vendredi 31 juillet 2015

Livre : Conscience alignée

Il y a du Dantec dans « L'alignement des équinoxes », premier roman noir (très noir) de Sébastien Raizer dans la Série Noire qui fête cette année son 70e anniversaire.

raizer, alignement, équinoxes, série noire, gallimardPour rester dans les codes du genre, les deux héros du roman policier de Sébastien Raizer sont flics. Des inspecteurs de la criminelle au 36 quai des Orfèvres. Mais Papy Maigret est loin. Même San-Antonio semble banal à côté de Wolf et Silver.
Wolf, le mec, ancien commando dans l'armée, dur et solitaire. Silver, la fille, d'origine asiatique, adoptée par des Français moyens, dure et solitaire. Un couple sans en être un. Jamais ils ne se touchent. Respect, confiance, mais pas un gramme de tendresse entre eux. Logique quand on découvre un peu plus leurs personnalités. Ce ne sont pas des êtres humains que l'on aime croiser la nuit dans une ruelle mal éclairée. Et si par malheur vous vous retrouvez en garde à vue, priez pour ne jamais tomber entre leurs mains.
La police dans ce présent aux airs de futur proche ne supporte plus les dérives du code de procédure pénale. Si chaque suspect a droit à un avocat, bientôt chaque policier devra lui aussi avoir un défenseur tant le moindre clignement d'oeil ou éternuement peut se transformer en « agression caractérisée » ou « moyen de pression psychologique pour faire avouer un témoin ». Ils doivent souvent se contenter de faits divers routiniers comme ce suicide par pendaison d'un gamin dans un centre de réinsertion. « Allé tous crevé, Jihad ! » a-t-il laissé sur un bout de papier. Peu optimiste face à la dérive de notre société, Wolf constate amer que « décidément, le Jihad était à la mode dans ce monde où la mort était la dernière grande aventure qui ne discriminait personne, où l'extrême nihilisme tenait à la fois lieu de destin et de revanche sociale. »

Décapité
L'enquête au centre de ce thriller débute véritablement quand une patrouille de nuit est prévenue qu'un homme vient d'être assassiné dans un appartement parisien. Effectivement ils découvrent un corps... la tête quelques mètres plus loin. La tueuse, une jeune femme d'une beauté extrême, est assise dans un coin de la pièce. Devant elle le sabre de samouraï avec lequel elle a décapité sa victime est planté dans le plancher. Elle s'appelle Karen et va envahir l'esprit de Wolf chargé de l'interroger. Si elle reconnaît le meurtre, elle préfère philosopher que de s'expliquer. Le tuer était nécessaire pour atteindre le stade ultime de « l'alignement ». Folle ? Non car Silver comprend parfaitement la signification de cette démarche et que Wolf, lui aussi, semble sensible à cette théorie de « l'alignement des équinoxes » donnant son nom au roman.
Le texte devient encore plus symbolique, chaque personnage ayant plusieurs facettes, interférant les unes sur les autres au gré de leur avancement dans ce fameux « alignement ». En résumé, il est question de fin du monde, de végétalisme, de psychologie, de sexe, d'agriculture biologique (« un oxymore qui ne devrait pas exister ») et bien sûr de mort. Enfin, ce que l'on appelle communément la mort. Dans ce roman, il apparaît que parfois, un esprit a suffisamment de force intrinsèque pour survivre à son enveloppe charnelle.
Beaucoup de fantastique, un peu de technique, de la baston, un « grand méchant » mémorable et vous voilà plongé dans 450 pages qui ne vous laissent pas indemnes. Et même si Sébastien Raizer, Français vivant à Kyoto, ne s'en réfère pas dans ses remerciement (il cite Mishima et Philip K. Dick), ce texte fait furieusement penser aux univers de Maurice G. Dantec. Et comme tout ne se termine pas forcément mal, une suite est annoncée en 2016.

« L'alignement des équinoxes », Gallimard Série noire, 20 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Russie, pays de cocagne 2.0


La Russie de Poutine va-t-elle gagner ses galons de pays refuge pour les grands incompris de ce monde ? Si Edward Snowden est le plus bel exemple de cette nouvelle politique, le risque de dérive est malgré tout omniprésent chez l'ancien homme fort des services secrets russes. Comment comparer la liberté d'information défendue par Snowden (révélations sur les écoutes de la NSA américaine) et l'accueil triomphal accordé à Gérard Depardieu, acteur rechignant à payer ses impôts en France. Mais le pire est à venir. Silvio Berlusconi, ancien chef du gouvernement italien, poursuivi de toute part par la justice en raison de ses affaires louches, soirées olé-olé (Bunga Bunga en langage berlusconien) et pressions sur la presse et la justice, vient de déclarer que Poutine serait prêt à lui offrir le poste de ministre des Finances. A 79 ans, le Cavaliere se rêve encore membre de la confrérie des puissants du monde. Un dernier sursaut de mégalomanie qui a fait rire le maître du Kremlin mais pourrait donner des idées aux incompris, rejetés et désavoués de tous bords. Jérôme Cahuzac postulera-t-il au ministère du Budget russe ? Même si placer des roubles sur un compte secret à Singapour s'avérerait sans nul doute moins rentable que des euros. Sepp Blatter, celui qui fait rimer foot et magouille, rebondira-t-il avec délectation au poste de coordinateur du mondial 2018 en... Russie ? Et si au passage Vladimir pouvait nous débarrasser de Jean-Marie Le Pen, Michel Sardou et Jacques Séguéla (le must dans la catégorie vieux râleurs jamais contents), je lui accorde ma reconnaissante éternelle.

jeudi 30 juillet 2015

Cinéma : Petit Prince générateur de rêves

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Adapter le chef-d'œuvre de Saint-Exupéry n'est pas une mince affaire. Mark Osborne contourne la difficulté en jouant sur le contraste entre rêve et réalité.

Le projet a mis neuf années avant d'être bouclé ? Neuf années durant lesquelles le producteur français Dimitri Rassam a cherché la bonne idée pour contourner cet Everest de la littérature française et le réalisateur qui aurait l'envergure pour se frotter à un tel défi. Tout s'est débloqué quand Mark Osborne a rejoint le bateau. Le réalisateur de Kung Fu Panda et Bob L'éponge a pris le risque de signer un film d'animation plus intelligent que comique. Toute la difficulté résidait dans l'univers graphique du roman mondialement célèbre grâce aux aquarelles de l'auteur. Comment incorporer ces dessins en partie naïfs dans un long-métrage en images de synthèse ? Osborne a imaginé un film dans le film.
Dans un futur proche, carré et gris, une petite fille est poussée à l'excellence par sa mère exigeante. Pour intégrer la prestigieuse école Wuerth, elles aménagent à proximité de l'établissement. Pendant que la mère travaille d'arrache-pied pour assurer le quotidien, la fillette doit suivre un programme harassant, à la minute près, au cours duquel elle doit intégrer mathématiques, géométrie et autres formules savantes et peut réjouissantes. Le hic, c'est le voisin. Sa maison, totalement extravagante, tombe en ruine. Dans son jardin il tente de réparer un vieil aéronef. Un biplan à hélice que les lecteurs du Petit Prince reconnaissent malgré son état de délabrement avancé.
La petite fille et l'aviateur
Le papy gâteux est en réalité l'aviateur du récit de Saint-Exupéry. Pour entrer en contact avec la petite fille qui s'échine à intégrer des équations complexes, il lui envoie, sous forme d'un avion en papier, la première page de son récit, quand perdu dans le désert, il a rencontré ce gamin qui lui a demandé de lui dessiner un mouton. La technique change pour ces passages directement inspirés du livre. Exit la précision des ordinateurs, place au tremblé du papier découpé en stop motion. La rose, le départ de la planète, l'arrivée sur terre et la rencontre avec le renard, les grands thèmes du roman d'Antoine de Saint-Exupéry sont repris sous forme de courtes scénettes, comme des rêves dans la vie trop rigide et triste de la fillette. Séduite par cet univers, elle délaisse de plus en plus ses devoirs et rend régulièrement visite à son voisin rêveur. Son quotidien, de triste, devient joyeux et festif. Oubliés les livres ternes, place à l'émerveillement du vol d'un papillon... Le scénario d'Osborne donne l'occasion aux enfants de s'identifier à cette fillette en mal de rêveries. Elle va s'approprier l'histoire jusqu'au dénouement. Triste. Trop triste. Elle ne veut pas croire à cette histoire de serpent. Persuadée que le Petit Prince, son Petit Prince est toujours en vie, elle entreprend un voyage risqué pour en être sûre. C'est la troisième partie du film, la plus inventive, où les deux univers se mélangent et se complètent à merveille.
Si dans la version originale c'est Jeff Bridges qui prête sa voix à l'aviateur, dans la version française André Dussolier donne une profondeur humaine à ce personnage décalé. Florence Foresti est méconnaissable dans le rôle de la mère trop occupée. Mention spéciale à Guillaume Gallienne dans la peu du serpent. Un comédien qui s'était déjà illustré en donnant sa voix à Paddington.
Un film pour toute la famille, qui donne envie de redécouvrir le roman original et d'être moins exigeant avec ses enfants, la rêverie restant le meilleur chemin pour l'épanouissement personnel.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Sacré plan bis, Yanis

