Affichage des articles dont le libellé est casterman. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est casterman. Afficher tous les articles

mercredi 17 septembre 2025

BD - Lefranc affronte les éléments et des méchants dans “La régate”


Contre vents et marées, l'œuvre de Jacques Martin se prolonge avec rigueur et régularité. Alix (et ses multiples déclinaisons) mais aussi les aventures de Guy Lefranc. A l’époque, c’était une série réaliste, campée dans les années 50 , l’époque de leur création. Grâce à la magie de la BD, Lefranc est toujours jeune, journaliste et curieux des évolutions de la société de ces années 50. Une bascule dans la catégorie “historique”... 

Pour assurer cette fidélité aux origines, le choix de Roger Seiter au scénario est judicieux. Cet historien de formation a une solide expérience en BD. Sa première série, Fog, a marqué les lecteurs de l’époque. Il a sans doute un peu perdu de son originalité en se coulant dans le moule de Jacques Martin, mais côté véracité des faits, il est parfait. Exactement exploitation de faits réels pour en tirer une aventure palpitante à rebondissements.



Côté dessin, c’est de nouveau Régric qui officie. Il a calqué son trait sur celui de Jacques Martin. Composition des cases et des planches, c’est bluffant. On est bien au-delà de la reprise appliquée. Un régal pour les amateurs de BD vintage. 

Le 36e titre de la série se déroule en mer et sur une petite île de la toute jeune république d’Indonésie. Lefranc est envoyé par son journal français couvrir une course maritime entre Australie et Asie. Une régate réservée à quelques riches amateurs. Il embarque sur le bateau de Théa, la fille d’un armateur hollandais. Le récit se déroule sur deux plans : les préparatifs de la régate et les premiers jours en mer et, par ailleurs, le mystérieux voyage d’un cargo de l’Europe vers l’Indonésie avec à son bord des armes et des mercenaires. Les deux intrigues vont se croiser quand le voilier de Lefranc fait naufrage au large de l’île de Walang, dernière étape du périple de l’armée privée. Un peu de politique fiction, d’apologie de la démocratie et de dénonciation du capitalisme destructeur donnent à cet album un côté plus actuel qu’il n’y paraît.   

“Guy Lefranc” (tome 36), Casterman, 48 pages, 13,50 €


samedi 13 septembre 2025

BD - « Le petit frère » et « Un père » : la vie de famille de JeanLouis Tripp en dessins

Raconter sa famille, faire bonifier ses souvenirs et surtout ne pas les oublier. Telle semble la démarche de JeanLouis Tripp, auteur de bande dessinée lauréat du Prix Coup de Cœur des Vendanges littéraires, présent à Rivesaltes les 4 et 5 octobre.


Après une longue carrière dans la bande dessinée, parfois en pointillé, il a attendu d'avoir largement plus de 50 ans pour se recentrer sur ce qu'il connaît le mieux : sa propre vie. Et s'il parle de ses premiers émois sexuels dans les deux tomes d'« Extases », il change de registre avec « Le petit frère » et « Un père ». Deux gros romans graphiques de plus de 300 pages, essentiellement en noir et blanc. L'émotion y est omniprésente. Le lecteur ne peut que se reconnaître dans ces parcours racontés et dessinés avec talent et sans tabou.

Il faut parfois qu'un drame nous frappe de plein fouet pour prendre conscience de l'importance de la vie. En cet été 1976, Jean-Louis a 18 ans. Il est en vacances avec une partie de sa famille. Un mois à sillonner la Bretagne à bord d'une roulotte tiré par des chevaux. Une bulle de bonheur. Jusqu'à ce jour où Gilles, le petit frère, se fait mortellement renverser par un chauffard. Terminée la parenthèse enchantée, finie l'insouciance. Le malheur s'invite. L'été ne sera plus heureux, avec baignades, mures cueillies au bord de la route et nuits au calme, loin de tout danger... 

L'album, sorti en 2021, revient sur l'accident mais se penche aussi sur les suites. Comment la vie a continué, la façon dont la famille a survécu au procès. Ce récit, entre intime et universalité, entre douceur (souvenir des jours heureux) et rage (peut-on pardonner à l'assassin ?) a marqué les esprits. Preuve que la BD, loin de clichés, est devenue un art majeur, animé par de formidables artistes, créateurs novateurs, capables de s'accaparer et de révolutionner un média aux possibilités infinies.


Place au père !

