Affichage des articles dont le libellé est charlie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est charlie. Afficher tous les articles

jeudi 16 janvier 2025

BD - Aurel signe un manifeste pour le dessin de presse


Il y a dix ans, les frères Kouachi, terroristes islamistes, ont assassiné une partie de la rédaction de Charlie Hebdo. Alors que de nombreuses voix s’élèvent pour la liberté d’expression à l’occasion de ce triste anniversaire, Aurel (Le Canard Enchaîné) signe un manifeste très personnel sur la situation de ces trublions que sont les dessinateurs de presse. Une profession en danger, paradoxalement. Car l’esprit Charlie n’a pas eu que du bon pour ces observateurs de la société, rarement tendres, empêcheurs de tourner en rond, poil à gratter de nos consciences.


Un album souple, de 32 pages percutantes, soulignant le paradoxe de ces dix ans : « Charlie quand ça leur chante ». Après un aperçu de la situation économique des journaux (fragile) et de la volonté des patrons de précariser les dessinateurs, Aurel s’attaque au fond du sujet. Il explique notamment comment les « néo-réacs », ces anciens gauchistes, souvent aux manettes des rédactions, grands manitous de l’opinion sur les plateaux télé, se sont autoproclamés gardiens de l’esprit Charlie.

Il leur oppose le nouveau public, plus jeune, plus critique, refusant les clichés et second degré trop facile et de plus en plus daté. Ceux que les néo-réacs mettent, en vrac, dans le mouvement « woke ». Aurel, à titre personnel, explique qu’il entend continuer à vouloir faire rire et réfléchir avec ses dessins. Tout en en prenant compte des remarques de la nouvelle génération, s’éloignant de ceux qui n’aiment Charlie que quand il faut dézinguer l’Islam ou les féministes.

Et de conclure en espérant pouvoir continuer à faire son travail, comme il l’entend, en s’améliorant, refusant toute leçon de ce ceux qui sont « Charlie quand ça leur chante ».
« Charlie quand ça leur chante », Futuropolis, 32 pages, 6,90 € (parution le 8 janvier)

mardi 7 avril 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - 148 contre 150

Bien que le printemps soit bien installé, les morts (telles les feuilles) se ramassent à la pelle. L'actualité ne fait pas de cadeau en cette année 2015 en passe de remporter tous les records en matière de nouvelles macabres.
Après Charlie, Dropped et la Tunisie, on pensait en avoir terminé avec les attentats et autres accidents effarants. Mais cette année est définitivement placée sous le signe d'un karma tragique. Un avion se crashe dans les alpes : 150 morts. Des islamistes attaquent une université au Kenya : 148 morts. Si le bilan est quasiment identique, l'ampleur de l'émotion l'est moins. Les suites aussi.
La folie d'un copilote a obligé toutes les compagnies aériennes à revoir leurs pratiques en vol (deux personnes en permanence dans le cockpit). Les familles des victimes seront « aidées à vie » et une stèle est érigée au pied de la montagne. Au Kenya, les cadavres encore chauds sont pourtant déjà oubliés. Il faut que le pape fasse une piqûre de rappel lors de sa bénédiction Urbi et Orbi pour que ces étudiants chrétiens, abattus comme des chiens par les terroristes shebab, nous reviennent brièvement en mémoire.
Pourquoi ces 148 morts du Kenya ne font-ils pas le poids face aux 150 de la Germanwings ? Le phénomène de proximité doit jouer un peu. Tout comme celui d'identification. Le Français de base a plus de chance de voler sur une compagnie low cost que de dormir dans une résidence universitaire. Qui plus est africaine. Injuste la vie et sa ronde de morts aléatoires. Forcément injustes aussi.

