu pardonne, pas les policiers dans "Que Dios nos perdone"


Le cinéma espagnol a fait son trou dans la production européenne. Abandonnant son image folklorique ou de genre, il est désormais largement au niveau des productions les plus ambitieuses de France, Allemagne ou Italie. Nouvelle preuve avec « Que Dios nos perdone » de Rodrigo Sorogoyen, thriller se déroulant dans Madrid écrasé de chaleur et en tension perpétuelle avec la tenue des Journées mondiales de la jeunesse en présence du pape, des contre-manifestations de plus en plus violente et l’émergence du mouvement des Indignés.

■ Meurtres et viols
Dans cette ville sur les nerfs, Alfaro (Roberto Alama), flic à l’ancienne, ami avec les prostituées, sanguin, dragueur et parfois à la limite de la légalité, vient de purger une suspension pour s’être battu avec un collègue moqueur. Il fait équipe avec Velarde (Antonio de la Torre), son total opposé. Bègue, célibataire et solitaire, il voit le mal partout. Quand une vieille femme est retrouvée morte chez elle, la police locale conclu au cambriolage qui a mal tournée. Mais Velarde ose regarder sous les jupes de la personne âgée et prouve qu’elle a été violée. Un second cas découvert dans la foulée, il se met sur la piste de ce qu’il considère comme un tueur en série. Initiative peu goûtée par sa hiérarchie qui préfère étouffer l’affaire : le pape est en visite officielle.


Le film, en trois parties, montre au début les deux policiers en action. On apprécie ce duo, plein de contradictions mais qui se soutient et se comprend. Ensuite le spectateurs se retrouve du côté du tueur. L’angoisse monte d’un cran. La scène finale, dantesque, tragique, tranche avec le reste du film mais prouve que le jeune réalissateur espagnol sait manier les genres, les ambiances et la caméra à la perfection.
Peut-être le thriller de l’été tant on transpire avec les héros dans cette ville en pleine effervescence.
➤ Thriller de Rodrigo Sorogoyen (Espagne, 2 h 06) avec Antonio de la Torre, Roberto Álamo, Javier Pereira.

vendredi 23 juin 2017

De choses et d'autres : Paris à l'espagnole


Je viens de passer trois jours à Paris. Bien choisi ma période moi... Trois jours totalement caniculaires, étouffants, avec alerte pollution à la clé. A la descente du TGV, mardi, j’ai eu des relents d’arrivées sous les tropiques, quand on ouvrait la porte de l’appareil et qu’une bouffée de chaleur enveloppait les pauvres touristes occidentaux peu habitués à de telles différences de températures. Un Paris presque équatorial. Et pas un brin de vent, ni tramontane, ni marinade qui rafraîchissent un peu en cas de fortes chaleurs. En surface le goudron fond. Mais le pire est au sous-sol, dans le métro qui prend des airs d’enfer. Dans les couloirs, ça va à peu près, mais dans les rames, notamment les plus anciennes totalement dépourvues de climatisation, c’est intenable. Et l’accessoire à la mode est l’éventail. La ligne 6 a des airs andalous. D’autant qu’un des buts de ma visite est de voir en avant-première « Que dios nos perdone », film de Rodrigo Sorogoyen (sortie en France le 9 août). Un thriller implacable sur le Madrid de 2011, entre viol de femmes âgées, visite du pape pour les JMJ et début de l’insurrection des Indignés. « Petit problème technique, prévient l’organisateur, il n’y a pas de climatisation dans la salle...» Normal, ce vieux cinéma de quartier, spacieux et au cachet certain, n’a pas anticipé le réchauffement climatique. Cela tombe bien finalement car le film se déroule l’été, en pleine canicule. On est plongé dans l’ambiance quand un des héros constate que « les gens sentent plus » (je confirme dans le métro). Et comme de nombreuses Espagnoles sont dans la salle, les éventails sont authentiques et maniés avec une grâce indéniable.
(Chronique parue le 23 juin 2017 en dernière page de l'Indépendant)