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dimanche 14 septembre 2025

BD - La dernière enquête de Jack Palmer dessinée par Manu Larcenet


René Pétillon nous manque. Tant au niveau du dessin de presse (sa seule présence, avec Cabu, justifiait chaque semaine l’achat du Canard Enchaîné), qu’en tant que créateur de BD. Jack Palmer, après des débuts abscons et discrets dans les pages de la première version de l’Echo des Savanes est devenu un héros culte de la BD d’humour. Ses grandes aventures devenues populaires, ont même donné des idées à des cinéastes. 

Aujourd’hui, quelques années après la disparition de son créateur, Jack Palmer fait un dernier tour de piste. Le détective au gros nez, au feutre mou et à l’imperméable d’une propreté douteuse se rend dans le bordelais, région viticole renommée. C’est un des personnages de “L’enquête corse” qui met en relation Palmer et des propriétaires. Leur fille a disparu. Elle devait se marier avec un riche Américain, planche de salut de l’exploitation à la limite du Médoc. 

Si cet album ne sort que maintenant, c’est pour la bonne raison que Pétillon n’en avait pas dessiné la moindre case. Le projet n’était qu’un scénario inachevé. Les éditions Dargaud ont décidé de trouver un auteur capable de relever le défi. Car l’univers de Pétillon, celui de Jack Palmer exactement, est loin des canons de la BD humoristique habituelle. On est loin d’une simple reprise d’Astérix… C’est pourtant un grand copain de Ferri qui a accepté le challenge. Et pas n’importe qui : Manu Larcenet himself ! 


Le dessinateur de Blast ou de La route, maître du noir et blanc apocalyptique, a retrouvé son trait d’humoriste très gros nez (ça tombe bien) pour plonger “Palmer dans le rouge”, titre à double sens de cet album qui se déguste comme un bon pinard oublié quelques années dans la cave. 

Palmer, sans son scooter, va déambuler entre châteaux et vignes taillées au cordeau pour tenter de retrouver l’héritière. Rien ne se passera comme prévu. Seule certitude, le Médoc, bon ou mauvais, file mal au crâne si on en abuse. Palmer le confirme durant une bonne partie de ses recherches hasardeuses et tout sauf professionnelles. Avec sa nonchalance habituelle, il découvre un trafic de vin, démasque des fraudeurs, retrouve presque la jeune fille et remplit son contrat, même s’il se fait virer en cours de route. Le dessin de Larcenet ne tente pas de ressusciter le Palmer de Pétillon. Il fait du Larcenet, tendance Ferri, rond et caricatural. Juste ce qu’il faut pour que les fans de Pétillon ne s’offusquent pas et que les siens (plus nombreux…) ne renient pas leur idole artistique. Un album qui finalement permet un dernier retour en nostalgie. Quand Pétillon était un “Prince de la BD” et que Larcenet justifiait, à lui tout seul, l’achat chaque mois de Fluide Glacial. 

“Palmer dans le rouge”, Dargaud, 64 pages, 17,50 €


samedi 29 mars 2025

BD - Parker de Richard Stark débarque dans la collection Aire Noire


Certains personnages imaginaires survivent à leurs créateurs. Parkar, archétype du braqueur américain fait partie de la galerie. Imaginé par Donald E. Westlake au début des années 60, Parker ne devait pas vivre de nouvelles aventures après ce polar noir et sombre où il terminait en prison. Mais l'éditeur américain, visionnaire, a demandé à Westlake (qui avait signé ce titre sous le nom de Richard Stark), de trouver une astuce pour remettre le dur à cuire sur le circuit. Chose faite pour une vingtaine de romans. Parker adapté souvent au cinéma mais aussi en bande dessinée. Après quelques titres illustrés par Darwin Cooke (publiés chez Dargaud), Parker est de retour, dans une adaptation (très francophone) de Doug Headline et des dessins de Kieran. 

C'est un titre de 1969 qui est proposé pour ce premier titre de la nouvelle collection de Dupuis, Aire Noire. Les romans avec Parker en vedette sont froids, sans émotion ni affect. Un gangster qui n'agit que pour l'argent. Les premières pages le montre en train de mettre la dernière main à son nouveau braquage. Une banque avec trois complices dont George Uhl, le chauffeur, qu'il ne connait et dont il se méfie. Il a raison car une fois de retour à la planque avec le magot, Uhl tue deux de ses complices, rate Parker qui prend la fuite, met le feu à la ferme perdue et se tire avec l'ensemble du pactole. 

Tout l'album raconte comment Parker, avec opiniâtreté et malgré le peu d'indices, va tout faire pour retrouver capturer "La proie" qui donne son nouveau titre à l'histoire. Des kilomètres en voiture, plusieurs états, des désillusions, de vieux ennemis qui ressurgissent et un Uhl toujours aux aguets. 

