jeudi 28 juin 2012

Secrets de famille chez Lloyd Singer alias Makabi

Lloyd Singer, alias Makabi, a de gros problèmes familiaux. Le héros imaginé par Luc Brunschwig et dessiné par Olivier Martin (il prend la suite de Neuray, créateur de la série) se retrouve dans le cabinet d'une psychiatre pour une thérapie familiale dont il se serait bien passé. En jeu, la vie de sa sœur, Esther. Souffrant d'anorexie mentale aiguë, ils vont tous ensemble tenter de découvrir d'où vient ce rejet de toute nourriture. Une façon détournée pour le scénariste pour s'intéresser à l'enfance de Lloyd et à l'émergence de Makabi, le justicier qu'il devient la nuit pour traquer les « méchants ». Dans cette famille juive, Lloyd, seulement âgé de 14 ans, a du remplacer du jour au lendemain ses parents morts dans un accident de la circulation. Une lourde responsabilité pour un adolescent plutôt gringalet. Et il ressort que si le père était aimé de tous, la mère des quatre frères et sœurs était d'une humeur plus changeante. Un épisode moins mouvementé mais qui replace parfaitement le héros dans ce qu'il a de plus attachant : son humanité.

« Lloyd Singer » (tome 7), Bamboo Grand Angle, 13,90 €


mercredi 27 juin 2012

Edith Hardy à la recherche des diamants de la honte


Agence Hardy, Christin, Goetzinger, Dargaud, diamants
Edith Hardy, ravissante détective privée parisienne des années 50, poursuit ses aventures avec toujours Christin au scénario et Goetzinger au dessin. Double récit dans ce septième album. Alors que Victor, le jeune employé d'Edith décide de partir pour l'Algérie afin de retrouver sa fiancée, reporter pour un journal de gauche, Edith est contactée par un riche joaillier. Il la charge de retrouver qui vient de remettre sur le marché un diamant venant de la collection des Lévy-Sanders. Des pierres disparues en même temps que leurs propriétaires, exterminés par les nazis dans les camps de la mort. L'histoire va conduire Edith dans les bidonvilles de la banlieue parisienne, en pleine reconstruction mais encore très pauvre. En parallèle, Victor aura bien des difficultés à retrouver la jolie Rosa, prisonnière des factions d'extrême-droite, de plus en plus actives dans une Algérie en pleine guerre, même si les autorités ne veulent surtout pas utiliser ce terme.
Une série à découvrir, alliant élégance et intelligence, deux qualités devenues très rares dans la production BD actuelle...

« Agence Hardy » (tome 7), Dargaud, 11,99 €


mardi 26 juin 2012

"Motherfucker" de Ricard et Martinez : noir et radical


Motherfucker, black panthers, ricard, martinez, futuropolis
Si Barack Obama est aujourd'hui président des USA, il y a moins de 50 ans, l'égalité des droits entre Blancs et Noirs était encore un sujet brûlant. Dans les années 60, le Black Panther Party militait de façon radicale contre la ségrégation raciale. C'est un peu l'histoire de ce mouvement que retracent Sylvain Ricard et Guillaume Martinez. Le premier écrit un scénario articulé autour des revendications du parti, le second les met en images dans un noir et blanc aux multiples nuances. Vermont Washington, jeune Noir, est au centre du récit. Son grand-père a été victime du Ku Klux Klan. Il est né à Watts en Californie et vit actuellement à Detroit. Mais même dans ces états du Nord, le racisme est encore fort. Difficulté de trouver du travail, un logement, d'éduquer ses enfants : le sort des Noirs était peu enviable. Vermont veut faire changer les choses. Mais la radicalité du parti semble plus figer la situation que de permettre de la faire évoluer. Et il doit en plus se battre contre sa propre famille, plus habituée à courber l'échine qu'à protester. Une BD politique très forte, sur une Amérique qui longtemps a été tout sauf exemplaire...