Toujours dans cette veine de l'autobiographie familiale, JeanLouis Tripp s'attaque à un autre monument de sa vie : son père. Pour se comprendre, encore faut-il maîtriser ses origines, savoir d'où l'on vient, de qui on a appris à vivre en société. Parle-t-on avant tout de soi quand on entreprend de raconter la vie de son père ? Cette interrogation est omniprésente dans ces plus de 350 pages. La confrontation est parfois violente. Dans « Un père », l'auteur passe de l'admiration au rejet, de la joie simple à la tristesse infinie. Récit forcément subjectif, le roman graphique a pour cadre les lieux qui ont compté dans la famille : les petits villages du Tarn-et-Garonne, affectations des parents, Francis et Monique Tripier, instituteurs, la Cerdagne et la maison de vacances, les Corbières et le bord de la Méditerranée. Un des premiers souvenirs de Jean-Louis, ou du moins une des premières histoires que sa mère lui a raconté des dizaines de fois date de ses 1 an et demi. Ils sont en vacances chez ses grands-parents, à Mont-Louis en Cerdagne dans le chalet, véritable cœur battant de la famille. Laissé seul sans surveillance, le petit Tripier fait sa première fugue. Quelques heures dans les bois, au bord de la rivière, provoquant une belle panique. Retrouvé intact et sourient par deux jolies randonneuses.


Une entrée en matière très douce, positive. La suite est parfois plus compliquée. Notamment quand Jean-Louis, adolescent, rêve qu'il tue son père et l'enterre. D'où vient cette violence ? Des fessées reçues quand il était gamin et n'obéissait pas ? Ou plus simplement à un banal rejet de la figure paternelle à laquelle on refuse de ressembler ? Pourtant il a de nombreux bons souvenirs avec son père. Quand ils lui apprend à faire du ski, toujours en Cerdagne. Quand ils jouent au rugby. Quand il lui achète Vaillant, le journal communiste à destination des jeunes, là où JeanLouis Tripp découvre la bande dessinée. Quand ils visitent ensemble la Roumanie, pays communiste vénéré par ce père refusant longtemps d'abandonner son rêve universaliste et soviétique. Mais il y a aussi les mauvais jours, quand il se met en colère, cassant la vaisselle, faisant des scènes à sa femme devant les enfants. Un couple progressiste, de gauche, mais qui n'a pas évité la déchirure, le divorce.

Comme souvent, les relations se distendent. Le fils et le père se voient moins. JeanLouis Tripp, dans des pages d'une extrême sensibilité, s'interroge sur la vision que son père avait de ce fils, dessinateur, mais aussi professeur comme lui, dans une université au Canada.

Aujourd'hui, JeanLouis Tripp n'a plus de père. Sa mère aussi est morte. C'est paradoxalement le moment qu'il a choisi pour revenir vers le bercail familial. Installé à mi-temps puis totalement depuis l'an dernier, dans les Corbières audoises, c'est en partie là qu'il a imaginé et dessiné l'histoire de ses proches. Son histoire aussi. Dans ce Sud qu'il aime tant, entre montagne et mer, avec la garrigue au milieu. Des paysages que l'on retrouve en fin de ce roman graphique dans la scène sans doute la plus émouvante, du chalet à la mer, avec la Têt pour ultime voyage.

« Le petit frère », Casterman, 344 pages, 28 €

« Un père », Casterman, 360 pages, 28 €

dimanche 31 août 2025

BD - Les jeunes tribus d'un futur apocalyptique


Littérature, cinéma, séries télés et BD : l'imaginaire américain est particulièrement pessimiste quand il doit décrire la vie quotidienne d'ici quelques dizaines d'années. Nouvelle pierre à l'édifice avec les deux premiers tomes de la série écrite par Matthew Rosenberg et dessinée par Tyler Boss : "C'est où le plus loin d'ici ?" Première mise en orbite fin août pour la rentrée littéraire, tir de confirmation du second étage le 10 septembre. La suite (et fin a priori) pour plus tard. Si on est encore en vie... Car lire ces 272 pages (tome 1) puis 152 pages (tome 2) entraîne obligatoirement un peu de spleen. Les plus sensibles pourraient décider de se faire sauter le caisson. Surtout si l'on a plus de 25 ans... 

Dans ce futur aux décors urbains en ruines, les rares rescapés vivent en bande. En tribus. Les membres sont solidaires, comme issus d'une même famille. Et entre elles, la paix peut régner, mais souvent les affrontements viennent éclaircir les rangs. La particularité de ces tribus : il n'y a que des jeunes. Quand un membre devient adulte, il est éjecté, récupéré par de mystérieux "étrangers", les éléments les plus fantastiques de cette BD pourtant très réaliste. 

Pour comprendre ce nouveau monde, les auteurs racontent le quotidien de la bande du Collège. Ils tiennent leur nom du bâtiment dans lequel ils vivent. Ils ont des chefs et une religion. Chacun se choisit un Dieu. En l'occurrence un disque vinyle pioché dans la discothèque de l'établissement scolaire. 

La jeune Sid se pose beaucoup de questions. Depuis quelques semaines son ventre s'arrondit. Elle sent que cette transformation va bousculer son quotidien. Alors elle choisit de fuir, de tenter l'aventure. Elle a une carte dessinée à la main montrant le chemin pour rejoindre la ville, sorte d'Eden où l'on peut vivre sereinement, même adulte.

