mardi 30 juin 2015

BD : L'autre grande guerre

usa uber alles, nolane, pécau, maza, delcourt
Quasiment inexistante il y a cinq ans, la catégorie « science-fiction uchronique militaire » est en train d'envahir les rayons de BD. La faute à Richard Nolane qui, le premier, a imaginé une fin différente à la seconde guerre mondiale. Cette fois c'est Pécau qui écrit un récit se déroulant dans les années 50, au lendemain d'une guerre presque finie. Presque car si les alliés occidentaux ont pris le dessus sur les nazis, il n'en est pas de même sur le front de l'Est. Mieux, Hitler a été renversé et la nouvelle Allemagne s'est alliée avec les Anglais, Américains et Français pour combattre le nouvel ennemi : le communisme. Pourtant, au début de la guerre, les aviateurs français ont prêté main forte aux escadrilles de l'armée rouge en URSS. C'est le cas de Georges Charlier, pilote d'essai basé près de Koursk. Mais au lieu de revenir au pays, il est interné dans un camp de prisonniers en Sibérie. Quand, en 1951, il réapparait à la frontière finlandaise, les services secrets hésitent entre lui demander de tester les nouveaux avions d'un certain Marcel Bloch et l'emprisonner pour espionnage. Une série maligne, dessinée par Maza, déjà remarqué dans Wunderwaffen.

« USA Uber Alles » (tome1), Delcourt, 14,95 €

lundi 29 juin 2015

BD : Au sommet de New York

homme de joie, hautière, abelard, françois, casterman
Régis Hautière fait partie des scénaristes qui montent. Il a longtemps été cantonné aux éditions Paquet, mais le succès aidant (notamment le Dernier Envol avec Romain Hugault) il a diversifié sa production. Chez Dargaud il a imaginé Abelard, pour Delcourt il a repris Aquablue et chez Casterman il a écrit la Guerre des Lulus et De briques et de sang. Cette dernière série avec David François au dessin qu'il retrouve pour « Un homme de joie », sous titré également « La grande époque des buildings de New York ». Au début du 20e siècle, Sacha, jeune émigré ukrainien, débarque à New York. Il fuit la famine de l'Europe et croit en son destin. Il va survivre dans un grenier, travaillant le jour au sommet des buildings. Mais la roue tourne et un soir, au détour d'une balade, il sauve un certain Tonio qui le prend sous son aile. Tonio d'origine italienne et très impliqué dans la jeune mafia américaine. Un scénario entre histoire et social, avec un brin de romance, le tout mis en images par David François se permettant parfois des doubles pages panoramiques pour montrer toute la démesure des constructions de l'époque.

« Un homme de joie » (tome 1), Casterman, 13,95 €

dimanche 28 juin 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Tous cousins

Litout, cousin, charlemagne, loup-garou
Et si le sentiment de l'appartenance à l'Europe passait par la famille ? Grecs, Français, Allemands, Irlandais, nous sommes tous cousins. Parfois au centième degré, mais cousins quand même.
Selon les recherches de généticiens de l'université de Leicester en Angleterre, les deux-tiers des Européens modernes descendraient de seulement trois lignées paternelles remontant à l'âge du Bronze. Trois mâles dominants qui ont pris le dessus sur les autres, dispersant leur ADN au gré de leurs conquêtes. Trois "Adam" dont on retrouve l'empreinte partout en Europe.
Les généticiens anglais tablent sur trois chefs de tribu. Certains historiens adhèrent à la même théorie mais supputent que la majorité des Européens appartient à la lignée de Charlemagne, Gengis Khan et du moins connu Niall, Haut Roi d'Irlande du Ve siècle, à l'origine de la famille des Uí Néill, aujourd'hui O'Neill.
Et chacun de se demander s'il est plutôt issu d'un rejeton de l'empereur inventeur de l'école, du redouté pilleur originaire des steppes ou du mystérieux Irlandais.
Personnellement je me suis posé la question et comme une analyse de mes chromosomes Y reste trop coûteuse, je me suis rabattu sur les sites généalogiques.. Les Litout sont peu nombreux en France. Pas plus de quarante dans moins d'une dizaine de départements. Par contre pour le sentiment d'appartenance européenne je n'ai pas d'effort à faire. Litout viendrait de l'expression germanique Liet-Wulf, traduite par peuple-loup. Finalement mon patrimoine génétique s'apparenterait plutôt, non pas à Charlemagne mais au loup-garou.

samedi 27 juin 2015

BD : L'infirmière réveille les morts

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Pour lancer une nouvelle bande dessinée de nos jours, mieux vaut faire quelques références à des séries télé qu'à des classiques franco-belges. Alice Matheson (scénario Istin, dessin de Vandaële) fait fort dans le genre. Pour présenter le concept (le pitch dirait le bobo branché), trois références chocs suffisent : « Alice Matheson c'est un peu Dexter qui rencontrerait Urgences et Walking Dead ». Explications. Alice Matheson est infirmière. Le premier album se déroule entièrement aux urgences de l'hôpital anglais où elle travaille depuis six ans. Alice, comme Dexter, aime tuer. Une serial killer qui se contente cependant d'abréger les souffrances des malades incurables en phases terminales. Mais tueuse quand même... Problème, sa dernière victime vient de se réveiller et tente de lui becter la cervelle. Nous voilà en pleine épidémie zombie. Ambitieuse, cette série est prévue en six tomes. Ils paraîtront au rythme d'un tous les trimestres, avec différents dessinateurs. Une saison 1 pour parfaire la comparaison avec les séries télé.

« Alice Matheson » (tome 1), Soleil, 14,50 €

vendredi 26 juin 2015

BD : Le Chat-Bouboule en solo

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Il a fait ses premiers pas dans la BD des Petits Grumeaux de Nathalie Jomard. Cette illustratrice, par ailleurs maman de deux gamins facétieux, a également un pauvre chat. Pauvre car il est devenu un jouet essentiel aux enfants grumeaux. Il n'a que rarement le beau rôle dans ces gags déjà édités par Michel Lafon. Mais les chats, c'est bien connu, sont les véritables maîtres du monde. Donc le chat-Bouboule devient héros à part entière d'une BD à son nom. Toujours avec Nathalie Jomard aux manettes, notre grosse boule de poils peut enfin se venger des brimades supportées depuis trop longtemps. Ces dessins d'humour sont tout à fait dans l'air du temps. On s'aperçoit, malheureux humains que nous sommes, que la vie d'un chat est souvent plus cool que nos existences stressantes. Il s'amuse d'un rien, dort quand il veut, mange à volonté et se fait tout pardonner (du canapé déchiqueté au vol du poulet rôti en passant par la litière renversée) avec un câlin doublé d'un léger ronronnement. Sale engeance !
« Chat-Bouboule », Jungle & Michel Lafon, 12,95 €



jeudi 25 juin 2015

Cinéma : Dans la tête d'une petite fille avec "Vice Versa"

Formidable idée que celle de « Vice Versa ». Les émotions d'une petite fille sont personnalisées dans son esprit. Un dessin animé plus adulte qu'il n'y paraît.  
vice versa, pixar, disney, joie, tristesse, peur, dégoût, colère
Riley a 11 ans. Fille unique, elle a tout pour être heureuse. Des parents aimants, des amis fidèles, une passion pour le hockey sur glace et une propension à rêver, insouciante. Si cet épanouissement semble naturel, il doit en fait beaucoup aux émotions qui coordonnent l'esprit de Riley depuis le poste de commandement de son esprit. Les cinq premières minutes de « Vice Versa » expliquent comment cela fonctionne. Cinq émotions principales sont à l'œuvre en permanence. Peur, Colère, Dégoût, Tristesse et Joie. Cette dernière est la dominante de l'humeur de Riley. Virevoltante, toujours à l'affût de trouvailles pour embellir le quotidien de la petite fille, elle fait tout pour que chaque journée soit réussie et se termine par de bons souvenirs. Généralement, c'est très facile. Mais à 11 ans, Riley n'est plus tout à fait une petite fille sans encore être une adolescente. Cela bouillonne dans sa tête parfois, Colère l'emporte, Dégoût a son mot à dire aussi.
Alors quand les parents annoncent à Riley qu'ils vont quitter leur Minnesota un peu perdu pour s'installer à San Francisco, Joie tente de conditionner Riley pour qu'elle profite de ce changement. Mais dans les faits, les contraintes sont les plus fortes. La maison est moins belle, les amies sont trop loin, les écoliers sont hostiles et sa chambre sinistre. Rien ne va plus dans le centre de commandement. Malgré tout son enthousiasme, Joie semble dépassée. Et Tristesse prend le dessus involontairement. La personnalité de Riley va-t-elle être changée au point de perdre tous ses repères, tant sur le plan familial qu'en terme d'amitié ? Tout le suspense du film est dans cette course contre la montre de Joie.