On admire la parfaite adaptation de Doug Headline, expert en polars plus sombres que l'âme humaine. Quant au dessin de Kieran, il est au diapason, froid, anguleux, sans effet ni couleurs inutiles. Du roman noir comme seuls les vrais amateurs savent apprécier.

"Parker - La proie", Dupuis, Aire Noire, 112 pages, 20,50 € 

jeudi 13 février 2025

BD - Le Brésil en ébullition quand Ava Gardner arrive pieds nus

Dieu qu'elle est belle ! Ava Gardner ne laisse personne indifférent. La star américaine a suscité nombre d'amours déçues. Belle au cinéma, belle dans la vie de tous les jours et, paradoxalement, encore plus belle quand elle est dessinée par Ana Mirallès. L'illustratrice espagnole, au style réaliste d'une finesse et d'une légèreté inégalée, a trouvé dans cette figure de la beauté un modèle d'exception. Et pour corser le tout, Ava n'est pas commode et sait toujours ce qu'elle veut. 

Cela permet au scénariste de cette BD, Emilio Ruiz (compagnon de la dessinatrice), de condenser un portrait de la star en relatant 48 heures de sa vie. 48 heures passées au Brésil en 1954. Elle a accepté de faire une tournée mondiale pour la promotion de son nouveau film, La comtesse aux pieds nus. Elle arrive dans un pays au bord de la rupture. Le président vient de mourir et la situation politique est explosive. Elle est admirée, mais reste un symbole de cette Amérique honnie par une bonne partie de la population. 

Tout se complique dès la descente de l'avion. Les journalistes et des dizaines de fans sont au pied de la passerelle. Presque une émeute. Ava est tripotée, chahutée. La police intervient mollement. Arrivée à l'hôtel, elle décide d'annuler la conférence de presse. Dès lors elle jouera en pays ennemi. Cela ne l'empêchera pas de faire quelques caprices (changer d'hôtel ou de chauffeur, visiter la ville en pleine nuit, boire plus que de raison...). On découvre une femme libre, déterminée et sûre d'elle. Même si elle est toujours torturée par son ex-mari, Frank Sinatra et courtisée par le milliardaire Howard Hugues. 

Cette BD, aux pages d'une beauté remarquable (mais c'est toujours le cas avec Ana Mirallès), refait vivre une époque où les réseaux sociaux ne faisaient pas la pluie et le beau temps chez les people. Une seule chose importait : le talent. Et Ava n'en a jamais manqué. 

"Ava, 48 heures dans la vie d'Ava Gardner", Dargaud, 112 pages, 22,50 €

lundi 25 novembre 2024

BD - "Signé Olrik", le dernier album de Blake et Mortimer d'André Juillard


Ce n’est pas sans un peu d’émotion qu’on découvre le nouveau Blake et Mortimer, le dernier dessiné par Juillard, mort à la fin de l’été. Un scénario d’Yves Sente pour une aventure se déroulant exclusivement en Angleterre : Londres et les Cornouailles.

Olrik fait des cauchemars. Il vit par anticipation son exécution. Prisonnier et condamné à mort, il attend sa dernière heure. L’arrivée de deux nouveaux prisonniers dans sa cellule va lui permettre de mettre au point un téméraire plan d’évasion. Un Blake et Mortimer fidèle aux codes de la série imaginée par Jacobs. Les deux héros vont avoir fort à faire pour contrer les multiples menaces pesant sur la couronne britannique.

Le professeur y développe une de ses inventions, une « Taupe », sorte d’excavateur permettant de creuser des galeries souterraines pour faciliter l’exploitation des mines. Il y est aussi question de la légende d’Excalibur, dernière occasion pour Juillard de dessiner des planches historiques qui ont fait son succès.
« Signé Olrik », Blake et Mortimer, 64 pages, 17 €

jeudi 21 novembre 2024

BD - XIII à Moscou


Toujours en délicatesse avec sa mémoire, Jason Mac Lane, alias XIII, navigue entre passé et présent. Désormais animé par Yves Sente (scénario) et Iouri Jigounov (dessin), le héros tatoué quitte Cuba pour la Russie. Dans un jet privé, il vole vers la capitale russe, à la recherche d’une microcassette qu’il aurait cachée, en 1984, dans l’ambassade américaine, la fameuse Spaso House.

En plus de quelques scènes du passé, la BD propose une longue et passionnante course-poursuite dans les rues de Moscou. Car XIII, toujours dans les coups compliqués, se retrouve au centre d’une guerre d’influence en deux services russes, le GRU et le FSB. Le premier, le renseignement militaire, veut prendre le dessus sur la sécurité intérieure.