samedi 17 janvier 2015

BD - Spirou est Charlie


L'attentat contre Charlie Hebdo a été un véritable tsunami dans le milieu des dessinateurs de BD. Parmi les victimes, Cabu et Wolinski ont donné envie de faire ce métier à plusieurs générations de créateurs. Pour leur rendre hommage, Spirou a été un des plus réactif. L'hebdomadaire a sorti un numéro hors série, uniquement disponible en kiosque depuis ce vendredi. Ce sont 150 dessinateurs qui rendent hommage à Charlie et qui clament leur volonté de continuer à utiliser leur liberté de dessiner. 
L'éditeur présente son initiative dans un court texte très explicite. « SPIROU n’est pas un journal politique. SPIROU est un journal de divertissement. Mais depuis toujours, SPIROU défend la liberté, la solidarité, la tolérance, l’amitié, l’intelligence et l’humour. Sans liberté de la presse, pas de démocratie. Sans liberté de création, pas d’édition, et les bandes dessinées que vous lisez ici n’existeraient pas. Sans liberté, pas d'humanité. » 
On retrouve dans ces 52 pages les signatures habituelles du journal, de Yoann à Lambil ou Bercovici mais également des auteurs d'autres horizons, preuve que l'émotion est véritablement totale et sans limite. Toutes les recettes seront bien évidemment reversées à Charlie et aux familles endeuillées.
« Spirou spécial Charlie », 2,30 euros, en kiosque uniquement.


jeudi 15 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Spéculer sur des cadavres

Parmi les milliers d'acheteurs du Charlie Hebdo des survivants paru hier, combien n'ont pas fait le déplacement par militantisme ou soutien mais juste pour tenter de réaliser une «affaire » ? Déjà, au lendemain de l'attentat, certains vendaient sur ebay l'exemplaire des caricatures ou le dernier sorti (Houellebecq en couverture) à des sommes astronomiques. Ce sont sans doute les mêmes qui ont raisonné en bon petits spéculateurs prêts à se faire du fric sur des cadavres encore chauds. Si tout le monde veut l'acheter, la demande va forcément dépasser l'offre. Donc, selon un principe économique inéluctable, les rares vendeurs pourront faire monter les enchères et céder 30 ou 300 euros un journal qui normalement en vaut 3. 
Du capitalisme primaire, comme celui qu'exécrait Bernard Maris, chroniqueur économique de l'hebdo, lui aussi tombé sous les balles des fondamentalistes. « Mais c'est la loi du marché » répliquent les spéculateurs (personnes, selon moi, aussi répugnantes que les charognards). Peut-être. Mais là, on parle d'un journal satirique, la création d'humoristes, d'artistes, de journalistes. Même si « Je suis Charlie » a failli devenir une marque déposée, ce journal ne sera jamais un bien de consommation comme les autres. Et puis de toute manière, il en arrivera d'autres ce matin dans les kiosques. Et après-demain aussi. 7 millions au total. Non seulement les terroristes n'ont pas tué Charlie, mais ils lui ont permis d'être lu dans le monde entier.
Chronique "De choses et d'autres" parue le 15 janvier en dernière page de l'Indépendant. 

mercredi 14 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Et si on rigolait un peu ?

En ce mercredi, jour de sortie de Charlie Hebdo et du Canard Enchaîné, il est temps de sécher nos larmes et de se fendre la poire. Les humoristes des radios, obligés de solliciter nos zygomatiques au quotidien, n'ont pas attendu une semaine pleine pour ressortir quelques vannes savoureuses. De même, sur Twitter et les sites parodiques, l'horreur des attentats n'a pas freiné l'inventivité de certains. Une dérision, un esprit, typiquement français. Du Charlie, pur et dur. Dimanche, pour une fois que François Hollande sortait nu tête dans la rue, il n'a pas plu. Un pigeon lui a cependant rappelé qu'il n'y a pas que de l'eau qui tombe du ciel. 
Un célèbre journaliste télévisé pose cette question surréaliste à propos des frères Kouachi : « Est-ce que ces hommes sont dangereux ? » En laissant douze cadavres derrière eux, on est enclin à le penser, même sans être un grand spécialiste du terrorisme. 
Mais comme toujours, Nicolas Sarkozy remporte la palme des moqueries. Lors de la marche des 50 chefs d'Etat, il a clairement joué des coudes pour s'inviter au premier rang. Le temps d'une photo. Ce n'était plus « où est Charlie ? » mais « Cherchez l'intrus »... Heureusement pour lui, les Français aiment la dérision. Au lieu de le discréditer à jamais pour cette pathétique crise d'égo, ils se sont contenté de se moquer de lui. « Nico tape l'incruste » est devenu le dernier jeu à la mode sur le net. Sa bobine a été rajoutée dans des photos historiques comme la chute du Mur de Berlin, la conférence de Yalta ou les obsèques de Kennedy. En temps normal, Charlie aurait même pu en faire sa Une. 

