samedi 31 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Pauvres conscrits

service civil, militaire, cabu, bidasseLe fameux esprit du 11 janvier, quand la France entière s'est levée, commence à donner d'étranges idées à certains. Comme cette envie de rendre obligatoire le service civique et citoyen à tous les jeunes Français et Françaises. Il redeviendra une sorte de service national, pas forcément militaire, mais avec de fortes ressemblances dont une période d'internat...
Sacré paradoxe que la résurgence de cet abominable appel, cauchemar de plusieurs générations de conscrits. Les dessinateurs de Charlie l'ont combattu avec leurs armes : quelques traits de crayons pour dénoncer la bêtise de sous-officiers obtus chargés de faire marcher droit et au pas cadencé une jeunesse qui ne rêvait qu'émancipation et liberté. Reste pourtant bon nombre de nostalgiques de cette période.
Personnellement, je ne regretterai jamais la corvée de chiottes consécutive à des rangers mal lacés. Ni les heures à rester dans une guérite à garder... rien du tout. Encore moins les manœuvres interminables, à ramper dans la boue comme un idiot, obligé d'obéir à une sorte de psychopathe bien heureux d'avoir obtenu deux galons à l'ancienneté et de tyranniser de jeunes adultes dix fois plus intelligents que lui. Sans oublier la fameuse « quille », symbole de la liberté retrouvée, prétexte à tous les excès.
Alors je me surprends à prier saint Cabu, protecteur des antimilitaristes. Lui seul peut éviter aux générations futures de se retrouver dans cette galère qui n'a eu qu'un seul mérite : permettre au cinéma français de réaliser ses pires navets, des « Bidasses en folie » à « Arrête ton char, bidasse ».

DE CHOSES ET D'AUTRES : Pas si bêtes...

animaux, assemblée, coqs, chat, zombies
Officiel, gravé dans le marbre de la loi : les animaux sont "doués de sensibilité". Les députés ont définitivement tranché. Comme si ce n'était pas évident... Un bûcheron n'a pas de problème de conscience en abattant un arbre. Ce n'est pas le cas des ouvriers des abattoirs. Et si vous avez encore un doute, frappez un chien. Au mieux il fera "Kaï ! Kaï !", au pire il vous mordra. Une loi n'empêchera pas les actes de cruauté envers les animaux.
Dernier exemple en date avec les mésaventures d'une certaine Madeleine, dite Mado, brave agricultrice de Gaillac dans le Tarn. Depuis quelques jours, son élevage de coqs est décimé. Chaque matin elle trouve quelques-uns de ses plus beaux spécimens décapités. Des coqs élevés exclusivement pour un événement bien particulier. Vous avez certainement vu ces animaux à la télévision. Ce sont les gallinacés expédiés sur les terrains pendant un match des Bleus dans le Tournoi des VI Nations. Je soupçonne une fouine anglaise d'être la coupable...
Autre histoire de maltraitance, involontaire cette fois, en provenance de Miami. Le propriétaire d'un chat nommé Bart retrouve son animal de compagnie ensanglanté au bord de la route, fauché par une voiture. Il l'enterre, persuadé qu'il est mort. Cinq jours plus tard, un miaulement derrière la porte fait croire au pauvre homme être en présence du premier félin-zombie. Bart, un œil en moins, les blessures purulentes, n'était pas mort. Il est parvenu à sortir de sa tombe et à retourner chez lui.
Reste à déterminer maintenant si les zombies sont "doués de sensibilité". Messieurs les députés, au travail.

vendredi 30 janvier 2015

Livres : Les 35 ans de la collection Points Policier

points, arnaldur, indridasonLes romans policiers, polars ou thrillers selon la terminologie anglo-saxonne, sont devenus au fil des décennies de véritables classiques de la littérature mondiale. De grandes maisons d'éditions ont leurs collections dédiées (Gallimard la première avec sa Série Noire) et logiquement les éditeurs de livre de poche se sont mis à la page. Ainsi Points célèbre en 2015 les 35 ans de « Points policier ». Une première salve est tirée en ce début janvier avec la parution de 9 titres cultes. Neuf polars qui reflètent toute la diversité du genre, sa richesse et ses qualités littéraires.
Parmi ces titres, on retrouve des champions des ventes. « La cinquième femme » de Henning Mankell ou « La femme en vert » d'Arnaldur Indridason se sont déjà vendus à des centaines de milliers d'exemplaires. Dans le roman de l'auteur islandais, l'histoire débute dans un jardin sur les hauteurs de Reykjavik, un bébé mâchouille un objet étrange… Un os humain ! Enterré sur cette colline depuis un demi-siècle, le squelette mystérieux livre peu d’indices au commissaire Erlendur. L’enquête remonte jusqu’à la famille qui vivait là pendant la Seconde Guerre mondiale, mettant au jour les traces effacées par la neige, les cris étouffés sous la glace d’une Islande sombre et fantomatique… Un classique à lire et relire comme la glaçante « Cité des jarres ».
On trouve également dans les titres proposés « Romanzo criminale » de Giancarlo De Cataldo, « Les soldats de l'aube » de Deon Meyer ou l'énorme roman de la CIA « La Compagnie » de Robert Littell. Les amateurs de textes plus durs se réjouiront de « Pimp » par Iceberg Slim ou « Necropolis » de Herbert Lieberman. Sous couvertures métallisées, en tirage limité, ces futures pièces de collection coûtent de 7,30 à 10 euros.

jeudi 29 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Mes César

césar, deneuve, cotillard, saint-laurent, respire, canal+L'académie des César a dévoilé la liste des films, acteurs, réalisateurs et techniciens qui tenteront de remporter un trophée le 20 février. Une liste très longue avec, normalement, les premiers de la classe du 7e art français.
Sa lecture attentive réserve des surprises mais aussi quelques impressions de déjà-vu. Dans la catégorie meilleure actrice par exemple, en découvrant les noms de Catherine Deneuve, Marion Cotillard, Sandrine Bonnaire et Karin Viard, on peut se demander si les préposés à la liste n'ont pas commis une erreur en maniant la fonction « copier coller ». Ces quatre grandes du cinéma français sont abonnées aux honneurs depuis quelques décennies. Heureusement le nom d'Adèle Haenel (formidable de naturel dans « Les Combattants ») prouve qu'il ne s'agit pas d'une fausse manip'.
Pour le César du meilleur acteur, c'est la catégorie qui semble un peu incongrue. En fait, le jury devra surtout désigner le « meilleur acteur dans le rôle d'un homosexuel ». Pierre Niney dans le film « Yves Saint-Laurent », Gaspard Uliel dans « Saint-Laurent » et Romain Duris pour « Une nouvelle amie ».
Pareil pour la catégorie meilleur espoir féminin qui correspond plutôt à la récompense du « meilleur rôle de jeune fille névrosée à tendance suicidaire ». La lutte sera sans pitié entre les deux vedettes de ce film de Mélanie Laurent, « Respire », tourné près de Béziers. Qui de la perverse narcissique ou de la soumise indécise remportera la statuette ? Le suspense est à son comble même si au final, Ariane Labed pour « Fidelio, l'odyssée d'Alice » a toutes les chances de triompher. 

Cinéma : Michel et Mylène à la campagne dans "Les nuits d'été"

Michel, respectable notaire de province, devient le week-end Mylène, la travestie, dans sa maison de campagne. « Les nuits d'été » de Mario Fanfani offre un rôle en or à Guillaume de Tonquédec.


Une maison perdue dans les forêts des Vosges. Derrière les fenêtres, des hommes se réunissent. Ils sont tous habillés en femmes. À la fin des années 1950, dans cette province totalement oubliée par l’évolution des mœurs, ils n’ont pas d’autre solution que de se cacher pour assumer leur différence. Mario Fanfani signe avec « Les nuits d’été » un film à l’ambiance trouble, où les apparences sont trompeuses, les pulsions fortes et les envies tenaces. Une ode à la liberté, à l’amour et la transgression. On en ressort bouleversé et forcément plus compréhensif face à des êtres écorchés vifs, stigmatisés bien qu’ils ne fassent de mal à personne.