Un terrain d’action idéal pour Jigounov, successeur de Vance, à l’aise pour dessiner la ville qui l’a vu naître il y a 50 ans. Un album charnière, sur le passé du héros mais qui permet aussi de préciser le prochain thème, très lié à l’actualité, des albums à venir.
« XIII » (tome 29), Dargaud, 48 pages, 13,50 €

dimanche 20 octobre 2024

BD - Kim et Manon explorent


Nouvelle étoile dans les mondes d’Aldebaran : Bellatrix. Cette planète, imaginée par Léo, est très semblable à la Terre. Mais version conquête de l’Ouest avec des sortes d’autruches pour chevaux. Manon et Kim, réunies, débarquent incognito pour tenter d’insuffler un peu de modernité et de liberté dans cette société très machiste.

Dans le second tome, le vaisseau en orbite devant les protéger, reçoit l’ordre d’abandonner la mission. Et de partir. Sans elles. Comment ces deux jeunes femmes à l’esprit libre et indépendant vont-elles pouvoir survivre dans un monde où la femme est rabaissée à son rôle de génitrice et de pourvoyeuse de plaisir aux mâles ?

Sous couvert de science-fiction, Léo livre un vibrant plaidoyer pour l’égalité entre hommes et femmes.
« Bellatrix » (tome 2), Dargaud, 48 pages, 14,50 €

mardi 17 septembre 2024

BD - Pirates et esclaves : question de société pour Barbe-Rouge et ses amis


Imaginé par Charlier et Hubinon au début des années 60, Barbe-Rouge a longtemps vogué avec éclat sur les eaux du 9e art. Il est reparti à l’abordage dans une nouvelle collection, avec Jean-Charles Kraehn et Stefano Carloni à la manœuvre.

Le quatrième tome intitulé Chasseur d’esclaves, voit le terrible pirate tenter de s’adapter à son nouveau statut de corsaire du roi. Pour le gouverneur de Cap-Français, il doit capturer de mystérieux voleurs, détroussant, de nuit, les planteurs de Saint-Domingue. Ce serait des esclaves en fuite.


L’occasion pour le scénariste de plonger son petit monde dans un débat politico-humaniste. Barbe-Rouge, impétueux, veut de l’action. Baba, d’origine africaine, refuse de chasser ses frères. Triple-Pattes avoue sa honte. Une première partie explosive, avec l’arrivée d’un méchant de la pire espèce, Peet le Bordelais, le fameux chasseur d’esclaves sans morale ni pitié.

Une série reprise avec brio par un duo équilibré : les histoires sont cohérentes et palpitantes, le dessin très classique mais avec une mise en page dynamique et moderne.
« Les nouvelles aventures de Barbe-Rouge » (tome 4), Dargaud, 56 pages, 17 €

samedi 17 août 2024

BD - Relire André Juillard


Triste nouvelle au cœur de l’été : André Juillard est décédé à l’âge de 76 ans. Dessinateur réaliste qui savait parfaitement allier rigueur et douceur du trait, il a enchanté des générations d’amateurs de BD historiques avec sa saga écrite par Cothias, Les 7 vies de l’épervier, éditées par Glénat puis Dargaud.


La belle Ariane, l’héroïne de cette série se déroulant entre France de Louis XIII et le Canada nouvellement découvert, fait partie des plus belles héroïnes du 9e art. André Juillard a aussi signé plusieurs albums de Blake et Mortimer ces 20 dernières années. Son dessin académique collait parfaitement avec le style de Jacobs, mais avec ce petit plus moins rigide et figé.

La très longue carrière d’André Juillard a débuté à la fin des années 70. Il s’est rapidement spécialisé dans les récits historiques, de Bohémond de Saint-Gilles à l’histoire des Cathares (scénario Convard), petit album paru en 1980 où on devinait déjà son immense talent. Des œuvres de jeunesse peu rééditées mais par contre ses séries plus abouties sont toutes disponibles, en album simple ou en intégrales.

Sa mort laisse un grand vide dans le monde de la BD, quantité d’auteurs se sentant orphelins d’un maître qui les a souvent motivés pour se lancer et progresser. Son ultime album, Signé Olrik, un titre de Blake et Mortimer se déroulant dans le Sud de la Grande-Bretagne, sortira cet automne.



vendredi 16 août 2024

BD - Yslaire dans le dur


Suite de l’adaptation en bande dessinée des romans dits « durs » de Simenon. Cette fois c’est Yslaire qui s’attaque à un des chefs-d’œuvre du créateur de Maigret : La neige était sale. Sur un scénario de Fromental, le créateur de Sambre retrouve les couleurs basiques de son univers sombre et romantique.