La BD, assez sombre, montre un pays qui s'est effondré. On ne sait pas pourquoi, mais ce retour aux instincts primaires s'est effectué au détriment du confort. Les amis de Sid, en tentant de la retrouver pour l'aider, croisent d'autres bandes. Certaines vont coopérer, d'autres en profitent. La violence est quotidienne, la peur aussi. Chacun trouve une façon de survivre. 

Sid va intégrer une nouvelle tribu presque plus animale qu'humaine. Les autres vont échouer dans une fête foraine trash et gore. Lentement mais sûrement, le périple se transforme en succession de cauchemars. Cela pourrait être rebutant. C'est en fait passionnant et édifiant sur l'état d'esprit de cette nation, les USA, qui semble sans cesse chercher le meilleur moyen pour précipiter sa chute. 

"C'est où le plus loin d'ici ?" de Matthew Rosenberg et Tyler Boss, Casterman, volume 1, 272 pages, 23 €, volume 2, 152 pages, 18 €

mercredi 28 mai 2025

BD - Des Gorilles infaillibles au service du Général

Côte présidents, attentats et protection rapprochée, les USA avaient Kennedy, la France De Gaulle. A l'arrivée, les gorilles français ont fait un sans faute, le grand homme de la Libération échappant à plusieurs tentatives d'attentats alors que le jeune président Kennedy... 

Pourtant De Gaulle n'aura eu que qatre gorilles surant sa carrière de chef de l'Etat de la Ve République. Quatre amis, connus depuis la Libération, qui l'ont suivi durant sa traversée du désert et ont repris du service en 1958 alors que la guerre d'Algérie fait des ravages dans l'armée, les finances et l'opinion publique. Xavier Dorison, le scénariste, s'est très librement inspiré des mémoires des véritables gorilles pour transformer un peu l'Histoire, lui donner un air un peu plus romantique. Mais dans l'ensemble on retrouve au fil de ce premier tome se déroulant en septembre 59, l'essentiel des événements autour de De Gaulle. 

Un long récit pour mieux connaitre le quatuor chargé d'assurer la sécurité du président dès qu'il quitte l'enceinte de l'Elysée. On découvre l'arrivée, controversée, de Max Milan en remplacement d'un membre tombé en disgrâce (pourquoi ? réponse en fin de volume). Ce flic, ancien résistant, arrive tout d'oit des USA. Il vient d'être diplomé par le FBI à Quantico. Il apporte des méthodes plus modernes au trio restant, très à cheval sur les traditions et les habitudes. Mais le danger est de plus en plus présent. Du côté du FLN, mais aussi de l'extrême-droite. Bref, les quatre gorilles, tout en gardant leur calme, vont devoir puiser dans leurs réserves pour contrer complots et projets d'attentats. 

Une intrigue mouvementée qui devait sembler réaliste, au niveau du dessin, pour être crédible. Le choix de Julien Telo s'avère judicieux. Il propose du trait ferme et efficace, fidèle aux décors de l'époque sans occulter les "gueules" des fameux gorilles. Un premier tome percutant, très instructif pour les ignorants de l'histoire contemporaine française. D'autant qu'un cahier pédagogique complète la BD, avec parcours des véritables gorilles du général et présentation de seconds rôles de la BD, de Michel Debré à Jacques Foccart, chef de l'ombre dit le Chanoine. 

"Les gorilles du général" (tome 1), Casterman, 96 pages, 21,95 €

samedi 26 avril 2025

BD - Alix fait escale dans la supposée Atlantide

Héros méditerranéen par excellence, Alix quitte pour une fois les rivages de Mare Nostrum. Il passe les fameuses colonnes d'Hercule (Gibraltar) pour l'Atlantique, plein ouest. Pour comprendre comment le jeune Gaulois devenu Romain a décidé d'aller dans cette zone inconnue, Roger Seiter, le scénariste de cet album, raconte la fuite de d'Iphis. Cette jeune esclave est de sang royal. Avant d'âtre rachetée puis affranchie par Alix et Enak, elle était la fille du roi de Kamarès, un territoire composé d'îles, loin du continent et à l'abri de tout contact. L'Atlantide ? 

Un petit royaume coupé du monde volontairement mais à l'agonie, trop d'habitant, moins de ressources. Iphis devait aller demander de l'aide aux autres civilisations. Jetée à l'eau durant le trajet, elle se retrouve esclave de ses sauveteurs. La rencontre avec Alix va lui permettre de terminer sa mission. Elle revient donc à Kamarès mais son pays a bien changé en quelques années. 

Dessinée par Marc Jailloux, cette aventure est tout à fait dans la lignée des titres imaginés par Jacques Martin. Un dessin précis, notamment en ce qui concerne l'architecture, une intrigue bourrée de rebondissements, avec l'éternel affrontement entre le bien et le mal, la raison et la folie. Ce n'est pas du vintage-hommage, c'est de la nouveauté venue en droite ligne du passé.