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Savez-vous comment on appelait en argot londonien de la fin du XIXe siècle un tricheur aux dés ? Une récente lecture (Le magicien de Whitechapel, de Benn, Dargaud) m'a fait découvrir qu'ils répondaient au sobriquet de « Grecs ». Décidément les inventeurs de la démocratie, s'ils ont dominé le bassin méditerranéen il y a plus de 2000 ans, ont beaucoup perdu de leur prestige. Oublions la triste époque des colonels, quand une dictature militaire restait la meilleure garantie contre le risque communiste... Assimiler les Grecs à des tricheurs paraît un peu exagéré, même si les récentes révélations sur le « plan B » de Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances grec, confirme cette impression. Quand on n'a plus d'argent pour miser, la raison veut que l'on déclare forfait. Pas Varoufakis qui en bon « Grec » (dans le sens tricheur) a imaginé un audacieux tour de passe-passe. L'idée de base consiste à pirater le logiciel de l'administration fiscale grecque. L'objectif, créer des comptes parallèles qui ne fonctionnent pas en euros, mais en « euros bis ». Une nouvelle monnaie virtuelle (pour ne pas dire de singe), mais une monnaie quand même, reconnue par l'État grec. Varoufakis, qui n'a jamais caché sa passion pour le rock, semble également avoir de grandes capacités à imaginer des intrigues dignes des meilleurs thrillers. Au chômage depuis son éviction du gouvernement, je lui suggère de se reconvertir dans l'écriture. Jean Van Hamme vient d'annoncer son intention de se retirer des aventures de Largo Winch, le milliardaire frondeur. Varoufakis devrait postuler. Il a déjà la moitié du prochain scénario...  

mercredi 29 juillet 2015

DVD : La réalité pour ultime inspiration

james woods, larry cohen, brian dennehy, pacte, tueur, wildSideUn flic, par ailleurs écrivain, devient le « nègre », d'un redoutable assassin. « Pacte avec un tueur » est un film noir, typique des années 80.Blessé dans un hold-up, un policier en fait un best-seller. Des années plus tard, sans inspiration, un tueur va lui proposer de raconter sa vie jalonnée de meurtres. Avec deux objectifs : être le "gentil" de l'histoire et dénoncer les magouilles de son ancien patron, un riche homme d'affaires de Californie. Le scénario, alléchant, est signé Larry Cohen, une pointure dans sa catégorie. Lancé avec la création de la série des "Envahisseurs", il a multiplié les scripts, les vendant aux plus offrants, se réservant quelques réalisations, généralement les plus gore comme la série des "Monstres".

"Pacte avec un tueur" est longtemps resté dans les cartons des maisons de production. Larry Cohen espérait des "superstars" pour interpréter les deux rôles principaux. Finalement ce sera James Woods pour Cleve, le tueur et Brian Dennehy en policier, connu sous son nom de plume, Dennis Meechum. Après une scène d'ouverture nerveuse et sanglante (un hold-up dans le dépôt du commissariat où Dennis officie), on retrouve le flic dans une descente sur le port. Un peu enrobé, il a toutes les peines à suivre un voleur de diamants. D'ailleurs ce dernier est sur le point de lui tirer dessus quand un tueur providentiel fait son apparition et lui sauve la vie. Cleve tient à Dennis car il est persuadé que ce dernier est l'homme idéal pour raconter sa vie, son œuvre. Depuis une vingtaine d'années, Cleve officie comme tueur à gages pour un riche magnat. Licencié comme un malpropre, il veut se venger en dévoilant comment le milliardaire a acquis son pactole. Dennis, s'il refuse dans un premier temps, accepte car il n'a plus d'inspiration et ses éditeurs lui mettent de plus en plus la pression. Typique des films des années 80 s'appuyant sur un duo désapparié, "Pacte avec un tueur" est réalisé par John Flynn dont le plus gros succès reste "Haute Sécurité" avec Stallone.
Larry Cohen dans le texte
La sortie du film en DVD permet de retrouver cette ambiance des années 80, quand fumer partout était permis et que l'absence de téléphones portables simplifiait certains rebondissements. L'époque aussi où les producteurs avaient toujours le dernier mot. Dans les bonus, Larry Cohen revient sur la genèse de ce film et sa fin qu'il qualifie de "catastrophique". Il est vrai que la scène finale confine au ridicule quand la fille de Dennis se précipite dans les bras du méchant, armé de surcroît, se transformant en otage idiote et pathétique. Dans cette même interview de Larry Cohen, il distille avec fiel des piques sur les acteurs et les producteurs, révélant au passage qu'en plus de sa forte paranoïa (c'est toute la trame des Envahisseurs) il souffre d'une excroissance de l'ego quand il déclare sans ambages que le film aurait forcément été meilleur si c'était lui qui l'avait réalisé...
"Pacte avec un tueur", Wild Side, 19,99 euros le DVD, 24,99 euros le blu-ray

BD : Mobutu s'envoie en l'air

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Le Zaïre, anciennement Congo Belge continue de fasciner la bande dessinée francophone depuis les très polémiques aventures de Tintin dans la colonie créée de toute pièce par le roi Léopold II. Pourtant Aurélien Ducoudray et Eddy Vaccaro ne sont pas Belges. Français bon teint ils racontent dans de roman graphique de plus de 100 pages un pan méconnu de l'histoire du pays longtemps sous la coupe du dictateur sanguinaire Mobutu. Désireux de propulser son pays au firmament des nations africaines, il voulait placer un satellite zaïrois en orbite. Pour la gloriole, mais aussi (et surtout) espionner ses voisins. Il passe un accord avec une société privée allemande à qui il assure logistique et protection. En 1978, alors que les Français sont aux balbutiement du programme Ariane, Mobutu est sur le point de réussir son pari. La base est opérationnelle et le petit-fils de Von Braun est aux manettes. La BD raconte comment un jeune ingénieur, Manfred, va se retrouver au centre de ce mic-mac compliqué, petit Blanc manipulé par de grands Noirs. Paradoxalement, le plus sympathique dans cette histoire semble Mobutu. Ou du moins le plus réaliste et le moins retors. Edifiant.

« Mobutu dans l'espace », Futuropolis, 18 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Lointaines vacances

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Il faut se rendre à la raison, les vacances sont terminées. Ma semaine à la campagne n'est plus qu'un lointain souvenir. Retour au train-train quotidien et dans quelques jours aux horaires de bureau. Mais à peine les valises déballées, on se met à rêver à de nouvelles destinations. « La Polynésie française » suggère mon épouse toujours prompte à la nostalgie et au romantisme. « On y a déjà vécu, répliqué-je. Quitte à aller très loin je te propose plutôt Kepler-452b. » Mon imagination, nourrie de centaines de romans de SF, tente de la convaincre. « Kepler452b est une exoplanète. Semblable à la terre, elle tourne autour d'une étoile comparable au soleil. Nous aurons une planète vierge pour nous tout seuls. Des continents à explorer, des plages désertes. Comme dans les romans de Brussolo ou les BD de Léo, on découvrira de nouvelles espèces animales ou végétales, des fleurs géantes d'une couleur inconnue et des êtres de lumière, aussi éphémères qu'un coucher de soleil, aussi beaux qu'une nuit de pleine lune. Des profondeurs des océans jailliront des mammifères doux et intelligents, comme les dauphins, mais en plus « lolcat ». Tels deux nouveaux Adam et Eve, nous vivrons dans un paradis pur et non souillé par les Parisiens ou pire, de pseudo-stars de la téléréalité. De vraies vacances de rêve, sans Tour de France ni Fort Boyard... » Elle me considère d'un air attendri, pianote sur l'ordi et me rétorque, ironique : « Chéri, Kepler452b est à 1400 km années-lumière de la maison. Soit un voyage de 1,3 million de kilomètres puissance 16. Ça va nous coûter un bras. »

mardi 28 juillet 2015

BD : Vie de Chien


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La mode des blogs BD a permis à nombre d'auteurs de se lancer dans l'autofiction. Souvent une psychanalyse au rabais avec quelques lecteurs mongoliens pour avancer dans des commentaires soit laudateurs, soit clairement trollesques. Et puis il y a les autres. Ceux qui dessinent vite et bien, qui ont plein de choses à raconter mais qui préfèrent transformer le tout en délire compulsif. Monsieur Le Chien dénote déjà dans son pseudonyme. Petit, poilu, laid, méchant, égocentrique, de droite et obsédé sexuel, il a tout pour plaire. On pense à une caricature extrême, mais au fil des pages de gags et autres histoires courtes reprises dans le 4e volet de ses aventures, on se dit que finalement, le portrait semble assez crédible. Notamment quand il raconte sa vie de famille (Hélène une compagne aux gros seins et ses deux enfants, dont une fillette fan de licorne...). Il tente de jouer son rôle de père. En vain. Logique quand on sait qu'il ne se lave pas, pue des pieds et ne crache jamais sur les expériences sexuelles extrêmes. On le déteste. Et puis on se reconnaît un peu. Et quand il se fait larguer, on se lamente en sa compagnie. Etrange comme les pires salauds parviennent à émouvoir. Mais même les chiens sont attendrissants...