Paru en 1948, le roman décrit le parcours de Frank. Une petite frappe de 17 ans. Il vit chez sa mère, mère maquerelle d’un établissement assidûment fréquenté par les officiers de l’armée d’occupation.


On a l’impression que c’est Paris et les Nazis, mais Simenon a donné une portée plus universelle à son récit. Franck, dans cette ambiance entre paranoïa et collaboration, règne en maître sur le quartier. Il vole, bat, spolie avec une morgue en constante progression. Il ne lui reste plus qu’une dernière marche à franchir : tuer. Pour les beaux yeux de sa voisine, innocente dans ce monde gangrené, il va poignarder à mort un officier trop confiant.

Une histoire désespérante, entre aveuglement et fatalisme. C’est Franck qui raconte, du début à la fin. Mais cela ne le rend pas plus sympathique. Humain, peut-être, mais à ranger définitivement dans la catégorie des affreux. Une BD éblouissante pour une ambiance poisseuse.

« La neige était sale », Dargaud, 104 pages, 23,50 €

mercredi 14 août 2024

En vidéo - “Robot Dreams” ou Mon ami robot


Adapté d’un roman graphique de Sara Varon (paru en France chez Dargaud), Robot Dreams est le premier film d’animation de Pablo Berger. Une histoire d’amitié touchante.

Dog, gentil chien vivant à Manhattan, se construit un robot car il se sent trop seul. Un robot de compagnie avec qui il passe de merveilleux moments. Mais un jour, Dog est obligé d’abandonner son robot sur la plage.

Le réalisateur de Blancanieves, récompensé par 10 Goyas en 2013, a souhaité explorer toutes les possibilités offertes par l’animation. Un film muet édité en vidéo chez Wild Side, d’une rare beauté et grande fluidité, nommé aux derniers oscars entre les productions américaines (Elémentaire et Spider-man) et le dernier Miyazaki.

mardi 13 août 2024

BD - XIII : Jones attaque


Un peu à la mode des productions ciné américaines, la série de BD XIII est devenue une franchise. Tout un monde à développer pour continuer à passionner les millions de fans. Yann, scénariste multitâches, développe le personnage de Jones pour le dessinateur TaDuc.

En trois albums, il va raconter comment cette militaire noire américaine, après une enfance marquée par la misère et l’errance, a été remise sur de bons rails par le général Carrington.


Elle ne connaît pas encore XIII, mais a déjà l’action chevillée au corps. Dans le second tome, elle est expédiée sur le pénitencier d’Alcatraz, occupé par des activistes amérindiens. Elle a pour mission de libérer des otages dont le général Carrington.

Le contexte politique, bien expliqué dans le premier tome, est un peu laissé de côté pour ce second volume essentiellement consacré à l’action. Jones, pour aborder l’île en toute discrétion, utilise un moyen d’approche très original. Et une fois sur place, elle doit assister à une scène traumatisante.

Toujours parfaitement dessiné par un TaDuc ne reniant rien à son style alors qu’il aurait pu faire du Vance, l’album se termine par une image forte, de celles qui donnent envie de lire le plus vite possible le 3e et dernier tome de cette trilogie.

« XIII Trilogy - Jones » (tome 2), Dargaud, 48 pages, 13 €

lundi 15 juillet 2024

BD - Une vie à revivre différemment

 

La relation père fils est au centre de ce récit graphique entre science-fiction, fantastique et philosophie. Un scénario de Philippe Pelaez, peut-être le plus ambitieux de ce scénariste qui multiplie les sorties ces dernières années. Une histoire de conquête de l’espace.

Le petit Johnny a neuf ans quand il voit son père décoller aux commandes d’une navette. Quelques secondes plus tard, elle explose. Malgré ce traumatisme, le petit garçon va tenir sa promesse, devenir lui aussi astronaute pour conquérir les étoiles. Des années ont passé et il est aux commandes d’un vaisseau qui va se poser sur la neuvième planète du système solaire.

Un dysfonctionnement et comme son père, le vaisseau explose et se retrouve propulsé dans le passé. Il a 19 ans et l’occasion de refaire sa vie, modifier les erreurs avec in fine, l’espoir de sauver son père. Cette histoire de paradoxe temporel, d’allers-retours dans les époques (à 9, 19 ou 29 ans) est parfois compliquée à suivre. Mais grâce au remarquable travail graphique de Guénaël Grabowsky, ce qui aurait pu devenir confus évolue sur une évidence et clarté absolue.