Deux univers
L'idée du film est venue à Pete Docter (réalisateur de Là-haut) en regardant ses enfants grandir. Et de se demander souvent, face à leurs réactions parfois déroutantes, « Mais que se passe-t-il dans leur tête ? » Et d'imaginer l'esprit de Riley, fonctionnant comme un gros ordinateur piloté par plusieurs entités. Les deux mondes ne se rencontrent jamais, mais sont totalement interdépendants. Deux univers, deux styles pour un même film. Si Riley est animée de façon très classique, les cinq émotions sont elles beaucoup plus cartoonesques. Couleurs criantes (vert brocolis pour Dégoût), formes caractéristiques (Colère est carré comme une brique, Peur filiforme et fuyant comme un serpent) et exagérations sans limites caractérisent l'esprit de Riley. Même si en théorie c'est le monde de l'infiniment petit, c'est là que les décors les plus gigantesques sont créés, des îles de la personnalité au monde de l'imaginaire en passant par le pays des rêves. Toutes les possibilités de l'animation sont exploitées dans ces séquences particulièrement réussies.
Mais « Vice Versa » reste un film intelligent et pédagogique, d'une grande utilité pour les parents. Il décortique le fonctionnement de la pensée, la construction d'une personnalité, comment on parvient à surmonter ses peurs et déceptions. Et quand l'émotion prend le dessus sur l'humour, on sait que l'on se trouve face à un petit chef-d'œuvre de subtilité.  
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Les voix de l'esprit

vice versa, pixar, disney, joie, tristesse, peur, dégoût, colèreLes émotions qui évoluent dans l'esprit de Riley, la petite fille, bougent, s'agitent et surtout parlent. Le casting voix du film est donc essentiel pour la réussite d'un tel film. Dans la version française, les producteurs ont fait le choix d'acteurs en plein devenir. Joie, qui a le rôle le plus important et le plus compliqué revient à Charlotte Le Bon. La jeune Canadienne, ancienne Miss Météo à Canal+, met tout son dynamisme au service de cette tornade qu'est Joie. Tristesse, l'autre personnalité essentielle du film, est « interprétée » par Marilou Berry. Timide, hésitante, toujours désolée, elle est tout en retenue. Autant Joie peut hurler et chanter, autant Tristesse pleure et gémit. Le duo fonctionne idéalement. Durant une bonne partie du film elles sont perdues dans la mémoire centrale de Riley, impuissantes face à ses changements de personnalité, perdues dans ce dédales de souvenirs inutiles.

Pour Peur, Pierre Niney est méconnaissable, Mélanie Laurent apporte la distinction et le dédain nécessaire à Dégoût et Colère explose grâce aux jurons de Pierre Lellouche. Enfin Didier Gustin apporte sa fantaisie à Bing Bong, l'ami imaginaire de Riley, mélange d'éléphant et de chaton avec un corps en barba-papa...

mercredi 24 juin 2015

BD : Cadavre encombrant

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La bande dessinée n'a pas de frontières. Si ce mode d'expression est très populaire en France et en Belgique, partout ailleurs en Europe il existe un vivier d'auteurs bourré de talent. Moins connus que les Italiens ou les Espagnols, les Grecs sont eux aussi d'excellents raconteurs d'histoire. Athanassios Pétrou a illustré un scénario de Tassos Zafiriadis et Yannis Palavos. Il a la barbe du Père Noël mais son costume n'est pas rouge. Que du noir. Logique, il est croque-mort. Dans cette Grèce souffrant de canicule, la chambre froide des Pompes funèbres Léonidas tombe en panne. Au plus mauvais moment. Dans un cercueil, le cadavre d'un vieux, découvert dans son appartement un mois après sa mort, pue abominablement. Le croque-mort est donc chargé de le conduire dans la campagne pour passer un week-end sans empuantir tout le quartier. Deux nuits et une journée avant l'enterrement le lundi matin. L'occasion pour le croque-mort de gamberger sur son existence, ses ratés, ses déceptions. Le dessin de Pétrou, en couleurs directes, est d'une grande beauté. Quant à l'histoire, elle prend aux tripes.

« Le croque-mort », Steinkis, 12,95 €

mardi 23 juin 2015

BD : Ric Hochet, même pas mort !


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Les héros de BD peuvent-ils survivre à leurs créateurs ? Cette question revient régulièrement en fonction des disparitions des grandes gloires de la BD. Quand Tibet, dessinateur de Ric Hochet, meurt soudainement, l'aventure en cours n'est pas terminée. Elle sera publiée en l'état, avec simplement le scénario d'André-Paul Duchâteau pour savoir qui a tué (le principe de toutes les enquêtes du jeune et impétueux journaliste). Quelques années plus tard, le reporter de la Rafale est de retour pour des enquêtes développées sous la houlette de nouveaux auteurs. Zidrou se charge du scénario et Van Liemt du dessin. Un pari risqué car tout en conservant l'esprit d'origine, il est clairement demandé aux nouveaux venus de moderniser et dépoussiérer une recette efficace durant de longues décennies mais aujourd'hui complètement obsolète pour ne pas dire ringarde. Certains puristes vont hurler au sacrilège, mais finalement voir Ric en slip et Nadine entièrement nue est une évidence qu'on ne pouvait plus nous cacher. Quant au méchant de ce retour, c'est un revenant aussi. Mais il ne faut pas trop en dire...

« Les nouvelles enquêtes de Ric Hochet » (tome 1), Le Lombard, 12 €

lundi 22 juin 2015

BD : Jeu de rôle en vrai

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Florence Dupré la Tour, dessinatrice de BD et professeur dans une école d'art à Lyon, a un vice caché. Elle a longtemps été accro aux jeux de rôles. Pour elle et ses amis, endosser une autre personnalité permet « de vivre d'incroyables aventures dans un univers infini, gratuit et inviolable : notre imagination. » Une passion de jeunesse abandonnée avec l'âge. Un travail, des enfants... la roue tourne. Mais lors d'une réunion de famille, Florence étouffe dans cette atmosphère trop gentille. Elle se souvient alors de son personnage de jeu et décide d'être lui. La gentille maman attentionnée va se transformer en Cigish Hexorotte, nain et nécromancien. Il est méchant, jette des sorts, aime voler, brimer et torturer. Sur cette base, Florence Dupré la Tour anime un blog BD qui est repris dans ce gros album de plus de 300 pages. On y trouve également les commentaires des internautes, dont certains issus des pires trolls sévissant dans le milieu. Cette descente aux enfers, la dessinatrice la montre dans toute sa déraison, mettant en scène ses élèves, des éditeurs et quelques spécimens hallucinants de chasseurs de dédicace. Entre réflexion religieuse et théorie sur l'auto-édition, cet album semble aussi addictif que le milieu qu'il décrit en partie.

« Cigish ou le Maître du Je », Ankama, 15,90 €

dimanche 21 juin 2015

Cinéma : Duo majeur dans la fournaise de « Valley of love »

Gérard Depardieu et Isabelle Huppert à la recherche de leur enfant mort.
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Petit dernier de la sélection française du dernier festival de Cannes, « Valley of love » de Guillaume Nicloux permet surtout de retrouver deux monstres sacrés du cinéma français dans un tête à tête brûlant. 35 ans après « Loulou » de Maurice Pialat, Isabelle Hupert et Gérard Depardieu se retrouvent face à face. Elle est toujours aussi lumineuse, il est encore plus massif. Passé la surprise des premières minutes, le charme (et surtout leur talent) agit. Totalement investit dans leurs deux rôles, on oublie leur statut de stars pour ne voir que deux parents en plein désarroi. La force aussi au scénario du réalisateur ténu mais prenant.


