Affichage des articles dont le libellé est allemagne. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est allemagne. Afficher tous les articles

mercredi 6 mars 2024

Cinéma - “La salle des profs”, reflet d’une société en perdition

Film d’lker Çatak avec Leonie Benesch, Michael Klammer, Rafael Stachowiak, Leo Stettnisch


Que se passe-t-il dans cette salle des profs d’un collège allemand ? Solidarité et concorde ont déserté le lieu. Carla (Leonie Benesch), jeune prof de maths, nouvellement affectée, découvre que tout le monde se surveille. Il y a des vols. Chez les élèves et les profs.

Elle tend un piège et filme la voleuse. La première pièce d’un puzzle machiavélique qui va transformer le collège en véritable poudrière. La salle des profs d’Iker Çatak, sélectionné pour l’oscar du meilleur film étranger, inaugure un nouveau genre, le thriller scolaire.

Carla se retrouve acculée. Elle se met à dos ses collègues mais surtout toute la classe d’Oskar (Leo Stettnisch), le fils de la présumée voleuse, mise à pied temporairement. Le film devient de plus en plus oppressant, la position de Carla intenable, celles d’Oskar et de sa mère encore plus délicates.

Une réalisation au cordeau qui bénéficie d’une interprétation magistrale, notamment de Leonie Benesch qui aurait sans doute mérité, comme Sandra Hüller, d’être nominée comme meilleure actrice.

 

mercredi 10 janvier 2024

L'expert ou le passé trouble de l'Allemagne de l'Ouest





Étrange roman graphique avec des dessins très stylisés, modernes et plus précis que l'impression première, que cet album L'expert signé de Jennifer Daniel. L'autrice allemande revient sur la fin des années 70 en Allemagne de l'Ouest. Un pays qui tentait d'oublier son passé, tout en faisant face à une recrudescence de terrorisme d'extrême-gauche. 



Pour comprendre la mentalité de l'époque, Jennifer Daniel a cherché l'inspiration dans des photos de famille. C'est son oncle, photographe pour l'institut médico-légal de Bonn qui lui a donné le personnage principal. M. Martin, qui très jeune a dû se battre sous l'uniforme nazi, veut tout oublier et mener une vie discrète. Il passe ses journées à photographier des cadavres. Surtout des accidentés de la route. Un soir, après un passage au bar avec des amis, il rentre ivre chez lui au volant de sa Coccinelle et s'endort. Quand il se réveille, il est blessé à la tête et une jeune femme est morte sur la chaussée. Il prend la fuite mais retrouve le cadavre peu de temps après sur la table d'autopsie. 

Plus qu'un fait divers, cette histoire raconte aussi la corruption du gouvernement de l'époque, les aspirations de la jeunesse et les tentatives de cacher un passé honteux. Une Allemagne pas si glorieuse que cela... 

"L'expert" de Jennifer Daniel, Casterman, 200 pages, 25 €

lundi 18 septembre 2023

Roman - « Post frontière », après la tragique partition de l’Allemagne

Maxime Gillio romance la vie de trois femmes, trois Allemandes de trois générations différentes pour embrasser toute l’histoire contemporaine de ce pays meurtri par la guerre et la partition.


Anna, Inge et Patricia. Trois femmes au centre de ce roman signé Maxime Gillio. Un titre à double sens. Post frontière sonne comme ces postes-frontières qui empêchaient, du temps du Mur et de la partition de l’Allemagne en deux pays antagonistes, de simplement rejoindre sa famille à quelques kilomètres de distance. Post frontière comme ces souvenirs d’un temps par chance révolu, mais qui hante bien des consciences. 

Pour embrasser toute cette période, l’auteur tisse une toile subtile entre trois femmes. On en découvre le destin, le passé ou la vie actuelle (le roman se déroule en 2006) dans des chapitres courts, comme autant de taches de couleur trop souvent ternes comme les événements tragiques qui ont façonné l’Allemagne actuelle. 

Nouveaux camps

En 1945, la jeune Anna fait partie de ces Sudètes chassés de Tchécoslovaquie tels des pestiférés. Il est vrai que quelques années auparavant, le régime nazi a envoyé des familles allemandes s’approprier les meilleures terres pour « germaniser » ces régions.  

En 2006, Patricia, journaliste, tente de gagner la confiance d’Inge. Cette retraitée d’un peu plus de 60 ans est atypique. Dans les années 60 elle a risqué sa vie pour rejoindre l’Ouest. Mais au bout de quelques années, elle a fait le chemin inverse et préféré la RDA, socialiste et totalitaire à la RFA, capitaliste et démocratique. Patricia aimerait écrire un livre sur ce parcours différent. Mais pas facile de trouver un terrain d’entente avec l’acariâtre vieillarde. D’autant que Patricia, célibataire en mal d’enfant, alcoolique et désespérée, semble cacher le véritable motif de cette rencontre. 

En progressant dans les rapports entre les deux femmes, on découvre, en plus de personnalités fortes malgré d’importantes fissures, tout un pan de l’histoire allemande. Comment, par exemple, les Sudètes, renvoyés en Allemagne par les vainqueurs, ont été parqués dans des camps. Les femmes, exploitées, humiliées, souvent violées, y ont perdu leurs derniers espoirs. Sauf Anna qui, après un terrible viol collectif, « sent une force nouvelle l’envahir, un instinct de survie bestial l’a réveillée. Elle qui était entrée fantôme dans le camp, décidée à se laisser mener à la mort, a désormais l’intention de survivre. » Cela permettra à Inge de naître quelques mois plus tard et de passer une enfance presque heureuse et normale dans une famille d’accueil. 

Inge, qui rêvera de liberté avec son premier amour, Christian, tué en tentant de franchir le mur. Inge, boule de rancœur, capable de tout pour se venger. Tout comme Patricia aux blessures tout aussi profondes. Toute la force du roman est de finalement redonner de l’espoir aux survivants, prouver que comme les hommes, une nation est toujours capable de se relever et de repartir de l’avant.   