nuits.jpg
Vivons heureux, vivons cachés
Mylène est une bourgeoise chic. Tailleur parfaitement coupé, talons aiguilles, permanente et maquillage soignés, elle est assise sur un canapé, les mains sur les genoux, le buste droit, la poitrine mise en valeur. Mylène veut être parfaite. Comme si elle passait un examen devant son amie Flavia. Et puis Mylène s’énerve, perd sa voix haut perchée, retrouve son ton grave. Michel (Guillaume de Tonquédec) reprend le dessus. Flavia s’efface elle aussi pour redevenir Jean-Marie (Nicolas Bouchaud). Dans cette maison de campagne perdue dans les sombres forêts des Vosges, deux hommes, deux amis, tentent de vivre leur différence le temps d’un week-end. Michel est notaire. Marié à Hélène (Jeanne Balibar), père d’un petit garçon qu’il adore, il se travestit chaque week-end en compagnie de cet artisan tailleur, connu lors de la dernière guerre.
L’idée de ce film est venue à Mario Fanfani en feuilletant un livre de photo américain. Des clichés pris dans la « Casa Susanna », une villa de campagne du New Jersey. Sur ces images, sans le moindre commentaire, des hommes effectuent des activités telles que prendre le thé, faire du jardinage ou jouer au Scrabble. Tous déguisés en femmes, en parfaites ménagères... « Ces photos très denses et romanesques m’ont inspiré, confie le réalisateur. Je les ai beaucoup regardées, elles sont restées près de moi. Ces hommes font des gestes de transgression. Pour l’époque, ils étaient très en avance. Mais aussi en retard car ils se transforment en femmes très traditionnelles. » Cette ambiance il l’a recréée dans cette France de province prise dans le carcan du Gaullisme. Il ajoute à son intrigue les débuts de la prise de conscience contre la guerre d’Algérie. Jeanne, la bourgeoise cloîtrée dans son intérieur cossu, est la plus politisée. Elle dénonce l’envoi d’appelés se faire tuer pour une terre qui n’est pas la France. En écho, Jean-Marie recueille Pascal, surnommé Chérubin, jeune appelé qui préfère déserter.
Le film alterne trois ambiances. L’intérieur bourgeois du couple Michel et Hélène, la salle enfumée d’une boîte de nuit où des travestis chantent en play-back pour les soldats français et américains (l’action se déroule en Alsace) et la maison de campagne, rebaptisée « Villa Mimi » par la petite bande. Paradoxalement, si dans les deux premiers lieux on a en permanence l’impression que chacun joue un rôle, le naturel, le vrai, est évident quand ils se retrouvent tous ensemble loin des jugements de notre société. Un film vivifiant, joyeux et dramatique à la fois, où chacun trouve des clés pour explorer les parts cachées de sa personnalité.
__________________________________
De Tonquédec, « un acteur bosseur »

tonbon.JPGPour mener à bien son projet, Mario Fanfani ne devait pas se tromper dans son casting. Si plusieurs des travestis dans les seconds rôles sont des amis du réalisateur, le rôle-titre revient à Guillaume de Tonquédec que l’on n’attend pas dans ce genre de composition. Acteur de théâtre, il a acquis une réelle notoriété en endossant depuis quelques années le costume de Renaud Lepic. Pourtant, le réalisateur ne le connaissait pas avant le casting. « Je n’ai pas la télévision. Plusieurs acteurs pressentis ont décliné le rôle. Lui avait une réelle envie de le faire. Guillaume est un acteur très bosseur, à l’américaine. Il n’hésite pas à prendre du temps pour travailler le personnage. » Et d’expliquer qu’il a répété d’autres rôles « en portant un corset destiné à lui modifier la taille ». Chez lui « il portait des talons aiguilles devant sa femme de ménage... » Son rôle de metteur en scène a surtout consisté à « assurer la direction physique des comédiens ». Ils ont dû apprendre à marcher avec des chaussures de femmes. « Chacun a fabriqué son propre personnage. Ils ont choisi vêtements et perruques ». À l’arrivée, le spectateur oublie rapidement le sexe des uns et des autres. Homme ou femme ? Simplement des personnages, avec leurs qualités et leurs défauts. Et au final Mario Fanfani est très fier d’avoir réalisé un film universel qui raconte simplement « l’histoire d’un couple pas comme les autres ».

mercredi 28 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Pétanque céleste

Dans le grand ballet cosmique de l'univers, on l'a une nouvelle fois échappé belle. Lundi, vers 18 heures, un astéroïde gros comme « deux paquebots de croisières », a frôlé la terre.
Enfin frôlé, c'est une façon de parler. Ce sont les astronomes qui estiment qu'il est passé très près. En réalité, le dénommé 2004 BL86 d'une longueur de 500 mètres, ne s'est approché qu'à 1,2 million de kilomètres de notre bonne vieille planète bleue. Conséquence ? Nulle !
Il n'y a que dans les films hollywoodiens que les corps spatiaux à la dérive frappent de plein fouet leur cible. Comme si le « grand ordonateur » était un pétanqueur professionnel capable de faire un carreau à chaque coup. C'est ainsi : les prédicateurs fous, persuadés que la fin du monde est pour bientôt, devront imaginer une autre solution.
Cette peur de la grande catastrophe n'est pas nouvelle. A l'approche de l'an 1000, des communautés entières ont préféré se terrer plutôt que d'affronter le redouté jugement dernier. Dans « L'étoile mystérieuse », chef-d'oeuvre de Hergé, le prophète de la fin des temps a provoqué nombre de cauchemars à plusieurs générations d'enfants. Lundi, l'astéroïde a « raté » la terre. Pas de tsunami, pas de tremblement de terre, pas d'éruption volcanique, pas de nuage de cendres occultant le soleil et entraînant une ère de glaciation.
Alors on va continuer à vaquer à nos petites occupations, très terre-à-terre, bassement matérielles. Aller acheter le pain, choisir son programme télé du soir, faire les soldes, préparer le repas du soir et lire dans le journal que la fin du monde, encore une fois, n'était pas au rendez-vous.  

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le coin des pinailleurs

Une élection n'est pas forcément terminée une fois le scrutin clos. Au moment du dépouillement se présentent toujours des pinailleurs avides d'inverser le résultat si les comptes sont serrés. Lors des dernières municipales, dans le petit village d'Antagnac (230 habitants) en Lot-et-Garonne, un bulletin est déclaré nul. Pas de rature ni d'insulte comme souvent, mais une belle tache de graisse.
L'opposition sort sa calculette et dépose un recours devant le tribunal administratif. S'il est déclaré recevable, ce bulletin oblige la majorité à obtenir 75 voix. Or, une adjointe actuelle n'a recueilli que 74 voix. En décembre, le tribunal administratif, moins à cheval sur l'hygiène, valide le bulletin.
Le Conseil d'État lui aussi considère qu'une tache de graisse n'est pas susceptible de faire annuler le vote. Le conseil municipal perd donc une adjointe, obligée de démissionner puisque non élue...
J'imagine l'électeur négligent qui en ce dimanche, est allé voter sans s'essuyer les mains après un bon repas à base de confit de canard. Un canard qui, même mort, a modifié l'équilibre politique de ce village aux airs de Clochemerle.
Plus près de nous, une autre élection a failli être annulée pour une bizarrerie constatée après coup. Parmi les nouveaux inscrits sur les listes électorales, les opposants au maire sortant ont relevé six cas suspects de "changement de sexe", dont une centenaire. Simple erreur informatique, qui a failli tout faire basculer. Cette fois, l'élection a été validée. Morale de l'histoire : les pinailleurs sont parfois les payeurs.

mardi 27 janvier 2015

BD : "Médée", la sorcière avide de liberté


médée, le callet, nancy pena, casterman
Deux femmes, Blandine Le Callet au scénario et Nancy Pena au dessin, ont entrepris de relater la véritable histoire de Médée. La fille du roi de Colchide est souvent présentée comme une magicienne ou sorcière qui accumule les meurtres et les trahisons. Dans cette BD, elle est simplement une jeune femme avide de liberté. Certes elle connait les secrets de certains poisons ou autres potions, mais ce n'est pas pour avoir le pouvoir qu'elle les utilise. Dans le second tome de cette série à la narration brillante, Médée célèbre le retour de ses cousins partis en Grèce en bateau. Il ne reviennent pas seuls car accompagnés de Jason et des Argonautes. Ces derniers ont l'intention de dérober la Toison d'or au roi. Médée y voit une opportunité pour fuir le palais royal et cette vie étriquée. Elle aide Jason à s'emparer de la tunique de légende et s'enfuit avec lui. Il y a de nombreuses différences entre la BD et les récits « authentiques » de la vie de Médée. Dans l'album, elle est moins sombre, plus victime que bourreau. Pourtant, les morts sont quand même nombreux dans son sillage.

« Médée » (tome 2), Casterman, 15 euros

lundi 26 janvier 2015

De choses et d'autres : Leçon de résolutions

Si janvier est le mois des résolutions, février les transforme en compromissions et mars en abandons. Résultat, selon un récent sondage, 88% des bonnes résolutions prises en début d'année sont totalement oubliées au printemps...
Pas facile de changer sa vie, même à la marge. L'homme est un animal d'habitudes, le meilleur anxiolytique depuis la nuit des temps. Une vie réglée comme du papier à musique est hautement rassurante.
N'empêche, en janvier, il ressort d'une étude d'Odoxa qu'une majorité de Français prend des résolutions. Le trio de tête est horriblement banal : « faire du sport, faire un régime et avoir un meilleur caractère. » S'y ajoutent souvent arrêter de fumer, moins regarder la télévision et lire plus. Les plus extrêmes envisagent même de se coucher plus tôt, boire moins d'alcool, voire téléphoner régulièrement à ses parents... En fait, si l'on ne tient que rarement ses promesses, c'est en grande partie en raison de leur côté contraignant. Allez savoir pourquoi entre ces deux actions, « perdre quatre kilos avant la fin du mois » et « me faire un bon resto chaque semaine » c'est toujours la seconde qui l'emporte. Pourquoi je n'arrive pas à « faire des séries de courses en jogging » alors qu'il m'est si facile de « regarder des séries en jogging dans mon canapé ? »
Alors pour ne pas être déçu en mars face au triste constat (consommation de cigarettes trop élevée et garde-robe à renouveler pour cause de tour de taille exponentiel), la meilleure solution consiste simplement à prendre pour seule et unique résolution... de ne pas en prendre.