« Motherfucker » (tome 1), Futuropolis, 15 €


lundi 25 juin 2012

Argent sale islandais au pied de la "Muraille de lave" d'Arnaldur Indridason

Erlendur en vacances, un de ses adjoints, Sigurdur Oli, va mener une difficile enquête dans cette Islande pourrie par l'argent facile.

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Ecrit en 2009, ce roman d'Arnaldur Indridason était prémonitoire. Il aborde le problème des taux de crédits irréalistes qui ont plongé le pays dans la faillite. Mais contrairement à la Grèce, les Islandais ont décidé de se remettre seuls en selle, balayant devant leur portes et n'hésitant pas à emprisonner ces banquiers indélicats. C'est un peu grâce à des romans policiers de ce genre que la prise de conscience a eu lieu. A méditer dans tous les pays d'Europe.

Dans le concert des nouveaux auteurs de polars européens, l'Europe du Nord se taille la part du lion, les Suédois mais également les Islandais, notamment Arnaldur Indridason. Il décrit avec un pessimisme rare l'évolution de la société islandaise. Son héros récurrent, Erlendur, de plus en plus découragé, décide de prendre quelques jours de vacances. Il quitte la capitale et se réfugie dans les hauts plateaux, là où la nature règne toujours en maître. Erlendur totalement absent de l'intrigue, l'auteur décide de mettre le focus sur un de ses adjoints, Sigurdur Oli.



Coup de main à un ami d'enfance

En plein divorce, Sigurdur est tiraillé entre sa volonté de respecter scrupuleusement la loi et son dégoût des délinquants. « S'il y avait une chose qu'il n'aimait pas dans son travail, c'était de se montrer courtois avec des rebuts tels que ce Kritjan, de prendre des pincettes avec des types qu'il méprisait profondément et de s'abaisser à leur niveau. (…) Ils n'avaient rien en commun, ce ne serait jamais le cas et ils ne pouvaient simplement pas discuter d'égal à égal. L'un était un multirécidiviste, l'autre un honnête citoyen. »

Libéral déclaré, admirant le modèle américain au point de passer ses nuits à regarder des matches de base ball, Sigurdur doit également supporter sa mère, très autoritaire et son père, malade et trop gentil. Un environnement qui pourrait en faire craquer plus d'un. Mais le flic islandais est solide et tenace. Un peu faible aussi. Quand un de ses amis d'enfance lui demande d'intervenir discrètement dans une affaire de chantage, Sigurdur ne sait pas dire non. Il se rend au domicile d'une femme, une échangiste, bien décidée à rembourser ses dettes en faisant chanter la belle-sœur de l'ami de Sigurdur adepte de ces parties fines. Sur place, le policier découvre la femme le crâne fracassé. Visiblement, il a été précédé par quelqu'un qui a trouvé une solution plus expéditive.



Nature hostile, éléments déchaînés

L'enquête va s'écarter des milieux libertins pour se diriger vers le métier de la victime. Expert-comptable, elle était régulièrement en relation avec des banquiers. Certains de ces « nouveaux Vikings », maniant les millions avec dextérité, profitent à plein des taux d'intérêt ridiculement bas dans leur pays pour lancer des OPA sur nombre de sociétés européennes. Tout viendrait d'une promenade tragique, quelques mois auparavant sur les falaises de Svörtuloft, la muraille de lave. Un homme y a trouvé la mort. Accidentellement selon les secours. « Dès le point du jour, les recherches avaient repris et on avait passé au peigne fin le bord de la muraille de lave en surplomb de la mer. C'était un à-pic vertigineux, l'océan se déchaînait sur la paroi de basalte et le vent soufflait avec une telle violence qu'on peinait à tenir debout. » Les sauvages paysages Islandais occupent une place importante dans ce roman, comme souvent dans l'œuvre d'Arnaldur Indridason.

Nature hostile, hommes refermés sur eux-mêmes... Ce polar au cours sinueux et multiple débute avec la violence d'un torrent pour s'achever avec la force d'un immense fleuve emportant tout sur son passage. Notamment le secteur bancaire du pays.