Dans un motel de la zone touristique de la Vallée de la Mort en Arizona, Isabelle (Isabelle Huppert) attend son ancien mari Gérard (Gérard Depardieu). Tous les deux acteurs, ils ont refait leurs vies depuis bien longtemps. Le seul lien qui leur restait c’était ce fils, Michaël. Isabelle l’a abandonné à 7 ans. Gérard a coupé les ponts peu de temps après sa majorité. Michael vivait à San Francisco en compagnie de son ami. Et une après-midi, il a mis fin à ses jours. Peu auparavant, il a écrit deux lettres destinées à Gérard et Isabelle. Il leur demande de passer une semaine en novembre dans la Vallée de la mort. De se rendre, ensemble dans divers lieux selon un ordre précis et alors, alors seulement, selon le contrat passé, ils pourront le voir une dernière fois. Et s’expliquer...

Hypothétique rendez-vous
Si Isabelle croit dur comme fer à cette rencontre, Gérard est plus que sceptique. D’ailleurs, il ne peut pas rester la semaine complète. Il a un rendez-vous important jeudi.
Le film, tourné à minima, dans les véritables décors écrasés de chaleur (les comédiens, surtout Depardieu, suent à grosses gouttes), est d’une limpidité presque aveuglante. Pour le père, cette idée saugrenue de les réunir dans ce lieu étouffant est une vengeance parfaite. Juste une manigance pour qu’ils se disputent et souffrent encore et toujours. La mère est sur un tout autre registre. Persuadée d’avoir tout raté avec ce fils qui l’a rejetée, elle croit à cette ultime chance de retrouver l’enfant qu’elle a porté, aimé...
Alors ils en parlent. Déambulent dans les canyons, marchent sur les cailloux. Retrouvent l’air climatisé des chambres du Motel, font des cauchemars et repartent inlassablement le lendemain vers un nouveau point de vue, un nouveau très hypothétique rendez-vous, à la recherche d’un signe.
Isabelle Huppert et Gérard Depardieu sont excellents dans la peau de ces parents brisés par la perte de leur enfant. D’autant plus démolis qu’ils sont, tous les deux, totalement passés à côté de la vie de Michael. Alors si ce film peut servir au moins à une chose, c’est de rapprocher parents et enfants avant qu’il ne soit trop tard.

samedi 20 juin 2015

BD : Dessinateurs témoins de notre temps

Que cela soit en immersion dans les couloirs de l’Élysée, à bord d’un sous-marin nucléaire français ou au cœur de, la jungle amazonienne de Guyane, ces auteurs de BD rendent ses lettres de noblesse à un genre en pleine renaissance : le reportage dessiné.


sapin, chateau, elysée, dargaud, embarqué, cailleaux, futuropolis, joub, nicoby, guyane, jungle, dupuisDurant une année, Mathieu Sapin a promené son carnet de croquis dans les couloirs de l’Élysée. Après avoir croqué les coulisses de la rédaction de Libération, le dessinateur qui signe également des gags dans Spirou de la série “Pinpin reporter”, raconte le fonctionnement de cette énorme machine, “Le Château”, au service du président de la République. De la première rencontre avec François Hollande, à la crise des attentats vécue de l’intérieur, le lecteur est littéralement au cœur de l’exécutif. Réunions avec les conseillers, rencontre avec les chefs d’État, découverte des coulisses (la cave, les cuisines, le service de protection rapprochée) et même visite présidentielle à l’étranger. Trois jours dans le Caucase où Mathieu Sapin accompagne plus le pool presse que le président. Observateur à l’œil acéré, il parvient même à détecter son principal défaut en cours d’album. Trop critique, il se force à mettre en évidence les bons côtés du vaisseau amiral de la République française.
sapin, chateau, elysée, dargaud, embarqué, cailleaux, futuropolis, joub, nicoby, guyane, jungle, dupuisDe vaisseaux il en est également question dans “Embarqué”, long reportage de 175 pages en plusieurs parties. Christian Cailleaux est littéralement tombé amoureux de la mer et de la Marine au cours d’un embarquement à bord de la Jeanne d’Arc. Depuis il s’est beaucoup questionné que les motivations de ces jeunes Français capables de quitter leur pays pour de longs voyages sur toutes les mers du monde. Il a décidé d’aller à leur rencontre, de décrire leur vie, leurs attentes. D’abord à l’école de Mousses de Brest puis à bord. Un voyage à bord de la frégate le Prairial vers les terres australes (Crozet et Kerguelen) et la traversée de la Méditerranée dans la minuscule couchette d’un sous-marin nucléaire. Il alterne planches didactiques et bourrées d’informations avec d’autres pages muettes, aquarelles ou gouaches réalisées dans ces endroits perdus, véritables machines à provoquer le romantisme marin.
sapin, chateau, elysée, dargaud, embarqué, cailleaux, futuropolis, joub, nicoby, guyane, jungle, dupuisJoub et Nicoby ont également pris le bateau pour rejoindre le lieu de leur reportage dessiné devenu “Manuel de la jungle”. Une simple pirogue dans la jungle guyanaise. Après avoir raconté l’histoire de Hara-Kiri et fait visiter l’atelier de Fournier, ils s’attaquent à un tout autre milieu. Accompagnés de deux passionnés de chasse et de forêt, ils découvrent la vie à la dure, au milieu des insectes envahissants, des singes hurleurs et autres bestioles agressives, des serpents aux silures. Mais c’est peu de chose face aux orpailleurs, véritable fléau de cette région. La jungle, c’est leur territoire et mieux vaut les éviter.
Le Château”, Dargaud, 19,99 euros
Embarqué”, Futuropolis, 24 euros

Manuel de la jungle”, Dupuis, 19 euros

vendredi 19 juin 2015

DVD : Quand l'amour est beaucoup plus fort que la maladie

Le biopic de la rencontre entre Stephen et Jane Hawkins, “Une merveilleuse histoire du temps”, sacré meilleur film britannique en 2014, a permis à Eddie Redmayne de décrocher l'Oscar du meilleur acteur.
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Comment faire pleurer avec des histoires de trous noirs, de cosmos et d’équation temporelle ? Facile, il suffit que ces concepts ardus soient vulgarisés par un génie scientifique de la trempe de Stephen Hawkins. Et que l’on se désintéresse de la matérialité pour se concentrer sur les sentiments.
James Marsh, en se lançant dans la réalisation du film « Une merveilleuse histoire du temps », prenait un gros risque. Comment raconter la maladie sans tomber dans le pathos ? De plus, Stephen Hawkins étant toujours en vie, comment allait-il recevoir ce pan de sa vie moins connu et beaucoup plus intime. Enfin il fallait trouver la perle rare capable d’endosser le costume du savant, jeune et valide, puis vieux et impotent ?

Extraordinaire Eddie Redmayne
L’arrivée du jeune acteur britannique Eddie Redmayne dans le projet a certainement levé toutes les interrogations. Totalement impliqué dans le rôle, il est lumineux et a logiquement remporté l’Oscar en 2015 pour une performance qui restera dans les annales du cinéma.
Quand Stephen Hawkins intègre l’université de Cambridge en 1963, il ne sait pas encore sur quoi portera son doctorat. Excessivement brillant, il n’a que l’embarras du choix. Selon ses camarades d’études, il réalise l’exploit d’être le moins assidu aux cours, de ne travailler qu’une heure par jour et d’avoir les meilleurs résultats d’entre tous. Il parvient même à séduire une ravissante étudiante en lettres, Jane (Felicity Jones), charmée par de gringalet à lunettes aux yeux malicieux, toujours souriant.
Mais les belles histoires ce n’est que dans les rêves. Dans la vraie vie, Stephen découvre qu’il est atteint d’une maladie neuro-dégénérative qui le condamne à brève échéance. Deux ans selon les médecins. Et surtout, avant de succomber, il va perdre l’usage de ses membres et de la parole.
Il s’enfonce dans la dépression, se détournant de tous ses amis et de la belle Jane. Il ne veut pas leur faire du mal. Mais l’amour de la jeune femme sera plus fort. Elle l’épouse, et se dévoue corps et âme pour lui.
Cette relation puissante est au centre du film et en fait tout son attrait. Il y a quelques passages sur les recherches et découvertes de Hawkins, mais c’est surtout leur relation fusionnelle qui est mise en valeur. D’autant que la maladie, elle, est implacable. Même si Hawkins veut croire que ce n’est que temporaire (quand il se laisse tomber pour la première fois dans un fauteuil roulant) son état se dégrade. Mais il ne meurt pas, garde toute sa tête et a de plus en plus d’idées. Il devient même mondialement célèbre en écrivant son best-seller « Une brève histoire du temps ». La transformation de Redmayne en pantin désarticulé est criante de vérité. Jamais on ne pense que c’est un acteur valide qui l’interprète. Alors oui, ces histoires de trous noirs et de temps qui passe deviennent poignantes. Difficile de retenir ses larmes.