« Homuncule », Fluide Glacial, 16 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Mon GPS déraille

Cap au sud. Villégiature terminée dans ce département verdoyant du Nord de la région, retour vers le Languedoc chaud et sec. Si à l'aller, nous avions opté pour la route « Est », passant par le Pas de l'Escalette et le viaduc de Millau, pour rejoindre Perpignan, on opte cette fois en faveur du trajet « Ouest », via Toulouse et Castelnaudary. Comme à chaque périple de plus de 200 km, je sors le GPS de la boîte à gants et planifie le trajet. A l'aller, malgré une mise à jour des cartes, il a souvent déraillé, ne reconnaissant pas les infrastructures récentes. Rebelote en sens inverse. Un œil sur la route, un autre sur la carte en couleur, je me retrouve tout à coup dans les champs. En réalité nous circulons à 100 km/h sur une superbe 2x2 voies. D'après Oncle « Tom », nous sommes en pleine campagne, loin du trajet recommandé. S'il disait vrai, je devrais faire du gymkhana entre les énormes ballots de paille dispersés sur les chaumes ou slalomer parmi les troupeaux de ruminants. Par chance, le son est coupé. Sinon nous aurions eu droit à la voix féminine autoritaire « Faites demi-tour dès que possible ! », voire des cris d'hystérie (même si les machines paniquent rarement) : « Attention aux vaches ! » Les panneaux me confirme la bonne direction, je file et quand le GPS a enfin recalculé l'itinéraire je constate satisfait avoir gagné cinq bonnes minutes. Sympa le raccourci. Le plus impressionnant restera ce viaduc non répertorié. Si la formule avait été en mémoire, mon GPS m'aurait certainement dit : « Attention, vous venez de décoller... » 

lundi 27 juillet 2015

BD : Le bon filon de Christophe Bec


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Certains aigris pourraient lui reprocher de ne pas beaucoup se renouveler. Certes les multiples scénarios de Christophe Bec ont un air de similitude indéniable. Mais n'est-ce pas, également, le signe de la parfaite cohérence de son univers ? Il ne faut pas prendre chacun de ses albums pour une création différente, mais comme une piste nouvelle de son oeuvre suprême. Que cela soit aux Humanoïdes, chez Soleil et maintenant aux éditions Casterman il est toujours question de puissance supérieure face à notre infinie médiocrité, notre fragilité et manque de clairvoyance. « Eternum » débute par la découverte d'un sarcophage dans les entrailles de la lune minière Aldéma, au milieu de la voie lactée. Il dégage un rayon lumineux intense se propageant au-delà des limites connues de l'univers. Quelques semaines plus tard, tous les hommes de la colonie se sont entretués. Des scientifiques arrivent pour tenter de comprendre ce qui se passe. Dans le sarcophage, une femme, image de la perfection, en état de semi coma. Eve ? Quand un second rayon lumineux fait son apparition, l'Humanité tremble. Ouvertement inspirée des grands films de science-fiction des années 80, cette série est née de l'envie de Jaouen de dessiner ce genre d'univers. On approuve à 100%

« Eternum », Casterman, 13,50 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Les fantômes du presbytère

Dernière escapade dans la verdoyante campagne de ce hameau d'un département rural de la région. Logés chez des amis, ils nous ont demandé, à notre arrivée, qu'elle chambre nous préférions. La bâtisse est effectivement grande et habituée à accueillir les grandes réunions de famille. Soit la belle et grande chambre à l'étage, dotée d'une fenêtre plein sud, soit la petite, au rez-de-chaussée, juste éclairée par un fenestron en partie caché par un rosier. Malgré son exiguïté en totale opposition avec nos trois énormes valises, mon épouse préfère cette dernière. Sachant qu'on n'y fera que dormir, elle a simplement testé les lits pour prendre sa décision. Le bon sens féminin l'emportera toujours sur l'impétuosité masculine. Comme nous sommes dans un presbytère, encore habité par le curé du village il y a moins de 40 ans, j'imagine sans peine que cette chambre, petite, spartiate et proche de la cuisine devait être dévolue à la bonne. La nuit je m'endors en pensant à cette vieille fille qui n'a peut-être jamais connu l'amour, esclave des temps anciens, sans congés payés et encore moins de RTT. De quoi cauchemarder. Mais pas autant que dans l'autre chambre. Elle était attribuée à la mère du curé. Vers la fin de sa vie, impotente, elle ne la quittait plus. Son fils avait alors fait abattre une partie du mur mitoyen entre église et presbytère pour qu'elle puisse assister, bien installée derrière un miroir sans tain, aux offices célébrés par son rejeton. Entre la bonne et la mère, devinez qui est venue hanter mes nuits dans le presbytère ?

dimanche 26 juillet 2015

BD : Mère, père et bébé

La famille pour inspiration. Si Rodéric Valambois règle ses comptes avec une mère peu aimante, Seb Piquet raconte son quotidien de papa déjanté et Juliette Merris son apprentissage de maman. Trois BD radicalement différente, du drame poignant à l'émerveillement des premiers pas de bébé.
mère, malde mère, valambois, père, piquet, bébé, merris, soleil, dargaud, hugoRoman graphique de plus de 220 pages en noir et blanc, « Mal de mère » de Rodéric Valambois aborde un sujet sensible et rarement évoqué dans l'univers de la BD. Cela débute comme des souvenirs de jeunesse classiques. Rodéric présente Cédric son grand frère, Vanessa sa petite soeur, son papa et sa maman. Une famille unie, normale. La mère est institutrice, le père a quitté l'enseignement pour devenir écrivain et maire de la ville. C'est du moins l'impression qu'il a quand il a 9 ans. Bien sûr ses parents se disputent parfois. Mais rien d'exceptionnel. La révélation vient un jour de Vanessa, plus clairvoyante. « Maman est alcoolique » assène-t-elle sans précaution. Trois mots et tout un univers qui s'écroule. La suite du récit entre dans le dur. Rodéric ouvre enfin les yeux. Il comprend que les bouteilles de Porto qu'il achète régulièrement chez l'épicier sont exclusivement bues par sa mère. En cachette. Il en découvre un peu partout derrière la chaudière, dans le linge sale, sous l'évier. Même dans le tas de bûchers dehors. Les disputes ? Toujours à propos de l'alcool. L'aveu, un soir à table devant toute la famille est un véritable psychodrame. Car pour expliquer son état, la mère accuse mari et enfants, qui ne l'aiment pas, la considèrent comme une bonniche à leur service. La force de ce témoignage réside dans la durée. Rodéric raconte en fait 20 ans de vie familiale, avec cure de désintoxication, rechute, déchéance physique. Adulte, il rejette cette femme qui lui a pourri son enfance. Il faut un courage certain pour dessiner cette histoire très personnelle. Mais cet album, comme la parole, est salutaire. Rodéric, devenu père lui aussi, solde tous ses comptes. Le lecteur lui prend un direct au foie et reste longtemps le souffle coupé.
mère, malde mère, valambois, père, piquet, bébé, merris, soleil, dargaud, hugoLa famille heureusement c'est aussi dans 99 % des cas beaucoup de bonheur. Seb Piquet est un de ces jeunes pères nouvelle génération. Graphiste, il devient papa tout en conservant une âme d'enfant. Dans sa BD « Père et impairs » composée de gags il raconte la joie qu'il a faire découvrir à sa petite fille ses passions d'enfance. Mais quand la gamine aux couettes veut jouer à la dinette, lui s'obstine à la déguiser en Yoda (le chevalier Jedi de la Guerre des étoiles) ou a truffer sa chambre de dinosaures et autres vaisseaux spatiaux. Dessiné dans un style très simple et efficace, ces gags raviront surtout les adolescents attardés qui envisagent de faire des enfants. N'hésitez pas, ce n'est que du bonheur.
mère, malde mère, valambois, père, piquet, bébé, merris, soleil, dargaud, hugoBeaucoup de bonheur aussi chez Juliette Merris, blogueuse venue à la BD grâce à son désir de maternité. Après un premier tome où elle raconté comment elle a fait un bébé avec son compagnon, suite des aventures avec en guest-stars les couches, le caca, la gastro, les premières dents... Bébé est là. Le jeune couple amoureux se transforme en parents un peu dépassés. Mais ils assurent quand même, transformant toutes ces petites mésaventures en scènes cocasses ou à forte puissance émotionnelle. Si le premier recueil de « Je veux un bébé tout de suite » donnait fortement envie de faire un bébé, ce second tome va décupler votre motivation.
« Mal de mère », Soleil Quadrants, 18,95 euros
« Père ou impairs » (tome 1), Dargaud, 11,99 euros