« Post Frontière » de Maxime Gillio, Talent Éditions, 21,90 €

vendredi 31 mars 2023

Bande dessinée - Quand les femmes dessinent et s’indignent

Si Nine Antico, pour parler des femmes en général, raconte l’histoire de trois d’entre elles dans l’Italie du passé et du présent, Lisa Frühbeis, autrice allemande, se met en scène dans des histoires réalistes, drolatiques et parfois énervées.

Trois saintes italiennes, Agata, Lucia et Rosalia. La vie de ces religieuses, qui ont pour point commun de ne pas avoir voulu se marier, sert de prétexte pour raconter des destins plus contemporains et terre à terre de trois femmes qui ont les mêmes noms. Nine Antico, sur des récits religieux qui ont sans doute un fond de vérité, greffe ces destins imaginaires très symboliques.


Agata, encore adolescente, est envoyée dans un sanatorium sicilien. Elle n’est pas malade. Il faut simplement la préserver du scandale familial : sa mère vient d’être assassinée par son amant. Agata qui devra vivre toute sa vie avec ce poids de la faute maternelle. 

L’histoire de Lucia se déroule durant la seconde guerre mondiale. En Italie comme en France, la libération venue, les femmes qui ont couché avec les soldats allemands sont tondues. Alors que se donner à un GI fait presque figure de sacrifice patriotique.

Enfin la Rosalia de notre époque fait partie de ces témoins qui ont participé à la chute (temporaire) de la mafia. 

Ces Madones et putains, long récit graphique essentiellement en noir et blanc, aux dessins sombres comme du Baudoin, racontent les impasses dans lesquelles les femmes qui ont un minimum d’envie de liberté se retrouvent trop souvent acculées.

De l’Italie, cap vers l’Allemagne. Pays a priori plus ouvert aux thèses féministes. Mais qui pourtant a encore des progrès à réaliser quand on découvre les Petites chroniques féministes écrites et dessinées par Lisa Frühbeis. Publiées chaque semaine dans un grand journal berlinois, ces histoires en trois planches mettent Lisa en situation. Elle y aborde, en toute liberté et sans tabou, des thèmes parfois légers (comment vivre avec ses poils aux jambes ou comprendre pourquoi certaines femmes aiment véritablement avoir un soutien-gorge) ou plus sérieux et clivants.

Quand elle aborde le problème des règles, elle sait parfaitement qu’une grosse partie du lectorat masculin va zapper la BD. Il y est aussi parfois question de politique, quand elle constate que les lois, depuis des siècles, sont écrites par les hommes pour maintenir leur domination sur l’autre moitié de l’humanité.

Le dessin, simple et très expressif, permet de ne pas rendre trop indigestes ces chroniques sérieuses et édifiantes sur la situation des femmes de l’autre côté du Rhin.

« Madones et putains », Dupuis, Aire Libre, 21,95 €
« Petites chroniques féministes », Presses de la Cité, La Cité Graphique, 19 €

mardi 15 novembre 2022

DVD et Blu-ray - Peter Von Kant, double halluciné de Fassbinder par François Ozon

Librement inspiré de la pièce de théâtre Larmes amères de Petra Von Kant de Fassbinder, ce film sur le cinéma et les affres de la création est un manifeste d’amour à ce milieu par un François Ozon très inspiré. Il offre de plus un rôle fantastique à Denis Ménochet qui interprète le personnage principal, Peter Von Kant (Diaphana Vidéo). 

Peter Von Kant est un réalisateur allemand, sorte de double de Fassbinder. Dans ces années 60, il multiplie les projets sans véritablement se décider à se lancer dans un tournage. Dans son grand appartement, il reçoit sa mère (Hanna Schygulla) ou son actrice fétiche (Isabelle Adjani). Mais c’est surtout un jeune apprenti comédien, Amir (Khalil Gharbia) qui va lui causer bien des tourments. Peter Von Kant est amoureux. Peter Von Kant veut mourir si Amir l’abandonne. 

Peter Von Kant va renaître car la vie est faite de hauts et de bas, l’inspiration prenant souvent la suite du désespoir. Un film parfois déroutant par sa grandiloquence, mais il ne faut pas oublier que c’est à la base une pièce de théâtre, que l’espace est réduit et que le corps de Peter (Denis Ménochet) Von Kant prend beaucoup de place dans cet appartement où l’amour semble tourner en rond infiniment. 

jeudi 2 juillet 2020

Série télé - Dark, dans les méandres compliqués du temps


Bien que société américaine, Netflix a compris que sa réussite à travers le monde entier passait par la production de séries moins marquées US. Si en France on a eu(bof bof…), en Allemagne c’estqui a permis à la plateforme de streaming de remporter ses galons de qualité. 

La troisième et dernière saison de cette saga entre science-fiction et voyages temporels a débarqué ce week-end et immédiatement a trusté la première place des audiences. Pourtant il n’est pas évident de s’y retrouver dans cette histoire imaginée et dirigée par Baran bo Odar, Jantje Friese. La touche allemande est amenée par le démantèlement d’une centrale nucléaire dans une petite ville de province. Là, depuis plusieurs décennies, des événements inexpliqués provoquent notamment des disparitions. 

On apprend que sous la centrale, un trou de ver (dans des grottes) permet de voyager dans le temps. Dans le passé, mais aussi le futur. Pour la 3esaison, Jonas (Louis Hofmann), le héros, tente d’empêcher la catastrophe qui va tuer toute sa famille ainsi que ses amis. Mais doit-il aller dans le futur ou le passé? Finalement, il découvre qu’il est dans une autre dimension, où il n’existe pas, mais où tous ses amis vivent les mêmes événements, avec une fin inéluctable identique. 