Chronique parue le mercredi 14 janvier en dernière page de l'Indépendant. 

mardi 13 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Black Blanc Beur

Plus de 1,5 million de personnes dans les rues de Paris dimanche. La dernière mobilisation remonte à 1998 à l'occasion de la victoire à la coupe du monde de foot. Le peuple célébrait une équipe Black Blanc Beur qui portait les couleurs Bleu Blanc Rouge. Cette symbolique revient aussi dans l'hommage de dimanche.
Parmi les 17 morts de la série d'attentats, trois policiers. Eux aussi étaient Black Blanc Beur. Eux aussi portaient sur leurs uniformes les couleurs Bleu Blanc Rouge. Clarissa Jean-Philippe, abattue à Montrouge par Coulibaly, était originaire de la Martinique. Une Black. Franck Brinsolaro, policier chargé de protéger Charb, tué lors de l'attaque de Charlie Hebdo, était originaire de Normandie. Un Blanc. Ahmed Merabet, gardien de la paix, froidement achevé d'une balle dans la tête alors qu'il était à terre, blessé, est de Livry-Gargan. Musulman, sa famille est originaire d'Algérie. Un Beur.
On a trop longtemps prétendu que seul le sport permettait l'intégration dans la nation, développer un sentiment de fierté nationale par delà toutes les croyances ou couleurs de peau. On s'aperçoit que dans les structures de la république, la police est également un formidable outil d'intégration. Clarissa, Franck et Ahmed ne protégeaient pas leurs communautés, ils étaient au service de tout un pays et de tous les citoyens. 
Si l'émotion est si forte, partout, de Paris au plus petit village de France, c'est pour la liberté de la presse, mais aussi pour rendre hommage à ces trois serviteurs de la république. Ces trois Black Blanc Beur, protecteurs (au prix de leur vie) du Bleu Blanc Rouge.

Chronique parue le mardi 13 janvier en dernière page de l'Indépendant.  

lundi 12 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Un long chemin

De mercredi à hier dimanche, la France a basculé. Tous les Français ont été touchés par les événements. Chacun y a trouvé un message.
Émotion. Des millions ont partagé leur émotion dans les rues. Les yeux rougis, les mains tremblantes, ils ont eu besoin de se retrouver, d'avoir une épaule amie pour surmonter l'épreuve, se rassurer. Constater de visu que cette immense peine est normale, partagée par ses proches et des millions d'inconnus venus de tous horizons.
Dérision. Les rassemblements ont scandé « Je suis Charlie », rendu hommage aux dessinateurs. Quel incroyable paradoxe que ces hurluberlus fauchés par des fanatiques, hostiles à toute pensée unique, dénonçant depuis toujours tout mouvement de foule, se retrouvent bombardés symboles de la Liberté. Ça doit bien les faire marrer d'être soutenus par ceux qui, il y a pas si longtemps, leur intentaient des procès et manoeuvraient pour les museler...
Manipulation. Les partisans de la théorie du complot sont de retour. Le jour même de l'attentat, certains voient derrière les tueurs masqués des « mercenaires » en mission pour la gloriole de
Hollande
Sarkozy
Israël
la franc-maçonnerie (cochez la case correspondant à votre paranoïa).

