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vendredi 31 mars 2023

Bande dessinée - Quand les femmes dessinent et s’indignent

Si Nine Antico, pour parler des femmes en général, raconte l’histoire de trois d’entre elles dans l’Italie du passé et du présent, Lisa Frühbeis, autrice allemande, se met en scène dans des histoires réalistes, drolatiques et parfois énervées.

Trois saintes italiennes, Agata, Lucia et Rosalia. La vie de ces religieuses, qui ont pour point commun de ne pas avoir voulu se marier, sert de prétexte pour raconter des destins plus contemporains et terre à terre de trois femmes qui ont les mêmes noms. Nine Antico, sur des récits religieux qui ont sans doute un fond de vérité, greffe ces destins imaginaires très symboliques.


Agata, encore adolescente, est envoyée dans un sanatorium sicilien. Elle n’est pas malade. Il faut simplement la préserver du scandale familial : sa mère vient d’être assassinée par son amant. Agata qui devra vivre toute sa vie avec ce poids de la faute maternelle. 

L’histoire de Lucia se déroule durant la seconde guerre mondiale. En Italie comme en France, la libération venue, les femmes qui ont couché avec les soldats allemands sont tondues. Alors que se donner à un GI fait presque figure de sacrifice patriotique.

Enfin la Rosalia de notre époque fait partie de ces témoins qui ont participé à la chute (temporaire) de la mafia. 

Ces Madones et putains, long récit graphique essentiellement en noir et blanc, aux dessins sombres comme du Baudoin, racontent les impasses dans lesquelles les femmes qui ont un minimum d’envie de liberté se retrouvent trop souvent acculées.

De l’Italie, cap vers l’Allemagne. Pays a priori plus ouvert aux thèses féministes. Mais qui pourtant a encore des progrès à réaliser quand on découvre les Petites chroniques féministes écrites et dessinées par Lisa Frühbeis. Publiées chaque semaine dans un grand journal berlinois, ces histoires en trois planches mettent Lisa en situation. Elle y aborde, en toute liberté et sans tabou, des thèmes parfois légers (comment vivre avec ses poils aux jambes ou comprendre pourquoi certaines femmes aiment véritablement avoir un soutien-gorge) ou plus sérieux et clivants.

Quand elle aborde le problème des règles, elle sait parfaitement qu’une grosse partie du lectorat masculin va zapper la BD. Il y est aussi parfois question de politique, quand elle constate que les lois, depuis des siècles, sont écrites par les hommes pour maintenir leur domination sur l’autre moitié de l’humanité.

Le dessin, simple et très expressif, permet de ne pas rendre trop indigestes ces chroniques sérieuses et édifiantes sur la situation des femmes de l’autre côté du Rhin.

« Madones et putains », Dupuis, Aire Libre, 21,95 €
« Petites chroniques féministes », Presses de la Cité, La Cité Graphique, 19 €

mardi 16 juin 2020

De choses et d’autres - Une chronique consacrée à une femme

 


Je ne sais pas si elle est à marier, mais cette femme semble d’un très bon parti. Car si l’on en croit sa page Wikipédia basée sur les très nombreux articles qui lui sont consacrés, elle multiplie les activités et métiers, souvent très cotés. Non seulement elle a remporté plusieurs prix Nobel, mais elle a exercé les métiers de physicienne, journaliste, diplomate ou astronaute et occupé des postes de présidente de la République, chef de gouvernement ou tout simplement de PDG d’une multinationale. Cette femme est tout cela à la fois, si l’on en croit les titres de la presse qui débutent tous par « Une femme… » Ses dernières attributions font rêver : le 5 juin, elle prend la tête des pompiers de la Creuse et le 12 juin, elle devient directrice des Vols habités à la NASA.

La page Wikipédia est un pastiche pour se moquer de la propension des journalistes français à ne pas nommer les femmes qui accèdent à de hautes responsabilités. Comme si ce qui importait, c’était leur sexe et uniquement leur sexe. Leurs compétences ? Pas un mot. Mais c’est « une femme » ! Le pire, ce sont ces titres qui annoncent en plus qu’une femme vient de prendre la place d’un homme. Dans la majorité des cas, comme s’il s’agissait d’un dernier acte de soutien au malheureux remplacé par une femme, il a droit à son nom. Pas elle. Il me tarde de lire dans la presse française ce titre (qui ne sera jamais publié, rassurez-vous messieurs) : « Un homme nommé chancelier à la place d’Angela Merkel. »

vendredi 7 août 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Parking trop étroit