Il rencontre une autre Martha, qui endosse son curé jaune du début de la première saison, comme si l’histoire se réécrivait, mais avec des personnages légèrement différents. Tout se complique quand Jonas doit côtoyer son moi adulte et même sa version âgée, qui a changé de nom, se faisant appeler Adam et visiblement grand manipulateur. Pourtant, malgré la gymnastique intellectuelle obligatoire pour s’y retrouver, la série reste passionnante, prenante, ouvrant une quantité d’interrogations sur notre propre existence, notre passé, ce que l’on deviendra…

 Les effets spéciaux, nombreux et parfaitement maîtrisés, ne doivent pas nous faire oublier que c'est avant tout une série intellectuelle, avec quantité de questionnement à filer le bourdon à tout prof de philosophie.

lundi 22 juin 2020

Cinéma - Benni, fugue mineure

Benni n’est pas une fille facile. Elle donne bien du fil à retordre à ses éducateurs. Benni, blondinette aux yeux bleus pourrait charmer qui elle veut en souriant. Mais Benni est en réalité une enfant sauvage aussi dangereuse qu’un volcan sur le point d’entrer en éruption. Pourquoi Benni rejette-t-elle à ce point la société ? Le spectateur le découvre au fil des minutes, plongeant à son corps défendant dans la psyché de cette enfant qui a visiblement été très mal traitée dans sa petite enfance.

De foyer en hôpital psychiatrique

Le film de Nora Fingscheidt, une des sensations de la dernière Berlinale, est tout le temps sur la corde raine. Comme les humeurs de la petite Benni, magistralement interprétée par Helena Zengel du haut de ses 9 ans. Elle a été retirée du foyer familial. Presque au soulagement de la mère qui a déjà fort à faire avec ses deux autres enfants. Benni est incontrôlable. Elle ne veut pas aller à l’école, a tendance à se battre, surtout avec les garçons mais surtout pique des crises d’hystérie totale si par malheur quelqu’un lui touche le visage. L’explication est donnée au détour d’une des nombreuses consultations médicales (Benni est du pain béni pour certaines psychiatres en mal de phénomènes) : quelqu’un aurait tenté de l’étouffer avec un oreiller quand elle était bébé. Qui, le film ne le dit pas. Reste le traumatisme. 

L’assistante sociale chargée de la suivre ne sait plus quoi faire. Tous les foyers la refusent. Et de toute manière elle fugue quasiment toutes les semaines pour tenter de rejoindre sa mère qui lui manque tant. Il ne reste que la solution de l’institution fermée, mais elles n’acceptent les enfants violents qu’à partir de 12 ans. Peut-elle passer deux années dans un hôpital psychiatrique en attendant ? La solution va venir d’un de ses accompagnants scolaires, Micha (Albrecht Schuch). Il propose de la prendre durant deux semaines dans une cabane isolée dans les bois, sans électricité. Juste lui et elle pour se confronter à une autre réalité. Un point sera fait après cette expérience. Le film, de drame social âpre et violent, se transforme lentement en relation fusionnelle entre deux incompris, sensibles à la poésie de la nature. On est subjugué par la scène de l’écho. Micha emmène Benni très loin dans les bois. Sur une crête, il lui demande de crier pour que l’écho lui réponde. Benni va se défouler durant deux longues minutes à appeler en vain sa maman. Une scène poignante. Comme toutes celles qui suivent car Benni n’en a pas terminé avec les problèmes, malgré ses promesses à Micha à qui elle demande de devenir son père. 

Le destin de cette petite fille perdue, traumatisée, incapable de trouver sa place dans notre société, devient alors un grand film qui restera dans les mémoires

Film allemand de Nora Fingscheidt avec Helena Zengel, Albrecht Schuch, Gabriela Maria Schmeide 

mercredi 31 mai 2017

Cinéma : "Lou Andreas-Salomé", une femme libre vers les sommets

LOU ANDREAS-SALOMÉ. Biopic de la psychanalyste qui a connu Nietzsche, Rilke et Freud.



Certaines vies sont plus passionnantes que des scénarios recherchés et originaux mais qui manquent de ce petit plus qu’est la réalité. Lou Andreas-Salomé était une femme en avance sur son temps. Une intellectuelle qui durant toute sa vie a tenté de mettre en accord ses convictions philosophiques avec sa vie quotidienne. Mais s’il n’existe quasiment plus d’interdit pour les femmes de nos jours dans nos civilisations occidentales, ce n’était pas du tout le cas il y a encore un siècle.



Ce sont ces obstacles à une vie choisie qui sont racontés dans le film de Cordula Kablitz-Post. Née à Saint-Pétersbourg en 1861 dans une famille bourgeoise et aisée, seule fille au milieu de plusieurs garçons, elle a rapidement voulu être l’égal de ses frères. Premier symbole avec l’ascension d’un cerisier couvert de fruits. Ses petites ballerines et sa robe ample l’empêchent de cueillir les fruits défendus. Elle tombe alors qu’elle veut atteindre le sommet de l’arbre. Mal préparée et peu équipée dans ce monde d’hommes, elle prend conscience de la difficulté de sa tâche. Adolescente, son père meurt. Elle renie sa foi et se lance dans des études philosophiques. Obligée de s’exiler en Suisse, seul pays qui autorise les femmes à mener des études universitaires, elle prolonge son périple vers l’Italie.