BD : Robinson aux pays des femmes


zanzim, ile aux femmes, wolinski, glénat
Wolinski a publié en septembre dernier « Le village des femmes » au Seuil. Une semaine après son assassinat, on peut se replonger dans ce roman graphique sur les déboires d'un vieil illustrateur séduit par une gironde blonde. On peut aussi lire « L'île aux femmes » de Zanzim, BD de 80 pages parue cette semaine dans la collection « Mille feuilles ». La thématique y est un peu identique, comme un hommage posthume. Un homme seul se retrouve piégé dans une société où les femmes ont pris le pouvoir. Céleste Bompard est un as de l'aviation. En 1913 il fait des acrobaties dans les airs et des ravages dans les cœurs des femmes. Arrive la guerre. Il est plus prosaïquement chargé de relier le front avec l'arrière. Dans la carlingue de son avion pas encore de bombes, simplement le courrier des Poilus destiné majoritairement à leurs femmes. Touché par les canons ennemis, il s'écrase. A son réveil il est échoué sur la plage d'une île qu'il pense déserte, mais au bout de quelques semaines de solitude, il est capturé par une tribu d'amazones. Le séducteur devra, pour survivre, se transformer en parfait homme d'intérieur. Une très jolie fable, sur la prétention masculine, la douceur féminine et l'amour. L'amour des mots, des histoires. L'amour physique aussi. Un récit qu'aurait certainement apprécié Wolinski. Sur le fond, mais la forme aussi, Zanzim parvient à rendre très belles et désirables ces guerrières impitoyables.

« L'île aux femmes », Glénat, 19,50 euros

dimanche 25 janvier 2015

BD : La politique en folie

aurel, dély, hollande, valls, léonarda, montebourg, taubira, glénat
Mieux qu'une rétro politique, cette BD écrite par Renaud Dély et dessinée par Aurel, vous permet de revivre de l'intérieur les récents soubresauts du pouvoir socialiste. Il voulait une « République exemplaire », il s'est rapidement retrouvé avec une « république des couacs ». Pauvre François Hollande, souvent dépassé par des ministres à l'égo sur-dimensionné. Après les calamiteuses affaires Léonarda et Florange, l'exécutif pense avoir atteint des sommets de cafouillage. Pourtant, en 2014, le gouvernement fera mieux. L'affrontement entre Christiane Taubira et Manuel Valls est l'exemple de cette schizophrénie du pouvoir. L'une veut vider les prisons, l'autre veut en construire de nouvelles pour y enfermer le plus de délinquants possibles. Les militants de gauche en perdent leur latin. Pendant ce temps, François Hollande, comme absent, se désintéresse un peu des affaires de l'Etat. Il est des rendez-vous qu'il ne faut pas manquer. Les discrets, en scooter... Le meilleur reste l'affrontement entre Ayrault et Manuel Valls, puis entre Valls (qui a terrassé l'élu nantais) et Montebourg. Avec en toile de fond l'émergence d'Emmanuel Macron... Cela nous promet une année 2015 des plus agitées.
« La République des couacs », Glénat, 15,50 €



samedi 24 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le mur des sons

semaine du son, sourd, malentendant, médiathèque, perpignan
On est en plein dans la semaine du son. Pardon ? Je répète : ON EST EN PLEIN DANS LA SEMAINE DU SON ! Oui, de nos jours, il faut hurler pour se faire entendre. La faute aux casques, écouteurs et autres haut-parleurs poussés à leur volume maximum. Pendant longtemps, comme des générations de jeunes boutonneux naïfs, j'ai cru que seule la masturbation rendait sourd. En fait rien n'a été prouvé scientifiquement, les études sont rares et les cobayes encore plus difficiles à trouver... Un récent sondage sur un échantillon représentatif de jeunes adultes nous apprend que 80 % des personnes interrogées souffrent de troubles auditifs. Principaux accusés : les casques. Non seulement les sondés les mettent trop fort, mais ils les gardent même quand ce n'est pas nécessaire. Logique, pour écouter à fond la musique qu'on aime sans que les parents ne s'en aperçoivent, rien ne vaut ces ustensiles. A condition de ne pas soi-même chanter à tue-tête... Cette épidémie de surdité ne touche pas uniquement les jeunes. Mon épouse ne cesse de me seriner que je suis sourd comme un pot. Oui, je l'avoue, jeune j'ai beaucoup écouté de ces musiques qui ne s'apprécient que fort, très fort : The Clash, les Béruriers Noirs et autres Garçons Bouchers ont sans doute dézingué mes jeunes tympans (Francis Lalanne aussi, durant ma période fleur bleue). Mais s'il est quelque chose que l'on n'entend pas étant jeune c'est bien la voix de la raison...

PS : La semaine du son est célébrée aussi à la médiathèque de Perpignan, du 27 au 31 janvier.

vendredi 23 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Des Gérard aux Cyril

D'ici peu, il faudra rebaptiser les Gérards de la télévision. Par exemple en Cyrils tant Cyril Hanouna semble bien représenter ce qui se fait de pire sur le petit écran. Je ne suis pas loin de partager cette opinion, mais c'est surtout une évidence au vu du palmarès de la 19e édition, dévoilé lundi soir en direct sur Paris Première. En plus de remporter haut la main le Gérard de l'animateur, le trublion de D8 s'est également imposé dans les catégories « Gérard de l’animateur qui a tellement réussi à squatter les programmes de sa chaîne qu’il va devenir encore plus difficile à déloger que l’État Islamique en Syrie » et « Gérard de l’animateur qui a visiblement dû réussir pour coucher ». Le roi de la soirée, absent on s'en serait douté, a pu se consoler en constatant que sa complice, Enora Malagré, en a également pris pour son grade. Sacrée pire animatrice du PAF, elle s'impose aussi dans une catégorie qui la définit à la perfection : « Gérard de l’animatrice qui avait toutes les qualités pour vendre du poisson à la criée, mais qui a préféré vendre de la soupe à la télé ». Émission méchante, les Gérards de la télévision permettent, une fois par an, de rire de bon cœur de présentateurs qui ordinairement nous énervent ou nous insupportent. Mais ce n'est que de l'humour. Pour preuve, ce lundi, deux animatrices ont joué le jeu. Alessandra Sublet, Gérard du paradoxe, en a profité pour régler ses comptes avec Thierry Ardisson. Quant à Valérie Damidot, malgré son échec au Gérard de l'accident industriel, elle est monté sur scène et a même fait de la figuration dans un sketch. Chapeau mesdames ! 
Chronique "De choses et d'autres" parue le 20 janvier en dernière page de l'Indépendant.

jeudi 22 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le jour des câlinous

calin, bisounours, hollande, merkel, nouveaux hérosNous sommes tous des Câlinous. Hier, journée internationale des câlins, la planète tout entière s'est transformée en monde des Bisounours. En théorie seulement. Certains se montrent toujours très hostiles au moindre contact humain. Une explication scientifique : ils ont peur des décharges d'électricité statique. A moins que ce ne soit la crainte du coup de foudre. Car un câlin, on sait comment il commence, pas comment il finit.
Et entre câlin et lapin (espèce animale en bonne voie d'acquérir chez les Chrétiens la même connotation que le cochon chez les Musulmans) il n'y a qu'une lettre et un accent circonflexe de différence.
Pourtant, un câlin impromptu fait tellement de bien. Prenez François Hollande. Un dimanche matin, sur le perron de l'Elysée, en dehors de tout protocole officiel, il se fait câliner par Angela Merkel devant les caméras des télévisions du monde entier. Après l'horreur, la peur et l'indignation, ce petit moment de tendresse a finalement eu une force telle qu'il était impossible de ne pas reprendre foi en l'Humanité. Je suspecte d'ailleurs Hollande de lui devoir une grande partie de ses plus 21 % d'opinions favorables.