Michel Litout

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Une leçon de cinéma

hawkins, redmayne, cosmos, temps, universalDans le blu-ray, de nombreux bonus sont disponibles dont un making of classique, une dizaine de scènes coupées et le commentaire audio du réalisateur. On ne peut que conseiller aux cinéphiles de profiter de ces explications très instructives sur son approche du projet. Elles sont également une remarquable leçon de cinéma. Pourquoi une scène est trop longue ? Pourquoi elle ne s’intègre pas dans l’esprit du film ? Bien mieux que des cours, des exemples concrets.


« Une merveilleuse histoire du temps », Universal, 19,99 euros

jeudi 18 juin 2015

BANDE DESSINÉE : Jijé, Masse et Taniguchi, trois auteurs au Panthéon du 9e art

Jijé pour l'école franco-belge, Francis Masse pour la BD underground et Jiro Taniguchi pour le manga : trois maîtres de la BD à l'honneur dans de gros volumes mettant en valeur leurs talents multiples et variés.
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Jean Valhardi est le prototype du héros positif des années 40 à 60. Blond, intrépide, détective, toujours partant pour l'aventure, ses enquêtes ont longtemps été le rendez-vous préféré des lecteurs de l'hebdomadaire Spirou. Un peu tombé dans l'oubli, il revient au catalogue Dupuis dans la très belle collection des intégrales. Un premier volume de 260 pages, dont une cinquantaine d'introduction fruit des recherches de Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernaut, grands historiens de la BD franco-belge, école de Marcinelle. Les 200 planches reprises dans ce tome 1 sont scénarisées par Jean Doisy et dessinées par Jijé. Cela couvre la période 1941-1946, années marquées par l'occupation allemande, la censure puis la libération de l'Europe. Pas de message politique, mais une formidable envie de liberté, d'évasion et de nouveaux paysages. Jijé commence à affiner son style réaliste. Il délaisse de plus en plus les rondeurs de Spirou pour muscler son héros et les méchants. Dans le plus pur style du feuilleton, les rebondissements, parfois improbables, sont légion. Pourtant ce modèle a ensuite inspiré des générations d'auteurs et c'est véritablement la source de la BD franco-belge que l'on retrouve dans ces planches, "nettoyées" par les studios Dupuis pour qu'elles retrouvent toute leur virtuosité de l'époque.
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Dans un genre totalement différent, plongez dans l'univers déjanté de Francis Masse. Pape de l'underground français, il a dessiné des centaines d'histoires courtes dans diverses revues (Actuel, Charlie Mensuel, Métal Hurlant...) reprises dans ce qui est la somme de toutes ses recherches : l'Encyclopédie. Après une première édition dans les années 80, voici La Nouvelle encyclopédie, enrichie de dizaines d'histoires inédites et de reproductions de toiles, car Masse s'est de plus en plus tourné vers la peinture. Découvrir l'univers de Masse, son côté noir et abscons, ouvre tous les horizons. Un immense artiste à redécouvrir.
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Enfin ne passez pas à côté de Ice Age, chronicle of the earth de Jiro Taniguchi. Le plus européen des auteurs de manga n'a jamais caché son admiration pour la SF "julevernienne". Au début des années 2000 il s'est consacré à cette vaste fresque présentant une terre glacée, au climat totalement déréglé. Le héros, Takéru, se lance dans une folle quête pour tenter de sauver ses proches. 280 pages denses et riches en inventions, première partie de ce diptyque que Taniguchi n'a pas véritablement achevé. Mais cette réédition en Français lui donnera peut-être l'occasion de se replonger dans cet univers très "Métal Hurlant".
"Jean Valhardi, l'intégrale" (tome 1), Dupuis, 35 €
"L'encyclopédie de Masse" (tome 2), Glénat, 35 €
"Ice Age, chronicle of the earth" (tome 1), Kana, 18 €

mercredi 17 juin 2015

DVD : Les jeux dangereux de Grey et Anna

Après les livres et le film, savourez chez vous « Cinquante nuances de Grey » en DVD ou blu-ray.

grey, dakota johnson, dornan, james, universalÉnorme carton de ce début d’année dans les salles, « Cinquante nuances de Grey » devrait rencontrer le même succès pour sa sortie (demain) en DVD et blu-ray. Étonnamment, ce sont certainement les mêmes personnes qui ont acheté les livres, vu le film plusieurs fois au cinéma qui vont se ruer sur le coffret blu-ray offrant deux heures de bonus et une version longue du film de Sam Taylor-Johnson. Inutile donc de résumer une nouvelle fois l’histoire un peu mince. Christian Grey (Jamie Dornan), jeune et célibataire, est sexy et riche. Ana Steele (Dakota Johnson), pauvre petite étudiante encore naïve (et vierge !) tombe amoureuse. Mais Grey a des tendances sado-maso. Ana va-t-elle accepter par amour de se faire fesser par son mâle dominant ? Et plus si affinité ? Présenté comme un chef-d’œuvre de perversion, le roman d’E. L. James est en réalité un bon compromis entre du porno soft et une romance classique.
Pour l’adaptation cinématographique, toute la difficulté consistait à ne pas trop en montrer sous peine de se retrouver avec une interdiction aux moins de 18 ans. Donc de littérature porno soft, les producteurs ont transformé l’idylle entre Grey et Ana en prise de tête (Elle : « Je l’aime mais c’est un monstre » Lui : « Je l’aime mais je ne veux pas lui faire du mal ») entrecoupée de quelques scènes érotiques. Deux heures d’hésitations un peu longues. Heureusement il reste quelques scènes sympathiques. La rencontre dans la quincaillerie et la liste d’achat du mystérieux Grey ou la discussion du contrat entre un Grey trop sûr de lui et une Ana dure en négociations. Sans oublier le tic d’Ana : se mordiller la lèvre. Si Grey n’aime pas, tout homme normalement constitué ne peut que craquer...

« Cinquante nuances de Grey », Universal, 15,99 euros le DVD, 19,99 euros le blu-ray.

mardi 16 juin 2015

BD : Les "Infiltrés" du Counterjihad


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Première incursion d'Olivier Truc dans la bande dessinée. Le journaliste, correspondant pour le Monde dans les pays scandinaves, a remporté un beau succès avec ses deux romans policiers au pays des Lapons. Il quitte les plaines enneigées pour se plonger dans ce qui fait son quotidien de journaliste d'investigation : l'extrême-droite. Avec Sylvain Runberg, il écrit le scénario d'« Infiltrés », thriller futuriste se déroulant au Danemark. Un futur très proche. Quasi du présent. Après le massacre commis par Breivik en Norvège, un groupuscule danois veut faire aussi bien. Ils mitraillent une mosquée et se préparent à une action d'éclat. Les services de renseignements, dirigés par Suzanne Hennings, surveille ces nazillons de l'intérieur. Un agent est infiltré. Mais le temps presse, les politiques veulent des résultats et l'attentat se précise. Dessiné par Olivier Martin, cet album est passionnant. Tant par l'idéologie décrite que les méthodes de la police. De plus, un dossier, rédigé par Olivier Truc, permet de mieux cerner la menace de ce qui a déjà pris le nom de « Counterjihad ».