■ Nietzsche amoureux
C’est là qu’elle rencontrePaul Rée, étudiant en philosophie comme elle, et surtout un certain Nietzsche. Fascinée par ce grand esprit, elle va le persuader d’étudier et de vivre avec lui. Mais en toute amitié. Car Lou a décidé,très tôt, qu’elle ne se marierait pas, n’aurait pas d’enfant et resterait chaste pour ne pas distraire son esprit. Une situation qui rendra à moitié fou Nietzsche, amoureux de la femme dont il a toujours rêvé, alliant beauté et intelligence.
L’essentiel du film se déroule quand Lou est adulte.Elle est interprétée par Katharina Lorenz, actrice qui a compris toute la fougue de cette femme. La pression de la société devenant trop forte, elle accepte d’épouser un homme de 15 ans son aîné,Friedrich Carl Andreas. Un mariage blanc qui ne sera jamais consommé.
Devenue reconnue et célèbre, elle découvre les poèmes d’un jeune auteur: Rainer Maria Rilke. Pour la première fois, à 35 ans révolus, elle tombe amoureuse et cède aux plaisirs physiques dans les bras du poète. Son seul amour, suivi de plusieurs rencontres, uniquement sexuelles.Quand elle tombe enceinte, c’est à nouveau vers un arbre qu’elle se tourne. Elle grimpe à son sommet et saute. Un tournant dans sa vie qui correspond à sa rencontre avec le Dr Freud. De philosophe, elle va devenir psychanalyste jusque dans les années 30.
Sans doute la partie la plus troublante du film. Lou, âgée de 72 ans et interprétée par Nicole Heester, raconte son incroyable vie à un biographe. Et décide de brûler une bonne partie de ses manuscrits et journaux intimes avant les Nazis. Nous sommes en 1933 et les autodafés se multiplient, notamment contre la psychanalyse considérée comme une « science juive ». Ce film, basé sur ses écrits, extrapole aussi certains passages définitivement perdus dans les flammes de la folie du XXe siècle.

vendredi 9 septembre 2016

Cinéma : "Frantz" ou la quête d'un pardon impossible

Frantz__1.jpg
Un an après la fin de la grande guerre, un soldat français tente de se faire pardonner. "Frantz", film très esthétique et en noir et blanc de François Ozon sur la résilience.

Tourné en grande partie en noir et blanc dans une petite bourgade allemande, "Frantz" de François Ozon fait partie de ces films au fort pouvoir de rémanence. Pris par l'histoire, on n'est pas sensible immédiatement à la beauté des images. Puis, une fois sorti de la salle, des flashs picturaux nous reviennent en mémoire. Les gros plans sur le visage lumineux de l'actrice principale, ces branches d'arbres qui bruissent dans le vent, les ambiances des cafés en Allemagne comme en France, avec en toile de fond une fierté nationale qui appelle à de nouveaux combats, le cimetière, calme et reposant. Une époque reconstituée, sans beaucoup de moyens, mais avec toute son âme.
Mensonge pieu
D'âme, il en est beaucoup question dans ce film sur le pardon. Adrien Rivoire (Pierre Niney), jeune soldat français fraîchement retourné dans le civil après l'Armistice, se rend dans cette petite ville allemande qui accueille la tombe de Frantz. Lui aussi soldat. Dans l'autre camp. Et moins chanceux puisqu'il est mort au combat. Il croise dans le cimetière Anna (Paula Beer), la fiancée inconsolable de Frantz. Entre ces deux jeunes que tout oppose, une complicité, une amitié, voire plus, va se nouer. Malgré l'ambiance générale qui pousse la majorité des Allemands à cracher au passage d'Adrien. Adrien prétend avoir connu Frantz avant la guerre, quand ils étaient étudiants à Paris. Il raconte à Anna et aux parents du jeune Allemand disparu leurs visites au Louvre, les soirées dans les cafés animés, leur passion pour la musique, le violon en particulier. Le père (Ernst Stötzner), après avoir rejeté violemment Adrien, accepte de l'écouter et va éprouver beaucoup de plaisir à retrouver une partie de la vie de son fils. Mais tout n'est que mensonge. La relation entre Adrien et Frantz est tout autre.
Longtemps durant la première partie du film on suspecte une relation homosexuelle. Il n'en est rien, François Ozon a respecté le scénario original du film de Lubitsch. Adrien est simplement le meurtrier de Frantz, croisé dans une tranchée sous la mitraille des deux camps. Il veut se faire pardonner, tout dire aux parents. Anna l'en dissuade, veut se raccrocher désespérément à ce bel inconnu si charmeur qui lui rappelle tant son amour. Frantz, omniprésent au début du film, va peu à peu s'effacer des mémoires et Adrien comme Anna vont enfin accepter de tourner la page.
François Ozon, sans la moindre ostentation, raconte comment un mensonge peut parfois être plus constructif que la cruelle vérité. Même si vivre avec ce secret est une souffrance de tous les jours pour les initiés.
_________________
Radieuse Paula Beer
Frantz__2.jpgUn amateur éclairé du cinéma de François Ozon souligne combien le réalisateur sait mettre en valeur les actrices qu'il choisit. Après Ludivine Sagnier ou Marine Vatch, il braque son objectif sur la belle Paula Beer. Jeune actrice allemande pleine d'avenir, elle endosse le rôle d'Anna avec une grâce touchante. Belle, elle se dissimule derrière des habits de veuve, elle qui pourtant n'était que fiancée. Elle refuse les avances d'un notable persuadé qu'il saura lui faire oublier son malheur. Par contre elle se trouve toute tourneboulée quand Adrien évoque ces poèmes français que Frantz aimait plus que tout. Sa tristesse initiale va lentement s'estomper pour laisser place à une joie de vivre qui lui manquait tant.
Remarquable en veuve éplorée, Laura Beer l'est encore plus quand elle enfile une robe vaporeuse pour aller au bal au bras du "Français", malgré les regards désapprobateurs de ses amis allemands, torturés, déjà, par l'envie de revanche. Certes elle est belle, bonne actrice, tant en allemand qu'en français, mais cette joliesse, ce mignon minois, doit aussi beaucoup à la délicatesse de François Ozon. Il filme ce visage avec une rare intensité, comme si Paula Beer portait en elle toute la finalité du film : le malheur, la résilience, l'espoir d'une vie meilleure, la décision de vivre, malgré la peine. Seule une grande actrice peut relever un tel défi.

vendredi 15 avril 2016

Cinéma : Fritz Bauer, chasseur de nazis

fritz bauer,kraume,allemagne,nazi,justice,mossad
S'il est présenté comme un "héros allemand" dans le film de Lars Kraume, Fritz Bauer était bien seul quand il tentait de juger, en Allemagne, les nazis en fuite.

