Les demi-dieux aussi ont fréquenté l’école. Mais pas n’importe laquelle : l’école des héros. Fabien Clavel raconte les cours assez originaux de cet établissement imaginaire où Hercule côtoie Médée ou Orphée.
Hercule, le petit héros, casquette vissée sur la tête, va affronter malgré les remontrances de sa maîtresse, Mme Aphrodite, Typhon et ses frères Titans. Illustré par Mathieu Demore, ce petit roman, bourré de références et d’humour, donne un premier aperçu de la mythologie aux plus jeunes.
Après avoir vu Dodo de Pános H. Koútras, vous pourriez regretter que le réalisateur n’ait pas eu l’envie de transformer ce scénario dense en une mini-série de 5 ou 6 heures. Les 2 heures et 15 minutes semblent un peu courtes pour explorer tous les personnages de ce film choral se déroulant sur les deux jours précédant un mariage dans la grande bourgeoisie grecque.
Exactement dans la bourgeoisie en partie ruinée. Car si Sofia s’apprête à épouser Aris, c’est essentiellement pour remettre sa famille en fonds. Le père, ancien député, affairiste, a tout perdu dans la crise. La mère, ancienne comédienne, ne tourne plus depuis des années. Dans leur luxueuse propriété, sans le moindre sou vaillant, ils préparent le mariage quand un étrange volatile fait son apparition. Un dodo, gros poulet originaire de l’île Maurice, normalement disparu depuis des siècles. D’où vient ce dodo, quel sera son rôle dans le mariage ou l’implosion de la famille ?
La comédie de Pános H. Koútras n’apporte pas de réponses directes mais étrille copieusement toute cette société où l’argent est roi, la magouille une religion et la trahison une sorte de prière quotidienne. De la fille qui hésite à se marier et se donne pour 50 euros à un ouvrier au père qui tente de rapatrier de l’argent sale placé dans une banque en Asie à la mère qui voudrait se racheter une conscience en aidant des réfugiés syriens, ils sont tous très détestables.
Pourtant on les comprend et on les excuse car malgré leur mauvais fond, ils ont conscience qu’il faut absolument aider ce dodo, sorte de miracle de la nature.
Le film est caustique, brillant, ébouriffant, parfaitement interprété. Au point qu’effectivement on aurait aimé passer un peu plus de temps dans cette propriété en compagnie de cette famille et de l’employée russe, de l’homme à tout faire albanais, de l’acteur oublié homosexuel ou du trans amoureux d’un redoutable escroc.
Film grec de Pános H. Koútras avec Smaragda Karydi, Akis Sakellariou, Natasa Exintaveloni
Savez-vous comment on appelait en argot londonien de la fin du XIXe siècle un tricheur aux dés ? Une récente lecture (Le magicien de Whitechapel, de Benn, Dargaud) m'a fait découvrir qu'ils répondaient au sobriquet de « Grecs ». Décidément les inventeurs de la démocratie, s'ils ont dominé le bassin méditerranéen il y a plus de 2000 ans, ont beaucoup perdu de leur prestige. Oublions la triste époque des colonels, quand une dictature militaire restait la meilleure garantie contre le risque communiste... Assimiler les Grecs à des tricheurs paraît un peu exagéré, même si les récentes révélations sur le « plan B » de Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances grec, confirme cette impression. Quand on n'a plus d'argent pour miser, la raison veut que l'on déclare forfait.
Pas Varoufakis qui en bon « Grec » (dans le sens tricheur) a imaginé un audacieux tour de passe-passe. L'idée de base consiste à pirater le logiciel de l'administration fiscale grecque. L'objectif, créer des comptes parallèles qui ne fonctionnent pas en euros, mais en « euros bis ». Une nouvelle monnaie virtuelle (pour ne pas dire de singe), mais une monnaie quand même, reconnue par l'État grec. Varoufakis, qui n'a jamais caché sa passion pour le rock, semble également avoir de grandes capacités à imaginer des intrigues dignes des meilleurs thrillers. Au chômage depuis son éviction du gouvernement, je lui suggère de se reconvertir dans l'écriture. Jean Van Hamme vient d'annoncer son intention de se retirer des aventures de Largo Winch, le milliardaire frondeur. Varoufakis devrait postuler. Il a déjà la moitié du prochain scénario...