« Infiltrés » (tome 1), Quadrants Soleil, 15,50 €

lundi 15 juin 2015

BD : Philipp Kradow, le privé de trop


philipp kradow, mo/cdm, fluide glacial
Dans le clan des détectives privés calamiteux, Pétillon a placé la barre très haut avec Jack Palmer. Mo/CDM relève le challenge avec Philipp Kradow, caricature trash du Marlowe des séries noires de légende. Chapeau toujours enfoncé sur le crâne (on ne voit jamais ses yeux), imper crasseux et rouflaquettes vintage, Philipp parle comme un polar. Il est persuadé d'être le meilleur. Les faits le contredisent sans cesse. Il parvient cependant parfois à résoudre quelques énigmes, comme la disparition de Princesse Choupette, minuscule Chihuahua de sa riche et croulante propriétaire. Mo/CDM, né en Polynésie française, envoie son héros dans ces riantes îles. Chargé d'une mission par l'état américain, il doit s'assurer que les Français ne reprennent pas en cachette les essais nucléaires sur l'atoll de Mururoa. Il découvrira un incroyable scandale comme seule la politique française peut en fabriquer. Mais la meilleur histoire reste celle du portrait robot. Assez peu ressemblant, il permettra finalement à identifier un suspect et à le coffrer : Philipp himself... C'est totalement déjanté, parfois un peu bavard, iconoclaste et politiquement incorrect : du pur esprit Fluide Glacial.
« Philipp Kradow », Fluide Glacial, 14 €



BD : Dans "La vie de tous les jours", Papa dessine

roux, vie tous les jours, bamboo
La grande aventure ne se trouve pas toujours loin du quotidien. Mickaël Roux, dessinateur de BD, le prouve dans ce recueil de gags le mettant en scène, lui et sa petite famille. Il travaille à la maison, sa femme a un emploi dans une crèche et leur vie a radicalement changée après leur premier enfant, Léon, gamin facétieux admiratif de son papa et machine à questions. « La vie de tous les jours » aurait pu être une simple resucée de Boule et Bill, le chien en moins. Mais ces gags ne sont pas uniquement destinés aux enfants. Bien au contraire, derrière un dessin simple et très lisible, l'auteur place des idées parfois borderline. Il n'hésite pas à se montrer en train de jubiler quand Léon, après deux mois de vacances, retourne enfin à l'école. L'épouse semble une jeune femme très libre. Notamment quand le jeune Léon découvre son nouveau téléphone portable vibrant. Mais ne sait pas comment faire pour décrocher. Logique, le vibromasseur n'est pas encore raccordé à la 4G. Le premier tome paru en janvier dernier est déjà suivi du second, dans la même veine, avec en plus l'arrivée d'un heureux événement. Mais est-ce véritablement raisonnable d'agrandir la famille ?

« La vie de tous les jours », Bamboo, 10,60 €

dimanche 14 juin 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Versions latrines

craductions, pages rosses, latin, impressions nouvelles
A l'heure où le latin est sur le point de disparaître corps et biens de l'enseignement au collège, ce petit livre signé du trio Bruno Fern, Typhaine Garnier et Christian Prigent préfigure peut-être ce que les Français comprendront des dernières locutions latines citées en exemple par quelques vieux érudits.
En réalité, ce trio de lettrés s'est amusé à détourner les célèbres pages roses des vieux dictionnaires Larousse. Des « Craductions » qui « transposent davantage les sonorités que les significations des formules latines. » En pratique, In extremis devient « Inès est très sexy », Carpe diem « Dieu est muet » et l'irrésistible «Habemus papam « L'abbé est ému : le voilà papa ! »
Un peu comme les contrepèteries, les craductions sont souvent lestes, comme si le sexe appréciait cette langue ancienne. Desiderata devient « Désirs défaillants », Mea culpa « Urètre bouché » ou Hic et nunc « Bois et nique ». Terminons avec le très limite (mais tout à fait plausible) Manu militari transformé en « pompe ton ami à la main ».
« Pages rosses, craductions », Les impressions nouvelles, 9 euros

samedi 13 juin 2015

BD : "Réincarnations", un thriller scientifique

réincarnations, corbeyran, horne, delcourt
« Réincarnations » a des airs de thriller fantastique mais cette BD de Corbeyran et Horne cache en fait une intéressante réflexions sur la recherche scientifique. Avant de détailler sa théorie sur le développement de l'intelligence humaine, Corbeyran en grand pro de la narration présente son personnage principal. Une jeune femme, Jasira, fraîchement diplômée en épistémologie. De longues études pour quels débouchés ? Elle n'a pas le temps de se poser la question qu'une élégante chasseuse de tête vient lui proposer un emploi en or : 50 000 euros par mois pour faire des recherches au sein de la fondation d'un milliardaire extravagant, Clifford Kendall. Mais elle doit quitter Paris (et son petit ami) pour s'installer sur une petite île anglaise. Le côté humain prend pas mal de place. Mais rapidement le suspense prend le pas. Un grimoire est convoité par plusieurs collectionneurs, Jasira quitte son petit ami, Kendall la charme avec sa théorie. Et comme toujours avec Corbeyran, le lecteur a envie d'en savoir un peu plus et attend avec impatience le second tome prévu en septembre prochain...

« Réincarnations », (tome 1), Delcourt, 14,50 €

vendredi 12 juin 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Manuel Valls, papa à la mi-temps

manuel valls, gravoin, falcon, berlin, barça, scandale
Faute avouée à moitié pardonnée. Manuel Valls fait son grand mea culpa : jamais il n'aurait dû prendre ses enfants dans le Falcon gouvernemental samedi soir pour rejoindre Berlin et assister à la finale de la Ligue des champions. Mais comment cet incorruptible de la République, si exigeant quand il s'agit d'éthique et d'exemplarité, a-t-il pu commettre une bourde pareille ?
L'explication est peut-être à trouver dans son statut de père de famille recomposée. Ses enfants (dont on ne sait quasiment rien) sont issus de son premier mariage, avant de refaire sa vie avec la violoniste Anne Gravoin.
Le week-end dernier (1), comme des milliers de papas à mi-temps, Manuel Valls avait la garde de deux de ses garçons. « Papa, qu'est-ce qu'on fait samedi ? », demande le plus jeune. « Je dois aller à Poitiers au congrès du PS puis à Berlin, le soir. Vous allez rester avec Anne. Vous irez l'écouter en concert », explique le père trop occupé. « Oh non, se lamente l'aîné, encore de la musique classique... A choisir je préfère encore Merkel à Berlin... »
Manuel Valls, gêné, obligé d'avouer : « En fait ce n'est pas Merkel que je vais rencontrer à Berlin mais Michel Platini. Et après la réunion, je suis... hum... obligé de rester pour la finale du Barca. » Les deux gamins se mettent à sauter partout, surexcités : « On veut venir ! Allez papa, soit sympa. Pour une fois... » Et là j'imagine parfaitement la cuirasse du papa d'un week-end se craqueler : « OK, vous venez, même si je sens que ça va me coûter cher... »
1 250 euros par enfant exactement. Et quelques points de popularité en moins.
(1) La situation et le dialogue qui suivent sont imaginaires.

Livre : Double dose de fantasy dans « L'héritage des Rois Passeurs »

Deux mondes, deux héroïnes, une ribambelle de Dieux et quelques dragons : le cocktail de « L'héritage des Rois Passeurs » de Manon Fargetton est subtilement dosé.

bragelonne, manon fargetton, rois passeurs, fantasyLes amateurs de fantasy, toujours plus nombreux après les succès mondiaux du « Seigneur des Anneaux » puis de « Game of Thrones », peuvent depuis quelques années consommer français. Le genre, bien que marqué par l'inventivité des anglo-saxons, bénéficie de l'apport d'auteurs francophones de plus en plus talentueux. Manon Fargetton, après quelques romans pour la jeunesse, se lance dans le monde de la fantasy pour adultes. Une première incursion parfaitement maîtrisée, avec des personnages féminins forts et bon nombre d'inventions dans les mondes décrits.
Ravenn est voltigeuse. Cette jeune sauvageonne fait partie d'une horde chargée de chasser le dragon dans les territoires du Sud. Souple et téméraire, c'est elle qui est chargée de donner le coup de grâce aux animaux de légende. Ses compagnons harcèlent la bête. Quand elle est coincée au sol, accaparé par les lances et flèches, Ravenn lui saute dessus, se glisse sous son ventre et l'éventre d'un coup d'un seul.
Enora est comédienne. Exactement elle tente de percer dans ce milieu compliqué. Elle quitte Paris au guidon de sa puissante moto pour rejoindre la maison familiale en province. Elle va y fêter son anniversaire. Avec son frère jumeau.