« Je veux un bébé tout de suite » (tome 2), Hugo Desinge, 14,50 euros

samedi 25 juillet 2015

Nouvelles : Brèves existences

S'il y a bien quelques animaux dans ce recueil de nouvelles de David James Poissant, il y est surtout question d'histoires de famille, de pères notamment.

david james poissant, albin michel, usa, nouvellesUne nouvelle permet aux bons écrivains de délaisser les longueurs nécessaires pour la bonne compréhension d'un roman pour ne se concentrer que sur l'essentiel, l'humain. Exemple parfait avec « Le paradis des animaux » de David James Poissant. Il semble avoir sélectionné deux thèmes récurrents qui lui semblaient importants et les décline sous une dizaine de formes dans autant de nouvelles.
Il y a donc des animaux au programme. Et des pères. Exactement les relations entre un père et son fils. Si la première thématique semble la plus importante au vu du titre, en fait ce sont les rapports familiaux qui inspirent le plus le jeune auteur américain qui vit en Floride. Ainsi il raconte la rencontre entre un homme et un crocodile dans la maison du père décédé d'un ami. Une lutte presque au corps à corps pour sauver l'animal. Mais en filigrane, le narrateur pense surtout à son fils, jeune adulte qu'il a quasiment renié quand il a découvert son homosexualité. Et en transportant le reptile vers la liberté, il fait un examen de conscience : « J'aurais voulu lui dire : j'aimerais tant te comprendre. J'aurais voulu lui dire : je t'aime. Mais cela, je ne l'ai pas dit. Je ne supportais pas de dire ces mots à mon fils pour la première fois et de ne pas les entendre en retour. »

Surdoués cruels
Autre ambiance dans « Remboursement ». Un jeune couple a un enfant surdoué. Si la mère fait tout pour pousser son fils à briller, le père craint de lui gâcher son enfance. La bascule se fait lors d'une soirée entre parents de surdoués où, pour la première fois ils sont invités. La mère rayonne au milieu de ces gens distingués. Le père se tétanise, s'inquiète pour son fils. Les enfants sont à l'étage. Ils jouent. En théorie. Mu par une sorte de pressentiment, il va voir et découvre son gamin : « Assis sur l'abattant des toilettes, les bras ballants, il était en slip. Une épaisse couche de rouge à lèvres s'étalait sur son visage et deux ovales écarlates encerclaient ses mamelons. Il avait la poitrine et les jambes entourées de longs rubans de papier toilette. » Ainsi sont les surdoués : cruels. Le père décide alors de ne plus considérer son fils comme une personne plus intelligente que la moyenne mais comme l'enfant qu'il est, doué certes, mais qui recherche avant tout amour, tendresse et joies simples.
Il s'agit certainement du plus beau texte, le plus optimiste, contrairement à « Amputée », un amour fugitif entre un divorcé et une mineure (animal : gecko) ou « La fin d'Aaron », folie destructrice d'un esprit paranoïaque (animal : abeilles).
Selon son éditeur, « David James Poissant est depuis quelques années l'une des sensations de la scène littéraire américaine. Ses nouvelles ont été distinguées par de nombreuses récompenses. » Vraiment rien d'étonnant ! 

« Le paradis des animaux », David James Poissant (traduction de Michel Lederer), Albin Michel, 25 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Tourisme agraire


Le tourisme autour de l'agriculture a mis du temps à s'imposer dans certains départements très ruraux. Aujourd'hui le vacancier en mal d'authenticité en a pour son argent. Les plus concernés optent pour le gîte à la ferme. Comme dans un vieux film de Georges Rouquier (« Farrebique », chef-d'œuvre du documentaire), on assiste aux travaux quotidiens des hôtes, de la traite des vaches aux moissons en passant par la collecte des œufs dans la basse-cour. Œufs dégustés le lendemain matin au petit-déjeuner arrosés de lait cru au goût incroyablement différent de celui des grandes surfaces. D'autres formules existent. Un peu plus didactiques et, il faut bien le dire, attrape-touristes. Lors de notre séjour dans ce département verdoyant du centre de la future grande région, nous avons failli visiter les allées du plus grand marché aux bestiaux du coin. Failli seulement. Deux événements nous en ont dissuadés.
La semaine précédente, un bovin s'est échappé de son box, foncé à l'aveuglette et encorné un éleveur qui y a perdu la vie. Le quotidien local a beau préciser que « les touristes naviguent quant à eux dans un espace hautement sécurisé », j'aime trop les animaux pour finir embroché comme un bête matador. L'autre réserve vient de ma femme. Une précédente visite, en ravissantes tennis blanches, s'est mal terminée. Si au début le sol est immaculé, rapidement elle s'est retrouvée à patauger dans de la paille imbibée d'urine et de bouse. Les chaussures n'y ont pas survécu. L'authenticité c'est bien joli, mais uniquement chaussé de bottes en caoutchouc.

vendredi 24 juillet 2015

BD : Débâcle aérienne


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Aviation et seconde guerre mondiale sont les deux intérêts de cette série historique très documentée de Pinard et dessinée par Olivier Dauger dans un style classique irréprochable. Le premier tome raconte comment les aviateurs français ont rongé leur frein durant des mois, au cours de cette drôle de guerre. Mais en juin 40, l'Allemagne lance sa grande offensive terrestre. Des milliers de blindés escortés d'autant d'avions beaucoup plus performants que les appareils tricolores. Une débâcle vécue de l'intérieur par deux pilotes amis, Étienne de Tournemire et André Marceau. Une guerre résumée par un cafetier par la formule laconique « Neuf mois de belote et six semaines de course à pieds... » Quand le maréchal Pétain signe l'armistice, les pilotes se déchirent. Certains voudraient continuer le combat. D'autres se rallier au vainqueur de 14-18. Réfugiés en Algérie, nos deux héros doivent alors affronter les avions anglais. Comment alors choisir son camp sans se tromper ? La série est prévue en quatre tomes, les deux suivants se déroulant au Moyen Orient et en Afrique du Nord entre juin 41 et novembre 42.

« Ciel de guerre » (tome 2), Paquet, 13,50 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : La tour du rêveur

Nichée au fond du vallon, elle émerge des arbres, majestueuse. Une tour surmontée de verdure, dernier vestige d'un château en ruines. Visible depuis la petite route qui mène au hameau homonyme, elle m'a tapé dans l'œil par sa majesté et son faîte de buissons. Je n'ai qu'une envie : la voir de plus près. Il faut deviner, entre ronces et orties (mes mollets garderont quelques jours les traces de la balade), le début du chemin qui mène à sa base. Après l'asphalte brûlant, place à la fraîcheur de la sente qui serpente vers le petit torrent dont on devine le gargouillis tout en bas. Chênes et châtaigniers à la pente et masquent l'édifice. Un mur écroulé, un bout de rempart, me voilà enfin nez à nez avec elle. J'enjambe une ficelle, de celles qui servent à lier les bottes de foin, fais semblant de ne pas voir le panneau « propriété privée » et pénètre dans l'édifice par une ouverture dans la muraille effondrée. Haute de 30 mètres, la tour semble encore très solide. Le rez-de-chaussée donne par deux ouvertures sur le vallon. Vue à pic, calme et repos. Les graffitis sur les murs oscillent entre banale obscénité et déclaration d'amour. Mon imagination va plus loin. Lorsque le château était habité, que des gardes surveillaient les environs à l'affût d'envahisseurs. Je reste là à rêver quelques minutes. Je fais le plein d'images, de sensations, un peu déçu de ne pouvoir monter plus haut. Car si mon esprit est leste à s'envoler dans les siècles passés, mon corps, lui, m'empêche d'escalader ces murs de pierre branlants. La tour gardera une part de mystère. Ce n'est sans doute pas plus mal.

jeudi 23 juillet 2015

BD : Canardo sur les traces de la chair fraîche


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Il y a un peu du XIII dans la nouvelle enquête de Canardo, le privé imaginé par Sokal. Une jeune femme est retrouvée inconsciente au bord d'un lac. Elle ne se souvient plus de son identité. Seul indice, un tatouage. La ressemblance ne va pas plus loin. Les histoires de Sokal n'ont rien à voir avec celles de Van Hamme. La jeune femme a été recueillie par une famille de pêcheurs d'anguilles du duché de Belgambourg, caricature criante de vérité du Luxembourg. De l'autre côté du lac, la Wallonie et son chômage endémique. Les femmes tentent souvent le tout pour le tour pour rejoindre le duché et y trouver du travail. Les plus belles dans la prostitution, les autres comme simples employées de maison. L'amnésique embauche Canardo pour qu'il découvre son identité. Le tatouage étant placé sur la fesse, notre héros (alcoolique et graveleux) peut donc se rincer l'œil. D'autant qu'elle lui montre également une brûlure de cigarette sur un sein, juste à côté du mamelon. Fortement teinté de critique sociale, cette histoire vire vers le serial killer et l'espionnage entre nations. Pascal Regnauld dessine la majeure partie de l'album scénarisé par Sokal et son fils, Hugo.