On se retrouve alors dans la position du jeune Johnny, à se demander, si l’occasion nous était donnée, ce que l’on désirerait changer dans le cours de notre vie. Attention, la question peut plonger dans un abîme sans fin, encore plus vertigineux que l’espace qui sert de décor à cet album.

« Neuf », Dargaud, 88 pages, 18 €

mardi 11 juin 2024

BD - Larzac, terre de résistance

 

Le Sud n’a jamais aimé les décisions imposées par le Nord, encore moins quand cela vient de Partis, la capitale si prétentieuse. En 1972, le Larzac, plateau caillouteux couvert de brebis à cheval sur l’Hérault et l’Aveyron, entre en résistance. Le gouvernement a décidé d’agrandir le camp militaire expropriant de fait des centaines de familles de paysans. L’occitan va résonner dans toute la France avec ce cri de ralliement, de fierté de résistance : « Gardarem lo Larzac ! »

Première ZAD (zone à défendre) de l’Histoire de France, ce mouvement va durer des années et donner l’occasion à deux auteurs se signer un gros album de près de 180 pages. Pierre-Marie Terral, agrégé et docteur en histoire contemporaine s’est spécialisé dans l’étude de cette lutte paysanne exemplaire qui reste encore très présente dans les mémoires des Français. Sébastien Verdier, dessinateur qui a beaucoup travaillé avec Pierre Christin, recrée les ambiances de l’époque dans des planches en noir et blanc très réalistes.

Des chapitres entrecoupés de photos d’époque ou de dessins parus au moment des événements dont une BD-reportage de Cabu. Un ouvrage pour ne pas oublier que toute lutte, si elle est juste, peut être victorieuse. Signataire de la préface, ce n’est certainement pas José Bové qui peut prétendre le contraire.

« Larzac, histoire d’une résistance paysanne », Dargaud, 176 pages, 23,50 €

dimanche 2 juin 2024

BD - La vengeance du singe blanc

 


Dessinateur de Jazz Maynard, Roger, auteur espagnol, n'a plus rien à prouver. Son talent éclate à chaque case. Il lui fallait un projet en béton pour retrouver l'envie de se mettre à la table à dessin. Fabien Vehlmann le lui a apporté. Le lecteur ne peut que les remercier une fois qu'il se retrouve avec un exemplaire de l'album Le Dieu-Fauve entre les mains.

Le scénariste de Seuls ou du Dernier Atlas s'est plongé dans un monde entre héroic fantasy, préhistoire et aventures exotiques. Un récit complet raconté par quatre personnages à tour de rôle. Le premier est un singe blanc vivant dans cette nature sauvage d'un autre temps.

Muet, surnommé Sans-Voix, il a été adopté par une tribu qui tente de survivre malgré la sécheresse. Il suit sa horde pourchassant un immense crocodile mourant. Il va au-delà du monde sûr. C'est là que Sans-voix brille, gagne sa place. Mais aussi perdra sa liberté, capturé par des hommes qui vont le transformer en machine de combat, tueur impitoyable dans des duels sanglants.

Sans-Voix devient le redouté Dieu-Fauve. Cette métamorphose est racontée par sa dresseuse. Se greffe à cette intrigue un exil, une lutte pour le pouvoir, des esclaves qui tentent de s'affranchir, des Maîtres à l'agonie.

La violence est présente à chaque planche, permettant à Roger de signer de véritables œuvres d'art où le rouge est omniprésent. Le Dieu-Fauve est sans conteste possible le meilleur titre paru depuis le début d'année.  

«Le Dieu-Fauve», Dargaud, 112 pages, 21,50 €


samedi 20 avril 2024

Une BD best-seller : La route par Manu Larcenet


Manu Larcenet frappe une nouvelle fois très fort. Son adaptation en BD du roman La route de Cormac McCarthy, dès sa sortie, s’est hissé en tête des ventes de BD.

Depuis Le combat ordinaire (20 ans déjà), Larcenet ne cesse de remonter le niveau de sa production, déjà bien supérieure à la moyenne. Dans ce roman graphique post-apocalyptique, il manie le noir, le gris et les hachures avec une dextérité inégalée.

Des dessins sublimes (chaque case pourrait être encadrée et vendue à des prix exorbitants) qui pourtant ne servent qu’à donner encore plus de force à ce récit centré sur la relation d’un père et son fils dans un monde où la mort est omniprésente, où chaque matin, malgré le brouillard éternel, est une victoire pour l’avenir.

