jeudi 15 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Spéculer sur des cadavres

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Parmi les milliers d'acheteurs du Charlie Hebdo des survivants paru hier, combien n'ont pas fait le déplacement par militantisme ou soutien mais juste pour tenter de réaliser une «affaire » ? Déjà, au lendemain de l'attentat, certains vendaient sur ebay l'exemplaire des caricatures ou le dernier sorti (Houellebecq en couverture) à des sommes astronomiques. Ce sont sans doute les mêmes qui ont raisonné en bon petits spéculateurs prêts à se faire du fric sur des cadavres encore chauds. Si tout le monde veut l'acheter, la demande va forcément dépasser l'offre. Donc, selon un principe économique inéluctable, les rares vendeurs pourront faire monter les enchères et céder 30 ou 300 euros un journal qui normalement en vaut 3. Du capitalisme primaire, comme celui qu'exécrait Bernard Maris, chroniqueur économique de l'hebdo, lui aussi tombé sous les balles des fondamentalistes. « Mais c'est la loi du marché » répliquent les spéculateurs (personnes, selon moi, aussi répugnantes que les charognards). Peut-être. Mais là, on parle d'un journal satirique, la création d'humoristes, d'artistes, de journalistes. Même si « Je suis Charlie » a failli devenir une marque déposée, ce journal ne sera jamais un bien de consommation comme les autres. Et puis de toute manière, il en arrivera d'autres ce matin dans les kiosques. Et après-demain aussi. 7 millions au total. Non seulement les terroristes n'ont pas tué Charlie, mais ils lui ont permis d'être lu dans le monde entier.
Chronique "De choses et d'autres" parue le 15 janvier en dernière page de l'Indépendant. 

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