"Alix" (tome 44), Casterman, 48 pages, 13,50 €

jeudi 24 avril 2025

BD - Se sentir vivre... au moins "Dix secondes"

Trouver sa place, avoir un but, se forger un avenir. Des actions essentielles pour tout être humain qui se respecte. Sauf peut-être pour Marco, grand adolescent belge traînant son ennui chronique dans la province wallonne. Marco n'est pourtant pas malheureux. Il a une famille, des amis, craque parfois pour une fille, n'est pas trop mauvais en classe. Mais il lui manque ce petit quelque chose qui nous pousse à nous lever le matin. Alors il tente des expériences. Aime ce qui est interdit. Fumer des joints, tester de nouvelles drogues, boire à tomber par terre... 

Max de Radiguès, auteur devenu incontournable dans la nouvelle BD belge indépendante, a proposé ce roman graphique sous forme de feuilleton dans un fanzine. Une fois bouclé, il est logiquement édité chez Casterman, sa maison d'édition grand public de prédilection. L’occasion pour l'auteur de raconter une partie de sa jeunesse : scooter, nuit dans les bois ou les champs, école buissonnière et autres petites bêtises. 


En lisant les non-aventures de Marco, on a parfois envie de le secouer. Lui dire entre quatre yeux d'arrêter ses dérives. Qu'il risque gros. Que la vie vaut le coup, même si elle n'est pas aussi palpitante qu'un jeu vidéo. Marco, tête à claques, qui semble totalement imperméable à tous ces avertissements. Venant de ses potes ou de la jolie Zoé. Et puis il trouve enfin un dérivatif qui lui donne l'impression d'être vivant. Le jeu des dix secondes... 

Ce roman graphique est une chronique authentique, un peu nostalgique, très amère.  

"Dix secondes", Casterman, 120 pages, 22 €

mardi 15 avril 2025

Roman graphique - La vie vaut-elle le coup d'être prolongée ?

Étrange roman graphique que ce "Prolongement" signé Gwendal Le Bec chez Casterman. Dans un futur proche, alors que dérèglement climatique a transformé la Bretagne en région méditerranéenne particulièrement agréable, Camille et Gloria sont sur le point de fêter chacun leurs 80 ans. Un couple heureux, vivant dans une grande maison, avec piscine, océan à proximité et jardin potager. Mais quand ils sont ensemble, on croirait plutôt à une jeune femme avec son grand-père. Dans ce futur où le cancer se guérit aussi facilement qu'une grippe, la médecine a mis au point un protocole de "prolongement". Une semaine dans une clinique spécialisée, et vous ne vieillirez plus durant les cinq prochaines années. Gloria est adepte de la méthode depuis des décennies. Camille a toujours refusé. 

Il a donc 80 ans, est barbu et bedonnant, elle en fait à peine plus de 35. Ils s'aiment pourtant dans cette société où les riches semblent exonérés de tout problème. Cependant la fortune de Gloria n'est pas immortelle elle. Pour assurer son prochain prolongement, elle doit vendre un restaurant. Et très vite. C'est Camille qui va se charger de régler l'affaire car les acheteurs sont toujours contents quand "un petit vieux peut les amadouer avec des souvenirs", dixit Gloria.

L'intrigue du roman graphique (comment payer le prochain prolongement de Gloria) n'est qu'un prétexte pour détailler les vies de ces deux habitants du futur. Camille est nostalgique d'une certaine époque. Il rejette les nouveautés, délaisse la technologie pour regarder, à la télévision linéaire, des feuilletons qataris en compagnie de sa voisine, elle aussi non prolongée et à ses yeux plus désirable que sa presque jeune femme. Gloria, elle, profite de ces progrès, même si souvent elle en devient l'esclave. 

Le dessin, très simple, aux couleurs pastels, essentiellement des bleus et des roses, donne un côté encore plus irréaliste à l'ensemble. La fin étonnera le lecteur, mais cela semble être une des caractéristique du style de Gwendal Le Bec : dire sans crier, conclure sans artifice.  

"Le prolongement", Casterman, 208 pages 25 €

jeudi 6 mars 2025

BD - Découvrir la naissance de la littérature moderne japonaise

Si le tome 1 de la réédition dans le sens de lecture original de "Au temps de Botchan" était centré sur le roman de Natsume Soseki, le second tome se penche sur la vie et le début de l'oeuvre de Mori Ogai. 

Ce manga, un des premiers abordant l'histoire et la littérature japonaise, est écrit par Natsuo Sekikawa et dessiné par Jirô Taniguchi. Considérée à juste titre comme un des chef-d'oeuvre du maitre nippon, cette BD bénéficie d'une réédition dans son sens de lecture original. Lors de sa première version, elle avait été remontée pour ne pas dérouter les lecteurs européens. Depuis, les mangas ont conquis le monde et la lecture de la droite vers la gauche est entrée dans les moeurs, même sous nos latitudes. 