Un homme en colère et impuissant. Tel est Fritz Bauer (Burghart Klaubner), procureur chargé des enquêtes spéciales à la fin des années 50 en Allemagne de l'Ouest. D'origine juive, il a connu la prison durant les années 30 quand il était membre de la social-démocratie. Libéré, il trouve refuge au Danemark puis en Suède. On ne le sait pas toujours, mais des hommes ont tenté de s'opposer à la montée du nazisme. A la fin de la guerre, il fait partie des rares juifs à avoir choisi de revenir dans son pays. Pour le servir. Ce juriste d'exception n'a qu'une envie : que les criminels de guerre en fuite soient jugés dans leur pays. Une obligation si la nouvelle Allemagne veut tirer un trait sur ce passé d'abominations. Sa colère vient des oppositions rencontrées dans son travail. Beaucoup de fonctionnaires de la démocratie chrétienne sont en réalité des nazis blanchis qui continuent à protéger les responsables de la solution finale. "Nos enquêtes n'avancent pas" hurlent-ils à ses adjoints dont le jeune Karl Angermann (Ronald Zehrfeld).
Sur la piste d'Eichmann
Il tente de mettre en place le procès des gardiens d'Auschwitz (lire ci-contre) mais surtout espère capturer des officiers qui ont trouvé refuge en Argentine. La lettre d'un ancien déporté, lui-même exilé près de Buenos Aires lui redonne espoir. Adolf Eichmann, le grand organisateur de la déportation de millions de Juifs, vivrait tranquillement sous une nouvelle identité. Problème, si Bauer dit à la police allemande qu'il a repéré la cache de ce criminel, des taupes risquent de prévenir immédiatement le tueur nazi. Le film de Lars Kraume tourne autour de ce cas de conscience. Il existe une solution pour qu'Eichmann soit capturé : le Mossad israélien. Mais donner ses informations aux services secrets de Tel Aviv pourrait le conduire en prison. Il choisit finalement cette solution, se justifiant auprès d'Angermann "Si l'on veut sauver notre pays, il faut savoir le trahir". Eichmann sera capturé, jugé en Israël et pendu. Fritz Bauer poursuivra son combat. Jusqu'à sa mort en 1968. Plus qu'un biopic, ce film est une œuvre de salubrité publique pour les générations actuelles.
Fritz Bauer était effectivement seul contre tous à l'époque. Mais son opiniâtreté l'a transformé en héros allemand. Quant aux procès Auschwitz, ils ont duré de longues années. Un des derniers devait s'ouvrir aujourd'hui, mais Ernst Tremmel, qui avait 19 ans à l'époque des faits, est mort la semaine dernière, à 93 ans.
 _______________
 Un second film sur le même sujet sensible

Comme s'il fallait plusieurs générations pour comprendre, les jeunes cinéastes allemands actuels s'intéressent à cette période compliquée de l'après-guerre. La partition du pays entre Ouest et Est occupait tous les esprits. Le nazisme semblait une période à oublier. Place à la reconstruction. Mais dans les administrations, certains procureurs particulièrement attachés à la justice, se sont battus pour que les responsables et tous leurs auxiliaires soient jugés pour les millions de morts de la Shoah. "Le labyrinthe du silence" de Giulio Ricciarelli, sorti récemment en DVD (Blaq out), revient sur le même sujet que "Fritz Bauer, un héros allemand". Il raconte l'histoire d'un jeune procureur à peine sorti de l'école, cantonné aux infractions routières. Il découvre avec stupéfaction l'existence des camps d'extermination. Et les horreurs qui y ont été commises par l'armée allemande. D'une rigueur absolue, il considère que tout meurtrier doit être poursuivi. Même s'il a commis ses crimes en tant que soldat "obligé" d'obéir aux ordres de ses supérieurs. Il va tenter de retrouver le maximum de ces tortionnaires en recueillant le témoignage des rescapés. Mais le chemin est long, semé d'embûches, tel un véritable labyrinthe où il est vite fait de se perdre. Il croise à un moment le chemin de Fritz Bauer (interprété dans ce premier film par Gert Voss) qui ne pourra que lui conseiller de persévérer.

jeudi 5 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : #NippelstattHetze

Le titre de cette chronique sous forme de mot-dièse en allemand interpelle forcément les lecteurs qui possèdent quelques notions de la langue de Goethe. Pour les autres, sachez que l'on peut traduire ce #NippelstattHetze par "mamelons plutôt que dénigrement". Un mouvement de plus en plus populaire sur Facebook car au cœur de l'actualité de ce pays européen devenu le refuge de centaines de milliers de migrants en quête d'une vie meilleure, mais aussi, parfois, en butte aux attitudes racistes d'une partie de la population. Tout est parti d'une photo publiée sur la plateforme par le photographe Olli Waldhauer. Une jeune femme, debout derrière un homme assis dans un fauteuil. Ce dernier tient dans ses mains un panneau sur lequel est inscrit un slogan ouvertement raciste.




Manu militari, la photo est retirée par les régulateurs de Facebook. Mais pas à cause du message tendancieux. Non, ça, le géant du net à plus d'un milliard de membres le tolère sans trop de difficulté malgré une charte assez claire. Si cette photo a été censurée dès les premières heures de sa publication, c'est simplement parce que la jeune femme a les seins nus. 
D'où le mot d'ordre "des mamelons plutôt que du dénigrement raciste". Expérience réussie pour le photographe qui demande aux membres de partager son cliché. Et précise en toute légitimité que s'il doit être effacé par Facebook, ce n'est pas à cause de la nudité du modèle mais du contenu raciste du message. Un combat loin d'être gagné tant la pudibonderie du réseau social devient sa marque de fabrique.

vendredi 7 août 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Parking trop étroit

