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jeudi 24 octobre 2024

BD - Madeleine, l'indestructible


Remarquable travail de mémoire que celui entrepris par Morvan (scénario) et Bertail (dessin) en compagnie de Madeleine Riffaud. Cette dernière leur a ouvert son coeur, sa mémoire et ses archives pour raconter comment, étudiante à Paris, elle n'a pas hésité à rejoindre la Résistance à l'occupant nazi. Dans cette troisième partie, Madeleine est en très mauvaise posture. Alors que les Alliés viennent de débarquer en Normandie, elle vient de tuer un soldat allemand sur le pont de Solférino.

Capturée par la milice, elle est confiée aux bons soins de la police française. Celle qui collabore. Plus que de raison. Au commissaire divisionnaire Fernand David, surnommé « Les mains rouges ». Madeleine va comprendre d'où vient son surnom après être passée dans sa poigne de fer. Tabassée, torturée, Madeleine ne dira rien. Pas question qu'elle dévoile aux traîtres les noms de ses camarades. Une obstination, un courage, qui poussent à bout le commissaire. Il la livre à la Gestapo.


Durant de longues semaines Madeleine sera torturée, frappée, affamée. Mais jamais elle ne pliera. Elle aurait pu car elle sait parfaitement que trois jours après son arrestation, tous ses compagnons de Résistance auront fait le nécessaire pour disparaître. Mais c'est plus fort qu'elle, elle ne lâche pas le moindre nom. Après des jours de privation dans un cachot, le verdict tombe : fin des interrogatoires, dans une semaine elle sera passée par les armes.

Pourtant cette trompe-la-mort va s'en sortir et pourra même participer, à peine remise sur pied, à la libération de Paris et célébrer ses 20 ans en même temps que le départ des Allemands. Aujourd'hui Madeleine Riffaud vient de fêter ses 100 ans.

Une vie extraordinaire pour une femme d'exception. En plus des BD, elle continue à témoigner, notamment dans les écoles. Car si jamais elle ne s'est déclarée vaincue, elle sait aussi que la victoire s'oublie trop facilement. Les derniers événements en Europe prouvent que les générations futures n'apprennent pas assez des précédentes.

« Madeleine, Résistante » (tome 3), Dupuis Aire Libre, 128 pages, 23,50 €
 

vendredi 13 octobre 2023

Le renard rusé inspire Jean-Claude Servais



Nouvelle série très nature pour Jean-Claude Servais. Le dessinateur ardennais va présenter en plusieurs tomes La faune symbolique. Premier à entrer en scène, le renard. Renard rusé est composé de plusieurs petites histoires courtes, souvent tirées de croyances populaires. 


Le fil rouge est constitué par les réflexions d'une jeune femme qui se demande quel est son animal-totem. Après un exercice de dessin, elle trouve dans ses gribouillis la silhouette du fameux goupil. Goupil, associé parfois aux fées, réputé malin et très intelligent. On découvre avec plaisir la légende des queues des animaux. Sans appendice, tous les animaux en voulaient une jolie. Or la plus belle est revenue au rusé renard. Une distribution très imagée, notamment quand Servais évoque la queue des lapins ou des cochons. 



Un album qui se termine par un texte d'Adrien de Prémorel sur les aventures de Renard, l'ardennais. Texte très poétique illustré de croquis au crayon, en noir et blanc, de Servais, excellent dessinateur animaliste.

"Renard Rusé" de Jean-Claude Servais, éditions Dupuis, collection Aire Libre, 80 pages, 17,95 €

vendredi 31 mars 2023

Bande dessinée - Quand les femmes dessinent et s’indignent

Si Nine Antico, pour parler des femmes en général, raconte l’histoire de trois d’entre elles dans l’Italie du passé et du présent, Lisa Frühbeis, autrice allemande, se met en scène dans des histoires réalistes, drolatiques et parfois énervées.

Trois saintes italiennes, Agata, Lucia et Rosalia. La vie de ces religieuses, qui ont pour point commun de ne pas avoir voulu se marier, sert de prétexte pour raconter des destins plus contemporains et terre à terre de trois femmes qui ont les mêmes noms. Nine Antico, sur des récits religieux qui ont sans doute un fond de vérité, greffe ces destins imaginaires très symboliques.