Le second tome débute par les obsèques de Futabatei Shimei, écrivain considéré par ses pairs comme un des précurseurs de la littérature japonaise moderne. Il a beaucoup étudié les oeuvres russes et s'est inspiré des textes qu'il a traduit pour rédiger son premier roman. Mort en mer sur le bateau qui le ramenait au pays, Futabatei est salué par les plus célèbres écrivains et journalistes de l'époque. Parmi eux Mori Ogai dont l'histoire d'amour contrariée avec une danseuse allemande est au centre de l'histoire. 

Les deux auteurs racontent cette histoire (déjà au centre du roman La danseuse publié en 1890) entre le jeune militaire japonais en formation en Europe et Elise, jeune danseuse allemande. Ils s'aiment. Promettent de se marier. Mais une fois revenu au pays, le soldat trahit la jeune femme. L'exemple parfait le la différence de culture entre Est et Ouest, entre Occident et Orient. Aujourd'hui le Japon a trouvé sa voie (après avoir perdu la guerre et enterré ses ambitions impérialistes), et après avoir été influencé par le modernisme européen, est en train d'imposer certains concepts de sa civilisation au reste du monde. 

"Au temps de Botchan", Casterman - Sakka, 256 pages, 20 €

mardi 26 novembre 2024

BD - Questions sur la ligne de vie de Corto Maltese


Comme Tintin ou d’autres héros de papier, Corto Maltese est un grand voyageur. Ses aventures lui ont donné l’occasion de visiter tous les continents et dans ce 17e album, il accroche un nouveau pays à son tableau de chasse : le Mexique.

Dans La ligne de vie, récit écrit par Juan Diaz Canales et dessiné par Ruben Pellejero, Corto cherche des fonds pour finaliser la restauration de son bateau. La démoniaque Bouche Dorée lui propose un marché : se faire passer pour un amateur d’art et acheter des objets en jade à un pilleur de temples mayas.


Une mission simple qui va se compliquer car Corto se retrouve embarqué, malgré lui, dans la guerre civile qui déchire le pays durant ces années 20. Le gouvernement, républicain, tente de mater la révolte des catholiques. Le bel aventurier va devoir transporter des caisses de munitions pour les insurgés.

Une longue aventure, pleine de péripéties, avec le retour de quelques seconds rôles connus (Raspoutine, Banshee) et la mort qui plane sur le héros à la boucle d’oreille. Une diseuse de bonne aventure lui a annoncé le raccourcissement de sa ligne de vie. Finalement, Corto Maltese est-il mortel ?

« Corto Maltese » (tome 17), Casterman, 80 pages, 17 €

vendredi 27 septembre 2024

BD - Les garçons du ginseng


Craig Thompson, après une période de doute (qu’il explique au détour d’un chapitre), se remet au roman graphique autobiographique. Après Blankets, il signe un colossal Ginseng Roots de 450 pages. Au début des années 80, dans ce Wisconsin très religieux et rural, Craig et son frère Phil, passent leurs vacances d’été à travailler pour les fermiers du coin.

Cette petite ville de Marathon est la capitale du ginseng américain, racine aux vertus médicinales très prisée en Chine. Une culture exigeante, exténuante. Mais les gamins sont enthousiastes car toute leur paye est transformée en comics, leur passion de l’époque.


Le début du roman raconte ces étés de labeur. Il dévie ensuite sur les vertus du ginseng, l’histoire de cette plante. Et Craig Thompson, souffrant, va découvrir qu’en plus de lui avoir rapporté des sous enfant, peut en partie le soulager. Un auteur toujours au sommet de son art, qui parle de nouveau de sa famille, 20 ans après Blankets, et raconte ses voyages en Chine, Corée et Taïwan.

Il se dévoile, donne la parole à son frère, sa sœur, ses parents et surtout nous en apprend beaucoup sur ces tubercules de forme humaine.
« Ginseng Roots », Casterman, 448 pages, 27 €

jeudi 5 septembre 2024

BD - Sauvages mélomanes


Au XVIe siècle, en découvrant l’Amazonie, les navigateurs européens avaient plusieurs buts : trouver de l’or, étendre les possessions des monarques, évangéliser les populations. David B., au scénario, revient sur un épisode de la vie de Nicolas Leclerc.

Ce marin, en arrivant sur le territoire des Tupinambas, une tribu locale, est capturé. Déshabillé (ils vivent tous nus), on lui offre une femme, Pépin, et beaucoup de nourriture car il faut l’engraisser. Dans un an, il sera dégusté par toute la tribu.


Les Tupinambas ne sont pas cannibales, ils ont simplement l’habitude de manger leurs prisonniers. Ce qui sauve Nicolas, c’est sa voix. Il chantonne pour passer le temps, les « sauvages » découvrent qu’il parle comme les oiseaux. L’épargnent.

Par contre ses anciens compagnons décident de le récupérer, de l’emprisonner. Il s’enfuit et va errer avec la tribu dans la jungle à la recherche de la Terre sans mal, le paradis local.