Michel LITOUT

« La muraille de lave », Arnaldur Indridason, Métailié Noir, 19,50 € (« La rivière noire » vient de sortir en poche chez Points)


dimanche 24 juin 2012

Les truands du réel héros de bande dessinée


Bartoll, gangs, pink panthers, MS13, Jungle
Les nouveaux héros ne sont pas forcément des « gentils ». Dans la série « Gangs » écrite par Bartoll, c'est même l'inverse. Les héros sont ces hommes et ces femmes « membres des gangs les plus dangereux de la planète. » « Ils sèment la terreur, bafouent les lois et font la une des médias ». Là aussi, le scénariste a choisi la solution des dessinateurs multiples. Branislav Kerac assure les exploits des « Pink Panthers » (anciens militaires serbes) alors que Andronik et Mavric règlent leur compte au MS13 (Mara Salvatrucha, des Salvadoriens). Les premiers se sont spécialisés dans le vol de bijoux dans des braquages éclairs et jamais violents. Des millions de pierres précieuses recyclées dans les ateliers de la mafia russe. Ils sont presque sympathiques ces voleurs ingénieux ne laissant jamais tomber leurs compagnons d'armes. Du côté de la MS13 c'est beaucoup plus violent. Peu de chance d'en réchapper, même si on est un flic d'élite infiltré. Des BD très documentées. Très sombres aussi, comme notre monde actuel...

« Gangs » (tomes 1 et 2), Jungle Thriller, 11,95 € chaque volume



samedi 23 juin 2012

Deux nouveaux signes pour le Zodiaque de Corbeyran


Corbeyran, Zodiaque, Delcourt, gémeaux, Cancer, Robin
Corbeyran, fait partie avec Morvan, Giroud et Desberg de ces scénaristes prolixes, touche-à-tout et capables de mener des projets lourds avec plusieurs dessinateurs sur une période très réduite. Il vient de se lancer dans l'aventure Zodiaque. Une année, 12 titres sur chaque signe rythmant notre horoscope. Les deux premiers étaient particulièrement réussis, les deux suivants tout aussi concluants. L'idée est excellente, les récits sont indépendants tout en laissant une petite place au feuilleton, les différents protagonistes semblant tous se connaître d'un passé commun. Chaque personnage a un talisman lui donnant des pouvoirs surnaturels. Agatha, voyante du signe du gémeaux, a le don de localiser les disparus si elle est en possession d'un objet de la personne recherchée. Elle va se mettre au service d'une jeune femme malade, à la recherche de son frère jumeau. Dans « L'héritage du Cancer », Naomie, bouquiniste new-yorkaise, retrouve dans sa boutique inondée un vieux grimoire donnant le secret de la vie. Côté dessin, le Cancer, de Robin, est d'un très haut niveau.

« Zodiaque » (tomes 3 et 4), Delcourt, 13,95 € chaque volume



vendredi 22 juin 2012

"Lancelot" d'Alexe et Peru : du bon et du grand Graal


Lancelot, Alexe, Peru, Arthur, Camelot, Soleil, Cenltic
La collection Soleil Celtic change de look. Mais le fond reste le même. Lancelot, série des Légendes arthuriennes, propose son tome 3. Olivier Péru est au scénario et Alexe au dessin. Cette dessinatrice, autodidacte de la BD, est une touche-à-tout de l'art. Formation musicale, connaissance en graphisme 3D, elle a finalement choisi ce qui lui plait le plus : le dessin. Elle excelle dans ces décors moyenâgeux avec héros musclé et belles sorcières charmeuses. Lancelot, au centre de l'intrigue, a révélé son grand secret. Ce chevalier est une femme. Sa sensibilité ne l'empêche pas de tomber follement amoureux de l'épouse du roi Arthur. Ce récit, entre passes de magie, combats à l'épée, intrigues et tentatives d'invasion du pays sur fond de construction de Camelot se dévore d'une traite. La légende, bien que vue et revue a toujours autant de charme. En plus, le trait d'Alexe, entre grâce et force, donne encore plus de crédibilité à cette histoire transgenre bien avant l'heure.