Agata, encore adolescente, est envoyée dans un sanatorium sicilien. Elle n’est pas malade. Il faut simplement la préserver du scandale familial : sa mère vient d’être assassinée par son amant. Agata qui devra vivre toute sa vie avec ce poids de la faute maternelle. 

L’histoire de Lucia se déroule durant la seconde guerre mondiale. En Italie comme en France, la libération venue, les femmes qui ont couché avec les soldats allemands sont tondues. Alors que se donner à un GI fait presque figure de sacrifice patriotique.

Enfin la Rosalia de notre époque fait partie de ces témoins qui ont participé à la chute (temporaire) de la mafia. 

Ces Madones et putains, long récit graphique essentiellement en noir et blanc, aux dessins sombres comme du Baudoin, racontent les impasses dans lesquelles les femmes qui ont un minimum d’envie de liberté se retrouvent trop souvent acculées.

De l’Italie, cap vers l’Allemagne. Pays a priori plus ouvert aux thèses féministes. Mais qui pourtant a encore des progrès à réaliser quand on découvre les Petites chroniques féministes écrites et dessinées par Lisa Frühbeis. Publiées chaque semaine dans un grand journal berlinois, ces histoires en trois planches mettent Lisa en situation. Elle y aborde, en toute liberté et sans tabou, des thèmes parfois légers (comment vivre avec ses poils aux jambes ou comprendre pourquoi certaines femmes aiment véritablement avoir un soutien-gorge) ou plus sérieux et clivants.

Quand elle aborde le problème des règles, elle sait parfaitement qu’une grosse partie du lectorat masculin va zapper la BD. Il y est aussi parfois question de politique, quand elle constate que les lois, depuis des siècles, sont écrites par les hommes pour maintenir leur domination sur l’autre moitié de l’humanité.

Le dessin, simple et très expressif, permet de ne pas rendre trop indigestes ces chroniques sérieuses et édifiantes sur la situation des femmes de l’autre côté du Rhin.

« Madones et putains », Dupuis, Aire Libre, 21,95 €
« Petites chroniques féministes », Presses de la Cité, La Cité Graphique, 19 €

mardi 14 avril 2020

BD - Le Dom Juan de la photo face aux conséquences de son inconséquence



La collection Aire Libre de Dupuis permet de grandes rencontres. Avec pour résultat une grande œuvre quand un scénariste exigeant, Denis Lapière, écrit pour un dessinateur surdoué, Dany. Histoire spécialement écrite par Lapière, « Un homme qui passe » est rempli de jolies femmes. Logique, Dany, après avoir connu le succès et la reconnaissance avec les aventures poétiques d’Olivier Rameau, s’est consacré à ce qu’il apprécie le plus : le corps de jeunes femmes. 



Ses albums de gags salaces ne resteront pas dans les mémoires, par contre les amateurs de beauté garderont longtemps au fond de leurs rétines les courbes de belles dévêtues peuplant ces pages . Dany a donné ses lettres de noblesse à l’art de la pin-up. 
Attention cependant, le scénario de Lapière est futé et machiavélique. Sur une île anglo-normande, en pleine tempête, Paul Berthier, célèbre photographe, sort de sa petite maison frappée par les embruns pour se tirer une balle dans la tête. Mais au moment d’appuyer sur la détente, il voit une fusée de détresse. Mourir attendra. Il saute sur son bateau et  sauve une plaisancière en perdition. Kristen, jeune et jolie éditrice, venait lui demander des nouvelles de l’avancement de son prochain livre quand elle se fait surprendre par la furie de l’océan. 
Paul explique qu’il a décidé de rendre hommage à toutes les femmes qu’il a aimées et photographiées. Et il raconte ces aventures exaltantes, romantiques, sensuelles et sexuelles. Des passages au cours desquels Dany croque ces conquêtes dans leur plus simple appareil. Mais « Un homme qui passe » n’est pas qu’une succession de clichés, c’est aussi un réquisitoire contre ces hommes Dom Juan, laissant derrière eux les anciennes conquêtes éplorées car tout à coup attirés par une nouvelle fille gironde. 
Une BD sensuelle. Puis cruelle. Très cruelle. 