« La route », Dargaud, 160 pages, 28,50 € (Version luxe en noir et blanc, 39 €, le roman illustré chez Points, 12,90 €)

mardi 16 avril 2024

BD - Les mal-barrées de la série "Filles uniques" se rebiffent

 


Il y a de plus en plus de profondeur et de réflexion dans les bandes dessinées écrites par Béka, duo formé par le couple Caroline Roque et Bertrand Escaish. Si Filles uniques semblait au début une série sur la jeunesse actuelle, au fil des albums, l’histoire a pris un tour plus dramatique et psychologique.

Elles sont cinq dans ce club des Mal-Barrées. Des nanas qui ne se reconnaissent pas dans les gravures de mode adeptes du formatage imposé par les réseaux sociaux. Cinq individualités qui ont cependant besoin de collectif. Elles se sont finalement trouvées et ont pour prénom Apolline, Sierra, Céleste, Paloma et Chelonia. C’est l’histoire de cette dernière qui est présentée dans la première partie de ce 5e tome. L’instigatrice du club, la plus secrète. Celle qui cache le plus. Chelonia qui serait la demi-sœur de Paloma.

Un même père, pervers narcissique qui a détruit leurs mères. Mais la réalité est plus complexe et c’est un autre homme, inquiétant au premier abord, Solo, un hacker, qui raconte l’enfance de Chelonia à Mayotte.

La suite du récit est un joli retournement de situation, prouvant la grande intelligence des Béka dans l’analyse de la pensée des adolescentes. Le dessin de Camille Chenu, tout en finesse apporte un côté un peu plus léger à cette BD parfois dure et violente.

« Filles uniques » (tome 5), Dargaud, 56 pages, 13 €


samedi 10 février 2024

BD - Jean Van Hamme : dernières précisions sur XIII et nouvelles illustrées

Jean Van Hamme est un grand scénariste. Presque à la retraite, 85 ans, il signe pourtant un XIII Mystery très attendu par les fans et un recueil de nouvelles cruelles. Et ses personnages continuent d’exister comme Jones sous la plume de Yann et TaDuc. 


Traquenards et sentiments pour XIII


Jean Van Hamme a porté beaucoup de soin à tricoter avec cohérence la saga de XIII. Des albums aux multiples rebondissements qui ont permis à William Vance d’obtenir cette reconnaissance méritée. Les fans, par millions, se sont passionnés pour cette quête d’identité sur fond de complot mondial et d’espionnage. Et certains regrettaient les rares lacunes dans le récit. Des petits trous noirs qui sont désormais en partie comblés.


Jean Van Hamme a accepté de reprendre sa copie et d’imaginer des récits courts pour éclairer les zones d’ombre ou résoudre de petits mystères. Ce 14e album de la série XIII Mystery est l’œuvre de plusieurs dessinateurs. Un collectif au générique prestigieux. La séquence d’ouverture est de Jigounov, le repreneur de la série principale. On retrouve ensuite Joël Callède, Philippe Xavier (pour un retour au Costa Verde avec Maria et El Cascador), Henriet lève le voile sur la jeunesse de Lullaby et sa première rencontre avec Jones, Jones essentielle dans la survie de XIII, histoire dessinée par Gontran Toussaint.

Enfin Mikaël revient sur l’histoire d’amour entre Betty et le duc Armand de Préseau. L’ensemble ne vaut pas un véritable album de XIII mais donne furieusement envie de lire ou relire la saga.

En bonus, quelques auteurs donnent leur version de l’univers, de Boucq à Bertail en passant par Colin Wilson, Ayumu Minegishi, Guérineau ou le Catalan Jordi Lafebre.

Jean Van Hamme dans le texte


Avant d’être le scénariste connu, Jean Van Hamme a écrit des romans. C’est là qu’est né Largo Winch. Un écrivain prolifique qui aimait les nouvelles. Noires et cruelles. Ce sont quelques-uns de ces textes oubliés qu’il a proposé à quelques dessinateurs d’adapter en BD.

Un recueil donnant une autre image de Van Hamme. Moins épique et héroïque, plus malicieuse et intimiste. Comme cette première histoire dessinée par Aimée de Jongh. Un romancier, vit de sa plume depuis des années. Il fait dans le polar gore. Il écrit, donne le manuscrit à sa femme qui le tape à la machine. Il ne se relit jamais. Encore moins une fois imprimé. Une seule chose importe, la nouvelle histoire. Cela dure des années et puis un jour il découvre une vérité qui l’ébranle. Il faut toujours se méfier de son entourage.

Ce condensé du talent de Van Hamme est magnifié par Bazin, Bertail, Efa, Durieux, Munuera, et Djief. Des histoires à picorer au gré de ses humeurs.