« Lancelot » (tome 3), Soleil, 13,95 €


mercredi 20 juin 2012

L'Afrique, terrain de chasse des nouveaux prédateurs

Le célèbre Alex Cross se met en travers du chemin du Tigre, un tueur à gages de la pire espèce. Un thriller haletant de James Patterson.


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Franchement, Alex Cross est du bois dont on fait les héros indestructibles. Il paraît même parfois un peu trop invincible et cela donne comme une impression de fausse note dans une symphonie bien goupillée. Mais heureusement le chef d'orchestre de « La piste du Tigre », James Patterson, est un virtuose dans l'art de replonger son héros dans l'action, quelles que soient les embûches qui lui tombent sur le ciboulot. Et le lecteur, tenu perpétuellement en haleine, replonge tête baissée dans ce thriller haletant et sans temps mort.

Le Tigre est un tueur. Ce Nigérian imposant, « près de deux mètres à la toise pour cent treize kilos » intervient dès la première scène de ce thriller de James Patterson. En compagnie de sa petite troupe, des enfants bourrés de cocaïne, il a pour mission de tuer toute une famille. Mais pour une fois il n'opère pas sur ses terres, entre Lagos, Abuja et Port Harcourt. Il est à Washington et sa mission est de « terroriser ces Américains qui se mêlaient de tout, qui avaient si peur qu'on les attaque chez eux et qu'on s'en prenne à leurs précieuses petites familles. » Une mission menée à bien par le Tigre.

Alex Cross, le flic et psychologue, en découvrant le lendemain le carnage, est tout retourné. Il a souvent croisé des tueurs sadiques, mais cette fois il semble avoir véritablement atteint ses limites dans l'abjection. Et Cross découvre qu'il a connu dans sa jeunesse la mère de famille. Une ancienne petite amie du temps de l'université. Est-il plus impliqué qu'il ne le croit dans cette affaire ?



Safari mouvementé

Son équipe est sur les dents. D'autant qu'un second massacre vient de défrayer la chronique. Cette fois c'est la famille de l'ambassadeur du Nigeria qui est décimée. Lancé sur la piste du Tigre, Alex Cross croit être sur le point de le capturer. Mais c'est un piège. Le géant africain s'enfuit, la police américaine ne sort pas indemne de la confrontation. Après avoir sondé quelques connaissances à la CIA, Alex Cross est persuadé que le Tigre, retourné entretemps au Nigeria, agit pour des commanditaires aux visées obscures.

Sur un coup de tête, Cross prend quelques jours de congés et décide de le pourchasser sur son territoire. Le roman de James Patterson bascule alors dans une autre dimension. Le flic américain, juste, intègre et efficace se retrouve pris dans une nasse inextricable. Policiers corrompus, milices privées, gangs... il va découvrir la réalité de l'Afrique, ce vaste continent en pleine perdition.

Après quelques séjours arbitraires en prison, il est tabassé, laissé pour mort, menacé... Mais Cross est un dur à cuire qui n'abandonne jamais. Cette partie est la moins vraisemblable. Les ennemis de Cross auraient eu 50 fois l'occasion de se débarrasser définitivement de lui car pour eux, la vie d'un homme n'a pas plus d'importance qu'une simple cigarette. Même si c'est un flic américain suspecté de travailler pour la CIA. Et pourtant ils l'épargnent systématiquement. Cela permet à l'action de rebondir régulièrement mais manque sérieusement de crédibilité au final.

Cependant on se laisse prendre au jeu. James Patterson, dans un style direct, concis et précis, détaille la progression de l'enquête de Cross, de ses découvertes, visibles ou secrètes. Un thriller délassant, dépaysant et plein d'enseignements pour cet été enfin au rendez-vous.