Évidemment, à force de me moquer, ça me pendait au bout du nez. Un retour de bâton carabiné qui fait réfléchir. Hier matin, je découvre une information qui me réjouit. Outre qu'elle me fait sourire, elle me donne un sujet de chronique rêvé. L'aéroport de Francfort suscite la polémique outre-Rhin après avoir installé dans son parking des places plus larges destinées aux conductrices
Dans le genre cliché misogyne, difficile de faire pire. De plus, ces places sont signalées par un rose vif, comme pour renforcer la caricature. Et de me remémorer toutes ces maximes négatives, « Femme au volant... » Je me mets à ruminer sur ce thème, à collecter des vidéos de conductrices maladroites qui, en se garant emboutissent une dizaine de voitures ou cette autre qui défonce une barrière de parking souterrain après avoir mis son ticket dans la borne. 
Mais avant de me lancer dans la rédaction d'un texte drôle et incisif, je me rappelle que je dois faire une course urgente. Je prends donc la voiture, file au supermarché (à 700 mètres de la maison, mon empreinte carbone est abominable), conduit distraitement, obnubilé par l'invention de jeux de mot autour des femmes au volant. 
Pas assez concentré, arrivé sur le parking quasi vide, j'évalue mal la distance avec l'arête d'une bordure. Boum ! Le pneu avant droit explose. En plein cagnard je change la roue et me maudis. Comme si toutes les femmes (dont la mienne qui effectue des créneaux impeccables) s'étaient vengées par anticipation de mes intentions moqueuses. 
Et de songer que si la place avait été plus large, mon pneu n'aurait pas fini en lambeaux. 

samedi 28 octobre 2006

Essai - Virginie Despentes a les boules

Virginie Despentes aime provoquer. Cet essai sur la condition des femmes intitulé "King Kong théorie "devrait une nouvelle fois faire bondir... les hommes.


Elle ne fait pas dans la dentelle et n'y met pas les formes. Quand Virginie Despentes se penche sur la condition des femmes, cela décoiffe. Connue pour ses romans et films qui ont fait scandale au moment de leur sortie (« Baise-moi » essentiellement), elle précise dans une introduction nerveuse quelle écrit ces lignes pour « les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides (...) toutes les exclues de la bonne meuf » et d'expliquer quelques pages plus loin que « quand on n'a pas ce qu'il faut pour se la péter, on est souvent plus créatifs. Je suis plutôt King Kong que Kate Moss, comme fille. Je suis ce genre de femme qu'on n'épouse pas, avec qui on ne fait pas d'enfants (...)».

Pour parler des femmes, Virginie Despentes se prend tout simplement en exemple. Il se trouve que sur les divers chapitres qu'elle aborde, elle en connaît un bon bout. Que cela soit le viol, la prostitution ou l'industrie du film porno, elle s'appuie sur des expériences personnelles. Un vécu qu'elle transforme en avis. Elle mélange allègrement réflexion assez poussée et argumentée avec la description de faits et gestes tirés de son histoire.

Quelques vérités sur le viol

Le viol par exemple, elle décrit le contexte, comment elle l'a senti venir, et n'a rien fait pour l'éviter. Comme tétanisée. Est-ce que cela lui donne une légitimité pour ensuite en tirer des généralités ? Certains en doutent, et pourtant comment ne pas donner plus de crédibilité à une Virginie Despentes et son parcours heurté mais imprégné du réel qu'à une féministe, universitaire, à 100 lieues de ce monde machiste peuplé de violeurs en puissance ? « On s'obstine à faire comme si le viol était extraordinaire et périphérique, écrit-elle, en dehors de la sexualité, évitable. Comme s'il ne concernait que peu de gens, agresseurs et victimes, comme s'il constituait une situation exceptionnelle, qui ne dise rien du reste. Alors qu'il est, au contraire, au centre, au cœur, socle de nos sexualités. Rituel sacrificiel central, il est omniprésent dans les arts, une constante à travers les siècles ». Première divergence évidente avec la parole officielle du politiquement correct.

De l'importance de la prostitution

Elle poursuit son entreprise de démystification en présentant la prostitution sous un jour nouveau. Elle estime que les tentatives d'interdire la prostitution ne sont que les conséquences d'hommes redoutant que des femmes ne deviennent autonomes et indépendantes sur le plan économique économique. Elle prend de la même façon la défense du cinéma X : « Le porno, volontiers dénoncé comme mettant les gens mal à l'aise par rapport au sexe, est en réalité un anxiolytique ». Une théorie un peu plus difficile à avaler tant les intérêts financiers en jeu sont importants dans ce qui reste une usine à fric. Au final elle explique cette fameuse théorie autour de King Kong en décortiquant le film de Peter Jackson. Virginie Despentes, presque la quarantaine, en quittant la fiction, prend des risques encore plus grands. Elle sait pourtant où elle va : « Heureusement, il y a Courtney Love. En particulier. Et le punk-rock en général. Une tendance à aimer le conflit. Je me refais une santé mentale, dans mon ombre de blonde. Le monstre en moi ne lâche pas l'affaire».

« King Kong théorie », Virginie Despentes, Grasset, 13,90 €