Évidemment, à force de me moquer, ça me pendait au bout du nez. Un retour de bâton carabiné qui fait réfléchir. Hier matin, je découvre une information qui me réjouit. Outre qu'elle me fait sourire, elle me donne un sujet de chronique rêvé. L'aéroport de Francfort suscite la polémique outre-Rhin après avoir installé dans son parking des places plus larges destinées aux conductrices
Dans le genre cliché misogyne, difficile de faire pire. De plus, ces places sont signalées par un rose vif, comme pour renforcer la caricature. Et de me remémorer toutes ces maximes négatives, « Femme au volant... » Je me mets à ruminer sur ce thème, à collecter des vidéos de conductrices maladroites qui, en se garant emboutissent une dizaine de voitures ou cette autre qui défonce une barrière de parking souterrain après avoir mis son ticket dans la borne. 
Mais avant de me lancer dans la rédaction d'un texte drôle et incisif, je me rappelle que je dois faire une course urgente. Je prends donc la voiture, file au supermarché (à 700 mètres de la maison, mon empreinte carbone est abominable), conduit distraitement, obnubilé par l'invention de jeux de mot autour des femmes au volant. 
Pas assez concentré, arrivé sur le parking quasi vide, j'évalue mal la distance avec l'arête d'une bordure. Boum ! Le pneu avant droit explose. En plein cagnard je change la roue et me maudis. Comme si toutes les femmes (dont la mienne qui effectue des créneaux impeccables) s'étaient vengées par anticipation de mes intentions moqueuses. 
Et de songer que si la place avait été plus large, mon pneu n'aurait pas fini en lambeaux. 

jeudi 6 novembre 2014

Cinéma : Réfugiée dans son propre pays

Avant la chute du Mur, des Allemands de l'Est parvenaient à passer à l'Ouest. Récit de ce parcours éprouvant dans « De l'autre côté du mur ».
Un quart de siècle déjà que le symbole le plus fort de la partition du monde entre Est et Ouest est tombé. Il y a 25 ans, le mur de Berlin était abattu sous les coups de boutoir de la population de la RDA. 25 ans que l'Allemagne est redevenue une seule nation, reléguant aux oubliettes cette séparation idéologique obsolète.
Le film de Christian Schwochow ne raconte pas ce fait historique mais les à côtés de la guerre froide, en 197510. Quand la RFA servait de refuge à quelques rares dissidents suffisamment déterminés pour risquer leur vie. Nelly (Jördis Triebel), jeune mère d'Alexei, un garçon de dix ans, chercheuse en chimie, ne supporte plus la paranoïa de la RDA et les interrogatoires incessants de la Stasi. Elle décide de rejoindre la RFA et ses espoirs de liberté, de démocratie, de renaissance.

mur, berlin, rda, rfa, allemagne

La jeune femme n'est pas spécialement une dissidente. Son départ est plus personnel. Le père d'Alexei, un scientifique russe, a disparu du jour au lendemain. Nelly apprend qu'il aurait trouvé la mort dans un accident de la circulation à Moscou. Mais alors pourquoi la police politique ne cesse de l'interroger à son sujet. Et pourquoi a-t-elle perdu son emploi ?
Après un passage humiliant de la frontière (fouille au corps entièrement nue), Nelly est hébergée dans un centre provisoire. Là, dans cet ensemble qui a tout l'air d'une prison, des centaines de réfugiés de l'Est tentent d'obtenir le droit de librement circuler à l'Ouest. Ils doivent obtenir un sauf-conduit décerné par les services secrets des Alliés. Nelly quitte un cauchemar pour un mauvais rêve qui y ressemble furieusement. Là aussi elle a droit à une fouille au corps sans ménagement et à de longs interrogatoires par un agent américain, interprété par Jacky Ido, l'acteur français originaire du Burkina Faso. Les questions tournent essentiellement autour du père d'Alexei, Nelly est-elle venu le rejoindre ?

Ce film, à l'ambiance lourde et paranoïaque, montre comment la guerre froide, la suspicion permanente et la crainte des agents infiltrés a parfois dégoûté des hommes et des femmes de cette liberté promise à l'Ouest mais jamais accordée. Une page noire de l'histoire de la RFA méconnue et parfaitement expliquée dans un film sobre mais pas aussi pessimiste qu'il ne semble.

lundi 4 août 2014

Livre - Justice à retardement

Un industriel allemand est assassiné dans sa chambre d'hôtel. Le tueur, Fabrizio Collini reconnaît le meurtre mais refuse de s'expliquer. Son avocat va enquêter dans le passé.

La société allemande, tout en triomphant mondialement au niveau sportif ou économique, n'en finit pas de solder son passé. Il y a moins de 70 ans, la terreur nazie s'abattait sur la totalité de l'Europe. La défaite a permis de juger certains responsables, mais d'autres sont passés à travers les mailles du filet. De simples exécutants, loyaux à leur supérieurs et leur pays, ou des hommes et femmes, en état de juger et donc complices actifs de crimes de guerre et de génocide ?
Cette interrogation, sorte de devoir d'inventaire jamais véritablement achevé, est au centre du terrible roman de Ferdinand von Schirach, « L'affaire Collini ». L'auteur, par ailleurs avocat au barreau de Berlin depuis 1994, est un fin connaisseur de la justice de son pays. Une partie du roman porte d'ailleurs sur les droits des accusés, la façon dont les affaires criminelles sont instruites et la méthode de désignation des avocats commis d'office.
Tout débute en 2001. Dans une chambre d'hôtel à Berlin, un homme se faisant passer pour un journaliste, prend rendez-vous avec Hans Meyer, industriel allemand. Une fois en tête à tête, Fabrizio Collini, le faux journaliste et véritable force de la nature, sort un révolver de son manteau, fait agenouiller Meyer et l'abat de plusieurs balles dans la tête. Puis, « de sa chaussure, il retourna le corps. Soudain, il asséna un coup de talon dans la face du cadavre, le regarda, puis lui donna un autre coup. Il ne pouvait plus s'arrêter, il tapait et tapait encore, sang et substance blanche giclaient sur son pantalon, sur le tapis, sur le bois du lit. » Un meurtre horrible, un émoi considérable.