Michel Litout

« La piste du Tigre », James Patterson, Lattès, 20 €


mardi 19 juin 2012

Enfants trop Seuls


Seuls, Vehlmann, Gazzotti, Dupuis, Les terres basses
Après avoir été la BD révélation de ces dernières années, « Seuls » doit désormais poursuivre sa route, avec quelques interrogations, et donc sources de suspense, en moins. Les enfants, seuls survivants dans une ville déserte, voient une partie de la cité s'enfoncer. Ils sont pris au piège, incapable de franchir une muraille de plus en plus haute. C'est une course contre la montre qui s'engage. Contre l'enfoncement des Terres Basses, mais également les enfants « contaminés », devenus de redoutables zombis prêts à tout pour les retenir dans leur monde. Vehlmann parvient à insufler une nouvelle dose de mystère dans cette saga fantastique toujours dessinée par Gazzotti. Et comme les auteurs sont de très bons feuilletonistes, la dernière planche annonce de nouvelles complications pour Dodji et ses camarades.

« Seuls » (tome 7), Dupuis, 10,60 €


lundi 18 juin 2012

Un méchant gazeux face à un gentil Masqué


Lehman, Créty, Masqué, Delcourt
Célèbre auteur de science-fiction français, Serge Lehman s'essaie à la BD depuis quelques années. Toujours dans son domaine de prédilection et plus spécialement les super héros dans « Masqué », série dessinée par Stéphane Créty. Dans un Paris futuriste replié sur lui même, où les très riches ne sont jamais plus au contact des très pauvres, des phénomènes anormaux se multiplient. Un ancien militaire, Braffort, va se transformer alors qu'un de ses collègues, lui aussi va évoluer au contact d'un gaz toxique. Le premier va devenir une sorte de vengeur masqué alors que le second se transforme en fuseur, être gazeux animé de noirs desseins. Un tome 2 tout en action et en combat au dessus d'une capitale transformée. Une transition, comme pour mieux fixer ce monde aux multiples possibilités. Prometteur.

« Masqué » (tome 2), Delcourt, 13,95 €


dimanche 17 juin 2012

Black Crow sur la piste d'une cité perdue en Afrique


Delitte, Black Crow, Glénat
Jean-Yves Delitte, peintre officiel de la marine belge, délaisse un peu les voiliers dans le troisième tome des aventures du corsaire Black Crow. Il s'enfonce dans la savane africaine aux trousses d'un Hollandais à la quête d'un fabuleux trésor. Le corsaire, métis d'un colon blanc et d'une indienne Algonquin, profite de ses connaissances en pistage pour suivre à la trace la petite troupe. Arrivés en territoire hostile, ils seront tous capturés par une mystérieuse peuplade sanguinaire. Et le trésor convoité a plus de valeur que des montagnes d'or. Delitte, malgré ses multiples séries en cours (il sort presque un album tous les 4 mois), parvient toujours à émerveiller le lecteur, à le surprendre et à le tenir en haleine. Sans compter sa virtuosité au dessin, parfait pour prolonger le voyage.

« Black Crow » (tome 3), Glénat, 13,90 €


dimanche 10 juin 2012

L'enfance de Jeanne, la pucelle, en bande dessinée chez Soleil

Jeanne la pucelle, Jeanne d'arc, Hadjadj, Cellier, BD historique, SoleilVéritable légende et emblème de l'Histoire de France, Jeanne d'Arc a donné naissance à quantité d'adaptations. Souvent au cinéma, rarement en BD. Fabrice Hadjadj, le scénariste, a choisi de mettre en lumière l'enfance de la célèbre pucelle. Fille de paysan, elle garde des porcs. Est assidue à la messe et ne comprend pas grand chose du conflit entre Bourguignons et Armagnac. La notion de Bien et de Mal est parfois absconse pour une fillette. A l'âge de 13 ans, elle entend pour la première fois les voix célestes de l'archange Saint Michel et des saintes Marguerite et Catherine. Des scènes donnant l'occasion au dessinateur, Jean-François Cellier, de s'affranchir de l'étroitesse des cases. Il utilise toute la planche pour amplifier la grandeur de ces signes divins. Un album à savourer graphiquement. C'est du grand art, décors et tronches secondaires bénéficient du même soin que l'héroïne. Et force est de constater que Jeanne, dans sa simplicité et sa détermination, est d'une rare beauté.