Mis en images par Eric Lambé, ce périple au cœur de l’enfer vert montre combien les Occidentaux se fourvoient, incapables de comprendre ces civilisations si différentes. D’autant que les missionnaires, entre aveuglement et folie (certains voulaient convertir les singes), tuent sans la moindre hésitation car, selon la célèbre maxime : « Dieu reconnaîtra les siens ».
« Antipodes », Casterman, 112 pages, 22 €

mercredi 17 juillet 2024

BD - Le passé de Kosmograd


Le temps, c’est aussi de l’histoire. Bonaventure, créateur de la série de SF Kosmograd, a décidé d’appuyer sur la touche retour arrière pour expliquer comment ce monde futuriste est apparu. Et d’où viennent les trois amies au centre du premier album paru l’an dernier.

Donc avant de savoir ce qu’elles vont devenir, l’auteur propose de plonger dans leur passé, comment elles sont arrivées à Kosmograd. Cette immense ville, une des dernières où la société ne s’est pas écroulée face au dérèglement climatique, a une solution : construire une cité en orbite. Pour cela tous les citoyens doivent travailler pour mettre au point un ascenseur orbital et récupérer des matières premières pour construire ce nouvel Eden.

Dans la série « avant la chute », on suit la vie de trois jeunes filles avant qu’elles ne se connaissent. Zoya est une réfugiée climatique. Elle sera nourrie et logée durant de longs mois en échange d’un travail ingrat de récupération des composants électroniques sur des appareils cassés. Mana est une étudiante. Comme son frère, elle est experte en codage. Citoyenne de Kosmograd, elle subit le racisme des plus riches au quotidien.

Enfin Ev’ est une nomade, passionnée de rock. Elle vit en marge de la société et c’est elle le lien avec les autres. Sur plus de 80 pages, l’auteur développe son monde, son totalitarisme, ses mensonges. Et le lecteur devine, avec un plaisir non feint, l’envie de liberté qui va bouleverser les vies de ces trois jeunes femmes attachantes. Pour que leur avenir soit plus beau que leur passé.
« Kosmograd, avant la chute » (tome 1), Casterman, 88 pages, 20 €

dimanche 7 juillet 2024

BD - Carla, taxi ou psy ?

Jacques Lob, scénariste à qui l’on doit le Transperceneige ou les aventures de SuperDupont, a écrit pour les meilleurs dessinateurs du XXe siècle. Futuropolis exhume les cinq récits courts de Carla, jeune femme taxi de nuit dans une ville sombre, très sombre, dessinée par Edmond Baudoin.

Du noir et blanc donc, avec quelques touches de couleurs dans une histoire, où Baudoin retranscrit parfaitement cette noire ambiance et sinistre. Un peu comme les clients que Carla amène d’un point A vers un point B, d’une dépression à un profond désespoir.

« Carla », Futuropolis, 80 pages, 18 €

samedi 22 juin 2024

BD - Fragiles jeunes filles en fleur


 Pour terminer ce tour d’horizon des nouvelles amours vues sous le prisme de la bande dessinée, n’hésitez pas à découvrir Fragile, album signé Mathilde Ducrest. Cette artiste Suisse vit désormais à Bruxelles après des études à Saint-Luc. Féministe engagée, elle a multiplié les projets de publication en autoédition avant d’être repéré par les éditions Casterman. Elle signe donc chez la prestigieuse maison (Tintin, Corto Maltese, Alix…) ce copieux roman graphique en couleurs fines et délicates racontant la rencontre entre Emily et Suzanne.

La première, étudiante, cherche un petit job d’été. Elle répond à l’annonce de la seconde, riche héritière d’une famille d’industriels. Le travail ? Promener tous les jours Mitsou, le petit chien de la seconde car elle va passer quelques semaines en vacances en Espagne. Mais avant d’abandonner son petit roquet à Emily, Suzanne veut mieux connaître Emily. Elles vont se promener dans les bois et jardins de la riche famille et une irrésistible attirance va naître entre les deux jeunes femmes.

Plus qu’une simple histoire d’amour, ce Fragile raconte combien il est compliqué pour les jeunes d’aujourd’hui de s’engager, de faire des plans sur l’avenir, de croire en l’amour. C’est effectivement le portrait d’une génération fragile. Mais très attachante aussi.
« Fragile », Casterman, 184 pages, 25 €

samedi 4 mai 2024

BD - Espagne, terre atomique pour Guy Lefranc

 


Roger Seiter, le scénariste de cette 35e aventure du reporter Guy Lefranc s'est inspiré d'un véritable fait divers pour la trame du scénario.
Au début des années 60, en pleine guerre froide, les USA maintenaient en permanence plusieurs bombardiers en vol avec des bombes H dans les soutes pour répondre à toute attaque soviétique. Les avions partaient des USA, traversaient l'Atlantique et se tenaient en permanence à proximité des frontières de l'Est. D'autres avions, basés en Europe, étaient chargés de ravitailler en vol les bombardiers qui faisaient des veilles de 24 heures.