Meurtre inexplicable
Collini s'étant constitué prisonnier dans le hall de l'hôtel, l'instruction peut débuter immédiatement. Il faut cependant lui trouver un avocat. Le jeune Leinen, installé à son compte depuis quelques semaines, est de permanence. Malgré sa totale inexpérience des procès d'assises il accepte de prendre la défense du géant muet. Cet homme, d'origine italienne, est venu travailler en Allemagne durant les années 50, fuyant la misère de son pays. Sans casier judiciaire, discret, il est à la retraite depuis peu.
Rien ne semble pouvoir expliquer de coup de folie. Même à son avocat il ne dit rien de son mobile. Leinen, qui a accepté de défendre Collini sans connaître l'identité du mort, a un gros coup au moral en découvrant qu'il s'agit d'Hans Meyer. Il a côtoyé cet homme durant sa jeunesse. C'était le grand-père de son meilleur ami. De Johanna aussi, son amour de jeunesse inachevé, qui se concrétise finalement à la faveur des événements tragiques. Pris entre son amitié avec la famille de la victime et sa détermination d'avocat, Leinen va aller jusqu'au bout. En creusant dans le passé de Hans Meyer, il risque de perdre Johanna, mais aussi y trouver le mobile, l'explication qui pourrait inverser les rôles, Collini devenant la victime de ce drame.
Écriture puissante, passion tourmentée, professionnalisme à toute épreuve : ce roman ne manque pas d'intérêt. Reste avant tout de cette « Affaire Collini » une leçon d'Histoire et l'exhumation de pratiques peu glorieuses dans une Allemagne qui, des années après la fin de la guerre, a bien caché son double jeu.

« L'affaire Collini », Ferdinand von Schirach (traduction Pierre Malherbet), Gallimard, 16,90 €

jeudi 8 mai 2014

Cinéma - "D'une vie à l'autre", fausse histoire familiale de Georg Maas

Mensonge, fausse identité, agent dormant : l'ancienne RDA a longtemps brillé par ses services secrets. « D'une vie à l'autre » de Georg Maas revient sur ces pratiques.


Tout le poids de l'histoire européenne, sombre et meurtrière, du siècle dernier, repose sur ce film tantôt thriller, chronique familiale ou espionnage. Entre la Norvège et l'Allemagne, les relations ont souvent été compliquées. Durant la seconde guerre mondiale, les Nazis ont trouvé dans le pays des femmes susceptibles de garantir la « pureté de la race aryenne ». Des Lebensborn, sortes d'usine à reproduction ont vu le jour. Les soldats allemands, sélectionnés, avaient pour mission de procréer avec des femmes jugées « pures ». Les bébés, arrachés aux mères, étaient placés dans des orphelinats en Allemagne pour assurer la relève de la « suprématie blanche ». Ase Avensen (Liv Ullmann) a donné naissance à une petite fille. Depuis la Libération, elle n'avait plus de nouvelles de son enfant. Le rideau de fer empêchait toute recherche. Mais 20 ans plus tard, Katrine (Juliane Köhler) parvient à rejoindre les rives de la Norvège. Elle affirme être la fille d'Ase. La mère retrouve sa fille qui refait sa vie en Norvège, pays libre. Tout est bien qui finit bien...
Jeu de la vérité
Georg Maas, dont c'est le second long-métrage, aborde une double thématique. Les enfants des Lebensborn et les agissements de la Stasi. Car Katrine se révèle être un agent de l'ancienne Allemagne de l'Est. Le film se déroule en 1990, quelques mois après la chute du Mur de Berlin. L'Allemagne, en pleine réunification, n'a pas encore le temps de s'intéresser aux crimes d'État de la partie orientale. Par contre des organismes européens luttent pour que les mères et les enfants des Lebensborn soient indemnisés. Un jeune avocat (Ken Duken) va remuer le passé d'Ase et de Katrine. Au risque de faire éclater une vérité que Katrine refoule depuis des années.
Tout le film est centré sur Katrine. La première scène la montre se déguisant (perruque noire, lunettes sombres) pour rechercher des archives en Allemagne. De retour chez elle, elle reprend son aspect de mère attentionnée. Sa fille, adulte, a un bébé. Son mari, militaire dans la marine, est commandant d'un sous-marin. Sa mère continue toujours d'exploiter la ferme familiale. Elle-même travaille et a des responsabilités dans une entreprise de pointe. Cette image de bonheur familial ne serait qu'une façade. Katrine joue un rôle, toujours au service d'une Stasi qui tente de sauver (ou de se débarrasser) de ses derniers agents dormants.
Sans jamais juger, « D'une vie à l'autre » nous entraîne dans les états d'âmes d'une femme qui a presque cru à la mise en scène de sa vie. On assiste à ses doutes, ses renoncements et derniers sursauts pour tenter de rétablir la vérité. Déchirée, elle sait qu'elle risque de faire voler en éclat plusieurs vies. La sienne bien entendu, mais aussi et surtout celles de ses proches.



Merveilleuse Liv Ullmann

Ce film allemand permet de revoir à l'écran l'actrice norvégienne Liv Ullmann. Elle joue le rôle d'une femme vieillie et marquée par les épreuves de la vie. Un personnage fort, qui donne tout son sens à l'histoire. Liv Ullmann reste la muse et l'interprète préférée d'Ingmar Bergman. La merveilleuse blonde a tourné dans plusieurs films du génie suédois. Il l'engage pour la première fois pour le film « Persona ». Il est frappé par sa ressemblance avec son autre artiste fétiche, Bibi Anderson. Rapidement le metteur en scène tombe amoureux de la jeune comédienne et partage sa vie de longues années. Elle sera l'inoubliable Marianne de « Scènes de la vie conjugale ». Des rôles sur mesure, dans lesquels Bergman met beaucoup d'émotion.