Alors hier j'espère que vous avez respecté à la lettre cette journée. Un câlin à maman, un câlin à papa, à ses enfants, ses amis... ses ennemis. Certes plus risqué, mais pourquoi ne pas essayer. Je rêve de ring de boxe transformé en ring de câlins (ce que font d'ailleurs les combattants à la fin), de champs de bataille de bisous... Franchement, on en a tous vraiment besoin depuis un certain 7 janvier.  
Chronique "De choses et d'autres" parue le 22 janvier en dernière page de l'Indépendant 
En bonus, un extrait du nouveau film Disney (en salles le 11 février) avec un robot infirmier expert en câlins.

mercredi 21 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Un nom sinon rien

naming, coiffeur, languedoc roussillon, midi pyrénées, fusion
Comment va-t-on l'appeler ? Tout créateur d'entreprise passe forcément par cette étape souvent plus compliquée qu'il n'y paraît. Rassurez-vous il existe des spécialistes en "naming" pour secourir ceux qui sont en mal d'inspiration.
La société Namae Concept, par exemple, a mis au point un logiciel en ligne pour trouver la meilleure dénomination à votre projet. Vous rentrez quelques données (secteur d'activité, localisation...) et il vous propose un nom. Le logiciel peut fonctionner pour tout. Par exemple, la fusion de plusieurs régions dans quelques mois aboutira aussi à un changement d'appellation. Chez nous, en Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, la décision s'annonce épique. On se souvient de la levée de bouclier quand Georges Frêche a voulu rebaptiser la région Septimanie. L'idéal serait de présenter plusieurs propositions et de les soumettre au vote populaire lors des Régionales. Mais ne rêvons pas, les candidats veulent qu'on vote pour eux, pas que l'on décide pour eux. Sinon, à quoi sert de se présenter ?
Autre secteur à qui l'aide de ce logiciel s'avérerait précieuse : la coiffure. En France, il semble inenvisageable de nommer un salon sans commettre un jeu de mot. Pour preuve le site "Nos amis les LOLcoiffeurs" recense les enseignes les plus farfelues. De "Planet'Hair" à "Attrac'Tif" ils se comptent par dizaines. La palme quand même à ce salon de Seine-Saint-Denis qui a de la suite dans les idées : "L'exp'Hair de la maison m'Hair à qui tu la feras pas à l'env'Hair". En voilà un qui ne manque pas d'Hair...

mardi 20 janvier 2015

DVD : "Hercule", le muscle mythologique

Dwayne Johnson est « Hercule » dans un péplum gonflé à la testostérone.
Les muscles de Dwayne The Rock Johnson sont-ils encore plus impressionnants en 3D ? On se pose légitimement la question après le visionnage de « Hercule », Péplum de Brett Ratner, valeur sûre d’Hollywood depuis les succès phénoménaux de la saga « Rush Hour ». La sortie en DVD du film qui a attiré plus de 700 000 spectateurs en France vous permet de vous faire une opinion car un blu-ray 3D fait partie du lot. Mais même en images 2D, le colosse, ancien catcheur reconverti dans le cinéma, a des arguments pour affoler les fans de musculation. Il a souvent répété lors de la promotion qu’interpréter Hercule était un rêve de gosse. Par contre, il ne s’est pas exprimé sur la véritable personnalité du héros de cette version beaucoup moins mythologique que les récits antiques.
Hercule, dans cette version, n’est pas un demi-dieu. Simplement un homme, plus fort que la moyenne, mais tout à fait mortel. Sa légende, il la fait prospérer. Devenu mercenaire, accompagné de quelques amis, il se vend au plus offrant. Son but : accumuler assez d’or pour se retirer dans une maison au bord d’une plage de la Mer Noire...
Herculen the rock, dwayne johnson, ratner, paplum, ParamountAprès une ouverture où il dégomme une quarantaine de pirates (clin d’œil à Astérix ?), il est embauché par le roi Cotys (machiavélique John Hurt) pour libérer son pays des assauts de tribus sauvages. Le dosage du film est assez déséquilibré. Avec plus de 70 % de combats et de batailles, les amateurs d’humour et d’intrigue restent sur leur faim. Les blagues se comptent sur les doigts d’une main et le retournement de situation est prévisible assez rapidement. Reste donc de l’action, des coups, des effets spéciaux et un monceau de cadavres. Les profs de sport apprécieront. Ceux d’Histoire un peu moins...


« Hercule », Paramount Video, 25 euros pour la pack DVD det blu-ray version longue, 20 euros le DVD, 30 euros le blu-ray 3D.

lundi 19 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Manon, mais si…

manon, palmer, voice, tf1, zazie, jenifer
Overdose de malheurs, de drames. Il faut savoir décrocher. Samedi, pour la première fois en dix jours, je coupe la radio et oublie les chaînes d'infos en continu pour des programmes moins anxiogènes. Une petite séance de rattrapage de "The Big Bang Theory" sur NRJ12, quelques épisodes de "Girls" de la géniale Lena Dunham sur OCS à la demande et final en apothéose avec de la variété. Un peu trop entendu la Marseillaise (avec un bout d'Internationale aux obsèques de Charb), place à la légèreté et l'insouciance.
Comme un peu plus de 7,5 millions de personnes, j'ai vu dans "The Voice", sur TF1, le premier passage à la télévision de Manon Palmer,celle qui, n'en doutons pas, remportera le concours, vendra des millions de disques et remplira les salles de spectacles. Normalement, ce jeu ne s'intéresse qu'aux prestations vocales des candidats. Dans le cas de Manon Palmer se contenter de cet atout serait bien dommage. Longue chevelure bouclée, lèvres carmin, sourire ravageur, si elle n'avait pas une voix d'exception, elle pourrait faire carrière dans le mannequinat.
Malgré ses 16 ans et demi, elle dépasse Jenifer de 20 bons centimètres. Pas étonnant, cette franco-américaine est la fille d'un ancien basketteur professionnel. Zazie, avant de lui demander de quelle planète elle venait, a lancé ce mot pour détendre l'atmosphère : "Comment tu t'appelles ?" "Manon." "Mah si… »
Voilà comment pendant quelques minutes, charmé par une voix, un sourire, un enthousiasme juvénile, j'ai pu oublier toute l'horreur du triste monde dans lequel nous vivons.
En bonus vidéo, sa prestation de samedi.

dimanche 18 janvier 2015

Livre : Gros tirages, énormes rires

Fioretto et Haudiquet imaginent les prochains best-sellers. Des pastiches beaucoup plus marrants que les originaux...

fioretto, haudiquet, chiflet, humourHabituellement, début janvier, je profite d'une baisse notable de l'actualité pour lire nombre de nouveaux romans. Cette année, quelques décérébrés armés ont bousculé mon train-train annuel. Résultat je passe à côté de best-sellers potentiels. Par chance, dans ma PAL (pile à lire) se trouve en tête la dernière production de Pascal Fioretto et Vincent Haudiquet « Concentré de best-sellers » paru chez Chiflet & Cie.
Les deux humoristes, devenus des piliers de Fluide Glacial, ont imaginé pour les fainéants les quatrièmes de couverture des prochains romans de nos meilleurs (ou du moins les plus vendus...) écrivains. Du concentré de pastiche hilarant. Il y en a pour tous les goûts. Classés par thèmes, les auteurs brocardés vont des « difficiles » (Annie Ernaux fait les soldes chez But), aux « obligatoires » (Beigbeder fait la queue à la Poste pour expédier un Colissimo) en passant par « les auteurs pour dames ». Dans cette dernière catégorie, saluons le titre du prochain pavé de Katherine Pancol, « La tranquille audace des mouches bleues du jardin du Luxembourg », roman gigogne où « la valse trépidante des synonymes, des répétitions et des zeugmes peut commencer... »
Pour chaque auteur, on peut lire un résumé du roman ainsi qu'une biographie non politiquement correcte. Pour Bernard-Henri Lévy sa bio débute ainsi : « il nait en Algérie en 1948, puis s'installe à Neuilly qui a l'avantage d'être plus près du Flore. » On rit aussi en découvrant que Virginie Despentes, « capable d'écrire un livre en six jours, telle un Simenon sous Red Bull, ne se lasse jamais de nous surprendre par la noirceur de son style et de ses ongles. »

Le cas Houellebecq
S'ils sont presque tendres avec quelques écrivains épinglés, le duo a parfois la dent très dure. Patrick Poivre-d'Arvor en prend pour son grade. Son prochain best-seller, « Notre-Dame du côté de chez Swann » met en relief son goût prononcé pour les « emprunts » littéraires que les magistrats ont trop souvent tendance à renommer « plagiats » dans leurs jugements. D'ailleurs ce livre imaginaire est co-édité par le tribunal de commerce de Paris...
Quant à la vedette de la véritable rentrée littéraire de janvier, un certain Michel Houellebecq, il a droit à un chapitre complet à son nom. Pas étonnant pour cet ovni totalement inclassable. Dans son prochain roman, il raconte comment il charge Pascal et Vincent de lui écrire son prochain roman. Ces « écrivaillons fatigués » acceptent « de rédiger le prochain faux Houellebecq : l'histoire d'un type qui a vendu à Google un système de localisation par satellite du point G de toutes les femmes de la planète. » Un roman avec beaucoup de scènes de sexe et un final sanglant « Michel se fait assassiner par une Femen »...
Finalement, en un seul livre je peux rire de 80% de la production littéraire française. Fioretto et Haudiquet devraient entrer à l'Académie française, ça dériderait les cacochymes gâteux verdâtres qui ont un grand besoin de lifting.