Personnages secondaires prometteurs
Ce roman de Manon Fargetton bénéficie de deux préambules bien distincts. D'un côté notre réalité avec Enora, de l'autre le fantastique et la sauvagerie dans le sillage de Ravenn. Les deux jeunes femmes vont pourtant constater que leur destin est à un tournant. Ravenn va devoir retourner au chevet de sa mère, mourante. Enora va voir toute sa famille se faire massacrer par une bande d'hommes en noir armés d'énormes épées. Passé ces deux événements, le roman bascule dans l'exceptionnel. Ravenn, en réalité, est l'héritière du royaume. Sa mère sur le point de s'éteindre, c'est elle qui va devoir reprendre la charge. Mais ce n'est pas du goût de son père et de la caste des magiciens. Enora, paniquée, se met à creuser dans la pelouse du jardin familial. Et elle découvre un passage vers un autre monde, celui d'Ombre, où Ravenn va peut-être régner.
Loin de se contenter de ces deux personnages forts, l'auteur multiplie les personnages et les intrigues. On retrouve des dieux manipulant les humains, des magiciens ambitieux, des hommes fidèles et des femmes passionnées. Sans dévoiler la fin du roman, on se doute cependant que cette première histoire au cœur du royaume d'Ombre en appellera d'autres. On devrait y retrouver la peintre (et magicienne) Jana, maîtresse de Ravenn, cette jeune reine à la sexualité libre et débridée. On espère aussi recroiser le chemin du jeune Lïam, sauvageon à l'intelligence fine et sans limite. Quant aux dieux, comme ils sont immortels, on ne doute pas que Manon Fargetton les réutilisera dans ses prochaines histoires que l'on souhaite aussi inspirées, passionnantes et abouties que ce premier essai.

« L'héritage des Rois Passeurs », Manon Fargetton, Bragelonne, 20 €

Livre : Laurent Baffie à l'Académie


baffie, chaunu, jungle, michel lafon
Le plus redoutable sniper de la télévision, celui qui a inventé le rôle, rolls des chroniqueurs aux réparties sanglantes, devenu auteur de théâtre à succès et philosophe es calembours, pourrait briguer une place à l'Académie française 2.0. Il produirait des étincelles aux réunions du dictionnaire. Mais comme Laurent Baffie sait pertinemment qu'il ne bénéficiera jamais de ce privilège (l'humour n'a jamais constitué un critère de sélection), il a concocté son propre dictionnaire. Un mot, une définition, un éclat de rire. Une recette simple et efficace. Un dessin rajouté à l'ensemble donne une occasion supplémentaire de se fendre la poire. Voilà donc pour les décoincés des zygomatiques, les jouisseurs de l'absurde et les déconneurs de l'extrême « Le dictionnaire illustré de Laurent Baffie » (éditions Kero et Jungle). Chaunu, dessinateur de presse, notamment pour Ouest France, propose sa version de définitions fleuries. Parfois simples illustrations des trouvailles de Baffie comme « Tchador : prison portative », il peaufine son trait à l'occasion, tel ce délectable et explicite « String : divise les fesses, multiplie les regards ». Mon préféré reste ce gentil et naïf « Zébu : aveu d'alcoolique. »

« Le dictionnaire illustrée de Laurent Baffie », Jungle, 13,95 €

jeudi 11 juin 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Quand les figurants se prennent pour des stars

camping, gironde, foule
Pour quelques secondes de figuration dans un film, même si c'est le pire des navets, certains parents sont capables de tout. Démonstration fin mai sur le bassin d'Arcachon pour le casting de « Camping 3 ».
Les producteurs cherchent des familles pour apparaître sur la plage. L'annonce de la sélection ne devait pas dépasser les limites de la commune de La Teste. Mais les réseaux sociaux compliquent l'affaire. A 10 heures, 1 000 personnes se bousculent devant l'entrée d'une petite salle. A 14 heures, ils sont plus de 3 000 à faire le pied de grue (phot Sud Ouest), parfois avec des enfants en bas âge, pour tenter de décrocher ces quelques secondes de gloire. Totalement débordés, les organisateurs du casting préfèrent abandonner l'affaire et annoncent clore le casting à 15 heures. Et de « Camping », on se transporte dans « Mad Max », certains prenant très mal la décision. Cris, bousculade, mouvement de foule : les gendarmes et la police municipale sont appelés en renfort pour contenir le mécontentement. Tout ça pour au final provoquer une brouille définitive au sein de la famille élue.
Dans 15 ans, Michel et Jacqueline repasseront une 50e fois l'extrait de Camping 3 où Kevin, 5 ans au moment du tournage, trébuche dans le sable derrière Patrick (Franck Dubosc) Chirac. Kevin, déjà traumatisé par son prénom, ne pardonnera jamais à ses parents cette énième humiliation devant sa nouvelle petite amie. Depuis il vit loin d'eux, dans sa voiture, préférant le camping sauvage aux films idiots sources de tous ses malheurs.

DVD : “Imitation Game”, risqué jeu de la guerre

Remarquable biopic d’Alan Turing (Benedict Cumberbatch), mathématicien incompris.
imitation game, turing, guerre, nazis, Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, StudiocanalLes héros de guerre ne se trouvent pas toujours au front. Pour l’emporter, il faut également des hommes et des femmes œuvrant dans l’ombre. Il y a les espions. Les chercheurs aussi. Simples pions dans un immense mikado, ils jouent pourtant un rôle imminent. Durant la seconde guerre mondiale, les Allemands ont longtemps pris le dessus sur les alliés grâce à un système de communication plus efficace. Tous les ordres étaient cryptés selon un code, le fameux Enigma, d’autant plus compliqué qu’il changeait chaque jour. Les Anglais ont longtemps eu un coup en retard en raison de leur incapacité ç comprendre d’où venaient les attaques. Des centaines « d’oreilles » interceptaient les échanges radio, mais en pure perte, le tout n’étant qu’un charabia incompréhensible.
Un homme est cependant parvenu à casser Enigma : Alan Turing (Benedict Cumberbatch), mathématicien génial mais à la limite de l’autisme dans son rapport aux autres et surtout homosexuel, tare coupable de prison dans cette Angleterre encore très puritaine. Au lieu de tenter de comprendre le code, il a imaginé une machine qui pourrait tester les millions de combinaisons en un minimum de temps. Il a mis des années à construire ce qui pour beaucoup est l’ancêtre de nos ordinateurs modernes. Le film de Mortem Tyldum raconte ces longues recherches mais surtout le mur d’incompréhension face auquel Turing a dû lutter. Sa logique mathématique, robotique, ne faisant pas le poids face aux exigences de l’état-major d’obtenir des résultats. Mais le film est aussi intéressant par les relations très compliquées entre Turing et sa principale collaboratrice, Joan Clarke (Keira Knightley), elle aussi génie des maths et elle aussi stigmatisée pour la simple raison qu’elle est une femme. Le blu-ray propose en bonus un making of classique, deux scènes coupées et quelques éclairages particuliers sur la vraie vie d’Alan Turing et la création la machine.