UNION. Plus naïvement, j'ose espérer qu'au final, ce qui primera après cette mobilisation sans précédent dans l'histoire du pays, sera l'union. L'envie de se comprendre, de vivre ensemble. Un premier pas a été fait hier. Le chemin est encore long. Ne nous arrêtons pas. 

Chronique parue le lundi 12 janvier en dernière page de l'Indépendant. 

samedi 10 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Trouver les mots

Comment trouver les mots pour reprendre une vie normale ? Quels mots pour exorciser ce cauchemar, pour rire de nouveau, vivre tout simplement...
Deux jours après le massacre de Charlie Hebdo, la boule dans mon ventre ne cesse de grossir, de peser, de me torturer. Pourtant il est nécessaire de prendre du recul, ne pas se laisser submerger par l'émotion.
Dans cette chronique, tous les jours dans l'Indépendant, je tente à mon petit niveau de provoquer un sourire chez le lecteur. La mission semble impossible depuis mercredi midi. Je ne trouve pas les mots. Je tourne en rond, comme coincé dans un cauchemar sans fin. Alors, pour me donner du coeur à l'ouvrage, je repense à Cabu, Wolinski, Charb, Tignous et Honoré. Eux, jamais ils n'ont baissé les bras. Au contraire, dans les pires conditions presque aussi anxiogènes qu'actuellement (début de la première guerre du Golfe), ils ont relancé le titre. La preuve que l'impertinence alliée à l'intelligence l'emportera toujours sur la bêtise, la violence. Guerre. Le mot a été prononcé à plusieurs reprises après l'attaque.
Peut-on rire de la guerre ? Oui, sans hésitation. En fait mon interrogation est idiote. Tous les mots sont bons pour faire sourire. Il suffit de trouver le bon angle. La mort ? Hilarant. Les intégristes ? Bidonnants. Mahomet ? Tordant. Les nazis ? Trop marrants. Les vieux ? A se pisser dessus de rire. Les jeunes ? Fou-rire assuré. L'énorme paradoxe c'est qu'il n'y a qu'un truc qui ne me fait plus rire en ce moment : un exemplaire de Charlie Hebdo... 

Chronique parue en dernière page de l'Indépendant le samedi 10 janvier. 

vendredi 9 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Morts de rire

Leur métier était de nous faire rire. Jamais je n'aurais imaginé un jour qu'ils me fassent pleurer. Si je suis journaliste depuis plus de 30 ans, si cette chronique existe tous les jours, c'est en grande partie grâce à eux, les Cabu, Wolinski, Charb, Tignous et Honoré. Adolescent boutonneux, ma découverte de Charlie Hebdo à la fin de 1970 a façonné ma personnalité. J'aime l'humour trash, les dessins qui vont trop loin, la provocation éhontée. J'aime quand les limites sont dépassées, les tabous oubliés.

Cabu excelle dans le genre. Pourtant, il a toujours eu cette apparence gentille d'éternel gamin. Comment peut-on tirer froidement sur quelqu'un qui sourit en permanence ?
Wolinski, immense dessinateur politique, est aussi un amoureux des femmes. Une passion évidente dans son oeuvre. Ses héroïnes, voluptueuses et libérées, ne cachent rien de leurs charmes. Avec lui, le voile n'est pas islamique mais toujours transparent.
De Charb je conserve un dessin, offert par un ami dessinateur qui l'a rencontré dans les années 90 à Paris. Un crobard vite fait, simple et percutant.
Encore plus près, Tignous me fait immédiatement penser à mes deux années passées à Castelnaudary, aux Croquignous, les joyeux drilles qui organisent le festival de la caricature, aux miroirs du café de l'Industrie ornés le temps d'une soirée (arrosée, forcément arrosée) de dessins éphémères.
Une fois mes dernières larmes séchées, je vais me replonger dans les BD de Cabu, Wolinski, Tignous, Charb et Honoré. Et mercredi prochain, j'irai acheter le nouveau Charlie Hebdo. 

(Chronique écrite le 8 janvier et parue le 9 janvier en dernière page de l'Indépendant)