Lors d'un plein, au-dessus de l'Espagne, un B52 explose en vol, cinq bombes H tombent à proximité d'Alméria. Un reportage du feu de Dieu pour le journaliste Lefranc, en vacances dans la région. Exactement il est à la recherche d'une ancienne combattante républicaine qui a connu son oncle, engagé dans les brigades internationales pour protéger la jeune République.

Double enquête donc pour le héros imaginé par Jacques Martin et qui désormais est dessiné par plusieurs repreneurs, Régric pour ce Bombes H sur Alméria. Sa recherche de la vérité sur la mort de son oncle se croisera finalement avec la récupération d'une bombe. Dessin fidèle à l'original, intrigue réglée au millimètre : ce 35e titre d'une série idéalement relancée tient toutes ses promesses de nostalgie doublée d'une bonne dose de vintage.

«Guy Lefranc» (tome 35), Casterman, 48 pages, 12,50 €

mardi 20 février 2024

BD - Jean-Christophe Chauzy, le greffé


Myélofibriose. Vous n’avez sans doute jamais entendu le nom de cette maladie. Tout comme Jean-Christophe Chauzy, dessinateur de BD (Le reste du monde) avant cette consultation début 2020. Des analyses inquiétantes et ce diagnostic lourd de conséquence. Il n’a plus de défense immunitaire et risque une leucémie foudroyante. Seul recours, en urgence, une greffe de moelle osseuse.

Sang neuf, long témoignage de plus de 250 pages revient en détail sur cette période de la vie d’un dessinateur qui avait normalement tout pour être heureux : des livres qui se vendent bien, une compagne aimante, deux grands garçons et une récente installation en région lyonnaise.

Si le livre sort quatre ans plus tard, c’est qu’il s’en est sorti. Mais pas sans risque, baisse de moral, rechutes. Par chance il a rapidement trouvé un donneur compatible : sa sœur. Ensuite c’est une période de chimiothérapie et un long passage en chambre stérile. Au moment même où la moitié de la planète aussi s’isole pour cause de covid. Sans entrer dans les détails trop techniques de globules et de plaquettes, Chauzy, donne les clés au lecteur pour comprendre les conséquences de la maladie, des effets de la greffe, de ceux des médicaments aussi. Il raconte avec justesse son état d’esprit, paniqué à l’idée de mourir, incapable sur le moment de comprendre l’abnégation de sa compagne qui doit traverser l’épreuve seule.

Un témoignage important aussi pour apprécier le travail des personnels soignants en France. Aussi, et c’est l’essentiel, un message d’espoir : on peut souvent vaincre la maladie. Cet album en est la preuve éclatante.

« Sang neuf », Casterman, 256 pages, 26,90 €

jeudi 18 janvier 2024

Bande dessinée - Histoires indiennes et de l’Ouest américain

Géronimo avec Christian Rossi, Chef Joseph par Corteggiani et Andrade : l’histoire indienne est une mine d’or pour la bande dessinée. Mais l'Ouest sauvage américain est aussi un terrain propice pour voir naître de belles histoires d'amour comme "Western Love" d'Augustin Lebon.


Géronimo le chaman

Très attendu, le nouvel album de Christian Rossi ne déçoit pas. Il a mis des années à finaliser cette somme colossale (plus de 170 pages !) racontant une partie de la vie du chef indien Géronimo. Un roman graphique grand format, tout en couleur, qui mêle fiction et Histoire.

Le chef Apache prend sous son aile un jeune Indien rejeté par sa tribu. Ensemble ils vont sillonner cette région aride située le long de la frontière mexicaine. Une quête initiatique qui se termine mal, au cours de laquelle Christian Rossi met en lumière les talents de chaman du rebelle.

C’est assez mystique parfois, un peu dans le style des Jean Giraud, le maître absolu du western dessiné, celui avec qui Christian Rossi a longtemps collaboré pour signer les aventures de Jim Cutlass. Une série qui ressort dans une superbe intégrale, cadeau parfait pour les fêtes de fin d'année.


L’errance de Chef Joseph

Autre figure de la résistance indienne face aux soldats américains : chef Joseph. À la tête des Nez-Percés, il espère vivre en paix et en harmonie dans la vallée de la Wallowa, terre de ses ancêtres. Mais des colons convoitent les terres et quand de l’or est trouvé, c’est la ruée.

Il est décidé de transférer la tribu dans une réserve au nord. Refus des jeunes guerriers et c’est la guerre. Chef Joseph fera tout pour trouver un point de chute à son peuple.

Une longue errance durant l’été 1877 racontée avec minutie par François Corteggiani (son ultime scénario, il est mort subitement l'été 2022) et dessiné par Gabriel Andrade. De plus, on retrouve en fin de volume une partie pédagogique avec documents d’époque renforçant encore la légende de ce grand chef indien, poussé à la guerre par les circonstances.


Amour, bonne bouffe et... pistoleros

Ils sont adorables ces deux héros imaginés par Augustin Lebon. Pas forcément fréquentables, mais touchants dans leur façon de ne pas vouloir admettre que malgré les circonstances, ils ont succombé au fameux coup de foudre. Une histoire d'amour dans un cadre particulier puisqu'il frappe en plein Ouest sauvage.