« Jeanne la Pucelle » (tome 1), Soleil, 13,95 €


samedi 9 juin 2012

Une BD pour comprendre les malheurs de Kriss de Valnor


Thorgal, Kriss de Valnor, Yves Sente, De Vita, Lombard
Thorgal s'est imposé comme un best-seller de la BD franco-belge. Logiquement, la reprise du scénario par Yves Sente (auparavant directeur des éditions du Lombard) a débouché sur une valorisation de ce monde aux multiples possibilités. Deux séries dérivées ont donc vu le jour. Voici déjà le second tome des aventures de Kriss de Valnor. L'archère, sans cœur et sans pitié, n'a pas toujours été dans cet état d'esprit. On a découvert dans le premier tome son enfance malheureuse, quasiment réduite en esclavage. On la retrouve adolescente, accompagnée de Sigwald, le voleur sans nez. Ils vont construire leur légende de rapines en attaques, volant aux riches, n'épargnant pas toujours les pauvres. Deux êtres libres, sans contraintes ni frontières. Mais le passé va rattraper Kriss. Au détour de ses pérégrinations, elle va retrouver le village de son enfance et sa vengeance sera terrible. La légende noire de Kriss de Valnor est en marche. Un album très féminin, donnant des clés au lecteur pour comprendre la mentalité de Kriss. Et pour son physique, on peut faire confiance à Giulio de Vita, le dessinateur...

« Les mondes de Thorgal, Kriss de Valnor » (tome 2), Le Lombard, 12 €

vendredi 8 juin 2012

Pirates contemporains dans "Skipper", nouvelle série de Joël Callède et Gihef


Skipper, Callède, Gihef, Lenaerts, Dupuis
Dans le genre marin aventurier parcourant toutes les mers du monde pour tabasser les méchants, Bernard Prince reste une référence. Mais désormais, le héros de Greg et Hermann a de la concurrence en la personne de Erwann Kerrien. Mais Erwann navigue seul et à bord d'un voilier, le Gecko. Cet ancien sportif de haut niveau a abandonné la compétition du jour au lendemain après un deuil douloureux. Au début de ce premier tome, il est en train de végéter dans les îles grecques, transportant de riches et adipeux Américains de crique en crique pour quelques dollars. Et pour oublier cette déchéance, il boit. Son salut viendra de la femme de Damien Renaud, un reporter indépendant. Cela fait plusieurs semaines qu'elle n'a plus de nouvelles. Il enquêtait au large des côtes de Somalie, la zone maritime la moins sûre du globe. Erwann va accepter de sortir de sa retraite dorée et repart à l'aventure, récupérant au passage un peu de fierté et d'honneur. Histoire très psychologique pour lancer la série. Joël Callède et Gihef, les scénaristes, ne lésinent pas sur le pathos. Un peu de politique et de bagarres complètent agréablement cette BD dessinée par Lenaerts.

« Skipper » (tome 1), Dupuis, 11,95 €


mercredi 6 juin 2012

Ados hors de contrôle dans "Teenage lobotomy" de Fabien Henrion

Des adolescents deviennent soudainement fous furieux et tirent sur tout ce qui bouge. Drôle d'ambiance dans ce roman de Fabien Henrion.



Teenage labotomy, Fabien Henrion, FlammarionRoman contemporain américain écrit par un Français, « Teenage lobotomy » pour être encore plus efficace, peut s'écouter avec en fond sonore quelques vieux tubes rock. D'ailleurs, en fin de volume, dans ses remerciements, Fabien Henrion salue The Ramones et The Clash.

Tout débute le jour de Noël. Et risque de se terminer aussi vite. Le héros, Alan Jones, célibataire, la trentaine, en plein repas de famille, s'écroule, la tête dans le cheesecake préparé par sa mère. Un banal infarctus. Brièvement hospitalisé, il va se remettre lentement de ce pépin de santé. Et réfléchir sur sa vie pas toujours très sereine. Alan est photographe. Photographe de charme. Il est expert dans son « art ». Le journal qui l'emploie y trouve son compte.