« L’homme qui passe », Dupuis, 16 €

mardi 27 décembre 2016

BD : Un «faux» Jeremiah... sans Jeremiah

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Fin janvier, le festival d’Angoulême rend hommage à Hermann couronné Grand Prix en 2016. En plus de la réédition de ses plus grands succès (Bernard Prince, Comanche), le dessinateur belge continue à produire deux albums par an. Infatigable, même s’il n’a plus toute la dextérité de ses meilleures années. S’il poursuit les aventures de Jeremiah en solitaire, ses autres albums « one shot » sont souvent signés de son fils, Yves H. C’est le cas du « Passeur » qui se déroule dans un monde postapocalyptique, très semblable à celui traversé par Jeremiah et Kurdy (ils font même une apparition en début d’histoire). Un couple s’arrête dans une petite ville. Ils ont un plan et de l’argent. Trouvés sur un cadavre. Avec l’espoir de rejoindre le « Paradize », promesse de vie plus douce. Quand ils trouvent enfin le Passeur, ce dernier retient la femme en otage et réclame deux fois plus d’argent. L’homme va se maudire, la femme perdre gros et le Passeur voir la possibilité d’une rédemption. C’est très sombre, pas optimiste pour un sou, parfois un peu compliqué et trop basique dans l’intrigue mais cela reste de la très grande BD par un maître de la couleur directe qui profite de cet album pour faire des expériences entre aquarelle et acrylique.
➤ « Le passeur », Dupuis, 15,50 €

mardi 12 janvier 2016

BD : Les heureux hommes de Durieux

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Quatrième et ultime partie de la vie de ces “gens honnêtes” imaginés par Gibrat et dessinés par Durieux. Au début, un homme au chômage se reconvertissait en se lançant dans la coiffure dans les TGV. Exactement sur la ligne Bordeaux Paris. Cela lui permet de faire la connaissance d’un libraire qui lui lègue son fonds de commerce en Gironde. Philippe vit donc de la revente de quelques livres rares, dans cette boutique installée dans une petite commune du Bordelais. Philippe, un honnête homme mais au parcours compliqué. Marié, séparé, il a bien des difficultés à communiquer avec son fils, adolescent. Et puis il a la mauvaise idée de tomber amoureux. Lui le “vieux”, d’une jeunette qui a la bougeotte. Un peu comme dans un feuilleton au long cours, on a un grand plaisir à retrouver tous ces personnages, comme pour s’immerger dans leur vie, petite, pas très palpitante, mais tellement vraie. Philippe se languit depuis le départ de Camille. Il tente de se consoler dans les bras de l’opposante municipale écologiste. Mais le cœur n’y est pas. Il a lui aussi des envies de voyage. Notamment depuis qu’il a découvert les photos de Nadar dans le grenier de son ami maçon. Cap à l’Est ? Ou retour à Paris... À moins que la météo ne vienne contrecarrer tous ces beaux projets. Finement dessinées par Durieux, ces tranches de vie font du bien au lecteur. Parce qu’il n’y pas dans la BD que des aventures tumultueuses de Vikings ou de milliardaires beaux gosses. Parfois un ancien, dégarni et le nez cassé a plus de charisme que tous les héros bodybuildés du 9e art.
« Les gens honnêtes », Dupuis, 15,50 euros


samedi 6 juin 2015

BD - Récits parallèles de Tromelin aux moulins de Don Quichotte

Un dessinateur sur les traces d’esclaves naufragés dans l’Océan indien, un marines américain qui se prend pour Don Quichotte : ces deux albums, le premier de Savoia, le second de Lax explorent la voie de la double narration en parallèle.

En 1761, un navire négrier fait naufrage sur un îlot perdu entre Madagascar et La Réunion. Avec les débris de l’épave, les marin français confectionnent un esquif de secours. Mais il est trop petit pour accueillir à son bord tous les naufragés. 80 esclaves sont abandonnés à leur sort sur l’île de Tromelin qui n’a pas encore de nom. Les rares survivants, une poignée de femmes et un bébé, seront secourus quinze ans plus tard par le chevalier de Tromelin. Cette histoire, caractéristique de la façon étaient traités les esclaves originaires de Madagascar, a failli être totalement oubliée. Au début des années 2000, quelques chercheurs ont monté une expédition pour retrouver les traces archéologiques de ces “
Esclaves oubliés de Tromelin”. Sylvain Savoia, dessinateur de Marzi, a eu la chance de faire partie de cette mission de quelques semaines. Il raconte en dessin cette plongée dans l’adversité. Tromelin, simple base météo, est une bande de sable peuplée de bernard-l’hermite, de fous et parfois de tortues quand elles viennent pondre sur la plage. Une solitude qu’il décrit minutieusement. Un reportage en parallèle avec l’histoire de ces esclaves, obligés de survivre avec rien. Les deux ambiances alternent avec bonheur, donnant encore plus de relief aux recherches de cette dizaine de scientifiques.