Molly, rousse surnommée à juste titre « La Teigne », est une excellente cuisinière. Elle vit de ce talent dans une petite ville du Nouveau-Mexique. On est en pleine conquête de l'Ouest et les outlaws sont légion. Justement arrive en ville le dénommé Gentil, également connu sous le sobriquet moins reluisant de « Crevard ». Il remarque immédiatement Molly. Pourtant il ne doit pas oublier sa mission. Il doit faire les repérages avant le braquage de la banque locale. Un western humoristique et romantique, avec son lot d'action. Car Gentil va décider de trahir sa bande pour sauver Molly.

Une Teigne qui au passage retrouve les traces de sa mère, partie alors qu'elle était encore un bébé et, c'est plus problématique, une demi-sœur presque chef de la bande de Gentil. La suite de la série sera d'ailleurs axée sur ce trio avec des relents de vaudeville...

« Golden West », Casterman, 176 pages, 34,90 €.

« Jim Cutlass » (intégrale), Casterman, 448 pages, 59 €

« Chef Joseph », Glénat, 56 pages, 14,95 €

« Western Love (tome 1), Soleil, 56 pages, 15,50 €


mercredi 10 janvier 2024

L'expert ou le passé trouble de l'Allemagne de l'Ouest





Étrange roman graphique avec des dessins très stylisés, modernes et plus précis que l'impression première, que cet album L'expert signé de Jennifer Daniel. L'autrice allemande revient sur la fin des années 70 en Allemagne de l'Ouest. Un pays qui tentait d'oublier son passé, tout en faisant face à une recrudescence de terrorisme d'extrême-gauche. 



Pour comprendre la mentalité de l'époque, Jennifer Daniel a cherché l'inspiration dans des photos de famille. C'est son oncle, photographe pour l'institut médico-légal de Bonn qui lui a donné le personnage principal. M. Martin, qui très jeune a dû se battre sous l'uniforme nazi, veut tout oublier et mener une vie discrète. Il passe ses journées à photographier des cadavres. Surtout des accidentés de la route. Un soir, après un passage au bar avec des amis, il rentre ivre chez lui au volant de sa Coccinelle et s'endort. Quand il se réveille, il est blessé à la tête et une jeune femme est morte sur la chaussée. Il prend la fuite mais retrouve le cadavre peu de temps après sur la table d'autopsie. 

Plus qu'un fait divers, cette histoire raconte aussi la corruption du gouvernement de l'époque, les aspirations de la jeunesse et les tentatives de cacher un passé honteux. Une Allemagne pas si glorieuse que cela... 

"L'expert" de Jennifer Daniel, Casterman, 200 pages, 25 €

mardi 2 janvier 2024

Un manga : Chasse au cadavre


Suite de l’excellent manga Chasse au cadavre de Hôsui Yamazaki. Un tome 2 où la petite bande de gamins va s’enfoncer encore plus loin dans l’inconnu. Ils sont quatre, trois garçons et une fille, à rechercher une fillette disparue il y a deux ans. Leur indice : un pylône électrique.




Ils vont explorer des forêts montagneuses, à vélo puis à pied, pourchassé par un chasseur impitoyable au masque de démon. On apprécie la belle complicité du quatuor, l’intrigue angoissante et la découverte d’une tradition séculaire particulièrement horrible.

Un thriller entre aventure enfantine et chasse à l’homme (à l’enfant en l’occurrence).

« Chasse au cadavre » (tome 2), Sakka Casterman, 192 pages, 8,45 €

samedi 16 décembre 2023

BD - Le chat, comme en 40


Occupé à montrer son exposition un peu partout en Europe, Philippe Geluck a délaissé un peu son personnage emblématique. Cela faisait trois ans que Le Chat n’était pas revenu sous forme d’album, deux Noëls où les fans devaient trouver une autre idée pour le cadeau parfait.

Pour ce 24e recueil, l’auteur, en plus de retrouver sa verve et son humour, a rempli 64 pages de dessins, strips, planches et même histoires courtes pour célébrer dignement les 40 ans du personnage. Un feu d’artifice pour tous les drogués à l’absurde en manque depuis trop longtemps.

En résumé, sachez que le Chat est toujours aussi philosophe, parvenant à dédramatiser les pires situations de la vie quotidienne. Il ose aussi l’aphorisme politique quand le placide matou affirme que « Celui qui se soucie vraiment de la souffrance animale ne devrait manger que des œufs pondus sous péridurale. »

Tout l’esprit de la série est condensé dans cette histoire au cours de laquelle le héros doit présenter son prochain scénario au « Bureau de validation des gags ». Il y est question de pont. Mais c’est tout l’esprit de la bureaucratie qui est épinglé avec brio.

« Le chat » (tome 24), Casterman, 64 pages, 15,95 €