C'est aussi le cas dans « Sonate d'automne ». Liv Ullmann y interprète le rôle d'une fille qui a beaucoup à reprocher à sa mère. La longue scène où elle avoue à sa mère qu'elle la hait depuis son plus jeune âge fait partie des moments d'anthologie du cinéma mondial. 

lundi 17 février 2014

BD - Délicat retour à Berlin pour Miriam Katin

Découverte en 2008 avec « Seules contre tous » le récit de son enfance, Miriam Katin revient à la BD dans « Lâcher prise », album dans lequel elle se raconte, sa vie aux USA et son très temporaire mais difficile retour en Allemagne. Cette graphiste très recherchée dans les studios d'animation des majors américaines, a changé de registre. Après le succès de son premier album, elle se cherche. Difficile d'être un espoir de la BD internationale à 71 ans. Elle revient sur ce succès, les expositions qui ont suivi. 
Fière d'être Juive et Américaine, elle s'étonne quand son fils lui demande d'entamer des démarches pour obtenir la nationalité Hongroise. Cela lui permettra de s'installer plus facilement à Berlin. Cette annonce est un choc pour Miriam. Elle n'a pas encore pardonné à ce pays qui a massacré les siens. 
Malgré ses appréhensions elle ira à Berlin, rendre visite à son fils et sa compagne. Un séjour où elle se rend sur quelques lieux de pèlerinage et comprend que plus rien n'est comme avant. Elle retournera dans la capitale allemande pour une expo au Musée juif. La BD, loin d'être trop sérieuse, montre toutes les coulisses de ces deux voyages : les ennuis de santé, les doutes et errances. Le tout dessiné aux pastels de couleur.
« Lâcher prise », Futuropolis, 22 €

vendredi 16 août 2013

BD - "Wunderwaffen" ou les nazis triomphants


Troisième volet de « Wunderwaffen », série de guerre d'uchronie écrite par Richard D. Nolane et dessinée par Maza. Nous sommes en 1946. Le débarquement allié a échoué, les nazis ont eu le temps de mettre au point le moteur à réaction et de se doter d'une flotte aérienne dominatrice. 
Toute l'originalité de cette série tient au fait que les avions en action ont réellement existé. Sous forme de prototypes ou de simples plans. Le souci ensuite, c'est que les héros sont des pilotes allemands. 

Ils n'approuvent pas les idées de Hitler mais sont quand même loyaux. Résultat ils descendent quantité d'avions anglais ou français dans des combats où toute la technologie nazie est glorifiée. On peut craindre que certains nostalgiques du bruit des bottes ne voient que ce côté de la BD. Pourtant dans ce futur imaginaire, la solution finale existe toujours, et les SS ont même trouvé une autre utilisation pour les millions de déportés juifs. En conclusion, vivement que les Alliés remettent l'Histoire en bon ordre et donnent une bonne pâtée à ces tortionnaires sadiques.

« Wunderwaffen » (tome 3), Soleil, 14,50 €

mardi 30 avril 2013

Billet - Quand Twitter renforce l'amitié franco allemande, ou pas...

Quand le PS dérape sur les relations franco-allemandes, tout le monde appelle Twitter à la rescousse pour calmer la crise diplomatique larvée. D'abord Jean-Marc Ayrault twitte, en allemand, l'importance du « dialogue intense et sincère entre la France et l'Allemagne. »



Et puis apparaît ce week-end le mouvement « Sauvons l'amitié franco-allemande ». Là, force est de constater que le travail est d'envergure. Pour quelques Européens convaincus, on a affaire à une cohorte de moqueurs, de rancuniers voire de « jemenfoutistes ». Dans le premier camp, nombreux sont les nostalgiques de Mitterrand et Kohl, main dans la main. La photo reste le symbole parfait de la réconciliation.
Mais depuis, Angela Merkel est arrivée au pouvoir. Fustigée par la gauche du PS, elle s'attire les foudres sur Twitter. Rarement avec élégance. Est-ce vraiment de l'humour que d'écrire « Avouons qu'Angela Merkel n'est pas si moche comme mec ? »



On n'évite pas les gros clichés comme « Relançons la mode des sandales School avec des chaussettes » ou « Mangeons des bretzels » suivi de « offrons-leur Mireille Mathieu ». Plus subtile cette proposition de linguiste : « Tous les verbes à la fin des phrases mettons ».
Mais l'Allemagne, heureusement, fait encore rêver. Ses mannequins, bien sûr, ses footballeurs aussi. Prenez Mario Gotze : depuis la diffusion de sa photo en maillot de bain, il a beaucoup d'admiratrices. Et peut faire son entrée dans les cours de géométrie (droites perpendiculaires) ou d'anatomie (gonflement temporaire de corps caverneux par afflux de sang)...

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant. 

mercredi 25 juillet 2012

BD - Vitesse et guerre dans le troisième tome de "Grand Prix" de Marvano


Troisième et dernière partie de « Grand Prix », fresque de Marvano sur le sport automobile avant la seconde guerre mondiale. Après les exploits des autos et des pilotes, la politique prend le dessus. Hitler impose avec force son idéologie nazie. Les tensions avec les Britanniques sont de plus en plus fortes. Rudy, pilote de Mercedes et citoyen anglais est de plus en plus sur la sellette. Il profite pourtant de ses nombreux déplacements en Europe pour jouer à l'espion et participe même à un réseau destiné à sauver des milliers de Juifs persécutés. 
La BD, de sportive, devient politique, avec une dénonciation claire et nette de la politique de l'autruche menée par Chamberlain. Marvano tisse son intrigue autour des événements historiques, de l'ouverture des premiers camps de concentration à l'annexion des Sudètes. Le dernier grand prix aura lieu à Belgrade. Ensuite, les seuls moteurs vrombissant seront ceux des chars et des avions de la wehrmacht en train d'envahir l'Europe...

« Grand Prix » (tome 3), Dargaud, 13,99 €