« Concentré de best-sellers » de Pascal Fioretto et Vincent Haudiquet, Chiflet & Cie, 14,50 euros

samedi 17 janvier 2015

BD : Spirou est Charlie


spirou, charlie, hebdo, jesuischarlie, dupuis
L'attentat contre Charlie Hebdo a été un véritable tsunami dans le milieu des dessinateurs de BD. Parmi les victimes, Cabu et Wolinski ont donné envie de faire ce métier à plusieurs générations de créateurs. Pour leur rendre hommage, Spirou a été un des plus réactif. L'hebdomadaire a sorti un numéro hors série, uniquement disponible en kiosque depuis ce vendredi. Ce sont 150 dessinateurs qui rendent hommage à Charlie et qui clament leur volonté de continuer à utiliser leur liberté de dessiner. L'éditeur présente son initiative dans un court texte très explicite. « SPIROU n’est pas un journal politique. SPIROU est un journal de divertissement. Mais depuis toujours, SPIROU défend la liberté, la solidarité, la tolérance, l’amitié, l’intelligence et l’humour. Sans liberté de la presse, pas de démocratie. Sans liberté de création, pas d’édition, et les bandes dessinées que vous lisez ici n’existeraient pas. Sans liberté, pas d'humanité. » On retrouve dans ces 52 pages les signatures habituelles du journal, de Yoann à Lambil ou Bercovici mais également des auteurs d'autres horizons, preuve que l'émotion est véritablement totale et sans limite. Toutes les recettes seront bien évidemment reversées à Charlie et aux familles endeuillées.
« Spirou spécial Charlie », 2,30 euros, en kiosque uniquement.


vendredi 16 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Camembert-de alors !

camembert, rachat, agriculture, aoc
Voilà un nouveau sujet susceptible de mobiliser le peuple de France dans un bel élan d'unité nationale : le dernier fabriquant indépendant de camembert, une ferme sise dans le village du même nom, risque d'être racheté par des capitaux étrangers. Vous ne rêvez pas, le symbole de la gastronomie française et des fromages qui puent pourrait passer à l'ennemi. Quand les époux Durand qui depuis 30 ans produisent du camembert artisanal (moulé à la louche) issu du lait de leurs 70 vaches décide de passer la main et de vendre leur exploitation agricole, ils ne se doutent pas que les candidats à la reprise seront si nombreux. Pas moins de 300 candidatures en quelques mois. Les unes sérieuses, certaines farfelues et d'autres venues de très loin. Comme pour les grands crus girondins, un Chinois a fait une offre. Il y a même un acheteur potentiel originaire des Emirats arabes unis. Alors, un camembert aura-t-il un jour le goût des nems ou sera-t-il coupé au lait de chamelle ? Voilà de quoi battre le rappel dans les hautes sphères intellectuelles et culinaires françaises. Je vois déjà Jean-Pierrre Coffe s'offusquer « C'est de la merde ! » ou Jean-Luc Petitrenaud grimacer en engloutissant un demi-claquos bien coulant. Heureusement, aucune candidature ne provient des USA. Normal, leur guerre aux fromages au lait cru est totale et sans pitié. Ils seraient capables de raser le village de Camembert avec leur armée de drones. Mais le pire serait une reprise par des capitaux de Hollande. Pas notre président, mais la nation qui se prétend l'autre pays du fromage. Imposteurs !
Chronique "De choses et d'autres" parue le 16 janvier en dernière page de l'Indépendant. 

BD : Aviateurs et soldats dans la nouvelle aventure des "Godillots" d'Olier et Marko

olier, marko, godillots, avions, bamboo
Olier et Marko n'ont pas attendu les commémorations de la première guerre mondiale pour aborder le sujet. « Les Godillots » raconte comment trois poilus, venus d'horizons très différents, deviennent amis et inséparables. Un intello, une force de la nature et un gamin au mystérieux passé. Affectés sur un aérodrome, en cette année 1918, ils aident les aviateurs à lancer des raids aux commandes de leurs Spads. L'as des as, Alexandre d'Estretat, vexé par la question d'une journaliste, décolle en urgence pour enrichir son palmarès. Problème : le mitrailleur habituel, son frère, a laissé la place au jeune Bichette totalement inexpérimenté. Le raid va être beaucoup plus dangereux que prévu. Les Godillots donnent une image beaucoup moins noire de la guerre que les récits plus classiques de Tardi. Ces poilus n'ont pas perdu leur humanité, même s'ils ont traversé de rudes épreuves. Entre histoire et comédie, l'album permet à Marko de dessiner de superbes ciels bleus dans lesquels les aviateurs se livrent à des combats à mort. Une série qui se bonifie de titre en titre.

« Les Godillots » (tome 3), Bamboo, 13,90 €

jeudi 15 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Spéculer sur des cadavres

charlie, ebay, spéculation, collector, jesuischarlie
Parmi les milliers d'acheteurs du Charlie Hebdo des survivants paru hier, combien n'ont pas fait le déplacement par militantisme ou soutien mais juste pour tenter de réaliser une «affaire » ? Déjà, au lendemain de l'attentat, certains vendaient sur ebay l'exemplaire des caricatures ou le dernier sorti (Houellebecq en couverture) à des sommes astronomiques. Ce sont sans doute les mêmes qui ont raisonné en bon petits spéculateurs prêts à se faire du fric sur des cadavres encore chauds. Si tout le monde veut l'acheter, la demande va forcément dépasser l'offre. Donc, selon un principe économique inéluctable, les rares vendeurs pourront faire monter les enchères et céder 30 ou 300 euros un journal qui normalement en vaut 3. Du capitalisme primaire, comme celui qu'exécrait Bernard Maris, chroniqueur économique de l'hebdo, lui aussi tombé sous les balles des fondamentalistes. « Mais c'est la loi du marché » répliquent les spéculateurs (personnes, selon moi, aussi répugnantes que les charognards). Peut-être. Mais là, on parle d'un journal satirique, la création d'humoristes, d'artistes, de journalistes. Même si « Je suis Charlie » a failli devenir une marque déposée, ce journal ne sera jamais un bien de consommation comme les autres. Et puis de toute manière, il en arrivera d'autres ce matin dans les kiosques. Et après-demain aussi. 7 millions au total. Non seulement les terroristes n'ont pas tué Charlie, mais ils lui ont permis d'être lu dans le monde entier.
Chronique "De choses et d'autres" parue le 15 janvier en dernière page de l'Indépendant. 

BD : La France à l'attaque le "Jour J"


jour j, pécau, duval, maza, oméga, delcourt
A un rythme soutenu, les auteurs de la série « Jour J » (Pécau et Duval), imaginent comment notre monde aurait pu évoluer si quelques petits événements avaient changé la face de l'histoire. De la découverte de l'Amérique par les Arabes (ne dites pas au président turc que c'est faux, il croit dur comme fer que c'est la réalité) à la conquête de la Lune par les soviétiques, ces uchronies sont captivantes. Le tome 14 « Oméga » (Maza au dessin), montrait comment la France fasciste remplaçait l'Allemagne défaite. Suite directe de cette histoire, « Opération Charlemagne » prolonge cet étonnant concept. Laval est au pouvoir, il terrorise la population avec sa police spéciale, l'Oméga. Heureusement la résistance intérieure existe, aidée par l'Angleterre qui n'a pas abdiqué. Mais les Britanniques sont bien seuls pour défendre la démocratie, les USA et la Russie préférant rester en dehors de cette querelle européenne. Il y est question de plans secrets de sous-marins, de missiles destructeurs et d'espionnage. Le héros, le capitaine Léo Berger, aviateur, est un des rares à avoir choisi l'exil avec un certain Mendès-France. De l'autre côté, chez les « méchants », il y a De Gaulle, Simone de Beauvoir et même le jeune Georges Marchais. Déconcertant...

« Jour J » (tome 18), Delcourt, 14,95 €

mercredi 14 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Et si on rigolait un peu ?

sarkozy, hollande, charlie, jesuischarlie
En ce mercredi, jour de sortie de Charlie Hebdo et du Canard Enchaîné, il est temps de sécher nos larmes et de se fendre la poire. Les humoristes des radios, obligés de solliciter nos zygomatiques au quotidien, n'ont pas attendu une semaine pleine pour ressortir quelques vannes savoureuses. De même, sur Twitter et les sites parodiques, l'horreur des attentats n'a pas freiné l'inventivité de certains. Une dérision, un esprit, typiquement français. Du Charlie, pur et dur. Dimanche, pour une fois que François Hollande sortait nu tête dans la rue, il n'a pas plu. Un pigeon lui a cependant rappelé qu'il n'y a pas que de l'eau qui tombe du ciel. Un célèbre journaliste télévisé pose cette question surréaliste à propos des frères Kouachi : « Est-ce que ces hommes sont dangereux ? » En laissant douze cadavres derrière eux, on est enclin à le penser, même sans être un grand spécialiste du terrorisme. Mais comme toujours, Nicolas Sarkozy remporte la palme des moqueries. Lors de la marche des 50 chefs d'Etat, il a clairement joué des coudes pour s'inviter au premier rang. Le temps d'une photo. Ce n'était plus « où est Charlie ? » mais « Cherchez l'intrus »... Heureusement pour lui, les Français aiment la dérision. Au lieu de le discréditer à jamais pour cette pathétique crise d'égo, ils se sont contenté de se moquer de lui. « Nico tape l'incruste » est devenu le dernier jeu à la mode sur le net. Sa bobine a été rajoutée dans des photos historiques comme la chute du Mur de Berlin, la conférence de Yalta ou les obsèques de Kennedy. En temps normal, Charlie aurait même pu en faire sa Une. 
Chronique parue le mercredi 14 janvier en dernière page de l'Indépendant. 

Cinéma : Les débuts d'une longue guerre dans "Loin des hommes"

L'Algérie du milieu des années 50 est sur le point de basculer dans une guerre qui ne veut pas dire son nom. « Loin des hommes » raconte comment la violence a gagné au milieu du désert.