Passé et présent s’imbriquent aussi dans “
Un certain Cervantès”, gros roman graphique en noir et blanc signé Lax. Cervantes, Mike de son prénom, est un Américain de base, obligé de s’enrôler dans les marines pour éviter la prison pour culture et consommation de cannabis. En Afghanistan, son blindé saute sur une mine. Une main blessée, il reste de longs mois prisonniers des Talibans. Comme son homonyme, Miguel de Cervantès, capturé par les Arabes en 1571. L’Espagnol, de retour au pays, imagine Don Quichotte. Le soldat américain lui aussi retrouve enfin la terre de ses ancêtres. Une main en moins et une sourde révolte enfouie au plus profond de son être. Lax raconte comment cet écorché vif va complètement dérailler et se prendre pour Don Quichotte. Il va tenter d’aider un clandestin, puis détruire le matériel de propagande d’une société immobilière qui fait son beurre sur les faillites des subprimes. Il ira se cacher dans une réserve indienne avant de s’attaquer à un télévangéliste, symbole de la nouvelle inquisition. Ce long récit (200 pages dessinées au lavis), un peu désenchanté, mais plein d’espoir quand même, non seulement nous apprend beaucoup sur la crise sociale aux USA, mais également sur l’existence mouvementée de ce grand visionnaire que fut Miguel de Cervantès.

Les esclaves oubliés de Tromelin”, Dupuis, 20,50 euros

Un certain Cervantes”, Futuropolis, 26 euros

mardi 3 juin 2014

BD - Les nouveaux amoureux utilisent "La technique du périnée"


Il y a quelques décennies, Martin Veyron expliquait que « L'amour propre ne le reste jamais très longtemps » dans une BD épousant parfaitement l'air du temps. Plus de 30 ans plus tard, c'est le tandem Ruppert et Mulot qui se penche sur les errements sentimentaux d'amateurs de sensations fortes. JH, artiste contemporain, passe beaucoup de temps sur un site spécialisé dans les rencontres virtuelles. Depuis quelques mois, il retrouve régulièrement Sarah. Par smartphones interposés, ils se donnent mutuellement du plaisir. Quand JH veut aller plus loin et rencontrer la belle Sarah, elle va beaucoup tergiverser. Pour finalement accepter le contact physique, mais dans un repas échangiste à l'issue duquel elle va lui lancer un défi : ne pas éjaculer une seule fois durant les quatre mois quelle va passer aux USA. Tout en lui donnant une technique pour quand même faire l'amour et jouir. 
Ce roman graphique de plus de 100 pages aurait pu virer à la pantalonnade pornographique. Par bonheur, les jeux sexuels des deux héros ne sont pas montrés mais suggérés. Surtout, l'album explique que l'expérimentation de pratiques sexuelles « libérées » n'empêche en rien les sentiments. Et pour une fois qu'une histoire d'amour révèle de véritables trucs pour atteindre la plénitude sexuelle, on ne va pas se priver de la lire et d'en tirer la substantifique moelle.

« La technique du périnée », Dupuis, 20,50 €

dimanche 13 avril 2014

BD - Les vignes et les livres des "Gens Honnêtes" de Gibrat et Durieux


En plein vignoble du Bordelais, une petite librairie vivote. Elle est tenue par Philippe Manche. Ce presque sexagénaire, ancien commercial, passé par la petite entreprise (coiffeur dans les TGV, thème du premier tome de la série), file le parfait amour à distance avec Camille. Mais comme la vie est souvent un gros tas de crottin, la belle le plaque temporairement pour se lancer dans un tour du monde. 