« Canardo » (tome 23), Casterman, 11,50 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Massacre à la tapette

La campagne, son calme, ses charmes insoupçonnés. La faune variée et omniprésente entre autre. Dans le petit village rural où nous sommes partis en villégiature, mon épouse et moi, si beaucoup d'humains n'y résident plus à l'année, les animaux eux sont légion. Trois chiens bruyants (et méchants) gardent l'entrée du hameau. Quelques ânes quémandent une carotte. Dans une étable, un troupeau de vaches attend la traite. Autour des ruminants, des mouches. Des dizaines, des centaines, des milliers de mouches. Voilà bien une bestiole très loin de l'extinction. A chaque repas, elles se délectent des mets déposés sur la table installée dans la cour du presbytère. Après avoir envisagé de rédiger un traité sur les préférences culinaires de ces insectes (confiture et miel se disputent la première place suivis par melon, charcuterie et sodas, sauf les lights), j'ai pris le taureau par les cornes. Plus exactement je me suis armé d'une tapette et commencé le carnage. Au début, je les ratais toutes. Au troisième repas, je parvenais à décimer 80 % du cheptel en moins de cinq minutes. Mais tel le rocher de Sisyphe, une nouvelle génération spontanée réapparaissait dix minutes plus tard. Un second génocide nous apportait quelques instants de paix, avant une nouvelle attaque de ces kamikazes ailés. De cette semaine de farniente, je ramènerai surtout une dextérité indéniable dans le maniement de la tapette. Et s'il existait un championnat régional de chasseur de mouches, je suis certain d'y faire bonne figure.

mercredi 22 juillet 2015

Cinéma : La jeunesse est-elle diabolique ?

Quand on a la quarantaine, pas d'enfant et des projets au point mort, la rencontre d'un jeune couple dynamique peut être déstabilisante comme dans « While We're Young » de Noah Baumbach.
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Le résumé du scénario a des airs de film français : un couple, la quarantaine, en pleine crise, rencontre un jeune couple, libre, cool et plein de projets. Un effet miroir sur les regrets d'une jeunesse perdue. Mais là où un cinéaste de la rive gauche aurait fait une œuvre sombre et mélancolique, Noah Baumbach, réalisateur new-yorkais de 45 ans signe une comédie pertinente, très fine, avec une intrigue bourrée de rebondissements. Le tout avec une distribution de prestige dans le cadre de Big Apple, ville-monde magnifiée.

« While We're Young » parlera aux jeunes. Aux vieux aussi. Vieux dans l'esprit des gens c'est dès que l'on passe la barre des 40 ans. Voire moins. Avoir un enfant vous fait basculer immédiatement dans le camp des anciens. Josh (Ben Stiller) et Cornelia (Naomi Watts) s'aiment depuis des années. Mariés, ils partagent tout. Lui est réalisateur de documentaires. Elle productrice. Tous leurs amis ont maintenant des enfants. Eux n'y arrivent pas. Cornelia s'est résignée. Finalement ils s'en félicitent en constatant combien un bébé est un handicap. On devine cependant qu'il manque quelque chose dans ce couple englué dans la routine.

Jeunes et cools
Le déclic viendra de la rencontre de Jamie (Adam Driver) et Darby (Amanda Seyfried). Admirateur du travail de Josh, il veut lui aussi réaliser des films. Elle fabrique des glaces artisanales. Un couple cool, branché, qui semble vivre comme Josh et Cornelia... il y a 20 ans. Un couple peut-il séduire un autre couple ? La question ne se pose pas longtemps dans cette rencontre. Complètement désabusés, les « vieux » se laissent insuffler une énergie nouvelle par les « jeunes ». Soirées arrosées, week-end de méditation (assaisonné de substances hallucinogènes), sortie dans des fripes, cours de hip-hop : Josh et Cornelia revivent. Et logiquement le cinéaste confirmé propose au débutant de l'aider dans un projet sur les retrouvailles par l'intermédiaire de Facebook. Les relations changent, Jamie parvenant à prendre le dessus sur Josh de plus en plus perdu dans ses certitudes professionnelles.
Si la première partie du film est dans le ton de la comédie, Ben Stiller excellant dans cette métamorphose à base de jeunisme, la suite est beaucoup plus sérieuse et aborde de façon assez cash les nouvelles technologies, le désir d'enfant, l'ambition et le désir de célébrité. Mais le sujet principal reste le décalage entre les générations. Se sentant manipulé par Jamie, Josh se demande « Est-il diabolique ? Non, simplement jeune... » Un parfait résumé de l'ambiance du film qui sera perçu de façon totalement différent s'il on a 25 ou 45 ans...
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Naomi Watts, de l'ingénue à la femme mûre


While We're Young, stiller, baumbach, wattes, driverDans le rôle de Cornelia, la femme de Ben Stiller, on retrouve une Naomi Watts méconnaissable. L'actrice originaire d'Australie a mis de longues années avant de percer à Hollywood. Quelques petits rôles avant la proposition qui lui permettra d'intégrer le top 10 des stars incontournables. Elle crève l'écran dans le rôle de Betty, la jeune ingénue de « Mulholland Drive », chef d'œuvre de David Lynch. Dans la scène d'amour avec Laura Elena Harring, le film atteint des sommets de sensualité. Naomi Watts, belle et parfaite, fait rêver. Elle tape dans l'œil de Peter Jackson qui lui confie le rôle de la belle dans son remake de King Kong. Mais l'actrice a plusieurs cordes à son arc et multiplie les personnages, des thrillers aux comédies en passant par des drames. Dans le film de Noah Baumbach, Naomi Watts endosse la peau d'une femme de 40 ans, en mal de maternité, amoureuse de son mari mais déçue par son inconstance. Elle apporte au film cette prudence féminine qui empêche souvent aux hommes de réaliser les pires bêtises de leur existence. 

DE CHOSES ET D'AUTRES : Faune locale

Le marché nocturne, en plus de thésauriser les calories pour l'hiver prochain, favorise les rencontres. Soit dans les files d'attente (les glaces au lait cru et bio ont un succès bœuf), soit simplement en mangeant. Les immenses tablées favorisent la convivialité. Nous avons pris place au côté d'un couple de Britanniques venus décompresser le temps d'une soirée. Avec ce délicieux accent des anglophones vivant depuis longtemps en France (la « Birkin's touch ») monsieur, chapeauté de blanc, explique qu'il est artiste. Il vient d'apposer la touche finale à son exposition estivale dans le village. Nous n'avons pas le temps de l'interroger sur son style de prédilection qu'une amie le salue bruyamment. Moins chantant, l'accent pointu est estampillé Paris. La dame, depuis peu à la retraite, passe à présent tout l'été dans sa résidence secondaire. « Depuis quand êtes-vous arrivés ? Quand repartez-vous ? Vous passerez dîner à la maison ?» Les questions sonnent aussi faux qu'un « Excusez-moi » lors d'une bousculade dans le métro parisien. Arrive une Américaine volubile. On devine plus d'authenticité, voire d'intéressement, quand la Parisienne demande si elle s'est enfin décidée à acquérir « quelque chose » dans la région. « Toujours pas. On a préféré l'Andalousie, beaucoup moins chère. On attendra de vendre notre maison de Nashville pour acheter ici... ». Malgré (ou à cause de) l'ambiance, la crise financière mondiale me revient en pleine face à la pensée de ces autres migrants économiques d'un tout autre acabit. 