« Imitation Game, Studiocanal, 19,99 euros le DVD, 21,99 euros le blu-ray.

mercredi 10 juin 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Polémique gourmande

gourmands, tomates, jardin
Dans la vie, il y a les sujets futiles et les autres, les sérieux, ceux qui taraudent les grands esprits et suscitent des polémiques sans fin. Aujourd'hui je ne vais pas vous parler de la crise grecque ni de la corrélation entre austérité et montée des extrémismes. Non, ce qui me perturbe actuellement est d'une tout autre importance. J'en fais des cauchemars : faut-il oui ou non pincer les gourmands des tomates ?
Tout jardinier en herbe se retrouve un jour face à ce dilemme. Si la majorité des avis conseille de supprimer ces petites repousses, susceptibles d'absorber la force et la sève des futures tomates, quelques voix dissonantes se font entendre. Leur principal argument : les gourmands aussi peuvent se charger de fruits. En les laissant prospérer, on peut doubler sa production.
Alors, qui a raison ? Faut-il laisser la tomate pousser en toute liberté ou la tailler ? N'ayant que peu la main verte, ces hésitations expliquent peut-être mon manque de réussite en matière de culture maraîchère. Au début, je suis vigilant. Pas un gourmand ne dépasse les deux centimètres. En plus j'avoue adorer renifler mes doigts et cette odeur synonyme d'été. Mais souvent j'en oublie un. Et quand je m'en aperçois, c'est trop tard. Résultat, pas de tomates sur le gourmand. Encore moins sur la tige principale.
Ça, pour être envahi de punaises malodorantes je suis bon, mais pour ce qui est des tomates juteuses, je devrai comme chaque année aller en acheter quelques kilos chez une voisine qui, elle, a certainement résolu ce problème métaphysique de gourmands depuis très longtemps.
En bonus, pour les tenants de la première hypothèse, une vidéo de démonstration : 
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DE CHOSES ET D'AUTRES : Ascenseur occupé

Les Japonais pensent à tout. Ou presque. L'archipel, fréquemment sujet à des séismes, se retrouve sans électricité durant des périodes plus ou moins longues. Conséquence : les ascenseurs se retrouvent bloqués avec quelques naufragés à l'intérieur. Les fabricants nippons ont donc l'intention d'équiper les cabines de réserves d'eau potable et de... toilettes portables. Si par malheur le « Big One » frappait le Japon, les estimations font état de 17 000 personnes bloquées dans les 700 000 ascenseurs du pays.
Imaginez. Vous êtes l'un de ces 17 000 malheureux contraints de cohabiter de longues heures dans un espace très restreint. Forcément, à un moment la nature reprendra le dessus, vous serez saisi d'une envie irrépressible de faire pipi. Ou pire (le stress engendre souvent une torsion des boyaux). D'une situation simplement embarrassante, on se retrouve dans une galère cauchemardesque.
Si vous avez la chance d'être l'unique occupant, seuls les secours constateront les dégâts. Mais si un (ou une) inconnu partage votre infortune : « Excusez-moi, mais je ne peux plus me retenir. Ne regardez pas. Et retenez votre respiration un bon quart d'heure... » « Pas très intimes ces toilettes portables. Et je ne trouve pas la chasse. Désolé. »
Le pire : se retenir des heures et craquer une minute avant le retour de l'électricité. Non seulement vous vous retrouvez en train de déféquer devant vos compagnons de galère, mais en plus vous n'avez pas le temps de vous reculotter avant l'ouverture des portes et l'arrivée de sauveteurs (lesquels font immédiatement demi-tour à cause de l'odeur). De quoi ne jamais plus prendre un ascenseur et cauchemarder jusqu'à la fin de son existence.

mardi 9 juin 2015

Cinéma : Faire sauter le verrou des regrets avec Manglehorn


manglehorn, pacino hunter
Al Pacino est remarquable de sincérité dans « Manglehorn », comédie dramatique de David Gordon Green sur les espoirs déçus d'un vieux serrurier solitaire.

Papy Pacino s’est habitué à jouer des rôles de vieillards taciturnes. Le beau jeune homme est loin mais son talent de comédien intact. Il a simplement adapté phrasé, démarche et mimique à son nouveau statut de représentant du 3e âge. Cela n’empêche pas les sentiments. La preuve avec « Manglehorn », film de David Gordon Green, réalisateur du récent « Joe » avec Nicolas Cage. Manglehorn c’est le nom du personnage principal interprété par Al Pacino. Serrurier dans une petite ville des USA, il ouvre sa boutique tous les jours aux aurores, se déplace pour dépanner les distraits ou malchanceux (clefs oubliées à l’intérieur de la voiture, trousseau perdu...)
Chaque vendredi après-midi, il va déposer à la banque la recette de sa semaine. Il choisit son guichet, celui occupé par la belle et douce Dawn (Holly Hunter). Cinq minutes de bavardages pour se tenir au courant de la santé de leurs animaux respectifs. Dawn a un chien, Manglehorn une chatte. Deux solitaires résignés sur le point de tenter de nouveau le grand saut de l’amour.

Amour perdu
Film sur le regret et le temps qui passe, cette comédie dramatique dresse le portrait d’un homme insatisfait. Sans trop en dévoiler sur sa vie, le réalisateur montre les deux facettes de ce serrurier fatigué. Vieux et bourru, il limite au maximum ses relations avec les autres adultes. Il préfère de loin la compagnie de sa chatte et de sa petite-fille Kylie. Papy gâteau, maître attentionné : il ne laisse rien voir de ses profondes blessures intérieures.
Par petites touches, le spectateur découvre le grand drame de cet homme. Jeune, il a rencontré la femme de sa vie. Mais n’a pas su la retenir. Il s’est marié avec une autre. Lui a fait un enfant. Sans jamais oublier l’autre. Presque chaque jour il lui écrit des poèmes pour tenter de renouer avec elle. Depuis des décennies. Pas de réponse. Les lettres reviennent à l’expéditeur sans jamais être ouvertes. Comment vivre avec ce poids ? La force d’Al Pacino s’exprime parfaitement dans cette mélancolie si lourde à porter. On sent Manglehorn en permanence au bord de la rupture. Partagé entre l’envie d’en finir, rongé par des regrets, et celle de faire un grand ménage, de se donner une seconde chance tant qu’il est encore temps.
Une histoire universelle, sur les choix d’une vie et son acceptation.

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Du chien fou au papy solitaire

manglehorn, pacino hunterAl Pacino, 75 ans, n’a jamais cessé de tourner ou de jouer la comédie au théâtre. Une vie plus que bien remplie avec des classiques, des moments de bravoure, des répliques cultes et une « gueule » reconnaissable entre toutes. Ce fils d’émigrés italiens a débuté au théâtre. Il ne tourne son premier film qu’en 1969 à près de 30 ans. Rapidement remarqué, il explose littéralement dans « Le Parrain » de Francis Ford Coppola. Il passe haut la main la confrontation avec Marlon Brando. Mais pour toute une génération, son meilleur rôle, le plus marquant et étonnant, reste celui du gangster bloqué dans une banque au cours d’un braquage qui tourne mal. « Un après-midi de chien » de Sidney Lumet est du même tonneau que « Taxi driver » pour De Niro. Après de telles prestations, si on est acteur, on se dit que jamais on ne pourra faire mieux. Si on désire le devenir, c’est le maître étalon à conserver en permanence dans un coin de sa tête. Al Pacino a tourné dans plus de 70 films depuis. Il a abordé tous les registres, avec maestria et bonheur. Même en papy solitaire, rongé par le remords du film « Manglehorn », il reste crédible à 100 %. Chapeau l’artiste.

lundi 8 juin 2015

Livre : Fitz au paradis des nantis

Le héros décalé d'Olivier Gay, quitte l'Hexagone pour sa quatrième aventure. Danger permanent malgré le cadre idyllique : une ile paradisiaque dans l'Océan Indien.

fitz, gay, le masqueQuand un écrivain tient un bon personnage, il s'y accroche et ne lâche pas l'affaire. Olivier Gay a débuté sa carrière avec un roman policier mettant en scène les déboires de Fitz, un dandy qui passe ses nuits dans les clubs à séduire les femmes et revendre de petites doses de cocaïne. Fitz, fataliste, pleutre, sans foi ni loi. Pas spécialement le héros auquel on aime s'identifier. Et pourtant...
Tout le talent d'Olivier Gay est de rendre sympathique ce prétentieux à qui on aimerait parfois fracasser une bouteille de vodka sur le crâne. Ses histoires de cœur, sa fidélité en amitié, ses gueules de bois lui confèrent un côté gros nounours qu'on désire protéger. Pour cette quatrième aventure, Fitz va délaisser les boites branchées de Paris pour se frotter aux plus grosses fortunes de la planète, sur une île paradisiaque dans l'Océan indien, au cours d'une vente aux enchères d'œuvres d'art rares et hors de prix.