Médée fait partie de ces figures mythologiques réduites à deux ou trois événements. D'elle on connaît la mère qui tua ses enfants et la magicienne qui aida Jason à conquérir la toison d'or. Mais le personnage est beaucoup plus vaste et complexe. Ce que se sont essayées de raconter la romancière Blandine Le Callet et l'illustratrice Nancy Peña. Le premier tome permet au lecteur de découvrir l'enfance de Médée. Cette petite fille, très garçon manquée, joue dans les vastes jardins de son père, Aiétès, le roi de Colchide.
Ce dernier se désespère car son seul descendant mâle, le jeune Absyrtos, est frêle et malade. Médée ferait une reine parfaite, mais à cette époque, les femmes brodent, les hommes guerroient. Médée, adolescente, deviendra disciple de la déesse Hécate.
Elle y apprendra la magie et le secret des plantes, salvatrices ou mortelles. Dessin épuré et élégant pour une histoire toute centrée sur les interrogations d'une jeune femme, partagée entre son désir de liberté, sa soif d'apprendre et le poids de la famille. Car Médée, en plus d'être fille de roi, est petite-fille de Dieu et nièce de magicienne.
Totalement incroyable l'événement de mardi soir en Grèce. Quelques heures après l'annonce par le gouvernement de la fermeture des télévisions publiques, les trois chaînes et la vingtaine de radios ont cessé d'émettre. Écran noir.
Pour bien comprendre le choc, il suffit de se mettre dans le contexte français. Imaginez, mardi à 20 h 10, vous avez regardé l'épisode 2252 de « Plus belle la vie » sur France 3. Hier soir vous espériez enfin découvrir le sort de Margaux et si Fournier se remettra des rumeurs sur internet. Perdu. Terminées les aventures marseillaises. « Plus moche la vie » résume un des abonnés de Twitter qui s'est amusé à rebaptiser les émissions de la télé française à la mode grecque. De « Qui veut gagner des centimes ? » à « Les grosses dettes » en passant par « Taratatarama » (mon préféré, de loin...), les amateurs de bons mots s'en sont donné à cœur joie. Plus de télévision publique en France : drame dans les maisons de retraite. Les aides-soignantes sont à cran : les pensionnaires craquent les uns après les autres. Déjà privés de Derrick, ni Motus, ni Des chiffres et des lettres ne confortent leur sieste vespérale... Les autorités redoutent une vague de suicides en fin de semaine. A quoi bon vivre sans Michel Drucker le dimanche ? A l'opposé, les chaînes privées se frottent les mains. TF1 cesse de diffuser la saison 7 de Secret Story... et reprogramme la première. La facture est moins salée et de toute manière plus personne ne se souvient des candidats de 2006 !
Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant
En Grèce, dans les années 30, l'arrivée au pouvoir de militaires aux tendances fascisantes a provoqué la mort d'un style de musique : le rébétiko. Cette partie ignorée de l'histoire de ce pays européen est mis en lumière dans cet album magistral signé David Prudhomme. Sur une centaine de pages aux couleurs pastels de cette Méditerranée languissante, il raconte la vie de ces musiciens, devenus les ennemis du pouvoir, simplement pour exacerber le sentiment national et dénoncer la prétendue fainéantise de ces nomades inventeurs du blues grec.
Armés de leur bouzouki, ils jouent, chantent et fument du haschich. C'en est trop pour les tenants de la « troisième civilisation hellénique ». Stravos, amateur de jolies filles, à l'esprit particulièrement frondeur, et Markos, à peine sorti de prison (où il a joué un dernier morceau pour le directeur, accro à ces airs) déambulent dans cette ville en pleine mutation. Ils vivotent et résistent jusqu'à ce qu'ils aient l'opportunité de quitter l'Europe pour aller enregistrer un disque aux USA.
Un récit fort, politique et poétique ; certainement le meilleur album de cette seconde partie d'année 2009.