mardi 21 juillet 2015

DVD : Un film pour comprendre le sexe

Sorti directement en DVD, « If you love me... » de l'Australien Josh Lawson s'apparente au film à sketches avec pour sujet principal le sexe et les fantasmes.

if you love me, wild side, lawsonUn petit bijou australien sort en plein été, directement en DVD et blu-ray chez WilSide. Ecrit, réalisé et interprété par Josh Lawson c'est un faux film de sexe. Pas de scènes explicites, mais des sketches qui explorent plusieurs fantasmes. Quatre couples, quatre comportements sexuels bizarres. Si Paul vénère les pieds de Maeve, cette dernière rêve secrètement d'être violée par son compagnon si doux et gentil. Un autre couple, lassé de la routine, demande conseil à un psy. Ce dernier les oriente vers les jeux de rôles : endossez de nouvelles identités pour vous redécouvrir. Si cela marche très bien au début, c'est plus compliqué quand le mari se trouvant si bon envisage de devenir acteur. Une femme subit les assauts de son mari régulièrement. A la base ils veulent un enfant. Des copulations quasi médicales manquant de tout charme. L'extase, elle ne l'atteint que si son mari est malheureux. Perte d'un proche, film triste sont ses boosters de libido. Enfin ce bureaucrate n'aime sa femme que quand elle dort. I8l est vrai que le reste du temps, elle le houspille méchamment.


Avec ces situations cocasses, le réalisateur concocte une comédie irrésistibles où l'humour est omniprésent. Le tout dans une réalisation élégante, jamais vulgaire malgré le sujet parfois très osé.
Certes le tout fait un peu bricolé, comme s'il avait découpé et remonté plusieurs courts-métrages. L'interprétation permet de faire passer la pilule, la fin, pleine d'optimisme sur l'Amour avec un grand « A », concluant cette comédie qui devrait permettre à Josh Lawson de conquérir Hollywood, si ce n'est en tant qu'acteur (il joue déjà dans plusieurs séries télé) au moins en tant que scénariste.


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Il est triste, elle adore, au point d'atteindre l'orgasme. Le film nous apprend qu'il s'agit de « Dacryphilie, plaisir sexuel à voir quelqu'un pleurer ».


DE CHOSES ET D'AUTRES : Marché ou rêve

Une fois installés dans le presbytère de nos amis de ce hameau rural et verdoyant, se pose rapidement la question de tout vacancier encore dans le rythme d'une année d'activités intenses : on fait quoi maintenant ? Par chance nous sommes arrivés le jour du marché nocturne hebdomadaire d'un gros bourg, distant de deux kilomètres à vol d'oiseau, sept par la route aussi sinueuse que la démarche d'un touriste tombé dans un traquenard rue de la Soif à Canet. Pas le banal marché avec fruits défraîchis et habits des années 70 mais celui dit « de producteurs » où l'on peut déguster le meilleur de la gastronomie locale. Un véritable cauchemar pour ma femme qui ne désespère pas de me faire perdre ma quinzaine de kilos en trop. Entre aligot et truffade, une seule bouchée suffit à combler les besoins en calories et protéines d'une journée de régime. Tout est fait pour transformer la soirée en sommet de la convivialité. De grandes tables sont installées au centre de la place, les stands disposés autour des arcades moyenâgeuses. A trente mètres on sent la douce odeur des saucisses qui grillent. A moins que ce ne soit ces généreuses brochettes de magret de canard. D'autres fumets me titillent les narines : fromage de chèvre, melon à point, jambon sec... Bref, un rêve éveillé pour mon estomac affamé. Glandes salivaires en pleine production, je suis coupé dans mon élan quand le choix du menu tombe. « Bon, on va prendre des assiettes gourmandes : de la salade, du pâté, des rillettes et du cou farci. » « Et deux portions d'aligot... », ça y est, je bave... C'est beau l'amour.

lundi 20 juillet 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Quand les vacances clochent

La plage ? Non merci. Quand vient le temps des vacances, certains habitants du Sud (dont je fais partie), plutôt que de rejoindre la horde des adorateurs du triptyque sable, mer, bronzage, cherchent calme et tranquillité. Telle une vache se trompant de sens de transhumance, j'ai pris la direction du Nord, vers cette France rurale et verte, où les arbres poussent droit, non contrariés par la tramontane. Des amis nous ont proposé de passer une semaine dans leur résidence secondaire, un presbytère rénové dans un hameau niché entre les vallons au cœur de la future région Midi-Languedoc-Pyrénées-Roussillon. Qui dit maison de curé, dit église. Arrivés à bon port, on se gare à l'ombre du clocher. Situé à exactement dix mètres de notre chambre. Une église aux vitraux lumineux, toit de lauzes parfaitement entretenu et murs récemment ravalés. Par chance, les paroissiens locaux ont totalement oublié de réparer le déclencheur du tintinnabulement des cloches à chaque heure. Nous avons pris conscience de notre chance à midi quand un bedeau mécanique a lancé la farandole. Etonnant comme ce bruit si naturel depuis des siècles devient agressif pour nos oreilles cependant habituées à bien pire en ville. Impression confirmée par le concert d'aboiement des chiens du village, perturbés eux aussi par ces cloches incongrues. Quand l'un d'eux se met à hurler à la mort l'évidence s'impose : cette église ne sert plus qu'à célébrer les enterrements des derniers et rares habitants permanents de ce bout de France en voie de désertification.

BD : Contes policiers

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Le mélange des genres, rien de mieux pour s'ouvrir de nouveaux horizons narratifs. Paul Jenkins, scénariste américain (Spider-man, Civil War) en avait sans doute assez des histoires trop réalistes. Mais comme il adore le polar, il a gardé un fond d'enquête policière tout en développant un monde imaginaire riche et directement issu des contes pour enfants. Voilà comment Frankie Mack se retrouve inspecteur de police à la division des comptines dans la ville de Rimes, capitale du territoire des « Histoires pour enfants ». Il est appelé sur une scène de crime. Car toute comptine débute par un crime. Humpty Dumpty a été jeté du haut d'un mur. Comme c'est un œuf, il a été salement amoché. Humpty est un grand bavard. Il était au courant des derniers développements de la guerre que se livrent les reines et les sorcières. Frankie enquête, interrogeant à tour de rôle Noke (Pinocchio), ou la charmante Alice, qui a grandi et pris des formes. Assez déroutant au début, ce polar est mis en image par Ramon Bachs dans un style plus franco-belge que comics US.

« Fiction Squad » (tome 1), Glénat, 13,90 €

dimanche 19 juillet 2015

BD : Chevalier en jupon

eon, chevalier, maupré, ankama
Agnès Maupré en a terminé de dessiner des robes colorées à fanfreluches. Elle vient de boucler le second et dernier tome des aventures du Chevalier d'Éon. 120 pages pour raconter la fin de l'existence mouvementée de cet espion de Louis XV, obligé de se faire passer pour femme afin de mieux infiltrer les cours européennes. Après ses aventures en Russie, le Chevalier est envoyé en Angleterre pour cartographier les fortifications de l'île. Un jour il est un homme fier, en uniforme, secrétaire de l'ambassadeur de France, un autre il se déguise en Lia, jolie bourgeoise qui aime tant peindre des aquarelles. Si possible sur la côte, près des garnisons anglaises... Une double vie qui va parfaitement à cet aventurier entièrement dévoué à son roi. Mais les aléas de la politique font qu'il tombe en disgrâce, n'est plus payé, subit l'humiliation de devoir rester en permanence habillé en femme. Prisonnier de ses jupons en France, il préfère redevenir homme en Angleterre. Mais là aussi il doit donner le change pour garder la vie. L'auteur brosse le portrait d'un homme qui a tellement joué avec son identité qu'il ne sait plus, au final, qui il est. Cela ne l'empêchera pas de vivre jusqu'à l'âge de 81 ans...

« Le chevalier d'Éon » (tome 2), Ankama, 15,90 €

samedi 18 juillet 2015

BD : Dictature à moustache

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Bienvenue à Sublimeland, dictature imaginaire issue de l'esprit de Fabrice Erre. A sa tête le Guide sublime, nabot caractériel arborant d'énormes moustaches. Il aime bien les moustaches. Aussi quand il arrive au pouvoir il exige que tout le monde porte la moustache. Question subsidiaire de Plonk, son Premier ministre « Et les femmes ? » Réponse du Guide Sublime : « on va les obliger à porter une frange. Une super longue frange pour leur cacher la tête ! Leur tête de femme !! » Pour dénoncer les dictateurs, on peut être instructif ou corrosif. Fabrice Erre a choisi la seconde voie. Pour notre plus grand plaisir tant ses gags en quatre dessins sont irrésistibles en raison de leur extrémisme. Car le Guide Sublime n'y va pas avec le dos de la cuillère pour tyranniser son peuple. Plutôt à la pelle. Car « Moi, du moment que quelqu'un se prend des coups de pelle, je suis content... » Parmi les autres passe-temps du monstre, lancer des vaches depuis un hélicoptère, tirer les tresses des femmes, exterminer des minorités et écrire un livre. Mais ce qui lui tient le plus à cœur reste d'être porté sur la liste de l'axe du mal. Pas gagné car vraiment trop marrant...