Jones vole de ses propres ailes


De la saga de Jones, plusieurs personnages secondaires ont émergé au fil du temps. Cela a donné l’occasion à des auteurs d’imaginer la vie d’avant de ces figures imaginées par Van Hamme et Vance. On a eu droit à la Mangouste, au colonel Amos ou Betty Barnowsky dans la collection XIII Mystery.

Jones, la belle amoureuse de l’intrépide XIII a droit à une trilogie. Écrite par Yann (décidément roi de la reprise après Spirou et Thorgal) et dessinée par TaDuc, l’enfance de Jones la montre SDF dans le ghetto de Chicago, recrue de l’US Navy et surtout sœur de Marcus, militant pour les droits des minorités. Ce dernier, dénoncé par sa petite sœur alors qu’il fomentait un attentat, est prisonnier depuis une dizaine d’années. Il parvient à s’échapper avec deux militants de la cause indienne.

Avec eux, il va défier le gouvernement américain. Un sacré dilemme pour la jeune Jones, fougueuse, impétueuse, experte en maniement des armes à feu mais encore trop fleur bleue.

Le premier tome de cette trilogie, en plus de mettre en avant une des figures les plus appréciées de la série, permet à Yann d’aborder plusieurs sujets très politiques, de la lutte armée des minorités aux USA en passant par les dégâts psychiques chez les vétérans du Vietnam.

« XIII Mystery » (tome 14), Dargaud, 64 pages, 13,95 €

« Miséricorde », Dupuis, 96 pages, 16,95 €

« XIII trilogy, Jones » (tome 1), Dargaud, 48 pages, 13 €

vendredi 19 janvier 2024

Bande dessinée - Les armes sont de sortie

Seconde sélection des westerns dessinés parus en cette fin 2023. Avec sans doute les trois meilleurs albums du moment : The Bouncer, Undertaker et Gunmen of the West.


Bouncer à l’épreuve

À la fin du précédent album, le lecteur a laissé le Bouncer, ce manchot taciturne, presque heureux et apaisé. Il riche, a des amis, une femme qu’il aime et une affaire prospère à Barro City. Mais c’est mal connaître Jodorowski, le scénariste, qui va rapidement apporter du noir dans ce tableau enchanté. Cela arrange Boucq, le dessinateur, qui excelle quand la tension est au maximum.

Les problèmes arriveront par l’intermédiaire de l’or ramené du Mexique. L’armée américaine vient le récupérer. Un détachement commandé par le colonel Carter, héros de la guerre, reconnaissable grâce à son œil de verre. Ensuite tout s’enchaîne rapidement. La fièvre de l’or… Bouncer va voir la mort frapper tout ce qu’il aime.

Le titre de ce 12e album, Hécatombe, est tout sauf mensonger. Une histoire au long cours, de 144 pages, planches d’une grande beauté et expressivité signée par un François Boucq qui est depuis quelque temps au niveau des plus grands, de Giraud à Hermann.


Undertaker retrouve Rose

Autre dessinateur de western qui vaut largement ses grands anciens : Ralph Meyer. Installé à Barcelone depuis quelques années, il poursuit les aventures graphiques de Jonas Crow, l’Undertaker ambulant, un croque-mort qui se déplace de ville en ville avec son corbillard et son animal de compagnie si symbolique : un vautour.

Jonas qui déprime sérieusement. Il a perdu la trace de la femme qu’il aime, Rose Prairie. Quand il reçoit une lettre de la petite d’Eden City au Texas, signée de sa belle, il reprend espoir. Patatras, si Rose a disparu, c’est pour retrouver… son mari, Mister Prairie, médecin. Et si elle a besoin de Jonas, c’est pour une sépulture particulière : celle du bébé d’une femme qui veut avorter.

La première partie de ce nouveau cycle toujours écrit par Xavier Dorison plante le décor : Texans arriérés, folie religieuse, envie de lynchage. L’Ouest sauvage légendaire, celui où les armes font office de code civil.


Haut les flingues !

Nouvelle livraison d’histoires courtes peaufinées par Tiburce Oger et illustrées par de grands dessinateurs. Cette fois il raconte le destin de quelques gunmen, ces hors-la-loi qui ont fait parler la poudre.

Certains très connus comme Billy The Kid (illustré par Bertail), d’autres plus anonymes comme la redoutable Black Evil (dessins de Vatine) à l’improbable Mary, vedette d’un cirque, pendue en place publique pour meurtre bien qu’elle soit… un éléphant.

« Bouncer » (tome 12), Glénat, 144 pages, 24,95 €

« Undertaker » (tome 7), Dargaud, 64 pages, 16,95 €

« Gunmen of the West », Bamboo Grand Angle, 112 pages, 19,90 €. Il existe une édition luxe en noir et blanc de 120 pages à 29,90 €


dimanche 14 janvier 2024

BD - Jeunesses tropicales au Brésil et à La Réunion

Que cela soit au Brésil ou sur l’île de La Réunion, ces albums racontent comment l’enfance n’est pas forcément plus belle sous la chaleur tropicale.