Une école perdue dans une vallée de l'Atlas. Un bâtiment isolé, où l'instituteur est le seul lien avec cette France colonisatrice. Chaque matin quelques dizaines de gamins marchent sur de longues distances pour apprendre à lire et écrire. En 1954, ce havre de paix et de savoir est un peu à part. Il n'y a que des « indigènes » sur les bancs. A Alger, commence à se poser la question de maintenir cette structure. Radu (Viggo Mortensen), l'instituteur, vit tel un moine cette existence solitaire. Pour lui, seuls ses « enfants » comptent. Il reste persuadé qu'éduquer est la seule réponse à tous les problèmes actuels et futurs. Un point de vue peu partagé, tant par les colons que les premiers rebelles.

Loin hommes.jpg
Le décor planté, David Oelhoffen, le scénariste et réalisateur de ce film, peut montrer la tension qui monte, inexorablement. Alors que les enfants égrennent le nom des fleuves frnaçais (la Garonne, la Loire, la Seine), le moindre bruit de sabots se transforme en danger. Les nouvelles ne sont pas bonnes. Les attentats se multiplient, les représailles de l'armée française aussi. Un matin, le gendarme arrive à l'école. Il tire un jeune paysan entravé, Mohammed (Reda Kateb). Il a tué son cousin. Une histoire de vol de grain. Le gendarme s'en désintéresse. Il doit vite retourner dans la vallée patrouiller. La menace se précise. Sa mission n'est que de remettre Mohammed à Radu mour qu'il le conduise à la grande ville où il sera jugé et très certainement condamné à mort. Radu refuse. Et se justifie : « Je suis instituteur ! » Le gendarme s'en moque, laisse le jeune arabe sur place et donne à Radu un révolver...

Mortelle tradition
« Loin des hommes » est une histoire de rencontre. La rencontre d'un occidental avec un quasi illétré. Un homme qui a foi en l'Humanité et un autre qui tente de respecter la tradition. En tuant son cousin, il sait qu'il doit payer de son sang son acte. S'il fuit, la vengeance se déplacera sur ses jeunes frères. Il a donc décidé de se livrer à la justice française. S'il est exécuté par la justice française, c'en sera terminé. S'il est tué par la famille du cousin, ses jeunes drères devront à leur tour le venger. Une spirale sans fin où la mort semble la seule solution. Radu va tenter de trouver une autre solution, un scé »nazrio qui épargnerait des vies. En fuite, dans les montagnes de l'Atlas si inhospitalières, Radu et Mohammed vont aller de danger en danger. La famille du paysan, puis les rebelles et aussi l'armée française. Le salut viendra, comme souvent dans l'Histoire de l'humanité, des femmes. Un message évident que ne renierait pas les libre-penseurs de Charlie Hebdo morts la semaine dernière. Un slogan qui devrait toujours être présent à l'esprit des combattants : « Faites l'amour, pas la guerre ».

_________________________
L'école peut-elle sauver le monde ?

Adapté d'une nouvelle d'Albert Camus, « Loin des hommes » met en scène un instituteur. Au début du film et à la fin, on le voit apprendre aux enfants, de petits bergers encore insouciants, à lire et écrire. Une arme redoutable. Comprendre, s'exprimer, raisonner, réfléchir...

loin des hommes, reda kateb, Viggo Mortensen, algérie, fln

Ce combat est beau. Mais on sait qu'il n'est pas suffisant. La suite des événements en Algérie ont prouvé que la connaissance est souvent balayée par un simple tir de fusil ou une rafale de kalachnikov. Ce travail d'éducation, partout, est toujours aussi important. Le personnage interprété par Viggo Mortensen est de ces héros discrets que l'on n'écoute pas assez au bon moment. Le réalisateur en a fait un écorché vif. Seul, il fait partie de ces fils de colons qui ont toujours vécu sur ces terres qu'ils ont fait fructifier. Mais il a aussi connu la face sombre des hommes. Quelques années auparavant, il était à la tête d'une brigade lancé dans la Libération de la France occupée par les nazis. Ses hommes étaient essentiellement des Arabes. Mais comme lui fait remarquer un ancien soldat, devenu rebelle pour libérer son propre pays, il est désormais du mauvais côté. Un paradoxe pour cet homme qui a choisi une troisième voie : l'éducation pour sauver le monde.



mardi 13 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Black Blanc Beur

Plus de 1,5 million de personnes dans les rues de Paris dimanche. La dernière mobilisation remonte à 1998 à l'occasion de la victoire à la coupe du monde de foot. Le peuple célébrait une équipe Black Blanc Beur qui portait les couleurs Bleu Blanc Rouge. Cette symbolique revient aussi dans l'hommage de dimanche.
Parmi les 17 morts de la série d'attentats, trois policiers. Eux aussi étaient Black Blanc Beur. Eux aussi portaient sur leurs uniformes les couleurs Bleu Blanc Rouge. Clarissa Jean-Philippe, abattue à Montrouge par Coulibaly, était originaire de la Martinique. Une Black. Franck Brinsolaro, policier chargé de protéger Charb, tué lors de l'attaque de Charlie Hebdo, était originaire de Normandie. Un Blanc. Ahmed Merabet, gardien de la paix, froidement achevé d'une balle dans la tête alors qu'il était à terre, blessé, est de Livry-Gargan. Musulman, sa famille est originaire d'Algérie. Un Beur.
On a trop longtemps prétendu que seul le sport permettait l'intégration dans la nation, développer un sentiment de fierté nationale par delà toutes les croyances ou couleurs de peau. On s'aperçoit que dans les structures de la république, la police est également un formidable outil d'intégration. Clarissa, Franck et Ahmed ne protégeaient pas leurs communautés, ils étaient au service de tout un pays et de tous les citoyens. Si l'émotion est si forte, partout, de Paris au plus petit village de France, c'est pour la liberté de la presse, mais aussi pour rendre hommage à ces trois serviteurs de la république. Ces trois Black Blanc Beur, protecteurs (au prix de leur vie) du Bleu Blanc Rouge.
Chronique parue le mardi 13 janvier en dernière page de l'Indépendant.  

lundi 12 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Un long chemin

De mercredi à hier dimanche, la France a basculé. Tous les Français ont été touchés par les événements. Chacun y a trouvé un message.
Émotion. Des millions ont partagé leur émotion dans les rues. Les yeux rougis, les mains tremblantes, ils ont eu besoin de se retrouver, d'avoir une épaule amie pour surmonter l'épreuve, se rassurer. Constater de visu que cette immense peine est normale, partagée par ses proches et des millions d'inconnus venus de tous horizons.
Dérision. Les rassemblements ont scandé « Je suis Charlie », rendu hommage aux dessinateurs. Quel incroyable paradoxe que ces hurluberlus fauchés par des fanatiques, hostiles à toute pensée unique, dénonçant depuis toujours tout mouvement de foule, se retrouvent bombardés symboles de la Liberté. Ça doit bien les faire marrer d'être soutenus par ceux qui, il y a pas si longtemps, leur intentaient des procès et manoeuvraient pour les museler...
Manipulation. Les partisans de la théorie du complot sont de retour. Le jour même de l'attentat, certains voient derrière les tueurs masqués des « mercenaires » en mission pour la gloriole de
Hollande
Sarkozy
Israël
la franc-maçonnerie (cochez la case correspondant à votre paranoïa).

UNION. Plus naïvement, j'ose espérer qu'au final, ce qui primera après cette mobilisation sans précédent dans l'histoire du pays, sera l'union. L'envie de se comprendre, de vivre ensemble. Un premier pas a été fait hier. Le chemin est encore long. Ne nous arrêtons pas. 
Chronique parue le lundi 12 janvier en dernière page de l'Indépendant. 

dimanche 11 janvier 2015

Livre : Un privé trop fleur bleue

Dick Henry, dit «l’Expéditif», est un privé redouté. Efficace et intransigeant, il n'a qu'une faiblesse, sa petite amie, Lynette, une vamp aux jambes fabuleusement belles.

sturgess, dick henry, polar, calmann-LévyLes amateurs de romans policiers américains vont adorer. « L'expéditif », premier livre de p.g. sturgess (il paraît qu'il tient à ce que son nom soit écrit sans majuscules...) a des airs de Raymond Chandler ou de Dashiell Hammett. La faute au héros, Dick Henry, le fameux « expéditif ». Un détective privé, ancien flic comme il se doit, reconverti dans les affaires toujours à la limite de la légalité. Votre locataire ne paie plus ses loyers ? Dick saura trouver les arguments « frappants » pour qu'il retrouve le droit chemin. Les travaux dans votre maison se révèlent bâclés ? L'artisan acceptera de tout refaire après une visite de « courtoisie » mémorable.
Dick Henry accepte tout. Même les filatures peu glorieuses d'épouses suspectées d'être infidèles. Un comble quand on sait que le mari est producteur de films pornographiques.
Mais Dick Henry a besoin de beaucoup d'argent pour combler l'amour de sa vie, Lynette. Une hôtesse de l'air qui n'est à Los Angeles que par intermittence. Cela donne l'occasion à des scènes très « hot » sous la plume de p. g. sturgess particulièrement inspiré : « Nous avions établi de vrais rapports d'adultes. C'était du rapide, c'était plaisant. On baisait, on parlait, on cuisinait, on riait, on baisait. On voyait peu la lumière du jour mais beaucoup d'étoiles. » Lynette est l'unique faiblesse de Dick Henry. Et cela le sera encore plus quand il découvrira l'identité de l'épouse volage, une certaine Judy Benjamin. Mais comment l'Expéditif va-t-il pouvoir se sortir de ce pétrin ?
Ce roman noir est un véritable bijou de littérature américaine. Les personnages sont sombres à souhait, les scènes entre cocasses et violentes, les situations explosives. De plus, vous avez une ribambelle d'histoires parallèles à l'intrigue principale, de la fausse fiancée philippine qui tente d'escroquer un veuf en fin de vie au parcours sanglant d'Arturo, un gamin de Manille, amoureux de l'Amérique. Aussi passionnant que foisonnant.