« Guide Sublime », Dargaud, 14,99 €

vendredi 17 juillet 2015

BD : Yoko Tsuno sur Mars


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Impossible de faire plus fidèle que Roger Leloup. Le dessinateur belge a consacré toute sa vie à une seule héroïne : Yoko Tsuno. La jeune Japonaise vit sa 27e aventure depuis ses débuts en 1970 dans les pages du journal de Spirou. 45 ans au cours desquels Leloup a fait bonifier cet univers entre technologie et pure science-fiction. Agé aujourd'hui de plus de plus de 80 ans, il n'envisage pas pourtant de prendre sa retraite, s'amusant toujours à mettre sa jolie héroïne dans des situations de plus en plus compliquées. Toute la force de la série est dans la multiplication des personnages secondaires. Comme l'auteur semble être un grand sentimental, il n'ose pas les délaisser au fil des albums. Résultat c'est presque une équipe de foot qui évolue autour de Yoko, de Pol et Vic, les fidèles, à Rosée, sa fille en passant par Emilia, Mieke ou Bonnie. Sans compter les Vinéens, ces extra-terrestres à la peau bleue dont la meilleure représentante est Khâny, au centre de cet album. Avec Yoko elle part sur Mars combattre un « méchant » qui envisage de détruire toute forme de vie sur Terre. Toujours aussi précis dans les dessins, Leloup semble simplement un peu à l'étroit dans ces 46 pages trop formatés.

« Yoko Tsuno » (tome 27), Dupuis, 10,60 €

jeudi 16 juillet 2015

Livre : Assassins invisibles

Pour tuer en masse, un virus est plus efficace que deux serial-killers. Les héros récurrents de Franck Thilliez se confrontent à des assassins d'un nouveau genre dans « Pandemia ».

Franck Thilliez, fleuve noir, sharko, lucien virusRien de plus beau qu'un cygne. Ces oiseaux gracieux se transforment pourtant en messagers de la mort dans les premières pages de « Pandemia », le nouveau thriller de Franck Thilliez. L'alerte est donnée par un guide d'une réserve ornithologique dans le Nord de la France. Trois cadavres de cygnes sauvages au bord d'un lac. Des spécialistes du GIM (Groupe d'intervention microbiologique) sont dépêchés en urgence sur place. La moindre mort suspecte d'oiseaux est prise très au sérieux depuis l'apparition du virus de la grippe H5N1. Johan et Amandine se rendent sur place. Cela va les changer de longues journées passées devant leur paillasse à scruter microbes et autres virus dont ils cherchent en permanence à découvrir les secrets. Amandine est le personnage pivot de ce roman, celle qui sera du début à la fin au centre de l'action, épaulée au fil des chapitres par les flics récurrents de l'univers de Thilliez, le couple Sharko et Lucie, leur chef Nicolas et la petite nouvelle, Camille, gendarme greffée du cœur (voir le précédent roman, Angor, paru récemment chez Pocket). Amandine traque les virus mais a une peur bleue d'eux. Elle est à la limite de la folie : elle se lave les mains 20 fois dans la journée, porte un masque en permanence et vide toutes les deux heures un flacon de lotion antiseptique. Quand elle part travailler le matin, obligée de prendre les transports en communs parisiens, elle sait que tout le monde la remarque. « Comme toujours, on la regarda avec curiosité dans la rame. Son teint d'albâtre, sa protection sur le visage, sa coupe militaire. On devait la prendre au mieux pour une malade atteinte d'une pathologie gravissime et incurable, au pire pour une espèce de junkie. » Dans les cygnes, les deux techniciens découvrent un virus de la grippe jusqu'alors inconnu. Un « mutant » qui vient du porc, est propagé par les oiseaux et peut se transmettre aux hommes. L'alerte est immédiatement donnée. L'action se déroule fin novembre, dans cette période où la traditionnelle épidémie se met en place. Justement, des malades, il y en a de plus en plus au sein des équipes de la criminelle. Lucie notamment est terrassée en quelques heures.

Nouveau terrorisme
Le prologue rejoint alors l'action principale : c'est le fameux virus des cygnes qui décime le Quai des Orfèvres. Une action délibérée, un acte de terrorisme d'un genre nouveau. Et la pandémie menace.
Sharko, force de la nature, semble le plus résistant. Il se lance à corps perdu dans l'enquête qui comme toujours avec Thilliez est dense et complexe (et personne ne s'en plaint). Il se retrouve alors à recueillir le témoignage d'un SDF vivant sous les ponts. Malgré son alcoolisme chronique, Jasper est persuadé que plusieurs de ses compagnons d'infortune ont été enlevés par un être étrange, direction les égouts, « quelqu'un habillé tout en noir, avec un genre de robe, un long bec courbé comme un vautour. Il avait des griffes immenses sur chaque main. Des trucs capables de te couper en morceaux. Un oiseau de malheur. Moi, j'ai pensé à un démon. » Le ton est donné. Dans l'antre de ce terrifiant « homme-oiseau », Sharko découvre l'innommable. Mais ce n'est que le supplétif qu'un être encore plus machiavélique, le fameux « Homme en noir » déjà entraperçu dans « Angor ».
Le roman imposant (plus de 600 pages) se lit pourtant dans un état d'urgence, de fébrilité, tant les événements s'enchainent et la tension va crescendo. Certains passages sont âpres, cauchemardesques, tout le monde n'en sort pas indemne. Quant au lecteur, après avoir ingurgité le roman, il risque faire quelques cauchemars à la vue du moindre oiseau, encore plus d'un rat ou d'une bête puce... 

« Pandemia », Franck Thilliez, Fleuve Noir, 21,90 €

mercredi 15 juillet 2015

Romans jeunesse : Rire à tous les âges

Lire et rire, rien de mieux pour se sentir en vacances avant l'heure...

pkj, dave lowe, Naïma Murail-Zimmerman, Elizabeth Lepage-Boily, MaudeBenjamin Jinks, neuf ans, déteste les maths. Stinky, son hamster, aime les carottes et, surtout… il parle et a le cerveau d’un génie. Ecrit par Dave Lowe, cette amitié intéressée est pour les plus jeunes. A partir de 7 ans exactement. Benjamin a tout du cancre. L'arrivée de ce hamster de génie dans son foyer va lui permettre de remonter sa moyenne. Mais pour le redoutable instituteur McCreedy, Benjamin triche forcément. Il le dit aux parents du jeune héros. Le père, parieur impénitent, prétend que Benjamin n'a pas triché. Pour en avoir le cœur net, il faut qu'il fasse une interrogation écrite dans la salle, seul, loin de son petit protégé... Comment va-t-il s'en sortir ? Il y a juste ce qu'il faut de merveilleux dans ce petit roman pour faire rêver, mais tout le reste est suffisamment réel pour que les lecteurs s'identifient à Benjamin.
pkj, dave lowe, Naïma Murail-Zimmerman, Elizabeth Lepage-Boily, MaudePour les plus âgés (à partir de 9 ans), place à Timothée Lafarge, petit Français moyen doté de super pouvoirs. Après une piqûre de moustique alien, Timothée voit sa force décupler. Il super-pédale jusqu’à l’école en moins de trois minutes, soulève le bureau du prof avec son index et troue les murs en jouant au ping-pong. Timothée est devenu un super-héros
et pour sauver le monde des super-vilains, il lui faut absolument un nom et un costume de super (sans slip par-dessus).
Mais quand on a une mère envahissante, des jumeaux insupportables pour frère et sœur, un costume qui gratte, et, surtout, quand il n’y a pas un seul méchant à l’horizon, super-héros, ça craint (grave) ! Naïma Murail-Zimmerman, à peine 20 ans, raconte des aventures loufoques et très décalées. Si Timothée est bien super fort, il n'en voit pas l'utilité s'il n'y a pas le moindre super méchant dans son petit village perdu dans la campagne. Rien de glorieux à faire si ce n'est sauver un chat dans un arbre ou rendre service aux profs qui eux, ont tout compris. L'histoire bénéficie en plus d'une mise en page très ludique avec insertion de dessins, d'onomatopées et autres exclamations dans le texte normal.
pkj, dave lowe, Naïma Murail-Zimmerman, Elizabeth Lepage-Boily, MaudeLe dernier roman est plus particulièrement destiné aux adolescents. Adolescentes exactement. Un texte vif et incisif de la Canadienne Elizabeth Lepage-Boily. Lorsqu'on a une mère qui jongle entre les cours de sexologie et les séminaires bouddhistes ; trois sœurs aînées prénommées Ariel, Jasmine et Belle, qui n'ont rien des princesses Disney ; sa meilleure amie sur le point de vous trahir pour Simon Bazin, le plus beau mec du lycée, la vie peut sembler un enfer. Heureusement, Maude, quinze ans, rebelle, blasée et tout simplement irrésistible, ne manque ni d'humour ni de caractère pour traverser cet enfer qu'on appelle l'adolescence. Finement observé, avec un zeste de mauvais esprit et de résignation, ce texte est une mine pour les parents qui ont une adolescente à la maison et qui ne comprennent plus rien à ses agissements.
« Mon hamster est un génie », PKJ, 4,90 €
« Super héros, ça craint (grave) », PKJ, 11,90 €