Pedro a trop d’imagination


Au cœur de la forêt amazonienne il ne se passe jamais grand-chose. Au grand désespoir de Pedro, un gamin qui vit dans un petit village au bord du fleuve. Aussi quand Vicente, dit Cent, son grand frère, revient enfin au pays, il est très content. Car Cent va raconter ses voyages un peu partout dans le Monde, de la froide Russie à la belle Italie en passant par les USA.

Cent qui offre à chaque retour un livre à son petit frère. Le monde de Pedro va s’écrouler quand il comprend que Cent est un mythomane, qu’il n’a jamais pris l’avion et que ses absences sont moins belles que ses récits. Teresa Radice au scénario, Stefani Turconi au dessin, proposent un roman graphique coloré et mouvementé. Car Pedro, pour aider Cent de plus en plus en difficulté, va entreprendre un long et périlleux voyage le long du fleuve.

Il va transformer le périple en roman d’aventure palpitant. Et quitter l’enfance pour comprendre que les rêves des adultes sont souvent des regrets d’enfants. Un bel album, en couleurs directes où le vert de l’Amazonie domine.

Chronique de l’esclavage à La Réunion



Le 20 décembre 1848, il y a moins de 200 ans, les 60 000 esclaves noirs de l’île de la Réunion ont été affranchis. Une date essentielle dans l’histoire de cette possession française de l’Océan Indien. Pour raconter ce bouleversement, Appollo et Tehem vont utiliser le parcours d’un Réunionnais célèbre, Edmond Albius. Edmond est encore un enfant quand il fait une découverte qui lui permettra de se prétendre le plus grand botaniste de l’île. Orphelin et esclave dans une plantation dans le sud, il a découvert comment féconder les fleurs de vanille.

Cette orchidée originaire d’Amérique pousse parfaitement à la Réunion. Mais il n’y a pas l’insecte particulier qui permet de féconder les fleurs pour former les gousses qui deviendront de l’or noir culinaire. Edmond, avec un peu d’observation et de la dextérité, parvient à faire entrer en contact le pistil et l’étamine, rapprochement qui permettra des propriétaires blancs de devenir très riches.

Mais le jeune garçon n’en tirera aucun bénéficie. Il restera esclave, son maître refusant de lui apprendre à lire et à écrire. Il faudra ce 20 décembre 1848 et la venue du Catalan Sarda-Garriga, nommé commissaire général de la République à La Réunion pour y proclamer officiellement l’abolition de l’esclavage pour qu’Edmond devienne libre. Mais pas heureux. Il quitte la plantation, vivote comme cuisinier au service d’un riche marin, est accusé de vol, passe quelques années en prison.

Ce n’est qu’à la fin de sa vie qu’il est reconnu officiellement comme celui qui aura domestiqué la vanille. Le roman graphique, en plus de raconter la vie d’Edmond, apporte au lecteur des éclairages sur les derniers Marrons, ces esclaves en fuite qui vident dans les hauts de l’île, loin de la civilisation, sur la vie dure et misérable des petits Blancs, l’arrivée des Malbars, ces Indiens engagés pour remplacer les esclaves devenus libres et aussi la naissance de la bande dessinée dans l’Océan Indien avec les premiers exemplaires de la lanterne magique, journal racontant en dessins la vie de La Réunion, notamment en 1848.

« Le beau parleur », Glénat, 208 pages, 22,50 €

« Vingt Décembre », Dargaud, 160 pages, 21,50 €

mercredi 3 janvier 2024

Illustrations. Biblio et picto par Joost Swarte



Dynamiteur de la ligne claire, Joost Swarte n’a finalement pas publié tant que cela de BD. Il a rapidement délaissé la narration pour se concentrer sur la pure illustration. Un travail moins visible en France repris par les éditions Dargaud dans de très jolis livres.


Un premier volume sur New York en 2018 et un second, parfait pour les esthètes, qui reprend quantité de dessins ayant les livres pour thème. Les personnages, vus notamment en couverture de plusieurs numéros du New Yorker, évoluent dans d’immenses bibliothèques ou carrément dans des bouquins qui se transforment en chambre à coucher ou cuisine.

L’ouvrage recense aussi des lettrines ou cabochons, toujours sur le thème de l’imprimerie. Un enchantement pour les yeux, une source d’inspiration pour tout artiste aimant la recherche graphique.

« Biblio + picto », Dargaud, 112 pages, 28,50 €