Seul (si l'on excepte sa mère, veuve qui vient de s'amouracher du maire du village), il déprime sérieux. Heureusement il peut compter sur Isabelle, l'opposante rebelle au notable, pour le distraire de son spleen et à Ducousso, un maçon taciturne qui aime qu'on lui fasse la lecture. 
Ce troisième tome du feuilleton écrit par Gibrat et dessiné par Durieux est d'une finesse étonnante. Personnages forts et entiers, petits secrets, rebondissements : tout y est pour transformer ces « Gens honnêtes » en vedettes d'une saga attachante.

« Les gens honnêtes » (tome 3), Dupuis, 15,50 €

samedi 22 septembre 2012

BD - Séduisantes voleuses dans la "Grande odalisque" de Vivès, Ruppert et Mulot

 
Trois auteurs, trois héroïnes. « La grande odalisque », grand récit d'aventure paru dans la prestigieuse collection Aire Libre de chez Dupuis marque la première collaboration de trois jeunes pousses de la BD indépendante. Ruppert et Mulot sont des piliers de l'Association, Bastien Vivès a percé avec des récits intimistes. 
Ensemble, ils racontent les aventures de Carole et Alex, deux voleuses, renforcée par Sam, une motarde virtuose. 
Elles sont spécialisées dans le vol des œuvres d'art. Première opération au musée d'Orsay, seconde, plus problématique, au Louvre. Elles sont jeunes, sexy, libérées et téméraires. Le dessin est juste ce qu'il faut de réaliste, laissant quand même une large place à l'imaginaire du lecteur. Totalement décalée, c'est la BD la plus étonnante de la rentrée.
« La grande odalisque », Dupuis, 20,50 €


lundi 20 août 2012

BD - Lax et Fournier racontent la saga d'une famille de l'Himalaya


En altitude, on a l'impression que le temps ne coule pas de la même façon qu'au niveau de la mer. Il aura fallu quatre années de patience au lecteur pour découvrir la suite et la fin du récit de la vie de cette famille de simples paysans de l'Himalaya à la fin du XIXe siècle. 
Ecrite par Lax, cette saga est mis en images par Jean-Claude Fournier. Le créateur de Bizu, repreneur de Spirou et animateur des Cranibales, pour la première fois de sa longue carrière, se risquait au dessin réaliste. 
Dans les décors majestueux du toit du monde, ses aquarelles devenaient encore plus lumineuses. Coup d'essai, coup de maître. On peut donc désormais suivre la suite des péripéties d'un père à la recherche de son fils retiré dans un monastère. Accusé d'espionnage pour les Anglais, il est emprisonné. 
Le second fils, Resham, déserte l'armée coloniale pour aller le délivrer. Véritable road-movie sur les chemins de traverses, cet album simple et beau happe le lecteur comme rarement.

« Les chevaux du vent » (tome 2), Dupuis, 16,50 € (il existe une édition limitée et numérotée à 30 €)

jeudi 19 janvier 2012

BD - Comment décrocher des drogues dures ? Passez par "Le château des Ruisseaux"


La bande dessinée, par son fort pouvoir d'évocation, permet au lecteur à l'esprit ouvert de s'immerger dans des mondes différents. Imaginaires parfois. Très réalistes dans le cas du « château des ruisseaux ». Ce centre accueille des toxicomanes désirant décrocher. La BD de Poincelet et Bernière suit le parcours de deux d'entre eux, arrivant le même jour. Jean et Marie ont une réelle volonté de s'en sortir. Pourtant ils sont très critiques face aux méthodes proposées. D'abord, pas de phase dégressive. « Personne ne meurt d'une crise de manque » affirme un psy à Jean. Certes, mais c'est très dur pour lui. Au bout d'une semaine, il commence à y voir plus clair.

Plongée dans le monde des drogués, cette BD est inspirée de récits véritables. Presque un reportage même si les auteurs ont « mélangé » les expériences, cela reste très fort et dérangeant.

« Le Château des ruisseaux », Dupuis, 14,95 €


mercredi 12 octobre 2011

BD - Cyril Pedrosa part à la découverte de ses racines portugaises


C'est l'album (le pavé plus exactement) de BD de la rentrée à ne pas rater. Cyril Pedrosa propose sur plus de 260 pages une longue introspection sur ses racines portugaises. Ce qui aurait facilement pu tomber dans le cliché, se révèle un roman graphique d'une sensibilité forte. Il a pris le temps de raconter l'histoire de sa famille, présentant dans deux longs préambules comment cette envie s'est imposée dans sa propre vie. Alors que rien ne va plus dans sa vie amoureuse, trois jours en tant qu'invité d'un petit festival de BD au Portugal va redonner des couleurs à Simon Muchat, le héros. 