« L'expéditif », p.g. sturgess, Calmann-Lévy, 18,90 €

samedi 10 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Trouver les mots

Comment trouver les mots pour reprendre une vie normale ? Quels mots pour exorciser ce cauchemar, pour rire de nouveau, vivre tout simplement...
Deux jours après le massacre de Charlie Hebdo, la boule dans mon ventre ne cesse de grossir, de peser, de me torturer. Pourtant il est nécessaire de prendre du recul, ne pas se laisser submerger par l'émotion.
Dans cette chronique, tous les jours dans l'Indépendant, je tente à mon petit niveau de provoquer un sourire chez le lecteur. La mission semble impossible depuis mercredi midi. Je ne trouve pas les mots. Je tourne en rond, comme coincé dans un cauchemar sans fin. Alors, pour me donner du coeur à l'ouvrage, je repense à Cabu, Wolinski, Charb, Tignous et Honoré. Eux, jamais ils n'ont baissé les bras. Au contraire, dans les pires conditions presque aussi anxiogènes qu'actuellement (début de la première guerre du Golfe), ils ont relancé le titre. La preuve que l'impertinence alliée à l'intelligence l'emportera toujours sur la bêtise, la violence. Guerre. Le mot a été prononcé à plusieurs reprises après l'attaque.
Peut-on rire de la guerre ? Oui, sans hésitation. En fait mon interrogation est idiote. Tous les mots sont bons pour faire sourire. Il suffit de trouver le bon angle. La mort ? Hilarant. Les intégristes ? Bidonnants. Mahomet ? Tordant. Les nazis ? Trop marrants. Les vieux ? A se pisser dessus de rire. Les jeunes ? Fou-rire assuré. L'énorme paradoxe c'est qu'il n'y a qu'un truc qui ne me fait plus rire en ce moment : un exemplaire de Charlie Hebdo... 
Chronique parue en dernière page de l'Indépendant le samedi 10 janvier. 

vendredi 9 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Morts de rire

charlie, hebdo, jesuischarlie, terrorisme, islamLeur métier était de nous faire rire. Jamais je n'aurais imaginé un jour qu'ils me fassent pleurer. Si je suis journaliste depuis plus de 30 ans, si cette chronique existe tous les jours, c'est en grande partie grâce à eux, les Cabu, Wolinski, Charb, Tignous et Honoré. Adolescent boutonneux, ma découverte de Charlie Hebdo à la fin de 1970 a façonné ma personnalité. J'aime l'humour trash, les dessins qui vont trop loin, la provocation éhontée. J'aime quand les limites sont dépassées, les tabous oubliés.
Cabu excelle dans le genre. Pourtant, il a toujours eu cette apparence gentille d'éternel gamin. Comment peut-on tirer froidement sur quelqu'un qui sourit en permanence ?
Wolinski, immense dessinateur politique, est aussi un amoureux des femmes. Une passion évidente dans son oeuvre. Ses héroïnes, voluptueuses et libérées, ne cachent rien de leurs charmes. Avec lui, le voile n'est pas islamique mais toujours transparent.
De Charb je conserve un dessin, offert par un ami dessinateur qui l'a rencontré dans les années 90 à Paris. Un crobard vite fait, simple et percutant.
Encore plus près, Tignous me fait immédiatement penser à mes deux années passées à Castelnaudary, aux Croquignous, les joyeux drilles qui organisent le festival de la caricature, aux miroirs du café de l'Industrie ornés le temps d'une soirée (arrosée, forcément arrosée) de dessins éphémères.
Une fois mes dernières larmes séchées, je vais me replonger dans les BD de Cabu, Wolinski, Tignous, Charb et Honoré. Et mercredi prochain, j'irai acheter le nouveau Charlie Hebdo. 
(Chronique écrite le 8 janvier et parue le 9 janvier en dernière page de l'Indépendant) 

jeudi 8 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Ebola par téléphone

La naïveté des gens ne cessera jamais de m'étonner. A l'heure de la technologie et de l'internet tout puissant, on voit resurgir des croyances dignes du moyen âge. Les plus anciens ont certainement reçu à un moment dans leur boite aux lettres une enveloppe contenant un texte expliquant que pour s'attirer bonheur, chance, argent, amour (la liste n'est jamais exhaustive) il faut simplement renvoyer cette missive à dix de ses amis. En mon for intérieur, j'appelle ça « l'effet boule de neige de la connerie ». Quand les emails se sont généralisés, la déferlante n'a fait que s'amplifier. Mais là, au moins, on sait à quoi ça sert : collecter des adresses pour ensuite les inonder de messages publicitaires...

La bêtise ne reculant devant rien, mon épouse vient de recevoir un SMS qui prouve que le phénomène est encore bien présent. Il est expliqué qu'il ne faut surtout pas accepter d'appel d'un certain numéro (écrit en gros et surligné...) car c'est « quelqu'un qui pirate ton téléphone ». Et de poursuivre : « Envoi ce message à tous tes contacts en urgence. Cela va très vite. » Vous me direz, cela peut être vrai voire utile. Sauf que le message se termine par cette phrase qui me persuade définitivement que c'est une arnaque : « C'est pas une chaîne. »
Avant, on menaçait des pires malheurs celui qui « cassait » une chaîne. Maintenant, on préfère dire que cela n'en est pas une... A l'arrivée c'est du temps et de l'argent perdu par des milliers de personnes. Excepté moi qui en ai tiré la substance pour écrire une chronique. A mes risques et périls, même si je ne suis pas superstitieux. Du moins, pas encore... 

DVD : Fenêtre ouverte sur les hackers

Le cinéma 2.0 a son prototype : « Open Windows » de Nacho Vigalondo avec Elijah Wood et Sasha Grey.

open windows, elijah wood, maskell, vigalondo, sasha grey, wild side videoVoir sans être vu, devenir le marionnettiste de véritables vies. Le propos du film « Open Windows » du réalisateur espagnol Nacho Vigalondo est tout à fait dans l'air du temps. Les pirates du net sont de plus en plus intrusifs et imaginatifs. Ils ont cependant de la marge avant de maîtriser la technologie comme Nevada, le grand manipulateur de ce thriller virtuel.
Jill Goddard (Sasha Grey) est une actrice de série B. Elle a de nombreux fans dont Nick (Elijah Wood), administrateur d'un site internet entièrement dédié à la gloire de la jeune bimbo. Nick a remporté un concours organisé par la production du dernier film de Jill. Il va pouvoir passer une soirée en compagnie de son idole. Il attend sagement dans sa chambre d'hôtel quand il reçoit un coup de téléphone où un mystérieux interlocuteur lui explique que Jill a annulé la soirée, sur un coup de tête. Mais Nick peut se venger s'il le veut, en prenant le contrôle du téléphone portable de la vedette.


Depuis son ordinateur, Nick va suivre la soirée de Jill, suivant les instruction de la voix, jusqu'à aller au point de non retour : kidnapper l'amant de la belle. Le film, au tempo haletant, est d'une grande originalité par son aspect. Composé de plusieurs plans imbriqués les uns dans les autres, il mélange images de vidéo surveillance, webcams et autres captures d'écran de smartphone. Nick, pris au piège, va tout faire pour tenter de sauver son idole. Elijah Wood (Le Seigneur des Anneaux) porte le film du début à la fin, avec en appoint la plastique et la morgue de Sasha Grey (ancienne actrice porno en pleine reconversion) et la bouille ronde et si inquiétante de Neil Maskell, valeur montante du cinéma britannique, inoubliable truand dans « Pusher » et tueur à gages complètement frappadingue dans la série « Utopia ». En complément dans les DVD et blu-ray, une petite séquence sur les effets spéciaux (essentiellement numériques) et le making of avec une longue interview du réalisateur.

« Open Windows », Wild Side Vidéo, 15,99 euros le DVD, 19,99 euros le blu-ray.