Dans sa belle villa, une Porsche sur le devant de la porte, il se repose. Limite au maximum les rapports avec ses parents mais accueille régulièrement sa jeune sœur Missy. Si Alan semble impersonnel, un peu passe-partout, ce n'est pas le cas de Missy. Véritable tornade, éternelle étudiante, elle est rebelle et indépendante. Toujours à la recherche de la dernière mode, c'est une pile électrique. Alan a une grande tendresse pour elle. C'est réciproque, mais elle n'a pas encore trouvé le moyen de lui dire...



Jeunes meurtriers

Suivant assidument l'actualité, Alan note une recrudescence de jeunes meurtriers. Adolescent fonçant à contresens sur l'autoroute, tireur dans un centre commercial, suicidaire à la ceinture d'explosif dans un lycée... l'Amérique déraille.

Il a l'occasion de le constater de ses propres yeux lors de vacances dans un palace. Ses voisins, un couple, sont retrouvés assassinés dans le jacuzzi. En compagnie de la police, Alan se rend dans la chambre et constate que « les deux corps avaient fusionnés comme liquéfiés. C'était un spectacle insoutenable, mais je regardai. Leurs attributs sexuels avaient disparu. La poitrine de l'un semblait avoir été découpée. » Qui est le responsable de ce massacre ? Tout accuse le fils, un adolescent retrouvé dormant dans son lit comme si de rien n'était.

Le roman, de plus en plus psychédélique, va alors dévier vers le scandale pharmaceutique. Tous ces adolescents ont un point commun : ils sont traités au Fluvotril, « pilule dite de l'obéissance, une molécule agissant sur le système nerveux et indiquée dans le traitement des troubles du comportement chez l'enfant. » Se transformant en détective (de pacotille), Alan va remonter jusqu'à l'inventeur du Fluvotril.

L'écriture nerveuse de ce premier roman lui donne des petits airs de thriller. Mais Fabien Henrion, journaliste dans l'audiovisuel, a quand même gardé de nombreuses références littéraires françaises. Un mélange de branché et de classique, de moderne mâtiné de références au siècle dernier. Un ovni littéraire, souvent plaisant, parfois déroutant, toujours étonnant.
Michel Litout
« Teenage lobotomy », Fabien Henrion, Flammarion, 19 €

dimanche 3 juin 2012

Du cannibale de Miami au tueur de Montréal : overdose d'images chocs

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En une semaine, les faits divers les plus horribles ont déferlé sur internet. Cannibalisme en pleine rue, attaque à coups d'intestins, meurtre filmé... âmes sensibles s'abstenir.
Premier choc avec les images de la vidéo-surveillance de la ville de Miami. Au bord d'une voie rapide, deux hommes nus sont allongés côte à côte. Les policiers se rendent sur place. Demandent à celui de dessus de cesser d'embrasser son compagnon. Mais il ne l'embrasse pas. Il lui mange, littéralement, le visage. Et comme il continue malgré les injonctions des agents, ces derniers mettent fin au festin en abattant le cannibale. Sur les images on ne distingue que quatre jambes nues. Mais on ne peut s'empêcher d'imaginer ce qui est caché. Cauchemars assurés.
Dans le New Jersey, les forces de l'ordre interviennent chez un homme barricadé dans son appartement. Pris de démence, il s'éventre et n'hésite pas à bombarder les représentants de la loi avec des morceaux de ses intestins...
Au Québec, Luca Rocco Magnotta, un ancien acteur porno a filmé l'assassinat d'un de ses amants. La scène s'est retrouvée sur la toile. On le voit poignarder l'homme allongé sur un lit, puis découper ses membres. Pieds et mains reçus par la Poste quelques jours plus tard au siège de deux partis politiques canadiens. Il est en fuite. Peut-être en France. Lui aussi aurait des tendances au cannibalisme.
Parfois, surfer sur Internet c'est trop, beaucoup trop. L'overdose me guette. J'ai besoin de vacances. Rendez-vous en juillet.
(Chronique "ça bruisse sur le net" parue ce samedi en dernière page de l'Indépendant)

samedi 2 juin 2012

Des psaumes en podcast

L'église catholique est en pointe sur l'utilisation des nouveaux médias. Après les prières sous forme de tweets, voici les psaumes en podcast. Au lieu de faire votre jogging avec le dernier tube de Lady Gaga dans les oreilles, pourquoi ne pas transpirer en écoutant des textes sacrés dits par des comédiens, Michael Lonsdale en tête.