Ensuite il retrouvera une partie de sa famille au mariage de sa cousine. L'occasion pour aller passer quelques jours, puis quelques semaines, dans le village où tout a commencé. 

Un scénario solidement charpenté et des dessins « sur le vif » en couleurs directes donnent une puissance à ce récit rarement atteint par une BD.

« Portugal », Dupuis, 35 € 

dimanche 3 octobre 2010

BD - Un coiffeur rêveur prend le train

Chronique sociale de notre époque, « Les gens honnêtes » est l'exemple type de ces BD sans prétention qui vous laissent longtemps rêveur et ragaillardi une fois terminée. Philippe, au chômage, abandonné par sa femme, se laisse vivre au gré des rencontres. Un libraire amateur de bon vin, une serveuse au bar du TGV... il va tenter de se relancer dans la vie active. Pourquoi ne pas utiliser le temps du trajet en train entre Paris et Bordeaux pour coiffer les passagers. Il ouvre son salon nomade et après des débuts difficiles, remporte un beau succès. 

Cette BD, entre Paris et Bordeaux avec des escales à Sauternes, est écrite par Gibrat. Durieux, au trait réaliste élégant et sans effet, donne encore plus de vie à ces gens honnêtes et surtout attachants.

« Les gens honnêtes » (tome 2), Dupuis, 14,50 €

dimanche 22 août 2010

BD - L'écrivain, la libraire et Jean-Claude Denis


Un écrivain en mal d'inspiration, trouve son salut en découvrant dans sa bibliothèque le récit d'un imposteur. Squattant au gré de son imagination, le romancier tente de refaire le parcours de l'usurpateur. Il prend la place d'un spécialiste en allergie en congrès à Bordeaux avant de s'incruster dans un mariage, vivre aux crochets d'un couple d'Anglais pour finalement terminer dans une petite station balnéaire du Médoc, Amélie, tombant amoureux fou d'une belle libraire, Marianne. L'amour lui redonne l'envie d'écrire. Il dégotte une vieille machine à écrire et entreprend la rédaction de sa remise en cause et de ses errances.

Jean-Claude Denis, oubliant la causticité qui était un peu sa marque de fabrique, signe un album très littéraire, dans lequel on devine beaucoup de son itinéraire personnel. Couleurs lumineuses de l'Atlantique et immenses forêts de pins servent de cadre à cette retraite amoureuse.

« Quelques mois à l'Amélie » de Jean-Claude Denis, Dupuis, collection Aire Libre, 15,50 €

jeudi 8 avril 2010

BD - Au bout de la crise


Superbe album signé du duo Jaime Martin et Wander Antunes. En pleine crise de 1929, des milliers d'Américains n'ont plus rien. Sans travail, maisons saisies, ils se retrouvent sur les routes, à mendier ou chercher un meilleur avenir à l'Ouest. 

Tom fait partie de ces hommes désespérés. Il est doublement touché par la crise car en plus d'avoir perdu tous ses biens matériels, il a également du faire le deuil de sa femme qui a préféré le suicide à la pauvreté. Tom croise la route d'un gamin passionné de Jack London. Il veut devenir marin. Ce gamin, son père le recherche. Tom va l'aider dans sa quête. 

Une intrigue simple, donnant l'occasion aux auteurs de décrire cette société américaine devenue folle. Assassinats impunis, justice expéditive : il ne faisait pas bon de vivre dans ce pays à cette époque.

« Toute la poussière du chemin », Dupuis Aire Libre, 15,50 € 

mercredi 24 mars 2010

BD - Homme et gibier


Cette BD écrite par Bourhis et dessinée par Spiessert se déroule à Paris à la fin du XIXe siècle. Mais la capitale parisienne n'est pas tout à fait identique à celle que nos ancêtres ont connu. Dans cette uchronie, les animaux sont intelligents et les hommes sont redevenus sauvages vivant nus dans les bois alentours. 