Cinéma : L'amour sous les drapeaux avec "Queen and country" de John Boorman

John Boorman poursuit son autobiographie dans « Queen and contry », film où il raconte sa période « soldat, appelé sous les drapeaux », amoureux transi d'une belle inconnue.
Malgré ses 80 ans, John Boorman a encore le regard pétillant du gamin curieux de tout. Après « Hope and Glory », tourné en 1987, film dans lequel il retraçait son enfance anglaise sous les bombardements nazis en pleine seconde guerre mondiale, il a reconstitué son appel sous les drapeaux. Bill Rohan (Callum Turner) a 18 ans et une soif de vivre incommensurable. Mais en 1952, l'Angleterre n'en a pas terminé avec le service militaire. Il est appelé pour deux ans, avec la crainte d'être envoyé en Corée participer à cette guerre, dommage collatéral de l'affrontement indirect entre Chine et Etats-Unis. A la caserne, il rencontre Percy (Caleb Landry), aussi extravagant et provocateur que Bill est calme et réservé. Ce duo va en baver lors des classes, l'occasion pour le réalisateur pour dénoncer la bêtise de l'esprit militaire. Bill et Percy, au lieu de partir pour l'extrême-orient, vont être affectés à la formation des jeunes recrues. Vu leurs aptitudes guerrières, ils sont affectés à des cours de... dactylographie.

boorman, queen, country, angleterre, armée, Le Pacte

Lors de rares sorties, ils tentent de séduire de belles inconnues. Pour une fois que leur uniforme leur est véritable utile. Bill pourrait tomber amoureux de l'espiègle Sophie (Aimee-Ffion Edwards) élève infirmière aux petits seins si charmants. Mais son tempérament romantique le pousse à suivre une distinguée inconnue, Ophelia (Tamsin Egerton) au regard plein de mystères.

Militaires ridicules
Si le film de John Boorman raconte cet amour impossible, il vaut surtout par la description de la vie à la caserne. Les militaires en prennent pour leur grade. Un supérieur psycho rigide complique la vie des deux jeunes hommes, suspectés même d'être des agents infiltrés des « rouges ». Percy accumule les bravades et devient un parfait tire-au-flanc en prenant des cours auprès du meilleur d'entre eux, le soldat Digby (Brian F. O'Byrne). Il s'est inventé une hernie très pratique : obligé de la maintenir en permanence avec sa main droite, il est dispensé de salut. De plus, il ne peut ni porter de poids, ni s'accroupir. Une vie de rêve. Entre comique et nostalgie, « Queen ans Country » dresse le portrait d'une jeunesse insouciante, où le sexe n'est pas encore omniprésent, qui se morfond en caserne mais ne manque pas de projet. Pour Bill, ce sera le cinéma. John Boorman boucle la boucle en se filmant en train de réaliser ses premiers petits films, dans le jardin familial. La suite, c'est une carrière immense, jalonnée de quelques chef-d'oeuvres (voir ci-contre).

__________________________________________________________
John Boorman, 50 ans de carrière

« Delivrance », « Excalibur », « Hope ans Glory »... John Boorman n'a pas énormémént tourné durant sa longue carrière, mais il a privilégié la qualité. Alternant les styles, il s'est imposé tant dans le thriller que la grade fresque historique ou la romance nostalgique.
boorman, queen, country, angleterre, armée, Le Pacte« Queen and Country » est la suite directe de « Hope and Glory ». Bill, encore gamin, vivaitt sous les bombes en pleine guerre mondiale. Il était témoin de l'aventure de sa mère, du coup de foudre de sa sœur pour un soldat canadien. Dans le nouveau film, la sœur est de retour d'Amérique, célibataire mais maman. La mère de Bill, une fois son mari de retour au foyer la guerre terminée, a repris sa vie comme si de rien n'était. Mais tous les matins elle continue à saluer cet homme qui passe devant chez elle et qu'elle a follement aimé durant quelques mois.
Rien à voir avec les scènes hallucinantes de « Delivrance ». Choc au moment de sa sortie, la descente aux enfers de ces quatre américains pris en chasse par des fous furieux a provoqué nombre de cauchemars et certainement provoqué la désertion de certaines vallées reculées de France et de Navarre.
Encore plus majestueux, « Excalibur » mélange histoire et fantastique. L'épopée du roi Arthur et de son épée magique permet au réalisateur de grandioses scènes, renforcées par une musique tonitruante. Plus que du grand spectacle, une expérience mystique qui ouvre bien des portes à une nouvelle perception.
Par contre, « Zardoz », avec Sean Connery, ne restera pas dans les annales de la science-fiction. Mais un seul faux-pas en 50 ans, c'est un beau bilan.



mercredi 7 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Passage en sixième

Saperlipopette, ces f... d'angliches viennent de nous dépasser ! Toujours aussi déloyaux (les amateurs de rugby comprendront), ils ont fait appel aux trafiquants de drogue et aux prostituées pour devenir la 5e puissance économique mondiale, rang que la France occupait jusqu'alors. Selon les chiffres de la commission européenne, le produit intérieur brut britannique pour l'année 2014 sera supérieur de plus de 4 % à celui de la France. Les « rosbifs » devant les « froggies » ce n'était pas arrivé depuis le début des années 1970. Les économistes sérieux justifient cette reprise anglaise par la croissance, l'inflation et le taux de change de la livre sterling face à l'euro. Les pinailleurs de mon genre relèvent surtout que la Grande-Bretagne a intégré dans ses calculs les revenus supposés du trafic de drogue et de la prostitution. Un tabou que la France n'a pas (encore ?) voulu franchir. Loin d'être anecdotique, cela représente près de 8,5 milliards de livres, soit 0,5 % du total. On attend une réaction indignée la FNDH (Fédération nationale des dealers de hall) regrettant que la France, dans sa grande diversité, « ne prenne pas en compte l'importante contribution de ses membres à l'enrichissement du pays ». L'année prochaine, pour rabattre le caquet à la « perfide Albion », la France devrait non seulement intégrer drogue et prostitution, mais également tous les comptes bancaires cachés en Suisse, le travail au noir et les reventes d'objets « tombés du camion ». Même en minimisant le tout, on reprend la cinquième place aux Anglais, voire la 4e aux Japonais.    

Livre : Héros de BD en chair et en os

De qui Hergé s'est-il inspiré pour imaginer le professeur Tournesol ? les Dalton ont-ils existé ? Jugurtha a-t-il survécu aux prisons romaines ? Toutes les réponses dans ce livre érudit de Philippe Mouret.

héros, tournesol, mouret, papillon rougeLa bande dessinée puise dans l'Histoire pour enrichir les trames de ses récits. Nombre d'auteurs ont totalement réinventé la vie de célébrités. F'Murrr a dressé le portrait d'une Jeanne d'Arc à mille lieues de la fameuse pucelle. Ou du moins de l'Histoire officielle. On croise Jules César dans les séries à succès que sont Astérix ou Alix. Une même base historique, deux personnages assez différents.
A côté de ces exemples, il existe une foule de héros de BD qui sont directement inspirés de personnages moins connus du grand public. Philippe Mouret dans ce livre qui se lit comme une encyclopédie a tenté de démystifier certaines figures moins célèbres. L'auteur, journaliste à Midi Libre, amoureux de Sète, lui-même scénariste à ses heures, assure depuis quelques années la rubrique BD dans le quotidien de Montpellier. Sa connaissance exhaustive du 9e art associée à une curiosité insatiable lui permet de nous apprendre quantité d'anecdotes. Sur les héros de BD, mais également sur les hommes et femmes qui ont servi d'exemple.
Le professeur Tournesol, personnage de l'univers de Tintin, est l'exemple parfait. Il apparaît dans « Le Trésor de Rackham le rouge » en 1944. Un inventeur farfelu qui propose à Tintin de tester son bathyscaphe révolutionnaire en forme de requin. Loin d'être une pure invention, Tournesol est directement inspiré d'Auguste Piccard, un Suisse, concepteur d'un sous-marin révolutionnaire et passionné par l'aviation. Après avoir tutoyé les sommets (16201 mètres accroché à un ballon), il bat de nouveaux records, de profondeur cette fois. Son petit-fils, Bertrand, assure la relève : il a parcouru 6000 kilomètres d'une traite aux commandes de Solar Impulse, un avion solaire.

Des Dalton... à Dominique de Villepin
Philippe Mouret s'intéresse aussi à des héros parfois tombés dans l'oubli. Jugurtha, sous le pinceau de Hermann puis de Franz, a longtemps été un des personnages principaux du journal de Tintin. Les scénarios de Jean-Luc Vernal l'ont envoyé aux quatre coins de la planète, de l'Asie à l'Afrique en passant par les îles britanniques. En réalité, Jugurtha, roi de Numidie, a tenté de défier Rome. En vain. Capturé, humilié, il est jeté en prison et y meurt, six jours plus tard, étranglé. Si les deux premiers albums racontent la véritable histoire, la suite (à partir de « La nuit des scorpions ») est comme une revanche imaginée par le scénariste. Jugurtha s'évade juste avant son exécution, fuit Rome et tente de se faire oublier loin, très loin de l'empire. Cela a donné une superbe série, entre aventure et philosophie, avec parfois des soupçons de fantastique. En la comparant à Thorgal, Philippe Mouret permet aussi de remettre à sa juste place des histoires de qualité mais passées de mode.
Parmi les autres exemples du bouquin, un gros volet sur Lucky Luke. Si le cowboy qui tire plus vite que son ombre est totalement inventé, il n'en est pas de même pour les Dalton, Calamity Jane ou Billy the Kid. Leurs véritables vies sont retracées, sans fard, par le journaliste de Midi Libre.
Enfin ne manquez pas le chapitre sur Dominique de Villepin. Car oui, l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac a lui aussi servi d'inspiration à des auteurs de BD... Comme le fait remarquer Philippe Mouret dans la courte présentation de l'ouvrage : « Aujourd'hui plus que jamais, le réel enrichit et nourrit l'imaginaire. »

« La véritable histoire des héros de BD », Philippe Mouret, Le Papillon Rouge éditeur, 20,50 euros