Service à rendre
Mais tout commence par une soirée comme toujours dans la vie de Fitz. Il danse et drague, tout en repérant des clients potentiels. Pas de chance, la jolie nénette sur qui il flashe est en réalité une flic des stups. Heureusement une fusillade dans le club lui permet de prendre la poudre d'escampette. Chez lui, il est accueilli par un message de Bob, son ami hacker. Ils communiquent par ordinateurs interposés. Fitz a une dette envers Bob et ce dernier entend bien se faire rembourser. Il demande à Fitz de se faire passer pour un riche amateur d'art, de participer à la fameuse vente aux enchères et de profiter de son séjour sur l'ile pour poser un mouchard espion sur l'ordinateur du milliardaire organisateur.
Une mission à la OSS 117. Ou tendance San Antonio quand Frédéric Dard le faisait voyager aux quatre coins de la planète. Le roman est bourré d'ironie sur les doutes de Fitz. Il sait que la mission n'est pas sans risque. Comme il ne peut refuser, il décide de se préparer physiquement en demandant à son ami Moussah, colosse officiant comme vigile, de lui apprendre les rudiments du combat. « Pendant des années, je n'avais joué que le rôle de victime. Je m'étais laissé attacher, tabasser, tirer dessus, cogner dans la rue, dans mon appartement, sans jamais pouvoir riposter (…) J'avais envie, pour une fois, de ne pas me montrer aussi faible et ridicule que d'habitude. » Mais en deux jours, impossible de faire des miracles. Verdict de Moussah : « Y a des mecs doués, et des mecs pas doués. Toi, tu es juste irrécupérable. » Donc une fois sur l'île, Fitz va encore en prendre plein la tronche.
Par chance il est toujours aussi intelligent et est accompagné de Jessica, son ex petite-amie par ailleurs commissaire de police rompue, elle, à tous les arts martiaux. Autant roman psychologique que polar, « Trois fourmis en file indienne » fourmille de scènes cocasses, de personnages hauts en couleurs et de coups de théâtre alambiqués, grande spécialité d'Olivier Gay.

« Trois fourmis en file indienne », Olivier Gay, Éditions du Masque, 16 €

dimanche 7 juin 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Matt ne viendra pas

Catastrophe pour les cœurs d'artichaut des adolescentes pré-pubères : Matt Pokora ne se produira pas à Argelès le 25 juillet. Ainsi qu'à Juan Les Pins et Bayonne, le concert vient d'être annulé.
pokora, argelès, concert
Bon, perso, ça ne me fait ni chaud ni froid. J'aurais même tendance à me réjouir du non-événement. Sur le site de l'Indep' qui annonce ce regrettable contretemps, Rick émet ce jugement critique : « C'est pas un chanteur, juste un mannequin qui gesticule sur des chansonnettes grotesques. » A moi aussi, le succès de cette gravure de mode sponsorisée par TF1, aux ritournelles dramatiquement débilitantes, m'a toujours paru louche. Et d'espérer que le phénomène (dans tous les sens du terme) soit en phase déclinante. En mon for intérieur, je me persuade que l'annulation ne peut venir que d'une désaffection des réservations.
Ce serait être naïf et croire que la grande entreprise de décervelage de la jeunesse française patiemment fomentée par les médias de masse est sur le point d'échouer. Non, l'explication est tout autre : Matt Pokora ne vient pas à Argelès car la scène de son spectacle est trop grande pour le site. Impossible matériellement de la monter au pied du château de Valmy. Il restera aux fans locales la possibilité de se pâmer d'amour (il paraît que c'est l'effet principal de Matt Pokora auprès de la gent féminine de moins de 14 ans) le 18 juillet à la Fajeolle à Carcassonne.
Quant à moi, je me console en m'abonnant à la page Facebook de « Ceux qui n'aiment pas la musique de Matt Pokora ». Nous ne sommes que 620... Contre plus de deux millions à la page officielle du chanteur.
En bonus vidéo, cette analyse parfaite du dernier clip de Matt Pokora. Habillé pour l'hiver, le jeune homme...

samedi 6 juin 2015

BD : Récits parallèles de Tromelin aux moulins de Don Quichotte

Un dessinateur sur les traces d’esclaves naufragés dans l’Océan indien, un marines américain qui se prend pour Don Quichotte : ces deux albums, le premier de Savoia, le second de Lax explorent la voie de la double narration en parallèle.
lax, savoia, dupuis, cervantes, tromelin, dupuis, aire libre, futuropolisEn 1761, un navire négrier fait naufrage sur un îlot perdu entre Madagascar et La Réunion. Avec les débris de l’épave, les marin français confectionnent un esquif de secours. Mais il est trop petit pour accueillir à son bord tous les naufragés. 80 esclaves sont abandonnés à leur sort sur l’île de Tromelin qui n’a pas encore de nom. Les rares survivants, une poignée de femmes et un bébé, seront secourus quinze ans plus tard par le chevalier de Tromelin. Cette histoire, caractéristique de la façon étaient traités les esclaves originaires de Madagascar, a failli être totalement oubliée. Au début des années 2000, quelques chercheurs ont monté une expédition pour retrouver les traces archéologiques de ces “Esclaves oubliés de Tromelin”. Sylvain Savoia, dessinateur de Marzi, a eu la chance de faire partie de cette mission de quelques semaines. Il raconte en dessin cette plongée dans l’adversité. Tromelin, simple base météo, est une bande de sable peuplée de bernard-l’hermite, de fous et parfois de tortues quand elles viennent pondre sur la plage. Une solitude qu’il décrit minutieusement. Un reportage en parallèle avec l’histoire de ces esclaves, obligés de survivre avec rien. Les deux ambiances alternent avec bonheur, donnant encore plus de relief aux recherches de cette dizaine de scientifiques.
lax, savoia, dupuis, cervantes, tromelin, dupuis, aire libre, futuropolisPassé et présent s’imbriquent aussi dans “Un certain Cervantès”, gros roman graphique en noir et blanc signé Lax. Cervantes, Mike de son prénom, est un Américain de base, obligé de s’enrôler dans les marines pour éviter la prison pour culture et consommation de cannabis. En Afghanistan, son blindé saute sur une mine. Une main blessée, il reste de longs mois prisonniers des Talibans. Comme son homonyme, Miguel de Cervantès, capturé par les Arabes en 1571. L’Espagnol, de retour au pays, imagine Don Quichotte. Le soldat américain lui aussi retrouve enfin la terre de ses ancêtres. Une main en moins et une sourde révolte enfouie au plus profond de son être. Lax raconte comment cet écorché vif va complètement dérailler et se prendre pour Don Quichotte. Il va tenter d’aider un clandestin, puis détruire le matériel de propagande d’une société immobilière qui fait son beurre sur les faillites des subprimes. Il ira se cacher dans une réserve indienne avant de s’attaquer à un télévangéliste, symbole de la nouvelle inquisition. Ce long récit (200 pages dessinées au lavis), un peu désenchanté, mais plein d’espoir quand même, non seulement nous apprend beaucoup sur la crise sociale aux USA, mais également sur l’existence mouvementée de ce grand visionnaire que fut Miguel de Cervantès.

Les esclaves oubliés de Tromelin”, Dupuis, 20,50 euros

Un certain Cervantes”, Futuropolis, 26 euros

vendredi 5 juin 2015

BD : Les Malraux, aventuriers


malraux, andré, clara, greinier, collignon, glénat
André Malraux, immense figure culturelle française, doit beaucoup à sa première épouse, Clara. Née Goldschmidt, la jeune femme d'origine allemande, riche et cultivée, travaille en 1920 comme traductrice de la revue d'avant-garde Action. C'est dans ce cadre qu'elle rencontre André, jeune lettré bourré de talent et ambitieux. Ils s'aiment, se marient mais se promettent de rester indépendants et de divorcer. André se révèle rapidement très misogyne. En public, il ne supporte pas que sa femme donne son avis ou participe à des discussions intellectuelles. Clara semble étouffer, mais son amour et son admiration sont plus forts. Dans ce roman graphique en noir et blanc, adapté par Virginie Greiner et dessiné par Daphné Collignon, on suit le couple au Cambodge. Ruiné après de mauvais placements, il décide, sous couvert d'une mission archéologique, de dérober des bas-reliefs d'un temple Khmer pour les revendre à de riches collectionneurs américains. Démasqués, les Malraux seront jugés. Directement tirée des mémoires de Clara, cette histoire montre une femme éprise de liberté mais encore très dépendante d'un homme intelligent à l'attitude encore dramatiquement inégalitaire avec les femmes, notamment la sienne.

« Avant l'heure du tigre », Glénat, 22 €