Le braconnage des hommes peut se révéler être une activité très lucrative. Deux petits viennent d'être capturés : Feuille et son frère Source. Alors que Feuille est vendue à un tigre, Léopoldine, une femelle cochonne étudiante, découvre que la fillette peut parler. 

Elle va tenter de la protéger et l'étudier, mais dans l'ombre un certain « Comité de vigilance sur la question humaine » tente d'éliminer les derniers représentants de cette espèce considérée comme très nuisible. 

Très étonnant, ce conte philosophique inversé donne à réfléchir sur les discriminations et les risques entraînés par l'hégémonie d'une race sur une autre.

« Hélas », Dupuis Aire Libre, 15,50 € 

mercredi 11 novembre 2009

BD - Manchette et la Princesse


Jean-Patrick Manchette, dont toute l'oeuvre est désormais disponible dans la collection Folio Policier, a porté le roman noir français au sommet. Il a été souvent adapté au cinéma (rarement avec justesse) ou à la télévision. Mais son univers est aussi une mine pour la BD. Après Tardi, c'est Cabanes qui s'attaque à une de ses œuvres : « La Princesse du sang ». Mais ce roman, le dernier de Manchette, est resté inachevé. 

C'est donc son fils, Doug Headline, qui en a signé l'adaptation y apportant une fin que les lecteurs n'auront jamais la chance de lire. Dans les années 50, à Paris, Londres et Cuba, le lecteur suit la destinée d'Alba Black. Cette fillette, enlevée contre une rançon, échappe à un carnage et est finalement retrouvée, des années plus tard, par une photographe animalière retirée dans la jungle cubaine. La petite s'appelle désormais Négra et vit comme une sauvageonne avec son sauveur de l'époque, Victor. 

La photographe, Ivory Pearl, ayant connu les affres de la guerre, va prendre la fillette sous son aile quand les tueurs retrouvent sa trace. Personnages attachants, intrigue mêlant argent et géo-politique, Manchette était moderne. Cabanes l'adapte fidèlement.

« La Princesse du sang » (tome 1), Dupuis, 15,50 € 

samedi 22 août 2009

BD - Pirates et zombies à la mode Hermann


Suite et fin de cette histoire de pirates signée Hermann, père et fils. L'Iguane est toujours à la recherche du coffre au trésor de Murdoch, le cruel pirate. Il croit toucher au but mais ne trouve que des papiers sans valeur. Ses hommes l'abandonnent sur une île déserte. 

L'Iguane qui ressemble de plus ne plus à un mort-vivant. Sa peau, de plus en plus cadavérique, a le don de filer la frousse à tous ceux qui le croisent. En parallèle, les soldats anglais tentent eux aussi de mettre un terme aux exactions de Murdoch. Le final de cette seconde partie se déroule sur une île encore sauvage. D'un côté le camp de Murdoch, lourdement armé, de l'autre les Indiens Caraïbe et au centre un volcan qui fait des siennes. Hermann anime ce petit monde de mort et de souffrance avec son brio habituel. 

Toujours en couleurs directes (de l'aquarelle passée sur de simples crayonnés), le récit vous plonge au cœur de ces mers trop bleues et le vert de cette végétation luxuriante, envahissante et oppressante. Sans oublier le noir des âmes et le gris des cendres du volcan qui aura le dernier mot.

« Le diable des sept mers » (tome 2), Dupuis, 14,50 € 

mercredi 17 juin 2009

BD - Boris Vian intime dans "Piscine Molitor"


50 ans après la mort de Boris Vian, Hervé Bourhis (scénario) et Christian Cailleaux (dessin) retracent en 72 pages passionnantes, la vie et l'œuvre de cet écrivain qui refusait de se laisser enfermer dans un art. Des déboires financiers de ses parents à sa vie brillante et un peu dissolue de ses années de gloire, les auteurs nous font découvrir un homme dévoré par la passion de créer. Parfois au détriment de sa famille : il a rejeté ses enfants, sources de dispersement de son inspiration. 

Une vie entre passion nocturne et ennui du travail de fonctionnaire. Très tôt frappé par une maladie cardiaque, Boris Vian a beaucoup fréquenté la piscine Molitor les derniers mois de son existence. Il était persuadé qu'en restant longtemps en apnée au fond de l'eau, son cœur guérirait...

« Piscine Molitor », Dupuis, 15,50 euros