« Maude, comment survivre à l'adolescence », PKJ, 12,90 €

mardi 14 juillet 2015

BD : "Ab Irato", l'immortalité à portée de vaccin


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Chaque année, notre espérance de vie moyenne s'allonge. Devenir centenaire n'est plus exceptionnel. La difficulté c'est de conserver une bonne santé. Dans cette série de science-fiction écrite et dessinée par Thierry Labrosse, une entreprise pharmaceutique a commercialisé un vaccin de rajeunissement. Cher, rare, il n'est pas à la portée de tout le monde. Une infime minorité peut envisager cette quasi immortalité en échange d'une fortune. L'action se déroule en 2111 à Montréal (Labrosse est Québécois) et montre un pays en pleine révolte. La pollution, le réchauffement climatique, transforment la cité en grand marécage. Les pauvres meurent, les riches prospèrent. Riel, le jeune héros, tente de trouver un avenir meilleur mais se retrouve vite au centre d'un complot mené par des rebelles. Action, fantastique, romance : ce troisième et dernier tome d'une série ambitieuse, malgré ses 56 pages, semble trop court. Mais au final cette première BD de Labrosse en solo est une belle réussite.

« Ab Irato » (tome 3), Vents d'Ouest, 14,50 €

lundi 13 juillet 2015

BD : L'orgueil des pilotes dans "Typhoon"


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La victoire des Alliés durant la seconde guerre mondiale doit beaucoup à la mobilisation de milliers de Français et de Belges ayant choisi la France Libre. De jeunes patriotes qui ont préféré l'exil au joug allemand. Christophe Gibelin, dessinateur de la remarquée série « Les ailes de plomb », s'intéresse à cette partie de l'histoire européenne dans sa nouvelle BD une nouvelle fois largement consacrée à l'aviation, sa seconde passion après le dessin. Jean de Selys, jeune Belge, a franchi la Manche à bord d'un vieux coucou au moment de l'invasion allemande. Il a laissé son frère qui lui, a préféré s'engager dans la Résistance. En 1943, Jean peut enfin prendre part à l'offensive contre les hordes nazies. Aux commandes d'un Typhoon, redoutable chasseur bombardier, il abat des chasseurs et va même, sans le moindre ordre, mitrailler l'immeuble de la Gestapo à Bruxelles. Mais en voulant s'illustrer, il a fait plus de mal que de bien. Le jeune pilote est décrit comme un orgueilleux assez inconscient. Tout ce qu'il ne faut pas être en plein effort de guerre...

« Typhoon » (tome 1), Paquet, 14 €

dimanche 12 juillet 2015

BD : L'ours et le poussin


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La disparition de l'immense Fred n'a pas marqué la fin de la BD tendance poésie onirique. Le gentil moustachu a heureusement suscité quelques vocations. Renaud Dillies est un digne héritier de l'inventeur de Philémon. Avec son compère scénariste Régis Hautière il a imaginé les pérégrinations d'Abélard, un petit héros au grand chapeau magique, pourvoyeur d'aphorismes. Abélard disparu (snif), ne reste plus que Gaston, son compère, gros ours taciturne et mélancolique. Dans la grande ville, il gagne sa vie en travaillant au sommet des buildings en construction. Le soir, il prend un peu de plaisir avec Purity, prostituée au grand cœur. Quand elle meurt sous les coups d'un client irascible, Gaston doit s'occuper de son fils, Alvin, poussin perdu dans cette vie de misère. L'ours va devoir le prendre sous sa protection et se lancer dans un nouveau périple. La finesse du dessin de Dillies, avec des gros plans très expressifs, donne une grande force à ce récit plein d'humanité et de tendresse.

« Alvin » (tome 1), Dargaud, 13,99 €

samedi 11 juillet 2015

Livre : Simonetta Greggio nous donne des nouvelles de nos amours

Simonetta Greggio se livre en partie dans cette douzaine de nouvelles allant de la confession très personnelle à l'histoire ample et détaillée que d'autres auraient délayé pour en faire des romans.

nouvelles, amour, Simonetta Greggio, flammarionUne écriture sensuelle permet à Simonetta Greggio d'aborder tous les sujets de la vie d'une femme sans jamais flirter ni avec le scabreux et encore moins la vulgarité. Même si elle dévoile ses amours dans certaines des nouvelles composant ce recueil, elle y insuffle une grande poésie. On fait donc connaissance avec Abraham, un « homme café au lait – plus café que lait - » mais aussi Antoine avec qui « nous nous étions si bien mélangés dans les quelques semaines de notre histoire que j'avais du mal à retrouver l'usage de moi-même. » Dans la nouvelle « Il pleuvait quand je suis partie », elle écrit, durant le trajet Paris Avignon en TGV, la fin de cette belle rencontre, de ces jours fusionnels, de ces nuits torrides. Un parmi d'autres. Mais toujours dans le même style. Constante dans ses amours multiples, l'auteur en donne la raison. « Je n'aime que les anomalies et les fêlures chez les êtres, les déchirures et les failles, car c'est par là que s'engouffre la vie, que la lumière passe. Ce qu'on appelle normalité me fait peur. (…) Il y a une droiture chez les fêlés, ils ne font que chercher dans le quotidien ce qui n'est pas visible à l'œil nu. C'est un sacerdoce, une mission, j'en sais quelques chose, moi qui ne peut vivre que comme ça. » Beauté d'un texte lumineux qui reste longtemps imprégné dans la mémoire.

Le prisonnier et le chien
Les autres nouvelles sont plus classiques, moins personnelles, comme de grandes respirations. « Os de lune » est de loin la plus aboutie, la plus marquante. Sur une trentaine de pages pleines de bruit et de fureur, on écoute le récit d'un violoniste rescapé des camps de la mort. Déporté avec un ami musicien, il n'a jamais voulu se défaire de son instrument. A l'arrivée à Auschwitz, ce violon lui a sauvé la vie. Repéré par un officier, il est intégré à l'orchestre du camp. Car dans ces antichambres de l'enfer, les bourreaux aussi sont parfois mélomanes.
Le musicien, grâce à son statut particulier, échappe à la mort. Il parvient même à se faire un ami dans le camp : le chien d'un garde SS. Quelques mois avant la libération du camp, il réussit à s'échapper, accompagné de son fidèle compagnon. Cette errance dans l'Europe du Nord, à feu et à sang laissera des traces indélébiles. D'autres romanciers auraient trouvé là matière à un gros pavé assuré de confortables ventes en ces temps de commémoration. Simonetta Greggio se contente d'une nouvelle, incisive et directe, comme si cette histoire était trop forte pour être source d'exploitation. Il en est de même avec le récit du mafieux qui va abattre un juge sicilien ou l'embryon de biographie de Romain Gary. Courts et percutants, ces textes n'en sont que plus marquants.
« Femmes de rêve, bananes et framboises », Simonetta Greggio, Flammarion, 17 €



vendredi 10 juillet 2015

Poche : Les lumineuses

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Un tueur en série trouve le moyen infaillible de ne pas se faire prendre. Il tue dans le futur. Un thriller résolument fantastique de Lauren Beukes, écrivain originaire d'Afrique du Sud, où elle prend le pari de présenter dès les premières pages le tueur de l'histoire, ce Harper, pervers, illuminé, violent. Seconde à entrer en scène, Kirby, une jeune fille qui a eu le malheur de croiser le chemin de Harper. Kirby survit. Après quatre ans de convalescence, elle retourne à l'air libre. Avec une obsession : retrouver son assassin. Car Kirby se considère comme morte... Un thriller à la construction différente des classiques du genre, très prenant dès que l'on passe l'obstacle des sauts dans le temps. (Pocket, 7,70 €)