Le premier psaume a été mis en ligne lundi, lendemain de Pentecôte, sur le site « psaumedanslaville.org ». Une initiative que l'on doit aux dominicains de Lille. Le comédien Michael Lonsdale, apparu récemment dans le film "Des hommes et des dieux", pose une voix profonde sur quelques notes de hang, cet instrument de musique inventé en 2000. Il comporte sept ou huit notes dont une fondamentale.

L'idée est venue de réunir comédiens, joueur de hang et psaumes, l'an passé au Festival d'Avignon, après une prestation du comédien Jean-Damien Barbin, professeur au conservatoire de Paris. S'ils s'inscrivent, les internautes reçoivent directement dans leur boîte électronique, trois fois par semaine, le podcast du psaume, ainsi que la méditation d'un prédicateur. Au total, 150 psaumes ont été enregistrés. La moitié ne font pas l'objet d'interrogations philosophiques : dans ce cas, les internautes peuvent laisser leurs propres commentaires sur le blog du site. Précurseurs, les dominicains de Lille s'étaient déjà distingués en proposant depuis dix ans de suivre une retraite « interactive et multimédia » à l'occasion du carême.


(Chronique "ça bruisse sur le net" parue le vendredi 1er juin en dernière page de l'Indépendant)
betbeder, Bervas, 2021, enfants kamikazes, soleil
Nous sommes en 2021. Dans moins de 10 ans. A Détroit, devenu territoire autonome, une colonne de blindés s'avance prudemment dans les ruines de ce qui reste de la mégapole américaine. Les militaires ont pour mission de capturer et neutraliser Ike Mercy, le leader de cette ville où la violence et l'anarchie règnent. C'est un guet-apens. Mais la perte de plusieurs unités ne perturbe pas les dirigeants, bien à l'abri dans leur bunker. En fait c'est une diversion pour permettre au véritable commando de pénétrer incognito dans la cité. Ils sont quatre. Quatre enfants aux pouvoirs surnaturels. Seul problème : quand il les utilisent, ils vieillissent très vite. Ce scénario d'apocalypse a été imaginé par Stéphane Betbeder qui, au fil de ses contributions, s'affirme comme une plume prometteuse du monde de la BD. Il s'est adjoint les talents de graphiste de Stéphane Bervas. C'est son premier album mais il est déjà extrêmement efficace. Logique quand on sait qu'il vient du monde des jeux vidéo.

« 2021 » (tome 1), Soleil, 13,95 €


vendredi 1 juin 2012

Soledad est zen dans "Restons calmes !" chez Casterman

Soledad, Bravi, Casterman, Restons calmes
Dessinatrice de presse, Soledad Bravi reste des heures assise devant sa table. Mère de deux adolescentes, elle se ramollit, grossit... Une bonne occasion pour reprendre le sport. C'est cette reconquête de son corps qu'elle raconte dans ce recueil de gags et d'histoires courtes. Comment elle a galéré au début, puis ses premières victoires et enfin sa quasi dépendance à la course à pied. Dans le jardin du Luxembourg, elle décrit les habitués, ceux qui friment, ceux qui sont dans leur monde, celles qui font des gestes pour accompagner la musique indispensable à la réussite d'une course. L'autre partie de l'album raconte les rapports conflictuels qu'elle entretient avec ses deux filles, des ados. Fine observatrice, elle n'est pas tendre pour sa progéniture visiblement dotée d'un énorme poil dans la main. C'est tendre, dynamique et toujours positif malgré les prises de tête incessantes. Soledad nous entraîne également en vacances sur la côte basque. Une dernière occasion de se réfugier dans la course à pied quand tout part en sucette...

« Restons calmes ! », Casterman, 15 €